Passer au contenu
Début du contenu

FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document







CANADA

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 006 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 2 mars 2009

[Enregistrement électronique]

  (1535)  

[Traduction]

    Je déclare ouverte la sixième séance du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international en ce lundi 2 mars 2009. Aujourd'hui, nous poursuivons notre examen des éléments clés de la politique étrangère du Canada.
    Au nom du gouvernement, je souhaite la bienvenue aux deux témoins que nous accueillons cet après-midi. Je signale que nous n'avons pas d'autres témoins pour la deuxième heure; nous espérons donc que nos deux invités pourront passer plus d'une heure avec nous.
    Nous accueillons donc M. Peter Harder, conseiller principal chez Fraser Milner Casgrain et, à titre personnel, James H. Taylor.
    M. Harder a témoigné plusieurs fois devant notre comité. Nous savons qu'il n'y a pas si longtemps, il a été sous-ministre au gouvernement du Canada. Il a été sous-ministre possédant la plus longue feuille de route au sein du gouvernement du Canada, où il a été, notamment, sous-ministre des Affaires étrangères et du Commerce international. Pendant notre entretien, avant la réunion, il m'a dit qu'il avait été sous-ministre sous cinq premiers ministres. Il a également coprésidé le Groupe de travail stratégique Canada-Chine. En l'an 2000, la Gouverneure générale lui a remis le prix pour services insignes de la fonction publique du Canada. Il est actuellement expert-conseil et siège à de nombreux conseils d'administration.
    M. James Taylor est officier de l'Ordre du Canada et compte une longue expérience au sein du service extérieur du Canada; il a notamment été ambassadeur du Canada au Japon de 1989 à 1993. Il a été chancelier de l'Université de McMaster de 1992 à 1998 et il est maintenant à la retraite. Nous le remercions d'avoir pris le temps de venir nous entretenir aujourd'hui.
    Nous vous donnons chacun 10 minutes environ pour faire vos remarques liminaires. Il y aura ensuite une période de questions. Chaque intervention sera de sept minutes.
    Je constate en lisant le c.v. de M. Taylor qu'il a aussi été sous-ministre des Affaires étrangères. Nous lui savons donc gré d'avoir bien voulu nous faire part, avec M. Harder, des fruits de son expérience et de ses connaissances. Nous sommes impatients de vous entendre.
    Monsieur Taylor, si vous voulez bien commencer.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, c'est un honneur pour moi que d'avoir été invité à témoigner.
    Vous étudiez actuellement les relations entre le Canada et les États-Unis. J'ai récemment rédigé un article sur ce sujet dans le cadre du projet de l'Université Carleton. Tous les articles ont été mis à votre disposition, je crois, et je ne répéterai donc pas ce que j'y ai écrit. Plutôt, étant donné que le sujet est vaste et complexe, je m'attarderai sur deux aspects seulement. Mes remarques constitueront le complément de ma contribution au projet de l'Université Carleton.
    Le premier sujet est celui de l'Afghanistan, lequel est lié au terrorisme. Grâce au rapport Manley, le Parlement a dégagé un consensus sur la nature et les limites de l'engagement du Canada en Afghanistan. Il n'y a pas eu unanimité, mais le consensus a été suffisamment large pour que nos soldats et nos représentants civils en Afghanistan puissent compter sur l'appui solide du pays, quelles que soient les divergences politiques qui restent.
    Comme citoyen, j'ai trouvé que c'était un exploit important. Une des plus grandes responsabilités d'un gouvernement ou d'un Parlement est de demander, au nom du pays, à ses soldats et à d'autres de risquer leur vie dans une guerre. Tous conviennent qu'une telle décision ne peut être prise qu'après le plus consciencieux des examens et avec le plus large appui politique possible.
    Pour l'instant, le débat sur la participation du Canada à la mission en Afghanistan est en suspens. Toutefois, à la lumière de la nouvelle approche adoptée par l'administration Obama à Washington, le Canada et ses alliés devront reprendre la discussion sous peu. Il sera alors important d'éviter la confusion intellectuelle qui a caractérisé les discussions précédentes.
    Avant de nous prononcer sur ce que nous devrions faire en Afghanistan, nous devons nous rappeler pourquoi l'alliance y est intervenue au départ. À l'origine, on cherchait al-Qaïda, les auteurs des atrocités du 11 septembre, on voulait capturer et punir les auteurs de ces atrocités et faire en sorte que l'Afghanistan ne serve pas de base de sanctuaire pour des terroristes fomentant d'autres complots.
    Ce faisant, l'OTAN a eu affaire aux talibans, l'allié et le protecteur local d'al-Qaïda. En s'en prenant aussi aux talibans, on a dû affronter une forme violente d'extrémisme visant la reconquête du pouvoir en Afghanistan et l'imposition d'un projet réactionnaire de société. Après des années de lutte, la distinction qu'on faisait au départ entre ces deux groupes s'est estompée. Les talibans tout autant qu'al-Qaïda sont devenus l'ennemi et l'idée d'empêcher l'Afghanistan de devenir un sanctuaire pour terroristes a fini par s'inscrire dans un vaste programme de réforme politique, sociale, économique et culturelle touchant non seulement l'Afghanistan mais aussi le Pakistan.
    Quand on a demandé au président Obama ce qu'on pourrait raisonnablement penser accomplir en Afghanistan, il est intéressant de noter qu'il a répondu qu'on pouvait encore atteindre l'objectif premier mais que le vaste programme de réforme ne pourrait se réaliser facilement ou rapidement. J'en déduis que la nouvelle administration américaine a conclu que le concept de la guerre contre le terrorisme embrassé par son prédécesseur avait été mal avisée. Les États-Unis estiment maintenant qu'ils pourront prétendre à une victoire militaire en Afghanistan seulement s'ils empêchent ce pays de se transformer en sanctuaire pour les terroristes, et que les réformes politiques, sociales et économiques nécessaires dans ce pays, l'un des plus pauvres au monde, constituent une mission à beaucoup plus long terme que l'OTAN ne réalisera pas en s'engageant dans une guerre sans fin et qui, en dernière analyse, appartient au peuple afghan, malgré toute l'aide que d'autres pays veulent lui apporter.

  (1540)  

    Manifestement, dans le dossier de l'Afghanistan, il faudra une réorientation politique et une collaboration plus étroite entre le Canada et les États-Unis, ainsi qu'au sein de l'OTAN. L'autre dossier est celui du désarmement nucléaire. C'est un sujet qui a reçu moins d'attention. Le président Obama n'en a fait qu'une brève mention dans son discours inaugural. Il a déclaré: « Avec nos vieux amis et nos anciens amis, nous travaillerons sans relâche à amoindrir la menace nucléaire ». C'est bien peu. Le vice-président Biden, toutefois, a fait une déclaration à la conférence sur la sécurité de Munich sur l'amélioration des relations avec la Russie qui indique que le désarmement nucléaire est au programme de la nouvelle administration américaine.
    Cette idée fait d'ailleurs de plus en plus d'adeptes aux États-Unis. Dans une lettre parue dans le Wall Street Journal du 4 janvier 2007 et intitulée « Un monde sans armes nucléaires » à quatre éminents acteurs de la guerre froide, deux anciens secrétaires d'État républicains, Henry Kissinger et George Shultz, et deux éminents démocrates, William Perry, ancien secrétaire à la défense, et Sam Nunn, ancien président du Comité du Sénat sur les forces armées ont appelé « les dirigeants américains à mener le monde vers une nouvelle étape, vers un consensus solide sur la nécessité de ne plus dépendre, à l'échelle mondiale, des armes nucléaires et ainsi contribuer à prévenir leur prolifération là où on pourrait en faire un usage dangereux. Ils ont conclu que si les États-Unis préconisaient un monde sans armes nucléaires et prenaient les mesures nécessaires pour atteindre cet objectif, cette initiative audacieuse serait considérée comme étant conforme à l'héritage moral de l'Amérique. »
    Depuis 2007, les auteurs de cette lettre étaient pour cette vision et jouissent maintenant de l'appui de quelque 70 p. 100 des secrétaires d'État, un secrétaire à la défense et un conseiller à la sécurité nationale des États-Unis encore vivants. On comprend pourquoi cette initiative plaît à la nouvelle administration: elle est bipartisane et n'a pas été lancée par des politiciens américains de gauche, mais plutôt par ceux qui sont au coeur de l'establishment de sécurité.
    L'enjeu nucléaire revêt de plus en plus d'importance avec l'augmentation du risque de prolifération, par exemple, en Corée du Nord et en Iran, et de voir des armes nucléaires tomber aux mains de terroristes dans des régions instables. On s'inquiète notamment de la situation du Pakistan où A.Q. Khan, le père de la bombe nucléaire du Pakistan et un défenseur bien connu de la prolifération, a récemment été remis en liberté après cinq ans d'assignation à résidence. On invoque de plus en plus les besoins en énergie pour élargir les programmes nucléaires civils puisque la technologie servant à ces programmes peut aussi mener à la construction d'armes. Le risque de prolifération est en hausse, mais les arguments qu'on invoquait auparavant pour justifier l'existence d'armes nucléaires ont perdu leur pertinence avec la fin de la guerre froide il y a 20 ans.
    On estime qu'à l'heure actuelle il y a quelque 25 000 armes nucléaires dans le monde. Les stocks les plus importants sont détenus par la Russie. On croit que, ensemble, la Russie et les États-Unis détiennent au moins 90 p. 100 des stocks mondiaux. Les cinq pays qui reconnaissent posséder des armes nucléaires, la Grande-Bretagne, la France, la Chine, l'Inde et le Pakistan, et les deux puissances nucléaires qui refusent de s'affirmer comme tel, la Corée du Nord et Israël, détiendraient environ 1 000 armes nucléaires ensemble. En outre, il y aurait environ 3 000 tonnes de matières fissiles dans 40 à 50 pays. Selon les agences de renseignements des États-Unis, l'Iran a abandonné son programme d'armes nucléaires en 2003.
    Les auteurs de l'initiative américaine réclament la reprise d'un processus qui s'était amorcé sous Reagan et Gorbachev, qui s'était poursuivi sous George Bush père mais qui avait périclité sous Clinton et George W. Bush, mais qui avait néanmoins d'importantes réductions des stocks américains et russes d'armes nucléaires.

