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CHPC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 039 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 7 février 2011

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Français]

    Bienvenue à la 39e séance du Comité permanent du patrimoine canadien, en ce 7 février 2010. Aujourd'hui, nous sommes ici, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, pour une étude sur l'accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne, l'accord commercial relatif à la contrefaçon et les enjeux relatifs à la diversité culturelle.
    Nous avons deux témoins devant nous. Je souhaite la bienvenue à MM. Vallerand et Drapeau, de la Coalition pour la diversité culturelle.

[Traduction]

     Nous débuterons par une déclaration préliminaire.
     Combien de temps avons nous chacun ou comment nous divisons-nous le temps?

[Français]

    Vous disposez de 10 minutes.

[Traduction]

     Je vais essayer de faire ça à toute vitesse. Avez-vous déjà une copie de mon texte? On l’a fait remettre. Bon. Je pourrai répondre aux questions à la fin dans les deux langues, mais je ferai l'essentiel de mon introduction en français.

[Français]

    Je suis Charles Vallerand, directeur général de la Coalition pour la diversité culturelle et secrétaire général de la Fédération internationale des coalitions pour la diversité. Je suis accompagné aujourd'hui de Me Daniel Drapeau qui est avocat chez Smart & Biggar et qui, surtout, est membre du Réseau anti-contrefaçon canadien. Il est ici pour parler plus spécifiquement de l'Accord commercial anti-contrefaçon.
    Je ne sais pas s'il est nécessaire de rappeler l'historique de ce rôle joué par la société civile dans l'adoption de cette Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l'UNESCO. Dans le document que je vous laisse — et d'autres qui vous seront distribués —, vous verrez que nous avons joué un rôle central depuis 10 ans et que le Canada, surtout, a joué un rôle central sur la scène internationale, et qu'il continue d'en jouer un encore aujourd'hui.
    Je voudrais aussi rappeler que le Canada a été le premier pays à ratifier cette convention de l'UNESCO et qu'il verse des fonds au Fonds international pour la diversité culturelle. Il est donc très actif dans la mise en oeuvre de la convention. C'est à ce titre que la coalition suit avec beaucoup d'intérêt les discussions et les négociations entre le Canada et l'Union européenne.
    Permettez-moi maintenant de reprendre mon texte, au point 19 de la page 3. Plusieurs considèrent qu’avec l’adoption de la convention de l'UNESCO, la mission est accomplie, ce qui est évidemment loin d’être le cas. C’est comme si depuis l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme, il n'y avait plus de problèmes, plus d'abus, plus d'injustices. Tout comme en ce qui concerne la Charte internationale des droits de l'homme, la convention de l'UNESCO n'est que le début d'un long processus.
    Aujourd'hui, ce qui nous interpelle et ce qui est le plus pressant dans le cas de cette convention, ce sont deux aspects sur lesquels je vais insister. Il s'agit d'abord de la coopération à établir entre les pays du Nord et les pays du Sud, pour que les pays du Sud aient les moyens de faire cette mise en oeuvre, aient la capacité technique de faire travailler et de développer les industries culturelles, les créateurs, et qu'il y ait des fonds suffisants à l'UNESCO pour soutenir cette mise en oeuvre.
    Ce qui nous intéresse aujourd'hui, c'est surtout que cette convention de l'UNESCO ait tout son poids juridique et politique par rapport aux autres instruments internationaux. À l'origine, l'idée même de la convention était de développer un instrument juridique tout à fait nouveau pour faire contrepoids et pour encadrer le caractère spécifique et particulier de la culture, qui est un bien, un service dont on reconnaît la valeur commerciale mais aussi et surtout la valeur culturelle. Aujourd'hui, il s'agit d'établir cette valeur juridique, d'établir une jurisprudence. C'est pourquoi cette négociation commerciale est si importante, puisque le gouvernement canadien a fixé d'entrée de jeu une volonté de voir de façon moderne, large et étendue cette relation commerciale avec un partenaire économique très important. C'est d'ailleurs pour cela que la coalition suit les 31 associations professionnelles qui en sont membres, que ce soit au Canada anglais avec des gens comme ceux de la Writers Guild ou de la Guilde des réalisateurs, ou au Canada français, du côté du marché francophone, avec des gens comme ceux de l'Union des artistes ou des associations nationales.
    Vous comprendrez que l'on suit cela avec beaucoup d'intérêt, parce qu'il serait malheureux que ce qu'on a gagné avec la convention, on le perde ou on le voie affaibli par ce qui pourrait être négocié avec l'accord de libre-échange.
    Très tôt, la coalition a fait connaître sa position dans le dossier. On a écrit au ministre de l'époque, M. Moore — qui est toujours là — et à M. Stockwell Day, qui était alors ministre des Affaires étrangères et du Commerce international. Tous deux nous ont répondu par lettre qu'ils maintenaient cet engagement du gouvernement canadien de négocier un accord et une exemption complète pour la culture. Donc, tout va bien.
    Au Québec, la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine ainsi que le ministre des Relations internationales nous ont répondu la même chose. Malheureusement, il faut constater que la négociation se poursuit et que les discussions entrent dans ce qu'on appelle « les moments les plus difficiles » sur les sujets qui restent à régler. Le dossier de la culture est encore sur la table. De toute évidence, ce n'était pas aussi facile de s'entendre avec l'Union européenne sur l'exemption culturelle qu'on aurait pu l'imaginer. Comme vous le savez — et le ministre Van Loan en a parlé la semaine dernière —, on est de la société civile et on apprécie ces occasions d'être consultés et de pouvoir dialoguer avec les fonctionnaires, nous de l'équipe de négociations chargée de ces discussions.
    On connaît les difficultés, on comprend que l'Union européenne et les négociateurs ont une autre façon de comprendre l'exemption culturelle et qu'ils posent des questions, essaient de comprendre comment on peut voir cette exemption et comment elle s'appliquerait sur l'ensemble de l'accord. Évidement, ce sont des questions un peu surprenantes, l'Union européenne ayant ratifié la convention de l'UNESCO et 26 des 27 États membres l'ayant fait également. C'est un partenaire qui a à coeur la diversité des expressions. Pourquoi ces questions sur l'exemption culturelle alors que, depuis 20 ans, la pratique et l'approche du Canada sont très bien connues? Des clarifications sont demandées.On aura à offrir des clarifications et, espérons-le, à rassurer les Européens pour en venir à une entente. Nous sommes prêts et nous avons offert notre collaboration et notre expertise pour aller au fond de ces questions qui se posent chez nos amis européens.
    D'après nous, ce n'est pas parce que l'Union européenne pose des questions qu'il faut changer d'attitude ou avoir envie de conclure une entente à tout prix. Au contraire, le Canada a vraiment fait preuve de leadership jusqu'à aujourd'hui et doit continuer à le faire. La France, qui est un joueur très important, vous le savez, depuis le début de toute cette aventure, prend effet et cause pour la position que nous avons, c'est-à-dire une exemption complète. Récemment, le premier ministre Charest était en France, et le président Sarkozy et lui ont bien réaffirmé le droit légitime des États d'adopter des politiques culturelles, de préserver et de promouvoir leur propre culture.
    Pour nous, ce qui est vraiment ici l'enjeu, c'est d'établir cette jurisprudence dont je parlais tout à l'heure puisque, en fait, on a assez peu de textes juridiques, assez peu de décisions de cours de justice ou d'instruments de commerce internationaux qui établissent, qui reconnaissent la légitimité, l'existence même de la convention de l'UNESCO qu'on a tant cherché à avoir.
    Non seulement la clause doit-elle être étanche, dirons-nous, elle doit peut-être même être modernisée, revue, pour qu'on puisse notamment se pencher sur les nouvelles formes d'industries culturelles, par exemple les nouveaux médias, la convergence. Comme vous le savez, c'est, aujourd'hui, presque un prolongement de l'audiovisuel.
    Est-ce qu'on a, dans cette clause d'exemption, pensé à revoir le libellé pour s'assurer qu'on est prêt pour l'avenir? Par ailleurs, qu'est-ce qu'on fait dans l'accord lui-même pour faire référence à cette logique qui doit exister entre l'exemption, la convention de l'UNESCO et l'accord commercial? Si on arrivait à établir cela, si on arrivait à inclure un texte qui satisferait toutes les parties, on contribuerait à établir cette jurisprudence et ce serait un pas important. On a la chance d'avoir devant nous un partenaire commercial de grande importance qui est favorable à notre position. Ce sont des circonstances qui ne reviendront peut-être pas, en termes de négociations commerciales bilatérales.
    Si on révise la clause, je voudrais quand même faire une mise en garde, puisque les fonctionnaires qui travaillent à ce dossier nous font aussi cette mise en garde: soyons proactifs, soyons modernes, soyons vigilants de façon à être prêts pour l'avenir, mais en même temps, n'ouvrons pas la porte à une révision des accords et des ententes bilatérales commerciales qui ont pu se faire dans le passé. À ce sujet, il faudrait que les experts juridiques se penchent sérieusement sur la proposition que je fais, pour nous assurer que cela ne crée pas plus de problèmes que cela crée de possibilités.
    Je vais vous parler maintenant de l'accord de coopération culturelle ou du protocole de coopération culturelle. C'est le Québec surtout qui s'est fait le promoteur de cette idée par la voie de son négociateur, M. Pierre-Marc Johnson, notamment. Je dois vous dire que cette idée ne fait pas consensus, ne fait pas l'unanimité au sein de la coalition. Pourquoi? Le problème ne vient pas surtout de l'idée de coopération, c'est plutôt une question de forme.
    Comment être favorable à une plus grande coopération avec les Européens tout en voulant obtenir, de l'autre côté, une exemption culturelle dans l'accord commercial global? On devrait, à notre sens, différencier les choses très clairement. L'exemption, c'est l'objectif premier, c'est ce qu'on doit essayer d'obtenir, sans failles, sans faiblesses et même avec une clarification de cette clause d'exemption par rapport à l'instrument international. En ce qui concerne un accord de coopération, nous sommes favorables à la coopération et nous allons participer, si nous sommes invités à le faire, à une discussion sur une coopération, mais qui devrait se faire de façon complémentaire. Signons l'accord d'abord, entendons-nous sur cette exemption, et ensuite essayons d'ouvrir une discussion sur la culture.
    Si on décide d'engager cette discussion, confions-la également non pas à des gens de commerce, mais à des gens experts en culture, les fonctionnaires qui ont ce mandat, cette responsabilité, et qui comprennent bien les enjeux de notre domaine.
    D'ailleurs, un de nos enjeux est l'utilisation du mot « protocole ». En fait, le mot « protocole » renvoie presque à un accord qui serait contraignant et qui semble, dans l'esprit de plusieurs, impliquer une contrainte. C'est comme si on disait qu'on va exempter la culture d'un côté, mais qu'on va établir un protocole de l'autre. C'est comme si, en fait, on évitait de faire une discussion à un endroit pour la déplacer de l'autre côté.
    Si j'ai bien compris l'intention du Québec, il s'agit d'une coopération ouverte, généreuse, un échange entre experts, un échange d'information, de bonnes pratiques. Si c'est le cas, si on définit bien le mandat, ça va déjà calmer et dissiper un peu les craintes. Et si on veut faire ça, faisons-le comme il le faut, c'est-à-dire donnons-nous un mécanisme de suivi.
    Vous savez qu'il a existé pendant plusieurs années, en matière d'audiovisuel, un comité mixte qui permettait aux experts et aux fonctionnaires des pays impliqués... Donc, mettons en place un mécanisme de suivi de cet accord de coopération et, surtout, des moyens financiers. Car faire une déclaration d'intention en annonçant une meilleure coopération entre le Canada et l'Union européenne sans avoir les moyens, non seulement sur une année mais sur plus d'une année, peut évidemment rester vague intention et lettre morte.
    Je vais m'arrêter ici. Pour nous, c'est une occasion historique que doit saisir le Canada. Il a toujours fait preuve de leadership. Les provinces sont derrière lui. En tout cas, le Québec est certainement derrière lui dans ce dossier. Je pense que l'Europe, si on trouve la bonne formule, les bonnes réponses aux questions qui se posent, va aussi signer cet accord, avec son exemption culturelle.
    Je vous remercie.
(1540)
    Merci, monsieur Vallerand.
    Il nous reste maintenant 45 minutes pour des questions et des commentaires. Nous allons commencer avec M. Rodriguez.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Vallerand, monsieur Drapeau, bienvenue et merci d'être là.
    Le terme « exemption culturelle » signifie-t-il la même chose pour nous, le Canada, que pour les différents pays européens? Parle-t-on de la même chose? Est-ce que ça a la même portée? Cela inclut-il les mêmes choses, l'audiovisuel...? Parle-t-on de livres, de musique, d'un peu de tout?
    Je pense qu'il en a été fait état ici, les Européens ont une vision un peu plus étroite qui se porte sur l'audiovisuel, une vision moins large, moins généreuse que la nôtre. On sait qu'ils ont des prétentions dans le domaine du livre, comme cela a été dit devant ce comité la semaine dernière. On n'a donc pas tout à fait la même compréhension des choses.
    Historiquement, quand l'Union européenne négocie des ententes ou des protocoles de coopération, elle a également une vision plutôt restrictive qui se porte sur l'audiovisuel.
    Vers où va-t-on avec cela, si on ne s'entend pas nécessairement sur ce qui est inclus?
    On s'en va vers une réflexion et une évolution de la position européenne et des États membres de l'Union européenne. Ils ne sont pas là pour en parler, mais j'ai l'impression que tout cela pose d'abord la question des compétences. Qui a compétence sur quoi? L'Union européenne et ses négociateurs ont-ils la compétence pour dialoguer, pour engager une négociation offensive dans ce secteur?
(1545)
    Voulez-vous dire qu'on n'est pas encore certain de ça?
    Selon mes informations, c'est encore une discussion qui se fait à l'interne.
    Pendant qu'on négocie un traité de libre-échange, il y a des discussions internes pour savoir qui a la compétence de négocier?
    Non, pas la compétence, mais il s'agit d'une clarification du mandat ou de cette relation entre l'Union européenne et ses États membres.
    Ce n'est pas rien non plus.
    Ce n'est pas rien, mais encore là, ce sont des informations de source secondaire. Je ne suis pas européen, je ne suis pas sur place, mais...
    Dans le cas très précis de cet accord, comme on ne connaît pas nécessairement la définition ou qu'on ne sait pas ce qui est inclus dans l'exemption culturelle, comment peut-on en arriver à s'entendre ou à ne pas s'entendre, finalement?
    Je présume que, puisque nous sommes plus inclusifs, nous allons demander que tous ces éléments soient inclus. Mais les Européens vont résister, n'est-ce pas, et il y aura des négociations? Serait-il possible qu'on cède là-dessus?
    Croyez-vous que cet enjeu soit plus important pour les Européens que pour nous? Et à la fin, qui insisterait pour que l'autre...? C'est ça, la question, finalement.
    Je crois savoir qu'on a toujours tenu cette position. Elle est claire, conséquente et cohérente. Les Européens, pour l'instant — mais c'est un commentaire éditorial — ne semblent pas avoir une position claire, cohérente et une position de force. C'est un commentaire éditorial: ce serait une position de coalition.
    Finalement, on n'est pas rendu très loin dans la négociation qui touche à la culture. On avait l'impression qu'il y avait un bout de fait.
    J'ai posé des questions au ministre, la semaine dernière. Je demandais, de façon générale, ce qui avait été fait dans cet accord, au sujet de la protection de la diversité culturelle. Il a répondu ceci:

