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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des finances


NUMÉRO 013 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 27 avril 2010

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    La séance est ouverte. Merci.
    Je déclare ouverte la treizième séance du Comité permanent des finances.
    Collègues, nous recevons cet après-midi un invité très spécial, soit le gouverneur de la Banque du Canada, M. Mark Carney. Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous étudions le rapport de la Banque du Canada sur la politique monétaire. Comme vous le savez tous, il comparaît deux fois par an devant le comité des finances et nous sommes impatients d'entendre son exposé et d'avoir une discussion approfondie sur quelques sujets brûlants.
    Monsieur le gouverneur, monsieur Carney, soyez le bienvenu au comité. Merci infiniment de votre présence. Nous sommes impatients d'entendre votre déclaration liminaire, après quoi les membres auront des questions pour vous.
    Vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président et membres du comité. Je suis ravi de me présenter devant votre comité aujourd'hui pour discuter du point de vue de la Banque du Canada au sujet de l'économie et de l'orientation de la politique monétaire.
    Avant de répondre à vos questions, permettez-moi de vous donner un aperçu de la plus récente livraison du rapport sur la politique monétaire qui a été publié la semaine dernière.

[Français]

    La croissance économique mondiale a été un peu plus forte que prévu, l'activité s'accélérant de façon notable dans les économies de marché émergentes et la plupart des économies avancées affichant une reprise modérée. La Banque du Canada prévoit maintenant que la croissance mondiale devrait s'établir en moyenne à un peu plus de 4 p. 100 par année jusqu'à la fin de 2012.
    Au Canada, la reprise se révèle un peu plus rapide que la Banque du Canada ne l'entrevoyait en janvier. Elle est soutenue par le maintien de la détente monétaire budgétaire, l'amélioration des conditions financières, l'accélération de l'activité économique à l'échelle mondiale, la bonification des termes de l'échange et le regain de confiance de la part des entreprises et des consommateurs.
    L'année 2010 devrait voir la demande du secteur privé prendre le relais du secteur public comme principale source de croissance. La Banque du Canada estime maintenant que le rythme de progression du PIB atteindra 3,7 p. 100 en 2010 avant de ralentir progressivement et de s'établir à 3,1 p. 100 en 2011 et à 1,9 p. 100, en 2012.

[Traduction]

    Ce profil reflète la croissance plus forte à court terme à l'échelle mondiale, le très grand dynamisme du marché de l'habitation au Canada et l'opinion de la Banque selon laquelle les mesures de relance ont donné lieu à un devancement à la fin de 2009 et au début de 2010 d'un plus grand volume de dépenses que prévu.
    Parallèlement, la vigueur persistante du dollar canadien, la piètre tenue du pays au chapitre de la productivité relative et le bas niveau de la demande américaine, en chiffres absolus, continueront de freiner considérablement l'activité économique au Canada.
    La Banque estime que le niveau du PIB au premier trimestre de 2010 était d'environ 1 p. 100 inférieur à son sommet du troisième trimestre de 2008, et de quelque 2 p. 100 en deçà de son potentiel. L'économie devrait retrouver sa pleine capacité au deuxième trimestre de 2011, soit un trimestre plus tôt que la Banque ne l'estimait en janvier.
    The outlook for inflation reflects the combined influences of stronger domesticdemand, slowing wage growth, and overall excess supply.
    L'inflation mesurée par l'indice de référence, qui est légèrement supérieure aux prévisions de janvier, devrait reculer quelque peu au deuxième trimestre de 2010, à mesure que l'effet des facteurs temporaires se dissipera et continuer à avoisiner 2 p. 100 jusqu'à la fin de la période de projection. L'inflation mesurée par l'IPC global devrait se situer légèrement au-dessus de 2 p. 100 au cours de la prochaine année, avant de regagner la cible au second semestre de 2011.

  (1535)  

[Français]

    Malgré le raffermissement de la reprise à l'échelle du globe et au Canada, des risques considérables pèsent sur les prévisions de la banque. Deux principaux risques à la hausse entourent l'inflation. Il se pourrait que l'élan des dépenses des ménages et de l'investissement résidentiel dépasse les attentes actuelles. Sur la scène mondiale, une reprise plus rapide qu'escomptée pourrait stimuler la demande d'exportations canadiennes et améliorer les termes de l'échange.
    Du côté des risques à la baisse, la vigueur persistante du dollar canadien conjugué au piètre bilan du pays au chapitre de la productivité relative bride la croissance d'une façon plus marquée que prévue et ajoute aux pressions à la baisse sur l'inflation.

[Traduction]

    Un deuxième risque à la baisse est que la reprise économique mondiale soit plus lente que projetée en ce moment. À cet égard, il se peut que les inquiétudes liées au crédit souverain s'intensifient, ce qui provoquerait une hausse des coûts d'emprunt et un resserrement plus rapide des politiques budgétaires dans certains pays. L'un ou l'autre de ces facteurs entraînerait une baisse de la demande privée mondiale par rapport à la projection établie par la Banque dans son scénario de référence.
    À moyen terme, les déséquilibres macroéconomiques mondiaux continuent de présenter des risques importants pour les perspectives. Bien que ces déséquilibres se soient amenuisés durant la récession, une amélioration soutenue à moyenne échéance suppose non seulement l'assainissement des finances publiques dans les pays avancés, mais aussi un renforcement de la croissance de la demande intérieure et le rajustement des taux de change réels dans les pays affichant de forts excédents du compte courant. En l'absence de telles mesures, les conséquences pour l'économie mondiale pourraient être considérables.
    Le cadre du G20 vise à aider l'économie mondiale à progresser dans la bonne direction. La fin de semaine dernière, les pays membres du G20 ont réitéré leur engagement envers cette initiative importante.
    Au Canada, en réaction à la récession brutale et simultanée à l'échelle du globe, la Banque a abaissé rapidement son taux cible en 2008 et au début de 2009 pour l'amener au plus bas niveau possible. En outre, en avril 2009, elle s'est engagée à le maintenir à ce niveau, sous réserve des perspectives d'inflation. Cette politique non traditionnelle a fourni une impulsion traditionnelle considérable pendant une période marquée par une conjoncture économique très défavorable et des risques importants à la baisse pesant sur l'économie mondiale et l'économie canadienne.
    À la faveur de l'amélioration récente des perspectives économiques, ces politiques exceptionnelles deviennent moins nécessaires et il convient de commencer à atténuer la détente monétaire en place. C'est pourquoi, le mardi 20 avril 2010, la Banque a mis fin à son engagement conditionnel. Cela représente en soi un resserrement de la politique monétaire.
    À partir de maintenant, rien n'est réglé à l'avance. L'ampleur et le moment de nouvelles réductions du degré de détente monétaire seront fonction des prévisions concernant l'activité économique et l'inflation et seront compatibles avec la réalisation de la cible d'inflation de 2 p. 100.
    Sur ce, je me ferais un plaisir de répondre aux questions des membres.
    Merci beaucoup, monsieur Carney, de cet exposé.
    Nous allons entamer la période des questions avec M. McCallum, pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci de votre présence, gouverneur.
    Je ne vais pas qualifier votre prévision d'optimiste, ce qu'il m'est déjà arrivé de faire, mais je persiste à penser qu'une prévision de croissance de 3,7 p. 100 pour cette année est supérieure au consensus des économistes du secteur privé et d'autres — mais, bien sûr, elle pourrait s'avérer juste.
    Mais je voudrais aborder la question de l'endettement. Dans votre rapport, vous dites qu'il est possible que les dépenses des ménages soient plus dynamiques qu'on ne l'escompte aujourd'hui. J'aurais pensé le contraire, car beaucoup citent le niveau sans précédent de l'endettement des ménages — 145 p. 100, selon une autorité.
    Le BSIF a déclaré, et je cite: « La capacité des ménages de servir leur dette dans le contexte d'une croissance continue du crédit et de taux d'intérêt en hausse représente une source nouvelle de risque pour le moyen terme ».
    La Banque Royale, Standard and Poor's, l'Association des comptables généraux accrédités — divers groupes — tous se sont exprimés sur ce problème de l'endettement croissant. Au lieu de dire que les dépenses des consommateurs pourraient augmenter plus rapidement que prévu, j'aurais pensé, surtout si les taux d'intérêt augmentent, que l'endettement serait un facteur négatif qui freinerait les dépenses intérieures.

  (1540)  

    Merci.
    Vous avez omis de la liste de ceux qui sonnent l'alarme concernant le niveau d'endettement des ménages une institution, la Banque du Canada. Nous avons commencé à donner l'alerte à ce sujet l'automne dernier...
    L'hon. John McCallum: Exact.
    M. Mark Carney: ... une inquiétude clairement justifiée par des simulations très détaillées. Je dirais que nous partageons la crainte que des cohortes de Canadiens, ou des catégories de Canadiens, courent le risque d'un surendettement personnel.
    Nous avons utilisé chaque occasion, et je saisirai également celle-ci, d'encourager les particuliers, lorsqu'ils envisagent de contracter des emprunts supplémentaires, de considérer cette obligation sur la longue durée, autrement dit sur le long terme, dans l'optique de circonstances plus normales. Nous sommes toujours dans des circonstances plutôt extraordinaires pour ce qui est de l'emprunt.
    Cela m'amène à votre question, qui est importante et que je salue. Pour que les choses soient absolument claires, une grande portion de cette dette qui a été récemment accumulée — pas toutes, mais une grande portion — est liée au marché de l'habitation. Il ne s'agit pas uniquement d'achat de logement, mais elle est liée au marché de l'habitation de deux façons: premièrement, les hypothèques conventionnelles, et deuxièmement, les lignes de crédit personnelles garanties par un bien immobilier, ce que l'on appelle les marges de crédit hypothécaires. De fait, ces dernières années la grande masse de la dette à la consommation a pris la forme de marges de crédit hypothécaire.
    Nous prévoyons un tassement marqué de l'activité de construction résidentielle sur la durée de notre projection, commençant à partir du deuxième trimestre de cette année et s'étendant sur le restant de l'année. De fait, vous remarquerez dans la ventilation détaillée à la page 21 du rapport, où nous indiquons la croissance du PIB par composante, que le logement aura une contribution négative à la croissance en 2011. Ce n'est pas la même chose que de parler de niveau des prix, mais pour ce qui est du niveau de cette activité, nous la voyons ralentir et nous escomptons ainsi une modération de l'endettement.
    Cela dit, la croissance du crédit dans le pays reste très forte. Dans ces situations, le risque existe que cette dynamique persiste plus longtemps que prévu. Nous nous attendons à un ralentissement du rythme de la croissance du crédit. S'il n'y a pas ralentissement et que cette augmentation persiste, alors on court le risque d'une dynamique haussière. Cela dit, divers facteurs — et je ne vais pas accaparer tout votre temps mais je suis sûr que nous pourrons en reparler — expliquer pourquoi nous escomptons voir cette décélération.
    Un dernier point est que notre prévision de croissance pour cette année par une reprise forte dans la phase initiale, c'est-à-dire un premier et un deuxième trimestre beaucoup plus rapide, suivi d'un ralentissement graduel.
    Merci.
    J'aimerais changer complètement de sujet et vous demander ce que vous pensez être la plus grosse menace ou le plus gros risque sur le moyen terme à l'échelle mondiale. Avant que vous répondiez, j'aimerais vous soumettre un candidat pour voir si vous êtes d'accord.
    L'une de mes préoccupations — et je crois que beaucoup la nourrissent — est l'ampleur du déficit américain, dépassant nettement 10 p. 100 du PIB. Cela en soi n'est pas nécessairement un problème énorme, sauf que beaucoup de gens se demandent si le mécanisme politique aux États-Unis — le Sénat, le Congrès — est capable de faire face à ce genre de choses; nous voyons les problèmes rencontrés avec la sécurité sociale au fil des décennies. Étant donné que le Canada est si proche des États-Unis, je pense que c'est là un problème non seulement pour eux mais aussi pour nous.
    Pensez-vous que le président et le Congrès américain pourront s'attaquer effectivement à ce déficit dans les années qui viennent?
    Eh bien, je crois que la question portait sur le plus gros risque à moyen terme que nous voyons.

  (1545)  

    À l'échelle mondiale, oui.
    Je vais devoir généraliser, car nous avons dit clairement... Nous généralisons les déséquilibres mondiaux, mais je veux parler plus spécifiquement des déséquilibres budgétaires: le risque tient à la difficulté de trouver le bon équilibre dans la politique budgétaire. Le risque existe des deux côtés: accélérer trop rapidement l'ajustement financier ou le retarder trop longtemps, dans un certain nombre de grandes économies, dont les États-Unis sont peut-être la plus éminente. Mais c'est là un problème commun à nombre de grandes économies: l'impératif de trouver le juste équilibre.
    Une chose que j'ai soulignée — je n'entrerai pas dans les détails, mais je veux en faire mention — dans un discours que j'ai prononcé il y a quelques semaines ici, à Ottawa, c'est la crainte que les marchés et le processus politique poussent à des ajustements budgétaires trop rapides, et la chute de la demande qui en résulterait aurait de retombées mondiales.
    En ce qui concerne les États-Unis, le défi budgétaire aux États-Unis est considérable et nous sommes en faveur de l'adoption et de la réalisation d'un plan de redressement financier durable.
    Merci.
    Il vous reste 30 secondes.
    Je ne crois pas que je puisse faire grand-chose de 30 secondes.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur McCallum.
    Monsieur Paillé, s'il vous plaît.