  (1545)  

    Les difficultés sont nombreuses et certains critiques considèrent le projet utopique. En réduisant considérablement leurs stocks d'armes nucléaires, les États-Unis devraient convaincre les autres puissances nucléaires d'en faire autant. Pour ce faire, il faudrait garantir aux pays qui n'ont pas l'arme nucléaire et qui dépendent des États-Unis pour leur sécurité — le Japon, par exemple — qu'ils resteraient en sécurité même après la destruction des armes nucléaires américaines.
    Pour atteindre ce niveau de confiance, il faudrait que la communauté internationale, en tablant sur ce qui existe déjà à l'AIEA, crée un régime de contrôle international plus solide, plus intrusif et plus coûteux pour empêcher la tricherie, et qu'elle détermine quelles sanctions seraient infligées aux tricheurs. C'est une entreprise ambitieuse mais pas impossible et si les États-Unis allaient de l'avant, le Canada devrait être prêt, selon moi, à offrir son soutien diplomatique et technique.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, cela met fin à mon exposé.
    Merci beaucoup, monsieur Taylor.
    Je cède maintenant la parole à M. Harder.
    Merci beaucoup, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité. Comme l'a dit mon ami Cy Taylor, c'est un plaisir et un privilège pour nous d'être ici.
    Dans les discussions que j'ai eues sur le genre d'allocution que je pourrais faire aujourd'hui, on m'a suggéré de prendre un peu de recul et de brosser un tableau des grands changements que connaît la planète et des répercussions qu'il pourrait y avoir sur la politique étrangère du Canada. Le monde subit une transformation comme il n'en a pas connue depuis 100 ans et elle aura une incidence énorme sur le pouvoir politique et économique mondial.
    Permettez-moi de vous en dire un peu plus long à ce sujet. Dans les années 1950 — que personne ici n'a connues, bien sûr — sur les 12 pays les plus populeux, six étaient ce que nous appelons des démocraties occidentales, les pays du G8, soit les États-Unis, le Japon, l'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Italie et la France, et les six autres étaient des économies émergentes ou des pays de ce qu'on appelait alors le tiers monde, soit l'Inde, la Chine, l'Indonésie, l'Union soviétique, et ce qui s'appelait alors le Pakistan oriental.
    En l'an 2000, l'époque de nos souvenirs d'adulte, et ces 12 pays, on ne trouverait que trois des six démocraties occidentales orientales, soit les États-Unis, le Japon et, en deuxième place, l'Allemagne. Des pays qui ne figuraient pas sur la liste de 1950 ont fait leur apparition: le Nigeria, le Mexique et le Bangladesh.
    En l'an 2050, bon nombre d'entre vous seront encore députés et seuls les États-Unis seront encore sur la liste des 12 pays les plus peuplés. Les 11 autres pays seront des pays qui étaient en voie de développement dans les années 1950, les économies émergentes d'aujourd'hui, soit l'Inde et la Chine aux premier et deuxième rangs, les États-Unis au troisième rang, puis l'Indonésie, le Nigeria, le Bangladesh, le Brésil, le Congo, l'Éthiopie, le Mexique et les Philippines. Je ne vous dis pas cela parce que j'estime que le pouvoir politique ou économique est proportionnel au poids démographique, mais simplement pour vous faire comprendre que les pressions qu'exerce la population se sont déplacées et parallèlement, une croissance économique. La mondialisation est liée au poids démographique et celui-ci est donc un élément important de l'économie.
    Jetons un bref coup d'oeil à la transformation de l'économie. D'ici 10 ans, la Chine et les États-Unis représenteront la même part du PIB mondial. D'ici 2025, la Chine représentera environ le quart du PIB mondial et les États-Unis, environ 18 p. 100. D'ici 2045, les pays du BRIC — le Brésil, la Russie, l'Inde et la Chine — auront ensemble un PIB supérieur à celui du G7. Le pouvoir économique se déplace et la crise à laquelle nous faisons face aujourd'hui accélérera peut-être ce changement d'un an ou deux, selon la réaction des différents pays à la crise, mais la réalité, c'est que nous assistons à un changement radical du pouvoir économique et démographique dans le monde.
    Je le répète, il va sans dire que l'influence n'est pas seulement fonction du poids démographique, mais cela nous amène à soulever la question de la place du Canada.
    La plus grande puissance militaire reste sans conteste les États-Unis et, collectivement, l'OTAN, mais nous constatons que, de plus en plus, les menaces à la sécurité mondiale proviennent moins des États que d'acteurs non étatiques et que la menace que représentent les pays en déroute et fragiles est bien plus grande que ce qui avait été reconnu à la chute du mur en 1989.

  (1550)  

    Qu'est-ce que cela signifie pour le Canada? À mon sens, la politique étrangère du Canada devra se fonder sur une approche mondiale, réaliste et internationaliste. Pourquoi mondiale? Parce que notre pays ne peut se contenter, par le biais de sa politique étrangère, d'exercer son influence dans une seule région, que ce soit l'Amérique du Nord ou les Amériques de façon plus large. C'est un volet important de notre politique étrangère — et je reviendrai à la question des États-Unis — mais notre influence à Washington sera accrue si nous sommes présents sur la scène mondiale.
    Soit dit en passant, notre communauté des affaires est présente partout dans le monde. Il importe que votre comité reconnaisse que dans des pays comme le Yémen, par exemple, les entreprises canadiennes portent une activité économique qui représente plus de 20 p. 100 du PIB. Il y a aussi d'importants investissements canadiens en Équateur, et le secteur minier canadien est très actif en Mongolie.
    Tout cela pour dire que nous devons rester engagés et présents partout dans le monde et que nous devons être internationalistes; autrement dit, la tradition canadienne veut que nous soyons membres de nombreuses organisations sur la scène mondiale. Je crois que cela nous a donné une place privilégiée semblable à celle des Européens qui, ensemble, au sein de l'Union européenne, peuvent mettre à profit leur instrument de politique étrangère.
    Étant donné que nous ne pouvons exercer notre influence à l'étranger par le biais d'une organisation comme l'Union européenne, il nous incombe de redoubler d'efforts pour accroître notre présence internationale, que ce soit par l'entremise de l'OTAN ou de l'OEA, par notre engagement actif en Afrique et en Asie, notamment au sein de l'APEC, et au moyen d'autres mécanismes bilatéraux.
    En terminant, je dois souligner que j'ai bien peur que notre infrastructure de politique étrangère se soit atrophiée et qu'elle ne soit pas à la mesure des ambitions que nous pourrions avoir dans le monde que je vous ai décrit où de grands changements sont en cours au chapitre des pouvoirs, de l'économie et de la politique. L'infrastructure, les mécanismes de la politique étrangère sont tout aussi importants que la politique même. Si vous n'êtes pas présents dans un pays, vous ne pourrez le comprendre. Notre service extérieur est inférieur à la moyenne de l'OCDE; nous sommes d'ailleurs parmi les derniers de l'OCDE à cet égard. Nous consacrons moins d'argent que la Nouvelle-Zélande à l'enseignement d'une troisième langue et dans 80 p. 100 de nos missions à l'étranger, il y a trois Canadiens ou moins.
    Je ne suis pas ici pour défendre mon ancien ministère, mais bien pour vous rappeler que, tout comme il y a 10 ans, j'aurais encouragé le Comité de la défense à réinvestir dans la capacité militaire du Canada, je vous demande de réinvestir dans la politique étrangère du Canada et dans la représentation du Canada à l'étranger. Je vous demande de réinvestir pas seulement dans les pays où nous sommes déjà présents, mais dans les pays de l'avenir, et pas seulement dans les capitales, et de permettre au service extérieur d'acquérir les compétences linguistiques et la compréhension du reste du monde qu'il lui faut pour faire valoir les intérêts du Canada auprès du gouvernement et des acteurs canadiens du monde des affaires et de la société civile. Je vous encourage, dans votre étude de la politique étrangère, à vous demander si notre service extérieur est bien équipé et bien organisé.
    Enfin, l'un des plus grands changements des 10 dernières années est ce qui est maintenant devenu un euphémisme, la mondialisation. Il est vrai que les politiques publiques du Canada sont véritablement devenues internationales, qu'il s'agisse de santé, d'environnement ou de sécurité. Tous les ministères traitent de questions ayant une dimension nord-américaine ou même mondiale. Or, nous n'avons pas encore mis en place les mécanismes de coordination des intérêts collectifs du gouvernement du Canada. Cela m'apparaît urgent et nécessaire pour maximiser notre influence dans le monde.
    Merci.

  (1555)  

    Merci beaucoup, monsieur Harder.
    Nous commençons la première série de questions.
    Monsieur Rae, vous avez sept minutes.
    Messieurs Harder et Taylor, je suis ravi de vous accueillir ici aujourd'hui; vous représentez une grande tradition et vous saurez certainement nous orienter pour l'avenir.
    Monsieur Taylor, vos remarques sur le désarmement nucléaire sont très encourageantes, mais pourriez-vous nous dire pourquoi on n'entend pratiquement plus ces mots quand on parle de politique étrangère? Pendant la guerre froide, c'était un élément clé de notre politique étrangère. Diriez-vous que la menace liée à la prolifération nucléaire et à l'absence d'une approche solide en matière de désarmement est aussi grande aujourd'hui qu'elle l'était pendant la guerre froide?
    On parle peu de désarmement nucléaire au Canada depuis quelques années, parce que, à la fin de la guerre froide, on a conclu que ce cauchemar était du passé. Mais la menace refait surface, mais pas sous la même forme qu'il y a une génération. La réalité contemporaine, la pression qui s'exerce pour qu'on construise de nouveaux réacteurs nucléaires civils dans bien des pays, accroît le risque de prolifération et le risque auquel Peter Harder a fait allusion, le risque que représente le nombre croissant de pays instables. Ensemble, cette instabilité et l'augmentation du nombre de programmes nucléaires pouvant servir à la construction d'armes sont une combinaison dangereuse.
    L'idée de mettre de l'avant une politique de désarmement nucléaire plaît aux Américains, notamment parce que cela correspond à l'approche bipartisane de la nouvelle administration, mais aussi parce que cela s'inscrit dans le droit fil du changement que représente le nouveau président. Comme je l'ai indiqué, le désarmement nucléaire nécessite beaucoup de travaux préliminaires et je suppose que lorsque le vice-président a fait les remarques qu'il a faites à Munich sur l'ouverture d'un nouveau dialogue avec la Russie, il envisageait que, en temps propice, pas immédiatement, les prochaines étapes vers le désarmement que pourraient prendre les États-Unis et la Russie prendraient forme.
    Certains adeptes du désarmement nucléaire font valoir que cette méthode n'est pas la meilleure, qu'il sera difficile de faire céder la Russie, qui détient l'un des plus importants stocks d'armes nucléaires, et que les États-Unis devraient peut-être commencer ailleurs. On pourrait concentrer ces efforts ailleurs, en Iran, par exemple, où on déploie déjà des efforts pour contenir le nouveau programme nucléaire, efforts qui sont difficiles, et en Corée du Nord, pays qui demeure un danger mais qui a une longue tradition de négociation. En fait, les risques sont si nombreux ici et là dans le monde et les États-Unis auraient tant à faire avec l'un ou l'autre de ces pays qu'ils ne pourraient entamer un dialogue avec les Russes sur ce sujet avant un bon moment.

  (1600)  

    En revanche, les optimistes se souviendront probablement que lorsque Gorbachev et le président Reagan, lequel, à peine quelques années auparavant, avait qualifié l'Union soviétique d'empire du mal, se sont retrouvés seuls à Reykjavik en 1986, ils ont presque convenu d'éliminer l'arsenal nucléaire russe et américain. Cela aurait été un exploit extraordinaire, mais ce qu'ils ont réalisé est quand même impressionnant, parce que, au pire de la situation, je crois qu'il y avait plus de 30 000 armes nucléaires dans le monde. Il y en a maintenant considérablement moins, et beaucoup moindre est notre crainte devant la présence d'armes aéroportées, d'armes embarquées, d'armes terrestres, d'armes à longue portée, d'armes à courte portée et d'armes à portée moyenne à des dizaines de milliers d'exemplaires dans le monde, certaines prêtes à être lancées pour un rien. La situation s'est beaucoup améliorée sous George Bush père.
    Toutefois, depuis, le processus est au point mort essentiellement parce que, pendant la présidence de Clinton et de George W. Bush, les Américains ont procédé à des examens stratégiques qui les ont menés à la conclusion qu'ils pouvaient en effet réduire leurs stocks d'armes nucléaires beaucoup, mais qu'ils devraient garder des milliers d'armes en réserve pour se protéger contre un retour éventuel des Russes à une attitude plus agressive. Bien sûr, le comportement de la Russie des dernières années étaye cet argument et justifie cette thèse dans une certaine mesure.
    Quoi qu'il en soit, des progrès importants ont été réalisés et ces éminents Américains font valoir que les États-Unis devraient ouvrir la voie et reprendre les discussions. S'ils le faisaient, je suis certain que le Canada applaudirait chaudement cette initiative et que notre propre débat public sur cette question reprendrait après une interruption d'une vingtaine d'années.