[Traduction]

     « Nous en sommes bien sûr aux balbutiements et la négociation n’est pas terminée. »

[Français]

    Quand on me dit « faites-moi confiance », cela me pose problème, personnellement, étant donnée la position traditionnelle des conservateurs sur la culture.
     Où en est-on, plus précisément, sur les éléments de protection culturelle?
    Je pense que les négociateurs sont assez transparents quand ils vous disent qu'ils n'ont pas fait beaucoup de chemin. C'est parce qu'ils ont fait beaucoup de chemin sur beaucoup d'autres choses. Ils ont mis l'accent là où ils voulaient le mettre, et ce n'était peut-être pas un enjeu de blocage significatif. Il faut peut-être aussi le voir comme ça.
    D'accord.
    Spéculons un peu. Disons qu'on négocie à rabais ou que des éléments ne soient pas aussi forts que dans nos traités avec les Américains.
    Serait-il possible que, ultérieurement, les Américains virent de bord et nous disent qu'on n'a pas demandé ce type d'exemption et qu'ils voudraient, eux aussi, revoir l'accord ou l'ouvrir?
    En tous cas, on n'a pas d'indication qu'on s'en va vers autre chose qu'une exemption complète. Cependant, on n'est pas rendu... Et on n'a pas le texte devant nous. Donc, personne ne peut présumer comment va se terminer cette négociation.
    Je vais me référer à votre texte. À un moment donné, il est écrit:
Il nous faut espérer que les gouvernements et la société civile canadienne continueront de travailler ensemble pour donner au nouvel instrument tout son poids juridique et politique, [...]
    Que voulez-vous dire exactement? Que manque-t-il?
    Ce n'est pas parce qu'on adopte une convention internationale que cette convention prend tout son sens tout de suite. Les États parties qui ont signé cette convention doivent maintenant l'appliquer et passer aux choses concrètes.
     Quand ces États passent aux choses concrètes, par exemple sur le plan des politiques culturelles, s'ils n'ont absolument pas ou pas beaucoup de politiques culturelles au moment où l'on se parle, ils risquent que les ententes commerciales ou les lois de marché viennent mettre en péril leur propre expression culturelle. Or, passer à l'acte et aux choses concrètes, c'est prendre les objectifs et le chemin proposé par la convention, et commencer à mettre cette convention en oeuvre. C'est quand on la met en oeuvre qu'on lui donne son sens et son poids.
     En ce qui a trait à la coopération internationale, vous verrez que la convention appelle très clairement les États parties à coopérer entre eux. Si les États le font vraiment, une communauté plus forte s'organise et elle sera plus forte le jour où, dans une enceinte multilatérale, il sera question de ces enjeux culturels. Donc, c'est ce qui doit maintenant se passer.
     J'ai donné l'exemple de la Déclaration universelle des droits de l'homme. À partir du moment où on dénonce les violations et où on passe à l'acte, cette convention prend son sens et son poids.
    C'est en espérant qu'ils ne se retirent pas non plus. On avait signé et ratifié le Protocole de Kyoto, et ils nous ont sortis de là.
    D'accord, merci.
    Madame Lavallée.
    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue, messieurs.
    Sauf erreur, le traité sur la diversité culturelle, dont votre coalition est la gardienne, sert à dire aux pays membres, aux pays qui ont signé et à tout le monde que notre culture est tellement importante et fragile que nous voulons la protéger et ne pas la négocier dans d'éventuels traités.
    Ai-je bien compris?
(1550)
    Oui, on peut le voir comme ça.
    En fait, cela dit que, du fait que les biens et services culturels sont aussi des marchandises économiques, ils sont aussi porteurs de culture, d'identité, de sens et de valeurs. Cela prend donc une tout autre dimension, dans la vie de nos sociétés, que des tapis, des trains, des autos, etc.
    Donc, dans un traité de libre-échange, on devrait normalement retrouver, dans l'un de ses premiers paragraphes, une espèce d'article qui dirait ceci: comme on a déjà signé le traité sur la diversité culturelle, on ne parle ici ni de culture ni de produits culturels.
    C'est ça. Par exemple, on pourrait mettre ça dans le préambule.
    On pourrait écrire ça dans le préambule, et ce serait fini, on passerait à autre chose. Il n'y aurait pas de protocole ou d'autres négociations sur l'audiovisuel ou l'édition.
    C'est ça. Et on pourrait même aller dans le détail, comme on l'a fait dans le passé, pour définir ou donner la liste, l'inventaire de cet univers, ce qu'on entend par « culture exemptée ».
    Dans ce cas, comment se fait-il que l'Union européenne, qui a été l'un des premiers signataires de la convention sur la diversité culturelle, mette sur la table et dans le même traité des choses comme l'édition, l'audiovisuel et un protocole de coopération, alors qu'elle a déjà apposé sa signature attestant qu'elle ne voulait pas en parler?
    Pour ce qui de l'édition, c'est clair. Pour ce qui est de l'audiovisuel, je ne vois pas à quoi vous faites référence, parce qu'il n'y a pas vraiment eu de prétentions européennes à cet égard. Je ne suis pas au courant de ces prétentions européennes.
    Quant au protocole, il est plutôt venu de nous, du Québec, que de l'Union européenne.
    En ce qui concerne l'audiovisuel, il me semble avoir entendu ici que les Européens n'avaient pas la même définition que nous de la culture. Ils voulaient exclure de la culture l'audiovisuel. C'est ce que j'ai entendu.
    La portée de l'exemption est plus...
    Il me semble que c'est le ministre du Commerce international ou l'un de ses représentants qui a soulevé cela.
    En effet. Et dans un tel cas, ça porte sur le domaine de l'audiovisuel et moins sur l'ensemble des industries culturelles.
    J'aimerais comprendre pourquoi, compte tenu que 27 de ses 29 pays membres ont déjà signé la Convention culturelle européenne, l'Union européenne remet ça sur la table.
    Comme je vous l'ai expliqué déjà, d'après ce que nous comprenons des discussions entre les équipes de négociation, les Européens cherchent à comprendre comment, de notre côté, nous définissons cette disposition et l'appliquons à l'ensemble de l'accord. C'est ce que le ministre est venu expliquer la semaine dernière. Il s'agit de la forme. Cette disposition, qui est large, doit-elle s'appliquer à l'ensemble de l'accord? Est-il normal que ça s'applique aussi à la propriété intellectuelle? Il a posé ces questions, qui sont légitimes. Ça nous oblige à y répondre. Si nos réponses ne sont pas bonnes, nous allons être en difficulté, mais si nous arrivons à fournir de bonnes réponses et à convaincre ces gens que notre façon de voir les choses est encore bien fondée, nous allons gagner notre point, à mon avis.
    Votre coalition participe-t-elle, d'une façon ou d'une autre, à ces négociations? Obtenez-vous des informations privilégiées à cet égard?
    Comme je l'ai dit, il y a un dialogue avec les négociateurs. Ceux-ci partagent avec nous de l'information généralement confidentielle que nous essayons vraiment de garder confidentielle.
    Si vous prenez connaissance de choses qui ne vous satisfont pas, par exemple le protocole de coopération, dont vous avez parlé plus tôt et qui, à votre avis, n'a aucunement sa place dans un traité de ce genre, comment pouvez-vous exercer votre influence de façon à ce que ça ne soit pas adopté?
    En comparaissant devant vous aujourd'hui, notamment, et en faisant connaître nos positions, dont les négociateurs et le Québec sont tout à fait au courant. Nos membres discutent également de ces questions. Tout le monde est favorable à la coopération, mais il faut s'entendre sur la forme et le fond de cet éventuel protocole de coopération.
    Pour vous, le fait qu'il n'y ait pas de protocole est une question de principe?
    C'est...
    Pourtant, c'est assez anodin. On peut penser à l'entente avec l'Inde, par exemple. Il y a un bon moment que j'ai lu les détails sur cette question. Quoi qu'il en soit, une entente de coopération portant sur le cinéma a été conclue. Ça s'est réalisé timidement, mais ça s'est fait.
    Comme je l'expliquais plus tôt, le danger est que si on détermine qu'il y a une exemption, mais qu'on ouvre tout de suite une discussion sur le protocole, les gens dont les intérêts ou les projets économiques auraient pu être empêchés par l'exemption pourraient tenter de s'immiscer dans le débat sur le protocole de coopération culturelle. Qu'il s'agisse du fond ou de la forme, on tente de lier l'un à l'autre. Si on obtient l'exemption, c'est une chose, mais si on discute de coopération, c'en est une autre. C'est un autre cadre.
    Merci.
    Monsieur  Angus.
(1555)

