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FEWO Rapport du Comité

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CHAPITRE VI. VERS UN BUDGET SENSIBLE
À LA SEXOSPÉCIFICITÉ

Le présent chapitre vise à donner des indications générales sur les mesures que le Canada peut prendre pour concevoir des budgets sensibles à la sexospécificité. Il traite des leçons tirées de l’expérience d’autres pays en matière de budgétisation sensible à la sexospécificité, présente les principales mesures à prendre au moment de concevoir un budget sensible à la sexospécificité et renferme des recommandations visant à assurer que le budget fédéral soit sensible à la sexospécificité.

Le Comité a appris qu’il n’existe « pas de recette unique » quant à l’approche que doit adopter le Canada pour établir un budget sensible à la sexospécificité. Ce qui importe, c’est de « garder cette approche simple et non pénible », surtout pour les fonctionnaires[199]. Un témoin a déclaré au Comité que « le Canada doit choisir ce qui fonctionne dans son contexte particulier[200] ». Parallèlement, le Comité a appris qu’un exercice budgétaire sensible à la sexospécificité doit faire en sorte que « le genre soit considéré comme une partie intégrante dès le départ, lors de l’analyse[201] ».

A. Leçons tirées de l’expérience d’autres pays

Dans son témoignage, M. Bartle a parlé des éléments suivants qui sont essentiels au succès des initiatives de budgétisation sensible à la sexospécificité.

  1. Adhésion des acteurs de l’État et de la société civile;
  1. Intégration de la sexospécificité aux budgets de tous les ordres de gouvernement;
  1. Existence d’un contexte politique et de valeurs sociales propres à l’acceptation;
  1. Intégration de l’analyse comparative entre les sexes à toutes les étapes du cycle budgétaire;
  1. Disponibilité de compétences techniques et de données[202].

Des témoins ont décrit au Comité diverses expériences relatives à la mise en œuvre d’initiatives de budgétisation sensible à la sexospécificité par divers ordres de gouvernement. L’exemple le mieux connu est celui de l’Australie. Le gouvernement australien est considéré comme un pionnier dans ce domaine depuis qu’il a commencé à inclure un énoncé budgétaire sur les femmes dans ses documents budgétaires en 1984[203]. Comme Mme Sharp l’a expliqué au Comité, il s’agissait d’une budgétisation sexospécifique « par les « fémocrates », ce qui veut dire que les responsables en étaient les bureaucrates chargés d'élaborer la politique relative aux femmes dans l'appareil gouvernemental[204] ». Le nouveau gouvernement arrivé au pouvoir en 1996 a « aboli l'exercice du type fémocrate et l'[a] remplacé par un énoncé budgétaire ministériel présenté chaque année[205] ». Mme Sharp a signalé au Comité qu’une erreur a été commise puisque l’initiative budgétaire sensible à la sexospécificité n’était pas durable dans un climat économique et politique en évolution :

En Australie, nous avons commis l'erreur de croire que nous pourrions avoir le même modèle éternellement. La situation change, en particulier le climat économique et politique. Au début ou au milieu des années 1990, nous avons adopté un discours différent selon lequel le rôle du gouvernement devait être réduit constamment. Quand nous avions introduit la budgétisation tenant compte de l'égalité des sexes, c'était dans un environnement économique davantage keynésien, où il était possible d'obtenir des hausses importantes du budget consacré aux dossiers des femmes. Quand cet environnement a changé, nous n'avions pas vraiment de stratégie, sinon d'empêcher le pire d'arriver[206].

Le Comité a appris qu’un processus de consultation est en place au gouvernement mais que ce qui « manque […], c'est un mouvement fort à l'extérieur du gouvernement qui exercerait des pressions en matière budgétaire[207] ».

