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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 035 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 16 novembre 2010

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    La séance est ouverte.
    Cette séance est la 35e du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Nous sommes aujourd'hui le mardi 16 novembre 2010.
    Vous avez devant vous l'ordre du jour pour aujourd'hui. Vous constaterez que nous poursuivons notre étude du projet de loi S-6, Loi modifiant le Code criminel et une autre loi, et visant principalement la disposition de la dernière chance.
    Juste un petit préavis pour les membres du comité: j'espère garder un peu de temps à la fin de la réunion pour que nous traitions de la motion de M. Dechert. Je pense qu'elle a été déposée en bonne et due forme, et il sera donc prêt à ce que l'on en discute à la fin de cette séance.
    Nous allons aujourd'hui entendre deux groupes de témoins relativement au projet de loi S-6, et le premier disposera d'une heure.
    J'aimerais souhaiter la bienvenue aux témoins. Accueillons, tout d'abord, M. Don Head, représentant le Service correctionnel du Canada. Heureux de vous revoir.
    Nous allons également entendre une représentante de la Commission nationale des libérations conditionnelles. Il s'agit de Marie-France Pelletier, qui en est la première vice-présidente. Bienvenue.
    Enfin, nous avons le Barreau du Québec, ici représenté par Gilles Trudeau. Bienvenue au comité.
    Chacun d'entre vous dispose de jusqu'à 10 minutes pour faire son exposé, après quoi nous passerons aux questions. Si vous bouclez plus rapidement, alors ce sera formidable. Plus nous disposons de temps pour les questions, mieux c'est.
    Pourquoi ne commencerions-nous pas par entendre M. Head.
    Merci, monsieur le président. Je vais en fait m'efforcer de vous livrer mes remarques en moins de 10 minutes.
    Bonjour à vous, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité. Je vous remercie de me donner aujourd'hui l'occasion de venir vous parler du projet de loi S-6, qui vise à éliminer ce que l'on appelle « la clause de la dernière chance ».
    Comme vous vous en souviendrez peut-être, j'ai comparu devant vous il y a un an pour discuter du projet de loi C-36, qui avait le même objectif, soit l'élimination de la possibilité d'une révision judiciaire anticipée pour les délinquants ayant commis les infractions les plus graves. Aujourd'hui, je vais, dans mon mot d'ouverture, vous parler de deux éléments importants, après quoi c'est avec plaisir que je répondrai aux questions que vous voudrez me poser.
    Tout d'abord, j'aimerais vous présenter quelques statistiques sur la population des délinquants purgeant une peine d'emprisonnement à perpétuité qui seraient touchés par les dispositions législatives proposées. Je vous donnerai ensuite un bref aperçu des processus auxquels prend part le Service correctionnel du Canada pour appuyer les tribunaux lorsqu'un délinquant demande une révision judiciaire.
    Pour ce qui est des chiffres, en date du 10 octobre 2010, on comptait 1 508 délinquants admissibles à la révision judiciaire, c'est-à-dire qui pouvaient demander que la date de leur admissibilité à la libération conditionnelle soit modifiée. Pour vous donner une perspective historique, depuis la première audience de révision judiciaire, en 1987, le tribunal a rendu 181 décisions. De ce nombre, 146 ont entraîné une réduction de la peine à purger avant d'être admissible à la libération conditionnelle, alors que 35 ont mené à un refus.
    Sur les 146 délinquants dont la date d'admissibilité à la libération conditionnelle a été devancée, 144 ont maintenant atteint la date révisée de leur admissibilité à la semi-liberté, et on a accordé la libération conditionnelle à 135 d'entre eux. Sur ces 135 délinquants, 68, soit environ la moitié d'entre eux, n'ont eu aucun problème alors qu'ils étaient sous surveillance, 35 ont vu leur libération conditionnelle suspendue, mais sans que cette suspension n'entraîne une révocation, et 23 ont vu leur libération conditionnelle révoquée. Sur les 135 libérés conditionnels, sept ont récidivé sans recourir à la violence et deux ont commis une nouvelle infraction avec violence. Sur les deux qui ont récidivé avec violence, un a été reconnu coupable de deux accusations de voies de fait avec recours à la force, alors que l'autre délinquant a été reconnu coupable d'une accusation de vol qualifié.
    Puisque nous parlons chiffres, j'aimerais ajouter que les modifications proposées à la Loi sur le transfèrement international des délinquants n'auraient que des répercussions mineures sur le processus de révision judiciaire. En effet, plus de 1 500 délinquants ont été rapatriés au Canada depuis que cette loi est entrée en vigueur, en 1978, mais sur ce nombre, seuls 28 délinquants purgeaient une peine d'emprisonnement à perpétuité. Par ailleurs, seulement neuf d'entre eux étaient condamnés pour meurtre au premier degré. Sur les 300 cas actifs de délinquants qui font actuellement l'objet d'un examen pour rapatriement possible au Canada, seulement sept concernent des délinquants purgeant « potentiellement » une peine de meurtre au premier degré. Je dis bien « potentiellement », car la détermination des parallèles légaux internationaux est un processus complexe, et chaque cas doit être examiné par des juristes afin de s'assurer que le délinquant reçoive une peine équivalente au Canada. Tout cela étant dit, nous nous attendons à ce que les nouvelles dispositions législatives n'aient que des répercussions négligeables au Canada, puisque, d'ordinaire, les autres administrations sont extrêmement réticentes lorsque vient le temps d'accepter un transfèrement international dans un cas que nous considérons comme un meurtre au premier degré.
    Pour ce qui est de la façon dont le Service correctionnel du Canada appuie le processus de révision judiciaire, il convient de préciser que celui-ci est gouverné par la « Directive du commissaire 710-5: Révision judiciaire ». Douze mois avant la date d'admissibilité du délinquant à la révision judiciaire, l'agent de libération conditionnelle en établissement — ou l'intervenant de première ligne dans le cas d'une délinquante — doit demander au délinquant s'il a l'intention de présenter une demande. Il doit également aviser le délinquant qu'il a la responsabilité de faire appel à un avocat-conseil.
    De plus, notre personnel doit collaborer avec le délinquant afin de l'aider à être transféré dans la région administrative où se déroulera l'audience, si le délinquant en fait la demande. Sinon, la participation à une audience de révision judiciaire peut se faire à l'aide d'une permission de sortir avec escorte. Notre personnel doit aussi aider le délinquant à présenter une demande d'accès à l'information pour accéder à son dossier afin d'en permettre la consultation par son avocat-conseil. Enfin, l'agent de libération conditionnelle ou l'intervenant de première ligne doit veiller à ce qu'une évaluation psychiatrique et (ou) psychologique, ainsi qu'un rapport aux fins de la révision judiciaire, soient effectués dans les 12 mois précédant la demande.

  (1535)  

    Ce rapport est conçu de la même manière que celui qui sert à déterminer l'admissibilité à la libération conditionnelle. Six aspects y sont traités: les antécédents sociaux, familiaux et criminels du délinquant; les dates importantes dans la gestion de sa peine; le résumé des transfèrements et des mesures disciplinaires, s'il y a lieu; le résumé du rendement et de la conduite du délinquant; les évaluations faites par un psychiatre, un psychologue ou un aîné; et, enfin, le perfectionnement personnel du délinquant.
    Comme vous pouvez le constater, le SCC apporte une contribution inestimable au processus visant à déterminer si un délinquant est un candidat acceptable pour l'obtention de la libération conditionnelle, que ce soit dans le cadre du processus de révision judiciaire, qui est l'objet du projet de loi, ou dans le cadre du processus normal de mise en liberté.
    Comme toujours, la sécurité publique est notre plus grande préoccupation. Les délinquants dont nous nous occupons proviennent tous d'une collectivité canadienne, et la plupart y retourneront un jour. Le Service correctionnel du Canada a le devoir de gérer leur peine à partir du moment où ils arrivent dans l'un de nos établissements, ce qui englobe la période d'incarcération aussi bien que la mise en liberté dans la collectivité, et nous appliquons notre devoir en mettant toujours la priorité sur l'obtention de bons résultats correctionnels au profit du Canada et des Canadiens.
    Monsieur le président, membres du comité, je vous remercie du temps que vous m'avez accordé, et j'envisage avec plaisir de répondre aux questions que vous voudrez me poser.
    Merci.
    Je donne maintenant la parole à Mme Pelletier.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président. J'aimerais remercier les membres du comité de me donner l'occasion de comparaître devant vous dans le cadre de votre étude du projet de loi S-6, Loi modifiant le Code criminel et une autre loi.
    J'aimerais d'abord vous dire un peu qui nous sommes, à la Commission nationale des libérations conditionnelles. La commission fait partie du portefeuille fédéral de la sécurité publique, qui rend compte au Parlement par l'entremise du ministre de la Sécurité publique. Elle est un tribunal administratif indépendant. La commission est chargée de rendre des décisions judicieuses en matière de mise en liberté sous condition à l'égard des délinquants qui purgent des peines de ressort fédéral de deux ans ou plus.