[Traduction]

     Merci beaucoup de vous être déplacés.
     C’est un sujet fascinant, mais je suis un peu inquiet en ce qui concerne les exemptions parce que les Européens sont assez durs lorsqu’il s’agit de commerce, comme les Américains. Je ne pense pas qu'il importe aux Européens et aux Américains de savoir que dans certaines communautés on danse le clogging ou on parle deux langues officielles. Eux pensent produits.
     En matière de commerce, la culture revient essentiellement aux disques, aux films et à la concurrence que l'autre représente pour vous, alors quand on dit qu'il faut assurer la diversité culturelle, s’agit-il de maintenir un certain droit sur le marché intérieur pour être en mesure d'adopter des politiques quant à la façon d'utiliser la production nationale et quant à ce que nous limitons? C’est quelque chose qu’ils verront sûrement d’un mauvais œil, alors est-ce que cela fait partie de l’exemption?
     Oui, bien sûr.
     D’accord.
     Avant la décision de Maxime Bernier en 2006, les télécommunications étaient considérées comme une question de souveraineté nationale. Mais la question de la radiodiffusion est liée aux télécommunications parce qu’il y a maintenant quatre ou cinq intervenants qui contrôlent les téléphones cellulaires, la télévision par câble, l'accès Internet et qui, en plus, fournissent maintenant le contenu.
     N’importe lequel de ces très grands joueurs aux Canada représente probablement une acquisition de taille moyenne tout à fait raisonnable pour un géant européen des télécom. Sommes-nous en train de dire qu’on inclurait nos télécommunications et les FAI à intégration verticale dans l’exemption sur la production culturelle? Ou bien que les télécommunications seraient ouvertes? Encore une fois, où débute la distinction entre diversité culturelle et concurrence économique?
     Eh bien, d’après ce que j’ai compris, le ministre a clairement établi que la propriété étrangère ou les investissements en provenance d’Europe n’allaient pas... Vous savez, la politique est inchangée. Voilà pour un secteur. Cependant, lorsque je demandais s’il fallait revoir la disposition d’exemption et envisager de nouvelles formes et de nouvelles façons... Ce que je veux dire c’est que nous avons maintenant le Fonds des nouveaux médias qui est évidemment orienté vers l’avenir et vers la façon dont l’audiovisuel et les nouveaux médias convergeront et travailleront de concert. J’ai la question, mais pas la réponse.
     Je n’ai pas la réponse. Où est la limite? En ce moment, les secteurs des télécommunications et des logiciels, par exemple, n’ont pas leur place dans l’étroite définition des industries culturelles. Ce n’est certainement pas le cas dans les actuelles ententes commerciales bilatérales ou dans la façon dont la disposition d’exemption a été rédigée, mais cela ne veut pas dire que ça ne sera pas possible dans l’avenir.
     Je dis, attention. Demandons-nous quelles auraient été les répercussions dans le passé... Mais comme ça n'était pas...
     Dans le GATT, les exemptions en radiodiffusion ont été considérées comme une question commerciale, mais nous avons l'impression que c'est une question de politique culturelle parce que nous avons des normes très claires quant à ce qui est diffusé. En tant que Canadiens, nous veillons à ce que la voix du Canada soit entendue sur les ondes publiques. Comme c’est une question qui a été contestée en vertu du GATT, même si on pouvait séparer les télécommunications — et je ne suis pas certain qu’on puisse le faire maintenant qu’il y a intégration verticale — , êtes-vous en train de dire qu'avec l’exemption culturelle nous disposons de mécanismes de prestation pour assurer la diffusion des produits de certaines industries culturelles essentielles — par exemple l’édition? Parlons-nous des industries elles-mêmes? Parlons-nous des produits qu’elles créent?
     Eh bien, nous avons une petite idée de la limite à atteindre, mais nous avons affaire à des industries, comme celles de l’édition et de l’enregistrement sonore. La liste de ces industries est plutôt longue. Ce qu'il faut, c'est se garantir la capacité de créer du contenu, d'adopter des politiques et des mesures pour soutenir la création de contenu, qu'il s'agisse de production ou d’accès à la distribution. Mais comment définir cela? Faut-il prévoir une déclaration préliminaire indiquant que tout contenu original canadien destiné à être accessible doit... de plus, est-ce que ça devrait ou pourrait être neutre du point de vue technologique? J’ai la question, mais pas la réponse.
     Les télécommunications, la radiodiffusion et autres servent à diverses fonctions sur les plans de la distribution et de l’accès, mais peut-être pas sur celui de la production de contenu. Par conséquent, même les entreprises de télécommunications finissent par avoir recours aux diffuseurs, aux réalisateurs et à l’industrie du son pour produire le contenu qu’ils diffusent. Alors peut-on dire qu’ils font partie de l’ensemble ou non? Probablement pas, puisque ce sont des entreprises de diffusion qui ne produisent pas de contenu.
     L’Union européenne applique-t-elle des politiques d’encouragement fiscal sur son territoire pour la réalisation de films? C’est le cas?
(1600)
     Je crois que oui.
     Comme nous avons Téléfilm, le Fonds des médias du Canada et d'autres agences de financement, nous distribuons les fonds publics en fonction du niveau de participation canadienne, mais la désignation de ce qui est canadien et ce qui ne l’est pas semble parfois arbitraire. Est-ce l’acteur? Le producteur? Les organismes de financement peuvent conclure des ententes internationales avec la France ou l’Angleterre pour faire des coproductions. C’est bien beau, mais la question est... Chez nous, pour avoir une industrie nationale, nous avons décidé de nous doter de vecteurs nationaux et je pense que les Européens aimeraient beaucoup que leurs industries de télécommunications et de radiodiffusion, leurs intervenants principaux, s'engagent dans la même voie. Alors allez-vous recommander des modifications pour cette exemption, parce qu’il me semble que si l'on commence à toucher au commerce, il faudra s'appuyer sur une position assez claire.
     Premièrement, il faut obtenir l’exemption telle quelle, avant de penser à proposer autre chose ou à refondre la disposition elle-même. Remportons cette première victoire et sécurisons le terrain gagné jusqu’à présent.
     En ce qui a trait à l’audiovisuel, je me hasarderai à dire que c’est probablement la meilleure façon d'exploiter les nouveaux médias qui ont généralement plus d'affinités avec ce type de médium qu'avec les télécommunications. J’ai peut-être tort à ce sujet. Alors je... Oui? Excusez-moi.
     Non, allez-y, finissez votre raisonnement.
     S’il y avait une révision à apporter, je dirais que c'est sur ce plan qu'il faudrait chercher à le faire plutôt que d'insister pour inclure les télécommunications et les définir en tant que contenu culturel.
     Merci beaucoup monsieur Angus.
     Monsieur Del Mastro.
     Merci beaucoup monsieur le président.
     J’ai quelques questions. Tout d’abord, sachez que j’ai toujours pensé que cette conversation devrait se dérouler devant le Comité du commerce international qui traite de commerce international et des différents traités signés au fil du temps. Nous, nous sommes le Comité du patrimoine canadien et je préférerais parler de choses comme la guerre de 1812, mais nous discutons au lieu de négociations commerciales entre le Canada et l’UE, ce qui intéresse sûrement les députés.
     Je comprends tout à fait la très grande importance qu'il y a de signer des ententes commerciales bilatérales, pas seulement pour des choses comme les produits manufacturés et bien sûr les exportations de produits industriel, financiers ou autres, mais aussi pour les échanges en matière de patrimoine ou de culture. Je pense que nous sommes tous d’accord pour dire que, même si nous entretenons déjà une relation commerciale dans le domaine des arts avec l’Europe, on pourrait toujours l'améliorer. Je pense qu’une excellente façon d’y arriver est d'élargir la relation que nous avons avec eux.
     Outre tout cela, je me réjouis de votre présence aujourd’hui et j'ai apprécié votre exposé.
     Pouvez-vous nous expliquer quelle était, à l’origine, la raison de l’ACRC? Pourquoi avons-nous signé cet accord? Quels en sont les avantages? Comment cela a-t-il fonctionné? Y aurait-il lieu d'améliorer certaines choses? Vous pourriez peut-être nous expliquer un peu le contexte.
     Je suis le porte-parole de l’ACRC. Comme j’aborde ces questions dans ma déclaration d’ouverture, nous pourrions peut-être traiter des questions concernant l’entente avec l’UE... quand viendra mon tour, je répondrai à ces questions.
     Bien sûr. Pas de problème.
     Nous n'accueillons qu'un panel aujourd’hui et la séance se termine à 16 h 30. C’est donc maintenant l’occasion de répondre aux questions sur le sujet abordé par le député.
     Si vous préférez, monsieur Drapeau, quand nous entamerons la deuxième série de questions, je serai ravi de vous accorder le reste de mon temps pour que vous puissiez faire votre exposé. Nous aurons ensuite une autre chance. Ça vous irait?
     C’est vraiment au président de décider.
     Juste pour clarifier, vous pensiez faire chacun une déclaration préliminaire de 10 minutes?
     Je peux me limiter à cinq minutes, mais je m’attendais effectivement à faire une déclaration préliminaire.
     Eh bien, je suis désolé. Nous avons prévu seulement une heure pour les deux.
     Je serai rapide.
     S'il vous plaît, utilisez mon temps, puisque les questions étaient à ce sujet.
     D’accord. Nous reviendrons à vous, monsieur Del Mastro.
     Monsieur Drapeau, allez-y avec votre déclaration préliminaire de cinq minutes sur votre rôle dans l’Accord commercial relatif à la contrefaçon, et nous reviendrons ensuite aux questions des députés.
     Ma déclaration préliminaire traite de certaines des questions que vous avez posées.
     Tout d’abord, je veux vous remercier de me permettre de vous aider dans vos travaux. J’aimerais remercier M. Vallerand qui a partagé son temps de parole avec moi, parce que je ne suis pas membre de la Coalition pour la diversité culturelle.
     Je m’appelle Daniel Drapeau. Je suis avocat au cabinet Smart & Biggar. J’ai dirigé ma première saisie de produits contrefaits il y a 13 ans et je travaille dans ce domaine depuis lors. J’ai également déjà été président du comité anti-contrefaçon de l’Institut de la propriété intellectuelle du Canada, que j’ai représenté au sein du groupe de travail sur la propriété intellectuelle du Partenariat pour la sécurité et la prospérité entre le Canada, les États-Unis et le Mexique.
     Dans l’exercice de ma profession, j’ai remarqué qu’il y a réellement quelque chose qui ne va pas avec le système anti-contrefaçon au Canada. Quand je suis devenu président du comité anti-contrefaçon, j’ai remarqué que rien ne bougeait du point de vue législatif d'où mon désir d'être ici aujourd’hui.
     Il y a deux ans, j’ai pris une année sabbatique pendant laquelle j’ai rencontré différentes personnes du milieu de l'anti-contrefaçon, soit de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, de l’Organisation mondiale des douanes, de l’Union des Fabricants et du Comité national anti-contrefaçon à Paris, ainsi que des détenteurs de droits qui sont mes clients.
     Je voulais savoir comment le Canada est perçu dans l'univers de l'anti-contrefaçon sur le continent européen. Les Américains nous critiquent souvent, mais je me demandais s’ils n’exagèrent pas, puisque nous sommes toujours sur leur liste de surveillance spéciale. Malheureusement, je dois vous dire que d’autres pays ont une opinion de nous qui n'est guère meilleure que celle des États-Unis.
(1605)