Le Comité a aussi pris connaissance de l’expérience de l’Afrique du Sud relative aux budgets sensibles à la sexospécificité. Mme Budlender a expliqué que deux provinces sud-africaines ont fait des progrès dans l’institutionnalisation de la budgétisation sexospécifique. Les ministères provinciaux décrivent dans leur budget annuel les « allocations censées contribuer le plus à l'égalité entre les sexes et au développement de la jeunesse ». De plus, « il doit y avoir un rapport sur les résultats du sous-programme qui obtient le plus d'argent[208] ». À l’échelle nationale, un comité parlementaire des femmes charge Mme Budlender de « l'aide[r] à analyser le budget et à préparer son rapport sur le budget, et [de] partage[r] d'autres compétences avec eux[209] ».

L’expérience du Parlement écossais relative à la conception d’un budget sensible à la sexospécificité a été racontée par une représentante du Scottish Women’s Budget Group, un organisme de la société civile en Écosse qui, à force d’exercer des pressions, a convaincu le Scottish Equal Opportunities Committee de nommer une conseillère spéciale en matière de budget. Ailsa McKay, qui est présentement nommée comme conseillère spéciale, a aidé le comité à examiner le budget en tenant compte des différences entre les sexes et à rédiger un rapport qui a été présenté au Comité des finances. Mme McKay a décrit son travail :

J'ai ensuite été appelée à fournir des conseils au sujet des témoins que le comité pourrait souhaiter entendre sur le contenu du budget écossais, à donner aux membres du comité des conseils sur les questions qu'il conviendrait de poser à ces témoins, à informer les membres du comité au sujet du contenu du budget, en insistant particulièrement sur les aspects touchant plus nettement les questions d'égalité ou, très souvent également, des aspects où ces questions n'étaient pas évidentes; et à enfin, participer à l'élaboration de la réponse écrite du comité sur l'égalité des chances au comité des finances du Parlement écossais, ce qui fait partie du processus formel d'examen[210].

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Un quatrième exemple a été présenté au Comité; il concernait cette fois San Francisco, une municipalité qui fait partie des vingt plus grandes villes des États-Unis avec quelque 750 000 habitants et un budget d'environ 6 milliards de dollars[211]. Selon Mme Rubin, San Francisco a adopté son propre règlement CEDAW en 1998, les États-Unis ayant décidé de ne pas ratifier cette Convention.

Le règlement exige que, lors de la révision de leurs politiques en matière d'emploi, d'affectations budgétaires et d'octroi des services et des ressources, les services de l'administration municipale s'appuient sur une analyse comparative entre les sexes et les droits de la personne[212].

Pour cela, ce règlement exige que « les services de l'administration municipale procèdent à une analyse comparative entre les sexes dans trois secteurs : les affectations budgétaires, l'octroi de services et les pratiques en matière d'emploi[213] ». Mme Rubin a expliqué comment l’analyse comparative entre les sexes a révélé aux employés du Service des travaux publics l’incidence de leurs dépenses sur les femmes :

Lorsque le Service des travaux publics a d'abord été approché, il a dit que la répartition des trottoirs et l'éclairage des rues n'avaient rien à voir avec l'égalité entre les sexes.

Tout le monde est affecté par cette réalité. Le service responsable du statut de la femme et d'autres personnes de San Francisco se sont donc concertés et ont travaillé avec le service. Tous ont alors pris conscience, par exemple, que l'on fait des aménagements aux trottoirs pour accommoder les fauteuils roulants et les poussettes, et que la majorité des personnes qui poussent ces fauteuils roulants et ces poussettes sont des femmes. Il y a donc un impact manifeste. Tous ces gens ont aussi constaté qu'en matière d'éclairage de rue ce sont les femmes qui sont le plus à risque d'être victimes de crimes dans certains secteurs près des parcs et dans d'autres secteurs plus sombres.

Ces gens ont fini par prendre conscience que plusieurs de leurs dépenses ont des répercussions sexospécifiques, mais […] ils ont beaucoup de mal à recueillir les données nécessaires pour documenter ces répercussions[214].

Mme Rubin a signalé au Comité que le leadership et la participation de la société civile sont les deux principaux critères qui ont favorisé la mise en œuvre de l’initiative budgétaire sensible à la sexospécificité à San Francisco.