  (1605)  

    Nous passons maintenant à notre prochain intervenant.
    Monsieur Crête.
    Pourrais-je prendre 30 secondes pour répondre?
    Oui, allez-y, très brièvement.
    Nous continuons de contribuer au programme du partenariat mondial à hauteur de 100 millions de dollars par année. Le Canada s'est engagé auprès du G8 à verser un milliard de dollars pour l'élimination de la matière fissile en Russie et en Ukraine. Je soupçonne la majorité des Canadiens d'ignorer cette contribution de leur pays. C'est un programme très important qui pourrait constituer le fondement d'autres initiatives concernant la matière fissile et dont les Russes pensent beaucoup de bien.
    Merci, monsieur Harder.

[Français]

    Monsieur Crête, vous avez sept minutes à votre disposition.
    Monsieur Harder, je pense qu'il est très significatif que vous soyez venu nous parler de la nécessité d'une approche globale, réaliste et internationale pour le Canada, dans un forum où on traite plus particulièrement des relations avec les États-Unis. Ça montre très clairement combien ce forum traite d'autres enjeux d'ordre mondial. Ce que vous avez dit avait un côté emballant. Dans la vie, le côté emballant est important, mais il y a aussi le côté qui nous fait peur et qui nous fait bouger.
    Que va-t-il arriver si la politique étrangère du Canada n'est pas revue en profondeur et qu'on garde notre erre d'aller?
    Merci pour votre question. Permettez-moi de répondre très directement.

[Traduction]

    À mon sens, pour créer un espace économique commun en Amérique du Nord, il faut une politique économique qui mise sur l'intégration et l'amincissement de la frontière, afin que le secteur automobile et les autres secteurs manufacturiers puissent traverser la frontière librement. Pour ce faire, il faut travailler avec les Américains et je préconise une approche bilatérale.
     J'ai déjà dit ailleurs que nos relations avec les États-Unis sont trop souvent trilatérales. Les relations économiques que nous entretenons avec les Américains n'ont pas grand-chose à voir avec la politique étrangère, mais relèvent plutôt du partage de l'espace économique nord-américain. Nous devrions être plus ambitieux relativement à cet espace économique et aller au-delà de l'ALE. Nous devrions traiter avec les Américains de questions telles que les règles sur le pays d'origine, le périmètre de sécurité et la sécurité à la frontière. Ce sont là des sujets de discussion pertinents.
    Pour l'efficacité de notre politique étrangère et notre pertinence à Washington, il est essentiel que nous contribuions activement aux affaires internationales à l'extérieur de l'espace économique nord-américain. Quand nous avons joué notre rôle comme nous devions, les Américains étaient heureux de s'entretenir avec les Canadiens, car grâce à nos idées et à notre présence dans le monde, nous informions les décideurs américains sur les grands enjeux qui les intéressaient.
    M. Taylor a fait mention de George Shultz. Quand George Shultz était secrétaire d'État, il s'entretenait avec le ministre canadien des Affaires étrangères tous les trois mois. Il disait qu'il s'occupait alors de son jardin. Il est certain que, lors de ces entretiens, on parlait de questions bilatérales, mais on discutait aussi des points chauds du globe; le point de vue canadien n'était pas toujours celui des Américains, mais cet échange d'idées et de points de vue était bénéfique.
    Les enjeux ne sont plus les mêmes aujourd'hui, mais nous devons exploiter notre engagement dans les grands débats mondiaux pour exercer une influence sur Washington. Si nous nous contentons d'avoir une relation avec nos voisins du Sud à travers le prisme des relations bilatérales économiques, nous ne serons pas écoutés par l'administration américaine. Ce serait un travail de minutie pour les fonctionnaires qui administrent une entreprise commerciale. Nous devons présenter des idées, une perspective mondiale bien articulée et d'autres actifs qui rendront notre contribution précieuse pour les Américains.
    Merci, monsieur Harder.
    Monsieur Taylor.

[Français]

    J'ajouterais que les personnalités comptent. M. Harder a mentionné M. Shultz. M. Shultz était prêt, de temps en temps, à venir discuter avec nous de questions parfois techniques, complexes, parfois sans grand intérêt public. Néanmoins, il était expert, tandis que M. Kissinger ne voulait pas discuter de questions bilatérales d'intérêt technique. Il refusait presque complètement toute discussion de cet ordre. Pour lui, seulement les grandes questions stratégiques comptaient. Parfois, ce que nous pouvons espérer accomplir dans le cadre d'un dialogue avec les États-Unis dépend de la personne à qui on s'adresse.

  (1610)  

    Au-delà des contingences, par exemple, de la vie politique courante, si un secrétaire d'État américain vient dire que la frontière entre le Canada et les États-Unis — comme on l'a entendu dernièrement — est au fond comparable à celle du Sud, on se voit obligés de repartir à zéro. Au-delà de ces contingences, qu'est-ce qui fait qu'on peut obtenir au bout du compte cette dynamique et avoir une approche qui transcende vraiment le quotidien politique?

[Traduction]

    Il importe pour les Canadiens de comprendre que, au sein du système américain, le pouvoir est très diffus. Même le président doit travailler avec le Congrès pour faire adopter les lois.
    J'applaudis les efforts du gouvernement du Canada qui ont fait en sorte que nos relations de travail ne soient pas seulement avec la Maison-Blanche, mais nous avons connu moins de succès que d'autres pays — l'Australie, par exemple, qui est très présente à Washington — et n'avons peut-être pas su miser sur nos succès d'il y a 20 ans auprès du Congrès et dans les relations infranationales.
    Les premiers ministres des provinces le font très bien. Vous avez vu leur efficacité à Chicago, puis à Houston il y a quelques semaines sur la disposition « Buy America ». C'est attribuable en partie au fait qu'ils sont là depuis longtemps, qu'ils ont eu le temps de nouer des liens avec les gouverneurs, lesquels deviennent souvent par la suite ministres ou hauts conseillers au sein du parti au pouvoir aux États-Unis.
    Nous devons donc déployer des efforts particuliers pour nous rapprocher non seulement du président et de certains présidents de comité, mais aussi des acteurs aux niveaux national et infranational de tout le spectre politique pour renouer des liens qui, dans le passé, allaient de soi.
    Trois facteurs ont contribué à cet état de choses dans le contexte américain. La population et le pouvoir politique se sont déplacés vers le Sud et l'Ouest et se sont éloignés de la frontière canado-américaine. Deuxièmement, le rythme de la vie politique est tel que les parlementaires et les élus américains ont moins d'occasions d'apprendre à se connaître. Troisièmement, le Canada exerce moins d'influence qu'auparavant sur la réflexion politique de Washington. Le Canada n'est pas un problème pour les États-Unis; c'est bien, mais cela signifie que nous devons trouver des idées qui inciteront les Américains à travailler davantage de concert avec nous.

[Français]

    Cette année, c'est le 50e anniversaire du Groupe interparlementaire Canada—États-Unis. À la première rencontre, il y a 50 ans, le premier ministre du Canada y était, et je me demande s'il n'y avait pas aussi le président des États-Unis. Je pense que parmi les outils à développer, c'en est un qu'on peut utiliser. Vous parliez beaucoup d'une modernisation de l'action, d'une présence.
    Avez-vous réfléchi à la présence sur Internet, qu'on pourrait rendre vraiment plus active? Aujourd'hui, pour influencer un jeune en Afrique du Sud, c'est peut-être plus facile, pour les gens qui y ont accès, de le faire par Internet que par n'importe quel moyen officiel. Y a-t-il eu une réflexion de votre part, ou de la part d'autres personnes que vous connaissez, au sujet l'utilisation d'Internet en matière de relations internationales?

  (1615)  

[Traduction]

    Très rapidement, je vous prie.
    Je sais que l'ambassade à Washington se sert d'Internet pour créer un réseau de Canadiens vivant aux États-Unis, pour diffuser des informations sur les relations des États-Unis avec le Canada. Peu d'Américains savent, je crois, que le Canada représente le premier marché d'exportation de 39 États américains. Ce n'est pas un phénomène qui n'existe qu'à la frontière.
    Selon moi, nous devons consacrer davantage d'argent à la diplomatie ouverte pour nous faire connaître des Américains et être davantage présents à leur esprit dans les grands dossiers d'intérêt commun et dans les dossiers où nous voulons exercer une influence.
    Merci, monsieur Harder.
    Je cède maintenant la parole aux députés ministériels. Madame Brown.
    Merci, monsieur le président. Je partagerai mon temps avec M. Goldring.
    J'aimerais vous poser beaucoup de questions, mais peut-être qu'après la réunion...
    En fait, permettez-moi tout simplement de dire que si nos invités peuvent rester au-delà de l'heure prévue, il y aura beaucoup de temps pour que tout le monde puisse poser des questions.
    Madame Brown.
    Très bien. Je vais alors poser deux questions à la suite de commentaires que vous avez faits. Je ne suis pas tout à fait sûre de la façon dont vous voulez y répondre, mais je m'en remets à vous.
    Vous parliez de la prolifération nucléaire. J'ai l'impression que les Américains ont perdu en quelque sorte leur aura. Particulièrement en cette période de crise économique, les gens ne voient pas les Américains de façon favorable: ce sont eux qui sont à la source de tout ce problème. Ils ont perdu un peu leur lustre.
    Monsieur Harder, vous avez parlé de la population multiculturelle du Canada. Nous avons des gens de partout dans le monde. Le Canada peut-il faire sa part et devenir un honnête courtier dans cette discussion dans le monde à l'heure actuelle? À votre avis, avons-nous la possibilité de prendre cette responsabilité et de nous implanter vraiment sur la scène mondiale? Est-ce possible?
    Je pourrais peut-être poser ma deuxième question également. J'ai lu récemment un livre de Thomas Friedman qui s'intitule The World is Flat.
    Il a écrit Hot, Flat, and Crowded.
    Je suis en train de lire ce livre. Je l'ai presque terminé. Je pense que je suis devenue une fervente de cet auteur.
    Hernando de Soto a écrit un livre qui s'intitule The Mystery of Capital: Why Capitalism Triumphs in the West and Fails Everywhere Else. Il parle de la nécessité pour les économies émergentes d'avoir tout d'abord la primauté du droit, le droit contractuel et la reconnaissance de la propriété en tant que facteurs stabilisants. Lorsqu'on parle de la politique étrangère du Canada, et manifestement nous travaillons en très étroite collaboration avec les États-Unis dans bon nombre de ces dossiers — vous avez parlé, monsieur Harder, du fait que nos entreprises sont en train de se mondialiser — est-ce que nous aidons à faire en sorte que ces choses se produisent dans ces économies émergentes? Y a-t-il quelque chose que nous pouvons faire pour aider à accélérer ce processus? À votre avis, est-il avantageux que nous travaillions dans ces domaines?
    Merci, madame Brown.
    Allez-y, monsieur Harder.
    Merci d'avoir posé la question.
    Je crois que nous pouvons faire beaucoup de choses — beaucoup de choses avec les ressources existantes que nous avons et beaucoup de choses avec les ressources ciblées ajoutées à notre répertoire. Il est nécessaire d'avoir à la fois l'engagement et la bénédiction du ministre, mais les diplomates peuvent faire beaucoup également à cet égard.
    Je fais du travail en Amérique du Sud. Dans les pays où je travaille, aux niveaux les plus élevés — les présidents et les ministres —, ils parlent de l'approche canadienne face à l'investissement. Ils parlent de transparence, de la primauté du droit et de la prévisibilité. Nous, à notre tour, demandons au gouvernement local de répondre de façon à ce que les investissements canadiens respectent les critères de la transparence, de la primauté du droit — les questions environnementales et les questions syndicales entrent souvent en jeu lorsqu'il s'agit du secteur minier — et, en Amérique du Sud, les questions autochtones. Dans un cas, il y a un engagement actif du leadership autochtone au Canada avec le leadership autochtone dans les pays dont je parle. On dit que les Autochtones canadiens qui participent à l'industrie de l'extraction au Canada sont un modèle pour le pays.
    Je mentionne cela parce qu'il ne s'agit pas seulement des hauts fonctionnaires; la société civile et d'autres intervenants peuvent ajouter au répertoire que nous pouvons apporter aux besoins d'un pays en particulier. Je suis cependant d'avis qu'il faut avoir une capacité accrue pour faire certaines de ces choses. Il est très difficile de le faire si on n'a pas une présence importante et la capacité et la compréhension nécessaires.
    Je suis un optimiste. J'estime que le Canada peut avoir une influence dans le monde, mais nous devons aussi être réalistes et reconnaître que bien que le Canada fasse partie du G8 et soit un intervenant économique sérieux, il n'est pas aussi unique qu'il l'était il y a 20 ou 30 ans pour ce qui est du pouvoir mondial. Dans cette mesure, nous devons donc avoir une politique bien ciblée. Nous devons avoir des créneaux et nous devons avoir des idées qui sont pertinentes à notre engagement. Lorsque cela a bien fonctionné, cela fait une différence importante et il y a des exemples que l'on peut citer.