[Traduction]

    Nous rendons aussi des décisions en matière de mise en liberté sous condition à l'égard des délinquants sous responsabilité provinciale qui purgent des peines de moins de deux ans dans les provinces qui n'ont pas leur propre commission des libérations conditionnelles. La commission rend également des décisions relatives aux pardons et formule des recommandations en matière de clémence.
    La commission compte 45 commissaires à temps plein lorsque son effectif est complet. Pour assurer le traitement des cas conformément aux dispositions prévues par la loi, la commission peut aussi faire appel à environ 45 commissaires à temps partiel.
    La commission est principalement régie par la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. La LSCMLC détermine les principes qui guident la commission dans la prise de décisions relatives à la mise en liberté sous condition, notamment que la protection de la société est le critère déterminant dans tous les cas, et que le règlement des cas doit, compte tenu de la protection de la société, être le moins restrictif possible.

  (1540)  

[Français]

    La commission doit déterminer tout d'abord si une récidive du délinquant avant l'expiration légale de la peine qu'il purge présenterait un risque inacceptable pour la société. Elle doit aussi déterminer si la libération du délinquant contribuerait à la protection de la société, en facilitant sa réinsertion sociale en tant que citoyen respectueux des lois.
    Toutes les décisions sont fondées sur une analyse approfondie des cas et sur une évaluation complète du risque fondée sur tous les renseignements pertinents disponibles qui lui sont fournis par la police, les tribunaux, les intervenants correctionnels, les experts de la santé mentale, les victimes d'actes criminels et d'autres intervenants.

[Traduction]

    Pour ce qui est de la clause de la dernière chance, comme nous l'avons précisé à un comité du Sénat en juin dernier, la commission ne joue aucun rôle dans le processus de révision judiciaire en tant que tel.
    Lorsque la révision judiciaire du délinquant est acceptée, l'incidence de la révision judiciaire sur la commission est minime, en ce sens qu'une décision positive donne lieu à une modification des dates d'admissibilité à la libération conditionnelle. Comme vous le savez, le délinquant n'est pas automatiquement mis en liberté conditionnelle. Il doit tout de même participer à une audience de libération conditionnelle ou faire l'objet d'une révision.
    Les commissaires font une évaluation complète du risque à l'aide de tous les renseignements pertinents disponibles, comme ils le feraient pour tout autre cas de libération conditionnelle. Lorsque la commission octroie la libération conditionnelle, le délinquant est toujours assujetti à la peine originale qui lui a été imposée par le tribunal. Il doit aussi respecter les conditions habituelles de libération conditionnelle et, dans certains cas, des conditions spéciales.
    Les délinquants condamnés à une peine d'emprisonnement à perpétuité qui se voient accorder une libération conditionnelle demeurent sous la surveillance du Service correctionnel du Canada pendant toute leur vie. En outre, leur liberté peut être révoquée et ils peuvent être réincarcérés s'ils enfreignent l'une de leurs conditions de libération conditionnelle.

[Français]

    Les cas de révision judiciaire sont traités avec la même rigueur que tous les autres cas. Chaque cas est évalué sur ses propres mérites par des commissaires indépendants qui reçoivent une formation intensive sur les exigences de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et sur la prise de décision fondée sur l'évaluation du risque.
    Je vous remercie encore d'avoir invité la Commission nationale des libérations conditionnelles et je serai heureuse de répondre à vos questions.

[Traduction]

    Merci.
    Nous passons maintenant à M. Trudeau.

[Français]

    Bonjour, monsieur le président et chers députés. Permettez-moi d'abord d'expliquer certaines règles de fonctionnement du Barreau du Québec et de vous dire comment le Barreau du Québec arrive à établir ses politiques ou ses prises de position.
    Je suis accompagné aujourd'hui de Me Nicole Dufour et de notre stagiaire, François. Je serai le porte-parole du Barreau du Québec.
    La prise de position que je vais vous livrer aujourd'hui est le fruit d'une consultation d'un comité permanent en matière de droit criminel au Barreau du Québec. Au sein de ce comité siègent des membres du corps professoral, des poursuivants, tant fédéraux que provinciaux, et des avocats de la défense. Le Barreau du Québec ne prendra aucune position sans que son comité en matière de droit criminel en vienne à un consensus. Alors, le sens des observations que je vais vous livrer fait consensus au Québec parmi les professeurs, les procureurs de la Couronne et les avocats de la défense, ce qui, à notre avis, donne toute la valeur à l'intervention du barreau.
    Nous avions l'impression que la documentation fournie au Sénat allait vous être transmise; nous avons appris que cela n'a pas été le cas, alors nous allons faire parvenir à la greffière de votre comité la position écrite du bâtonnier du Québec.
    Évidemment, c'est une résurgence d'un projet de loi. Le Barreau du Québec avait pris position lors du dépôt du projet de loi C-36, maintenant appelé S-6. Devant l'importance des modifications, nous voulons vous informer de nos observations.
    Le projet de loi S-6 vise à modifier les règles prévues aux articles 745.6 et suivants du Code criminel. Si les modifications proposées sont adoptées, le projet de loi connu, pour nous, sous le nom de « clause de la dernière chance » sera aboli pour les meurtres commis après l'entrée en vigueur de cette loi et pour les individus qui purgent des sentences. Je vais résumer cela comme suit: le législateur, de propos délibéré, complique la demande, ampute la discrétion judiciaire et, en plus, fait usage d'artifices de procédure pour introduire un délai de 90 jours mandatoire pour déposer la demande.
    Nous nous permettons de vous rappeler quelles étaient les intentions du législateur lorsqu'il a adopté l'article 745.6. Cette disposition fait suite à l'abolition de la peine de mort en 1976. La peine, pour la personne déclarée coupable de meurtre au premier degré, devenait désormais la prison à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant d'avoir purgé 25 ans. À l'époque, ce délai d'inadmissibilité à la libération conditionnelle était qualifié de compromis nécessaire à l'abolition de la peine de mort. La clause de la dernière chance a alors été instaurée afin de donner une lueur d'espoir importante à la personne condamnée, pour laisser un stimulant lorsqu'une sanction aussi rigoureuse est imposée pour les crimes les plus graves. En effet, elle permet à la personne reconnue coupable d'obtenir une libération conditionnelle avant d'avoir purgé 25 ans de sa peine d'emprisonnement à perpétuité, si elle fait preuve d'une bonne capacité de réinsertion sociale et si elle fait preuve d'un bon comportement en milieu de détention; j'ajouterai un comportement exemplaire.
    Devant la possibilité d'une rémission pouvant aller jusqu'à 10 ans de sa peine, le détenu est encouragé à s'amender et à adopter un comportement de nature à favoriser le succès de sa demande de réduction de délai préalable à la libération conditionnelle. Le désespoir causé par l'infliction de la peine d'emprisonnement à perpétuité est ainsi mieux maîtrisé par le délinquant, en raison de la possibilité réaliste qui s'offre à lui de réintégrer la société avant la fin de ses jours.
    Considérant que l'objectif de l'article 745.6 est de donner une lueur d'espoir à la personne reconnue coupable de meurtre, pour l'encourager à changer pour le mieux, le Barreau du Québec s'interroge sur ce qui motive le gouvernement à nier la valeur de cet objectif. Le Barreau du Québec s'est déjà prononcé sur un projet de loi visant les mêmes fins, soit le projet de loi C-45 présenté en 1994. Il avait alors été déclaré contre les modifications proposées à l'article.

  (1545)  