[Français]

    Merci, monsieur le président. Bienvenue, monsieur Carney.
    C'est évident, et vous l'avez bien indiqué, que même votre présence ici et les réponses que vous nous donnez peuvent avoir un effet de resserrement ou de non-resserrement au chapitre de la politique monétaire. On en est bien conscients.
    Toute la politique monétaire du Canada, de votre banque, s'appuie sur un taux cible d'inflation de 2 p. 100. C'est vraiment depuis très longtemps — ce l'était aussi pour votre prédécesseur — devenu une religion que de vouloir contrôler à tout prix cet objectif de 2 p. 100 avec une fourchette inférieure. Le problème, c'est que déjà, dans le secteur privé, on peut avoir des craintes à l'effet que de s'appuyer de façon obtuse sur un taux d'inflation entraîne, par exemple, un taux de change très élevé, des fluctuations du taux de change très rapides et la parité du dollar.
    Vous dites que la productivité au Canada est assez faible, que l'on n'utilise pas la pleine capacité canadienne et que la demande américaine est faible. N'y a-t-il pas un danger de resserrement trop rapide? D'ailleurs, M. McCallum aime mentionner sa Banque Royale. Cette dernière a augmenté les taux d'hypothèque très rapidement. Une espèce d'escalade se produit et il semble que ça roule plus rapidement que vous l'espériez.
    Évidemment, on ne peut jamais corriger ce qu'on a dit mais vous avez indiqué, la semaine dernière, qu'à la fin du deuxième trimestre, le taux remonterait. N'y a-t-il pas un danger d'agir trop rapidement dans le resserrement de la politique monétaire? Évidemment, je pense au Québec, aux PME et aux entreprises manufacturières de ma province.
    Monsieur Paillé, il n'y a pas de danger que la Banque du Canada fasse des changements trop rapidement ou trop lentement. Notre objectif est très clair, comme vous venez de le mentionner. Il s'agit d'un taux d'inflation mesuré par l'IPC global de 2 p. 100. Ce n'est pas une religion, mais un mandat de la population du Canada représentée par le gouvernement du Canada. Un accord est en cours entre la Banque du Canada et le gouvernement du Canada jusqu'à la fin de 2011. Ce sera alors l'occasion pour la Banque du Canada et pour le gouvernement de faire des changements, s'ils le désirent. C'est un choix et non une religion.
    À notre avis et selon le gouvernement du Canada, la meilleure contribution de la politique monétaire au bien-être des Canadiens est un taux d'inflation bas, stable et prévisible. L'inflation a des impacts pénibles sur les Canadiens pauvres et désavantagés. Vous avez énuméré plusieurs facteurs qui influent sur le taux d'activité économique au Canada et, par conséquent, sur les perspectives inflationnistes au Canada.
    À la Banque du Canada, nous pouvons réagir à ces différents facteurs. Dans mes commentaires, j'ai mentionné que rien n'est réglé à l'avance. L'activité mondiale peut changer plusieurs facteurs, incluant notre devise, qui pourraient avoir une influence sur les perspectives d'inflation au Canada. Si c'est le cas, la Banque va réagir.

  (1550)  

     Je suis heureux que vous ayez fait cette précision. Les mots « religion » et « mandat » ne signifient pas la même chose. On peut changer un mandat. Certains changent de religion, mais c'est autre chose.
    Au début des années 1990 et au début des années 2000, le resserrement a été, selon certains, prématuré. On a augmenté et on est retombé par la suite. On a fait exactement la même chose au début des années 2000 avec les fonds fédéraux. Je me méfie des périodes de dix ans. Comme on est au début de l'année 2010, je ne voudrais pas que nos successeurs ou moi puissions dire, dans dix ans, qu'on est allé trop vite en 2010-2011. C'est une de mes craintes.
    Je vous assure que la politique monétaire sera appropriée aux circonstances canadiennes.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Nous allons maintenant passer à M. Wallace, je vous prie.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, gouverneur Carney, de votre présence aujourd'hui.
    J'ai plusieurs questions et je vais essayer de les poser assez rapidement.
    Dans votre déclaration liminaire, vous avez parlé de la piètre productivité relative de notre économie. Juste pour votre gouverne, la Chambre est saisie d'un projet de loi auquel je suis totalement opposé: il paierait les étudiants diplômés, par le biais du régime fiscal, à rentrer chez eux, qu'il y ait là ou non des emplois. Je pense que cela va complètement à l'encontre de la mobilité de la main-d'oeuvre.
    Voici ma question. Sur le plan de la productivité, est-ce que la mobilité de la main-d'oeuvre influe sur la productivité de l'économie canadienne?
    Merci de votre question, monsieur Wallace.
    Oui, la flexibilité des marchés de main-d'oeuvre est un facteur important de la productivité. La flexibilité des marchés des biens et l'ouverture des marchés commerciaux sont tous des facteurs qui influencent la croissance de la productivité. Le Canada a des marchés du travail relativement flexibles. Cela a été à notre avantage. Au cours de la décennie qui a précédé la récession, nous avons vu des transferts assez importants de main-d'oeuvre vers des activités très productives à travers notre pays.
    Mes autres questions portent sur le rapport sur la politique monétaire, que je n'omets jamais de lire lorsqu'il sort et que j'apprécie.
    Je voudrais juste confirmer ceci. Vous écrivez dans le rapport, si je lis bien, que les mesures de relance gouvernementale, prises par ce gouvernement au cours des 18 derniers mois, ont fait une différence sur le plan du redémarrage de l'économie, de notre sortie de la récession et de la croissance économique. Est-ce bien là ce que me dit ce rapport?
    Ce n'est pas le thème du rapport, monsieur Wallace, mais certainement la politique budgétaire a été importante, et particulièrement en 2010. La contribution des pouvoirs publics, aux niveaux fédéral et provincial, représente un important facteur de croissance en 2010. Nous dirions que ce que nous attendions de la politique budgétaire jusqu'à présent est au rendez-vous; autrement dit, les contributions ont été cohérentes.
    J'attire l'attention des membres sur la page 13, où se trouve un diagramme assez touffu mais instructif, qui montre les niveaux d'activité au cours de la récession. En effet, relativement à leurs niveaux à l'entrée dans la récession, vous voyez une chute très brutale, par exemple, des investissements des entreprises, et des exportations, qui ont moins contribué à l'activité. Les dépenses publiques et les dépenses des ménages sont les seules activités en hausse après le début de la récession.
    Est-ce que... Je ne vais pas vous demander d'approuver ou non, mais peut-être de faire un commentaire. Le gouvernement a fait sa part — certains pensent qu'il aurait dû faire plus, d'autres moins — pour relancer l'économie, mais au bout du compte, nous avons besoin que le secteur privé fasse la sienne pour que cette reprise économique soit durable. Êtes-vous d'accord?

  (1555)  

    C'est tout à fait juste. La reprise va dépendre de la réaction du secteur privé. Nous assistons, comme je l'ai dit, à assez forte activité dans le secteur du logement et la consommation est restée ferme. Ce qui a davantage décliné que lors des autres récessions, c'est l'investissement des entreprises.
    Notre prévision — et c'est un élément important de notre prévision pour plusieurs raisons — est que nous allons voir l'investissement des entreprises redémarrer à partir de maintenant et aller en accélérant sur l'horizon de la prévision. C'est important, manifestement, non seulement comme contribution directe à la croissance mais plus particulièrement comme contribution à la productivité, le sujet que vous évoquez.
    Du côté de l'offre de l'économie, soit la capacité de l'économie, nous anticipons une hausse de la productivité, partant de niveaux très bas, tout au long de la période de notre prévision, jusqu'à la fin de 2012, cette hausse étant manifestement très dépendante de l'ampleur de l'investissement des entreprises.
    En ce qui concerne la liquidité, on disait souvent au début de la récession que les entreprises n'avaient pas accès au capital. Je crois que vous mentionnez ici que la situation est mitigée à l'échelle mondiale: certains pays ont plus de liquidité que d'autres. Quelle est l'expérience canadienne à l'heure actuelle sur le plan de la disponibilité de capitaux pour les entreprises?
    La disponibilité des capitaux dans l'ensemble est très grande, mais il subsiste une certaine constriction du crédit disponible aux petites et moyennes entreprises. C'est un constat. Le crédit est plus serré pour les petites et moyennes entreprises que pour les grosses. Les grosses, manifestement, ont accès aux marchés des capitaux, qui sont relativement ouverts à ce stade.
    Alors que nous avons vu la fin de la détérioration des disponibilités de crédit pour les petites et moyennes entreprises et assistons tout juste à un desserrement, il reste encore du chemin à faire. Mais dans l'ensemble, sur le plan de la reprise et du redémarrage de l'investissement des entreprises je qualifierais le Canada sinon de pays le moins touché, du moins comme l'un des pays les moins touchés par ce resserrement du crédit que nous voyons mondialement.
    Merci, monsieur Carney.
    J'ai une question sur un sujet qui m'intéresse plus personnellement. À la page 16 vous avez un diagramme sur l'IPC qui compare « l'IPC global » à « l'indice de référence ». Je vous ai probablement posé cette question chaque fois. Un certain nombre de nos programmes, particulièrement ceux destinés aux personnes âgées, tels que la PSV et ainsi de suite, sont indexés sur l'IPC, lequel va donc déterminer si les prestations augmentent ou non.
    J'ai préconisé l'instauration d'un IPC des personnes âgées, qui mesurerait les choses différemment et privilégierait les éléments qui comptent le plus pour les personnes âgées. Le transport entre le domicile et le travail compte pour les personnes âgées, si bien que le coût du carburant, de l'essence, devrait jouer un moindre rôle. L'indice de référence, la ligne bleue du diagramme, est beaucoup plus plate; ces variations sont beaucoup moins amples que celles de l'IPC global.
    Pourriez-vous m'expliquer brièvement quelle est la différence entre les deux, sur le plan des pondérations et des articles de consommation qui jouent un rôle plus grand et moins grand?
    Très brièvement, l'ajustement de l'indice de référence par rapport à l'IPC global consiste à retrancher du second les articles les plus volatils de ce panier. Mais ce qui est important ici c'est que, si la variation de l'indice de référence est moindre que celle de l'IPC global, il représente un bon prédicteur des niveaux d'inflation futurs, si bien que même si vous voyez de plus grandes fluctuations de l'IPC global, à plus long terme les deux indices suivent une pente similaire. Ainsi, au Canada, — nous ne sommes pas seuls dans ce cas, mais c'est relativement inhabituel — l'IPC de référence est un bon prédicteur de l'IPC global. L'un connaît de plus grandes variations mais les deux évoluent en tandem.
    Je reviendrai peut-être là-dessus.
    Merci, monsieur Wallace.
    Monsieur Mulcair, s'il vous plaît.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Bonjour, monsieur Carney. Je vous remercie d'être parmi nous. C'est toujours un plaisir d'entendre vos explications. Chaque fois, elles sont vraiment à point. Depuis maintenant des années, on a l'occasion de s'asseoir ici avec vous et, chaque fois, on apprécie la justesse de votre vision des choses. C'est la troisième fois — le troisième printemps consécutif, en fait — qu'on a le plaisir de travailler avec vous dans un cadre officiel. Cela nous permet de mettre en rapport les choses qui ont été dites par le passé et ce qui se passe maintenant. On voit à quel point les choses évoluent. Le porte-parole libéral est même prêt à admettre que vous pouvez avoir raison. Ça évolue toujours.
    Cela étant dit, je vais vous poser une question très spécifique sur un sujet qui nous préoccupe. Il s'agit de l'internalisation des coûts reliés aux sables bitumineux. Vous et moi avons eu l'occasion d'aborder ce sujet par le passé. Je vais vous servir la version de 30 secondes.
     Comme vous le savez, nous sommes préoccupés par le fait qu'une quantité artificiellement élevée de valeurs américaines est en train d'affluer dans le marché canadien parce qu'on n'a jamais appliqué certains principes de base du développement durable comme l'internalisation des coûts ou encore les principes de l'utilisateur-payeur ou du pollueur-payeur. Nous laissons le problème aux générations futures et, de plus, cela a un effet sur le huard.
    L'année dernière, quand on a parlé de cela, vous m'avez dit que vous compreniez, mais que ce n'était pas de votre ressort parce qu'il s'agissait de choix du gouvernement. C'est la façon dont j'ai interprété vos propos. Or, tout récemment, j'ai eu l'occasion de vous voir donner raison au ministre des Finances du Canada alors qu'il affirmait ne rien vouloir savoir de ce qu'il appelait une taxe sur les banques. En fait, deux choses sont en jeu: ce qu'on appelle parfois la taxe Tobin, qui est plutôt une taxe sur les transactions financières, et la taxe sur les banques. Au sujet de cette dernière, je me permettrais de dire que c'est un peu comme un homme de paille qu'il est en train d'ériger. Quoi qu'il en soit, c'est en effet un débat politique.
    J'aimerais que vous m'expliquiez la nuance qui entre votre refus de l'année dernière d'émettre une opinion sur l'internalisation des coûts environnementaux reliés aux sables bitumineux et la joie avec laquelle vous avez adhéré à l'analyse du ministre des Finances lorsque ça faisait son affaire. Pour un oeil non averti, ça pourrait ressembler à deux poids, deux mesures. En d'autres mots, lorsque c'est pour donner raison au ministre des Finances, vous êtes partant, mais lorsque c'est pour donner raison à l'opposition, même quand vous êtes d'accord avec elle, vous hésitez. J'aimerais que vous me rassuriez à ce sujet.