  (1620)  

    Monsieur Taylor, aimeriez-vous faire des observations et nous dire si vous êtes d'avis que le Canada peut jouer un rôle dans ce processus de négociation?
    Oui, certainement, avec plaisir.
    Je pense que Peter a raison au sujet des nations. Naturellement, nous voulons que notre pays garde la tête haute dans le monde, mais il faut tenir compte de nos avantages et de nos limites lorsqu'on aspire à influencer les événements internationaux.
    Il y a une certaine présence canadienne qui est attribuable, on pourrait dire, à un accident fortuit de notre histoire. En effet, notre pays était à une époque une colonie française et est devenu ensuite une colonie britannique. Ça nous a donc donné la possibilité de créer des liens, si nous le souhaitions, avec les deux tiers des États souverains dans le monde, avec lesquels nous n'avons en réalité pas grand-chose en commun, du moins initialement, sauf cet accident historique qui fait en sorte qu'eux également ont déjà été une colonie française ou britannique. Eh bien, si on regarde la situation de plus près, on s'aperçoit très souvent que le Canada a très peu d'intérêt immédiat avec ces pays, du moins au départ, et que les relations doivent être synthétisées à partir de presque rien du tout, au départ.
    Lorsque les empires se sont effondrés après la première guerre, et particulièrement après la deuxième, la nation a dû décider si elle limiterait ses perspectives. Par exemple, encore une fois comme Peter le disait, nous pourrions avoir dit que le rôle du Canada était vraiment dans les Amériques et que si nous allions aider des pays pauvres, par exemple, il y avait beaucoup de pauvreté tout près de notre territoire géographique, pour ainsi dire. Nous aurions pu, si nous l'avions souhaité, concentrer nos efforts et ne pas développer une série de liens dans le monde entier. Encore une fois, je pense que ce qui est arrivé était un accident historique. C'est-à-dire que lorsque l'empire britannique s'est effondré, il s'est brisé en plusieurs gros morceaux et lorsque l'Inde en particulier a obtenu son indépendance en 1947, ce qui a marqué la fin de l'empire britannique, il était évident qu'il s'agissait là d'un nouvel État souverain, vaste, d'un des pays les plus peuplés au monde, avec une population de centaines de millions dont bon nombre vivaient dans la pauvreté. C'était là un vaste poids dans le système international qu'on ne pouvait tout simplement pas ignorer, d'autant plus que nous avions un lien avec ce pays membre du Commonwealth et aussi que l'Inde était une vaste démocratie et que nous souhaitions encourager et appuyer ce pays.
    Donc, lorsqu'on a posé la question au Canada la première fois, en fait nous avons dit oui, nous sommes ouverts; nous devons être ouverts, certainement, aux possibilités d'une relation plus vaste avec des pays comme l'Inde et le Pakistan. Cela a donc donné le ton. Personne à l'époque a songé que si on faisait cela en Inde et au Pakistan, faudrait-il alors faire la même chose pour les autres anciennes colonies britanniques qui allaient devenir des États souverains au cours de la prochaine génération? Plus particulièrement, personne n'avait prévu à l'époque que l'empire français allait se désintégrer dans les années 1950.

  (1625)  

    Merci.
    Monsieur Dewar.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'avoir pris le temps de venir nous aider dans notre étude.
    J'ai beaucoup aimé vos exposés. Je vais m'adresser d'abord à M. Taylor parce que, comme lui, j'ai été heureux d'entendre M. Obama faire mention de la non-prolifération des armes nucléaires dans son discours historique. Il est intéressant de noter que, comme vous l'avez dit, cet enjeu était important après la chute du mur et qu'on avait alors réalisé de grands progrès. J'ai aussi été heureux de lire l'article bipartisan sur le sujet signé par MM. Kissinger, Shultz et Nunn, que vous avez aussi évoqué.
    Je dois avouer que si vous m'aviez dit en 1986 que ces trois hommes seraient du même avis sur cette question, je vous aurais pris pour un fou.
    Je suis heureux que vous ayez fait mention de cette question, car j'aimerais aborder avec vous la question du rôle que le Canada peut jouer dans ce dossier. Vous avez dit il y a un moment que nous ne pouvons tout faire, mais il y a quand même des initiatives clés que nous pourrions prendre. Connaissez-vous le protocole Hiroshima-Nagasaki qui a été mis de l'avant récemment? Essentiellement, il y a environ un an, on a convenu d'éliminer toutes les armes nucléaires d'ici 2020 et de signer une convention à cette fin au plus tard en 2010. Ce protocole, signé au Japon, est une initiative de maires d'un peu partout dans le monde dont j'ai pris connaissance quand ma mère était maire et qu'elle avait pris part à ce projet.
    Tout cela pour vous demander si le Canada devrait participer à une telle initiative? Je pense à notre expérience dans la négociation d'autres protocoles, tels que le traité sur les mines antipersonnel et, bien sûr, le traité sur les bombes à sous-munition.
    Merci.
    Monsieur Taylor.
    Ma réponse fera suite à celle que j'ai donnée à la question précédente.
    Encore une fois, je crois que nous voulons jouer un rôle dans ce domaine et que les Canadiens seraient tout à fait pour cette idée. Mais il faut d'abord se demander où nous nous situons. La première étape, pour faire progresser le désarmement nucléaire, serait de déterminer les intentions de la nouvelle administration américaine, ce qui pourrait se faire, au départ, en toute confidentialité, dans le cadre de conversations diplomatiques.
    Le président Obama a été plus volubile sur cette question pendant la campagne électorale, mais nous savons tous qu'être candidat et qu'être président, ce n'est pas la même chose. Depuis qu'il a accédé au pouvoir, comme je l'ai fait remarquer, il a été plutôt concis sur le sujet. Compte-t-il faire de cet enjeu une priorité? Il se peut que les États-Unis aient l'intention de prendre l'initiative de façon publique sous peu. Il se peut aussi que le président Obama estime que ce grand dossier nécessite une approche graduelle et qu'il serait préférable pour lui de ne pas épuiser son crédit politique si peu de temps après son arrivée au pouvoir en se lançant dans ce projet.
    Où nous situons-nous? Si les États-Unis prennent l'initiative, il faudra que de nombreux pays entreprennent de vastes efforts diplomatiques. Il faudra convaincre les puissances nucléaires, il faudra rassurer les pays qui pourraient produire des armes nucléaires — et il faut peu de choses pour produire des armes nucléaires. Si des pays comme le Pakistan et la Corée du Nord peuvent se doter d'armes nucléaires, bien d'autres pays pourraient en faire autant, y compris le Canada.
    En fait, nous avons été le premier pays à envisager cette possibilité et à décider de ne pas se doter d'armes nucléaires. Notre situation est donc unique et nous donnerait le droit, je crois, en l'absence d'initiative de la part des États-Unis, de représenter les pays qui ont rejeté l'option de l'arme nucléaire. Nous devrions toutefois être prêts à répondre à ceux qui, inévitablement, nous diront que, de toute façon, nous n'avions rien à perdre puisque les Américains sont là pour nous défendre.
    Il nous faudrait pouvoir convaincre des pays alliés tels que le Japon qui sont beaucoup plus vulnérables et qui ont la capacité, par leur industrie de produire des armes nucléaires, bien qu'il soit presque impensable que le Japon n'adopte jamais un programme nucléaire. Le Japon est très près de la Chine, de la Russie et de la Corée du Nord et se sent donc bien plus vulnérable que nous. Si nous voulons embrasser la cause du désarmement, nous devons tenir compte de ce genre d'inquiétudes.