Le dernier exemple qui a été présenté au Comité concerne une initiative budgétaire sensible à la sexospécificité qui a été mise en œuvre chez nous. Condition féminine Canada a accordé des fonds au United Nations Platform for Action Committee (UNPAC) du Manitoba afin qu’il mette en œuvre son projet de budgétisation sexospécifique. Dans le cadre de ses efforts à cet égard, l’UNPAC a fait campagne en faveur de l’intégration de l’analyse comparative entre les sexes au processus budgétaire du Manitoba. Il a rencontré le ministre des Finances et des hauts fonctionnaires qui ont dit souhaiter « que les compétences en matière d’analyse comparative entre les sexes et d’analyse de la diversité soient améliorées chez les fonctionnaires provinciaux ». UNPAC a participé à l’élaboration de projets pilotes pour « tester l’utilisation de l’ACS et renforcer sur le plan interne les compétences dans ce domaine[215] ». La première étape comportait l’établissement par la province d’un ordre de priorité pour les analyses de « la situation des femmes et des hommes, des garçons et des filles autochtones, ainsi que des femmes et des hommes, des garçons et des filles handicapés[216] ». Une fois les priorités établies, une formation a été offerte aux gestionnaires de programme et aux analystes de politiques dans plusieurs ministères, notamment Services à la famille et Logement Manitoba. Lissa Donner, bénévole auprès d’UNPAC et chercheuse autonome sur les questions touchant les femmes et la sexospécificité, a mentionné au Comité que les activités de formation et de recherche de Services à la famille et Logement Manitoba ont révélé ce qui suit :

En 2001, plus de 60 000 habitants de Winnipeg avaient un besoin impérieux de logement. En tenant compte du sexe dans notre analyse, nous avons découvert qu'il était plus fréquent que les femmes aient un besoin impérieux de logement. À Winnipeg et au Manitoba dans son ensemble, 100 hommes étaient dans cette situation par rapport à 125 femmes. D'entrée de jeu, on peut donc voir que la simple désagrégation des données selon le sexe a fait une grande différence pour ce qui est de notre compréhension de la situation[217].

B. Principales étapes de l’établissement d’un budget sensible à la sexospécificité

Le Comité est d’avis que les mesures ci-après devraient être prises en considération au moment de concevoir un budget sensible à la sexospécificité.

1. Intégrer le contexte de la vie des femmes

À maintes reprises, des témoins ont signalé au Comité que le contexte de la vie des femmes doit faire partie intégrante d’une approche budgétaire sensible à la sexospécificité. Mme Peckford fait remarquer que l’approche budgétaire actuelle de Finances Canada ne peut être considérée comme étant sensible aux différences entre les sexes.

Ce que je constate, relativement à l'analyse comparative entre les sexes à laquelle nous avons pu avoir accès, c'est qu'un grand nombre de mesures sont analysées, mais, dans certains cas, ces mesures n'ont absolument rien à voir avec la vie de la plupart des femmes, et elles n'ont absolument aucune incidence sur leur statut de personnes égales, leur participation à l'économie, ou la façon dont elles soutiennent leurs familles[218].

Mme Peckford a expliqué au Comité qu’un budget sensible à la sexospécificité aide à faire comprendre « ce qui désavantage économiquement les femmes, en particulier dans leur milieu[219] ».

Mme Lahey abondait dans le sens de Mme Peckford et elle a ajouté que les analystes qui entreprennent l’établissement d’un budget sensible à la sexospécificité doivent pouvoir effectuer des recherches sur « les réalités de la vie des femmes[220] ».