    Déjà, de l'avis du barreau, le processus prévu à l'article 745.6 fonctionnait parfaitement et ne requérait aucune modification législative. Nous considérons qu'il est toujours du même avis et que les chiffres révélés par M. Don Head nous prouvent de façon très évidente que le système fonctionne pour les gens qui sont incarcérés pour un crime grave. Il fonctionne puisque, sur les 4 000 personnes, et plus, détenues pour des sentences, finalement, seules les plus méritoires auront pu passer l'examen, un examen fait par un juge, d'abord, et ensuite par un jury. Le jury est important ici; c'est le jury de la communauté où a eu lieu le délit et c'est à lui qu'on confie la déclaration de culpabilité. Il a le pouvoir, au nom de la communauté, de permettre à l'individu de s'adresser à Mme Pelletier dans le but que des audiences soient tenues afin qu'il soit éventuellement remis en liberté.
    Le projet de loi change le fardeau préliminaire que le juge aura à considérer, pour y introduire la notion de probabilité marquée, alors que présentement, le fardeau est moindre. Cela nous semble une façon de complexifier encore la façon de mettre en oeuvre ces recours pour une personne qui, malgré toute la bonne foi du Service correctionnel, est une personne détenue qui aura à faire des demandes pour obtenir ses dossiers et à composer avec délais et la difficulté d'obtenir les pièces complètes.
    À cet effet, je sais que le comité a entendu le témoignage fort éloquent de Kim Pate, qui vous a raconté les méandres qu'elle a dû traverser dans le but d'aider quelques femmes à présenter leurs demandes.
    Dans l'affaire Vaillancourt c. Solliciteur général du Canada, la Cour suprême de l'Ontario a statué que le processus actuel de révision établit un juste milieu entre la nécessité de faire preuve de clémence à l'égard du condamné qui affiche une bonne conduite durant l'exécution de sa peine, ce qui peut contribuer à sa réinsertion sociale, et les intérêts de la communauté qui exige qu'on condamne l'acte ayant mené à l'incarcération du délinquant.
    À ce sujet, nous désirons porter à votre attention les statistiques. Le bâtonnier donnait des statistiques de 2009; nous avons eu le bénéfice d'avoir des statistiques à jour. Je considère également que ces statistiques sont très probantes.
    Le barreau s'inquiète également du fait que ce projet de loi aura pour effet, s'il est adopté, de restreindre la discrétion judiciaire. Le Code criminel ne définit que des lignes directrices générales applicables à la demande et, d'après la disposition du Code, le jury doit rendre une décision en se fondant sur le caractère du requérant, sa conduite durant l'exécution de sa peine, la nature de l'infraction et tout ce qu'il estime utile dans les circonstances. Il s'agit là d'un pouvoir discrétionnaire accordé au jury. Aussi, en cas de refus, le délai minimal avant de pouvoir présenter une nouvelle demande serait désormais fixé à cinq ans; il est présentement de deux ans. Il s'agit d'une autre limite à la discrétion judiciaire. Le juge est la personne la mieux placée pour déterminer quand une nouvelle demande peut être déposée. Il serait donc préférable de lui laisser la discrétion de fixer à cinq ans le délai de présentation, tout en respectant un minimum de deux ans, plutôt que de fixer un délai minimum obligatoire de cinq ans.
    Le Barreau du Québec est également préoccupé par l'introduction d'un délai de rigueur de 90 jours alors que, dans beaucoup de situations, la personne devra introduire sa demande de révision judiciaire auprès du juge en chef de la province dans laquelle a eu lieu le crime, ce qui est souvent un lieu différent du lieu de détention. Ce n'est donc pas une chose simple. C'est tellement compliqué, en fait, qu'il y a eu une entente entre le fédéral et les provinces pour faire en sorte que les régimes d'aide juridique acceptent de payer un avocat dans chaque province. On doit voir au transfert du dossier et, dans certains cas, voir à ce que la traduction des pièces et des documents soit faite. Si pour nous, juristes, la question est claire, elle est peut-être moins clair pour des gens qui ne sont pas des juristes, malgré toute la bonne foi du Service correctionnel et des accusés. Au Québec, nous avons un formulaire d'environ quatre pages à remplir pour pouvoir introduire une demande, qui est scrutée par le juge de la Cour supérieure.

  (1550)  

    Au nom du Barreau du Québec, je pense que si la volonté du gouvernement est de modifier une loi pour renforcer la sévérité des peines d'emprisonnement, ce n'est sûrement pas une volonté dictée par une étude criminologique de victimes. Nous ne voyons pas en quoi ce projet de loi peut venir en aide aux victimes, bien au contraire. Nous croyons que dans le Code criminel, tel qu'il est libellé présentement, l'ensemble de l'information nécessaire pour sécuriser les victimes et leur expliquer le processus judiciaire est incluse, nommément l'article 745.01 qui impose au juge de faire la lecture du prononcé de la sentence et, dès la déclaration de la peine, de mentionner à toute la communauté que l'individu, bien qu'il soit condamné à la prison à perpétuité, pourra demander, dans certains cas et après l'expiration d'un certain délai, à un jury de pouvoir obtenir la possibilité de présenter une demande de libération conditionnelle anticipée.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Merci.
    Nous passons maintenant aux questions.
    Madame Jennings, vous avez sept minutes.

[Français]

    Je remercie les trois témoins de leurs présentations. J'ai quelques questions à poser.
    Monsieur Head, si je ne me trompe pas, vous vous êtes présenté comme témoin devant ce comité lorsque le projet de loi a été étudié lors d'une session parlementaire précédente. Au moment de la présentation que vous avez faite dans le cadre de cette autre étude, est-ce que les chiffres étaient les mêmes que ceux que vous avez donnés aujourd'hui?

[Traduction]

    Les chiffres ont changé légèrement, mais c'est simplement là le fait d'une évolution au niveau de la population sur un an.

[Français]

    Dans les informations que vous nous avez fournies aujourd'hui, il n'y a rien de nouveau, il n'y a pas un item nouveau, par exemple la possibilité de dire que certains ont commis des actes violents ou non violents, la nature de ces actes violents, etc. Vous avez pu fournir cette information il y a un peu plus d'un an, quand vous vous êtes présenté devant le comité.

  (1555)  

    C'est exact.
     Je ne sais pas si vous avez pris connaissance du témoignage de Mme Kim Pate au sujet de la complexité et de la difficulté de préparer une demande de révision devant la cour, une demande de dernière chance. Elle a dit que le Service correctionnel fournit une aide, mais que, récemment, le temps requis pour remplir et compléter le dossier pour fournir les documents avec la demande est beaucoup plus long qu'autrefois. Elle a vraiment peur des conséquences si le gouvernement n'accepte pas, par exemple, de prolonger le délai de 90 jours ou de permettre que le juge ait un pouvoir discrétionnaire de prolonger le délai dans le cas où le détenu n'a pas réussi à aller chercher tous les documents requis.
    Croyez-vous, selon votre expérience, que le processus n'est pas facile? Vous dites que vous commencez à donner l'aide seulement 12 mois avant la date. J'aimerais donc savoir ce que vous avez comme information sur le temps que cela prend, sur la complexité, et que vous nous disiez s'il y a eu un changement, dernièrement, quant au temps que cela peut prendre.

[Traduction]

    Merci de la question.
    Nous entamons le processus de discussion avec le contrevenant 12 mois avant la date d'admissibilité. C'est alors que nos l'engageons dans une discussion pour déterminer s'il compte faire une demande pour cette première étape dans le processus de sélection. Et s'il nous fait savoir que c'est ce qu'il compte faire, alors, comme je l'ai mentionné, nous lui conseillons de se chercher un avocat. Nous lui conseillons de faire une demande en bonne et due forme, en vertu de l'accès à l'information, pour obtenir l'information contenue dans son dossier. Nous entamons alors la rédaction d'un rapport sommaire aux fins de révision judiciaire, dont la préparation demande environ six à huit semaines à un agent de libération conditionnelle.
    Cela serait fait pendant cette période de 12 mois. Ainsi donc, si ,12 mois avant la date d'admissibilité, le contrevenant fait savoir qu'il ou elle va faire une demande, nos agents de libération conditionnelle entameront le processus de compilation d'information et de préparation des rapports.
    L'une des choses que nous faisons, afin de nous assurer qu'il n'y ait aucun parti pris dans les rapports ainsi rédigés, est de demander à un agent de libération conditionnelle qui n'a pas travaillé directement avec le contrevenant concerné de s'occuper de la préparation du rapport de révision judiciaire.
    Monsieur Head, on nous a dit que 90 jours pour préparer une demande est tout simplement inimaginable. Même une année peut, dans certains cas, ne pas suffire, et ce, pour quantité de raisons, dont, par exemple, le temps qu'il faut pour obtenir des conseils juridiques ou la période d'attente pour que les détenus obtiennent accès à leurs dossiers. Dans certains cas, les dossiers des détenus sont sous clé ailleurs, et les détenus doivent, chaque fois qu'ils veulent accéder à leurs propres dossiers, passer par tout un processus. On nous a rapporté que, même lorsqu'un avocat-conseil est trouvé ou est mis à la disposition d'une personne, l'obtention de documents par le biais du mécanisme d'accès à l'information...
    Le Barreau du Québec vient tout juste de nous dire que, dans bien des cas, ou en tout cas dans un nombre appréciable de cas, ces documents doivent être traduits, et ce n'est pas n'importe qui qui peut les traduire, car les traductions et leurs auteurs doivent être certifiés, afin que les tribunaux les acceptent comme étant clairement à la hauteur.
    Ma question pour vous, donc, étant donné que vous êtes partie à part entière au processus d'accompagnement du détenu, est celle de savoir si 90 jours suffisent.
    Peut-être que pour clarifier...
    Pourriez-vous répondre par oui ou par non?
    Je regrette, mais il me faut ajouter un éclaircissement, car notre interprétation de la fenêtre des 90 jours est que la période prévue pour faire la demande n'est pas forcément la période de temps requise pour effectuer tout le travail de préparation du cas. C'est ce que nous avons été amenés à croire en ce qui concerne le libellé du projet de loi.