  (1630)  

    Il vous reste deux minutes.
    -J'aimerais poser une question à M. Harder au sujet de ses commentaires concernant les relations internationales, particulièrement en ce qui a trait aux États-Unis.
    Le Commonwealth est un groupe intéressant. Il n'est pas actif ces jours-ci mais il nous a certainement été utile dans de nombreux dossiers dans le passé, notamment celui de l'Afrique du Sud. Des données intéressantes confirment ce que vous nous avez dit.
    Que prévoyez-vous pour l'avenir? Devrions-nous, avec les Américains, privilégier le G20 plutôt que le G8? Cela ne veut pas dire que le G8 est mort mais le moment est venu de presser les Américains d'accorder la priorité au G20 aussi?
    Je crois que le débat entre le G8 et le G20 ne constitue pas un jeu à somme nulle et que nous devrions cultiver activement notre rôle au sein du G8. Il y a un programme d'action. Nous assumerons la direction du G8 l'an prochain, ce qui donnera au Canada une occasion rêvée d'avancer ses idées sur les grands dossiers internationaux, mais le G20 a aussi son utilité.
    J'ai toujours été d'avis que le G20 deviendrait une réalité quand un dossier rendrait nécessaire sa présence. La crise économique mondiale a permis au G20 de devenir, au niveau des chefs d'État et de gouvernement, la tribune logique. Le G8 manquait de légitimité puisqu'il ne représentait pas toutes les puissances qui auraient dû être autour de la table afin d'amorcer un dialogue entre les divers pays afin d'élaborer une stratégie collective. Le G20 existe à mon avis pour servir de tribune ou peut-être examiner la gouvernance mondiale, et c'est une bonne chose.
    J'oserais dire qu'il y a quelques absences sur cette liste que nous voudrions peut-être corriger, mais c'est une nuance. À condition que le G20 s'avère efficace comme tribune dans le contexte de la crise et réussisse à dégager certains consensus sur le rôle que joueront les pays dans les plans d'action de lutte contre la crise mondiale, il acquerra une plus grande légitimité à l'égard d'autres dossiers, peut-être.
    Cela permet d'ailleurs au G8 de jouer un rôle de catalyseur. Les États membres ont certainement davantage de valeurs en commun que ce n'est le cas du G20. Il regroupait déjà les démocraties industrielles et les États dits « Plus cinq » qui sont maintenant le complément régulier du G8. Je soupçonne que dans une dizaines d'années, si le G20 s'est saisi de dossiers autres que celui dont il s'occupe aujourd'hui, il pourra contribuer à la recherche de solutions mondiales et pourrait prendre davantage d'importance que le G8, c'est une bonne chose.
    Je ne crois toutefois pas qu'il faille faire une croix sur le G8 et laisser toute la place au G20. Il y a des dossiers sur lesquels le G8 parvient à dégager des consensus — ou encore le G7 sur les grandes questions financières — de sorte qu'il joue un rôle de catalyseur important et qu'il prépare le terrain pour d'autres interventions.

  (1635)  

    Merci, monsieur Harder.
    Monsieur Goldring, vous avez la parole. Comme c'est la sixième série de questions, monsieur Goldring, vous avez cinq ou six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Taylor, vous avez fait des remarques sur la dualité linguistique de notre pays qui ont probablement des échos sur les Plaines d'Abraham. Nul doute que c'est un atout important pour le Canada dans ses relations avec le monde francophone et avec le monde anglophone, mais nous avons un autre atout, le multiculturalisme. Tous les pays du monde se trouvent littéralement au Canada en un pays unique à cet égard. Nous pourrions faire des gains importants en mettant davantage à contribution la diaspora de ces diverses communautés ethniques.
    Mais ma question porte davantage sur les États-Unis, plus particulièrement l'ambassade du Canada à Washington et ce que je sais du secrétariat qu'on est à mettre sur pied à l'ambassade. Ce secrétariat défendra les intérêts du Canada aux États-Unis. Comment le fera-t-il et combien de personnes s'acquitteront de cette tâche? Pourrions-nous y affecter davantage de ressources? Qu'a-t-on réussi à faire jusqu'à présent? Ce secrétariat exerce-t-il une influence sur la politique canado-américaine? Pourriez-vous nous en dire un peu plus long sur ce secrétariat?
    Je suis désolé, je ne peux pas répondre à votre question, car j'ai quitté le ministère en 1993 et j'ignore quelles ressources ont été...
    Oh, je pensais que le secrétariat existait déjà à votre époque.
    Il a été mis sur pied à mon époque.
    M. Gotlieb, quand il était notre ambassadeur à Washington, avait créé un service en charge des relations avec le Congrès justement pour dynamiser nos relations avec le Congrès. Puis, notre pensée a évolué et, reconnaissant que les provinces aussi avaient des relations avec Washington, nous nous sommes dit que nous devrions en profiter et être plus actifs dans la défense de nos intérêts en utilisant le Web et d'autres outils.
    J'ignore combien de gens y travaillent actuellement, le ministère pourra vous le dire. Je sais toutefois que, après le 11 septembre, l'ambassade a lancé une grande campagne pour souligner la solidarité du Canada avec les États-Unis. De plus, la participation du Canada aux divers projets mis en place après le 11 septembre a porté fruit. On pourrait peut-être toutefois faire en sorte que ce secrétariat soit plus actif dans les domaines que nous avons évoqués aujourd'hui.
    Ce service n'existe-t-il qu'à Washington? Y a-t-il d'autres modèles? Envisage-t-on de faire de même dans d'autres domaines ou cela sert-il uniquement à la représentation des provinces...
    Dans la plupart de nos ambassades, les gouvernements provinciaux et divers ministères fédéraux sont aussi représentés — pas dans toutes nos ambassades mais certainement dans les grandes capitales.
    Étant donné la diffusion du pouvoir aux États-Unis, on a adopté cette approche de façon délibérée et on a été généreux dans l'affectation des ressources.

  (1640)  

    J'ai une question sur un autre sujet. Il y a un nouveau régime aux États-Unis, mais il reste encore un rappel de la guerre froide, en quelque sorte, et c'est l'embargo imposé à Cuba par la loi Helms-Burton. Le Canada a d'excellentes relations avec Cuba. Le Canada pourrait-il faire progresser ses intérêts dans cette région en encourageant un rapprochement entre Washington et La Havane?
    Je crois que le Canada pourrait certainement jouer un rôle à ce chapitre, à condition qu'il n'en parle pas. C'est l'un des plus grands défis de la politique étrangère. Au Parlement, dans les médias et en public, on souhaite décrire ce qu'on fait, et Cuba est un exemple parfait de notre expérience —  nous sommes à Cuba depuis longtemps — et de l'expertise que nous avons acquise et que les Américains recherchent et qui pourrait être mise à profit, à condition que nous n'en parlions pas.
    Peut-on appliquer la même logique aux préoccupations de Washington concernant les pays de l'Europe de l'Est, là où le Canada semble aussi avoir d'excellentes relations de travail, avec des pays tels que l'Ukraine, la Pologne, la Géorgie, et d'autres pays?
    Mais les Américains sont là.
    Les Américains sont là.
    Je vous donnerai un autre exemple: l'Iran. Les Américains ne sont pas présents, tandis que nous si. Et voilà un autre exemple classique de la façon dont le Canada peut discrètement apporter une autre perspective.
    Merci.
    Passons à M. Patry.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur Harder et monsieur Taylor. Vous nous avez parlé tous les deux — surtout M. Harder, au tout début — de la transformation dans le monde tant du point de vue de la population que du point de vue du PIB. La vitesse de ces transformations est quand même ahurissante. C'est tout nouveau pour moi; je n'avais jamais réfléchi à cette question.
    J'aimerais quand même entendre vos commentaires concernant la récente déclaration que le premier ministre M. Harper a faite cette semaine à l'effet que l'idée de gagner la guerre contre les talibans est complètement illusoire et que les militaires devraient surtout travailler au développement en Afghanistan.
    Comment percevez-vous cette déclaration et quelles pourraient être ses conséquences sur l'OTAN? Croyez-vous qu'il devrait y avoir, dans cette région du monde, une conférence internationale qui inclurait nécessairement le Pakistan, l'Inde, la Chine, l'Iran et la Russie, tous ces grands joueurs?

[Traduction]

    Merci, monsieur Patry.
    Monsieur Harder.
    Vous vous souviendrez que dans mes commentaires préliminaires j'ai dit que la politique étrangère canadienne devait être réaliste. Je crois que les observations du premier ministre sur l'Afghanistan sont très réalistes. Elles reflètent ce qui est écrit, elles reflètent les commentaires du président Obama, et elles nous rappellent ce que M. Taylor a décrit, c'est-à-dire la stratégie qui sous-tend l'intervention.
    Je rajouterai simplement que l'on ne peut pas parler de l'Afghanistan sans parler de la région, en d'autres mots principalement le Pakistan. Je reviendrai sur les commentaires du secrétaire Gates faits il y a quelques jours, lorsqu'il a dit que le Pakistan était la clé et l'aspect le plus volatile de la solution, que nous devons être modestes quant à nos objectifs, mais que nous devons aussi être vigilants. Rappelons-nous qu'il y a plus de 60 pays signataires à la déclaration de la conférence de Londres sur la reconstruction en Afghanistan. Nous devons être passablement modestes dans notre description de ce qui a été réalisé, et peut-être même de ce qui peut l'être. Il n'y a pas une seule insurrection qui ait pris fin sans que les deux parties s'adaptent dans une certaine mesure. Mais il est très important que cela se fasse en Afghanistan, puisque des deux côtés le peuple afghan le souhaite. Nous ne pouvons pas imposer le pont que nous avons jeté. Il faut que la situation en matière de sécurité permette à ces choix stratégiques de cheminer en Afghanistan.

  (1645)  

    Merci, monsieur Harder.
    Monsieur Patry, il vous reste une minute.

[Français]

    J'aimerais connaître l'opinion de nos témoins en ce qui concerne l'Arctique, un sujet dont on parle énormément à l'heure actuelle. De quelle façon voyez-vous l'évolution de ce dossier?

[Traduction]

    Eh bien, c'est une très bonne question, et une que...
    Il vous reste moins de 40 secondes.
    Permettez-moi de dire que c'est un des aspects de notre politique étrangère qui est tout à fait légitime pour le Canada, pas exclusivement pour le Canada, mais cela rassemble un groupe de pays fort intéressants dans la région circumpolaire qui peut se pencher sur des enjeux environnementaux, économiques, écologiques et stratégiques, et cela touche aussi à la façon dont nos populations, et les Inuits en particulier, vivent et sont représentés dans cette région circumpolaire. Je crois qu'il y a beaucoup de possibilités en ce qui a trait à un volet canadien dans l'Arctique. En fait, c'est peut-être quelque chose que nous devrions exprimer clairement lorsque nous présiderons au G8 puisque ça touche de façon opportune à nos engagements en vertu de la Convention sur le droit de la mer en ce qui a trait à la cartographie de l'Arctique, sujet qui a suscité l'hyperbole avec la question de la Russie qui fait la cartographie et du Canada qui traîne la patte et toutes sortes de choses du genre.
    C'est un peu paradoxal que la Russie reconnaisse le passage du Nord-Ouest comme étant une zone navigable interne au Canada tandis que les Américains non. Cela pourrait faire facilement partie d'une dimension intéressante de notre politique étrangère.
    Merci, monsieur Harder.
    Monsieur Lunney.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais revenir à la discussion sur le désarmement nucléaire et sur l'opinion quelque peu optimiste exprimée par M. Taylor.
    Mais ma question porte plus précisément sur la Russie. Vous avez dit que la menace semble moins venir des États que d'autres entités non étatiques de nos jours, et votre remarque est probablement exacte. Mais pour revenir au rôle de la Russie dans le monde contemporain, certains pourraient dire qu'elle est un peu provocatrice. Certains diraient que la Russie a tendance de plus en plus à s'isoler et qu'elle devient belliqueuse, surtout compte tenu de ses tentatives récentes de pénétrer notre espace aérien.
    Monsieur Harder, vous avez abordé un sujet dont bon nombre de Canadiens ne sont peut-être pas conscients, c'est-à-dire le désassemblage des matières fissiles en Russie. Certains se demanderont peut-être s'il est sage de dépenser de l'argent pour désactiver le matériel fissile de l'ancienne Union soviétique alors que la Russie construit de nouveaux sous-marins et se dote d'une flottille moderne.
    La Russie a avoué qu'elle transférait de la matière fissile à l'Iran. Un peu plus tôt, M. Taylor a signalé au sujet du rapport selon lequel l'Iran avait renoncé à ses ambitions nucléaires aux alentours de 2003. C'était peut-être vrai à un moment donné, mais on peut avoir des raisons de croire que ce n'est plus exact aujourd'hui. Je me demande si vous partagez l'optimisme de M. Taylor à ce sujet ou si nous devrions nous préoccuper gravement de ce qui se fait en Iran.
    Voilà donc pour la première question. Partagez-vous cet optimisme, et comment le Canada devrait-il réagir vis-à-vis de l'Iran? Comment le monde traite-t-il avec l'Iran, compte tenu de ce qui s'est produit en Iraq, pays qui était signataire du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires? Israël a réagi unilatéralement à cette menace et a été condamné pour cela.
    J'ai une autre question dans un tout autre ordre d'idées.
    Les événements du 11 septembre nous ont tous rappelé que Hobbes est de retour. Nous avions tous un peu perdu de vue le caractère pessimiste de l'humanité.
    Mais je crois qu'il faut être réaliste à l'égard de l'Iran. On pourrait faire valoir que certaines déclarations de pays occidentaux ont permis à Ahmadinejad de conserver le pouvoir. Il y aura bientôt des élections présidentielles en Iran, et ces résultats pourraient être surprenants. Il faudrait peut-être éviter d'exprimer le résultat que nous souhaitons, mais il est certain que le gouvernement de l'Iran est fortement contesté sur son propre territoire. Son programme économique a été une catastrophe. Par exemple, le taux de chômage chez les jeunes est très élevé. Si je le mentionne, c'est qu'il faut éviter de poser des actes qui permettent à un gouvernement de galvaniser l'appui de sa population en faisant campagne contre les États-Unis ou les méchants pays d'Occident.
    J'ai été très impressionné par la façon dont le président Obama a exprimé son approche par rapport à l'Iran, c'est-à-dire qu'il est prêt à avoir des discussions directes, mais qu'il s'attend également très clairement à ce que certains paramètres de politiques soient respectés dans cette relation.
    Je ne suis donc ni optimiste ni pessimiste; je conçois de façon réaliste qu'il faudra énormément de patience, de diplomatie et de travail pour progresser. Mais je ne sais pas de quels autres choix nous disposons, car une intervention militaire en Iran serait un désastre pour la région.