2. Élaborer un plan d’action bien pensé comportant des indicateurs clés pour mesurer les progrès accomplis

Il a été annoncé dans le budget 2008 que le gouvernement fédéral élaborera un « plan d’action visant à faire progresser l’égalité des femmes au Canada grâce notamment à l’amélioration de leurs conditions économiques et sociales et à leur plus grande participation à la vie démocratique[221] ». Mme Peckford a dit craindre qu’un tel plan d’action ne puisse être mis à exécution :

Je crains seulement qu'un plan d'action ne devienne un exercice bureaucratique, qu'il ne soit pas musclé, qu'il donne l'impression d'être parfait d'après la description, et [qu’il ressemble] à toutes sortes d'autres plans d'action exécutés dans le monde entier, mais que Condition féminine Canada soit chargé de le mettre en œuvre sans pouvoir obliger les décideurs aux niveaux supérieurs du gouvernement à le mettre en œuvre[222].

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Parallèlement, elle a fait remarquer que le plan d’action est l’occasion de se pencher sur les besoins particuliers des femmes et d’améliorer l’analyse comparative entre les sexes déjà mise en place au gouvernement fédéral. Elle a également signalé la nécessité d’avoir des indicateurs pour mesurer les progrès accomplis.

Mais, vu l'engagement pris par le gouvernement vis-à-vis du plan d'action, nous avons maintenant l'occasion, à mon avis, de l'examiner en profondeur en vue d'améliorer et d'enrichir la stratégie qui sous-tend l'analyse comparative entre les sexes, aussi faible et marginale soit-elle. L'un des moyens clés à prendre pour y arriver — et c'est justement ce qui manquait en action fédérale pour l'égalité des femmes — consiste à élaborer une série d'indicateurs qui vous aident à définir le succès[223].

Mme Peckford a aussi mentionné au Comité que le plan d’action doit obtenir l’adhésion du gouvernement. À l’instar du Groupe d’expertes sur les mécanismes de responsabilisation pour l’égalité entre les sexes, elle a recommandé que le gouvernement affirme son engagement à l’égard de l’égalité entre les sexes dans le discours du Trône[224].

[L]’une des recommandations du groupe d'expert[e]s faisait état du fait que l'une des meilleures indications de l'engagement d'un gouvernement vis-à-vis de l'égalité des sexes et de l'égalité des femmes est justement la mention de cet engagement dans le discours du Trône. D'après le groupe d'expert[e]s, il convient de se servir du discours du Trône pour définir nos objectifs plus généraux et notre vision en ce qui concerne l'égalité des femmes. Or depuis plusieurs années, le discours du Trône de différents gouvernements ne saisit pas cette occasion. Pour moi, le moment est venu de le faire[225].

3. Poser les bonnes questions

Le Comité a appris qu’au moment d’entreprendre un exercice budgétaire sensible à la sexospécificité, les responsables de l’analyse doivent établir une liste de questions et y répondre. Mme Peckford a donné des exemples de questions :

  • L’initiative budgétaire renforce-t-elle l’indépendance économique des femmes?
  • Aide-t-elle les femmes à faible revenu à dépasser le seuil de faible revenu?
  • Si l’initiative budgétaire est une mesure fiscale, est-elle remboursable?
  • Les femmes dont l’accès à l’emploi est limité sont-elles prises en compte?
  • L’initiative budgétaire permet-elle aux femmes d’accéder équitablement aux services essentiels?
  • Des indicateurs ont-ils été élaborés en consultation avec d’autres experts et des organisations qui luttent pour l’égalité des femmes[226]?

4. Intégrer la sexospécificité au cycle budgétaire

Le Comité a appris qu’un exercice budgétaire sensible à la sexospécificité doit faire partie intégrante de toutes les étapes du processus budgétaire.

Il importe de considérer toutes les étapes depuis le début, lorsque l'exécutif élabore le budget, puis le soumet à l'assemblée législative, qui l'adopte. Il faut étudier explicitement cette étape également[227].

Le tableau ci-dessous intitulé «Intégration de la budgétisation sensible aux différences entre les sexes au processus budgétaire» montre de quelle façon la sexospécificité en tant que variable s’intègre à toutes les étapes du cycle budgétaire.