  (1600)  

    Il y a une différence, si on considère les responsabilités de la Banque du Canada. La motivation principale des pays qui sont en faveur d'une taxe sur le financement de gros est la stabilité financière.
    Selon nous, la question importante est de savoir si cette taxe est la meilleure façon d'atteindre nos objectifs de stabilité financière. Pour plusieurs raisons, ma réponse est non. Il y a une différence de motivation. Il y a des enjeux liés à notre environnement, mais ils n'influencent ni la stabilité financière ni les pressions inflationnistes à court terme au Canada.
    Ma troisième question porte justement sur les pressions inflationnistes, mais j'aimerais en poser une autre auparavant. Vous et moi avons déjà eu l'occasion, par le passé, de parler d'inflation. Vous m'avez parlé de vos cibles. En ce moment, vous m'avez parlé de resserrement, sans doute pour atteindre vos objectifs en termes d'inflation. Il faudra que l'on s'en reparle.
    L'autre question que j'aimerais vous poser est d'ordre purement technique. Elle porte sur les structures de réglementation du marché. Lors d'un colloque qui a eu lieu à Londres à la fin novembre, auquel a assisté le porte-parole du Parti libéral, j'ai été fort étonné d'entendre ce qu'a dit une des participantes. C'était une Américaine qui occupe un important rôle de réglementation en Angleterre. Ce qu'elle a dit était étonnant. Il fallait que ce soit quelqu'un issu du milieu financier et qui occupe un poste étatique. Selon elle, le classement des titres et des obligations dans le marché, fait par le Dominion Bond Rating Service et d'autres, devrait être une fonction de réglementation de l'État.
    Lors d'une conférence à laquelle j'ai participé en tant que conférencier, à Paris, au mois de janvier, j'ai été étonné d'entendre Joseph Stiglitz dire, lors d'une discussion, qu'il partageait ce point de vue. Il y a des aspects de ce que l'on a subi au cours des deux dernières années qui sont directement liés aux failles de ce système d'évaluation. Si vous, un ancien de Goldman Sachs, êtes aujourd'hui en train de sourire et de badiner avec des élus de la Chambre des communes plutôt que de subir les affres d'un inquisitoire en bonne et due forme devant le Sénat américain, c'est que vous avez fait un bon choix de carrière. Je veux surtout savoir si vous convenez que cette façon d'évaluer les titres et les valeurs sur le marché pourrait éventuellement constituer une fonction de réglementation de l'État.

  (1605)  

[Traduction]

    Vous avez environ une minute, monsieur Carney.

[Français]

    Selon moi, ce n'est pas une bonne idée. C'était une erreur de donner un mandat à une agence de notation. Plusieurs mandats officiels ont été donnés à des agences de notation.

[Traduction]

    Pour aller vite, dans diverses réglementations, notamment celles des capitaux, il existe la possibilité d'utiliser des cotes, ce qui renforce dans la pratique l'influence des agences de notation, et il existe donc un désir, et cela s'applique également à la réglementation des investissements et à d'autres choses... il serait donc avantageux de supprimer, dans toute la mesure du possible, ces mandats faisant référence aux cotes...
    Une voix: [Note de la rédaction: Inaudible]
    M. Mark Carney: Oui, afin de... Mais l'utilisation obligatoire des notations financières, afin d'avoir... si cela va être une agence privée, qu'elle soit vraiment privée et ne survive pas de par la volonté du secteur public, mais uniquement grâce à la qualité de leurs opinions, qui renforcent le modèle d'affaires originel de ces entités.
    Merci.
    Nous passons maintenant à M. Pacetti.
    Vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur président.
    Merci de comparaître, monsieur Carney.
    Je veux m'en tenir un peu à ce domaine et au fait que l'économie mondiale semble se porter bien. Nous sortons d'une récession mondiale.
    La dernière fois que vous avez comparu ici, nous avons parlé un peu des mesures pouvant être prises pour réformer le système financier. Vous avez fait des déclarations citées ici et là disant que vous souhaitez une meilleure collaboration, peut-être avec le BSIF qui assumerait certaines des responsabilités.
    La seule chose que j'ai lue concerne cette taxe sur les banques. Cette idée semble maintenant être abandonnée. Que se passe-t-il à l'échelle mondiale en vue de la réforme? Va-t-elle maintenant simplement être mise au placard ou bien y a-t-il un mouvement? Lorsque je parle d'une taxe sur les banques, n'existe-t-il pas au Canada une forme de taxe sur les banques — on pourrait même appeler cela une assurance — que les banques doivent verser, que ce soit au BSIF ou à la SADC?
    Pourquoi tant de pression s'exerce-t-elle pour que nos banques contribuent à un fonds mondial? Pouvez-vous m'expliquer cela?
    Merci de la question.
    Très rapidement, nous collaborons très étroitement avec le BSIF, le ministère des Finances fédéral, la SADC et d'autres agences fédérales. Il n'existe nul désir de modifier l'une ou l'autre de ces relations. Je peux donner l'assurance au comité que nous collaborons très efficacement et, je pense, avec de bons résultats.
    Pour ce qui est de votre dernière question, oui, les banques paient une prime d'assurance-dépôt que la SADC recueille et investit. Cela protège les petits déposants, en gros jusqu'à un montant de 100 000 $ par compte. Je laisse de côté certains détails.
    En ce qui concerne la taxe sur les banques, si je puis expliquer les raisons — et cela nous ramène à la question antérieure — deux justifications sont avancées.
    Au sujet de la première, et là je reprends l'argument de la partie adverse, en quelque sorte, il s'agit de compenser les pertes essuyées par l'État dans divers pays, par exemple aux États-Unis, obligés de recapitaliser leurs banques — les pertes directes. L'État récupérerait donc cet argent au fil du temps. Manifestement, cela n'a pas été un problème au Canada, comme on l'a dit.
    La deuxième raison serait — et je cite — « d'internaliser l'externalité » qui accompagne l'emprunt de gros — donc pas les dépôts de détail, mais les emprunts de gros. En prélevant une taxe sur les transactions, vous en réduiriez le montant, et vous accumuleriez un fonds qui pourrait servir...
    Ce serait donc une SADC mondiale.
    Exactement — eh bien, dans les versions les plus extrêmes de la proposition. Cela dit, nos réserves à cet égard sont multiples.
    Premièrement, arrêtons-nous tous pour réfléchir à la perspective d'un tel fonds et de pouvoir en disposer le moment venu, à l'échelle nationale ou internationale. Voilà le premier point.
    Deuxièmement, quels seraient les effets sur le comportement des institutions individuelles et des autres participants au marché, sachant que l'État est derrière ces institutions avec un fonds?
    Troisièmement, il existe de meilleures façons de régler cette externalité. Nous convenons que la taille des bilans pose problème. Comment le régler?
    On le règle en instaurant un simple critère de levier financier qui restreint la taille d'ensemble des bilans, ce que nous avons au Canada. Il faut faire la même chose à l'échelle mondiale. C'est l'une de nos grandes priorités. Il s'agit d'augmenter le capital propre des entreprises. Pour cela on applique des contraintes de capitalisation différentes selon les types d'activités. En particulier, si vous voulez négocier des dérivés dans l'obscurité, très bien, mais cela va vous coûter beaucoup plus, sous forme de capitaux propres à conserver, que si vous le faites sur une place boursière centrale.
    Enfin, le dernier aspect est que, encore une fois, au lieu d'avoir quelque part un fonds mondial ou national qui ne sera probablement pas disponible lorsqu'on en a besoin — et je ne veux pas insulter les membres du comité des finances, mais parfois les recettes fiscales sont détournées à d'autres fins — vous auriez le fonds enchâssé au sein de l'institution elle-même par le biais du capital de réserve. C'est un exemple, pour en revenir au premier point sur le BSIF et la collaboration, d'une idée sur laquelle nous avons travaillé en collaboration extrêmement étroite avec le BSIF en vue d'élaborer une proposition concrète, qui rencontre une certaine faveur internationale mais dont beaucoup de détails restent encore à mettre au point.

  (1610)  

    C'est justement ma question, je suppose. Pour faire machine arrière, si la taxe sur les banques n'est pas acceptable, pourquoi ne pas vendre nos avantages, les institutions mises en place par le précédent gouvernement libéral? Pourquoi ne pas promouvoir cela à l'échelle internationale?
    M. Mark Carney: Oui. Je...
    M. Massimo Pacetti: Quelle est la défaillance? Je ne pense pas qu'il y aurait la réforme...
    Oui. J'ai conscience de votre limite de temps.
    Et c'est là notre stratégie, avant toute autre chose. Le fond de la question, c'est qu'il faut une capitalisation plus grande et meilleure. Il faut établir à l'échelle internationale des plafonds d'endettement, comme nous en avons au Canada. Il faut prendre aussi quelques autres mesures, et nous pouvons en parler si cela intéresse le comité, mais je dirais...
    Quel est l'obstacle?
    Nous progressons. Ce sera très intense jusqu'au sommet de novembre en Corée, qui est l'échéance pour décider de ce train de mesure.
    Nous sommes disponibles à tout moment pour traiter en détail de ces questions si le comité est intéressé, mais je dirais que la percée effectuée à la fin de semaine dernière est d'avoir réussi à mettre de côté cette distraction qu'était la taxe sur les banques et de recentrer le débat sur le problème véritable.
    Mais l'intention est-elle toujours de récupérer les pertes passées ou bien regarde-t-on vers l'avenir?
    La variante la plus ambitieuse de cette taxe verrait la création d'un fonds pour anticiper les pertes futures, ce qui est inacceptable à notre avis, car il s'agit justement de cantonner les pertes dans le secteur, qui doit se recapitaliser lui-même. Et l'on engendre un risque moral énorme en créant cette caisse. Enfin, cette caisse ne sera probablement pas disponible en cas de crise.
    Merci.
    Monsieur Carrier, s'il vous plaît.

[Français]

    Bonjour, monsieur Carney. C'est un plaisir de vous revoir.
    Ma première question concerne la taxe sur les transactions des banques. Je sais que vous partagez l'avis du ministre des Finances, c'est-à-dire que vous n'êtes pas favorable à cette mesure. Le premier dirigeant du Fonds monétaire international recommande aux pays du G20 de l'appliquer. Par contre, il fait aussi valoir qu'il peut être avantageux de la combiner à une réglementation plus stricte de l'industrie financière.
     Je voudrais connaître les raisons pour lesquelles vous vous opposez à cette taxe. Considérez-vous que la réglementation appliquée ici est déjà suffisamment stricte et que cette réglementation devrait être réservée aux pays qui veulent améliorer la situation?
    Merci, monsieur Carrier.
    Je voudrais seulement clarifier quelque chose. Parlez-vous du même sujet que M. Pacetti et M. Mulcair, ou parlez-vous d'une taxe Tobin? Vous parlez plutôt d'une taxe Tobin?
    Oui.
    Malheureusement, le document que nous avons reçu du Fonds monétaire international, le FMI, est en anglais seulement. C'est leur faute et non celle de la Banque du Canada.
    Concernant la taxe Tobin, je dois dire que le FMI conseille de ne pas l'adopter.

[Traduction]

    Je vais juste vous donner une citation rapide, qui dit que la taxe sur les transactions financières, c'est-à-dire une taxe Tobin, n'est pas le meilleur instrument pour les fins recherchées. Ce n'est « pas le meilleur moyen de financer un mécanisme de règlement ». Elle « ne cible pas les causes fondamentales de l'instabilité financière », et elle est « un fardeau réel » qui « va peser principalement sur les consommateurs ultimes plutôt que sur les bénéfices du secteur financier ».
    Le conseil donné par le fonds à l'égard d'une taxe sur les transactions financières, une taxe Tobin, était très clairement: « Ne le faites pas ». Il n'était pas sérieusement question de la mettre en oeuvre.