  (1650)  

    Merci, monsieur Harder.
    Monsieur Taylor.
    Permettez-moi d'apporter une précision, monsieur le président. L'idée que l'Iran a abandonné son programme d'armement vient en fait d'une évaluation très récente du renseignement de sécurité nationale faite par toute la communauté américaine du renseignement de sécurité. Il semble qu'il y ait eu des divergences dans des déclarations plus récentes — entre autres entre celles des cadres supérieurs de la Défense de la nouvelle administration américaine et celles de fonctionnaires du département d'État, mais dans l'ensemble, on juge que l'Iran dispose maintenant de suffisamment d'uranium faiblement enrichi pour produire des bombes. Cela ne signifie pas pour autant que ces bombes ont déjà été produites.
    L'administration compte probablement que des activités intelligentes comme celles décrites par Peter Harder pourraient produire de bons résultats. Mais ce ne sera peut-être pas le cas; qui sait? Il semble que la conjoncture est encore propice aux négociations en ce qui a trait à l'Iran.
    Merci beaucoup, monsieur Taylor.
    Nous passons maintenant à Mme Deschamps.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Bonjour, messieurs.
    La longue liste d'expériences que vous cumulez à vous deux est impressionnante. Je me sens un peu dépassée par rapport à tout ce que vous nous dites aujourd'hui. D'ailleurs, monsieur Harder, vous avez dit un peu plus tôt que vous avez travaillé sous la gouverne de cinq premiers ministres du Canada. Vous avez probablement connu et été témoin de différents courants, de différentes influences et des tendances auxquels ces époques ont été soumises. Je fais référence, entre autres, à tout l'impact de la mondialisation, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays. Il y a eu les deux mandats à la présidence de G.W. Bush, il y a la crise économique qui frappe actuellement la planète entière et on assiste aussi à l'arrivée aux États-Unis d'un homme qui suscite l'espoir et qui est aussi sous la loupe de la communauté internationale.
    Vous avez fait référence, un peu plus tôt dans votre allocution — vous me le dites si je vous cite mal —, à la défaillance de la politique actuelle du Canada en matière d'affaires étrangères. Vous avez peut-être indiqué — et si vous ne l'avez pas fait, je vous laisse l'occasion de le faire — qu'il y a actuellement la possibilité de mettre en place quelques mécanismes pour permettre de renforcer cette politique étrangère. On a fait le tour de beaucoup de sujets et d'aspects: l'économie, les finances, la défense, l'Afghanistan, l'Iran, le rapprochement Canada—États-Unis, mais il y a quelque chose, à mon avis, qu'il ne faut pas perdre de vue non plus, soit tout ce qui a trait à l'environnement et au commerce. On a peu discuté de cela.
    J'aimerais vous entendre à ce sujet.

  (1655)  

[Traduction]

    L'une des conséquences de la mondialisation est que nous avons toute une liste de dossiers pour lesquels nous avons besoin de la discipline et de la perspective de diplomates professionnels. L'environnement est l'un de ces dossiers, et il ne s'agit pas seulement de changement climatique. Nous avons acquis de l'expérience au fil des ans en ce qui concerne des problèmes environnementaux qui vont au-delà des frontières. Le traitement réservé au dossier des pluies acides est un bon exemple de diplomatie et de connaissances sectorielles utilisées dans l'intérêt du Canada. Le dossier de l'Arctique a aussi une dimension écologique.
    Ce qui me préoccupe, c'est que nous avons besoin d'une capacité intégrée pour défendre les intérêts du Canada avec la participation du secteur ou du ministère touché — celui de l'Environnement ou celui des Ressources naturelles — mais nous devons aussi avoir une perspective intégrée qui fasse place à la diplomatie de même qu'une bonne coordination et un bon effet de levier. Je ne dis pas que cela manque à l'heure actuelle; je dis simplement qu'il faut consacrer plus de temps et d'efforts pour garantir l'uniformité de tout un éventail de ce que l'on pourrait considérer des dossiers nationaux qui ont en fait une dimension internationale.
    Les nouveaux dossiers sont ceux de l'environnement et de la santé. Dans le cas de la santé, cela signifie les maladies infectieuses; cela comprend aussi une coordination accrue de la recherche sur les vaccins et la santé à l'échelle mondiale ainsi que tout le programme de R et D, auquel le monde entier ne participe pas nécessairement. Mais le Canada a la possibilité d'influencer son infrastructure universitaire et de recherche en fonction des intérêts de sa politique étrangère, si je puis dire. Cela peut même s'appliquer à la recherche sur des questions environnementales qui nous sont propres — les sables bitumineux, le pétrole brut et, pour revenir à l'observation de M. Patry au sujet de l'Arctique, certaines questions environnementales propres au Nord.
    Je suis persuadé que nous devons avoir plus de mécanismes qui permettent aux diplomates et au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international de travailler dans les dossiers qui sont conçus comme faisant partie de la politique canadienne.
    Merci, monsieur Harder.
    Monsieur Obhrai.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous souhaite la bienvenue à tous les deux, Peter et monsieur l'ambassadeur Taylor.
    À vous deux, vous possédez énormément d'expérience en diplomatie et sur l'orientation du Canada, car vous avez tous les deux été des acteurs importants de la diplomatie canadienne aux Affaires étrangères.
    Ma question porte sur la perspective mondiale plus générale et sur ce qui s'est passé auparavant, d'après votre expérience. Considérez-vous que les États-Unis ont perdu une partie de leur influence, en général, dans des affaires internationales, ou pensez-vous que d'autres possibilités s'offrent actuellement à ce pays? Quelle est la situation dans l'ensemble du monde, d'après ce que vous savez de la situation aux États-Unis et de ce que font les alliés de l'OTAN dans les pays occidentaux?
    Ce n'est pas la bonne question à poser. Je vais y répondre, mais ce n'est pas la bonne question, car elle présuppose une distribution statique du pouvoir. Voyons les choses en face; le Parlement est-il aussi puissant que par le passé, et qu'en est-il des partis politiques?
    Pour commencer, nous vivons dans une société plus complexe, dans laquelle le pouvoir est diffus. Qu'est-ce qu'une économie nationale? Dans une ère de pouvoir diffus, les institutions font preuve de moins de déférence envers l'autorité, et il n'est pas étonnant que cela se répercute sur le pouvoir à l'échelle du globe.
    Deuxièmement, l'histoire jugera probablement que l'après-guerre a été une période particulière de 40 ans au cours de laquelle une poignée de pays ont pu prétendre qu'ils dirigeaient le monde parce que le pouvoir n'était pas également distribué, du moins pas aussi également distribué qu'il l'est aujourd'hui et qu'il sera plus tard.
    Je ne suis pas entièrement d'avis que les États-Unis ont perdu leur influence, que c'est un pays en déclin, comme l'ensemble de l'Occident. Je suis d'avis qu'il y a une évolution du pouvoir politique mondial qui aura une influence sur nous et les États-Unis, entre autres. Il ne faudrait pas voir cela de façon alarmiste ou entretenir une nostalgie du passé. Il y a tant de bonnes choses que l'on pourrait signaler. Les pays en développement connaissent une croissance économique dont le rythme et l'ampleur n'auraient pas pu être prévus il y a 15 ou 20 ans. On constate une amélioration de la transparence et de l'établissement d'institutions dans un certain nombre de pays pour lesquels nous souhaitions de belles choses. Cela se produit maintenant.
    Les institutions devront s'adapter, et le pouvoir dans le monde sera de plus en plus diffus. Cela réclamera plus de leadership dans certains pays, et parmi ceux-là les États-Unis sont en tête de ma liste pour ce qui est du leadership mondial afin de trouver des solutions mondiales.

  (1700)  

    Alliez-vous répondre à cette question, monsieur Taylor? Allez-y.
    S'il reste du temps.
    Vous avez quelques minutes.
    La guerre froide a occupé la majeure partie de l'après-guerre. La guerre froide accordait une place importante à la loyauté dans les alliances, et elle avait tendance à cristalliser certaines situations de pouvoir. Elle a contribué à donner aux États-Unis et à l'Union soviétique, dans la forme qu'elle avait à cette époque, la place spéciale qu'ils occupaient. Mais ce monde, ce cadre, a disparu il y a 20 ans. La diffusion du pouvoir est issue de la fin de la guerre froide.
    Le pouvoir est sans aucun doute redistribué dans le monde comme Peter Harder l'a décrit, mais une fois que nous aurons traversé les eaux tumultueuses actuelles — comme nous l'espérons tous —, nous constaterons encore que les États-Unis sont le pays le plus puissant du monde. Ils seront peut-être un peu moins puissants dans cinq ans qu'ils ne l'étaient il y a cinq ans, mais il n'en reste pas moins qu'ils seront toujours nos voisins.
    Merci, monsieur Taylor.
    Monsieur Dewar.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais continuer un peu la discussion sur notre relation stratégique avec les États-Unis.
    Je vais commencer par vous, monsieur Harder. Vous avez parlé du G8 et du G20. On peut dire en gros que le G8 et le G20 ont été mis sur pied pour favoriser les discussions économiques et le commerce, mais il semble qu'un vent nouveau souffle sur Washington en ce qui concerne une autre institution mondiale très importante, c'est-à-dire les Nations Unies. À l'heure actuelle, le Canada réclame un siège au Conseil de sécurité, et certains pays d'Europe nous font concurrence à cet égard.
    Comment pouvons-nous amener les États-Unis — et devrions-nous le faire — à nous aider en ce qui a trait aux Nations Unies? Si vous trouvez que l'idée en vaut la peine, vous pouvez peut-être nous suggérer quelques façons d'y arriver. Pour nous, l'avantage serait que les Américains pourraient peut-être nous aider à obtenir un siège au Conseil de sécurité, mais je ne suis pas sûr que ce sont eux que nous devons convaincre. En fait, je sais que ce ne sont pas les États-Unis que nous devons convaincre, mais vous pouvez peut-être nous aider à voir comment nous pouvons ramener les Américains à participer aux Nations Unies.