  (1600)  

    Vraiment? Eh bien, monsieur Head, il n'est pas explicité dans le projet de loi que les 90 jours visent simplement le dépôt d'un formulaire, et que les documents à l'appui de la demande peuvent suivre. À moins, donc, que le ministre ne soit en faveur d'un amendement établissant clairement cela, alors ce que vous êtes en train de me dire est que 90 jours ne suffisent pas.
    Si le contrevenant indique, une année complète à l'avance, qu'il compte faire une demande, alors, en temps normal, cela laisse suffisamment de temps pour faire ce genre de travail. Il est tout à fait incontestable, madame Jennings, que, dans le cas d'une personne qui est incarcérée dans un pénitencier depuis 15 ans, ce ne sont pas tous les dossiers qui seront facilement accessibles, et parfois il nous faut retourner les chercher. Mais, encore une fois, c'est ce pour quoi il est d'autant plus important que nous engagions les contrevenants pour leur faire savoir que, plus tôt ils nous font savoir qu'ils vont faire une demande, plus tôt ils pourront faire appel à un conseiller juridique et plus tôt ils pourront faire des demandes pour obtenir l'information requise. Mais s'ils attendent d'en être à un mois de leur date d'admissibilité à la libération conditionnelle, alors il n'y aura manifestement pas assez de temps à l'intérieur de cette fenêtre.
    Merci.
    Le temps dont je disposais est-il écoulé?
    Oui.
    La parole est maintenant à M. Lemay.

[Français]

    Je vais poser seulement une question, monsieur le président, parce que je n'aurai peut-être pas le temps de revenir. Je vais ensuite laisser à mon collègue le soin de continuer.
    Monsieur Head, j'ai besoin d'un chiffre; il nous en manque un, dans les merveilleux documents que vous nous avez fait parvenir. Combien, en date du 10 octobre 2010, y avait-il de prisonniers à perpétuité au Canada?

[Traduction]

    Le nombre total de personnes purgeant une peine d'incarcération à vie était de 4 774.

[Français]

    Attendez un peu.
    Il y en avait 4 474.
    Vous dites qu'il y en avait 4 474?
    Pardonnez-moi, il y en avait 4 774.
    D'accord, merci.
    Suite à la question que Mme Jennings a posée, vous avez dit que, normalement, il y aurait suffisamment de temps. Mais n'y a-t-il pas des cas exceptionnels, particulièrement des étrangers ou des Autochtones?

[Traduction]

    Comme vous l'aurez deviné, monsieur Ménard, il existe toujours des cas exceptionnels, mais la grande majorité... Encore une fois, afin que nous puissions nous acquitter de nos fonctions et de nos obligations, la clé est que, plus tôt le contrevenant annonce ses intentions par rapport à la borne des 12 mois, plus le processus sera aisé. Il va sans dire qu'il y aura de temps à autre un dossier qui sera complexe, pour quelque raison, comme par exemple un transfèrement international ou autre chose, comme dans les exemples que vous avez utilisés.

[Français]

    Alors, pour rendre le processus plus équitable, il serait peut-être bon que le juge ait un pouvoir discrétionnaire pour juger si effectivement il y a eu négligence, lorsqu'on ne peut pas respecter les délais et, donc, à ce moment-là, refuser une extension, mais pour accorder une prolongation dans les cas où les difficultés sont indépendantes de la volonté de la personne.
    C'est une possibilité.

[Traduction]

    L'une des choses que nous pouvons faire sur le plan administratif est d'entamer notre engagement auprès du contrevenant deux années à l'avance, en la présence de motifs suffisants. Sur le plan administratif, nous pourrions lancer cet engagement auprès du contrevenant encore plus tôt. La borne d'un an est un marqueur que nous avons adopté en tant que politique au sein de l'organisation. Il en est ainsi depuis de nombreuses années. Nous pourrions rajuster, au niveau de l'administration, le moment où nous commençons à engager le contrevenant et à l'amener à réfléchir à ce processus.

[Français]

    Monsieur le bâtonnier, vous nous avez exposé très clairement l'expertise des membres qui constituaient votre comité de droit pénal. Vous nous avez dit que cela représentait donc un consensus. Vous avez parlé aussi du bilan de ces dispositions.
    Votre comité avait-il la possibilité de trouver une opinion bien appuyée à l'effet que le bilan était négatif?
    D'abord, je ne suis pas le bâtonnier, pas encore.

  (1605)  

    Je m'excuse.
    Je suis le représentant du bâtonnier du Québec. À ma connaissance, le comité permanent de droit criminel du Barreau du Québec n'a pas pu recenser une seule étude démontrant que le régime sous examen n'était pas satisfaisant ou éprouvait des difficultés.
    Je vous ai parlé des conditions pour déposer une demande. Selon ce que je comprends du Service correctionnel, l'individu n'a qu'à présenter une demande dans les 90 jours, accompagnée des documents. Ce n'est pas ce que disent les règles de procédure du Québec concernant la réduction du délai préalable à la libération conditionnelle. La demande y est définie et c'est un règlement de 18 articles, avec deux annexes, dans lequel on doit prévoir un certain nombre de documents et faire remplir des affidavits. Je ne pense pas pouvoir me présenter à la Cour supérieure à Montréal et dire simplement que je représente M. Untel, condamné il y a 15 ans, et que je veux me prévaloir de ma demande parce que je respecte le délai de 90 jours, et dire que je fournirai le reste. J'ai plutôt l'impression que le bon greffier va me remettre mon acte de procédure et me dire de compléter mon document et, lorsque les documents seront là, il en saisira le juge en chef.
    C'est donc une autre raison pour laquelle il serait bon que le délai soit plus long et que les juges aient un pouvoir discrétionnaire.
    Absolument. Nous ne comprenons pas que la procédure emporte la question de fond, ici. La question de fond est de présenter une demande qui puisse être examinée par un juge. Le Barreau du Québec est conscient des efforts que fait le Service correctionnel, surtout au Québec. En général, cela peut quand même, dans plusieurs cas, bien fonctionner, mais je pense qu'on doit ici protéger le plus faible. Donc, qu'il n'y ait pas de délai ou d'échappatoire pour permettre à un demandeur hors délai de fournir une preuve justificative de son incapacité d'agir nous semble incompréhensible et injuste.
    Madame Pelletier, la décision ultime revient à votre commission de remettre en liberté partielle, en liberté surveillée, les détenus. Vous dites que les personnes qui doivent prendre cette décision sont indépendantes.
    Pouvez-vous nous parler de la formation de ces personnes et de leurs compétences?
    Certainement. Les personnes qui sont appelées à devenir commissaires ou membres de la commission proviennent de différents milieu, au départ. C'est d'ailleurs la loi qui le prévoit. La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition nous dit que la commission doit être représentative de la communauté. C'est la raison pour laquelle les membres de la commission proviennent de milieux diversifiés. C'est pour cette raison que, lorsqu'ils deviennent membres de la commission, nous avons un processus de formation très rigoureux pour mettre à niveau, si vous voulez, les connaissances des gens qui proviennent des différentes professions. On peut avoir des avocats, des policiers, des enseignantes, des infirmières, des gens du secteur privé, etc. Donc, comme je vous le disais, on a un programme de formation très rigoureux. Au départ, les nouveaux commissaires obtiennent une formation à l'échelle nationale et à l'échelle régionale. Ils ont au moins cinq semaines de formation, plus de la formation sur le terrain, si vous voulez, dans les régions. De plus, la formation ne se limite pas à cette formation initiale. Nous offrons une formation continue à tous les ans, encore une fois en région et au niveau national, à nos commissaires.
    Je voudrais savoir...

[Traduction]

    Merci.
    Nous allons maintenant passer à M. Comartin, qui dispose de sept minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci aux témoins d'être des nôtres ici.
    Monsieur Head, lors de leur comparution devant nous, certains des fonctionnaires du ministère de la Justice nous ont donné des chiffres sur ce que j'appelle les demandes d'examen provisoire, les demandes initiales qui sont rejetées. D'après les chiffres qu'ils nous ont donnés — pour la période se terminant le 25 avril de cette année —, il y aurait eu 276 demandes, incluant les 181 décisions du tribunal.
    Ces chiffres sont-ils justes?