  (1615)  

[Français]

    Comme vous le savez sûrement, il sera impossible de mettre en place une taxe Tobin sans l'accord de tous les grands pays.
    D'accord. Je vais passer à un autre sujet.
    Lorsque vous parliez de la progression du PIB dans votre présentation, j'ai noté que celle-ci allait en diminuant. Vous prévoyez une progression de 3,7 p. 100 en 2010, de 3,1 p. 100 en 2011 et de 1,9 p. 100 en 2012. Je voudrais qu'on compare notre économie à celle des autres pays. Est-elle semblable aux autres économies? Cette progression qui semble être en ralentissement est-elle particulière au Canada ou est-elle généralisée?
    Merci de votre question. C'est un point important.
    Premièrement, pour ce qui est du taux de croissance au Canada, les chiffres de la Banque du Canada et ceux du FMI sont un peu différents. Toutefois, l'interprétation qui en est faite est la même.
    Cette année, nous prévoyons que le Canada aura le taux de croissance le plus élevé de tous les pays du G7. Par contre, après cela, comme vous l'avez mentionné, le taux de croissance au Canada commencera à diminuer progressivement. Ainsi, selon la Banque du Canada, notre rythme de croissance en 2012 sera le même que notre taux de croissance potentiel. Voilà une réponse à votre question.
    Pour faire des comparaisons, par exemple, le taux de croissance potentiel de l'économie canadienne sera, selon nous, de 1,9 p. 100, par rapport à un taux de croissance potentiel d'environ 2,4 ou 2,5 p. 100 aux États-Unis, toujours selon nous. Deux types de facteurs sont en cause. Il y a des facteurs démographiques et des facteurs de productivité.
    D'accord.
    Il reste 30 secondes.
    Est-ce assez clair?
    Oui.
    Pour compléter à ce sujet, est-ce relié au taux de progression des États-Unis, desquels on dépend beaucoup? Est-ce que leur ralentissement fait automatiquement en sorte qu'on ralentit aussi?

[Traduction]

    Très rapidement, il y a deux facteurs. Le ralentissement aux États-Unis est un facteur, mais il y a aussi le fait que nous atteignons notre potentiel de croissance, si bien que l'économie est équilibrée. Si nous voulons croître plus vite... Il est peu probable que nous améliorerons notre profil démographique, et cela devient donc une question de productivité.
    Notre jugement est que la croissance de productivité, vu le niveau de l'investissement, sera d'environ 1,4 p. 100 par an jusqu'en 2012. C'est là le principal régulateur du rythme de croissance de cette économie.
    Merci.
    Nous allons passer à M. Hiebert, je vous prie.
    Merci, monsieur Carney, de votre présence parmi nous.
    En parcourant votre rapport le plus récent, j'ai remarqué à la page 17, au tableau 2, le différentiel qui est apparu entre le taux du financement à un jour de la Banque du Canada et le taux préférentiel. Cela fait pas mal de temps que l'écart historique de 1,75 p. 100 entre les deux est dépassé.
    Je pense que nous pouvons tous admettre... La majorité des Canadiens, ceux qui ont des taux variables, peuvent admettre la majoration intervenue en décembre 2008 de 1,75 à 2 p. 100. Je serais intéressé de connaître votre point de vue sur les répercussions de ce changement dans le différentiel historique. Quelle en est la raison? Je peux me livrer à des spéculations.
    Ma vraie question est de savoir s'il faudrait ou non encourager les institutions financières à retourner à ce différentiel de 1,75 p. 100 et quelles en seraient les répercussions pour les Canadiens.
    Merci de la question.
    Je dois dire d'abord que, pour ce qui est des répercussions pour les Canadiens et la politique monétaire, nous prenons cela en compte; nous prenons en compte l'écart entre nos taux et les taux que payent les Canadiens, que ce soit sur leurs emprunts au taux préférentiel ou sur leurs emprunts hypothécaires — non pas seulement les taux affichés, qui sont les taux déclarés, mais les taux réels.
    Si vous regardez le tableau — comme vous l'avez fait — vous verrez, par exemple, que sur les hypothèques à taux variables, les taux hypothécaires variables effectifs continuent de baisser. Les rabais par rapport aux taux hypothécaires affichés à cinq ans et aux taux préférentiels affichés sont réapparus, si bien que les taux effectifs que les Canadiens ont payés au cours de la période ont baissé.
    Cela ne s'applique pas à tous les Canadiens. La probabilité que quelqu'un vous écrive une lettre — ou à moi car j'en reçois quantité — est fonction de sa présence ou son absence dans ce camp.
    Votre question est de savoir ce que nous faisons pour y remédier. Nous en tenons compte. Nous nous soucions du taux que les Canadiens paient effectivement et de ce que cela entraîne pour l'activité économique et, en fin de compte, pour l'inflation.
    Je m'en tiendrai là, à moins que vous ayez une question complémentaire.

  (1620)  

    La raison invoquée pour ce changement n'était-elle pas la récession économique mondiale que nous avons connue en 2008-2009? Depuis qu'elle s'est plus ou moins terminée d'elle-même, ne serait-il pas raisonnable pour les Canadiens de s'attendre à un retour au différentiel historique?
    Eh bien, je pense qu'il y a deux choses...
    M. Russ Hiebert: [Note de la rédaction: Inaudible]... les banques.
    M. Mark Carney: ... si je puis. L'une est le coût de financement des banques et l'autre l'élargissement de l'écart. En fin de compte, c'est un produit de la récession mais lorsque les coûts de financement de banque est les écarts de taux bancaires sur le court terme...
    Je vais parler de choses techniques, mais vous êtes le comité des finances. Si vous prenez, par exemple, l'écart entre les taux CDOR et OIS — c'est-à-dire la prévision des taux d'intérêts du marché et les taux auxquels les banques empruntent sur le marché interbancaire — ces taux ne sont pas revenus à leurs normes historiques. Ce marché a retrouvé sa stabilité, ce qui est bon, et cela signifie qu'il y a moins besoin de liquidités pour un niveau donné, mais ces taux n'ont pas retrouvé leurs normes historiques.
    Finalement, ce sont là des marchés, et je pense qu'il faut être très prudent avant de dicter les prix sur ces marchés. Selon notre perspective, le prix du marché que nous fixons est le taux du financement à un jour, et pour déterminer ce niveau nous prenons en considération ce que les marchés en font ensuite.
    Il vous reste une minute.
    Pour changer un peu le sujet, dans vos remarques liminaires, dans le sommaire de votre rapport et dans le rapport lui-même, vous dites: « Du côté des risques à la baisse, la vigueur persistante du dollar canadien, conjuguée au piètre bilan du pays au chapitre de la productivité relative... » Lorsque vous parlez de piètre productivité relative, à qui nous comparez-vous?
    Eh bien, à une assez longue liste, malheureusement. J'attire votre attention sur le diagramme 19, page 21. Dans ce graphique, la courbe intéressante est celle des coûts unitaires de main-d'oeuvre au Canada et aux États-Unis. Les « Coûts unitaires de main-d'oeuvre, Canada (en $US) » sont la ligne verte ascendante et la ligne bleue représente les coûts unitaires de main-d'oeuvre — États-Unis (en $US). Vous voyez que l'écart s'agrandit.
    C'est en partie le résultat du taux de change, mais c'est aussi dû au fait que les coûts unitaires de main-d'oeuvre aux États-Unis sont en baisse. Ils sont en baisse parce que les gains de productivité ont été si importants par rapport à l'augmentation des salaires. Ces coûts unitaires ont continué d'augmenter au Canada en dépit d'un fort accroissement de la capacité inutilisée, et c'est là le produit d'une productivité stagnante ou négative au Canada.
    Je crains donc que vis-à-vis de notre plus grand partenaire commercial, notre situation laisse à désirer, et il y a une liste plus longue d'autres partenaires qui ont de meilleurs résultats en matière de productivité que le Canada, même si l'écart n'est pas aussi impressionnant.
    Merci.
    Nous revenons à M. McCallum, je vous prie.
    Merci.
    Je souscris certainement à ce que je crois que vous avez dit: une taxe sur les banques créant un fonds pour les crises financières futures représenterait un risque moral et il vaudrait mieux des fonds constitués par les banques elles-mêmes avec leur propre capital. Je crois que c'est ce que vous avez dit.
    Mais j'ai une question sur la notion « trop grosse pour couler ». Dans le dernier numéro du magazine Economist, on dit qu'une justification pour une taxe sur les banques était que les grosses banques jouissent de taux d'intérêt plus bas parce qu'elles sont perçues comme étant trop grosses pour couler, et que cela pourrait justifier la taxe. J'aimerais donc savoir d'abord si vous êtes d'accord avec ce point de vue.
    Mais surtout, l'Economist ajoute qu'une meilleure solution serait de remédier à cette impossibilité de faillite; je sais que c'est un problème et je sais que l'on cherche à le résoudre. Ma question est donc de savoir si vous pensez qu'une solution est en vue et s'il existe des moyens pour faire en sorte que les grosses banques ne soient plus perçues comme trop grosses pour faire faillite?

  (1625)  

    Oui, absolument. Vous avez mis le doigt précisément sur le vrai problème.
    Très brièvement, la raison pour laquelle la taxe, à notre sens, ne règle pas la question de l'externalité, c'est qu'en créant ce fonds... ou l'une des raisons, car il y en a beaucoup... Vous créez un fonds et donc, comme prêteur, comme acheteur des obligations émises par l'institution financière qui est la bénéficiaire ultime du fonds... pourquoi cela n'est-il pas une obligation quasi souveraine, étant donné...? C'est cela qui crée un risque moral, de toute évidence, et certainement pour les contreparties et d'autres participants à la transaction.
    Alors comment y remédier? Je dirais que c'est là le critère à la lumière duquel j'encourage les membres et d'autres à juger les réformes financières: dans quelle mesure règlent-elles ce problème de manière efficiente? Construisons-nous un système tel que les grosses banques peuvent faire faillite sans entraîner avec elles d'autres institutions et sans vraiment nuire à l'économie réelle? La question est là.
    Alors que faire? Un élément de solution est de modifier l'infrastructure du marché de façon à pouvoir en retrancher un élément, pour que le marché continue à fonctionner si une institution fait banqueroute. C'est ce que nous faisons au Canada avec le rachat des titres, de concert avec l'industrie et par l'intermédiaire d'une contrepartie centrale.
    Il existe une initiative majeure du G20 qui intéresse le Canada concernant les dérivés non cotés en bourse qui ferait passer les dérivés standardisés par une chambre de compensation centrale. C'est incroyablement important pour précisément cette raison.
    Ensuite, il faut donner aux autorités de surveillance — le BSIF et la SADC — tous les pouvoirs appropriés d'intervention si une institution est en difficulté. C'était l'une des défaillances aux États-Unis. Il n'y avait pas de pouvoir efficace d'intervention auprès d'une grosse partie de son secteur financier, notamment les banques d'affaires et les sociétés d'assurance — et vous voyez bien de qui je parle.
    L'autre chose à faire, disons-nous, pour que ce soit clair, c'est d'avoir un capital contingent ou des attributs de capital contingent — nous et d'autres, le BSFI particulièrement — et pour bien expliquer ce que nous entendons par-là, il ne s'agit pas de fonds propres. Ce sont des éléments du financement de l'institution, des créances conditionnelles et peut-être même prioritaires, qui sont ensuite convertis en fonds propres si l'institution est en difficulté. Dans ce cas, ces titres sont convertis en actions. Cela dilue le capital-actions et recapitalise l'institution de l'intérieur.
    Il y a différentes façons de s'y prendre, mais je pense que c'est très prometteur car cela fait porter le coût au secteur et fait en sorte que toute banque restant en activité, ou qui est sur le point de faillir, si vous voulez, peut continuer à fonctionner parce qu'elle est recapitalisée au moyen de son stock de crédits.
    Merci. Je suis d'accord avec tout ce que vous avez dit — à ce sujet. Mais je pense qu'il est vrai aussi que nous n'en étions certainement pas à ce stade lorsqu'on a laissé sombrer Lehman Brothers, par exemple, et que le système s'est pratiquement désintégré ou s'est grippé.
    Pensez-vous donc que des progrès suffisants ont été accomplis de telle façon que si nous avions une autre crise, mettons dans cinq ans, nous pourrions laisser de telles institutions sombrer sans qu'il en résulte d'énormes dégâts?
    Oui, c'est le critère. Si vous me demandez si des progrès suffisants ont été faits aujourd'hui, la réponse est non. Ce sont des questions dont on discute. Il faut se mettre d'accord sur elles, mais ce n'est pas encore fait.
    La date clé pour cela est le sommet de novembre en Corée et des pourparlers préparatoires se tiennent. Tout ce que je puis dire, c'est que nous, le surintendant et le ministère des Finances travaillons très fort pour avancer sur ces questions.
    Merci.
    Merci.

[Français]

    Monsieur Généreux, s'il vous plaît.
    Bonjour, monsieur Carney.
    J'aimerais revenir sur les effets positifs — selon vos propres propos, dans votre dernier rapport — des mesures qui ont été mises en place pour traverser la dernière crise économique. Comment croyez-vous que ces mesures ont été véritablement bénéfiques pour notre économie?
    Je peux probablement être plus précis en ce qui a trait à l'impact de l'assouplissement de la politique monétaire. Depuis le début de 2008, la Banque du Canada a rapidement réduit son taux directeur. À la fin du mois d'avril 2009, nous l'avons établi à sa valeur plancher et nous avons introduit notre engagement conditionnel. Je suis certain que notre politique monétaire a eu et continue d'avoir un impact positif important sur notre économie.
    Je peux peut-être vous référer à mes réponses aux questions de M. Wallace en ce qui concerne l'impact des initiatives budgétaires fédérales et provinciales au Canada.