Tableau 4 – Intégration de la budgétisation sensible aux différences entre les sexes au processus budgétaire[228]

Étape du processus budgétaire

Initiatives

Préparation du budget

  1. Initiatives budgétaires sexospécifiques énoncées dans la politique budgétaire principale de l’exécutif.
  2. Politiques sexospécifiques intégrées aux lignes directrices budgétaires générales et instructions du bureau central du budget.
  3. Priorités sexospécifiques établies pour les affectations budgétaires des ministères destinées à des organismes particuliers.

Approbation du budget

  1. Élaboration de lignes directrices sexospécifiques pour les lois sur les dépenses et les revenus dans le cadre global de la prise de décisions législatives.
  2. Intégration d’une terminologie sexospécifique dans l’établissement de nouveaux programmes et organismes.
  3. Utilisation de lignes directrices tenant compte des différences entre les sexes pour l’affectation des ressources discrétionnaires.
  4. Ajout de résultats sexospécifiques dans les notes financières qui accompagnent les nouvelles mesures législatives sur les dépenses et les revenus.

Exécution du budget

  1. Élaboration de lignes directrices lorsque les organes législatifs donnent une certaine latitude aux ministères.
  2. Élaboration de lignes directrices relatives aux différences entre les sexes pour l’impartition, les marchés et le versement de subventions.
  3. Application d’objectifs sexospécifiques dans la dotation en personnel.

Vérification et évaluation

  1. Intégration de la sexospécificité dans les vérifications financières qui mettent l’accent sur les dépenses et la conformité.
  2. Intégration de la sexospécificité dans les vérifications de rendement qui mettent l’accent sur le rendement et les résultats.
  3. Vérification du respect des lignes directrices et objectifs relatifs aux différences entre les sexes.

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5. Utiliser les outils d’analyse adéquats

Des témoins ont signalé au Comité qu’il est nécessaire d’avoir un ensemble d’outils et de modèles analytiques pour être en mesure d’analyser un budget sensible à la sexospécificité.

L'expérience acquise dans d'autres pays démontre que divers outils servent à créer des modèles analytiques permettant notamment d'analyser la répartition des revenus. Ces outils sont par exemple les audits selon le sexe, les évaluations des répercussions sur les sexes, les évaluations des avantages ventilées selon le sexe, l'analyse de l’incidence des dépenses gouvernementales ventilées selon le sexe et les énoncés budgétaires tenant compte des considérations liées à l’égalité entre les sexes[229].

Selon Mme Lahey, « [l’u]n des éléments fondamentaux d'une bonne analyse comparative entre les sexes est de ne pas faire de suppositions, de ne pas utiliser la pensée stéréotypée, mais d'utiliser les données réelles[230]».

6. Assurer la durabilité

Plusieurs témoins ont mentionné au Comité qu’une approche budgétaire sensible à la sexospécificité doit être durable.

Le critère, au fond, est de voir si le budget sexospécifique peut survivre aux changements de gouvernement. Cela a toujours été le problème. Il faut justifier le travail nécessaire, mais nous avons constaté que cela fonctionne, et il me semble que, plus que toute autre chose, c'est une question d'engagement[231].

Le prochain chapitre traite plus à fond de la durabilité que peuvent assurer un cadre législatif et des vérifications.

7. Faire participer la société civile au processus budgétaire

De nombreux témoins ont signalé au Comité que l’efficacité d’un exercice budgétaire sensible à la sexospécificité nécessite la participation de la société civile. Mme Philipps a décrit le rôle de la société civile de la façon suivante :

Il doit y avoir des organisations de la société civile qui suscitent des aspirations, réclament l'analyse sexospécifique, proposent une analyse indépendante pour passer en revue ce que le gouvernement fait pour qu'il finisse par, d'abord, faire l'analyse lui-même et, ensuite, la rendre efficace[232].

Les témoins ont mentionné au Comité que le processus de consultation prébudgétaire de Finances Canada doit s’étendre à un éventail plus large d’organisations de femmes. Des consultations plus vastes sont nécessaires pour élaborer un budget sensible à la sexospécificité.