[Français]

    Quand M. Vallerand m'a invité à partager son temps d'antenne, je me suis dit que mon investissement pourrait au moins être utilisé à bon escient. De cette façon, je peux vous faire part de mes réflexions sur les faiblesses du système canadien, vous soumettre des propositions visant à remédier à ces faiblesses, mais surtout, vous dire comment l'ACRC, soit l'Accord commercial relatif à la contrefaçon, peut nous aider. J'a lu les transcriptions du 31 janvier dernier.

[Traduction]

     Je pourrai répondre à certaines questions pour lesquelles aucune réponse n'a encore été fournie.
     Qu’est-ce que la contrefaçon? Il importe que vous compreniez de quoi il s’agit parce que beaucoup vont essayer de vous confondre en présentant des marchandises qui ne sont pas contrefaites comme étant des produits de contrefaçon.
     Une marchandise contrefaite est un faux produit portant une marque amenant le consommateur à croire qu’il provient d’une source légitime. L'exemple classique est celui de la fausse chemisette de Lacoste qui n'est donc pas fabriquée par Lacoste, mais qui porte le petit alligator. Il y a une multitude d’autres produits. Au début de ma carrière, je m'occupais de produits de luxe. Maintenant je m'occupe de coffrets électriques.
     Il est important de préciser que les produits contrefaits ne sont pas des produits du marché gris. Les produits du marché gris sont des marchandises authentiques qui entrent au Canada en violation des droits des distributeurs canadiens. C’est de cela dont traitait l’arrêt Euro Excellence de la Cour suprême, il y a deux ans. Ce n’est pas de la contrefaçon, mais on se trompe souvent entre les deux.
     Les marchandises contrefaites ne sont non plus des produits affichant une marque de fabrication ressemblant à celle du produit authentique que ça porte à confusion, disons un logo d’un autre reptile au lieu de l’alligator. Ce n’est pas de la contrefaçon. Les produits contrefaits reproduisent la marque de commerce.
     J’insiste sur ce point parce que la différence entre les deux est assez nette. Il n’est pas nécessaire d’en discuter ad nauseam. En gros, ce sont des produits qui mentent.
     Parallèlement à la contrefaçon, vous entendrez également parler de piraterie. La piraterie c’est la reproduction non autorisée d’un produit — comme un logiciel, un livre ou un film. On a en partie réglé la question immédiatement après la visite d’Arnold Schwarzenegger au Canada. Je ne suis pas ici aujourd’hui pour vous parler de cela.
     L’ACRC est une initiative lancée en 2006 par les gouvernements du Japon et des États-Unis. Pendant les audiences du 31 janvier, on a demandé pourquoi cela n’avait pas été fait dans le cadre de l’OMPI qui est l’agence des Nations Unies pour la protection de la propriété intellectuelle.
     La réponse à cette question est simple. L’OMPI, du moins en ce qui concerne les efforts de lutte contre la contrefaçon, est paralysée par un conflit Nord-Sud. Le Nord veut protéger la propriété intellectuelle. Le Sud veut y avoir accès et veut protéger les savoirs et les cultures traditionnelles. Les choses ne bougent pas à l’OMPI en ce qui concerne l’anti-contrefaçon. En outre, l’OMPI ne peut qu’émettre des suggestions. Elle n’a pas de pouvoir contraignant.
     Le 31, quelqu'un a aussi demandé pourquoi cela s'était fait derrière des portes closes. Le processus a été critiqué assez fréquemment pour cette raison.

[Français]

    La réponse simple est que ça permet aux États qui ont parfois des perspectives divergentes sur la protection de la propriété intellectuelle de discuter plus ouvertement.
(1610)

[Traduction]