  (1630)  

    Vous présupposez que la reprise ne sera peut-être pas tout à fait aussi rapide au cours des prochains trimestres. Est-ce que vous croyez que les mesures que la Banque du Canada et le gouvernement ont mises de l'avant devraient être potentiellement maintenues plus longtemps dans la mesure où l'économie ne reprend pas sa vigueur aussi rapidement qu'on le voudrait? Cela ne veut pas nécessairement dire que vous aurez raison puisque l'économie est plus vigoureuse que ce que vous aviez estimé. On peut supposer qu'elle va continuer à être plus vigoureuse malgré les propos que vous avez tenus dans votre rapport, à savoir que vous croyez qu'elle sera moins vigoureuse que prévu. En ce qui concerne les mesures que vous avez mises en place et dont vous avez déjà annoncé la fin, pourriez-vous envisager de les rétablir si la relance de l'économie avait tendance encore une fois à ralentir?
    Premièrement, en ce qui concerne nos prévisions économiques canadiennes, nous avons souligné qu'il y a probablement un devancement des dépenses des ménages qui a eu un impact important sur le dernier trimestre de l'année dernière et sur le premier trimestre de cette année. Par la suite, il y a un ralentissement progressif de notre niveau d'activité au Canada. En ce qui a trait à notre politique monétaire et à son orientation, l'objectif est clair, soit d'atteindre notre cible d'inflation de 2 p. 100 pour l'IPC global. La Banque du Canada va gérer sa politique afin d'atteindre cette cible. Finalement, il y a des risques importants, tant à la hausse qu'à la baisse, qui peuvent influer sur le taux d'activité, le taux de croissance et les perspectives d'inflation au Canada. La Banque du Canada va réagir de manière appropriée à ces impacts.

[Traduction]

    Merci.
    Nous allons passer à M. Pacetti, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Dans vos remarques liminaires vous avez mentionné à plusieurs reprises, je crois, les mots « détente monétaire ». À votre avant-dernier paragraphe, vous dites qu'il faut « atténuer la détente monétaire en place ». Quelle est la définition ou un exemple de détente monétaire pour la Banque du Canada?
    Merci de la question. C'est un point très important.
    Si vous me permettez, monsieur, de remonter à la même époque de l'an dernier, lorsque nous avons atteint le taux plancher de zéro, ou le taux zéro effectif — 25 points de base — pour des raisons techniques nous ne pouvions envisager que les taux d'intérêt tombent plus bas que cela. Nous pensions que, vu le niveau d'activité à l'étranger et au Canada et les perspectives d'inflation, afin d'atteindre notre cible d'inflation, il nous fallait plus de stimulation monétaire.
    À ce stade, nous étions confrontés à un choix. D'autres banques centrales ont été dans le même cas. La première mesure a été une « détente quantitative » — imprimer de l'argent, en langue courante — ou bien « desserrer le crédit », soit acheter des créances.
    Nous avons établi une politique. Premièrement, nous voulions une politique qui soit fondée sur des principes et transparente. Nous avons eu la chance de la faire connaître et de comparaître à votre comité immédiatement après pour nous expliquer. Et nous avons perçu une troisième option. Nous avions ces deux options, et nous continuons à en disposer si elles deviennent nécessaires, mais la troisième option a été un encadrement extraordinaire de l'évolution des taux d'intérêt. C'est pourquoi nous avons donné l'engagement conditionnel.
    Donc, si vous demandez quelle détente monétaire en a résulté, nous avons obtenu un mouvement sur le court terme de la courbe de rendement sur la base du taux à un jour jusqu'à la fin juin 2010, un mouvement à la baisse. Dans le courant de l'année, ayant répété cet engagement, cette partie de la courbe de rendement s'est ancrée. Ces rendements déterminent largement divers prix, ce qui a occasionné une détente des conditions financières au Canada, notamment du taux d'emprunt au taux préférentiel, comme on l'a vu précédemment.
    Donc, en levant cet engagement, même s'il ne restait plus que peu de temps dans sa durée, il en a résulté un ajustement correspondant de ces attentes, ce qui a retranché une partie de cette stimulation monétaire. C'était une politique originale, pour une période extraordinaire. Notre message est que cette période extraordinaire — pas difficile, mais extraordinaire — est révolue ou en voie de l'être, il était donc approprié de retrancher cela et c'était donc là l'atténuation de la détente monétaire.

  (1635)  

    Mais si l'on utilise l'exemple de la détente quantitative? Je me souviens de lorsque vous avez évoqué cela; je pense que votre détente monétaire consistait en cela, mais si j'ai bien compris, vous n'avez jamais utilisé la détente quantitative.
    Oui.
    Quel était le deuxième outil? Le desserrement...?
    Le desserrement du crédit. Par exemple, la Federal Reserve, mais aussi la Banque d'Angleterre, achetait directement sur le marché les obligations ou créances particulièrement fragiles pour faire redémarrer ces marchés. L'exemple le plus spectaculaire, si vous voulez, ou le plus massif, est l'achat par la Fed d'un très grand nombre de titres hypothécaires aux États-Unis.
    Donc, le fait que vous n'ayez jamais utilisé ces outils est considéré néanmoins comme une atténuation de la détente monétaire...
    Non. Ce que je voulais dire par-là dans mes remarques liminaires, pour que les choses soient absolument claires, est que la décision annoncée mardi dernier de retirer l'engagement conditionnel atténuait la détente monétaire au Canada.
    D'accord.
    J'ai une courte question sur un sujet entièrement différent. Nous parlons de croissance. Avec un chiffre de croissance supérieur à 3 p. 100 — 3,7 p. 100, je crois — est-ce qu'une croissance aussi rapide n'entraîne pas automatiquement l'inflation?
    Non. Elle est une fonction du rythme de croissance, de la capacité de l'économie, d'où nous en sommes par rapport au potentiel de l'économie. Elle est aussi fonction d'autres facteurs: la transmission du taux de change et d'autres choses de cette sorte.
    M. Massimo Pacetti: Mais lorsque elle intervient aussi brutalement...
    M. Mark Carney: Mais nous avons toujours, sur le plan macroéconomique, un écart de production de 2 p. 100 — même après cette poussée de croissance au quatrième trimestre de l'année dernière et au premier trimestre de cette année. Nous avons toujours un excédent de capacité substantielle dans l'économie. Ce ne sont pas là des mesures précises, mais notre estimation à cet égard est plutôt prudente.
    Je pose la question parce que si la croissance est si forte sur une période si courte, est-ce qu'elle n'intéresse pas seulement des articles, des produits et des secteurs spécifiques qui sont déjà équipés, et qui voient alors leurs prix grimper, ce qui cause l'inflation? Mais vous dites que c'est réparti...?
    Il y a beaucoup de mou dans l'économie. Une partie de ce mou commence à être résorbé. De fait, c'est un rythme de croissance typique, à bien des égards, d'une reprise. Pour ce qui est du rythme de la reprise dans son ensemble, étant donné l'amplitude de la récession, qui a été courte mais brutale, nous ne sommes pas encore revenus aux moyennes historiques. Nos prévisions ne nous ramènent pas aux moyennes historiques. Il y a à cela diverses raisons.
    De manière générale, au début des reprises, en raison des décalages dans le marché du travail et pour quantité d'autres facteurs, l'inflation tend à repartir plus lentement et... Eh bien, je peux vous parler des détails de la prévision si nous en avons le temps.

  (1640)  

    Merci.
    Nous aller passer à Mme Block, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci de votre présence aujourd'hui, ici, monsieur Carney.
    On ne cesse de dire que le Canada doit devenir compétitif, et nous avons vu que le Canada a fait un grand pas dans cette direction, notamment sur le plan de la fiscalité des entreprises.
    L'étude comparative récente de la compétitivité effectuée par KPMG montre que nous avons maintenant un avantage sur les États-Unis sur le plan des coûts de production. Mais l'étude dit également que le Canada ne doit pas se reposer sur ses lauriers sur le plan de la fiscalité des entreprises.
    De fait, je vais citer l'étude. Elle dit que le Canada « doit continuer à offrir aux entreprises une proposition de valeur claire dans d'autres domaines pour continuer d'attirer des sociétés étrangères ». Elle fait également valoir que « les grands rivaux du Canada ne sont plus des pays développés comme les États-Unis mais des économies émergentes à faibles coûts comme le Mexique ».
    Il semble que vous soyez d'accord. D'ailleurs, j'aimerais juste citer un discours que vous avez prononcé en mars dernier:
Quelles que soient les raisons expliquant la piètre tenue du Canada au chapitre de la productivité, plusieurs avenues s'offrent aux décideurs publics afin de favoriser une croissance soutenue à long terme.

Il importe de reconnaître que les gouvernements qui se sont succédé ont réalisé de nombreux progrès encourageants dans cette voie... La compétitivité du régime fiscal des entreprises — particulièrement pour les nouveaux investissements — s'est accrue de façon notable au cours de la dernière décennie et ce régime est maintenant l'un des plus attrayants des pays industrialisés. Le Canada a aussi affiché un degré élevé d'ouverture aux échanges en concluant de nouveaux accords et en abaissant unilatéralement ses tarifs douaniers. La contribution la plus importante du secteur public serait de maintenir le cap à cet égard.
    Pouvez-vous nous expliquer pourquoi il est si important de maintenir le cap sur le plan de la compétitivité des entreprises au Canada?
    Merci de la question.
    Merci d'avoir lu mon discours. Cela vous place en compagnie très restreinte.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Mark Carney: Il y a plusieurs facteurs. Je voulais faire ressortir dans mon discours que diverses mesures ont été prises par divers gouvernements sur un certain nombre d'années, mesures qui ont considérablement amélioré le climat des affaires au Canada.
    Ces mesures couvrent tout un éventail, depuis les investissements dans la recherche fondamentale et des améliorations du marché du travail et d'autres flexibilités, jusqu'à l'investissement dans l'infrastructure et, une mesure prépondérante dont vous faites état dans votre question, un renversement assez spectaculaire de la fiscalité des entreprises dans notre pays et aussi — et là quelques mesures finales vont intervenir au niveau provincial — l'effet marginal des taux d'imposition sur l'investissement dans le pays.
    Nous avons donc assisté à de gros changements au niveau de la compétitivité de l'impôt sur le revenu des sociétés et de la compétitivité des nouveaux investissements, avec la pleine prise d'effet de ces mesures, et donc oui, ce sont là des facteurs importants.
    L'un des autres messages du discours est la nécessité pour les pouvoirs publics de maintenir ces investissements à l'avenir. Mais fondamentalement, le secteur privé est appelé à tirer pleinement parti de ce climat des affaires et c'est ce que nous escomptons et reflétons dans notre prévision d'une majoration de l'investissement et il ne s'agit pas seulement de tirer parti du climat d'affaires, mais peut-être aussi, profitant de l'amélioration de la compétitivité face aux marchés émergents, de développer ces débouchés, ce qui se traduirait par un transfert de la part relative de croissance provenant des économies avancées et des économies émergentes.
    Merci, madame Block.
    Monsieur Mulcair, s'il vous plaît.

[Français]

    Merci, monsieur le président. J'avais avisé M. Carney que je voulais lui parler d'inflation.
    Je vous avoue, monsieur Carney, que vous m'impressionnez. Votre don de pédagogue vous sert bien quand vous expliquez que ce que les anglophones aiment appeler

[Traduction]

quantitative easing

[Français]

n'est ni plus ni moins que l'impression de billets de banque à travers le monde. C'est à peu près la meilleure explication et la plus franche que j'ai entendue jusqu'à maintenant.
    Cela étant dit, il existe un lieu commun en économie. L'inflation est causée parce qu'on a trop d'argent et pas suffisamment de biens. On va donc avoir beaucoup d'argent et une dette monstre à absorber. Je ne veux pas parler de la guerre en Irak, mais même avant la crise actuelle, la guerre avait déjà coûté au Trésor américain plus de 1 500 milliards de dollars américains. Il va donc falloir éponger cette dette d'une manière ou d'une autre, tout comme on a l'a fait à la fin de la guerre du Vietnam. L'inflation que l'on a connue au cours des quelques années qui ont suivi la guerre du Vietnam n'était pas étrangère au fait qu'il fallait rembourser. Quoi de mieux pour un gouvernement que de rembourser avec des billets de banque qui ont moins de valeur. C'est plus simple ainsi.
    Je prends bonne note de votre cible de 2 p. 100 qui ne change pas. Je prends également note de ce que vous nous avez dit tout à l'heure. Les mesures de stimulation vont aller en diminuant bien que, selon vous, il n'y ait rien de décidé d'avance. Comme vous le dites, ce n'est pas prévu d'avance. Quand même, pouvez-vous partager avec nous ce que vous voyez comme possibilités réelles d'inflation? Seront-elles de l'ordre de celles que nous avons connue à la fin des années 1970 et au début des années 1980? J'aimerais, si vous le voulez bien, mettre cela en lien avec une excellente démarche entreprise par le gouvernement conservateur — vous m'avez bien entendu — , lorsque le ministre des Finances a averti les gens qui achetaient leur première maison de ne pas trop s'aventurer parce que les très bas taux d'intérêts constituent une sorte de leurre. Y a-t-il un réel danger que plusieurs jeunes qui sont en train d'acheter leur première maison risquent de se faire prendre comme on l'a vu au début des années 1980, avec des taux d'intérêt qui dépassent les 20 p. 100?

  (1645)  

    Je vous remercie de votre question. Elle est complexe, mais très pertinente compte tenu de la conjoncture actuelle. En ce qui a trait au Canada, permettez-moi de répondre en anglais.

[Traduction]

    Le problème que vous mettez en lumière — et j'apprécie que vous approuviez notre cible d'inflation — et la discipline qu'elle nous impose au niveau de la gestion de notre politique monétaire est telle que cette solution de facilité, en quelque sorte, sur le plan financier ou plus généralement, est peu susceptible d'être utilisée. Nous devons réagir de façon appropriée, en anticipant les pressions inflationnistes dans l'économie, afin de ne pas se retrouver avec une hausse brutale des taux d'intérêt — une majoration excessive, si vous voulez — du fait d'une trop grande timidité initiale de la réponse monétaire.
    Les principales autorités monétaires dans le monde ont l'intention de suivre des politiques similaires. C'est leur intention, et je ne doute pas qu'elles le fassent. Cependant, en tout état de cause, nous avons la faculté de contrôler le taux d'inflation au Canada.

[Français]

    Nous sommes maîtres chez nous, notamment en ce qui a trait au taux d'inflation au Canada.

[Traduction]

    Nous prendrons les mesures qui s'imposent.
    Je dirais enfin que la solution à ce problème — et c'est là un commentaire un peu gratuit mais c'est une possibilité envisagée — la solution à ces problèmes d'endettement dans les autres pays ne réside pas, à notre sens, dans une majoration du taux d'inflation cible de façon à amenuiser de façon plus ou moins ordonnée la dette par la dépréciation de la monnaie. Il est extrêmement difficile de passer d'un taux d'inflation faible à un taux plus élevé. Je crois que ce point de vue est largement partagé.
    Merci.
    Merci, monsieur Mulcair.
    Nous allons maintenant revenir à M. Pacetti.
    Merci, monsieur le président.
    Pour aborder un sujet différent, vous vous êtes penché sur l'endettement. Je regarde les pages 16 et 17. Vous pourriez peut-être nous parler un peu de la différence entre la dette des particuliers et celle des entreprises. Je crois que le diagramme 15 explique pourquoi vous considérez que la dette des entreprises marque un palier alors que celle des ménages semble continuer d'augmenter.
    J'ai deux questions. Sans vouloir plaisanter, pourquoi vous souciez-vous de la dette des ménages ou de la hausse de l'endettement? Cela ne devrait-il pas être le problème des prêteurs? Souci est peut-être un mot trop fort, mais est-ce que votre préoccupation ou votre mandat n'est pas plutôt à l'égard de ceux qui prêtent l'argent?

  (1650)  

    Eh bien, nous nous soucions de la dette des gens, et cela pour deux raisons. Nous sommes ici pour parler du rapport sur la politique monétaire, et je vais donc me concentrer sur cet aspect, mais il y a aussi un souci de stabilité financière.
    Du point de vue de la politique monétaire, notre souci tient au fait que les taux d'intérêt sur les emprunts, le recours au crédit, sont l'un des facteurs qui influencent manifestement, dans le cas des ménages, l'investissement résidentiel, l'achat de maisons, les rénovations et la consommation. C'est donc un déterminant du niveau de l'activité et de la facilité de cette activité.
    Nous pouvons observer, et ce n'est pas surprenant — et cela nous ramène à une question antérieure de M. Hiebert — l'impact de cela sur l'activité économique et la manière dont notre taux directeur se reflète sur les taux d'emprunt effectifs des ménages et des entreprises. Quelles en sont les répercussions sur l'activité? Quelles sont les répercussions sur l'inflation, le crédit étant l'un des nombreux facteurs qui la déterminent?
    Nous avons observé en ce qui concerne la dette des ménages — plus précisément au niveau des coûts du crédit — une augmentation ces dernières semaines du coût des hypothèques à taux fixe. C'est le résultat d'augmentations des coûts de financement sous-jacents à terme fixe des banques, c'est-à-dire sur une durée de cinq ans. C'est en gros ce que nous avons vu: une augmentation des rendements des obligations d'État depuis notre dernier rapport — ce qui est généralement conforme avec une amélioration de l'économie mondiale — et une légère majoration des coûts de financement des banques au-delà de ces rendements des obligations d'État. La combinaison des deux a donc augmenté le coût du crédit...
    Je suis désolé d'interrompre...
    Non, j'ai fini.
    Vous vous inquiétez de l'effet de l'endettement sur la politique monétaire. Si je suis une institution financière et que peu m'importe ce que dit la Banque du Canada et que je décide de prêter l'argent de toute façon, cela pose-t-il un problème pour votre politique? Est-ce que les banques vont prêter de toute manière?
    Au Canada, elles ont une assurance. Elles peuvent toujours se faire indemniser par la SCHL. Est-ce que les banques se soucient réellement que les prix des maisons augmentent? Je vous explique où je veux en venir: y a-t-il un danger que nous reproduisions chez nous la crise américaine?
    À certains égards cela nous ramène à la question précédente de M. McCallum concernant le risque d'une augmentation des dépenses des ménages supérieure aux prévisions. Nous nous attendons à un ralentissement du rythme d'accumulation de dettes par les ménages, principalement du côté hypothécaire et résidentiel. Mais si cela ne s'avère pas, oui, c'est un problème pour nous, toutes autres choses étant égales, car cela aura un impact sur l'activité et l'inflation.
    Mais toutes autres choses ne sont jamais égales et nous devons donc tenir compte de tout. Mais oui, nous suivons de près la dynamique des marchés de l'habitation et de la consommation.
    À l'inverse, est-ce que les banques vont s'arrêter de prêter à cause de vos avertissements?
    Eh bien, il y a un signal de prix qui est envoyé avec des coûts de crédit supérieurs, et nous commençons à voir une augmentation du coût des hypothèques à taux fixe. À la marge, certains consommateurs ne vont pas contracter d'hypothèque à ces niveaux, ou du moins pas aussi grosses, et cela va freiner les choses. Il ne s'agit pas d'arrêter de prêter, c'est une réaction à l'offre et à la demande.
    Un ralentisseur.
    Merci.
    Merci.
    Monsieur Paillé, s'il vous plaît.

[Français]

    Vous aviez raison de dire tout à l'heure que si jamais il y avait une taxe internationale sur les institutions financières, il ne faudrait pas laisser cela dans les mains d'un gouvernement parce que l'argent pourrait ne pas se retrouver disponible au moment où on en aurait besoin. Les deux partis ont pigé comme cela dans des banques.
    Vous avez fait mention qu'au niveau de la politique monétaire, il y a des instruments de politique monétaire. Parfois, on a une espèce d'idée que le gouvernement du Canada n'est jamais intervenu auprès des banques à charte. Il reste que vous avez, dans votre bilan de gouverneur de la Banque du Canada, une augmentation de titres gouvernementaux. Vous avez pris en pension un certain nombre de choses, notamment des titres de la Société canadienne d'hypothèques et de logement, la SCHL. Peut-on croire que ce porte-feuille hypothécaire est sans problème, que son évaluation est bonne et qu'il n'y aura pas un backlash à court terme?
    C'est ma première intervention et, par la suite, j'en aurai une autre.

  (1655)  

    Je voudrais simplement clarifier une chose. Depuis le début de la crise financière, les marchés à court terme connaissent des problèmes. Il s'agit de problèmes de liquidités des institutions financières, même celles du Canada. Par conséquent, la Banque du Canada a fourni des liquidités aux banques. Nous l'avons fait à l'aide de prêts garantis par des obligations, par exemple les obligations de la SCHL. Chaque fois que nous l'avons fait, nous avons offert moins d'argent que ce qui correspondait à la taille des obligations. Nous sommes donc protégés. Pour utiliser un terme relatif aux finances, les haircuts sont assez sévères par rapport...
    Et qu'en est-il du volume ou de la valeur des...
    Pour ce qui est de la valeur des liquidités, disons que notre bilan est de 50 milliards de dollars environ en temps normal. Le sommet des liquidités de la Banque du Canada, pas du gouvernement du Canada, est environ 40 milliards de dollars. Maintenant, le montant est de 22 ou 23 milliards de dollars. D'ici la fin de juillet 2010, la valeur des liquidités spéciales sera à zéro. Ce sera fini.
    La persuasion morale du gouverneur de la Banque du Canada est un autre instrument de politique monétaire. Il est vieux comme le monde. La semaine dernière, par exemple, il était prévu que vous annonceriez quelque chose. Pour les banques, le taux constitue peut-être aussi une façon de faire savoir aux banques qu'elles peuvent passer à l'action. On a bien vu que les taux hypothécaires, notamment, avaient beaucoup augmenté. Il y a aussi le resserrement auquel font face les PME.
    D'après ce que vous dites, vous en êtes à revoir la disponibilité de capitaux pour les PME. Je reviens encore une fois à ma marotte. Alors qu'il y a des mises en chantier, soutenues évidemment par des prêts hypothécaires, que des PME ont enfin sorti la tête de l'eau et ont besoin de capitaux pour augmenter leurs investissements et renouveler le fonds de roulement et que le gouvernement du Canada n'offre pas de garanties de prêt, les taux montent. S'agit-il d'un étau?
    Je voudrais d'abord préciser que l'augmentation des taux hypothécaires fixes a commencé avant que nous ne prenions notre décision. Comme je viens de le dire, c'était dû à une augmentation des coûts de financement des banques. La raison principale était l'augmentation des taux des bons du Trésor du gouvernement du Canada. Avec le prolongement de la reprise canadienne, plusieurs taux d'obligations dans le marché hypothécaire, des taux préférentiels et ainsi de suite, pourraient augmenter. C'est normal, étant donné que les niveaux sont encore exceptionnels. C'est ce dont les Canadiens devraient tenir compte. Les taux sont très bas présentement. Il faut donc être prudent en affaires.

  (1700)  

[Traduction]

    Merci.
    Merci beaucoup.
    Je vais m'accorder le tour suivant, à titre de président.
    Monsieur Carney, je voulais vous parler du dollar. Vous en faites état dans votre rapport, aux pages 19, 20 et 21.
    La perception commune, surtout lorsque le dollar grimpait rapidement ces derniers temps, était que la hausse était alimentée par les prix du pétrole — principalement le prix du brut — mais vous citez les prix de l'énergie en général et les prix des produits de base non énergétiques. Vous parlez ensuite des taux d'intérêt à l'échelle mondiale. De toute évidence, je suppose que le niveau du dollar américain aura lui aussi un impact.
    Considérez-vous que le prix du pétrole ou le prix du brut n'exerce pas une influence aussi grande sur le cours du dollar que précédemment, mettons qu'il y a un an ou deux?
    Eh bien, on hésite à être trop précis concernant les fluctuations à court terme des monnaies, et je ne le serai donc pas. Le cours de notre dollar est un produit de nombreux facteurs: notre performance économique relative, notre situation financière relative, les termes de l'échange. C'est beaucoup plus large que ce que vous évoquez, monsieur le président, soit juste le prix du pétrole. Il ne faut pas oublier que les exportations de gaz naturel de notre pays sont au moins équivalentes ou même supérieures, selon le cours quotidien du gaz naturel, à nos exportations de pétrole et représentent une énorme source d'investissement dans l'économie de notre pays. Il y a donc divers facteurs qui influent sur les termes de l'échange.
    Je dirais que la force persistante du dollar canadien représente un risque, un risque important. Nous n'avons isolé que deux risques à la baisse majeurs pour la perspective de l'économie canadienne, et le dollar est le premier. Nous le surveillons de très près. Il pourrait avoir une influence importante tant sur l'activité économique que sur la perspective d'inflation, et la banque adaptera sa politique à ces circonstances.
    C'est donc l'un de deux. Le deuxième facteur est le niveau de l'activité économique aux États-Unis, si je ne m'abuse.
    Eh bien, en ce qui concerne les perspectives américaines, le dollar américain reste une monnaie de réserve, au minimum, et les perspectives aux États-Unis, relativement aux autres pays industrialisés, s'améliorent. Certes, nous avons souligné dans le rapport l'importance du relais, en quelque sorte, pris par le secteur privé à la fin de cette année et en 2011 aux États-Unis. C'est une accélération substantielle de l'activité privée qui est conforme à notre projection. Il restera à voir dans quelle mesure elle va progresser.
    Mais il y a un renforcement de l'économie américaine et, en termes relatifs, je pense que l'économie américaine se porte mieux que ce que beaucoup d'observateurs avaient prévu ces derniers mois.
    À la page 21, vous mentionnez une inquiétude concernant le niveau de l'activité économique américaine et l'augmentation du cours du dollar canadien.
    Dans le passé, je pense que et vous et le ministre des Finances vous êtes efforcés, en quelque sorte, de faire baisser le dollar par vos déclarations, surtout lorsqu'il grimpait en flèche. Cela marche pendant un certain temps; je pense que l'effet s'amenuise au fil du temps.
    Pensez-vous avoir assez d'outils à votre disposition si l'appréciation du dollar continue?
    Merci.
    Les marchés parfois s'emballent. Il faut en avoir conscience. Pour ces raisons, la Banque, en accord avec le ministre des Finances, peut mettre en oeuvre des outils supplémentaires, et nul ne devrait douter que nous y aurons recours le cas échéant.
    Voici une dernière question. On parle évidemment beaucoup, tant chez nous que dans le monde, de la notion: trop gros pour sombrer; si une banque est trop grosse pour sombrer, elle est trop grosse. Certains de mes amis, même dans ce comité, considèrent que les décisions de principe de ne pas laisser certaines institutions fusionner ou devenir trop grosses étaient judicieuses. Je considère pour ma part que la question n'est pas tant la taille d'une institution telle qu'une banque, que ce qui compte est peut-être davantage les exigences de capitalisation ou de réserves.
    J'aimerais savoir si vous avez une opinion sur l'idée que ce n'est pas tant la taille d'une institution financière mais plutôt le niveau des réserves ou les exigences de capitalisation qui assurent la stabilité de l'institution au fil du temps.

  (1705)  

    Eh bien, c'est vrai, un capital plus important, un meilleur capital, une meilleure gestion des liquidités, et davantage de liquidités effectivement disponibles sont tous des facteurs qui vont réduire la probabilité de la défaillance d'institutions individuelles et vont collectivement renforcer la résilience du système.
    L'autre facteur qu'il importe de considérer est l'interconnexion des institutions. Détiennent-elles des obligations émises par les autres? Sont-elles de grosses contreparties l'une pour l'autre? Dans quelle mesure sont-elles liées entre elles? Car l'effet de contagion si une institution s'écoule...
    Je fais remarquer — vous le savez, mais il est bon de le rappeler — que Bear Stearns était la sixième plus grosse banque d'affaires aux États-Unis, donc pas une grosse banque d'affaires, mais la sixième. Les autorités américaines ont décidé qu'elle était trop grosse, ou plutôt trop interconnectée, pour qu'on la laisse couler, et c'est pourquoi elle a organisé un sauvetage ordonné de cette banque. Je dois dire, selon ce que je sais et connais de la situation — et savais à l'époque — que c'était la bonne décision.
    Donc, dans le cadre de la réforme financière, il faut s'attaquer aussi à ces interconnexions, afin qu'une institution individuelle puisse être séparée, en quelque sorte,du système si elle devient insolvable.
    Merci.
    Monsieur McCallum, je vous prie.
    Permettez-moi de revenir un instant sur la taxe sur les banques ou à la taxe sur les transactions. Je pense avoir donné ma position. J'ai entendu citer des chiffres, tels que plusieurs centaines de milliards de dollars par an, comme recettes provenant d'une petite taxe sur les transactions, que ce soit les opérations de change ou un jeu plus large d'opérations. J'ai réfléchi et le sous-entendu semble être que ce serait sans douleur.
    Ma question porte sur deux aspects: premièrement, la réaction des institutions financières; et deuxièmement, les répercussions.
    Pour ce qui est de la réaction, ayant travaillé pour une banque, et vous pour une institution similaire...
    Des voix: Oh, oh!
    L'hon. John McCallum: J'ai l'impression qu'il y aurait un énorme changement dans le volume des opérations boursières, si bien qu'au lieu d'avoir une réduction de volume de 40 p. 100, pour autant que je sache ce pourrait bien être de 90 p. 100. Je ne sais pas de combien serait la réduction, mais il me semble que l'on ne peut pas simplement calculer les recettes d'une telle taxe sur la base des volumes des opérations boursières avant taxe. Voilà la première question.
    Deuxièmement, lorsqu'il est question de centaines de milliards de dollars, quelqu'un doit payer. Je peux imaginer que ceux qui vont se rendre aux États-Unis en vacances, ou acheter une hypothèque, ou emprunter... Ou bien cela va-t-il se limiter aux opérations spéculatives?
    J'aimerais savoir ce que vous pensez de ces deux répercussions possibles et de la réaction des institutions financières, qui influencerait les recettes.
    Je pense que vous avez absolument raison sur les deux points — et vous vous êtes dit d'accord avec moi plus tôt, nous sommes donc à égalité — mais l'une des réactions particulièrement importantes ne tient peut-être pas seulement au niveau de l'activité. Ces calculs supposent que le niveau d'activité reste inchangé et que vous prélevez simplement un coût. Mais il y aura une réaction, ce qui à bien des égards devrait être le but recherché. J'entends par là que le problème devrait être l'externalité résultant de cette activité.
    Mais l'autre réaction qui nous préoccupe tient à la faible probabilité que tout le monde adopte la même taxe sur les transactions. Car la réaction que l'on doit escompter, c'est que l'activité migre vers les pays qui ne recensent pas les transactions, si bien que les recettes de la taxe seront grandement réduites.
    Pour ce qui est de l'incidence, il est probable qu'en bout de chaîne c'est l'emprunteur qui va payer, très clairement, et pas seulement ceux qui font des opérations de change pour leurs activités normales, telles que traverser la frontière pour rendre visite à des amis et la famille, mais des emprunteurs commerciaux et des ménages. Elle serait donc répercutée directement, et par comparaison à une taxe Tobin ou une taxe sur les flux financiers du FMI, c'est là la conclusion; aussi, c'est la taxe qui n'a pas été recommandée au G20 la fin de semaine dernière.
    Mais il existe une considération plus générale, à savoir que si nous sommes en faveur d'une plus haute capitalisation du système — car globalement le système était sous-capitalisé — il est vrai que ce capital doit également produire un rendement, comme vous le savez bien, et l'effet de normes de capitalisation et de liquidité plus strictes sera une certaine augmentation du coût du capital, non seulement pour l'institution elle-même, mais pour les emprunteurs ultimes auprès de ces institutions. On peut voir que les énormes fluctuations du niveau du capital ont infligé à nous tous d'énormes coûts financiers lorsqu'il a fallu surmonter ces situations de crise et parvenir à une plus grande stabilité.
    Enfin, d'aucuns estiment qu'au cours des années juste avant la crise, le coût du capital ou de l'emprunt, sachant que nous avions une bulle...

  (1710)  

    On me dit qu'il me reste 30 secondes.
    ... était trop faible.
    J'aimerais poser une dernière courte question.
    Je crois que le FMI a décidé de revoir sa copie. Est-ce qu'il va nous revenir avec des propositions de rechange à de telles taxes?
    Oui, certainement. Nous avons fait valoir un certain nombre d'arguments et le consensus était assez fort.
    Mais le programme fondamental, celui dont nous avons parlé un peu, c'est la capitalisation, la liquidité et l'interconnexion, et nous devons avancer dans ces domaines fondamentaux. Vous devez exiger de nous que nous réalisions des progrès sur ce programme fondamental d'ici novembre. Alors, une fois que vous verrez quelles sont ces mesures, quel en est l'impact escompté, la question sera de savoir s'il faut faire plus.
    De même, pour le FMI, si vous envisagez d'ajouter une taxe en sus — et c'est le cas de peu de gens — vous avez intérêt à calculer l'impact net du capital supplémentaire, de la liquidité supplémentaire et d'autres mesures imposées au secteur financier, le coût d'ensemble étant forcément répercuté sur l'économie réelle.
    L'hon. John McCallum: Merci.
    Merci.
    Nous allons passer à M. Menzies.
    Merci, monsieur le président.
    J'apprécie la présence aujourd'hui du gouverneur Carney.
    Nous apprécions vos éloquentes réponses. Habituellement, lorsque vous venez ici, on vous passe sur le gril, et je vais donc changer de chaîne. Je vais vous demander de remonter à la situation d'il y a 12 ou 18 mois. Il nous faut reconnaître le rôle que vous et vos collaborateurs ont joué, ainsi que le ministre des Finances, et ce qu'il aurait pu advenir.
    Je ne saisis toujours pas complètement le rôle joué par la Banque. Je comprends assez bien le rôle joué par notre ministre des Finances, qui a su préserver la stabilité du Canada et prendre les bonnes décisions. Je sais que vous avez eu votre mot à dire. Je ne sais pas dans quelle mesure vous pouvez nous en parler. La plupart des Canadiens ne comprennent pas le rôle que nous avons joué et je pense qu'il a été mis en lumière la fin de semaine dernière lorsque, avec votre aide, le ministre des Finances a réussi lors des pourparlers du G8 et du G20 à contrer certaines propositions qui auraient fait énormément de tort aux contribuables canadiens. Nous savons tous qu'il n'y a qu'un seul contribuable dans ce pays — vous et moi — et toute taxe frappant une institution financière nous aurait été rapidement transmise. Juste un petit commentaire à ce sujet, s'il vous plaît.
    Ensuite je vous demanderais une brève explication, si vous voulez bien. Un membre de ce comité s'est levé à la période des questions pour parler du crédit d'impôt pour la rénovation domiciliaire et demander pourquoi ceux qui ne paient pas d'impôt n'ont rien touché. Pourriez-vous nous expliquer très brièvement comment fonctionne un crédit d'impôt?
    Des voix: Oh, oh!
    Le président: À l'ordre. Monsieur Carney a la parole.
    Allez-y, monsieur Carney.
    D'accord. Eh bien, merci d'abord de ces aimables paroles.
    Au plus profond de la crise, il a fallu prendre quelques décisions très difficiles, à l'échelle internationale et au Canada. L'histoire en sera écrite un jour, mais vu que nous étions dans une situation relativement meilleure, nous avons pu aider d'autres à prendre les bonnes décisions, en quelque sorte, à l'échelle internationale, et surtout en octobre 2008 pour conclure l'accord au niveau du G7 — qui a réellement renversé la situation — pour prendre quelques décisions difficiles consistant à donner un plus grand soutien aux institutions, sous forme de liquidités et de garanties, afin d'enrayer la crise.
    Je pense qu'il était utile dans cette situation que le ministre des Finances, avec mon soutien, dise que même si nous n'y étions pas obligés, nous allions agir et aider d'autres... Nous n'en avions clairement pas besoin, mais cela a aidé d'autres à dire qu'ils n'en avaient pas besoin nécessairement non plus, mais que, collectivement, il fallait agir; il fallait absolument intervenir et le faire immédiatement, à ce stade. Cela a donc été utile.
    Les crises aident à nouer des relations et les relations que nous avons construites au sein du G8 et du G20 nous ont aidés à faire avancer la réforme, et la performance du secteur canadien a certainement fait avancer les choses.
    Enfin, je dirais qu'il nous incombe d'offrir un certain leadership intellectuel relativement à certains enjeux au G20 pour faire avancer les choses, car le système requiert manifestement des changements profonds.
    En ce qui concerne le crédit d'impôt pour rénovation domiciliaire, je crois que c'était une sorte d'incident de type Les hommes en noir lorsque je suis passé du ministère des Finances à la Banque et ai été reprogrammé. Je crains d'avoir oublié comment fonctionne précisément un crédit d'impôt, et je ne vais donc pas pouvoir vous aider.
    Des voix: Oh, oh!

  (1715)  