Finances Canada a déclaré avoir reçu des mémoires de plusieurs organisations de femmes, mais il n’a pas précisé lesquelles ont été rencontrées au cours des consultations prébudgétaires de 2008. D’après un témoin, seul un petit nombre d’organisations féminines ont été rencontrées, ce qui est insuffisant pour bien refléter les besoins de femmes.

[Le] niveau [actuel] de consultation et les conditions dans lesquelles des consultations de ce genre se déroulent sont tout simplement insuffisants pour permettre d'en arriver à un budget qui tienne réellement compte des besoins des deux sexes et qui reconnaisse les réalités économiques des femmes en essayant d'y réagir de façon positive[233].

C. La voie à suivre

Le Comité félicite Finances Canada d’avoir entrepris l’intégration des différences entre les sexes à son analyse des modifications aux politiques fiscales, mais il s’inquiète du fait que l’analyse effectuée ne tient pas compte du contexte de la vie des femmes ni n’intègre les objectifs de l’égalité des sexes à son cadre général[234]. Des témoins ont mentionné au Comité que l’ACS des budgets fédéraux récents fournie par Finances Canada n’est pas fondée sur des preuves. De plus, le Comité est préoccupé par le fait que Finances Canada n’a pas cherché à intégrer des données de Statistique Canada afin d’améliorer son analyse. Mme Lahey a notamment déclaré au Comité que l’analyse du compte d’épargne libre d’impôt du budget de 2008 effectuée par Finances Canada ne tient pas compte de données de Statistique Canada qui démontrent que « les familles dont le revenu se situe dans les deux ou trois derniers quintiles demeurent nettement endettées année après année » et sont donc incapables d'épargner, de quelque façon que ce soit[235]. Le Comité est également préoccupé par le fait que Finances Canada ne s’est pas suffisamment efforcé de faire appel au savoir-faire des organisations de femmes, étape qu’il juge important pour faire progresser la budgétisation sensible à la sexospécificité. Enfin, dans le but d’accroître la transparence, le Comité souhaite qu’à l’avenir, toute analyse comparative entre les sexes effectuée par Finances Canada fasse l’objet d’une plus grande distribution et qu’elle figure donc dans la publication officielle du budget. Par conséquent,

RECOMMANDATION 18

Le Comité recommande que Finances Canada, en collaboration avec Condition féminine Canada, élabore un plan d’intégration de la sexospécificité dans le cycle budgétaire d’ici janvier 2010, et que Finances Canada fasse rapport au Comité de l’état d’avancement de ce plan en mai 2009.

RECOMMANDATION 19

Le Comité recommande qu’à compter du prochain budget fédéral, Finances Canada tienne de vastes consultations prébudgétaires, notamment auprès d’organisations de femmes, afin d’établir un budget sensible à la sexospécificité qui tienne compte du contexte de la vie des femmes, qu’un rapport traitant des questions soulevées soit publié, et que le budget fédéral prenne en considération les questions et les recommandations présentées par les organisations de femmes.

RECOMMANDATION 20

Le Comité recommande que Finances Canada publie et que le ministre des Finances dépose au Parlement, avec tous les futurs budgets fédéraux, l’analyse comparative entre les sexes des mesures budgétaires préparée par Finances Canada.


[199]         Debbie Budlender, chercheuse spécialisée, Agence communautaire pour enquête sociale, Afrique du Sud, FEWO Témoignages, 10 décembre 2007 (1540).

[200]         Clare Beckton, coordonnatrice, CFC, FEWO Témoignages, 10 décembre 2007 (1555).

[201]         Marilyn Rubin, professeure en administration publique et en économie, John Jay College of Criminal Justice, City University of New York, FEWO Témoignages, 3 avril 2008 (1030).

[202]         John R. Bartle, directeur et professeur, École d’administration publique, Université du Nebraska à Omaha, FEWO Témoignages, 3 décembre 2007 (1535).

[203]         Voir notamment Diane Elson, Budgeting for Women’s Rights: Monitoring Government Budgets for Compliance with CEDAW, UNIFEM, mai 2006, p. 39.