     La véritable réponse, c'est que les Canadien trouvent moins embarrassant de se faire critiquer en privé qu’en public.
     D'aucuns ont dit qu'on avait imaginé l’ACRC pour ramener le Canada dans le rang. L’accord en est maintenant au point où le texte final a été approuvé à Tokyo en octobre 2010. On s’attend à ce que les parties signataires soient l’Australie, le Canada, l’UE, la Nouvelle-Zélande, les États-Unis et la Suisse, mais aussi le Mexique, le Maroc, la République de Corée et Singapour, donc deux pays asiatiques et deux autres qui ne font pas partie des pays industrialisés.
     Comme vous pouvez le constater, il y a de nombreux pays actifs dans le monde de la contrefaçon qui ne figurent pas parmi les signataires. L’accord est en train d’être traduit dans les langues qui seront considérées officielles, et on peut présumer que le traité sera par la suite adopté.
     Le traité comporte plusieurs chapitres dont le principal est le chapitre 2, lui-même divisé en quatre articles. L’article 2 porte sur les mesures d'exécution civiles, c'est-à-dire de mon travail, soit ordonner des injonctions, obtenir des dommages-intérêts et effectuer des saisies au civil. L’article suivant traite des mesures aux frontières, c'est-à-dire de ce que font les douanes? Nous avons d’énormes problèmes au Canada concernant la faiblesse du volet anti-contrefaçon de notre programme douanier. J’y reviendrai. L’article suivant traite des procédures pénales et j’approfondirai la question plus tard. Enfin, un article a aussi été ajouté sur l’environnement numérique. L’article porte sur les fournisseurs d'accès Internet, les FAI, et sur la neutralisation des dispositifs de protection contre les duplications.
     Mes commentaires se concentreront sur le chapitre 2. J’ai cru qu’il serait intéressant que vous connaissiez le lien entre la loi actuelle au Canada et l’ACRC et que vous sachiez ce qui s'annonce. Il y a quatre ans, j’ai témoigné devant le comité parlementaire de l’industrie, des sciences et de la technologie. J’ai expliqué aux membres du comité ce qui ne fonctionnait pas dans le système anti-contrefaçon canadien et j’ai fait des recommandations sur la façon d’améliorer notre système.
     Toutes mes recommandations ont été adoptées par le comité. Quatre ans plus tard, je vous assure qu’on n’est pas plus avancé. Cependant, je suis fier de dire que mes recommandations se retrouvent dans l’ACRC, ce qui devrait nous aider à remédier à notre système. Je pense donc que l’ACRC nous aidera en fait à améliorer notre dispositif anti-contrefaçon. Ce que je déplore c’est que nous avons beaucoup de retard. Nous devrions être en tête du peloton, mais nous sommes à la traîne et nous nous faisons plutôt remorquer par les autres.
     J’espère que vous avez tous reçu mon document. Vous l’avez?
     Oui, le président l'a distribué.
     Dans ce document, vous trouverez, à gauche, mes observations sur les faiblesses du système canadien et, à droite, mes recommandations. Au milieu, j’ai ajouté une colonne avec les dispositions pertinentes de l’ACRC.
     Veuillez remarquer — et je sais qu’on discute beaucoup du projet de loi C-32 et de la Loi sur le droit d’auteur — que l’ACRC aura des conséquences sur bien d'autres choses que les droits d’auteur. Il aura des conséquences sur les marques de commerce et certains de mes commentaires aujourd’hui concerneront la protection des marques dont on parle très peu.
     Les problèmes que j’ai cernés et dont on traite dans l’ACRC sont énumérés dans la colonne de gauche. Je vais les parcourir brièvement. Du point de vue pénal, la GRC et les procureurs de la Couronne ne s'appuient pas sur la Loi sur les marques de commerce pour la simple raison qu’il n’y a pas de dispositions criminelles dans ce texte. Il nous faut des dispositions pénales parce que s'en prendre à des contrefacteurs à coup de dispositions civiles uniquement revient à combattre des escrocs avec des belles théories: ça ne marche pas. Du point de vue de la coopération, l’information ne circule pas. La GRC et l’Agence des services frontaliers ne peuvent pas fournir des informations aux détenteurs de droits, ce qui nuit à leur capacité d’entreprendre des poursuites civiles en temps opportun.
     Enfin, du point de vue de la dissuasion — ce que je pense être la pire partie de notre système — nous n’avons pas de dommages-intérêts légaux en vertu de la Loi sur les marques de commerce. La pénalité maximale selon la Loi sur le droit d’auteur est de 20 000 $, ce qui est tout à fait incomparable aux profits découlant de la contrefaçon, et depuis 2006, ce montant maximal a seulement été accordé trois fois, dans trois cas où les demandeurs étaient représentés par notre cabinet.
     Enfin, côté jurisprudence, nous sommes très mal outillés pour gérer tout cela. On se dit toujours que la lutte contre la contrefaçon est le prix à payer par les fabricants et pas par les contrefacteurs. C’est la jurisprudence de la Cour fédérale.
     Les solutions — et il me reste 30 secondes — que je propose dans la colonne à droite du document peuvent être mises en œuvre par le biais de mesures législatives au coup par coup — vous pouvez modifier la Loi sur les marques de commerce pour prévoir des dispositions criminelles, des dispositions législatives, et des dommages-intérêts légaux — ou vous pourriez avoir un projet de loi omnibus avec des dimensions civiles et criminelles, ce qui assurerait la parité entre les marques de commerce et les droits d’auteur, donc pas de résultat différent, selon le taux qui s’applique à vous.
(1615)
     D’accord. Merci, monsieur Drapeau.
     Monsieur Del Mastro pour une question après quoi je passerai au prochain député.
    Je suis entièrement d'accord avec vous. J'estime que c'est de la plus haute importance. D'un côté, même si vous ne pensez pas que les Canadiennes et les Canadiens veulent entendre ce que ces personnes-là ont à dire, j'estime que nous nous devons de nous mettre à leur écoute. En matière de protection de certains produits, nous sommes un peu les parias de la planète... peu importe qu'il s'agisse de protection intellectuelle, de produits culturels au Canada, qu'il s'agisse de musique ou autre, nous sommes actuellement à la marge et je ne m'étais jusqu'ici pas rendu compte que nous nous heurtons aux mêmes difficultés en matière de protection des marques déposées.
    Vous faites certaines recommandations bien précises dans votre document. Vous pourriez peut-être nous en parler, parce que je ne crois pas qu'on vous ait donné l'occasion de le faire.
    À propos de ce que les autres pays disent de nous, je tiens cela de discussions officieuses que j'ai eues avec des gens qui, de toute évidence, sont beaucoup plus ouverts. Cependant, dans le domaine public, il y a la liste de surveillance spéciale du représentant du Département du Commerce américain sur laquelle nous occupons une place assez proéminente aux côtés de la Chine, de l'Algérie, du Pakistan, de l'Inde et du Venezuela depuis 10 ans, pour tout ce qui touche aux contrôles aux frontières et surtout au manque de ressources pour faire respecter les ordonnances et pour faire appliquer la loi.
    Dans un document récent intitulé « Évaluation des coûts et avantages d'un partenariat économique plus étroit entre l'Union européenne et le Canada : Étude conjointe réalisée par la Commission européenne et le gouvernement du Canada », on peut lire à la page 88 qu'il est parfois difficile au Canada « de faire appliquer les mesures par les tribunaux, les services des douanes et la police ». Quand on sait tout le poids diplomatique qui pèse sur chaque mot de tels documents, on peut dire que c'est là une déclaration bien sentie.
    Ce message n'est pas uniquement martelé par les Américains parce qu'il vient aussi de l'Union européenne. Il est de notoriété publique que notre système pèche par sa faiblesse. Il a aussi été question de ce problème lors des audiences du comité sur la sécurité et du comité des sciences et de l'industrie.
    Nous n'en sommes plus là. Je recommande...
    Oui?
    Terminez ce que vous vouliez dire, après quoi nous passerons à Mme Crombie.
    Brièvement, je recommande ceci. Au Canada, nous avons un problème parce qu'en vertu de la Loi sur le droit d'auteur, il est possible d'imposer des dommages-intérêts d'origine législative. Pour ceux d'entre vous qui ne sauraient pas ce dont il s'agit, ce sont des dommages-intérêts pour lesquels il n'est pas nécessaire de prouver la perte effective. Cette disposition est très importante dans la lutte contre la contrefaçon, parce que tous les faussaires qu'on arrête poussent la même chanson, à savoir que la perte occasionnée n'est pas énorme, puisqu'ils vendent des bibelots à 5 $. Là n'est pas la question. Le fond du problème, c'est l'accumulation de ce genre d'infractions. Cela est reconnu dans la Loi sur le droit d'auteur. La Loi sur les marques de commerce, elle, ne comporte pas de telles dispositions sur les dommages-intérêts législatifs et il faut donc, aux termes de cette mesure, prouver qu'on a effectivement subi des pertes.
    Le droit d'auteur est valable durant toute la vie de l'auteur, soit plus de 50 ans. La marque de commerce, elle, peut très bien être éternelle. C'est pour cela que beaucoup de détenteurs de droits se fondent davantage sur la Loi sur les marques de commerce que sur la Loi sur le droit d'auteur.
    S'il est une seule recommandation que vous devez retenir, c'est celle que je viens de vous faire. Je traite d'autres aspects dans mon mémoire.
    Merci, monsieur Drapeau.
    Madame Crombie.
    Merci à nos deux témoins.
    Je commencerai par M. Drapeau et, s'il me reste du temps, je passerai à l'autre témoin. Je suis vraiment surprise que le Canada soit une partie du problème et pas de la solution.
    Pouvez-vous m'en expliquer la raison? Il y a des pays, comme vous nous l'avez dit, qui font pire que nous. Comme je ne sais pas si je suis censée les énumérer, je vais vous laisser le soin de le faire. Dites-moi comment il se fait que nous contribuions à ce point au problème.
    Je suis un peu découragé de vous en voir surprise, et je ne pense pas à mal en vous disant cela, parce que je suis certain que vous n'êtes pas la seule à ressentir un tel étonnement, pas plus dans cette pièce qu'à l'extérieur.
    Depuis au moins cinq ans, le milieu de la lutte contre la contrefaçon oeuvre pour sensibiliser davantage tout le monde. Notre campagne de sensibilisation est tellement bonne que c'est la seule à être présentée à Paris, au Musée de la contrefaçon de l'Union des fabricants, ce qui n'est tout de même pas mal.
    Pourquoi traînons-nous à ce point de la patte? La Loi sur les marques déposées date. Elle n'a pas été mise à jour en fonction des réalités de l'heure. La contrefaçon a exigé le déploiement d'un effort considérable au cours des 10 dernières années et nous traînons simplement de l'arrière.
    Ça, c'est la raison fondamentale. Parmi les autres raisons, il y a le fait que nous n'avons pas de champion de la cause sur le plan politique. Il faudrait qu'une figure de proue du Parlement, un ministre ou quelqu'un d'autre défende cette cause. Vous ne voulez pas qu'il y ait des morts à cause de pièces d'autobus ou de médicaments contrefaits. Ça s'est déjà produit, mais on ne dispose pas d'éléments probants établissant un rapport de cause à effet indéniable. Le jour où ça se produira, les Canadiens vous demanderont ce que vous avez fait. Et vous savez quoi? Les transcriptions de ce témoignage seront publiques.
(1620)
    Maintenant, dites-moi quel effet l'Accord commercial relatif à la contrefaçon, l'ACRC, pourrait-il avoir sur le projet de Loi sur le droit d'auteur, le projet de loi C-32, si celui-ci devait être adopté?
    Pour ce qui est du projet de loi C-32, je dirais de façon générale que l'ACRC est destiné à « responsabiliser » tout le monde, notamment les fournisseurs de services Internet, et à trouver des solutions pour lutter contre les dispositifs anticontournement. À la lecture du projet C-32, on a plutôt l'impression que ce texte est destiné à « déresponsabiliser ».
    Permettez-moi de vous donner deux ou trois exemples. Je parlais tout à l'heure de dommages-intérêts législatifs. Pour l'instant, ils sont fixés à 20 000 $ qui constituent un plafond pour chaque oeuvre copiée, peu importe le nombre de titulaires de droits ayant décidé de poursuivre un contrefacteur. En règle générale, les contrefacteurs ne se contentent pas de vendre une seule marque, ils en vendent plusieurs. Grâce au projet de loi C-32, les dommages-intérêts législatifs sont réduits de 20 000 $ à 5 000 $ et on se retrouve aux prises avec une nouvelle règle: au plus fort la poche. Si cinq titulaires de droits poursuivent un seul contrefacteur, le premier à porter plainte a droit à 5 000 $ et les autres à des nèfles.
    Je n'ai pas une haute opinion du projet de loi C-32. De plus, l'obligation faite aux fournisseurs de services Internet est truquée, un peu comme si l'on traitait d'exceptions plutôt que d'une responsabilité générale.
    Pour ce qui est de l'effet de l'ACRC sur le projet de loi C-32, à la lecture des témoignages du 31 janvier, je m'étais dit en partant que le projet de loi en question ne rejoint pas entièrement l'Accord. C'est en fait parce que je faisais la comparaison avec les versions antérieures de l'ACRC, surtout celle qui a immédiatement précédé la toute dernière. Quand on considère celle-ci, il est vrai que le projet de loi C-32 est conforme aux principes qui y sont énoncés. Mais encore une fois, nous traînons de la patte, nous ne sommes pas en train de montrer la voie.
    Qu'est-ce qui existe pour l'instant? Quels sont les règlements en place? Quel genre de mesures d'application avons-nous? Qui est responsable de l'application de la législation? D'ailleurs, qui sera responsable d'appliquer l'ACRC? Vous avez parlé de sanctions qui sont les dommages-intérêts législatifs. Est-il également prévu de porter des accusations au pénal?
    Vous voulez savoir qui sera responsable de faire respecter l'ACRC? Eh bien, il y aura un comité dont la constitution est prévue au chapitre 5 de l'accord. Cela étant posé, le comité disposera-t-il d'un pouvoir contraignant? Je ne le sais pas. Très honnêtement, je l'ignore. Ce texte se veut une déclaration d'intention générale de la part des pays développés à faire quelque chose pour lutter contre la contrefaçon.
    Soit dit en passant, la raison pour laquelle je disais que l'ACRC est en partie destiné à amener le Canada à se joindre au mouvement c'est qu'un grand nombre d'autres pays n'ont pas vraiment de problèmes à cause de leur législation et qu'il n'est donc absolument pas nécessaire de les faire adhérer à un traité.
    Au Canada, la difficulté est due à notre dispersion. Le service des douanes constitue la première ligne d'attaque, mais le problème, c'est qu'il ne dispose d'aucun pouvoir pour saisir les contrefaçons au motif qu'il s'agit de contrefaçons. Les douanes ne peuvent saisir que si le destinataire fait une fausse déclaration d'importation, les douaniers n'ont pas le pouvoir de saisir les marchandises ni de les détruire.
    L'acheteur peut ne pas savoir qu'il a acheté une contrefaçon.
    Eh bien, cela pose un autre problème. Contrairement à ce qui se passe dans la plupart des autres pays développés, au Canada, nous n'avons pas de système de consignation des droits à la frontière. Ainsi, celui qui voudrait sensibiliser le service des douanes à ses droits n'y parviendrait que si ses représentants des ventes se liaient d'amitié avec des douaniers ou des gendarmes afin de les amener, personnellement, à intercepter certains arrivages et de leur montrer comment reconnaître des contrefaçons. C'est en fait assez facile de reconnaître la plupart des contrefaçons. Il suffit de disposer des ressources nécessaires pour permettre de telles vérifications.
    Le service des douanes est donc un élément. La GRC en est un autre. Cependant, comme je le disais, la GRC n'intervient pas en vertu de la Loi sur les marques de commerce.
    Enfin, il y a application au civil, mais les sanctions prévues ne sont pas suffisamment lourdes.
(1625)
    Merci beaucoup. Merci, madame Crombie.
    Nous allons passer à Mme Lavallée ou à M. Pomerleau.
    Monsieur Pomerleau.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous deux pour votre présentation. Selon moi, c'est l'une des plus brillantes et des plus claires qu'on ait entendue depuis longtemps.
    Ma question s'adresse à vous, monsieur Drapeau. Le ministre nous a dit récemment — ce n'était pas une boutade — qu'on adopterait le projet de loi C-32 d'abord et qu'on s'occuperait de l'Accord commercial relatif à la contrefaçon par la suite.
    Par contre, ne serait-il pas préférable de faire l'inverse, pour s'assurer d'envoyer le message établissant que nos lois seront conformes au traité qu'on veut faire?
    Faites cela dans l'ordre que vous voulez, mais faites-le! Ça fait assez longtemps que ça traîne. Vous avez tous les outils pour le faire. Vous avez des recommandations qui vous ont été données par le Canadian Anti-Counterfeiting Network, par nombre d'autres groupes, par des praticiens comme moi et par un institut de la propriété intellectuelle. Que vous fassiez l'un ou l'autre... Faites-le!
    En ce qui concerne l'actuelle version du projet de loi C-32, selon moi, vous aggravez le problème plutôt que de l'améliorer. Cependant, je suis conscient que ce n'est pas vraiment notre sujet, aujourd'hui. Donc, je ne m'attarderai pas sur cette question.
    Mme Carole Lavallée: Demain matin, à 11 heures!
    M. Daniel Drapeau: Si vous voulez m'inviter à nouveau, ça me fera plaisir de revenir. J'ai fait une présentation à l'ADISQ sur ce sujet.
    Cela étant dit, le projet de loi C-32 ne règle pas la disparité entre la Loi sur les marques de commerce et la Loi sur le droit d'auteur. Cela ne réglera pas le manque de dispositions pénales pour protéger les marques de commerce.
    Il y a des dispositions dans le Code pénal, mais elles ne sont pas adaptées à la question des marques de commerce. En réponse à votre question: faites cela à un moment ou à un autre, mais faites les deux, et ce, rapidement.
    Monsieur Vallerand, la deuxième question est pour vous. Les négociateurs de l'Union européenne ont certaines réticences à accorder une exemption générale à la culture. C'est extrêmement surprenant, parce qu'on ne pensait pas cela du tout.
    M. Charles Vallerand: Tout à fait.
    M. Roger Pomerleau: Je sais bien que vous avez répondu plus souvent qu'autrement aux questions qui vous ont été posées. J'ai plus de questions que de réponses, mais comment expliquez-vous cela, exactement? Qu'est-ce qui cloche? Est-ce seulement parce qu'ils ne s'entendent pas?
    Vous me demandez de répondre pour les Européens.
    Oui. Vous n'avez pas...
    Ah, ah! Ce n'est pas une petite affaire.
    Ces négociations sont menées par les gens de commerce, pas nécessairement par des gens responsables de la culture ou responsables auprès de l'UNESCO des relations internationales. Quand on est dans une logique commerciale et qu'on se fixe l'objectif d'essayer d'élargir le commerce le plus possible, on ne ferme pas les portes mais on essaie de voir jusqu'où on peut les ouvrir.
    Comme l'Union européenne est en relation avec ses États membres, elle doit aussi travailler avec eux pour bien définir le champ de ses intérêts et, éventuellement, de l'exemption. Ce qui est assez étonnant c'est, effectivement, qu'il n'y ait pas la même compréhension. C'est comme si la main droite avait ratifié la convention de l'UNESCO et que la main gauche disait vouloir continuer à poursuivre des intérêts commerciaux. C'est pour cela que j'ai parlé de cohérence. De notre côté, c'est cohérent et c'est clair depuis 10 ans. On sait où on s'en va et on garde toujours la même direction en ce qui concerne les textes juridiques et les conventions de commerce négociées de façon bilatérale.
    D'accord.
    Je vais céder la parole à ma collègue.
    Monsieur Drapeau, vous nous dites de signer l'ACTA et qu'il faut se dépêcher à le faire parce que ça presse, mais vous dites, par ailleurs, qu'il n'y a pas de pouvoir contraignant.
    D'autre part, l'année dernière, il y a eu une espèce de révolution mondiale de la part de la société civile qui voyait venir l'ACTA avec beaucoup d'appréhension. Qu'est-ce qu'il faut comprendre?
    Je ne suis pas en train de vous dire de signer l'ACTA et que ça presse. Je suis en train de vous dire de considérer les failles dans notre propre système en ce qui a trait à la lutte contre la contrefaçon, et d'y remédier. En y remédiant, vous allez en arriver à respecter les normes de l'ACTA.
    Il ne faut pas oublier que l'ACTA, c'est un peu un voeu pieux entre un nombre d'États qui délimite des normes minimales que les États peuvent dépasser. En passant, c'est très reluisant...
    Par exemple, pour les fournisseurs de service Internet, dont vous parliez plus tôt, il n'y a rien dans l'ACTA et il n'y a rien dans le projet de loi C-32. Or, vous nous dites de le signer « au plus sacrant ».
    Non, je ne vous ai pas dit de signer l'ACTA « au plus sacrant », et je ne veux vraiment pas que mon témoignage soit interprété de cette manière.
    Les fournisseurs Internet ont l'obligation, en vertu de l'ACTA, de divulguer l'identité du contrefacteur, ce qui est très pertinent au Canada, à cause de la décision dans la cause BMG Canada Inc. c. John Doe (C.A.F.) entendue par la Cour d'appel fédérale.