    D'accord.
    C'était une assez bonne réponse, monsieur Carney.
    Nous comprenons l'impact macroéconomique d'ensemble de ces mesures, mais...
    Merci.
    Je crois que nous savons tous quels seront les grands titres de la presse financière demain.
    Monsieur McKay, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur Carney, d'avoir terminé ce choeur d'alléluia sur cette note très positive.
    J'aimerais, moi aussi, féliciter la Banque pour la façon dont elle s'est occupée du côté monétaire de l'équation. Il est dommage que vous n'ayez pas joui de l'appui du gouvernement du côté financier de l'équation.
    Mais j'aimerais souligner, sur une note personnelle, et cela a déjà été mentionné par d'autres, que M. Jenkins vous accompagne habituellement. C'est sans doute la première fois depuis de nombreuses années qu'il n'a pas été ici aux côtés du gouverneur, et je tenais simplement à déclarer publiquement quelle joie cela a été de travailler avec lui au fil des ans. Lorsque j'étais de l'autre côté, il m'a été d'une aide extraordinaire, comme il l'a été pour moi de ce côté-ci — un merveilleux fonctionnaire.
    Vous avez manifestement établi une fenêtre pour la hausse des taux, et vos propos ont été soigneusement épluchés par un très grand nombre de personnes. Le souci que j'ai relativement à l'augmentation par vous des taux, comme prévu, est que la fenêtre semble coïncider avec la mise en oeuvre par les gouvernements de l'Ontario et de la Colombie-Britannique de la TVH, qui viendra vraisemblablement freiner l'économie. Il se pourrait fort bien que le 1er juillet, si telle est la fenêtre, l'économie encaisse un double coup: votre augmentation des taux d'intérêt et la TVH.
    Avez-vous réfléchi à la question? Dans l'affirmative, comment réagissez-vous?
    Merci beaucoup.
    J'aimerais ajouter ma voix à celle des autres qui ont louangé Paul Jenkins. Il a eu une carrière remarquable au service de notre pays et m'a été d'une aide incroyable personnellement, tout comme il a aidé l'institution dans son ensemble, pendant ces dernières années difficiles. Il me manque, surtout à de tels moments.
    J'envisage avec plaisir d'être accompagné par M. Macklem la prochaine fois que nous nous rencontrerons. Il entrera en fonction le jour de la fête du Canada, une fois exécutées ses dernières obligations en tant que représentant du Canada, du côté financier, au G20 et au G8. Bien évidemment, avec les sommets qui s'en viennent, il est important qu'il appuie notre premier ministre et notre ministre des Finances dans ce contexte.
    En ce qui concerne... quelle était votre question, déjà?
    Des voix: Oh, oh!
    Nous aurons trois événements le 1er juillet: votre taux d'intérêt, la TVH et Tiff Macklem.
    Ça y est. J'y suis.
    Et Tiff Macklem, oui. Nous n'anticipons aucun effet immédiat avec l'arrivée de M. Macklem.
    Mais, oui, bien sûr, nous en avons tenu compte. L'une des choses que nous avons essayé de faire ressortir dans le rapport est que nous croyons qu'il y a eu une reprise de certaines activités économiques, notamment dans le secteur de la construction résidentielle et pour d'autres activités de consommation, et ce, pour plusieurs raisons: premièrement, l'expiration du crédit d'impôt pour la rénovation domiciliaire et les dépenses connexes; deuxièmement, l'anticipation de changements du côté des taux d'intérêt; et, troisièmement, la TVH, applicable à l'achat de maisons neuves, mais également d'autres achats.
    Nous prévoyons donc qu'il y aura un fléchissement d'une partie de cette activité au deuxième trimestre, mais surtout au troisième. Voilà ce que nous prévoyons. La question est de savoir si ce recul sera inférieur ou supérieur à nos prédictions. Nous verrons bien.
    J'aimerais cependant répéter ce que j'ai dit au début, soit que rien n'est décidé d'avance. Ce que nous avons fait c'est retirer les consignes extraordinaires, les consignes exceptionnelles, les consignes non conventionnelles concernant l'évolution des taux d'intérêt, ce qui était nécessaire à l'époque. Ce temps sera bientôt révolu. Nous avons supprimé cela. Nous n'allons pas donner de consignes quant à l'évolution des taux d'intérêt.
    L'envergure et l'échéancier de tout retrait futur de mesures de stimulation monétaire seront fonction de l'activité économique et des perspectives en matière d'inflation au Canada. Ceux qui s'efforcent donc de deviner ce que nous pourrions faire devraient plutôt consacrer leur temps non pas à décortiquer des paroles prononcées, mais à réfléchir au niveau d'activité économique, aux perspectives en matière d'inflation dans notre économie, et au niveau auquel les taux devraient se situer.

  (1720)  

    Très brièvement, monsieur McKay.
    J'aimerais vous poser une question connexe. Les banques sont en train d'augmenter leurs taux préférentiels. Pas vous. Je pense que la Banque royale a, par trois fois, augmenté son taux préférentiel, comme cela a été le cas d'autres banques.
    Le gouvernement du Canada, la population canadienne, les contribuables canadiens, ont été extrêmement généreux envers le milieu bancaire. Or, à la première occasion qui se présente d'inscrire un certain écart entre ce que la Banque du Canada fait payer pour son argent et ce que font généralement payer les banques pour leur argent, il semble qu'il n'en soit aucunement tenu compte.
    Cela vous ennuie-t-il?
    Je vais apporter un éclaircissement: les rajustements de taux n'ont pas visé le taux préférentiel, mais les taux hypothécaires fixes des banques, et ce qui détermine les taux hypothécaires fixes des banques ce sont leurs coûts de financement fixes.
    Bien sûr, au cours des dernières semaines, ces coûts de financement ont augmenté, pour deux raisons.
    Premièrement, les taux des obligations d'État sur cinq ans, tout comme ceux du marché hypothécaire, ont augmenté d'environ 40 points de base sur cet horizon. Ils ont diminué ces derniers jours du fait d'une certaine activité sur le marché, mais, de manière générale, c'est ce qui s'est passé. D'autre part, les coûts de financement — la prime que les banques payent en sus — ont augmenté d'environ 15 à 20 points de base par rapport à cela, et il y a donc eu une hausse des coûts de financement, ce qui se répercute et s'exprime dans le taux hypothécaire. Nous n'avons pas vu ce même rajustement du côté du taux préférentiel.
    Notre responsabilité, bien sûr, est de regarder ce que paient véritablement les gens et de déterminer quelle incidence cela va avoir sur leur activité — et, bien sûr, sur l'inflation —, pour ensuite rajuster notre taux en conséquence.
    Un dernier point: nous surveillons bien sûr toute tension — et nous n'avons pas décelé — dans les marchés de liquidités, comme j'en ai discuté il y a quelques instants avec M. Paillé, ou dans les marchés interbancaires, et devons décider si la Banque devrait jouer un rôle pour alléger ces tensions et avoir une incidence à ce niveau-là également. Mais, comme je l'ai dit, ce n'est pas ce que nous voyons.
    Bien. Merci.
    Nous allons maintenant passer à M. Wallace. Allez-y, je vous prie.
    Je ferai vite, monsieur le président, et je vais partager mon temps avec Mme Block.
    J'ai une question. En 2011, la stratégie en matière d'inflation doit faire l'objet d'une renégociation ou de discussions. Je pense que la plupart des Canadiens seraient surpris de savoir que nous avons une stratégie, mais elle est en place depuis 1991 environ.
    Si vous choisissez 2 p. 100, qu'intervient-il dans cette discussion? Qui y participe? Choisissez-vous 2 p. 100 parce que le public peut comprendre 2 p. 100? Pourquoi ne s'agirait-il pas de 2,2 ou de 2,3 p. 100? Comment déterminez-vous cela? Cela m'intéresserait de savoir. Je suis certain que vous ne pourrez pas me l'expliquer en l'espace de deux minutes, mais faites de votre mieux.
    Je vous remercie de la question, et je suis ravi que vous la posiez, en partie parce que je pense qu'il est important pour les Canadiens de comprendre qu'il y a, entre le gouvernement du Canada et la Banque du Canada, une entente établissant le mandat de l'institution.
    Nous sommes responsables de l'exécution de ce mandat, mais il s'agit d'un pouvoir qui nous est délégué par la population canadienne par l'intermédiaire du gouvernement du Canada, et, vous avez raison: le régime de ciblage du taux d'inflation est en place, en vertu d'ententes successives, depuis le début des années 1990, et il doit bel et bien être renouvelé à la fin de l'année 2011.
    Pourquoi la cible est-elle de 2 p. 100 en vertu du mandat?
    Premièrement, il y a une reconnaissance commune du coût de l'inflation, et une reconnaissance du fait que ces coûts de l'inflation sont subis de manière disproportionnée par les Canadiens pauvres et par ceux et celles qui ont moins accès à des produits de couverture sophistiqués. Ces coûts amènent des distorsions — des distorsions au niveau de l'investissement et d'autres activités — et transfèrent la richesse entre les épargnants et les emprunteurs de manière quelque peu erratique, selon la situation dans laquelle vous vous retrouvez en bout de ligne.
    Notre définition d'un taux d'inflation faible, stable et prévisible correspond à un taux de 2 p. 100. C'est notre objectif.
    L'une des raisons pour lesquelles cette cible a été choisie par le passé — et nous sommes en train de revoir la chose et avons lancé un vaste programme de recherche pour déterminer si c'est le bon niveau — est qu'il est suffisamment faible pour ne pas intervenir dans la réflexion des gens lorsqu'ils prennent des décisions financières. Il y a quantité de façons de montrer que lorsque les gens font des prévisions et entreprennent des activités, ils estiment qu'un taux d'inflation de 2 p. 100 est relativement bas, et ils peuvent faire une distinction entre les augmentations du prix relatif d'un bien et des augmentations de prix généralisées.
    La deuxième raison est que ce taux est suffisamment loin de zéro pour que, compte tenu de la volatilité de l'inflation, l'on ne s'attendrait pas à en arriver à la situation que nous connaissons à l'heure actuelle, c'est-à-dire dire un niveau zéro descendant, sauf en cas de circonstances exceptionnelles. Lorsqu'on arrive au niveau zéro descendant du côté des intérêts, les options deviennent non conventionnelles. C'est alors qu'il est question de consignes extraordinaires, de détente quantitative, et cela devient une détente du crédit.
    L'une des décisions collectives qu'il faudra prendre sera celle de savoir si cela est toujours approprié. Avons-nous tiré quelque leçon que ce soit de l'application de la politique, au Canada et ailleurs, de l'inflation négative, et qui permettrait que la cible soit inférieure ou alors qu'un régime différent soit instauré? Nous disposerons de données qui nous permettront de prendre une décision plus éclairée et de réfléchir à ce que nous pourrions gagner à avoir un taux d'inflation inférieur au lieu de maintenir le taux actuel.
    Excusez-moi, madame Block, mais...

  (1725)  

    Il reste environ une minute, madame Block.
    Très bien. Je ferai très vite. Vous avez fait deux déclarations dans vos remarques liminaires et en réponse à certaines questions. Vous avez dit au tout début que le plus gros risque est celui de trouver« le bon équilibre » en ce qui concerne la politique budgétaire. Vous avez également dit que le relais pris par le secteur privé revêt une importance extrême.
    J'aimerais que vous nous fassiez une très rapide récapitulation; je ne sais trop si je serai la dernière à vous poser des questions. Sur quoi devrions-nous nous concentrer pour veiller à ce que ces deux choses soient réalisées comme il se doit?
    Très rapidement, étant donné que vous avez lu le discours que j'ai prononcé devant l'OAE, il y a, à la fin de ce discours, des références concernant des analyses plutôt sophistiquées qu'a faites la Banque — et que je serais heureux de fournir au comité — sur ce qui se passe si les gouvernements n'établissent pas le bon équilibre.
    S'ils ne resserrent pas comme il se doit la politique budgétaire et si les taux d'intérêt mondiaux montent en flèche et si la croissance potentielle est frappée, cela finira en bout de ligne par frapper également le Canada. D'autre part, s'ils agissent trop rapidement ou trop abruptement, du fait de pressions du marché, alors le résultat en bout de ligne sera le même. Il sera en fait pire.
    Ce qu'il faut, donc, c'est un programme complet pour que le tir soit juste. Voilà en gros quelle est la discussion en matière de déséquilibres telle qu'elle existe à l'heure actuelle, et c'est pourquoi le cadre du G20 est si important.
    Pour ce qui est du relais au Canada, ce qu'il faut c'est une confiance à l'égard de la politique macro. Cela suppose avoir un plan financier et le mettre en oeuvre. Cela suppose que la Banque fasse son travail, ni plus ni moins, afin que nous puissions être confiants que l'inflation va être faible, stable et prévisible. Cela suppose veiller à ce que le secteur financier fonctionne, à ce que les réformes soient appropriées et à ce qu'il n'y ait pas trop d'exigences de capitalisation. Et cela exige bien sûr également un degré de confiance dans le secteur privé à l'égard de l'économie mondiale, ce qui échappe malheureusement à notre contrôle. Mais, certes, notre devoir est d'informer les Canadiens de notre mieux en ce qui concerne l'évolution future de l'économie mondiale.
    Merci.
    Pour le dernier tour, la parole est à monsieur Mulcair. Allez-y, je vous prie.

[Français]

    Il nous reste très peu de temps. D'abord, merci beaucoup pour votre présentation pour la manière d'aborder les sujets. Cela aide beaucoup les gens qui nous écoutent, j'en suis convaincu.
    Parlons d'outils pédagogiques. Nous avons déjà eu l'occasion de regarder cela ensemble. Vous avez donné une excellente explication concernant les points de base, le coût des hypothèques et les coûts de financement des banques qui viennent d'augmenter, ce qui explique en partie les augmentations. Toutefois, dans une perspective historique par rapport aux taux à la Banque du Canada qui se situent à un niveau qui peut ressembler à celui d'aujourd'hui, les taux d'hypothèques sur cinq ans sont assez élevés en ce moment.
    Avez-vous un outil? Publiez-vous un comparatif historique pour étudier les tendances? Pouvez-vous le faire?

  (1730)  

    Oui, nous pouvons le faire et nous allons le faire si le comité nous le demande.
    Cela nous aiderait beaucoup.
    Parlons de la courbe de rendement.

[Traduction]

    La pente est plutôt abrupte. Cela étant, il y aura une différence plus extrême, historiquement, entre le taux du financement à un jour et le taux hypothécaire. D'autre part, le coût d'emprunt des institutions est légèrement supérieur en ce qui concerne l'écart que vous auriez historiquement.
    Mais votre question est fondamentale: comment les choses se comparent-elles aux extrêmes? La façon la plus simple de répondre à cette question est de fournir les renseignements que vous venez à l'instant de demander.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Mulcair.
    Merci beaucoup, monsieur Carney. Nous avons toujours aimé toutes vos visites ici au comité. Nous les trouvons très importantes et très instructives, et c'est donc avec plaisir que nous envisageons votre prochaine visite ici.
    Collègues, nous allons suspendre pendant quelques instants, après quoi nous reviendrons pour traiter à huis clos des travaux futurs du comité.
    Merci encore.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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