  (1610)  

    Oui.
    Lorsque l'année butoir pour l'intéressé approche, avant que le détenu ne soit admissible à une première demande et qu'il décide de ne pas en faire une, y a-t-il envoi d'un avis à quelqu'un? Je songe plus particulièrement aux familles des victimes du meurtre commis par l'intéressé.
    Non.
    Y a-t-il en place une politique voulant que de tels avis ne soient pas donnés?
    Non. C'est quelque chose que nous sommes en train d'examiner parallèlement à certains des autres changements législatifs proposés relativement à l'information fournie aux victimes.
    Cela exigerait-il un changement législatif, ou bien pourriez-vous tout simplement procéder par voie d'adoption de politique ou de règlement?
    Je pense que cela exigerait un changement législatif, mais il me faudra vous revenir là-dessus.
    Qui est en train de se pencher sur ce genre de changement?
    Ce travail est en train d'être fait au sein de notre ministère.
    C'est-à-dire au sein du Service correctionnel, et non pas au sein du ministère de la Justice?
    Au sein de Sécurité publique Canada.
    Avez-vous une idée du temps qu'il vous faudra encore avant d'en arriver à une conclusion quant à savoir si vous irez de l'avant avec de tels changements législatifs?
    Cela est en partie lié au projet de loi C-39. Ce projet de loi renferme des changements en ce qui concerne l'information fournie aux victimes.
    En ce qui concerne les détenus qui sont déboutés à l'étape de la demande d'examen provisoire, tenez-vous des statistiques quant au nombre qui se font refuser pour la période complète de 10 ans — c'est-à-dire, qui ne pourront déposer une demande qu'une fois les 25 années purgées — et au nombre qui voient leur peine écourtée?
    Nous avons un tableau dans lequel sont inscrits les détenus dont nous savons qu'ils ont obtenu une réduction de leur peine. La plupart semblent avoir obtenu des réductions d'un an. Plusieurs ont obtenu des réductions de cinq ans, mais en ce qui concerne ceux dans le cas desquels... non, nous ne recueillons pas de telles données.
    Excusez-moi, mais avez-vous dit que le nombre correspondait à des réductions d'un an...? Je ne comprends pas le terme « réduction ».
    Mes excuses. Il s'agit des détenus qui ont vu leur période d'admissibilité à la libération conditionnelle ramenée de 25 à 24 ans, ou de 18 à 17 ans. Voilà ce que j'ai voulu dire lorsque j'ai parlé de réduction — après l'étape du jury, la phase deux.
    Excusez-moi, mais ma question ne concernait pas l'étape du jury. Je vous interrogeais au sujet de l'étape provisoire.
    En ce qui concerne la phase un, non, nous ne recueillons pas ces données.
    Savez-vous si les familles des victimes sont avisées lorsque la demande d'examen provisoire est rejetée?
    Encore une fois, les...
    M. Joe Comartin: Ce n'est pas quelque chose...
    M. Don Head: Nous ne faisons pas cela de manière routinière, non.
    Je ne suis pas certain que les choses soient bien claires dans mon esprit, après avoir entendu et votre déclaration et votre réponse à Mme Jennings: si une personne vous dit, avant le délai d'un an à partir duquel elle pourrait faire une demande de libération conditionnelle anticipée, qu'elle ne compte pas en faire, commencez-vous de toute manière à préparer cette documentation?
    M. Don Head: Non.
    M. Joe Comartin: Bien. Que se passe-t-il alors? Lui faut-il alors venir vous voir ultérieurement — utilisons la période standard de 15 ans? Lui faut-il alors venir vous voir et vous dire qu'elle souhaite alors présenter une demande?
    Il y a deux possibilités. L'une est que le détenu nous aborde ultérieurement, ou alors, tout comme dans le cadre de l'interaction habituelle qui se fait avec le contrevenant dans le contexte de la gestion de cas, l'agent de libération conditionnelle, un ou deux ans plus tard, engagera de nouveau le contrevenant et lui demandera s'il serait désireux de poursuivre le processus.
    Faites-vous cela de manière continue, à chaque année environ par la suite?
    Oui, mais pas forcément du fait d'une politique.
    C'est tout simplement la pratique.
    C'est exact.
    En ce qui concerne les chiffres concernant des détenus qui nous arrivent du fait de transfèrements internationaux, il n'y en a eu que 28 en tout depuis 1978, est-ce bien cela?
    Oui.
    Vous faites une distinction, soulignant que certains cas sont compliqués, en ce sens que nous ne savons pas si le crime commis se classerait dans la catégorie meurtre au premier degré ici au Canada, selon la classification établie dans le pays étranger concerné. Qui détermine si le crime s'inscrit en définitive dans cette catégorie?
    Ce qui se passe, en règle générale, lorsque nous sommes face à de tels cas est que le personnel de l'administration des peines et notre équipe juridique oeuvrent ensemble pour déterminer s'il y a une peine parallèle.
    Dans le cas des 28 délinquants qui sont arrivés de l'étranger, savez-vous quelle peine ils ont purgée à l'étranger avant leur transfèrement?
    Non, je n'ai pas ces renseignements sous la main.
    Savez-vous si vous conservez de telles informations?
    Il nous faudrait aller vérifier manuellement les dossiers individuels. Ces données ne sont pas versées dans un champ automatisé que nous pourrions aisément interroger.
    Combien de temps cela demanderait-il?
    Peut-être un mois.

  (1615)  

    Je demanderais que vous fassiez ce travail et que vous en livriez le résultat à la greffière du comité, afin qu'elle puisse nous le fournir.
    Madame Pelletier, vous soulignez, en réponse à une question qu'on vous a posée au comité sénatorial, que la décision en matière de révision judiciaire... quel était le terme? L'utilisation que vous en faites est minime. Pourriez-vous nous dire jusqu'à quel point? Pourquoi cela ne pèserait-il pas lourd dans votre esprit, étant donné qu'un juge et qu'un jury auront tous les deux examiné la situation?
    C'est exact. Ce qui se passe, en gros, si ces informations concernant le processus de révision judiciaire sont mises à la disposition des membres de la commission, est que ces derniers les examinent à côté de tous les autres renseignements au dossier.
    Permettez-moi de vous interrompre, car je sais que nous ne disposons pas de beaucoup de temps. Voyez-vous la totalité de la documentation soumise aux fins de la révision judiciaire?
    Pas forcément. Dans certains cas, cette information aura été fournie, et dans d'autres pas.
    Pour quelles raisons certaines informations ne seraient-elles pas fournies?
    C'est l'information que nous aura fournie le Service correctionnel que verront les commissaires.
    Vous n'avez pas le droit de demander à voir ces autres informations?
    Nous le pouvons.
    Mais vous ne le faites pas toujours.
    Pas toujours, c'est exact. Pour que les choses soient bien claires, lorsque ces informations sont à la disposition des commissaires, ceux-ci en tiennent bien sûr compte, à côté des autres renseignements, obtenus auprès de diverses sources, et qui sont au dossier.
    Merci.
    La parole est maintenant à M. Rathgeber, pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins de leur présence ici et de leurs témoignages.
    Monsieur Head, j'aurais, pour commencer, une question quelque peu technique. Vous avez dit au sujet des 135 délinquants que 68 n'ont eu aucun problème, que 35 ont été libérés avec réduction du délai préalable à la libération conditionnelle, que 35 ont vu leur libération conditionnelle suspendue, mais sans que cette suspension n'entraîne une révocation, et que 23 ont vu leur libération conditionnelle révoquée. Les termes « révocation » et « suspension » ont-ils, dans le projet de loi, le même sens et la même application pratique que dans le langage de tous les jours?
    Notre personnel peut suspendre une libération conditionnelle s'il estime qu'il y aurait une raison légitime de le faire, c'est-à-dire s'il croit que le délinquant ne respecte pas ses conditions de libération. Puis, il doit être décidé, dans un intervalle de 30 jours, si la suspension doit être maintenue, auquel cas cela est suivi d'un examen par la Commission des libérations conditionnelles en vue d'une révocation, et, en cas de révocation, la commission annulerait la libération conditionnelle et le contrevenant réintégrerait la pénitencier.
    Le contrevenant serait donc réincarcéré si sa libération conditionnelle est suspendue...
    Oui.
    Ce qui arrive normalement, lorsqu'une personne voit sa libération conditionnelle suspendue, est qu'elle réintègre un établissement fédéral ou un établissement provincial, selon l'endroit où elle se trouve, en attendant que l'évaluation soit faite. S'il y a révocation, le délinquant réintègre alors le pénitencier fédéral.
    Et il purge évidemment une peine d'emprisonnement à perpétuité. Si donc la libération conditionnelle anticipée d'un contrevenant est révoquée, quand peut-il en faire une nouvelle demande, si même il le peut? La personne qui a vu sa libération conditionnelle anticipée révoquée en vertu du processus que vient de décrire M. Head, peut-elle... elle est condamnée à perpétuité...? Lui est-il interdit à jamais de faire une nouvelle demande?
    Non. Elle peut à une date ultérieure faire une nouvelle demande pour une autre forme de libération. Il lui faudrait typiquement attendre deux ans, mais cela peut varier.
    Elle continue de purger une peine d'emprisonnement à perpétuité.
    Oui, c'est exact.
    Nous avons ici deux individus — l'un qui a été reconnu coupable de vol qualifié et l'autre de deux accusations de voies de fait armées et d'une accusation de voies de fait avec recours à la force. Ils ont vraisemblablement été condamnés pour ces crimes subséquents. Mais ils continuent de purger une peine d'emprisonnement à perpétuité, la peine originelle à laquelle ils avaient été condamnés, et au titre de laquelle ils ont fait une demande de réduction du délai préalable à la libération conditionnelle. Leur est-il possible de faire une nouvelle demande au titre de la « disposition de la dernière chance » après avoir purgé la peine correspondant aux infractions commises pendant leur libération anticipée?
    Malheureusement, je ne suis pas certaine de la réponse technique à cette question.
    Moi non plus.
    Ce que je vais faire, c'est m'engager à vous fournir la bonne réponse, car je ne voudrais pas vous induire en erreur au sujet de ce point très technique.
    Merci.
    Monsieur Trudeau, vous avez déclaré — et j'espère avoir bien entendu — que le Barreau du Québec n'appuie pas le projet de loi parce qu'il estime que ce dernier ne fait rien pour renforcer les droits des victimes. Vous ai-je bien compris?