[Traduction]

    C'est particulièrement valable au Canada parce que le seul cas où un fournisseur de services Internet a dû divulguer l'identité d'un contrefacteur, c'était dans l'affaire BMG, à la faveur d'une décision rendue par la Cour fédérale qui a ensuite été envoyée en appel. Au final, le fournisseur de services Internet a dû...
(1630)

[Français]

    Je ne voudrais pas vous interrompre, mais mon temps est compté. Si je comprends bien, vous dites que l'article 19 qui réforme la Loi sur l'accès à l'information — je retrouverai l'article; je pense que c'est l'article 21 — oblige certaines entreprises privées de divulguer l'identité des contrevenants. Cela pourrait très bien s'appliquer aux fournisseurs de services Internet. Ce sera pour moi un plaisir de vous diriger vers cette information.
    Mais dans quelles circonstances?
     Merci, madame Lavallée.
    La Loi sur l'accès à l'information.
     Monsieur Drapeau.
    Je vous conseille, puisqu'on vit ici une violation de propriété intellectuelle, de l'inscrire dans une loi sur la propriété intellectuelle. Présentement, il n'y a pas cette obligation dans le projet de loi C-32, et la Cour fédérale ne l'accorde pas facilement, parce qu'on peut l'obtenir seulement en vertu de

[Traduction]