  (1705)  

    Monsieur Harder,
    Je suis encouragé par le propos que le président Obama a tenus durant sa campagne et par ce qu'il a dit jusqu'à présent. Je suis également encouragé par les conseillers que je vois autour de lui, dont certains ont été des théoriciens ou des experts de cette question, y compris son ambassadeur aux Nations Unies, qui occupe un rang de ministre. Cela montre bien son opinion que les Nations Unies sont l'organisme le plus élevé de multilatéralisme. C'est une fonction extrêmement difficile à exercer, mais seulement parce que cela traduit la situation mondiale.
    C'est très important pour le Canada de demander un siège au Conseil de sécurité. Nous espérons que l'on fera droit à cette demande. Sinon, nous devrons prendre le temps de réfléchir aux raisons pour lesquelles nous n'avons pas réussi à obtenir ce siège, mais supposons au départ que nous aurons gain de cause dans cette campagne.
    Je soumets que pour réussir dans cette entreprise, nous devons avoir une perspective mondiale, réaliste et internationaliste. C'est-à-dire que notre candidature l'emportera sur celle du Portugal si nous pouvons proposer aux Nations Unies des idées, comme nous l'avons fait la dernière fois. Nous avons dirigé une vraie campagne, au lieu de nous contenter de l'argument qu'il faut voter pour le Canada parce que nous siégeons au Conseil de sécurité tous les 10 ans. Nous avons proposé des dossiers auxquels nous voulions travailler, dont celui des diamants de la guerre en Afrique. Bob Folwer, dont nous nous souvenons tous, a été très actif durant son mandat.
    Il faut avoir des idées et il faut avoir un réseau mondial d'engagement en politique étrangère pour se garantir des voix et pour être écouté. Il faut être réaliste dans le programme que l'on souhaite présenter. Il sera important pour le Canada dans sa campagne d'expliquer très clairement pourquoi il veut siéger au Conseil de sécurité et à quels dossiers nous souhaitons que les dirigeants et le Conseil de sécurité s'attaquent plus particulièrement durant notre mandat de deux ans. Cela devra être connu de façon transparente et traduire d'une façon générale notre approche en matière de politique étrangère.
    Nous n'obtiendrons pas ce siège sur la simple foi de nos bons antécédents.
    Monsieur Taylor, s'il vous plaît.
    Je faisais partie des représentants qui ont présenté nos arguments, la dernière fois que nous avons fait campagne pour être élus au Conseil de sécurité. Cette campagne a été très minutieusement orchestrée. Il a fallu beaucoup d'efforts. C'est un élément essentiel de ce que nous avons entrepris. Nous pouvons nous fonder sur des bons modèles, car nous avons remporté un succès considérable la dernière fois. Je suis donc certain que le gouvernement travaille maintenant à partir de bases bien établies.
    En outre, je ne sais pas très bien quel est l'aspect politique à l'heure actuelle, mais l'une des difficultés que nous avons eues la dernière fois à persuader certains de nos amis européens, était qu'ils s'étaient engagés mutuellement à voter les uns pour les autres. Les arguments du Canada se frappent contre ce mur, et le succès que l'on peut obtenir est limité. La derrière fois, c'est moi qui ai défendu la cause du Canada, et je n'ai pas pu les convaincre tous.
    Merci, monsieur Taylor.
    Merci, monsieur Dewar,
    Passons rapidement à M. Abbott, puis à M.Goldring.

  (1710)  

    Pourriez-vous commenter certains rapports vexatoires que nous avons reçus au sujet de l'orientation de nombreux pays du monde — la Lettonie, pour en nommer un, mais il y en a toute une liste — compte tenu des limites auxquelles sont maintenant assujettis le FMI et la Banque mondiale?
    La crise économique que nous traversons est, à mon avis, la première crise économique de l'ère moderne de la mondialisation. Les premières nouvelles que l'on entend le matin portent sur ce qui est arrivé hier soir au Nikkei et sur la situation en Europe. Les autres pays se réveillent au son des nouvelles sur l'Amérique du Nord. Les marchés fonctionnent 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, et les chaînes d'approvisionnement, qui sont maintenant mondiales, nous le comprenons, subissent le ricochet du ralentissement économique. On apprend que les exportations de la Chine vers les États-Unis ont chuté et que la Chine doit prendre des mesures pour relancer la demande sur son territoire.
    Mes commentaires, c'est que nous ne sommes pas encore tirés d'affaires. Tout est interrelié et, par conséquent, l'onde de choc peut encore être ressentie partout sur cette chaîne.
    Dans la cas de la Lettonie et de l'Islande — on parle également de la Grèce, mais il y a toute une liste de pays dont la capacité financière atteint sa limite —, il y a de nombreuses discussions dans les organes financiers du G7 et du G20 pour voir comment nous pouvons traiter de tels cas au moyen des outils dont nous disposons. Le FMI a dépensé quelque 50 milliards de dollars et a encore des réserves d'environ probablement 350 milliards de dollars. Pour savoir si cela suffira compte tenu des circonstances à venir, il faudrait parler aux experts des finances. Le Canada a été partisan d'une réforme du FMI. Cette institution, que l'on jugeait moins pertinente aujourd'hui que par le passé, retrouve sa pertinence, en raison des problèmes qui se posent dans un certain nombre de pays.
    Pour conclure, il est intéressant de voir combien des pays à risque sont des pays d'Europe, des membres de l'Union européenne ou des pays qui aspirent à en faire partie. Cela devrait susciter quelques questions sur ce qui se fait dans cette région pour stabiliser les institutions économiques, pour commencer du moins. Les banques en cause ne sont pas des banques nationales, mais plutôt des banques internationales, entre autres.
    En bout de ligne, nous ne pouvons pas prédire l'avenir et nous essayons de nous y retrouver à travers les surprises et les réverbérations dans divers aspects de l'économie, que ce soit les finances, la fabrication ou la fiscalité. Il est dans notre intérêt de participer activement non seulement à la surveillance, mais à l'élaboration, avec des pays qui partagent nos opinions, des solutions stratégiques.
    Merci, monsieur Harder.
    Monsieur Pearson.
    J'ai deux petites questions pour M. Harder. M. Taylor a dit qu'avec l'avènement de l'administration Obama, on semble revenir aux principes fondamentaux de la mission en Afghanistan et les appliquer davantage. Puisque c'est le cas et que le Canada réfléchit à ses fonctions futures dans les modèles de développement, je me demande comment nous pouvons nous engager dans cette voie, compte tenu de ce qu'on y apporte de limites. C'est ma première question.
    Ma seconde est la suivante, monsieur Harder. Vous avez dit qu'à l'heure actuelle, l'infrastructure de politique étrangère dont dispose le Canada est déficiente. Elle comporte certaines lacunes. Avez-vous des idées quant à la façon de la reconstruire?
    En ce qui concerne l'Afghanistan, tout comme les autres pays qui participent au travail de développement, nous apprenons de nombreuses leçons quant à ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Cela nous aidera à mieux établir les critères qui devront être imposés au gouvernement des pays que nous irons aider, pas seulement en Afghanistan, pour l'avenir, mais aussi dans d'autres cas semblables d'États fragiles.
    Je m'inquiète du climat de sécurité qui existera pour que le développement puisse avoir lieu après 2011. C'est bien beau de dire que nous continuerons d'avoir une présence en matière de développement et de diplomatie, mais la condition préalable à cela, c'est que la situation de sécurité permette le développement. Il nous reste beaucoup à faire d'ici 2011 pour offrir cette garantie.
    Dans le pacte de l'Afghanistan, on prévoyait des rapports, et ces rapports sont en train d'être préparés, entre autres. Nous devrions peut-être accroître notre capacité d'examiner honnêtement ce qui fonctionne, tant dans une perspective nationale que multinationale, ainsi que ce qui ne fonctionne pas.
    En ce qui concerne les institutions, je fais partie de ceux qui pensent — c'est peut-être un cliché, mais c'est très important à mon avis — que notre engagement international doit davantage mettre en cause tout le gouvernement. Cela exige, par définition, plus d'acteurs qu'il n'y en a eu par le passé dans les dossiers dits de « politique étrangère », car des dossiers de politique nationale sont devenus des questions de politique étrangère. Mais il faut aussi un leadership qui puisse assurer l'uniformité et mettre en place cette approche pangouvernementale. Nous devons renforcer notre présence à l'étranger. Nous disposons de ressources linguistiques dans les pays de l'avenir, pas seulement dans ceux du passé. Nous devons disposer de la capacité nécessaire pour régler les dossiers qui influeront sur notre sécurité et notre bien-être économique dans l'avenir et disposer aussi de plus de ressources en matière de renseignement de sécurité pour ce qui est des États défaillants et des États fragiles.

  (1715)  

    Merci.
    Que c'est curieux, tout le monde a pu poser une question aujourd'hui.
    Allez-y, très rapidement, monsieur Goldring, parce que j'aimerais moi aussi poser une question.
    D'accord, je ferai vite.
    Ma question concerne les armes nucléaires. Nous savons bien sûr que le Canada a eu des armes nucléaires sur son territoire. Nous ne les avons pas fabriquées mais nous les avons eues. Nous avons maintenant rejeté les armes nucléaires, comme l'Ukraine et d'autres pays, d'ailleurs. Vous avez mentionné que vous pouvez élaborer ce genre de politiques pour les pays et les États reconnus. Je me demande si vous pouvez nous dire si vous croyez possible d'instaurer des contrôles sur l'utilisation par des tiers, autres que des États, qui pourraient se procurer de telles armes. Que pouvez-vous faire à ce sujet?
    Vous parlez d'acteurs autres que des États?
    Oui. Nous savons, par exemple, que les Talibans débordent les frontières de l'Afghanistan. Appartiennent-ils à un État donné ou non? Y a-t-il d'autres groupes terroristes ou sous-groupes qui ne constituent pas des pays, mais qui sont organisés et qui pourraient se procurer de telles armes?
    Cela soulève la question de meilleurs mécanismes de contrôle. Le système mis en place par l'AIEA est un bon point de départ, mais au fur et à mesure qu'augmentent les risques de prolifération, il faudrait, par exemple, pour empêcher des groupes autres que les États de se procurer ces armes, il faudrait envisager d'instaurer des contrôles encore plus stricts et contraignants que ceux qui existent à l'heure actuelle et cela nécessitera des investissements plus conséquents et davantage d'ingérence dans les affaires nationales. À titre d'exemple, un certain nombre de pays ont un programme d'énergie nucléaire civil dont on doit vérifier qu'il est effectivement civil et qu'il n'est pas utilisé de façon clandestine pour la production d'armes nucléaires; or, ces programmes peuvent parfaitement être administrés par le secteur privé. Ainsi, si un système de contrôle international est mis en place, il doit dans certains pays exercer ces contrôles non seulement à l'égard des gouvernements, mais aussi du secteur privé. Cela suscite toute une série de problèmes et de complications.
    Ce n'est qu'un exemple parmi d'autres. Pour éviter que des acteurs autres que des États se procurent ces armes, il faut que le système soit imparable, ce qui est loin d'être le cas à l'heure actuelle, comme en fait foi la prolifération qui prend sa source au Pakistan, par exemple.