[Français]

    Oui.

[Traduction]

    Vous avez également dit que vous estimez que la responsabilité envers les victimes est acquittée lorsque le juge de première instance, lors de l'imposition de la peine, explique à la cour, en audience publique, qu'il s'agit d'une peine d'emprisonnement à perpétuité sans admissibilité à la libération conditionnelle pendant 25 ans. Vous ai-je bien compris?

  (1620)  

[Français]

    Ce que j'ai souligné, ce sont les exigences du Code criminel prévus à l'article 745.01, à l'effet que le juge doit... Je peux vous le lire, si vous l'ignorez.

[Traduction]

    Je sais ce que dit l'article, et nous ne disposons pas de beaucoup de temps, mais c'est ce que vous avez dit dans votre témoignage — soit qu'il y a acquittement de l'obligation de la cour envers les victimes lorsqu'est lu cet article 745.

[Français]

    Je comprends que votre projet de loi vise à renforcer la sévérité des peines parce qu'on cherche une certaine adéquation entre le temps purgé et la peine prononcée. Il vise également à tenir compte de l'ambiguïté qui pourrait en résulter, dans l'esprit des victimes, à l'effet que la personne condamnée pourra reprendre sa liberté. Le ministre a témoigné à cet effet. Or, il nous semble que les exigences du Code criminel, à l'article 745.01, font en sorte que le juge, au moment de l'imposition de la peine, donne l'ensemble de l'information. Nous ne pouvons pas considérer que le public et les victimes sont privés d'information. Ils savent que l'individu est condamné à perpétuité et que, selon certaines modalités, il aura le droit de présenter une demande à un jury pour obtenir la permission d'obtenir une libération conditionnelle anticipée. C'est ce que je vous dis.

[Traduction]

    Le Barreau du Québec a-t-il consulté quelque victime, groupe de victimes ou défenseur des droits des victimes avant de conclure que le projet de loi ne renforce pas les droits des victimes, ou bien est-ce là votre opinion?

[Français]

    Les travaux du comité sont faits à partir des opinions de ses membres et sont partagés avec le bâtonnier. Le bâtonnier et le Barreau du Québec reconnaissent l'importance de ce que l'on doit considérer à l'endroit des victimes. Le Barreau du Québec n'a pas à consulter, à l'égard d'un régime juridique qui fonctionne bien, plus de victimes que le ministre de la Justice est capable de nommer lui-même de victimes qu'il a consultées.

[Traduction]

    Merci. Le temps dont vous disposiez est malheureusement écoulé.
    Nous allons maintenant passer à M. Lee.
    Je vais suggérer que chacun prenne quatre minutes, afin que nous ayons le temps d'entendre au moins deux intervenants encore.
    C'est une bonne suggestion.
    J'ai une question pour M. Head, je pense. Non, elle s'adresse en fait à Mme Pelletier. Vous avez tous les deux décrit — c'était plutôt M. Head, je pense — cet exercice de préparation, sur 12 mois, à une demande possible. Étant donné que le projet de loi supprimerait le mécanisme de la dernière chance pour tout le monde dans 15 ans d'ici, nous ne traitons de cette période de transition que dans le cas de ceux qui continueraient, au cours des 15 prochaines années, d'avoir le droit de faire une telle demande.
    Cela signifie-t-il, du fait des délais stricts imposés par le projet de loi en ce qui concerne les demandes faites en vertu de la disposition de la dernière chance, que, lorsque vous entamez l'exercice de préparation d'un an, vous disposeriez en définitive dans tous les cas d'une période de 15 mois pour déposer votre demande? Vous auriez le délai de 12 mois, puis le compteur vous accorderait la période de 90 jours imposée par le projet de loi.
    Ai-je bien compris que toute personne désireuse de faire une demande en vertu de la disposition de la dernière chance recevrait un rappel du SCC environ un an avant la date déclencheuse, puis aurait encore 90 jours pour faire une demande?
    Ai-je bien compris?
    En théorie, cela paraît juste, oui.
    Non, il faut que ce soit juste dans la pratique, et non pas simplement en théorie. C'est pourquoi je vous pose la question.
    Est-il possible que, dès l'entrée en vigueur du projet de loi, s'il est adopté, il y ait un certain nombre de délinquants qui ne soient pas prêts? En d'autres termes, ils n'auront peut-être pas enclenché le processus 12 mois plus tôt, ayant attendu un petit peu, ne sachant pas qu'il allait y avoir une date butoir. Puis, tout d'un coup, ils n'ont plus que six mois, et il faut quatre mois pour qu'un type à l'autre bout du pays, muni d'un télécopieur, donne de ses nouvelles.
    Là-dessus, vous avez tout à fait raison.
    Là où la chose intervient est que, si une personne nous a dit, il y a neuf mois, qu'elle n'allait pas faire de demande et que, tout d'un coup, du fait de la nouvelle donne, elle change d'avis, notre fenêtre va être beaucoup plus courte et il nous faudra travailler beaucoup plus fort — et le contrevenant va devoir travailler beaucoup plus fort lui aussi, pour ce qui est d'enclencher le processus.

  (1625)  

    Il pourrait donc y avoir des problèmes pratiques pour certains détenus dans cette situation?
    C'est possible, oui.
    Ce qui pourrait créer des problèmes juridiques en vertu de la Charte ou de quelque autre...
    Bien, je vais m'en tenir à cela, car nous ne pouvons pas régler cette question ici maintenant.
    Ma deuxième question est la suivante — et je vais l'adresser à M. Trudeau —, mais il me faut tout d'abord vous demander de réfléchir en anglais, car je vais vous poser une question au sujet de la version anglaise du projet de loi.
    Dans la version française, à l'article 1, le titre abrégé est très bien. Je le lis et je pense le comprendre en français. Mais je regarde la version anglaise et j'y vois l'expression « serious time ».
    Êtes-vous avocat?
    Oui.
    Je m'interroge simplement à ce sujet.
    Monsieur Head, êtes-vous avocat?
    Non.
    Madame Pelletier?
    Oui, vous êtes avocate.
    Savez-vous ce que signifie, en droit, l'expression « serious time »? Je ne le sais tout simplement pas, et je serais curieux de savoir si cela a un sens précis.
    Monsieur Trudeau, ou madame Pelletier, j'ai besoin d'aide en la matière.

[Français]

    Je n'ai pas compris votre question, car il y a beaucoup de bruit derrière nous.

[Traduction]

    Pourriez-vous reformuler votre question? Je n'ai pas compris votre question. Il y avait beaucoup de bruit...
    Je vais laisser passer, car je sais que la version française de l'article 1 fonctionne pour vous. Mais alors...
    Monsieur Lee, vos quatre minutes sont écoulées, mais je vais vous accorder...
    J'ai demandé à Mme Pelletier de répondre.
    Très rapidement.
    Malheureusement, monsieur le député, je pense que cela déborderait de mon rôle si j'offrais des conseils juridiques au comité. Je ne peux malheureusement pas répondre à votre question.
    Vous ne sauriez donc pas quelle est la signification de cette expression dans le contexte de votre rôle à la Commission des libérations conditionnelles?
    Ce n'est pas une question qu'il nous revient d'interpréter à la commission.
    En ce moment.
    Merci.
    Monsieur Lemay, vous disposez vous aussi de quatre minutes.

[Français]

    Madame Pelletier, j'ai une question pour vous. Lorsque quelqu'un est condamné à perpétuité, il demeure sous la juridiction des libérations conditionnelles pour le reste de ses jours. Ai-je bien compris?
    Il demeure sous la surveillance du Service correctionnel, oui.
    Il demeure sous la surveillance du Service correctionnel pour le reste de ses jours.
    Même s'il est remis en liberté, même s'il reçoit une réduction de peine, il est soumis, pour le reste de ses jours, au Service correctionnel?
    Absolument. La libération conditionnelle ne veut pas dire que la personne ne purge plus sa peine.
    Il est libre comme l'air et peut faire n'importe quoi.
    Absolument pas. Il est sous la supervision du Service correctionnel.
    Voilà.
    Monsieur Head, en date du 10 octobre 2010, 4 774 détenus purgeaient une peine à perpétuité. Depuis 1987, il y a eu 181 décisions. Donc, c'est une très faible minorité qui fait une demande.
    Oui.
    Sur ces 181 décisions, 146 ont entraîné une réduction de peine. Si je vous ai bien compris, il n'y a eu que deux échecs, c'est-à-dire que seules deux personnes, sur toutes celles qui ont été libérées, ont récidivé avec violence.
    C'est exact.
    Je veux expliquer les suspensions. Prenons l'exemple d'un client qui est remis en liberté, mais qui ne doit pas consommer d'alcool. S'il est pris à consommer de l'alcool, il peut être suspendu. Ça peut être aussi simple que ça, n'est-ce pas?
    Oui, c'est vrai.
    Donc, le système fonctionne bien, actuellement. Vous avez le contrôle de ce système.