[204]         Rhonda Sharp, professeure d’économie, Hawke Research Institute for Sustainable Societies, Université de l’Australie du Sud, FEWO Témoignages, 5 décembre 2007 (1610).

[205]         Ibid.

[206]         Ibid.

[207]         Ibid.

[208]         Debbie Budlender, chercheuse spécialisée, Agence communautaire pour enquête sociale, Afrique du Sud, FEWO Témoignages, 10 décembre 2007 (1535).

[209]         Ibid.

[210]         Ailsa McKay, professeure d’économie, Université Glasgow Caledonian , FEWO Témoignages, 3 avril 2008 (0910).

[211]         Marilyn Rubin, professeure en administration publique et en économie, John Jay College of Criminal Justice, City University of New York, FEWO Témoignages, 3 avril 2008 (1000).

[212]         Ibid.

[213]         Ibid. (1005).

[214]         Ibid. (1025).

[215]         Lissa Donner, United Nations Platform for Action Committee Manitoba, FEWO Témoignages, 5 décembre 2007 (1605).

[216]         Ibid.

[217]         Ibid.

[218]         Nancy Peckford, directrice de programmes, Alliance canadienne féministe pour l’action internationale, FEWO Témoignages, 10 décembre 2007 (1650).

[219]         Ibid. (1600)

[220]         Kathleen Lahey, professeure, Institute of Women’s Studies, Université Queen’s, FEWO Témoignages, 1er avril 2008 (1055).

[221]         Gouvernement du Canada, Le plan budgétaire de 2008 – Un leadership responsable, février 2008, p. 124.

[222]         Nancy Peckford, directrice de programmes, Alliance canadienne féministe pour l’action internationale, FEWO Témoignages, 13 mars 2008 (1010).

[223]         Ibid. (1030).

[224]         Groupe d’expertes sur les mécanismes de responsabilisation pour l’égalité entre les sexes, L’égalité pour les femmes : Au-delà de l’illusion, Rapport final, décembre 2005, p. 9.

[225]         Nancy Peckford, directrice de programmes, Alliance canadienne féministe pour l’action internationale, FEWO Témoignages, 13 mars 2008 (1010).

[226]         Nancy Peckford, directrice de programmes, Alliance canadienne féministe pour l’action internationale, FEWO Témoignages, 1er avril 2008 (0945; 0950).

[227]         John R. Bartle, directeur et professeur, École d’administration publique, Univeresité du Nebraska à Omaha, FEWO Témoignages, 3 décembre 2007 (1615).

[228]         Marilyn M. Rubin et John R. Bartle, « Integrating Gender into Government Budgets: A New Perspective », Public Administration Review, vol. 65, no 3, 2005, p. 264.

[229]         Clare Beckton, coordonnatrice, CFC, FEWO Témoignages, 10 décembre 2007 (1545).

[230]         Kathleen Lahey, professeure, Institute of Women’s Studies, Université Queen’s, FEWO Témoignages, 1er avril 2008 (0925).

[231]         John R. Bartle, directeur et professeur, École d’administration publique, Université du Nebraska à Omaha, FEWO Témoignages, 3 décembre 2007 (1540).

[232]         Lisa Philipps, professeure agrégée, Osgoode Hall Law School, Université York, FEWO Témoignages, 28novembre (1555).

[233]         Nancy Peckford, directrice de programmes, Alliance canadienne féministe pour l’action internationale, FEWO Témoignages, 13 mars 2008 (0945).

[234]         Voir les annexes A et B pour une comparaison de l’ACS de Finances Canada et de celle de témoins qui ont présenté leur propre analyse des modifications aux politiques fiscales.

[235]         Kathleen Lahey, professeure, Institute of Women's Studies, Université Queen’s, FEWO Témoignages, 15 avril 2008 (0930). Voir aussi l’annexe B, « ACS du compte d’épargne libre d’impôt », qui présente les analyses soumises par Finances Canada, Condition féminine Canada et Kathleen Lahey.

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