l'interrogatoire préalable en équité.
    Merci beaucoup.
    Enfin, M. Del Mastro désire intervenir brièvement.
    Oui. Merci, monsieur le président.
    J'étais prêt à être le porte-étendard de votre combat pour la protection des marques déposées jusqu'à ce que vous vous défouliez sur le projet de loi C-32...
    Des voix: Oh, oh!
    M. Dean Del Mastro: ... puis, je me suis ravisé en disant qu'il vaudrait mieux que je vous mette au courant de ce qu'est le projet de loi C-32.
    Vous voyez, il y a deux ou trois choses au Canada. On a déterminé que les FAI offrent des services essentiels au Canada, autrement dit, qu'ils entretiennent la super autoroute de l'information. Quand un conducteur fait un excès de vitesse sur l'autoroute, on ne demande pas au policier de donner une infraction à l'administration de l'autoroute. C'est cela, l'approche que nous avons adoptée au Canada...
    La Cour fédérale a jugé que les exploitants de marchés aux puces, ceux qui louent des emplacements à des vendeurs de produits contrefaits, étaient également responsables. C'est le même principe.
    Effectivement, parce qu'ils savaient pertinemment... Je ne pense pas que ce soit la même chose, mais je reconnais avec vous que ça s'est passé ainsi dans ce cas. Toutefois, je soutiens...
    Je soutiens plusieurs choses. Les dommages-intérêts d'origine législative ne sont pas plafonnés dans les cas de contrefaçon. Je dirais même que le plancher est beaucoup plus élevé et qu'il n'est pas de 5 000 $. C'est ça ce que je veux dire.
    Cette disposition concerne les affaires privées, c'est-à-dire qu'elle s'adresse aux particuliers réclamant des réparations légales. Il demeure que, selon moi, 5 000 $, c'est beaucoup d'argent. On pourrait toujours débattre pour savoir si ce ne devrait pas être plus que ça, et certains groupes, notamment des associations de l'industrie, nous ont dit que les dommages-intérêts légaux pourraient débuter à un niveau nettement inférieur à celui-ci et nous ont confirmé qu'ils jugent important de prévoir de telles réparations légales. Je dirais que les principaux groupes...
    Le plus important, c'est que les gens ont l'impression que vous avez réduit les dommages-intérêts légaux. Vous les avez fait passer de 20 000 à 5 000 $.
    Nous ouvrons en fait la possibilité de les appliquer dans des situations où ça n'est actuellement pas possible. Il est important de les établir en droit.
    Je pense que vous devez vous rendre compte de la complexité qui caractérise la question des droits d'auteur. Nous sommes en présence de deux groupes principaux qui s'opposent en matière de droits d'auteur, peu importe ce dont il s'agit. Il y en a un, situé à gauche, qui conteste l'ordre établi. Autrement dit, qui ne veut pas que l'industrie fasse de l'argent. Dès qu'on fait quelque chose qui pourrait permettre à l'industrie ou à quelqu'un de faire de l'argent, ce groupe réagit.
    En face, il y a ceux de l'extrême droite. C'est le groupe des libertaires. Il ne faut surtout pas venir s'ingérer dans leurs affaires.
    Voilà bien les deux groupes, n'est-ce pas? La plupart des gens se situent entre ces deux extrêmes. Toutefois, si l'on cherche à obtenir les voix des électeurs d'un côté ou de l'autre, on s'aliène forcément les électeurs du groupe opposé.
    Cela étant posé, la plupart des interventions concernant le projet de loi C-32 — en grande partie venant bien sûr de mes collègues d'en face — semblent être destinées à séduire ceux qui contestent l'ordre établi. Ils se préoccupent beaucoup du sort des créateurs, mais dès qu'il est question de bâtir un marché ou de rétablir des opportunités pour permettre à certains groupes de gagner légitimement de l'argent, ça devient moins séduisant. Ils préféraient un système de taxes et de redevances dont on pourrait confier l'administration à différents organismes parce que, comme on le sait très bien, le marché ne peut pas s'autoréguler. Personnellement, j'estime que...
     Malheureusement, ils retiendront de vos commentaires que vous êtes contre le projet de loi C-32, puisque vous n'êtes pas convaincu que cette mesure contribuera à rétablir le marché. C'est très malheureux.
    Merci beaucoup, monsieur Del Mastro.
    Je tiens à remercier M. Drapeau et M. Vallerand pour leur témoignage...
    Monsieur Angus.
    Monsieur le président, je dois vous demander pourquoi cette réunion a pris cette tangente. Je m'étonne.
    Nous accueillons deux témoins. Le premier s'est exprimé, nous sommes passés aux questions, puis le second s'est mis à faire son exposé en plein milieu de la première période de questions.
    Voyant ça, je m'étais alors dit: « Eh bien, comme nous entamons la seconde série de questions... », mais nous en étions toujours à la première. Soudainement, il s'est mis à faire son exposé en plein milieu de la première série de questions.
    Et voilà que c'est déjà fini. Je lui aurais bien posé des questions, mais en fait je n'en avais encore aucune. Je ne pouvais pas lui poser de questions sans avoir entendu son témoignage...
    Le président a mal compris ce dont il s'agissait et je vous prie de l'en excuser.
    J'ai cru comprendre que...
    Une voix: Laissez-lui quelques minutes, monsieur le président.
(1635)
    Puis-je terminer?
    Une voix: Bien sûr, allez-y.
    Une voix: Donnez-lui cinq minutes.
    Le président: Le président a mal compris la situation et il s'en excuse.
    J'avais cru comprendre que ces deux témoins parlaient au nom d'une seule et même organisation et j'ai accordé 10 minutes à M. Vallerand pour sa déclaration d'ouverture au nom de cette organisation. Je ne m'étais pas rendu compte que M. Drapeau témoignait sur autre chose, soit sur l'Accord commercial relatif à la contrefaçon.
    Je vous présente mes excuses pour ce quiproquo, mais dans l'ordre du jour nous avions réservé une heure pour ces deux témoins. Nous devons étudier deux motions — dont une qui est la vôtre, monsieur Angus — et nous devons parler de cette ébauche de rapport.
    Je vais suspendre la réunion pour une minute...
    Je tiens cependant à ce qu'il soit consigné que, selon moi...
    ... laissez-moi terminer — pour permettre au public de sortir de la salle afin que nous passions à huis clos.
    Allez-y, monsieur Angus.
    Excusez-moi. J'ai beaucoup de respect pour votre fonction de président, mais je trouve que ce qui s'est produit est totalement inacceptable. Je n'ai pas posé une seule question à ce monsieur parce que le président m'a amené à croire que nous avions affaire à un seul et même groupe. Puis, soudainement, en plein milieu de la période de questions, on a permis au témoin de faire une déclaration, et maintenant tout est annulé.
    J'ai beaucoup de questions à poser au sujet de l'ACRC. S'il m'avait remis une déclaration sur l'ACRC, j'aurais pu lui poser des questions au sujet de cet accord. En revanche, il aurait été parfaitement injuste de ma part de poser des questions à quelqu'un n'ayant pas eu la chance d'exposer son point de vue, et il aurait été injuste qu'on s'attende à ce que je le fasse.
    Parfait. Monsieur Angus, voulez-vous disposer de cinq minutes pour poser quelques questions à M. Drapeau?
    Ce ne serait que justice.
    Très bien. Vous avez la parole, monsieur Angus.
    Après cela, nous suspendrons la séance.
    Merci.
    Monsieur Drapeau, j'ai un doute. S'agit-il d'un traité d'application de la loi? Est-ce un accord commercial? Est-ce un accord en matière de droit d'auteur?
    Vous avez oublié de me demander si ce n'est pas une convention relative aux marques de commerce.
    Ou une convention relative aux marques de commerce?
    C'est un peu tout à la fois. C'est un accord qui vise à appliquer des dispositions au civil, aux termes de la Loi sur les marques déposées ou de la Loi sur le droit d'auteur. Une chose est certaine: nous convenons tous que cet accord s'articule principalement autour des dispositions régissant les marques de commerce et le droit d'auteur.
    Il est donc question de droit d'auteur.
    Des deux, des marques de commerceet du droit d'auteur.
    M. Charlie Angus: D'accord.
    M. Daniel Drapeau: Comme ce sont des mesures d'application civiles, on touche aux marques de commerce et au droit d'auteur. Il y a aussi une dimension pénale qui relève donc du Code criminel. Et puis, il y a la législation concernant les douanes, sans compter l'environnement numérique qui...
    Quelles dispositions du projet de loi C-32 faut-il réécrire pour satisfaire aux normes de l'ACRC?
    Comme je le disais au début, à la façon dont j'interprète le projet de loi C-32, celui-ci répond aux exigences de l'ACRC.
    Mais vous ne l'aimez pas.
    Mais là n'est pas la question. Le projet de loi C-32 est une partie de la question, parce qu'il y a tout l'aspect concernant les marques de commerce de même que les douanes, autant de choses dont ne traite pas le projet de loi C-32.
     Mais ce n'est pas l'objet du projet de loi C-32.
    Je crois que le problème ici... Nous sommes sûrement tous en faveur de l'adoption de mesures efficaces pour combattre la contrefaçon. Nous voulons que la police et les douaniers aient le pouvoir de saisir les produits contrefaits sur les tablettes des magasins et de poursuivre les contrefacteurs. Ce qui m'inquiète... Au sujet du secret ayant entouré l'ACRC, vous avez dit que les gens préfèrent négocier en privé. Ça pourrait être utilisé dans des réunions publiques de conseils municipaux. Des politiciens de tous acabits pourraient reprendre la balle au bond. Les gens n'aiment pas étaler leurs activités commerciales en public parce que cela soulève des questions. Il demeure qu'il existe un mécanisme de reddition de comptes visant à garantir le respect d'un processus public.
    Vous pouvez bien lever les yeux au ciel, mais il y a l'OMPI et l'OMC et vous...
    Monsieur, je n'ai pas dit que ça.
    Certes, mais vous n'aimez pas...
    J'ai aussi dit que les Canadiens trouvent moins embarrassant...
    Que les Canadiens trouvent moins embarrassant.
    ... que les négociations se déroulent derrière des portes closes.
    Je trouve choquant que la communauté internationale se soit dite préoccupée par ce que fait le Canada, mais elle ne peut pas nous froisser. Vous avez fait un excellent travail pour nous décrire comme les parias de la planète, pourtant selon l'indice relatif à la propriété intellectuelle dans le monde, le Canada est sixième sur 22 en ce qui a trait à la protection de la propriété intellectuelle, des marques de commerce et des brevets.
    Nous sommes quatrièmes dans le classement du Forum économique mondial. Dans une étude récente, déposée en février au Bureau du représentant américain au commerce, les grands fabricants de logiciels ont jugé totalement irresponsable le classement du Canada parmi les États hors-la-loi. Ça n'aide pas.
    Vous pourrez toujours intervenir tous azimuts, mais la vraie question reste de savoir comment faire la différence entre ce qui est contrefaçon et ce qui constitue un processus secret destiné à contourner les règles de l'OMC et de l'accord de l'OMPI qui traite effectivement de propriété intellectuelle.
    Ce faisant, vous pourriez toujours dire que l'accord de l'OMPI est défaillant, mais c'est pourtant l'instrument habilitant que nous appliquons depuis 1996 — avant cela, c'était la Convention de Berne. Et voilà que nous nous retrouvons soudain face à un accord entièrement distinct. Nous sommes maintenant en présence d'un petit club sélect autour de l'ACRC. Qui peut s'y joindre? Allons-nous porter tout cela devant l'OMPI pour nous conformer à son traité ou est-ce que l'ACRC aura préséance sur des dispositions à propos desquelles tous les pays se sont entendus dans le cadre de l'OMPI?
    C'est à l'OMPI qu'on traite de propriété intellectuelle. Pour les autres questions, ça se passe à l'OMC. Nous sommes désormais en présence d'un mécanisme privé entièrement différent, limité à six, sept ou dix pays, si bien que la majorité des pays est en dehors. Je ne vois pas quel peut être l'avantage pour le Canada.
(1640)
    Excusez-moi, six, sept ou dix pays? Il y en a 27. L'Union européenne n'est pas un pays, elle en représente beaucoup.
    Je m'inscris en faux contre un certain nombre de choses que vous avez dites.
    D'abord, il y a la façon dont vous avez décrit mes propos sur la question du secret. J'estime que tout le processus permet d'en arriver à un résultat.
    Pour ce qui est de l'OMPI et de l'OMC, permettez-moi de vous demander à mon tour s'il existe un traité anticontrefaçon à l'OMPI ou à l'OMC? Il n'y en a pas encore...
    Eh bien, soumettez-en un.
    En fait, vous vous trouvez à déroger aux règles de l'OMPI et de l'OMC sur la question de la violation du droit d'auteur.
    Une des questions qui se posent, par exemple, est celle de la responsabilité des FAI...
    Vous vous focalisez sur la violation du droit d'auteur et moi, je vous dis que la question va bien au-delà.
    Vous avez pourtant dit que c'est un des principaux éléments.
    Je suis intéressé par la question de la responsabilité des FAI parce qu'à l'évidence vous n'êtes pas convaincu qu'on les tient suffisamment responsables. On pourrait traiter de leur cas dans l'ACRC, mais pas au niveau de l'OMPI.
    Pourtant, le fond du problème, c'est que la disposition sur les trois fautes — à propos de laquelle le gouvernement a obtenu des avis juridiques — ne sera jamais adoptée dans une loi canadienne, bien qu'elle soit un des principaux éléments de l'ACRC.
    L'ACRC ne contient pas de disposition sur les trois fautes...
    Plus maintenant, parce que nous l'avons fait retirer des versions secrètes antérieures sur lesquelles nous avions pu mettre la main. Quoi qu'il en soit, ça ne passerait pas en droit canadien. Cela revient-il à dire, selon vous, que nos lois ne sont pas bonnes et que, si nous signions un accord comme l'ACRC, nous devrions réviser les lois du Canada parce que les responsabilités qu'elles prévoient dans le cas des FAI sont insuffisantes?
    Je vous vois acquiescer.
    Vous devrez certainement examiner la Loi sur les marques déposées...
    Merci, monsieur Angus.
    Allez-y, monsieur Drapeau.
    Vous allez sans doute devoir examiner la Loi sur les marques déposées et le Code criminel.
    En ce qui concerne les FAI... Je me réjouis qu'on ait abandonné la disposition sur les trois fautes. Celle-ci nous vient de France. Quand j'ai vu ça pour la première fois, je me suis dit que ça ne passerait jamais ici, parce que nous sommes un pays de common law où nous appliquons le principe britannique voulant que chacun soit maître chez lui. Mais vous savez quoi? Les Britanniques ont cette disposition.
    Je ne pense donc pas que ce soit le fond du problème. De plus, les trois fautes ne se retrouvent pas dans l'actuelle version de l'ACRC.
    Encore merci à nos témoins pour leur témoignage. Nous apprécions...
    Je dois dire, pour mémoire, monsieur le président, que je vous respecte beaucoup et que je vous ai toujours respecté dans vos fonctions. Je retire tout ce que j'ai pu dire de méchant à votre sujet.
    Des voix: Oh, oh!
    Excusez-moi pour cet embrouillamini. Je présente mes excuses à M. Drapeau pour cet imbroglio, mais sachez que nous avons apprécié votre mémoire et votre témoignage.
    Nous allons suspendre la séance pendant deux minutes afin de permettre aux membres du public de quitter la salle, puis nous reprendrons à huis clos.
     [La séance se poursuit à huis clos.]

    [La séance publique reprend.]
(1645)
    Nous sommes de retour en séance publique.
    Avant de passer à l'étude de deux motions, je tiens à préciser deux choses aux membres du comité. Premièrement, j'attire votre attention sur le fait que nous allons être saisis d'un projet de loi. Il s'agit du projet de loi S-203, Loi instituant la Journée nationale de la philanthropie. Il est piloté par M. Warkentin et notre comité devra l'étudier d'ici le 31 mai. Nous avons donc pas mal de temps et, au besoin, nous pourrons même demander une prolongation. Voilà pour la première chose dont je voulais vous parler.
    Deuxièmement, nous sommes saisis de quatre nominations par décret. Deux nominations au conseil d'administration du Musée canadien de l'immigration, une nomination au conseil d'administration du Musée canadien de la nature, et une reconduction du mandat de Kevin MacLeod en qualité de Secrétaire canadien de Sa Majesté la Reine.
    Si vous désirez que nous examinions n'importe laquelle de ces quatre nominations, veuillez me le faire savoir afin que je puisse déterminer quand nous pourrons accueillir ces témoins.
    Voilà les deux éléments d'information que je désirais porter à votre attention.
    Nous allons maintenant passer à l'étude de l'avis de motion de M. Angus.
    Monsieur Angus, voulez-vous proposer votre motion?
(1650)
    Oui, je souhaite proposer ma motion et vous en parler.
    Le public a jusqu'au 9 février pour faire parvenir ses commentaires à propos des changements devant être apportés au Règlement sur la Commission de la radio et des télécommunications du Canada en ce qui concerne l'obligation de diffuser des nouvelles objectives faite aux titulaires de licences de radio et de télévision, ainsi que de réseaux de télévision spécialisés. Les termes exacts sont « de ne pas diffuser de nouvelles fausses ou trompeuses ».
    Le Comité des privilèges, du Règlement et de la procédure avait contacté le CRTC en 2000. Le comité n'a pas pour fonction de dire s'il aime ou pas un règlement, mais simplement de s'assurer que les règlements sont suffisamment clairs et qu'ils pourraient résister à une éventuelle contestation juridique. Personne n'a jamais contesté le règlement du CRTC. D'ailleurs, la décision que le CRTC a rendue en 2005 dans l'affaire CHOI-FM, dont la licence avait été retirée pour remarques outrancières tenues sur les ondes, a été confirmée par la Cour fédérale qui a soutenu que le CRTC avait le droit de tenir un titulaire de licence responsable pour les propos belliqueux et trompeurs diffusés sur sa fréquence.
    En 2000, donc, le comité du Règlement avait communiqué avec le CRTC en rapport avec l'arrêt Zundel de la Cour suprême qui avait annulé des dispositions sur la diffusion d'informations fausses et trompeuses. Le comité avait demandé des éclaircissements. Il semble que plus rien n'a bougé ensuite pendant une bonne dizaine d'années.
    Puis, il en a de nouveau été question. On s'est de nouveau demandé si la disposition était suffisamment claire. Il semble que le CRTC ait modifié le libellé pour préciser « toute nouvelle qu'il sait fausse ou trompeuse et qui constitue ou risque de constituer un danger pour la vie ». La précision « constituer un danger pour la vie » est l'élément nouveau qui s'applique aux cas de violation des obligations rattachées à une licence de radiodiffusion. Le fait que les titulaires de licences devront être conscients de la nature fausse et trompeuse de l'information modifiera certainement les critères parce qu'il faudra prouver leur culpabilité hors de tout doute, ce qui n'est actuellement pas le cas. On craint aussi que la disposition ne soit renversée par les tribunaux.
    Je soumets cette question au comité non pas parce que nous estimons devoir reconsidérer chaque décision du CRTC, mais parce que la modification des normes de radiodiffusion au Canada pourrait être lourde de conséquences, non seulement dans la façon dont la nouvelle sera traitée, mais aussi dans la façon dont elle sera diffusée. J'estime qu'il vaudrait la peine d'accueillir le CRTC à ce sujet de même que des représentants de la société civile afin de jauger les répercussions éventuelles d'une telle modification du règlement.
    Merci, monsieur Angus.
    Madame Lavallée.

[Français]

    En ce qui concerne la motion de mon collègue Charlie Angus, je voudrais dire que des gens interprètent cette intention du CRTC de la manière suivante: il serait possible de diffuser une information qui n'est pas vraie, mais qui est simplement plausible. Vous ne pouvez pas vous imaginer, monsieur le président, ce que je pourrais dire sur votre compte qui pourrait être plausible, tout en sachant très bien que ce n'est pas vrai. Il faut absolument clarifier cela avec le CRTC, étudier cette intention. Pour cette raison, le Bloc québécois va voter en faveur de la motion du NPD.
(1655)

[Traduction]

    Monsieur Del Mastro.
    Monsieur le président, je vais être honnête. M. Angus semble dire que nous ne voulons pas reconsidérer chaque décision prise par le CRTC, mais selon moi, à cause de notre situation de gouvernement minoritaire, je crois qu'il y a au contraire lieu de revoir toutes les décisions prises par le CRTC. Cela semble être la nouvelle réalité.
    Il semble aussi que, dans ce pays, on s'en prend sans arrêt à la liberté d'expression, ce qui m'inquiète. Je ne sais pas exactement d'où ça vient et je ne suis pas sûr des raisons. Ce qui me préoccupe, c'est ce qui se cache véritablement derrière cette motion. Quelqu'un pourrait se faire accuser de diffuser une information qu'on saurait fausse quand, en réalité, la personne ne ferait que présenter son propre point de vue. Il faut dire que les points de vue au sujet de ce qui constitue une nouvelle varient. En fait, je pourrais être témoin d'un événement auquel je pourrais accorder une interprétation relativement différente de celle qu'en donnerait chacune des personnes assises autour de cette table, mais je serais honnête dans mon témoignage à propos de ce que j'aurais vu. Nous percevons tous les choses par nos propres filtres et c'est, je crois, ce que le CRTC a reconnu dans sa décision.
    J'aimerais entendre la position du Parti libéral. Nous convoquons assez régulièrement les gens du CRTC au comité. Nous les malmenons assez souvent, même si j'estime que ce n'est pas nécessaire. Le comité est plutôt occupé. Il est certaines choses importantes que j'aimerais nous voir faire, mais si c'est ce que souhaite le comité, alors je n'ai pas d'objection très forte à formuler. À l'analyse, cependant, j'y vois un relent d'attaque contre la liberté d'expression.
    Merci, monsieur Del Mastro.
    Monsieur Rodriguez.
    La question n'est pas que nous traînons systématiquement le CRTC devant nous, mais je vois où vous voulez en venir. Je suis d'accord avec vous quant au principe général. Je ne crois pas que nous devons reconsidérer les décisions du CRTC, mais dans ce cas j'aimerais que le CRTC vienne nous expliquer le processus ainsi que sa décision. J'aimerais qu'il vienne témoigner sur cette question à l'occasion d'une seule réunion.
    D'accord.
    Monsieur Angus.
    Je répète, partant de ce que mes collègues viennent de dire au sujet de la liberté d'expression, que nous devons nous faire expliquer ce règlement. Il concerne les titulaires de licence et pas les journalistes. Il ne concerne pas les personnes qui émettent des opinions.
    Ce qui est merveilleux au Canada, c'est que nos médias ressemblent à une foire d'empoigne. Les journalistes ne se présentent pas comme des prima donna. On peut lire toutes sortes de commentaires partisans dans la presse. Les journalistes s'expriment sur toutes sortes de sujets. Or, rien de cela ne tombe sous le coup du règlement dont il est question ici.
    Le règlement sur les titulaires de licence s'articule autour du fait que la Loi sur la radiodiffusion comporte un engagement social déclaré. Le paragraphe 3(1) de cette loi précise bien que les titulaires de licences doivent maintenir un haut niveau d'intégrité journalistique. Le titulaire de la licence peut toujours permettre à ses journalistes d'exprimer leurs points de vue, et il pourra fréquemment arriver que ces mêmes journalistes donnent des informations inexactes — il pourra aussi s'agir d'erreurs de leur part — mais le titulaire de la licence est globalement tenu de respecter certaines normes.
    La norme consistant à autoriser la diffusion de nouvelles fausses et trompeuses dans la mesure où elles ne mettent pas en danger la vie d'autrui est assez facile à respecter. J'estime qu'on ne pourrait pas faire moins. Comment, par ailleurs, parvenir à prouver que de fausses nouvelles ont mis une vie en danger? Quel horrible débat que celui qui se déroule aux États-Unis et qui revient à déterminer si ce n'est pas parce qu'une politicienne a été ciblée par les médias qu'elle a finalement servi de cible tout court. On ne pourra jamais répondre à cette question, mais il se trouve que quelqu'un a été abattu, ce qui a provoqué un vaste ressac aux États-Unis.
    Il n'est pas ici question de museler qui que ce soit. Il est question de veiller à ce que ceux qui détiennent des licences de radio et de télédiffusion se plient à certaines obligations. Supposons, par exemple, qu'en pleine élection, un réseau de télévision ou de radio décide de diffuser de fausses informations sur un politicien qu'il n'aimerait pas, informations qui pourraient profondément modifier l'issue du scrutin, bouleverser la dynamique politique. Ce serait légal parce que personne n'aurait perdu la vie et qu'il n'y aurait eu que de faux renseignements. On voit ce qui s'est passé aux États-Unis et il y a lieu de s'en préoccuper.
    J'aimerais que le CRTC vienne nous expliquer tout cela. J'aimerais également que des représentants de la société civile viennent nous faire part de leurs points de vue sur le libellé à adopter afin de modifier le règlement, pour l'aligner sur la loi. De toutes façons, j'estime qu'on nous propose actuellement une norme beaucoup trop faible.
(1700)
    Y a-t-il d'autres interventions?
    Comme je ne vois personne d'intéressé, je mets la motion aux voix.
    (La motion est adoptée. [Voir le Procès-verbal])
    Je vais tenter de fixer une date de réunion dans le courant du mois prochain.
    Merci beaucoup, monsieur Angus. Nous essaierons d'organiser une réunion. J'inviterai les gens du CRTC à venir nous parler de cette question. J'invite tous ceux qui songent à des témoins éventuels, dans le milieu de la radiodiffusion et dans la société civile, à en communiquer les noms au greffier.
    Nous allons maintenant passer au dernier point de cette réunion qui consiste à étudier la motion de Mme Lavallée.
    Madame Lavallée, voulez-vous proposer votre notion?

[Français]

    Je pourrais vous lire la motion, mais ça consiste essentiellement en des félicitations à Denis Villeneuve et à son équipe pour la nomination du film Incendies aux Oscars.
    Je dois ajouter que j'ai fait un grave oubli, soit de féliciter également le maquilleur montréalais Adrien Morot pour sa nomination pour l'Oscar du meilleur maquillage pour le film Barney's Version. Si vous le permettez, j'aimerais ajouter ce paragraphe. Ainsi, il n'y aurait qu'une seule motion.

[Traduction]

    Y a-t-il débat sur la motion?
    Monsieur Del Mastro.
    Les députés conservateurs sont ravis d'appuyer cette motion et cela sans réserve. Le ministre a été heureux de présenter tout cela à l'ensemble des parlementaires dont la réaction a été fantastique, ce qui, je crois, en dit long sur leurs sentiments à cet égard. Nous sommes toujours très fiers de voir des Canadiens qui ont du succès.
    Y a-t-il d'autres interventions?
    Le greffier a-t-il obtenu l'autre texte de Mme Lavallée?
    Comme je ne vois personne qui...
    N'allez pas nous glisser une petite vacherie en passant, Carole. Je vous ai dit que nous appuyons cette motion sans réserve.
    Des voix: Oh, oh!

[Français]

    J'ajouterais le paragraphe suivant:
Ces félicitations s'adressent également au maquilleur montréalais Adrien Morot pour sa nomination pour l'Oscar du meilleur maquillage pour sa performance dans le film Barney's Version.
     Je vous le remets.

[Traduction]

    Quelqu'un d'autre veut-il parler? S'il n'y a personne, je mets la motion aux voix. Que tous ceux qui sont en faveur de la motion de Mme Lavallée lèvent la main.
    (La motion est adoptée. [Voir le Procès-verbal])
    Le président: Merci pour votre collaboration.
    La séance est levée.
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