[Traduction]

    Oui, nous surveillons les libérés conditionnels. Nous veillons à ce qu'ils respectent les conditions de leur libération, oui.

  (1630)  

[Français]

    Je reviens aux deux individus dont on a parlé plus tôt. L'un a été reconnu coupable de deux accusations de voies de fait armées et d'une accusation de voies de fait avec recours à la force, alors que l'autre a été reconnu coupable de vol qualifié. Connaissez-vous, par hasard, les sentences qui ont été imposées à ces deux individus?

[Traduction]

    Non, je n'en ai pas le détail ici avec moi.

[Français]

    Pouvez-vous nous les faire parvenir? J'imagine que ces sentences sont consécutives à celles qu'ils purgent actuellement.

[Traduction]

    Il me faudra vérifier. Je pourrai vous obtenir cette information.

[Français]

    J'aimerais beaucoup, monsieur, que vous nous fassiez parvenir les sentences de ces deux individus. Merci.

[Traduction]

    J'aimerais remercier les trois témoins de leur comparution, et remercier également les personnes qui vous ont accompagnés.
    Oui, monsieur Comartin.
    Monsieur le président, j'avais envoyé une lettre à M. Head demandant des renseignements supplémentaires. J'ai manqué de temps. Je souhaite toujours qu'il donne suite à cette demande de renseignements. Étant donné ce qui s'est passé la dernière fois que le projet de loi a été examiné, alors que nous ne disposions pas de toute l'information, j'aimerais que cette information soit mise à jour jusqu'à octobre de cette année.
    M. Head sait-il de quelle information vous parlez?
    Oui, je m'engage à mettre à jour le tableau qui a été demandé.
    Oui, et de le faire parvenir au bureau de la greffière du comité.
    Oui, à la greffière.
    Merci à vous trois. Je vous saurai gré de votre coopération en libérant vos places afin de permettre aux trois témoins suivants de s'installer à la table.
    Nous allons suspendre la séance pendant deux minutes.

  (1630)  


  (1635)  

    La séance reprend. Nous poursuivons notre étude du projet de loi S-6.
    Nous allons, pendant cette deuxième heure, entendre les représentants de deux organisations, ainsi qu'un témoin qui comparaît à titre personnel. Accueillons, tout d'abord, Michael Mandelcorn, de la Criminal Lawyers' Association. Heureux de vous revoir. Nous allons également entendre la Société John Howard du Canada, ici représentée par Ed McIsaac. Enfin, nous accueillons devant nous M. Rick Sauvé. Heureux de vous revoir également.
    Comme chacun de vous le sait, vous disposez de 10 minutes pour faire votre déclaration. Si cela vous demande moins longtemps, ce sera formidable, car cela laissera davantage de temps pour les questions des députés.
    Nous allons commencer avec Mandelcorn. Allez-y, je vous prie.
    Merci. La Criminal Lawyers' Association est heureuse de l'occasion qui lui est ici donnée de comparaître devant le comité pour l'entretenir des questions d'une importance cruciale que soulève le projet de loi S-6.
    La Criminal Lawyers' Association est une organisation sans but lucratif qui a été fondée le 1er novembre 1971. Notre organisation représente environ 1 000 avocats de la défense au criminel dans la province de l'Ontario. Nos objectifs sont d'informer nos membres des questions relatives au droit criminel et constitutionnel, de promouvoir leurs intérêts et de les représenter dans ces domaines.
    Bien que la Criminal Lawyers' Association appuie la thèse que les contrevenants coupables de meurtre ne devraient être libérés que s'ils ne posent pas un risque indu de récidive, nous croyons que les modifications à la clause de dernier espoir, telles qu'envisagées dans le cadre du projet de loi S-6, ne servent pas cet objectif. Je vous invite à réfléchir plus particulièrement aux points que voici.
    Premièrement, toutes les nouvelles initiatives législatives du gouvernement visant le crime ont pour objet d'améliorer la reddition de comptes publique dans le système de justice pénale et de rétablir la confiance de la population. Les dispositions de la dernière chance font justement appel à la confiance du public. C'est le public — le jury — qui entend la preuve et rend la décision.
    Deuxièmement, l'on a beaucoup parlé de la revictimisation qui est causée par les actuelles dispositions de la dernière chance. Il nous faut nous rappeler que les condamnations, par définition, sont vieilles d'au moins 15 ans avant que l'affaire ne soit soumise au jury. Ce ne sont pas les déclarations de culpabilité elles-mêmes qui sont en cause. Soit la personne a plaidé coupable, soit elle a été jugée coupable. Le mécanisme dont il est question ici offre aux victimes une merveilleuse occasion de constater les progrès réalisés par le contrevenant pendant les années qui ont suivi la commission de son crime.
    Troisièmement, les dispositions sont une incitation indispensable, pour les personnes déclarées coupables, à se réadapter et à se prévaloir pleinement des programmes qui leur sont offerts pendant qu'elles sont sous garde. Ces délinquants seront probablement mis en liberté tôt ou tard, et il est dans notre intérêt qu'ils demeurent motivés en vue de leur réinsertion sociale.
    Quatrièmement, comme le souligne le résumé législatif du projet de loi S-6, au 13 avril 2009, 991 condamnés à vie étaient en situation de faire une demande de révision judiciaire. Seules 174 décisions de tribunal ont été rendues, résultant, dans 144 cas, en une réduction de la peine. Il semble que seuls les contrevenants ayant les meilleures chances de réussir font une demande de réduction de la période de sûreté.
    Cinquièmement, la Commission nationale des libérations conditionnelles a accordé une libération dans 131 cas, mais nous n'avons aucune idée du nombre d'auditions qu'il a fallu, après la réduction de la période de sûreté, pour que le contrevenant obtienne quelque forme que ce soit de libération provisoire.
    Sixièmement, je pense que vous avez tout juste entendu certaines des statistiques pertinentes, mais parmi les sept contrevenants qui ont vu leur libération conditionnelle totale révoquée, dans deux cas, la révocation a été le fait de non-respect des conditions, dans trois cas elle a résulté de la commission de nouvelles infractions non violentes, et dans deux cas, elle a fait suite à la commission de nouvelles infractions avec violence. Parmi les sept contrevenants qui ont vu leur libération conditionnelle de jour révoquée, dans cinq cas, c'était pour non-respect de conditions, dans un cas pour commission d'une nouvelle infraction sans violence, et dans un cas pour commission d'une nouvelle infraction avec violence. Ainsi, la très grande majorité des condamnés à perpétuité qui sont remis en liberté ne récidivent pas.
    Enfin, nous considérons que l'actuel processus d'examen établi au paragraphe 745.6(1) est suffisant pour empêcher que des demandes futiles n'aboutissent devant un jury.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    Nous passons maintenant à M. McIsaac.
    J'aimerais, au nom de la Société John Howard du Canada, remercier le comité de l'invitation qui nous a été faite de venir comparaître aujourd'hui. Nous sommes heureux de l'occasion qui nous est ici donnée de discuter avec vous du projet de loi S-6.
    En juin 2010, j'ai déposé auprès de la greffière du comité des copies de la déclaration que nous avions faite au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. J'ai commis la même erreur que le Barreau du Québec, en supposant que le texte de notre déclaration aurait été transféré en même temps que le projet de loi.
    Le projet de loi a, à ce jour, fait l'objet de vastes et détaillées discussions. J'aimerais, dans ce contexte, vous faire une brève déclaration liminaire.
    Comme le savent la plupart d'entre vous, la Société John Howard du Canada est un organisme sans but lucratif dont la mission est de rechercher des réponses efficaces, justes et humaines aux causes et aux conséquences du crime. Nos 65 bureaux de première ligne, répartis dans l'ensemble du Canada, fournissent des services et offrent des programmes à l'appui de la réintégration sécuritaire des contrevenants dans nos collectivités.
    La Société John Howard du Canada n'appuie pas le projet de loi. Il semble que ce que nous avons ici soit un projet de solution à la recherche d'un problème.
    Bien que la clause du dernier espoir soit, au fil des ans, devenue synonyme d'une approche « indulgente » à l'égard de la criminalité, les données et notre vécu disent le contraire. La clause de la dernière chance a, comme vous le savez, été introduite en 1976 à la suite de l'abolition de la peine capitale et de son remplacement par la peine d'emprisonnement obligatoire minimale de 25 ans, sans possibilité de libération conditionnelle pour les condamnations pour meurtre au premier degré. Entre 1961 et 1976, la période moyenne d'incarcération avant libération conditionnelle était de 15,8 années pour les contrevenants purgeant une peine pour meurtre qualifié. À l'heure actuelle, la durée moyenne purgée avant libération conditionnelle est de 28,4 années pour les condamnations pour meurtre au premier degré. Comment cette augmentation énorme des durées d'incarcération en pénitencier fédéral, par suite de l'introduction de la clause de la dernière chance, peut-elle être dépeinte comme une attitude laxiste à l'égard du crime?
    Les données montrent également, selon des comparaisons internationales avec d'autres démocraties occidentales, que les durées d'incarcération pour condamnation pour meurtre au premier degré au Canada sont le double de ce qu'elles sont ailleurs. Encore une fois, où sont les preuves d'une clémence excessive?
    Pour les personnes purgeant des peines d'emprisonnement à perpétuité, l'actuel processus pour obtenir une réduction du délai préalable à la libération conditionnelle est rigoureux. Il requiert des examens par un juge, un jury, puis, à l'étape ultime, par la Commission nationale des libérations conditionnelles. Le nombre de contrevenants faisant une demande en vertu de la clause de la dernière chance est faible. D'après les chiffres du SCC — et ceux-ci ont été quelque peu rajustés aujourd'hui —, 1 062 contrevenants étaient admissibles à une révision, or seules 174 demandes ont été reçues. Ce chiffre très bas témoigne d'un processus très limité d'autosélection, résultant en un nombre très limité, voire inexistant, de demandes frivoles. Les demandes qui sont approuvées par un juge comme ayant des perspectives raisonnables d'aboutir, et dont les auteurs obtiennent alors une réduction du délai préalable à la libération conditionnelle par voie d'une décision unanime d'un jury, donnent lieu, dans la très grande majorité des cas, à des libérations conditionnelles par la Commission nationale des libérations conditionnelles.