  (1720)  

    Merci, j'aimerais moi aussi poser quelques questions.
    D'abord, monsieur Harder, je crois que c'est vous qui avez parlé du lobbying auprès du Conseil de sécurité et de la nécessité d'avoir une vision mondiale, d'être réaliste et de trouver de nouvelles idées. Quelles seraient vos trois principales suggestions pour une campagne auprès du Conseil de sécurité, compte tenu du fait que certains des principaux dossiers sur lesquels nous faisons campagne ici pourraient ne pas emporter l'adhésion ailleurs. Quels sont alors les trois principaux sujets de campagne que vous nous proposeriez?
    Deuxièmement, au début de votre exposé, vous avez parlé des rencontres trimestrielles entre George Schultz et notre ministre des Affaires étrangères de l'époque, qui était sans doute Joe Clark, sauf erreur de ma part. Ces rencontres avaient-elles eu lieu à la demande de M. Schultz ou est-ce que la décision a été prise de façon bilatérale? Vous avez parlé de leur personnalité. Nous avons des personnalités différentes maintenant. La secrétaire Clinton et le ministre Cannon ont eu une excellente rencontre la semaine dernière et je crois qu'elle pourrait donner des résultats très positifs. Est-ce une pratique que nous devrions réellement promouvoir? Vous avez dit, je crois, que lors des rencontres entre le président Reagan et le premier ministre Mulroney, il n'y avait pas la même dynamique qu'aujourd'hui, et moins de participation provinciale qu'à l'heure actuelle. Réduiriez-vous le rôle des provinces en mettant plutôt l'accent sur les relations bilatérales du gouvernement fédéral? Comment pouvons-nous travailler avec nos provinces pour renforcer cette relation?
    Je vais d'abord répondre à la première question.
    Je vous répondrais spontanément qu'au Conseil de sécurité — si nous remportons un siège —, nous pourrions proposer l'évaluation de l'atteinte des objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). J'estime que nous devrions avoir une stratégie pour réduire l'écart qui nous sépare de la réalisation des OMD qui ont une incidence sur le bilan sanitaire mondial. Nous avons un bon bilan sur lequel nous pourrions prendre appui étant donné le travail que nous avons effectué pendant bon nombre d'années en Afrique et que nous avons poursuivi ces derniers temps. L'un des thèmes serait donc: que pouvons-nous dire des OMD?
    Le deuxième thème serait celui du rôle du Conseil de sécurité face au nouveau paradigme de la sécurité mondiale, des acteurs non étatiques, des États fragiles, etc. Notre expérience en Afghanistan et en Haïti, où le Canada est actif depuis un certain nombre d'années, nous assurerait d'une voix autorisée dans les discussions.
    Dans un troisième temps, je crois que nous pourrions intervenir avec une certaine crédibilité sur des dossiers dont la transparence et la gouvernance au sein de l'Organisation des Nations Unies, après tout le Canada a présidé le sous-comité de l'Assemblée générale qui s'est penché sur les structures administratives de l'ONU, mais aussi sur la transparence et la gouvernance au sein des institutions internationales. Je reviens à la question de M. Abbott au sujet du FMI et autres instances du genre. Comment la gouvernance internationale évolue-t-elle et quel doit être le rôle du Conseil de sécurité?
    En voilà trois. Je suis certain qu'il y en aurait d'autres, et peut-être des meilleurs, mais la question du député nous permet de rassembler nos idées sur les thèmes de notre campagne. Pourquoi voulons-nous obtenir un siège? Ce n'est pas uniquement parce que nous avons déjà occupé un siège, mais aussi parce que nous estimons avoir une contribution à faire.
    Quant à M. Shultz et à mon commentaire au sujet de l'entretien du jardin, il a certainement, si ma mémoire est fidèle... Je ne saurais vous dire d'où est venue l'idée, mais je soupçonne que peu importe son origine, elle s'est avérée efficace uniquement parce que le secrétaire Shultz a exprimé un souhait auquel d'autres ont voulu accéder. Je crois que les rencontres ont eu lieu non seulement en raison des personnalités en présence, mais aussi en raison des grands dossiers de la rue. J'en ai parlé à M. Shultz et il m'a répondu qu'il était agacé lorsqu'il parlait de l'Afrique du Sud ou que leurs avis divergeaient sur l'Amérique centrale. Mais il a ajouté qu'il avait beaucoup appris. Je signale que nous laissions la diplomatie tranquille faire effet. Je ne dis pas que nous hésitions à exprimer notre point de vue sur l'Afrique du Sud, mais je ne crois pas que nous ayons jamais annoncé publiquement que nous allions, tel ou tel jour, prendre à partie M. Shultz au sujet de l'Afrique du Sud.
    Les relations sont donc importantes; la régularité des rencontres l'est certainement. Je pense que les Canadiens oublient parfois que les ministres des Affaires étrangères européens et les ministres responsables de certains portefeuilles se voient... Il se passe rarement une semaine sans qu'ils se voient. Un secrétaire d'État américain n'a pas à se soucier d'être présent à la période des questions et n'a pas à demander la permission de s'envoler vers une quelconque destination.

  (1725)  

    Je dis tout simplement que nous imposons des contraintes à nos ministres qui s'occupent d'affaires étrangères — et je ne parle pas uniquement du ministre des Affaires étrangères, mais aussi des ministres responsables de dossiers à dimension internationale — et que cela nous empêche d'être aussi actifs et aussi présents que nous devrions l'être. Il y a encore plus de contraintes dans un gouvernement minoritaire, en raison des votes et autres obligations, de sorte que le rôle que peut jouer le Canada n'est pas ce qu'il pourrait être. Les ministres doivent être actifs à l'extérieur du Canada pour défendre des dossiers internationaux au lieu de s'entretenir uniquement avec ce qui se trouve sous la bulle à Ottawa.
    Le rôle des provinces se limite aux dossiers commerciaux de sorte que les discussions...
    Certainement. Le rôle des provinces est en réalité très important. Les premiers ministres provinciaux ont effectué des voyages officiels et ils traitent de dossiers à dimension internationale. Le premier ministre Campbell a effectué je ne sais plus combien de voyages en Chine au cours des dernières années, et j'estime que cela contribue de façon importante au maintien de nos relations politiques avec la Chine. Le Conseil commercial Canada-Chine s'est d'ailleurs rendu en Chine à l'automne avec une délégation de cinq premiers ministres provinciaux et des gens d'affaires. J'ai expliqué plus tôt que les premiers ministres provinciaux sont actifs en ce qui a trait aux relations canado-américaines, non seulement au sein de missions commerciales, mais aussi lorsqu'ils acceptent les invitations des gouverneurs des États du Nord, des gouverneurs des États de l'Ouest et de la région des Grands Lacs et qu'ils peuvent promouvoir les intérêts du Canada dans toutes ces tribunes importantes.
    Il peut arriver à l'occasion que nous souhaitions transmettre un message un peu plus cohérent. Je préconiserais, par exemple, en ce qui concerne le groupe de travail sur l'énergie, que l'Alberta puisse participer pour défendre ses intérêts dans le secteur énergétique dans le contexte nord-américain, puisque ces intérêts sont uniques.
    Merci, monsieur Harder.
    Monsieur Taylor.
    Il est plus difficile d'assurer la participation des provinces en raison de la nature de notre fédération. Nous nous sommes demandé dès le départ comment nous pouvions prendre en compte les responsabilités et les intérêts des provinces. Nous avons dû le faire, par exemple, dès la création de l'UNESCO en raison de la compétence constitutionnelle des provinces dans le domaine de l'éducation et nous avons trouvé une façon d'assurer leur participation. Le même problème s'est posé pour la francophonie où l'on a pendant longtemps eu des débats au sujet de la capacité des représentants provinciaux d'avoir voix au chapitre, mais nous avons fini par trouver une solution.
    Au fil des ans, nos institutions se sont avérées souples. Or, l'un des cas les plus difficiles — peut-être le cas difficile qui mène à l'adoption de mauvaises lois, je n'en sais rien — a toujours été celui des relations avec les États-Unis, car là les possibilités sont évidentes. Nous pourrions trouver d'autres exemples historiques qui illustrent bien que quand il y a une représentation provinciale distincte à Washington, on risque d'avoir deux politiques étrangères, l'une menée par la province auprès de l'administration américaine à Washington et du Congrès, et l'autre menée par le gouvernement fédéral auprès des mêmes institutions. Ces deux politiques ne sont pas nécessairement cohérentes et nous exposent à des tiraillements. Une telle situation nous expose aux manoeuvres de la partie adverse qui pourrait chercher à exploiter la faiblesse de notre position nationale.
     L'une des morales de l'histoire c'est que nous devons arrêter nous-mêmes nos politiques nationales et présenter un front commun.
    S'agissant des mécanismes, il y a eu pendant de nombreuses années de multiples tentatives, dans le contexte canado-américain, pour créer des comités ministériels permanents et, pour une raison que j'ignore, cette solution ne semble jamais faire long feu. Sous un gouvernement donné, un groupe de ministres se montrent prêts à travailler ensemble et le font pendant un certain temps. Puis, les rencontres cessent. Je pense que le problème est d'ordre pratique, plus qu'autre chose, puisqu'il est difficile de faire concorder l'emploi du temps de trois ou quatre ministres.
    L'une des morales de l'histoire c'est donc qu'il est préférable de ne pas être aussi ambitieux et que s'il était possible d'avoir, plus que tout, des rencontres régulières au plus haut niveau, entre le président et le premier ministre, puis entre le secrétaire d'État et le ministre des Affaires étrangères, ce serait la solution optimale, à condition que les rencontres soient régulières.
    Quand il s'agit de négocier quoi que ce soit avec les États-Unis, la chose à retenir c'est qu'il faut parfois, et c'est une question importante... et nous nous attaquons parfois à des dossiers très importants dont la conciliation énergie-environnement. Si nous devons négocier ce dossier avec les États-Unis, j'estime que la solution sera de mettre en place un mécanisme spécial. Ce serait un mécanisme contraire à la notion d'une position pangouvernementale, mais le mécanisme serait mis en place expressément aux fins de la négociation et permettrait la participation régulière des provinces, voire la participation régulière des groupes d'intérêt qui pourraient justifier leur place à la table. Le mécanisme de négociation du libre-échange pourrait servir de modèle.

  (1730)  

    Merci. Nous avons pris les deux heures au complet et un peu plus. Nous vous remercions d'être venus. Au nom du comité, j'aimerais vous remercier de votre franchise et de votre sagesse. Nous l'apprécions énormément.
    Nous allons mettre fin à la séance. J'aimerais rappeler aux membres du comité de direction que nous devons nous réunir. La réunion est prévue pour 11 heures, je crois, ne l'oubliez pas.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU