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ETHI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique


NUMÉRO 036 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 2 décembre 2010

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

[Français]

    Je souhaite la bienvenue à tous.

[Traduction]

    Au cours de cette séance, encore une fois convoquée conformément au Règlement, nous allons pouvoir examiner trois points qui figurent à l'ordre du jour, chers collègues.
    Le premier point, auquel nous allons passer immédiatement, consiste à examiner le certificat de nomination de madame Jennifer Stoddart au poste de Commissaire à la protection de la vie privée. Son mandat a été renouvelé pour une période de trois ans. Comme c'est la coutume, elle comparaît devant le comité au sujet de sa nomination à ce poste par le gouvernement pour une période supplémentaire de trois ans.
    Le comité est très heureux d'accueillir la Commissaire à la protection de la vie privée. Elle est venue à la suite d'un préavis très court et nous l'en remercions. Nous allons maintenant lui demander de présenter ses commentaires d'ouverture et nous passerons ensuite aux questions des membres du comité.
    Selon le temps qui nous restera, nous passerons ensuite à l'étude Google. Ensuite, à 16 h 30, nous entendrons M. Serge Ménard, le député pour la circonscription Marc-Aurèle-Fortin.
    Cela dit, madame Stoddart, je vous invite à nous livrer vos commentaires d'ouverture.

[Français]

    Mesdames et messieurs les députés,

[Traduction]

Bonjour. C'est un honneur pour moi de me retrouver ici parmi vous, pour répondre à vos questions au sujet du renouvellement de ma nomination à titre de Commissaire à la protection de la vie privée du Canada.
    J'apprécierais grandement que le Parlement me témoigne sa confiance en renouvelant mon mandat, et qu'il me donne ainsi l'occasion de poursuivre sur la lancée des importants travaux déjà accomplis par le Commissariat. Ce fut un grand privilège pour moi au cours des sept dernières années d'offrir mes services aux Canadiens et au Parlement.
    Comme vous le savez, j'ai eu le plaisir d'être appelée à témoigner devant ce comité à de nombreuses reprises au cours de mon mandat et je suis très contente de voir tous ces visages familiers aujourd'hui.
    Ce fut tout un parcours au cours de ces sept années. En 2003, j'ai pris la tête d'un organisme qui commençait à peine à se remettre d'une période extrêmement difficile. Nos pouvoirs administratifs avaient été considérablement réduits. Une partie de notre budget était sur le point de disparaître. Nous faisions l'objet d'enquêtes menées par la GRC, la vérificatrice générale et d'autres intervenants.
    Je dois dire qu'il nous a fallu accomplir un gros travail, mais nous avons remis de l'ordre dans nos affaires, ce qui nous a permis de ramener notre attention là où elle devrait être: sur la protection du droit des Canadiens à la vie privée.
    Et j'avoue aussi que le défi s'est avéré considérable en raison du changement de cap radical observé dans le domaine du droit à la vie privée ces dernières années. Les progrès technologiques et l'esprit d'innovation ont collectivement ouvert la voie à une multitude de nouveaux services en ligne et de dispositifs électroniques qui ont des répercussions importantes sur notre vie privée: on pense aux réseaux sociaux, à YouTube, à Foursquare et aux téléphones intelligents, pour ne nommer que ceux-là.
    Parallèlement, nos données personnelles deviennent une denrée très précieuse, tant pour le secteur public que pour le secteur privé. Les entreprises ont recours de plus en plus à des profils détaillés pour nous offrir des publicités de mieux en mieux ciblées, alors que les gouvernements de partout au monde considèrent les données personnelles comme un élément clé pour contrer le terrorisme et la criminalité.
     Nous vivons dans un monde où la circulation des données est mondiale, instantanée et perpétuelle. Je suis extrêmement fière de nos réalisations face à ces changements rapides. Mais les menaces qui continuent de planer sur la vie privée demeurent considérables, et il reste beaucoup de pain sur la planche.
     Si mon mandat était renouvelé, je mettrais l'accent sur quelques éléments précis: le leadership pour les questions prioritaires liées à la protection de la vie privée — nous en avons quatre et je pourrais vous en dire davantage à ce sujet tout à l'heure; soutenir les Canadiens, les organismes et les institutions, afin qu'ils prennent des décisions éclairées dans le domaine de la protection de la vie privée, et, bien sûr, et toujours, la prestation de services à l'ensemble de la population canadienne et, par conséquent, au Parlement également.

[Français]

    Je passe maintenant à la question du leadership en matière de questions prioritaires.
    Comme les Canadiennes et Canadiens passent de plus en plus de temps dans cet environnement numérique chaque jour, il est clair que c'est là que nous devons concentrer une bonne partie de nos efforts.
     Vous êtes, bien sûr, au courant de nos discussions suivies avec les géants en ligne que sont Facebook et Google. À l'heure actuelle, nous faisons enquête sur d'autres plaintes relatives à Facebook, de même...

[Traduction]

    Excusez-moi.
    Y a-t-il un problème avec l'interprétation, M. Albrecht?
    Pouvons-nous faire un essai avec l'interprétation?

[Français]

    D'accord, c'est bon.

[Traduction]

    Je pourrais peut-être reprendre cette partie.
    Le président: Non, non. Nous avons une copie papier de vos remarques. Allez-y.
    Mme Jennifer Stoddart: Je disais que les Canadiens passaient de plus en plus de temps en ligne, de sorte que c'est là que nous devons concentrer nos efforts.

  (1535)  

[Français]

    À l'heure actuelle, nous faisons enquête sur d'autres plaintes relatives à Facebook, disais-je, de même que sur un site ciblant les enfants et sur un site de rencontre en ligne. Il s'agit d'enjeux d'une importance cruciale lorsqu'on prend en considération le rôle central que joue Internet dans notre quotidien.

[Traduction]

    Désolé, mais je n'entends pas non plus l'anglais. Je suis obligé de suspendre la séance s'il n'y a pas d'interprétation.
    Monsieur le président, si cela peut être utile, je pourrais livrer le reste de mon exposé en français et ensuite revenir et vous donner en anglais la partie manquante.
    Mais si vous parlez français je ne pense pas que nous allons recevoir la version anglaise.
    Les membres du comité ont également devant eux des copies dans leur langage respectif.
    Une voix: C'est l'interprétation qui fait problème.
    S'il n'y a pas d'interprétation, je suis obligé de suspendre la séance; je vais donc la suspendre pour cinq minutes et demander aux techniciens d'examiner ce qui se passe et de voir s'il y a une solution.
    La séance est suspendue.

  (1535)  


  (1545)  

    Reprenons. Je crois comprendre que notre technologie est encore fonctionnelle. Est-ce que vous recevez la version française de mes paroles?
     Oui. Très bien. Nous allons revenir à Mme Stoddart qui va terminer ses remarques d'ouverture.
    Chers membres du comité, je vais reprendre là où je me suis arrêtée.

[Français]

    Il s'agit d'enjeux d'une importance cruciale lorsqu'on prend en considération le rôle central que joue Internet dans notre quotidien, disais-je. J'ai lu récemment qu'un couple américain sur quatre qui s'est formé en 2007 ou après est composé de personnes qui se sont rencontrées en ligne.
    Plus tôt cette année, nous avons été l'hôte de consultations publiques sur le suivi en ligne des consommateurs et sur l'infonuagique afin d'en apprendre davantage sur certaines pratiques de l'industrie, sur les conséquences de ces dernières sur la vie privée et sur les attentes de la population canadienne à cet égard.
    En considérant ce qui se profile pour l'avenir, nous devons nous efforcer de comprendre plus en profondeur les questions de vie privée dans l'univers numérique. Nous devons également continuer de bonifier les compétences du commissariat en recrutant davantage de spécialistes de la technologie de l'information et en établissant des liens avec des spécialistes externes. Il sera également essentiel à notre succès futur de poursuivre la coopération avec nos collègues des provinces et avec nos collègues ailleurs dans le monde.
    Je passe maintenant à la question de la sécurité publique. Les incidences potentiellement graves pour la vie privée des mesures liées à la sécurité nationale et à l'application de la loi sont une autre priorité stratégique qui demeure d'actualité.
    Le droit à la vie privée n'est pas un droit absolu. En effet, il peut y avoir des situations où la protection de la vie privée doit céder la place au bien commun. Cependant, on ne devrait demander aux Canadiennes et aux Canadiens de faire ce sacrifice que lorsqu'il est clair que le résultat promis, que ce soit une amélioration de la sécurité du transport aérien ou la capture de blanchisseurs d'argent, serait atteint et qu'il n'existe pas d'option moins envahissante pour arriver au même résultat.
    Nous avons travaillé avec de nombreux ministères et organismes gouvernementaux pour renforcer les mesures de protection de la vie privée prises dans le cadre d'initiatives comme le Programme de protection des passagers, mieux connu sous le nom de liste des personnes interdites de vol, des scanners dans les aéroports et les fichiers impossibles à consulter de la GRC. Nous devons maintenir notre vigilance à cet égard.

[Traduction]

    Pour relever le défi que présente la protection de la vie privée, il faut également s'assurer que les Canadiens possèdent de solides compétences en culture numérique.
    Nous utilisons les outils en ligne pour aider les Canadiens à mieux comprendre leurs droits et à faire des choix éclairés dans le domaine en rapide évolution qu'est le droit à la vie privée. Nous avons un blogue et un site Web destiné aux jeunes. Nous « tweetons » et nous affichons sur YouTube des vidéos sur la protection de la vie privée. Nous effectuons la plus grande partie de notre travail de sensibilisation du public en collaboration avec un vaste éventail d'intervenants, comme les enseignants, les groupes de consommateurs, les associations commerciales et également les organismes gouvernementaux.
    C'est peut-être en partie parce que j'ai été moi-même commissaire provinciale, mais j'ai toujours considéré qu'il était utile de nouer de solides liens avec nos homologues provinciaux et d'autres intervenants dans le pays. Je veux m'assurer que le Commissariat à la protection de la vie privée n'est pas perçu comme un organisme trop centré sur Ottawa ou ne connaissant pas les questions qui se posent à l'extérieur de la région de la capitale nationale.
    Nous avons récemment ouvert un bureau à Toronto, où sont situées un grand nombre des organisations visées par les plaintes qui nous sont soumises. Il sera également crucial de continuer à rayonner dans toutes les parties du pays et à maintenir la diversité culturelle et linguistique au Commissariat pour répondre véritablement aux besoins des Canadiens à qui nous offrons nos services.
    En fin de compte, le plus important pour moi, c'est que notre travail réponde aux besoins et aux attentes des Canadiens. Comme je le disais au début, cela veut dire que nous devons continuer à répondre aux besoins des entreprises, du gouvernement et du Parlement.
     Mon rôle de haut fonctionnaire du Parlement m'accorde une position très privilégiée et, à mon point de vue, j'estime avoir eu, au cours des sept  dernières années, une relation très positive et constructive avec le Parlement. Comme vous le savez, je dois rendre des comptes au Parlement. Par exemple, je me présente au Parlement chaque fois que les parlementaires me le demandent pour commenter un projet de loi renvoyé pour étude à un comité.
     Une fois par année, le Commissariat soumet ses plans et priorités à l'approbation du Parlement, ce qui veut dire habituellement celle de votre comité. Si le Parlement considère que nous devrions nous donner une priorité en particulier, il a l'occasion de le faire dans le cadre de ce processus. J'ai déjà déposé plusieurs rapports annuels sur nos travaux au Parlement et à votre comité.
    Je serais très heureuse d'avoir l'occasion de discuter davantage avec les membres de ce comité, et avec les parlementaires en général, au sujet du rôle du Commissariat et des enjeux que soulèvent les préoccupations concernant le droit à la vie privée.
    Pour terminer, j'aimerais souligner que je serais heureuse d'avoir l'occasion de continuer à mettre à profit les réalisations des dernières années et je vous remercie d'avoir bien voulu écouter mon exposé. Je serai heureuse de répondre à vos questions.

  (1550)  

    Nous allons faire notre tour habituel de sept minutes.
    Monsieur Easter, vous êtes le premier.
    Je ne vais pas utiliser mes sept minutes, je ne le crois pas, monsieur le président. Nous appuyons le renouvellement de la nomination.
    Je pense que vous avez décrit dans votre mémoire et dans vos observations les secteurs sur lesquels vous avez centré votre action, ce qui me paraît constituer une mesure assez positive.
    J'aimerais poser quelques questions sur le monde des communications en ligne. Je pense avoir soulevé ici cette question lorsque nous avons étudié celle des cartes Google.
    Une chose qui m'inquiète beaucoup est que je dirais que de nombreux utilisateurs canadiens d'Internet ne savent pas que ce réseau est loin d'être sécurisé. Jusqu'à un certain point, c'est une invasion de la vie privée par défaut. Si vous prenez un ordinateur portatif et que vous vous arrêtez quelque part, vous allez constater que vous avez accès à plusieurs lignes non sécurisées. Si vous connaissez la technologie, il est évident qu'il existe des façons d'utiliser ces sites.
    Comment pensez-vous aborder cette question? Je sais que cela ne relève pas directement de vos responsabilités, mais c'est une façon de violer la vie privée des gens, dans une grande mesure, c'est bien sûr leur faute, mais je crois aussi que c'est parce qu'ils ne connaissent pas les risques.
    Certains ne les connaissent pas et d'autres choisissent de ne pas en tenir compte. Je vais mentionner deux choses que mon bureau a faites récemment pour montrer comment je voudrais aborder cet aspect.
    J'ai dit dans mon exposé qu'il était extrêmement important de retenir les services d'experts en technologies de l'information et d'investir dans la connaissance de ces technologies. Nos deux lois sont neutres sur le plan technologique, mais avec le temps, nous devons nous adapter aux médias utilisés pour transporter les renseignements personnels.
    Pour les personnes qui ne connaissent pas les répercussions que peut avoir l'utilisation de certaines nouvelles technologies, nous avons publié récemment quelques blogues intéressants, dont l'un parlait d'une nouvelle trousse de logiciels — il se trouve que je les ai lus moi-même — qui permet de s'introduire dans les communications en ligne de quelqu'un d'autre, et qui parle du danger qu'il y a en général d'utiliser des réseaux sans fil non sécurisés que l'on peut trouver dans les cafés ou ce genre de choses. Avec tout cela, leurs renseignements sont très vulnérables et nous espérons donc que beaucoup de Canadiens liront ces choses.
    Nous avons également fait une vérification que nous avons mentionnée dans notre dernier rapport sur la loi sur la protection des renseignements personnels; il s'agissait de l'utilisation par le gouvernement de messages Wi-Fi non chiffrés. Nous avons constaté qu'il y avait un bon nombre de ministères et d'agences, une majorité dans notre échantillon, dont les employés travaillaient sur des réseaux sans fil sans être protégés par les pare-feux du gouvernement canadien, malgré les directives claires du SCRS à ce sujet. C'est le deuxième groupe de personnes qui devraient être sensibles à cet aspect, à mon avis. Elles ont reçu des directives sur ce qu'il ne fallait pas faire et elles le font quand même.

  (1555)  

    Il est évident que ce deuxième groupe devrait être au courant de cet aspect et cela revient aux remarques que vous avez faites sur la sécurité publique. Je sais que c'est un domaine que vous avez examiné. Une de mes préoccupations touche la violation de nos propres droits à la vie privée, l'identité, en raison de décisions prises par notre voisin du sud. Vous embarquez sur un vol et l'information est transmise aux États-Unis. Je ne sais absolument pas comment elle est utilisée là-bas. De votre point de vue, comment pouvons-nous nous protéger davantage sur ce qui se fait là-bas?
    Nous avons récemment examiné ce projet de loi, qui a été déposé devant le Parlement. Nous savons que le gouvernement du Canada a déployé beaucoup d'efforts pour amener le gouvernement des États-Unis à changer sa position, mais ils n'ont rien donné. Cette règle —ils l'appellent une règle — entrera en vigueur le 1er janvier.
    Nous avons proposé que le gouvernement continue néanmoins à faire connaître son point de vue aux États-Unis sur les répercussions d'une telle mesure; deuxièmement, qu'il utilise le pouvoir réglementaire que lui accorde la Loi sur les transports pour limiter la quantité de renseignements personnels qui peut être communiquée au Homeland Security dans le contexte de ce nouveau programme; et troisièmement, qu'il lance une campagne de sensibilisation et d'information pour que les Canadiens soient au courant de l'existence de ce programme et de ses conséquences, notamment le fait que certaines personnes pourraient ne pas être autorisées à embarquer dans un avion.
    Et cela pourrait se produire, d'après votre expérience, pour la simple raison que votre nom se trouve ressembler à...?
    Eh bien, malheureusement, une des choses que nous fait craindre ce programme, c'est qu'il existe de nombreux cas où des erreurs ont été commises — des gens qui ont les mêmes noms, même s'ils sont épelés différemment. Nous pouvons penser à des noms représentant toutes les traditions culturelles qui peuvent être épelés différemment et vous risquez de vous trouver dans la situation très délicate d'avoir à établir à l'autorité compétente — ce pourrait être Homeland Security, ce pourrait être ici au Canada, aussi — que vous n'êtes pas la personne dont le nom s'épelle de façon légèrement différente du vôtre.
    Oui. On m'a parlé d'un cas de ce genre et la personne a dû en fait se faire prendre les empreintes digitales pour résoudre le problème.
    Je n'ai pas d'autres questions, monsieur le président.
    Merci, monsieur Easter.

[Français]

    Madame Freeman, vous disposez de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Bonjour, madame Stoddart. Je voulais vous remercier d'avoir accepté notre invitation.
     D'entrée de jeu, je veux vous féliciter pour votre prolongement de mandat de trois ans, et réitérer toute l'admiration que le comité vous a témoigné pour le travail exceptionnel que vous avez fait au cours des dernières années, ainsi que pour tous les défis que vous avez relevés. De plus, vous avez été une figure de proue, et pas seulement ici. Je sais que vous avez été commissaire au Québec...
    C'est une belle promotion.
    En effet, mais vous êtes une figure de proue partout dans le monde. En ce qui a trait à Facebook, vous avez initié beaucoup de choses qui ont fait avancer les droits relatifs à la vie privée.
    Je voudrais poursuivre sur le projet de loi C-42. Vous avez comparu devant le Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités le 18 novembre dernier. Le 16 novembre, M. Vic Toews, ministre de la Sécurité publique, a aussi témoigné devant ce comité. À propos de ce projet de loi et du Secure Flight Program, il a affirmé qu'il n'avait aucune objection à donner de l'information sur les passagers qui ne font que survoler un pays. On sait qu'en territoire international, l'espace aérien appartient au pays qui s'y trouve. Vous y êtes donc allée le 18 novembre en mettant quelques bémols.
    Je pense que vous avez proposé des restrictions en disant qu'il faudrait peut-être avoir un certain contrôle sur les données transmises. Les données sont transmises aux responsables du transport aérien, mais on n'est pas sûr que ça reste là. Je pense que vous l'avez mentionné au comité. On n'est pas sûr si ça peut être donné aux policiers, à différents organismes. Une fois qu'on a donné l'information, on n'a pas d'assurance que cette information ne va pas être divulguée partout ou être utilisée de toutes les façons possibles et impossibles. Cela vous préoccupait à ce moment.
    Vous avez donc présenté des recommandations. Peut-on savoir si ces recommandations portent des fruits actuellement?

  (1600)  

    Ces recommandations sont très récentes. Je ne sais pas si le ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités pense changer des règlements en vertu de la Loi sur les transports au Canada. Je crois que ce projet de loi est toujours à l'étude au Parlement, mais je n'en suis pas certaine.
    Je ne pense pas. C'est ce qu'on essaie de savoir, car il faut qu'il soit étudié par un comité.
     Revenons à vos préoccupations. Vous craigniez une transmission excessive d'information.
    Je comprends que les Américains aient besoin de protéger leur espace aérien. C'est pourquoi ils ont une loi antiterroriste. C'est très important, mais le Canada doit aussi avoir l'obligation de protéger la vie privée des individus. Compte tenu de la transmission excessive d'information et du manque de contrôle de ce qu'ils vont faire de cette information, quelle piste de solution peut-on proposer pour que ce soit mieux contrôlé?
    On a proposé que le Canada continue à parler aux États-Unis, qu'il maintienne une position diplomatique. Ça inquiète beaucoup les Canadiens.
    Par ailleurs, je reviens sur le pouvoir réglementaire qui existe quand même. Pour le gouvernement du Canada, la règle américaine demande beaucoup d'information, si elle est disponible. Nous pensons que le gouvernement canadien pourrait, en vertu du règlement relatif à la Loi sur les transports au Canada, limiter l'information qui serait disponible. Ça pourrait être la moitié de l'information disponible.
    De plus, il faudrait informer les Canadiens de l'existence de ce programme et de la possibilité d'être pris dans ces engrenages. On pourrait peut-être avoir un service téléphonique qu'on pourrait joindre à partir de l'aéroport. Je ne sais pas, je ne suis pas spécialiste dans ce domaine, mais en effet, des Canadiens risquent tout à coup, quelque part au Canada, de ne pas pouvoir monter dans un avion à destination du Mexique, même si l'avion ne fait que survoler les États-Unis sans s'y arrêter.
    C'est également un problème qui me préoccupe beaucoup. Il me semble que depuis les attentats de 2001, on a adopté des mesures de sécurité de plus en plus contraignantes, et d'année en année, on essaie de regarder le film qui se déroule depuis 10 ans. On semble nous faire prendre des vessies pour des lanternes en nous incitant à trouver tout ça normal.
    En fait, quand vous avez comparu la dernière fois, j'avais soulevé auprès de vous le problème des scanners dans les aéroports. Je disais que c'était une mesure envahissante, intrusive et abusive. Il y avait le traitement avec l'iris et les empreintes digitales. Aux États-Unis, on procède déjà à la prise d'empreintes digitales. Cela devient démesuré. Il y a une limite qui est dépassée.
    Ici, on semble commencer à trouver qu'il est normal pour nous de faire tout ce que font les États-Unis. Qu'en pensez-vous? Personnellement, cela me préoccupe. Vous vous rappelez que j'avais soulevé la question.
    Oui. Qui plus est, j'avais dit à cette occasion aussi qu'aucune preuve ne nous a été offerte, nulle part dans les pays qui utilisent les listes de personnes suspectes, que la transmission de l'information a porté des fruits en permettant des arrestations ou que cela a eu un effet quelconque. Aucun service de sécurité ne s'est jamais vanté de l'utilité de cela. Alors, il reste un grand point d'interrogation à cet égard.
    Selon moi, le fait que les Canadiens suivent l'exemple des États-Unis est dû non pas à leurs valeurs, mais à leur position géographique. Quand ils prennent l'avion, il faut très souvent survoler les États-Unis. La seule bonne nouvelle dans tout cela est que les États-Unis ne demanderont pas ces informations lors d'un vol entre Montréal et Toronto, même s'il est possible que le vol passe du côté sud de la frontière au-dessus du lac Ontario.

  (1605)  

    Est-ce la seule bonne nouvelle?
    Oui, c'est la bonne nouvelle. Je sais que le gouvernement a protesté pendant longtemps et qu'il présente ce projet de loi à reculons. C'est en raison aussi des liens économiques, stratégiques, etc. avec les États-Unis.
    J'ai suivi le dossier, et je crois que la population des États-Unis, qui est soumise à d'autres types de scanners que ceux utilisés au Canada, se révolte aussi contre ces intrusions. Je considère cette réaction démocratique comme un très bon signe.
    J'aurais bien d'autres questions, mais le temps dont je disposais est écoulé.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie, madame Freeman.

[Traduction]

    Avant de passer à M. Siksay, je tiens à rappeler aux membres du comité que le but de la réunion est d'examiner le certificat que nous a renvoyé le gouvernement et de poser des questions sur les qualités, les capacités de Mme Stoddart, notamment sur celles qu'exige son poste.
    Le président est prêt à entendre dans quelques instants la motion d'appui. C'est le véritable objet de la séance. J'ai accordé une grande latitude au dernier intervenant.
    Monsieur Siksay.
    Merci, monsieur le président.
    J'avais projeté de poser quelques questions à ce sujet, mais j'espère que vous allez m'accorder la même latitude pour la suite de mon intervention.
    Madame Stoddart, merci d'être revenue encore une fois et merci d'avoir accepté de demeurer dans le poste ou de demander le renouvellement de votre nomination. J'apprécie évidemment le travail que vous et votre personnel avez effectué et l'aide que vous avez fournie au comité, au Parlement et aux Canadiens.
    Je sais que la durée de la nouvelle nomination est de trois ans et non pas de sept ans. Pouvez-vous nous fournir quelques explications au sujet de ce changement et de cette différence? J'ai essayé de vous convaincre que quatre années supplémentaires ne seraient pas un mandat trop long, puisque vous aimez ce que vous faites, mais vous avez néanmoins décidé de demander un mandat de trois ans ou d'en faire une des conditions de votre confirmation dans votre poste.
    Oui. Merci d'avoir posé cette question.
     Premièrement, je crois avoir beaucoup de choses à faire, malgré les paroles très aimables qu'a eues pour moi l'honorable membre du comité, Madame Freeman, et le profil que les médias ont donné à notre bureau sans que nous l'ayons vraiment voulu. Il y a beaucoup de choses très concrètes à faire, en particulier pour améliorer la prestation de nos services aux Canadiens, suivre les tendances, et essayer de donner une orientation à nos interventions. C'étaient là les deux très, très grands dossiers, d'après moi, sur lesquels ont travaillé beaucoup de gens et nous avons encore beaucoup de travail à faire sur ces dossiers.
    Le choix d'un mandat de trois ans vient du fait que j'ai pensé qu'il s'était écoulé environ trois ans entre le moment où j'ai été nommée à la fin de 2003 et 2006, année au cours de laquelle nous avons finalement récupéré ce qu'on appelle la « délégation des pouvoirs de dotation ». Sans cette délégation, nous ne pouvions pas embaucher nos propres employés sans l'approbation de la fonction publique. Lorsque vous fonctionnez de cette façon pendant deux ans et demi, vous ne pouvez pas faire grand-chose. On vous soupçonne de tout et il y a beaucoup de gens qui ne souhaitent pas travailler pour vous.
    Une fois dissipée cette atmosphère de soupçon, nous avons pu nous attaquer à la deuxième chose qui était obtenir un budget approprié. Notre budget avait été gelé à son niveau de 2000 et ensuite, à cause de tout ce qui est arrivé, le Conseil du Trésor nous avait simplement dit de mettre de l'ordre chez nous et qu'il s'occuperait ensuite de notre budget, ce qui paraissait encore une fois logique. Je ne mentionnerai pas les autres enquêtes dont nous avons fait l'objet.
    De sorte que pendant cette période... Comme vous le savez, il est très inhabituel qu'une agence du secteur public se trouve dans ce genre de situation, de sorte qu'à cause du temps que j'ai consacré personnellement à toutes ces questions, qui ne font pas vraiment partie de la mission normale d'un commissaire à la vie privée, je n'ai pas eu le temps de m'occuper de certaines autres questions de fond. C'est ce que j'aimerais faire. J'aimerais récupérer une période équivalente à celle que j'ai consacrée à la remise en ordre du commissariat et profiter des grandes compétences des personnes que nous avons maintenant avec nous, depuis que nous avons amélioré la situation.
    Nous sommes désormais en mesure d'attirer un groupe d'employés vraiment extraordinaires, jeunes pour la plupart, qui font un travail vraiment étonnant. J'aimerais utiliser leurs talents dans de nombreux domaines, en particulier dans ce qui se passe sur Internet et les relations entre Internet, la société et toutes les technologies de l'information de façon à aider les Canadiens à aborder ces problèmes.

  (1610)  

    Je crois qu'un des aspects de votre leadership que nous avons apprécié est le travail que vous avez fait sur le plan international avec des collègues d'autres pays. Je me demande si vous pourriez nous donner une idée de la façon dont vous voyez cet aspect évoluer au cours de votre prochain mandat.
    Je pense qu'il faut continuer à progresser dans ce domaine. Certains pensent peut-être que nous avons consacré beaucoup de temps aux questions internationales, un aspect qui paraît peut-être très attrayant, mais ce n'est pas pour cette raison que nous avons fait ce choix. Cela vient de la façon dont fonctionne Internet, de la situation économique du Canada, qui dépend autant d'Internet... Premièrement, nous utilisons beaucoup Internet et nous utilisons beaucoup les réseaux sociaux. Une bonne partie de notre contenu vient des États-Unis ou de la France — même des États-Unis pour les Canadiens français. Nous sommes obligés de nous intéresser aux aspects internationaux.
     Si vous voulez mettre en oeuvre une loi qui vise quelqu'un qui se trouve de l'autre côté de la terre, il faut avoir des liens avec l'agence qui applique la loi de ce côté, vous devez avoir acquis de la crédibilité et établi de bons rapports auparavant. C'est la raison pour laquelle il y a un autre projet de loi qui a été déposé devant la Chambre des communes... Eh bien, en fait, c'est le projet de loi C-29, qui a été envoyé au Sénat, et qui élargit mon pouvoir de communiquer des renseignements à d'autres agences et à d'autres organismes qui font un travail comparable et d'établir avec eux de bonnes relations de façon à pouvoir renforcer le droit canadien.
    C'est pour l'essentiel ce que nous essayons de faire, idéalement du moins: renforcer la protection mondiale des Canadiens parce que leurs renseignements personnels circulent dans le monde entier.
    J'aimerais revenir à un exemple précis de cet aspect, qui est le téléchargement de données utiles par Google, opération qui se serait produite, disent les responsables, sans qu'ils le sachent. Nous savons que les données ont été obtenues, mais que cela ne faisait pas partie d'un projet; nous savons que les données ont été envoyées à l'extérieur du Canada et entreposées à l'extérieur du Canada.
    Vous avez recommandé qu'elles soient supprimées « immédiatement  », je pense que c'est le mot utilisé, mais vous avez également émis une réserve et demandé que cela soit fait le plus tôt possible conformément au droit canadien et américain. Je ne pense pas que ces données aient été déjà supprimées — à moins que vous l'ayez entendu dire. L'autre jour, Google n'a pas semblé mentionner l'avoir fait.
    Mais est-ce là une des situations où des renseignements personnels canadiens sont maintenant assujettis au droit américain et où des données qui ont été obtenues de façon inappropriée ou sans droit ne peuvent être supprimées parce que nous devons maintenant respecter le droit américain? Comment abordez-vous une telle situation?
    Eh bien, c'est comme pour tout le reste, parce que l'on dépend toujours de la collaboration des autres. Dans le cas précis du droit américain, étant donné que nous sommes si étroitement liés et touchés par le droit américain, j'ai par exemple envoyé des avocats du commissariat travailler pour la Federal Trade Commission pendant un été pour qu'ils en apprennent davantage au sujet de leur commission du commerce, qui est un peu mon homologue aux États-Unis. Nous avons également retenu les services de certains avocats américains. Je ne pense pas que nous leur ayons demandé de faire beaucoup de travail pour nous, mais ils sont là et ils travaillent pour nous lorsque nous en avons besoin.
    Le droit américain au sujet du dossier Google Wi-Fi ne concerne pas un conflit entre le droit américain et le nôtre sur ce point, mais bien du fait qu'il existe des poursuites pendantes aux États-Unis contre Google Wi-Fi. Une partie de ces renseignements, qui proviennent également de citoyens et de consommateurs américains, devra peut-être être gelée pendant le déroulement des différentes instances.
    Merci.
    Je vous remercie, monsieur Siksay.
    Madame Davidson, vous avez sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Madame la commissaire, je vous remercie encore une fois d'être venue. Les questions que les membres du comité vous posent vous montrent combien ils s'intéressent à votre commissariat. Je crois que vous avez suscité cet intérêt chaque fois que vous êtes venue ici. Je tiens moi aussi à vous féliciter pour le travail que vous avez effectué et vous remercier d'être venue, en particulier avec un préavis aussi court.
    J'ai été heureuse de voir que le gouvernement recommandait de renouveler votre nomination pour une période de trois ans. La dernière fois que vous êtes venue ici, je sais que nous avons brièvement parlé des raisons derrière ce choix d'une période de trois ans. Vous avez fourni des précisions à ce sujet aujourd'hui et je suis heureuse de constater que c'est un choix qui avait l'assentiment des deux côtés.
    Je voulais vous poser quelques questions sur vos remarques d'ouverture. Vous avez parlé d'un certain nombre de domaines, sur lesquels vous pourriez centrer votre action si votre nomination était renouvelée et il est bien évident que le monde en ligne est un de ces domaines. Une des choses que vous avez dites: « Pour l'avenir, nous devons continuer à mieux comprendre toutes les questions que pose la protection de la vie privée dans un monde numérique ». Comment projetez-vous de le faire?

  (1615)  

    Nous le faisons de nombreuses façons. Je pourrais peut-être vous parler des quatre priorités que nous avons en matière de protection de la vie privée, qui touchent toutes maintenant le monde en ligne. Je vous les présente comme elles me viennent.
    La première est l'information génétique. Avec la prolifération des sites Web génétiques, des tests génétiques et des progrès médicaux reliés à notre composition génétique ainsi que les questions d'éthique qu'elles posent, il faut bien avouer que notre information génétique constitue bien sûr notre information la plus personnelle. C'est bien évidemment une grande question qui va se poser à notre société. Nous constatons que certains aspects sont déjà commercialisés. Ce domaine est visé par nos deux lois. Nous continuons de suivre l'évolution de ces questions. Nous aimerions faire enquête sur un site Web génétique. Nous n'avons pas encore reçu de plainte, et cela soulève toutes sortes de problèmes. Voilà une question.
    La deuxième est bien sûr la sécurité nationale. Même si la question des renseignements personnels est devenue une question très grave depuis le 9 septembre, il est difficile de savoir si les choses vont vraiment s'améliorer dans un proche avenir. Elles risquent en fait de s'aggraver énormément, parce que nous parlons de drones qui surveilleraient les frontières, d'augmenter les échanges entre des bases de données, par exemple. Nous estimons très important de continuer à suivre les questions liées à la sécurité nationale. De plus en plus, cette question fait appel à des transferts en ligne. Je crois que c'est la question qui vous intéresse.
    L'intégrité de l'identité est une autre priorité. Cela découle du fait que nous avons des identités multiples en ligne et de la mesure dans laquelle nous sommes obligés de fournir des renseignements en ligne lorsque nous furetons d'un site à l'autre, et également la mesure dans laquelle les annonceurs ou les hôtes de site Web peuvent nous sous-tirer des renseignements personnels lorsque nous passons chez eux, voire éventuellement les vendre, par exemple. C'était là le sujet de notre consultation permanente qui portait sur la publicité axée sur les comportements cette année.
    Enfin, les technologies de l'information sont une priorité générale et nous tentons de suivre les répercussions qu'ont toutes ces évolutions technologiques sur la protection des renseignements personnels. Peut-être le cas le plus frappant de nos jours est la technologie de la reconnaissance faciale, qui fait appel encore une fois à Internet. Il y a le réseau intelligent, un aspect à propos duquel la Cour suprême vient de rendre une décision il y a quelques jours. Cette décision a été prise à la majorité simple, mais la Cour a néanmoins déclaré que le service de police de l'Alberta avait le droit d'utiliser les renseignements provenant du système hydro-électrique albertain concernant la consommation d'électricité par quelqu'un qui utilisait cette électricité pour faire pousser de la marihuana.
    Ce sont là quelques-unes des façons dont nous examinons les applications d'Internet.
    Une des choses que vous avez dites dans vos remarques d'ouverture est sans doute une déclaration très simple, mais qui bouleverserait, je crois, de nombreux Canadiens. Vous avez déclaré: « Le droit à la vie privée n'est pas un droit absolu ».
    Je pense que c'est un aspect auquel les Canadiens ne réfléchissent pas et il me semble qu'ils devraient le faire. S'il y a une façon de sensibiliser la population à cet aspect, cela serait, je crois utile. Il faut qu'ils réfléchissent à cet aspect. Je crois que les Canadiens pensent que le droit à la vie privée est un droit absolu qui leur est acquis. Je signale cet aspect à titre de commentaire. Lorsque vous avez lu ce passage, c'est la première chose que je me suis dite: la plupart des Canadiens ne penseraient pas de cette façon.
    Il est vrai que selon nos traditions juridiques bien établies, le droit à la vie privée est un droit constitutionnel, mais il comporte toutefois des limites. Par exemple, si vous avez des motifs raisonnables, susceptibles de convaincre un juge que les services de sécurité doivent pénétrer chez vous, alors, votre maison est privée, mais pas au point de les empêcher d'y pénétrer.

  (1620)  

    Oui.
    Vous avez dit que vous aviez récemment ouvert un bureau à Toronto. Prévoyez-vous ouvrir d'autres bureaux? Une présence physique est-elle vraiment nécessaire dans notre monde électronique d'aujourd'hui?
    C'est une excellente question à laquelle je réfléchis depuis des années, et bien évidemment, parce que ce bureau vient tout juste d'ouvrir. La présence physique est de moins en moins importante, mais elle conserve toujours une certaine importance.
    Idéalement, si nous avions des ressources suffisantes, nous serions présents dans chacune des provinces, parce que les rapports humains comptent toujours beaucoup. La présence humaine compte beaucoup. Le fait d'être physiquement proche d'autres personnes dans un contexte plus spontané et informel, plutôt que d'avoir à organiser une conférence vidéo ou d'échanger des courriels me paraît encore préférable.
    Pourquoi avons-nous choisi Toronto? C'est parce que les trois quarts des organisations concernées par notre loi sur le secteur privé, la LPRPDE, se trouvent à Toronto. Nous ne prévoyons pas occuper un édifice ailleurs au Canada, mais qui sait? Je vais d'abord voir ce que cela nous apporte.
    Nous avons été présents au palier régional. Nous avons retenu les services d'une personne à temps plein pendant deux ans dans les Maritimes. Elle travaillait chez elle et se déplaçait dans la région pour établir des liens, nous représenter, prendre la parole dans les écoles secondaires, ce genre de choses. Nous avons une relation permanente avec le commissaire à l'information et à la vie privée de l'Alberta et nous avons même utilisé son bureau à un moment donné. Ce sont des liens informels, qui varient selon la région, selon les ressources dont nous disposons, et selon les possibilités qu'offre notre budget. Ce sont des initiatives créatrices.
    Merci beaucoup, madame Davidson.
    Nous allons maintenant passer à M. Albrecht pour quatre minutes et voilà qui terminera la séance.
    Madame Stoddart, merci d'être venue.
    À la page 2 de votre rapport, il y a trois puces. Vous avez indiqué dans vos commentaires que vous seriez heureuse d'en parler davantage. Je crois que vous avez déclaré que la question du leadership dans le domaine des priorités en matière de vie privée comportait quatre sous-sujets. Vous en avez peut-être déjà parlé, mais pourriez-vous les répéter pour moi?
    Oui. Les quatre questions prioritaires en matière de vie privée sont les technologies de l'information, la sécurité nationale, l'intégrité de l'identité et la protection du monde en ligne et l'information génétique.
    Une de nos priorités est d'essayer de bien comprendre tous ces domaines, ce qui n'est pas facile. Ce sont tous des domaines très spécialisés et très techniques. Ils évoluent rapidement et nous devons constamment nous mettre à jour grâce à des employés qui ont de grandes connaissances dans ce domaine, mais également grâce à des experts qui constituent des réseaux de connaissance dans l'ensemble du Canada.
    Au cours des trois prochaines années, nous allons essayer d'obtenir des résultats utiles pour les Canadiens en nous basant sur ce que nous connaissons dans ces quatre domaines. Nous en sommes encore un peu au niveau des généralités et nous voulons préciser ces questions.
    Cela veut dire que nous devons nous demander, dans le domaine de l'information génétique, ce que les Canadiens devraient savoir au sujet de leurs droits à la vie privée par rapport à la technologie génétique, aux techniques génétiques et aux débats permanents sur l'éthique génétique? À qui peuvent-ils s'adresser pour obtenir de l'information? Quel est l'état de nos connaissances au sujet de la vie privée par rapport à la constitution génétique ou à celle de la famille?
    Il me semble qu'il serait bon de donner aux Canadiens ce service qui est utile et actuel. Nous n'y sommes pas encore, mais nous espérons pouvoir le faire dans les mois qui viennent.
    Il me semble que d'après les quatre domaines que vous avez énumérés — et je les regarde comme un profane — la sécurité nationale viendrait probablement au premier rang sur cette liste. Avez-vous établi des priorités au sein de cette liste et décidé quel est le domaine auquel vous devriez principalement vous intéresser ou intéresser votre personnel dans un avenir proche.
    Non, nous ne l'avons pas fait, mais je dirais que la sécurité nationale s'est imposée d'elle-même, ne serait-ce qu'à cause de l'importance que revêtent au Parlement les aspects de sécurité nationale que posent la sécurité publique et l'application de la loi. Ce sont des sujets dont le Parlement s'est beaucoup occupé ces dernières années.
    Nous avons donc été amenés à élaborer des positions sur un bon nombre des projets de loi ainsi qu'au sujet des nouvelles techniques ou des initiatives administratives, comme le programme de protection des passagers — c'est la liste des personnes interdites de vol — et la technologie de la reconnaissance faciale dans les aéroports, technologie qui, je crois, va arriver bientôt, je dirais que ce sont les événements qui nous ont imposé cette priorité.

  (1625)  

    J'aimerais faire un dernier commentaire. À la page 4 de votre rapport, vous parlez de votre désir de ne pas trop concentrer vos efforts sur Ottawa. Je crois que c'est une question qui se pose aussi à tous les membres du Parlement. Nous devons bien sûr savoir ce qui se passe ici, mais nous voulons conserver nos racines et nos contacts avec les régions d'où nous venons.
    Dans le prolongement de la question de Mme Davidson, je dirais que je ne voudrais pas que nous construisions un empire d'édifices dans l'ensemble du Canada et je ne voudrais pas non plus voir embaucher tout un personnel supplémentaire nouveau, mais je me demande si, en termes de décentralisation et de présence dans les grandes villes tout au moins, il ne serait pas utile d'au moins envisager de redéployer le personnel du bureau d'Ottawa dans des régions plus éloignées.
    En fait, nous avons commencé à le faire. Certains employés ont été affectés à Toronto, et il y a des postes qui s'ouvrent dans cette ville. Nous avons eu des échanges avec des commissions provinciales, dans le cadre desquelles nos employés travaillent pour d'autres commissions et y restent pendant quelque temps. Nous consultons régulièrement les commissions provinciales pour être sûrs que l'interprétation que nous donnons aux choses ici à Ottawa en ce qui concerne certaines provinces est bien la même que celle qui se donne en C.-B., par exemple.
    Nous avons des réunions hebdomadaires avec les trois provinces qui possèdent des pouvoirs équivalents. Ces réunions se font par téléphone. Chaque fois qu'un des commissaires provinciaux est à Ottawa, nous essayons de l'inviter à venir nous voir. Par exemple, le commissaire Frank Work de la Colombie-Britannique a fait une petite conférence dans nos bureaux sur l'heure du midi au sujet des problèmes rencontrés dans l'administration de son commissariat. Nous essayons de cultiver ce genre de liens.
    Le seul fait que vous vous réunissiez toutes les semaines est sans doute une chose que la plupart des Canadiens ne savent pas. C'est une très bonne chose. Je suis heureux de l'apprendre.
    Eh bien, cela nous a paru essentiel, parce que si nous adoptons des positions différentes sur les mêmes problèmes, alors que nous avons des lois qui sont équivalentes... Je pense que nous sommes obligés de le faire.
    Voulez-vous une motion, monsieur le président.
    Non. En fait, vous pouvez la présenter, mais je...
    Je vous remercie, monsieur Albrecht.
    Au nom des membres du comité, je tiens à vous remercier, madame Stoddart, d'être venue aujourd'hui. Voilà qui termine les questions. Voulez-vous présenter des remarques ou des commentaires en conclusion?
    J'aimerais simplement demander au comité ce qui suit. Le premier comité sous sa forme précédente — et je crois que tous les membres ont changé, si ce n'est pour l'honorable M. Coderre, si je me souviens bien, devant lequel j'ai comparu...
    Il a changé lui aussi.
    Des voix: Oh, oh!
    J'ai comparu devant ce comité il y a sept ans. Le comité a toujours appuyé nos travaux pendant toutes ces années, d'abord lorsqu'il a fallu reconstruire le bureau et ensuite lorsqu'il s'est agi de nous écouter et de nous fournir des suggestions. En tant que mandataire du Parlement, je vous remercie d'avoir eu une relation aussi positive et je tiens à vous signaler que je relève de vous, de sorte que, j'espère que vous n'hésiterez pas à me donner des directives si vous estimez qu'elles peuvent améliorer mon travail.
    Merci.
    Le président aimerait maintenant examiner la motion suivante. Elle se lit ainsi: « Que le Comité a examiné la question de la nomination de Jennifer Stoddart comme commissaire à la protection de la vie privée et fait rapport qu'il appuie cette nomination ».
    Elle est présentée par M. Albrecht. Dois-je faire rapport de cette motion à la Chambre?
    (Motion adoptée.)
    Le président: Madame Stoddart, encore une fois, au nom de tous, je tiens à vous remercier. Tout comme vous, nous sommes heureux de la perspective de poursuivre nos rapports avec vous et nous souhaitons à vous et à votre équipe bonne chance pour vos travaux futurs. Merci encore.
     [Applaudissements]
    Merci.
    Il faut faire quelques modifications techniques. Je vais donc suspendre maintenant la séance pendant deux minutes.

  (1625)  


  (1630)  

    Reprenons.
    C'est le deuxième point à notre ordre du jour.
    Premièrement, je devrais informer les membres du comité que nous avions bien sûr l'intention, si cela était possible, d'examiner le rapport Google cet après-midi. Cependant, il y a eu quelques problèmes techniques et nous ne pourrons pas le faire cet après-midi. Ce point sera remis à l'ordre du jour, peut-être pour une durée d'une demi-heure, à une des séances prévues la semaine prochaine.
    Avant d'ajouter quoi que ce soit, je vais demander à toutes les caméras de quitter la salle, s'il vous plaît, maintenant. Je vous remercie.
     Le point suivant qui figure à l'ordre du jour du comité est la comparution de monsieur Serge Ménard, député de Marc-Aurèle-Fortin. Monsieur Ménard a répondu à une demande écrite que lui avait faite le comité.
    Je dois vous signaler qu'en tant que député, il n'est pas un témoin contraignable. Il existe un groupe de personnes triées sur le volet qui ne sont pas contraignables: les membres des autres assemblées législatives, les députés, les sénateurs, les juges et le gouverneur général.
    Il a néanmoins accepté de son propre chef notre invitation et il est ici parce qu'il le veut bien.
    Bienvenue, monsieur Ménard. Comme le veut la pratique du comité, nous allons vous accorder une dizaine de minutes pour vos remarques d'ouverture, si vous voulez en présenter.
    Vous avez la parole.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Lorsque l'affaire pour laquelle vous m'avez convoqué a été déclenchée, j'ai décidé, pour des raisons que je vais vous expliquer à la fin, que je ne donnerais qu'une seule interview, à Christian Latreille de Radio-Canada. Cependant, j'ai aussi fait savoir que j'étais prêt à collaborer avec toutes les autorités compétentes qui voudraient enquêter sur ces faits, et c'est pourquoi je suis ici.
    Vous m'avez convoqué pour en parler, et je comprends par les remarques qui ont été faites à la Chambre que vous voulez que je vous explique pourquoi j'ai pris tant de temps à en parler en public. Dès que j'ai été engagé dans ces événements, j'ai compris que, si j'en parlais, ça causerait d'abord l'explosion médiatique que ça a causée, mais que ce serait ma parole contre celle d'un autre. Or, je n'avais aucune preuve indépendante pour déterminer laquelle était vraie.
    Ce qui est aussi important, c'est de se rendre compte qu'il n'y a eu aucune tentative de corruption. D'abord, je n'étais pas encore élu, donc je n'étais pas compris dans la définition de « fonctionnaire public », qui est assez large pour couvrir les députés, mais pas les candidats à un poste de député. En plus, on ne me demandait absolument rien en échange de l'argent qu'on me proposait. Au pire, c'était une tentative d'infraction à la Loi régissant le financement des partis politiques. Toutefois, comme on le sait depuis récemment, même cette tentative ne constitue pas une infraction.
    Quoi qu'il en soit, je n'avais pas de preuve indépendante, et c'est certainement ce qui a commandé mon silence. J'ai vu quelques infractions de corruption poursuivies durant ma carrière d'avocat, et jamais je n'ai vu d'actions prises sans qu'il y ait une preuve indépendante pour justifier les dires du dénonciateur.
    À présent, voici dans quelles circonstances ça s'est produit. C'était avant la première élection de décembre 1993. Ça faisait déjà un certain temps que j'avais été choisi comme candidat, et je cherchais à rencontrer beaucoup d'acteurs à Laval, dont le maire de Laval. Il semble qu'il était aussi intéressé à me rencontrer. Il m'a donc donné un rendez-vous. Je me suis rendu un soir, je crois, à son bureau.
    Il était assis à son bureau. Je me suis assis devant lui. On a parlé de Laval, de beaucoup de choses — de politique, bien sûr. Il m'a parlé de son conseil municipal au sein duquel il y avait des souverainistes comme des fédéralistes, et on a surtout parlé des dossiers de Laval. Après un bout de temps, il m'a fait me déplacer vers une petite table sur le côté de son bureau. Il a parlé un peu des dépenses de la campagne électorale. Ensuite, il a sorti une enveloppe qui s'est ouverte à peu près à moitié et qui contenait une liasse de billets de banque. Il m'a dit qu'il y avait 10 000 $ qu'il voulait m'offrir pour m'aider à financer ma campagne électorale.
    J'ai tout de suite repoussé l'enveloppe en lui disant qu'il devait bien connaître la loi et savoir que ce n'est pas la façon dont on contribue à une caisse électorale. Il faut que les dons soient faits par chèque, qu'ils soient d'un maximum de 3 000 $ et qu'ils proviennent d'électeurs dont les noms vont être diffusés. Il a répondu qu'une petite caisse d'argent comptant durant une campagne électorale pouvait être très utile. Je lui ai dit que si j'avais besoin d'une petite caisse électorale, elle serait comptabilisée et déclarée. J'ai ajouté que je ne voulais pas de son argent. Je pense qu'on ne s'est pas...
    Je l'ai vu devenir épouvantablement rouge, la sueur lui perlait au front, la main lui tremblait. Il a ramassé son argent et j'ai pris la porte tout de suite ou quelques instants plus tard.

  (1635)  

    Je me suis bien demandé... Au fond, je suis parti avec la preuve. Je voyais comment ça sortirait en public, si je déclarais quelque chose à qui que ce soit. J'étais absolument convaincu qu'il nierait avec énormément d'énergie, qu'il ferait aussi probablement tout pour me discréditer. J'étais convaincu qu'une dénonciation semblable ne conduirait nulle part. Je me disais qu'il serait probablement acquitté si jamais il était accusé, et même, très probablement, qu'il ne serait jamais accusé en vertu d'une preuve aussi faible. Alors, j'ai décidé de ne pas en parler.
    À présent, 17 ans plus tard, M. Christian Latreille de Radio-Canada cherchait à me rencontrer. On a échangé quelques appels téléphoniques. Il voulait me parler de Laval en général, puisque j'étais un élu de Laval depuis tant d'années. J'ai décidé de l'inviter à venir me rencontrer pendant la semaine de relâche. Il est donc venu le lundi. Il a commencé à parler de façon générale de Laval. Puis, soudainement, il s'est arrêté, il m'a regardé dans les yeux, et il m'a demandé s'il était vrai que j'avais refusé 15 000 $ en argent comptant du maire Gilles Vaillancourt.
    C'est vrai qu'il y a eu un long silence. Plus mon silence durait, plus je m'apercevais que je lui avais donné une réponse, parce que si la réponse avait été non, j'aurais dit que non, ce n'était pas vrai. Cependant, je voyais bien qu'il était informé, même si le montant était inexact. Je voyais bien qu'il était informé, alors je me suis finalement tourné vers lui et je lui ai demandé comment il l'avait su. Moi, je n'en avais jamais parlé. Il m'a dit qu'il avait recueilli des informations confidentielles dont il avait promis de protéger la source.
    Je voyais qu'il était très professionnel comme journaliste d'enquête, et qu'ayant obtenu des informations d'une source confidentielle, il devait s'assurer de leur véracité avant de les diffuser. Je savais qu'au fond, je venais de lui donner la preuve que ses informateurs lui avaient transmis la vérité. Je l'ai d'abord corrigé quant au montant: ce n'était pas 15 000 $, mais 10 000 $.
    Puis, je lui ai raconté ce que je viens de vous raconter. Je lui ai expliqué pourquoi je n'en avais jamais parlé, principalement par manque de preuves, mais aussi parce que je savais que le maire de Laval n'avait pas commis de crime. Même l'infraction à la Loi régissant le financement des partis politiques n'avait pas été commise, puisque j'avais refusé le montant.
    À ce moment-là, il m'a dit qu'il avait assez d'informations pour diffuser ce dont on venait de parler, que j'allais devoir répondre à cette révélation, que je serais interrogé au Parlement, au sein de mon parti, à mon bureau, lors d'un événement public, que je risquais de voir ma version rapportée par petits morceaux, tronquée, et que ce n'était pas la façon idéale d'exposer mon point de vue. Il m'a dit qu'il m'offrait une interview, si je le voulais, et qu'il me garantissait de la diffuser au complet, de sorte que ma version ne soit pas amputée et soit reçue au complet par le public.
    J'ai réfléchi. Ce n'est pas moi qui ai demandé un délai, c'est lui qui me l'a offert. J'ai réfléchi, j'ai consulté des gens. Il faut dire que les opinions étaient divisées. Certains me disaient de laisser le journaliste dévoiler l'information et d'y répondre par la suite.
    Finalement, après que j'ai eu consulté mon dernier chef de cabinet en qui j'ai bien confiance, on a décidé que la meilleure façon était de faire ça, effectivement, c'est-à-dire donner ma version au complet à un journaliste qui la rapporterait correctement, puis de ne plus parler. C'est pour ça que j'ai refusé les interviews avec les journalistes depuis ce temps.
    Évidemment, votre convocation est d'une nature différente, surtout en raison de ce qui a été mis en doute à la Chambre.

  (1640)  

    Je n'avais rien déclaré relativement à M. Vaillancourt parce que j'étais convaincu que cela n'irait nulle part. Par contre, ma réputation aurait été sérieusement mise en doute, parce qu'il n'aurait pas été accusé, et beaucoup de gens auraient interprété cela comme si j'avais menti.
    Merci, monsieur Ménard.

[Traduction]

    Nous allons maintenant passer à une première série de sept minutes.

[Français]

    Monsieur Coderre, vous disposez de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je dois vous avouer que je suis un peu mal à l'aise aujourd'hui. D'ailleurs, je l'ai dit directement à M. Ménard. Jusqu'à preuve du contraire, je n'ai absolument pas à remettre en question son intégrité ou sa crédibilité. Je trouvais qu'il y avait un problème étant donné qu'il avait été candidat au provincial et qu'on faisait quelque chose au fédéral 17 ans plus tard. Toutefois, vous avez décidé, cher collègue, d'affronter la tempête. On va donc jouer le jeu et poser des questions en ce sens pour faire la lumière, puisque c'est ce que vous voulez.
    Tout d'abord, vous avez dit avoir refusé 10 000 $. Y avait-il des coupures de 1 000 $? Qu'avez-vous vu?

  (1645)  

    J'ai vu des billets de différentes couleurs. De plus, la liasse n'était pas assez épaisse pour qu'il n'y ait eu que des billets de 100 $, mais elle n'était pas assez mince pour qu'il n'y ait eu que 10 billets de 1 000 $. Il me semble avoir vu quand même de la couleur brune et rose.
    S'il y avait du rose là-dedans, c'est donc qu'il y avait des billets de 1 000 $.
    Oui.
    Une chose me dérange un peu, mais ce n'est pas la question de votre refus. En 2006, un autre candidat censé devenir ministre, Richard Le Hir, a dit sur les ondes de Radio-Canada qu'on lui avait offert 13 000 $ et qu'il avait accepté cet argent. Il y a aussi eu un article dans La Presse à cet égard. Il avait acheté le poulet avec ça. Il disait qu'il avait consulté le Parti québécois et que c'était acceptable. Il avait même dit que cinq ou six candidats allaient devenir ministres dans le lot. Avez-vous entendu parler de cela?
    Je ne me souviens absolument pas de cela.
     Richard Le Hir vous avait-il parlé de cela?
    Jamais.
    Avez-vous consulté le Parti québécois quand c'est arrivé, quand vous avez refusé cet argent?
    Non, parce que je me disais que moins de gens savaient cela, moins il y aurait de possibilités que cela soit connu, et moins il y aurait de possibilités que je sois appelé à confronter ma crédibilité avec celle du maire de Laval.
    Vous n'avez jamais entendu dire que d'autres personnes auraient pu accepter des sommes d'argent, qu'au fond c'était la culture et que c'était normal que cela arrive? Vous n'en n'avez jamais entendu parler?
    Pas du tout. J'ai été énormément surpris que cela se fasse. Évidemment, je voyais bien la ligne tendue, c'était présenté comme une contribution à ma caisse électorale. Si j'avais accepté, je serais devenu complice d'une petite infraction qui n'est pas un crime et j'aurais lancé le message que j'étais ouvert à cela.
    Je songeais depuis longtemps à me lancer en politique, comme vous, peut-être. Mon désir de faire de la politique remonte aux années 1950.
    L'hon. Denis Coderre: Vous avez vécu l'époque de Duplessis, vous.
    M. Serge Ménard: À cette époque, il y avait de la corruption partout, pas juste au Québec. Il y en avait au Canada, aux États-Unis et dans le monde entier. Je m'étais toujours dit que si j'allais en politique, je refuserais une chose pareille. Il faut refuser à la première occasion. C'est pour cette raison que cela a été un réflexe quand il a sorti l'argent. Assurément, je voulais respecter la loi électorale et ça a été immédiat. Je lui ai demandé ce qu'il faisait.
    Bien sûr, il y a plusieurs comtés dans la région de Laval. Vous étiez un candidat vedette, vous êtes devenu ministre. D'autres candidats sont-ils allés vous voir pour vous dire qu'on leur avait aussi offert de l'argent? Avez-vous entendu dire cela?
    Jamais, car cela m'a beaucoup étonné. Il n'y avait absolument personne. Laval avait une certaine réputation, mais pas à ce chapitre. C'était plutôt relativement à la façon dont les soumissions étaient faites et dont les contrats étaient donnés qu'il y avait eu toutes sortes d'allégations dans les journaux, mais jamais rien n'avait été prouvé.
    Par la suite, quand vous étiez soit candidat soit député, vous a-t-on offert de l'argent?
    Non, il est arrivé parfois que des gens offrent de l'argent comptant, mais on refusait. On leur disait de libeller les chèques au nom de l'association, non pas au nom du candidat, et que leurs noms seraient diffusés.
    Était-ce pour votre campagne de financement?
    Les gens se sont toujours...
    Quand ils vous offraient de l'argent, c'était pour votre campagne de financement et non pas pour avoir votre oreille, n'est-ce pas?
    Non.
    Les gens qui vous offraient de l'argent et à qui vous avez dit de faire des chèques au lieu de vous donner de l'argent comptant, faisaient-ils cela candidement, simplement pour participer à votre campagne de financement?
    Oui, j'avais l'orgueil de penser que c'était peut-être parce qu'ils trouvaient que j'étais un bon candidat.
    C'était peut-être le cas au provincial, mais on verra au fédéral.
    Monsieur Ménard, comment réagissez-vous quand quelqu'un comme Richard Le Hir dit candidement qu'il avait accepté 13 000 $, que cela avait servi à acheter le poulet, que le Parti québécois était au courant et qu'il y avait cinq ou six autres candidats qui allaient devenir ministres à qui on avait fait la même offre?

  (1650)  

    Je n'ai jamais entendu parler de cela. Si j'en avais entendu parler, je l'aurais certainement condamné.
    Selon moi, les deux lois les plus importantes de M. René Lévesque — pour qui j'ai une très grande admiration — sont le projet de loi sur la langue française, qui est devenu la loi 101, et la Loi régissant le financement des partis politiques. Je trouvais que cette dernière avait été bien rédigée. En effet, M. Burns l'avait rédigée. C'était parce que M. Lévesque avait compris que les caisses électorales étaient une source d'influence indue sur les élus. C'est pour cela que les montants avaient été réduits et que la procédure a été instaurée.
    Mon réflexe m'est venu à cause de ces deux cas. Premièrement, je m'étais dit que je refuserais à la première occasion et c'était la première occasion. Je pense que c'était la dernière aussi.
     Deuxièmement, je respectais cette loi et je voulais m'y conformer.
    Vous avez contribué à Carcajou puisque vous étiez ministre, à l'époque. Vous êtes avocat criminaliste.
    Je n'y ai pas seulement contribué.
    Non, je veux dire que vous l'avez fait. Vous avez donc comme réflexe de combattre le crime organisé. N'avez-vous pas été tenté, à un moment donné en tant que ministre, d'aller plus loin et d'enquêter à Laval, puisqu'on vous avait offert de l'argent? Vous avez dit plus tôt que vous aviez entendu dire qu'il se passait des choses à Laval. N'étiez-vous pas tenté de faire cela?
    Il y a deux choses. En ce qui a trait à l'infraction elle-même, il n'y avait pas d'autres preuves. Je connaissais quand même le domaine de la preuve. En effet, je suis avocat et j'ai passé ma carrière à présenter des preuves, à en contester et à en évaluer. J'ai même donné des cours à l'université sur la question de la preuve en droit criminel. Je voyais bien qu'il était impossible d'en avoir plus.
    J'ai oublié l'autre chose que vous m'avez demandée.
    Vous aviez dit plus tôt qu'il y avait des allégations selon lesquelles il se passait des choses à Laval. N'étiez-vous pas tenté de faire le ménage?
    Oui, c'était le cas, dès la première année. Il est évident qu'on en a parlé. Je n'ai pas parlé de mon affaire parce que j'estimais qu'il n'y avait pas de preuves. De toute façon, on devait enquêter sur bien plus que cela à Laval. On en a parlé entres ministres, mais on a décidé collectivement — et je suis d'accord avec cette décision — que ce dossier relevait plus du ministre des Affaires municipales que du ministre de la Sécurité publique. M. Chevrette a donc chargé une seule personne de faire enquête. Il s'agissait de quelqu'un en qui il avait bien confiance et qui avait la capacité d'analyser les chiffres et les cahiers de Laval pour voir si, en effet, le processus de soumissions publiques était correct.
    On a créé cette enquête en 1995. Quand le rapport de M. Martin a été déposé, je n'étais plus ministre de la Sécurité publique.
    Je vous remercie, monsieur Coderre.
    Madame Freeman, vous avez la parole. Vous disposez de sept minutes.
    Bonjour, maître Ménard. Je vous remercie d'avoir accepté l'invitation du comité à venir faire la lumière sur cette histoire.
    D'entrée de jeu, maître Ménard, lors du témoignage que vous venez de faire, vous avez dit que vous avez refusé l'argent et que, pour vous, cela mettait fin à l'histoire parce qu'il n'y a pas eu d'infraction au sens de la loi.
    Je pense que vous avez été professeur de droit, à un certain moment, et que vous avez été avocat criminaliste. J'aimerais que vous nous expliquiez pourquoi il n'y a pas eu d'infraction, ni au sens du droit criminel, ni au sens de la Loi régissant le financement des partis politiques.
    Distinguons le crime, qui est de compétence fédérale, de l'infraction, qui est de compétence provinciale. Comme vous savez, les provinces ne peuvent pas légiférer sur les crimes. Le crime dont on parle aurait été celui de corruption de fonctionnaire public. Étant candidat, je ne correspondais pas à la définition très large de fonctionnaire public que donne le Code criminel.
    De plus, c'était évident qu'il n'agissait pas dans l'exercice de ses fonctions. Il agissait en tant qu'électeur qui veut contribuer à une caisse électorale. L'offre qu'il me faisait n'était pas un geste de maire. C'est pourquoi j'étais absolument convaincu de cela.
    J'avais noté aussi un troisième point. Comme je vous l'ai déjà dit, il ne me demandait rien en échange de l'argent qu'il m'offrait. J'étais alors certain qu'aucune infraction n'était commise, ni quoi que ce soit du même genre.
    Par contre, il y avait évidemment une tentative d'enfreindre la Loi régissant le financement des partis politiques, mais ce n'est pas, en soi, une infraction.

  (1655)  

    D'après vos dires, aucune infraction n'a été commise lors de cet événement.
    En effet, et si j'étais allé voir la police, je suis convaincu qu'on m'aurait dit de m'adresser au Bureau du directeur général des élections. La police a pour mandat d'enquêter sur des crimes et non de donner des certificats de bonne conduite. Le directeur général des élections m'aurait dit ce qu'il a encore répété récemment, c'est-à-dire que je n'avais commis aucune infraction puisque j'avais refusé. J'espère qu'il m'aurait félicité.
    De plus, même s'il y en avait eu, même si la loi avait été différente, il n'en demeure pas moins que ça aurait été ma parole contre la sienne, et je suis certain qu'aucun procureur de la couronne n'aurait voulu de cette cause. Ça aurait été une aussi grosse bombe médiatique que maintenant, sauf qu'aucune accusation n'aurait été portée contre lui. Et si on l'avait accusé, il aurait été acquitté. C'était donc inutile.
    Sauf erreur, il n'y a eu ni corruption ni infraction à la Loi électorale.
    C'est ce que je crois.
    C'est ce qu'on allègue aujourd'hui.
    Monsieur Ménard, vous avez expliqué sommairement les raisons pour lesquelles vous n'avez rien dit. J'aimerais que vous nous disiez ce qui se serait passé si vous aviez parlé à ce moment-là.
    D'abord, je suis sûr qu'il aurait tout nié. De plus, si des gens attendaient de voir le résultat du 10 000 $ qu'il m'avait présenté, ils auraient sûrement nié eux aussi. Comme je vous le dis, ça restait ma parole contre la sienne.
    En plus, je ne crois pas que la police aurait décidé d'enquêter là-dessus. Elle aurait examiné le même code que je connais pour en arriver à la conclusion qu'il n'y avait pas de tentative de corruption de fonctionnaire. Elle m'aurait donc envoyé voir le directeur général des élections, et ce dernier en serait arrivé aux conclusions auxquelles il arrive encore aujourd'hui.
    Si je comprends bien, dénoncer n'aurait servi à rien.
    Non, je l'avoue, ça m'aurait fait très mal, j'en suis certain. Ça aurait été une guerre épouvantable. Il aurait tout fait pour me discréditer, à une époque où je n'avais pas le passé de ministre de la Sécurité publique que j'ai maintenant derrière moi.
    J'étais avocat criminaliste d'abord, mais j'avais une excellente réputation. C'est pourquoi j'ai été le premier criminaliste élu bâtonnier du Québec, c'est-à-dire président du Barreau du Québec. J'avais une bonne réputation auprès des juges, des policiers, de mes confrères et de beaucoup de journalistes.
    Pour le grand public, les criminalistes frayent avec les bandits. C'est la raison pour laquelle ça aurait été ma parole contre la sienne. Je n'ai pas frayé avec les bandits, mais il est vrai que je n'ai pas défendu que des personnes honnêtes, quoiqu'il me soit arrivé de défendre des innocents qui avaient bien besoin de moi.
    Ainsi, dénoncer ce geste n'aurait servi à rien, et aucune accusation n'aurait pu être portée.
    C'est ça.
    Ce que je retiens de votre témoignage, c'est qu'à la lumière des faits qui nous sont présentés, il n'y avait aucune corruption, aucune infraction à aucune loi lors de cet événement.
    Oui. C'est triste à dire, mais ce n'est pas parce qu'il n'y avait rien d'illégal que ce n'était pas grave. J'ai considéré que c'était très grave. Par la suite, j'ai considéré que c'était une façon de m'attirer. Cependant, sur le coup, mon geste a été instinctif.
    C'était spontané, vous avez refusé.
    Oui.
    C'était clair, le refus a été immédiat. En fait, il ne vous a rien demandé en échange non plus.

  (1700)  

    Non. Il m'offrait 10 000 $ pour ma caisse électorale.
     Je vous remercie, monsieur Ménard. Il n'y a donc eu aucune corruption, aucune infraction à la loi. C'est ce que je retiens de votre témoignage. Merci.
    Merci, madame Freeman.

[Traduction]

    Monsieur Siksay, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je suis content de vous voir cet après-midi, monsieur Ménard, Je ne suis pas habitué à vous voir à cette extrémité de la table, mais je suis content de vous voir.
     [Note de la rédaction: inaudible]... à répondre aux questions; je suis plus habitué à poser des questions.
    Oui.
    Monsieur Ménard, je veux tout simplement vous dire que j'ai beaucoup de respect pour vous et pour le travail que vous effectuez ici. Nous avons été élus à la Chambre, à la Chambre des communes, en même temps. Rien de ce que j'ai entendu sur cette question jusqu'ici n'a diminué en quoi que ce soit le respect que j'ai pour vous ou pour votre travail. C'est tout ce que je voulais dire.
    Merci.

[Français]

    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Voilà qui est très bref.
    Monsieur Petit.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Bonjour, monsieur Ménard.
    J'aimerais tout de go dire exactement ce que M. Coderre a dit. Je suis un peu inquiet et un peu troublé par ce qui se passe depuis quelques temps et surtout par votre déclaration faite au journaliste Latreille.
    Premièrement, j'aimerais commencer par ceci. Vous êtes avocat depuis 1968, vous avez prêté serment. Vous avez été ensuite le bâtonnier du Barreau du Québec. Vous avez aussi été député. À ce titre, vous avez prêté serment pour représenter le peuple du Québec. En toute justice, vous avez aussi été ministre de la Sécurité publique et ministre de la Justice.
    J'aimerais revenir sur une des premières choses que vous avez mentionnées. M. Vaillancourt, qui était maire, a tenté, d'après ce qu'on peut voir, de vous soudoyer ou de vous corrompre. Vous dites que vous n'en êtes pas certain. On était en 1993, à l'époque, et il venait à peine d'être élu, en 1990.
    Compte tenu du fait que vous saviez qu'il avait fait ça, pourquoi votre premier réflexe n'a-t-il pas été d'aller voir la police? Vous savez que la police recevra une plainte, fera un constat et indiquera que vous êtes venu la voir. Ça ne veut pas dire qu'il y aura condamnation, ça ne veut pas dire que vous allez gagner la cause, ni quoi que ce soit d'autre. Avez-vous fait cette simple petite démarche d'aller voir la police, de lui dire qu'il venait de se produire un événement et de faire constater cela par la police? Avez-vous fait cela?
    Non, car j'étais convaincu que moins j'en parlais, plus j'étais certain de ne pas être confronté publiquement à l'obligation d'opposer ma crédibilité de criminaliste à celle du maire de l'époque.
    Monsieur Ménard, vous connaissez sûrement l'expression « l'occasion qui se présente ». Vous avez eu plusieurs occasions, au cours de cette période très courte, d'en parler à vos collègues. Je vais vous donner un exemple. Vers le 6 ou le 7 avril 1995, le responsable de votre section, M. David Cliche, avait préparé une lettre dont vous avez été signataire. Dans cette lettre, on disait que quelque chose ne fonctionnait pas à Laval.
    Avez-vous dit à M. Cliche et à vos collègues qu'il avait tenté de vous soudoyer ou de vous donner de l'argent? Avez-vous saisi cette chance?
    Non, monsieur Petit.
    Par la suite, monsieur Ménard, vous avez reçu une pétition de 500 noms de personnes de votre région. Cette pétition demandait une enquête sur l'administration municipale, car tout était un peu spécial. Avez-vous suivi ou avez-vous tenté, à ce moment-là — on était dans la même période —, d'aller voir la police et de dire que vous aviez les noms de 500 citoyens, que ça sentait mauvais, que ça ne sentait pas bon, que ça n'avait pas l'air correct? Avez-vous au moins été voir la police pour lui dire qu'un mois, deux mois, un an plus tôt, vous aviez reçu telle et telle choses? Avez-vous fait une démarche?
    Je n'ai pas fait cette démarche, mais j'en ai fait une autre. Nous avons parlé — très certainement entre ministres — de toutes les allégations sur la situation à Laval. Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, après réflexion, nous sommes tous arrivés à la conclusion qu'il fallait que ce soit le ministre des Affaires municipales qui s'en occupe, plutôt que le ministre de la Sécurité publique.
    Monsieur Ménard, par la suite, vous avez envoyé différentes lettres à M. Vaillancourt. Vous en avez envoyé en 1995, en 1996, en 2002 et vous en avez envoyé aussi quand vous étiez ministre de la Sécurité publique du Québec en 2005 et même, la dernière fois, en 2009. Dans chacune de ces lettres, vous dites presque à M. Vaillancourt qu'il est votre grand ami, qu'il n'y a pas de problème.
    N'avez-vous pas, à un certain moment, pensé à arrêter de lui envoyer de belles lettres parce qu'il était peut-être un présumé bandit? Pourquoi avez-vous envoyé ces lettres à M. Vaillancourt lui disant qu'il était beau, fin et gentil? C'est ce que vous avez fait pendant presque 10 ans.

  (1705)  

    Je ne crois pas que vous trouviez ces expressions dans les lettres que j'ai envoyées. Il est certain que j'envoyais beaucoup de lettres. J'ai compris une chose très tôt en politique, monsieur Petit, c'est qu'il faut savoir travailler avec les gens, quelle que soit l'opinion qu'on a d'eux. Ce n'est pas à cause de l'opinion que nous avons l'un de l'autre que nous n'accepterions pas de collaborer. Oui, j'ai décidé que je collaborerais avec le maire Vaillancourt tant qu'il serait maire et tant que les nombreuses allégations qui pesaient contre lui ne seraient pas prouvées. M. Vaillancourt avait beaucoup de qualités. C'était celui qui connaissait le mieux les dossiers de Laval. Il avait une expérience politique extraordinaire et on a échangé sur ces sujets.
    À la fin de chaque session, je prenais quelques heures pendant plusieurs jours pour écrire à tous mes hauts fonctionnaires, tous mes collaborateurs, tous les conseillers municipaux de Laval et au maire aussi, par conséquent. Ce que je disais dans ces lettres, des lettres personnelles qui étaient très appréciées et qui m'ont valu une collaboration extraordinaire non seulement des élus de Laval mais aussi dans mon ministère, je le pensais.
    En un certain sens, je n'ai pas dit tout ce que je pensais, mais les choses que nous avions réalisées ensemble, l'expertise qu'il avait démontrée dans ses dossiers et des choses comme celles-là, je les mettais probablement en valeur. C'est dans ce contexte que ces lettres ont été envoyées.
    Monsieur le président, je l'ai peut-être mentionné, mais je vais partager le temps qui m'est alloué avec mon collègue M. Blaney. Combien m'en reste-t-il actuellement?

[Traduction]

    Eh bien, nous pouvons revenir à M. Blaney. Vous avez presque utilisé votre temps de parole. Il vous reste environ 40 secondes. Nous reviendrons à M. Blaney pour cinq autres minutes.

[Français]

    Il me reste cinq minutes.
    Monsieur Ménard, M. Vaillancourt vous a envoyé une mise en demeure, récemment, disant que ce que vous disiez n'était pas vrai. Il vous a envoyé une mise en demeure au civil?
    Il m'a envoyé une mise en demeure me demandant de me rétracter.
    Avez-vous l'intention de vous rétracter ou est-ce que la vérité est ce que vous dites aujourd'hui?
    Vous avez un bon avocat, vous posez les questions auxquelles vous connaissez la réponse. La réponse est non.
    Vous ne vous rétractez pas. Vous dites que M. Vaillancourt a essayé de vous corrompre.
    Non, je n'ai pas dit cela. Je n'ai pas utilisé le terme « soudoyer » et je n'ai pas utilisé le terme « corrompre » non plus. Je suis parfaitement conscient que ce n'était pas une infraction criminelle de tentative de corruption d'un fonctionnaire public. C'était très habile, mais ce n'était pas illégal. Ce qui était illégal, pour moi et pour lui, c'était de l'accepter.
    J'ai une dernière question, monsieur Ménard. Non? D'accord.

[Traduction]

    Merci.
    J'aimerais vous poser une question, monsieur Ménard. Avec le recul de toutes ces années... Et je suis tout à fait d'accord avec M. Siksay lorsqu'il dit que vous jouissez d'une crédibilité extrêmement forte et d'une excellente réputation et que vous êtes certainement considéré dans cet édifice comme un des esprits les plus brillants du Parlement. Mais avec le recul, ne pensez-vous pas que vous avez peut-être mal jugé la déclaration que le maire de Laval aurait pu faire ou les preuves que les autorités, qu'il s'agisse de la police du Québec ou des responsables des élections du Québec, auraient pu réunir?
    Il est possible que, si vous l'aviez confronté, le maire de Laval aurait admis avoir essayé de faire ce paiement. Il est possible que les autorités aient eu en leur possession des preuves corroborant votre version des faits. Je suis d'accord avec vous à 100 p. 100 pour dire que si la preuve était la suivante: « Vous dites qu'il a fait ceci et il affirme ne pas l'avoir fait », alors l'enquête ne serait allée absolument nulle part. Elle aurait été immédiatement abandonnée. Mais avec le recul, ne pensez-vous pas que vous avez peut-être préjugé du témoignage qu'aurait pu livrer le maire ou de la capacité des autorités compétentes de corroborer votre témoignage et que l'affaire aurait été soumise à un autre niveau?

[Français]

    C'est sûr que j'ai jugé que c'était ça, c'est-à-dire qu'il n'y aurait pas... J'étais certain... Enfin, vous ne connaissez pas le maire de Laval.
    Des voix: Ah, ah!
    M. Serge Ménard: Vous pouvez être certain qu'il n'aurait jamais admis cela. Son attitude actuelle ne m'étonne absolument pas. Si la police l'avait contacté, il aurait intenté une action en dommages et intérêts contre moi de toute façon, et j'aurais été appelé certainement à expliquer ça en public. Ça aurait été la même chose: ma parole contre la sienne.
    Alors, j'ai estimé — I prejudged, comme vous le dites — qu'il n'y aurait pas d'accusation portée contre lui, très vraisemblablement, et qu'il en sortirait grandi sur le plan de la crédibilité, et moi, diminué.

  (1710)  

    Merci.

[Traduction]

    Il nous reste du temps pour trois autres intervenants. Nous allons entendre M. Coderre pour cinq minutes, et ensuite M. Blaney et après Mme Freeman.
    Monsieur Coderre, je vais vous limiter à cinq minutes au total.
    Bien sûr.

[Français]

    Restons dans le sujet de la légalité, de la légitimité.
    Vous avez pris cette affaire à la lettre, en disant que ce n'était pas de la corruption, selon vous, puisqu'il ne vous avait pas soudoyé et que vous aviez refusé.
    Aviez-vous peur de M. Vaillancourt?
    C'est certain qu'en cas de confrontation en public, j'aurais eu peur de lui, d'une certaine façon. Je n'aurais pas eu peur qu'il me fasse tuer ou qu'il m'arrive je ne sais quoi par rapport au crime organisé. Pour ce qui est du crime organisé, j'étais très bien protégé.
    Qu'est-ce que vous voulez dire par là?
    À un moment donné, j'avais jusqu'à cinq gardes du corps; j'en avais à la porte de la maison et à la porte du chalet.
    Quoi qu'il en soit, j'étais certain qu'il ferait tout pour me discréditer en public, que non seulement il nierait, mais qu'il chercherait à détruire ma crédibilité, à me trouver des poux, à questionner mes anciens clients, à mettre en évidence que je défendais des bandits. Remarquez que j'ai aussi défendu des policiers.
    Il y a une seule chose, dans votre argumentation, que je trouve faible, si vous me permettez d'utiliser ce mot. Vous avez refusé l'argent, c'est parfait. Cependant, vous êtes d'un milieu où vous connaissez justement l'hommerie, et vous n'en avez pas parlé à votre entourage.
    Étiez-vous aussi ministre régional, à l'époque?
    Je l'ai été plus tard, quand j'ai été...
    Vous allez voir où je veux en venir. Vous avez parlé à plusieurs de vos collègues autour de vous. À un moment donné, leur avez-vous dit de faire attention, de ne pas s'embarquer là-dedans?
    Il n'y a qu'un seul maillon faible dans l'affaire. Vous avez fait ce que vous aviez à faire. En effet, comme je l'ai dit au début, rien ne me prouve que je doive douter de votre parole. Cependant, vous lui avez envoyé des lettres de remerciement et de félicitations, puisque vous vouliez quand même travailler avec M. Vaillancourt, étant donné que vous étiez élus tous les deux.
    Par contre, à un moment donné, ne vous êtes-vous pas gardé une petite gêne? M. Chevrette était ministre des Affaires municipales, avec tout ce que cela comporte. Je le connais, je connais son tempérament, car c'est mon cousin. Vous parliez-vous, entre vous?
    En passant, je précise, à l'intention des médias, que c'est un petit cousin.
    Une voix: Il a un petit peu mal tourné, d'après moi.
    L'hon. Denis Coderre: Moi, j'ai bien tourné. Il y en a qui ont d'autres défauts, c'est leur problème.
    Mais revenons aux choses sérieuses. Car c'est effectivement une chose sérieuse: il est question de deux réputations confrontées, d'une réalité où on a le pressentiment de mettre tout le monde dans le même bain.
    Entre ministres, ne vous êtes-vous pas dit que si l'un ne pouvait pas s'en occuper, on pourrait porter l'affaire au palier municipal? Vous n'avez pas fait de confidences à quiconque à l'échelle ministérielle ou entre collègues?
    Non. Je n'en ai même pas parler à ma femme. Du moins, c'est ce que je croyais. Toutefois, après la divulgation de cette affaire, ma femme m'a dit que je n'en avais parlé un soir où sa soeur Ginette et son mari étaient là, de même que ma fille. C'était un souper de famille bien arrosé. Je n'ai pas conduit, mais j'avais mentionné ce fait.
    L'hon. Denis Coderre: Au moins, c'était du vin rouge.
    Une voix: Ah, ah!
    M. Serge Ménard: C'est vrai que je n'en ai jamais parlé. J'ai peut-être appliqué les principes que j'avais appris dans la marine selon lesquels on doit dire les choses secrètes

[Traduction]

à « seulement à ceux qui ont besoin de savoir ».

[Français]

    Dans mon cas, je savais que si je ne voulais pas que ça me retombe sur le nez et avoir un affrontement public avec le maire Vaillancourt, je ne devais pas en parler. Moins j'en parlais à des personnes, moins j'avais de possibilités que ça arrive.
    Comme vous le savez, il y a deux techniques: la technique du judo et celle du karaté. Dans le karaté, on se rentre dedans, au risque d'avoir une tape sur la margoulette. Dans le judo, on se sert de la force de l'autre et on y va de façon peut-être plus contournée.

  (1715)  

    J'ai préféré rester en dehors du ring.
    À ce moment-là, n'aurait-on pas pu mettre Guy Chevrette dans l'arène, lui qui est un batailleur? N'aurait-on pas pu faire quelque chose en ce sens par l'entremise du ministère des Affaires municipales?
    Mais faire quoi? On a mené l'enquête. Je sais en quoi consiste une preuve. À cette époque, je connaissais déjà assez le travail policier pour savoir qu'il n'y en aurait pas d'autres.
    J'ai peut-être fait une erreur, mais ça, on ne le saura jamais.
    Non, vous êtes clair. Cependant, tant qu'à vous avoir parmi nous, aussi bien vous poser toutes les questions.
    Dix-sept ans plus tard — je n'en reviens pas encore qu'on soit ici —, est-ce que vous regrettez? Si vous aviez su, auriez-vous fait les choses autrement?
    Non.
    D'accord, merci.
    Merci, monsieur Coderre.
    Monsieur Blaney, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Ménard, dans la lettre du 9 janvier 2002, vous dites: « Chose certaine, je garderai toujours de vous l'image d'un homme extrêmement compétent. Félicitations, monsieur le maire de Laval et, je l'espère, cher ami. »
    Est-ce que quelqu'un d'extrêmement compétent offre des enveloppes brunes à des candidats, monsieur Ménard?
    M. Vaillancourt était très compétent comme maire. L'enveloppe brune n'a rien à voir avec sa compétence comme maire. On a fait beaucoup de choses ensemble à Laval.
    Selon vous, l'honnêteté est-elle une valeur importante pour un élu, monsieur Ménard?
    Assurément. C'est pour cette raison que j'ai toujours évité de lui en parler.
    C'est-à-dire?
    Lisez toutes les lettres et dites-moi un endroit où je parle de son honnêteté.
    Donc, vous n'avez pas parlé de son honnêteté.
    Bien sûr que non, je n'ai pas parlé de son honnêteté. Toutefois, je parlais de sa compétence.
    Pour vous, être compétent et être honnête, ce sont deux choses distinctes. On peut être honnête et compétent, ou plutôt, on ne peut pas être, comment dire, honnête et incompétent.
    J'espère être honnête et compétent.
    Oui, car vous avez très bonne réputation, monsieur Ménard, j'en conviens. Je vous remercie d'avoir accepté l'invitation du comité.
    Vous nous dites, cet après-midi, que vous considérez que ce n'était pas une erreur de ne pas avoir dénoncé ce que vous qualifiez de tentative de vous offrir un pot-de-vin. Est-ce bien ce que vous nous dites?
    Non. On a essayé de m'offrir une contribution électorale de façon non conforme aux dispositions de la loi.
    Voilà, c'est ce que j'appelle un pot-de-vin.
    En avez-vous parlé?
    Vous sautez tellement vite aux conclusions. Dans mon métier, j'ai été habitué à la rigueur. Je ne dis pas « soudoyer » quand le terme ne s'applique pas. De toute façon, dans la suite des choses, les gens auraient eu une interprétation rigoureuse...
    Vous avez été nommé ministre de la Justice, vous êtes la probité, au Québec. En avez-vous parlé à la personne qui vous a nommé, Jacques Parizeau?
    Non, sauf...
    En avez-vous parlé à Lucien Bouchard?
    ... samedi dernier...
    M. Steven Blaney: Oui, plus récemment.
    M. Serge Ménard: ... et il m'a dit que je n'avais pas d'affaire à l'en informer du tout, qu'il me faisait confiance.
    En avez-vous parlé à Lucien Bouchard?
    Non, puisque je vous dis que je n'en ai parlé à personne. Je croyais même ne pas en avoir parlé à...

[Traduction]

    Laissez-le finir sa réponse. Vous parlez tous les deux en même temps.
    Monsieur Ménard, allez-y.

[Français]

    J'ai beaucoup de questions, monsieur le président.
    Non, je n'en n'ai pas parlé. Comme je vous l'ai dit, je croyais même ne pas en avoir parlé à ma femme.
    En 1999, vous imposez aux policiers québécois le principe de la dénonciation, qui oblige les policiers québécois à dénoncer toute inconduite de leurs pairs, en vertu de la Loi sur la police.
    Comment vous sentez-vous lorsque vous imposez une règle aux policiers qui ne semble pas s'appliquer aux politiciens?
    Un policier qui aurait été placé dans les mêmes circonstances que moi n'aurait pas été lié par cette disposition de la Loi sur la police, précisément l'article 260.
    Il faut comprendre que les obligations d'un policier sont plus grandes que celles d'un simple citoyen. Je tenais à cet article surtout pour son effet préventif. Cet article a été créé à l'intention des jeunes policiers qui arrivent dans le milieu, mais aussi des vieux qui apprennent encore. S'ils savent que les gens autour d'eux ont l'obligation de les dénoncer, les policiers se retiendront peut-être avant de battre un détenu...
    M. Steven Blaney: C'est bien, monsieur Ménard...
     M. Serge Ménard: ... ou de faire quelque chose d'illégal.
    M. Steven Blaney: Monsieur Ménard...
     M. Serge Ménard: C'est pour cela que cet article existe.
     Merci, monsieur Ménard. Excusez-moi de vous interrompre, mais il ne me reste que quelques minutes.
    Pour moi, il est clair que quand on vous a offert, il y a 17 ans, de l'argent de cette façon, soit une enveloppe brune, vous étiez une victime.
    Elle n'était pas brune; elle était blanche.
    D'accord, elle était blanche. Je vous dirais que c'est un peu comme ma définition de « pot-de-vin »: pour moi, c'est une enveloppe brune, parce que c'est de l'argent qui n'a pas sa place, qui est au mauvais endroit, au mauvais moment.
    Vous étiez une victime. Au cours des 17 ans qui ont suivi, vous avez été ministre de la Justice et procureur général. Vous est-il arrivé, à un certain moment, de dire qu'il faut dénoncer ces situations? Par le fait même, ne devenez-vous pas un complice d'un cancer qui ronge la société québécoise, c'est-à-dire la corruption?

  (1720)  

    On devrait peut-être changer cette loi. Certains ont suggéré de faire de la simple tentative de corruption une infraction. Même si ça avait été une infraction, ça aurait été ma parole contre la sienne.
    Les bonnes lois sont celles qui établissent les conditions dans lesquelles les gens seront poussés à demeurer honnêtes. Il reste que le bien public dépend de l'honnêteté individuelle des gens qui sont confrontés à ces situations. Il m'a confronté et j'ai dit non.
    À propos d'honnêteté individuelle, le premier ministre Brian Mulroney est venu comparaître. Vous vous en souvenez, car vous étiez là. Il a reconnu avoir commis une erreur de jugement. Vous avez dit que ce qui vous intriguait, c'était qu'il ait mis autant de temps à s'apercevoir d'une telle erreur de jugement.
    En quelle année vous êtes-vous aperçu qu'il s'agissait d'une erreur de jugement? Est-ce que vous nous dites cet après-midi que ce n'était pas une erreur, selon vous, de ne pas dénoncer cette situation pendant 17 ans?
    J'étais convaincu, et je le suis encore, que c'était pour moi la meilleure façon d'agir, et je vous ai expliqué pourquoi.
    Merci, monsieur Ménard.
    Merci, monsieur Blaney.
    Madame Freeman, c'est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Je m'insurge. Je suis extrêmement déçue de mes collègues conservateurs qui tentent actuellement de faire dire à M. Ménard qu'il a commis un crime ou une infraction. En fait, c'est ce que vous sous-entendez constamment dans vos questions.
    Vous n'avez pas de rigueur, mais vous voulez que les autres en aient à votre égard.
    En fait, monsieur Ménard, vous avez bien indiqué qu'il n'y avait pas eu de crime ou d'infraction.
    Pourriez-vous préciser à nouveau à mes collègues conservateurs si le fait que vous n'ayez pas divulgué ce qui s'est passé à ce moment-là constitue un crime ou une infraction?
    Je n'avais aucune obligation de le dénoncer.
    A-t-on commis un crime ou une infraction?
    Pour moi, aucun crime n'a été commis. Ce sont les journalistes qui parlent de tentative de corruption. Je comprends qu'ils sautent les étapes. Cependant, ce n'était pas, du point de vue légal, une tentative de corruption.
    J'ai bien senti, pendant et après le fait, que c'était une façon de m'attirer dans un groupe avec lequel je serais obligé de composer un jour ou l'autre. Il fallait dire non tout de suite. Dès le moment où j'ai dit non, il n'était plus question d'infraction, car la tentative avait échoué.
    Or, les députés conservateurs laissent entendre que vous deviez dénoncer un geste qui aurait été illégal. J'aimerais que vous répétiez encore s'il y a eu un crime ou une infraction.
    Je crois encore qu'il n'y a pas eu commission d'un crime. Tout d'abord, je n'étais qu'un candidat, je n'étais pas un élu. Ensuite, il ne me demandait rien en retour de ce qu'il avançait. Ce n'était qu'une tentative d'infraction à la Loi régissant le financement des partis politiques.
    C'était une tentative, mais ce n'était pas un acte illégal en soi.
    Voilà. Ça ne l'était pas.
    Il n'y a donc eu ni corruption ni infraction à aucune loi que ce soit, à ce moment-là.
    C'est bête à dire et je comprends que les gens aient de la difficulté à comprendre. Ça ne veut pas dire que ce n'était pas grave. Quand on commence à mettre quelqu'un à l'épreuve, on commence par ce qui n'est pas illégal, puis on espère qu'un jour on pourra le tester pour voir s'il n'est pas prêt à passer à autre chose. C'est un peu ce que je pensais.
    Si j'avais accepté, j'aurais commis une infraction.
    Si vous aviez accepté l'enveloppe, quelle aurait été la situation?
    Je me serais rendu coupable d'une infraction à la Loi régissant le financement des partis politiques.
    Quelle a été la conséquence d'avoir refusé l'enveloppe?
    La conséquence, c'est qu'il n'y avait eu qu'une tentative, et une tentative n'est pas une infraction.
    Il n'y avait pas d'infraction.
    Les tentatives de commettre des crimes sont une infraction, tandis que les tentatives de commettre des infractions à une loi provinciale ne sont pas, en principe, des infractions en soi. On comprend parfaitement pourquoi. En fait, les dispositions pénales des lois provinciales couvrent toutes sortes de choses. Allez-vous punir quelqu'un pour une tentative d'excès de vitesse qu'il n'aurait pas réussi à faire? Ça couvre beaucoup de choses mineures. Ça en couvre aussi des plus importantes.
    Cependant, dans ce cas-ci, le législateur n'a pas cru bon d'en faire un crime, alors que dans le Code criminel, toute tentative de commettre un crime est un crime.

  (1725)  

    En conclusion, on peut affirmer qu'il n'y a eu aucune corruption ni aucune infraction à aucune loi, dans les événements qui se sont passés.
    C'est ça.
    C'est ce qu'on doit comprendre.
    C'est comme ça que je l'ai compris.
    Merci, monsieur Ménard.
    Madame Boucher, vous pouvez poser une petite question.
    Je vous écoute depuis tout à l'heure, monsieur Ménard. Comme vous le savez, j'ai aussi travaillé au Québec et je sais que vous êtes une sommité, et on doit vous le dire.
    Toutefois, une idée me tracasse. On dit souvent aux femmes de briser le silence quand elles sont dans un cercle infernal. Pourquoi avoir eu une si faible estime de vous-même et avoir laissé M. Vaillancourt avoir une si grande ascendance sur vous? Vous avez parlé de votre intégrité et de celle de M. Vaillancourt.

[Traduction]

    Désolé, mais il y a un rappel au Règlement.

[Français]

    Je suis désolée, mais je dois invoquer le Règlement.
    Je pense que les allégations que Mme Boucher vient de faire selon lesquelles M. Ménard pouvait avoir une si faible estime de lui-même constituent une insulte. C'est absolument inacceptable et inapproprié dans ce contexte.
    Je vais donc poser ma question autrement.
    Mme Carole Freeman: Vous feriez aussi bien de la reformuler.
    Mme Sylvie Boucher: Pourquoi M. Vaillancourt a-t-il eu une si grande ascendance sur vous? Votre intégrité valait bien la sienne, non?
    Je trouve votre question excellente. C'est bien que vous la posiez, car des femmes à qui on demande de dénoncer certaines situations se posent peut-être la même question et trouvent peut-être que je leur ai donné le mauvais exemple. D'abord, ces femmes comprendront aussi que c'est dur pour une personne de dénoncer une situation quand c'est sa parole contre celle de l'autre.
     J'ai un jugement objectif, et dans mon jugement objectif, j'étais sûr de ce qui arriverait par la suite. J'étais sûr que M. Vaillancourt nierait avec acharnement et qu'il entreprendrait toutes sortes de manoeuvres pour essayer de me discréditer. Je n'ai peut-être pas eu le courage d'affronter ça. À mon avis, ça n'aurait pas été du courage, mais de la témérité.
    En outre, je n'ai pas une faible opinion de moi-même. Comme je vous l'ai dit, j'étais conscient d'avoir bonne réputation dans le milieu juridique et auprès des journalistes. Toutefois, dans le grand public, ma profession n'était pas celle qui inspirait le plus confiance, hélas.
    Merci, monsieur Ménard.

[Traduction]

    Chers collègues, voilà qui termine la série de questions. Il est presque 17 h 30.
    Je vais demander à monsieur Ménard s'il veut faire des remarques ou des commentaires en conclusion.

[Français]

    Je pense avoir bien expliqué. Je vois que personne ne met en doute le fait que les événements que j'ai racontés se sont effectivement produits. J'implore la compréhension des gens. Il faut comprendre que, dans ces circonstances, si j'avais dénoncé M. Vaillancourt, j'aurais eu à entreprendre une bataille dont je pense que je ne serais pas sorti indemne. Le pire, c'est que puisqu'il n'avait pas commis d'infraction et n'aurait fort probablement pas été accusé, sa crédibilité en serait probablement sortie grandie par rapport à la mienne. J'ai donc pensé que la meilleure solution était de passer à autre chose, d'attendre qu'on ait des preuves, et aussi de participer aux efforts du gouvernement pour faire enquête sur Laval.
    Cependant, je répète que cette enquête n'a pas permis d'obtenir des preuves sur ce que l'on soupçonnait. Il reste que beaucoup de suggestions administratives ont été données.
    Si les gens qui dénoncent ont à affronter autant de questions par la suite, il faudrait peut-être penser à une façon de les encourager à faire des dénonciations. Bien des dénonciateurs potentiels n'aimeraient pas subir le traitement que je subis, et ça pourrait peut-être les dissuader de faire des dénonciations.

  (1730)  

[Traduction]

    Monsieur Ménard, au nom de tous les membres du comité, je vous remercie d'être venu aujourd'hui.
    Comme je l'ai fait remarquer au début de la réunion, monsieur Ménard n'était pas un témoin contraignable. Il aurait pu décliner notre invitation s'il l'avait voulu. Il a volontairement décidé de venir.
    Encore une fois, nous vous remercions d'avoir comparu, monsieur.
    Puisqu'il n'y a pas d'autres points à l'ordre du jour, je vais maintenant lever la séance.
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