  (1640)  

    Quel est donc le problème dans l'actuel processus que vise à corriger le projet de loi? Qui, à l'intérieur de ce processus, est trop clément à l'égard de la criminalité: la magistrature, les jurys ou la Commission nationale des libérations conditionnelles?
    Je vous soumettrai que les données indiquent clairement que le Canada, comparativement à d'autres démocraties occidentales et à notre histoire avant 1976, est, en fait, déraisonnablement dur à l'égard de la criminalité. La société n'est pas bien servie par de longues peines d'incarcération. Des lois visant à augmenter les périodes d'incarcération ne devraient pas être acceptées. Ce projet de loi ne constitue pas une réponse efficace, juste ni humaine à la gestion raisonnable des peines d'incarcération à perpétuité. Je recommande que le comité rejette ce projet de loi et se consacre plutôt à un examen approfondi de la façon dont nous sommes passés, en tant que pays, d'une période moyenne d'incarcération pour les personnes condamnées pour meurtre au premier degré, de 15,8 années avant 1976 à l'actuelle période de détention déraisonnable de 28,4 années.
    Je vous remercie de votre attention et j'envisage avec plaisir de répondre à vos questions.

  (1645)  

    Merci.
    La parole est maintenant à M. Sauvé.
    Je suis heureux d'avoir ainsi l'occasion de prendre la parole devant vous aujourd'hui. Je suis ici pour mettre un visage sur ceux auxquels s'appliquera le projet de loi, sur ceux auxquels s'applique la disposition de la dernière chance.
    Au cours des 30 dernières années, j'ai été un détenu. J'ai travaillé avec de jeunes contrevenants dans la collectivité après être passé par le processus de la clause du dernier espoir, méritant au bout du compte ma libération conditionnelle. Je travaille maintenant de nouveau à l'intérieur du système. Je retourne dans des pénitenciers fédéraux et j'y travaille avec des hommes purgeant des peines d'emprisonnement à perpétuité.
    Il y a eu au fil des ans un certain nombre d'idées fausses au sujet du processus de la clause de la dernière chance. J'ai entendu des déclarations du genre « C'est une libération automatique autorisant des gens à réintégrer la collectivité après 15 ans ». Il n'y a pas eu une seule personne — pas une seule — qui ait jamais réintégré la collectivité dès le cap des 15 années purgées franchi.
    Lorsqu'une personne réintègre la collectivité dans laquelle le crime a été commis, elle s'expose elle-même, et elle subit un procès de son caractère de la part des résidents de cette collectivité. J'ai donné des conférences à des centaines de personnes, dans des écoles secondaires, des universités et des tribunes publiques, et pas une seule personne ne m'a jamais dit que je n'aurais pas dû retourner dans la collectivité.
    Je fais confiance à la Commission nationale des libérations conditionnelles et au Service correctionnel. De nombreux hommes ne vont jamais faire de demande en vertu de la disposition de la dernière chance, mais il s'agit là de l'un des outils du Service correctionnel qui permet aux détenus de se rendre compte, dans le cadre de leur introspection, que la seule façon pour eux de réintégrer un jour la collectivité est de travailler en vue de la réalisation de cet objectif. Pour nombre des hommes avec lesquels je travaille — je passe cinq jours par semaine dans les prisons à m'entretenir avec eux —, et certains d'entre eux y sont depuis 25 ans, et parfois même 30, la situation en prison devient désespérée.
    J'envisage avec plaisir de répondre à vos questions.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer aux questions des membres du comité.
    Monsieur Murphy, pour cinq minutes.
    Premièrement, c'est la deuxième fois, monsieur Mandelcorn, par exemple, que je vous interroge. Je me souviens assez bien de ce que je vous ai demandé la dernière fois, alors je ne vais pas vous poser à nouveau les mêmes questions.
    Dans la collectivité d'où je viens... comme vous le savez, chacun, quelle que soit sa collectivité, a entendu parler de telle fille de 13 ans qui a été abattue par balle par quelqu'un dans un commerce. Nous avons vécu la chose dans une petite collectivité, celle de Moncton. De temps à autre, l'on apprend que le contrevenant, qui n'est vraiment pas le héros numéro un dans un endroit comme Moncton, a fait une demande de libération conditionnelle auprès de la commission. Dans pareille situation, les gens songent surtout aux victimes et aux familles des victimes. Si nous pouvions trouver le moyen de minimiser la revictimisation, je pense que nous pourrions être sensibles à l'argument qui est si séduisant, et qui a été mis de l'avant par tous les membres du panel ici réuni, soit que, pour reprendre l'expression utilisée, il s'agit ici d'une solution à la recherche d'un problème.
    J'ai beaucoup de respect, messieurs Sauvé et McIsaac, pour vos témoignages. Ils sont très probants. Mais, d'un point de vue juridique, quelle incidence ces changements auraient-ils sur le plan du mécanisme d'établissement de la peine? Les juges et avocats regarderaient-ils alors les choses pour dire que l'une des raisons, à des fins de clémence et de prérogative, que cet article 745 a été adopté, en contrepartie de l'élimination de la peine de mort, était de donner cet espoir, tout type d'espoir, de réadaptation?
    Cela aura-t-il un effet? Je m'efforce de me mettre dans la tête du tribunal pénal. Y aura-t-il, quelque part dans l'esprit du juge, une pensée du genre: « Je sais qu'il faut que la chose soit établie au-delà de tout doute raisonnable et tout cela, mais ...»? Le doute serait-il encore moindre? Y aurait-il possibilité d'un nombre inférieur de condamnations, le juge sachant, et le poursuivant lui aussi, peut-être, qu'en portant l'accusation, les conséquences seront d'autant plus graves, je pense — à long terme, pour le contrevenant condamné à une peine à long terme? Voilà une question que j'ai.
    L'autre chose qui me trouble est que nous avons des condamnés à perpétuité qui passent, en moyenne, 28 ans derrière les barreaux. Nous nous plaisons à nous comparer, non pas aux États-Unis, mais aux pays d'Europe, chez qui la moyenne est d'environ 10, 11 ou 12. Y a-t-il quelque chose qui nous échappe dans la comparaison? J'adresse la question à M. Mandelcorn. Y a-t-il, dans ces pays, quelque chose qui classifie différemment les lois? Y a-t-il une nomenclature différente pour les lois? Y a-t-il un système différent? Pourquoi se fait-il que ces pays soient si différents de nous sur ce plan?
    Voilà donc pour vous, monsieur Mandelcorn, deux questions traitant véritablement de droit, car nous ne disposons que de cinq minutes.

  (1650)  

    Je vais répondre à votre première question. Je vais m'abstenir de répondre à la deuxième, étant donné que, bien franchement, je ne suis pas au courant des régimes qui existent en Europe.
    Le gros de l'établissement de la peine et des dates de libération est fonction des perceptions et du climat publics — c'est très franchement le climat politique qui est déterminant. Sans vouloir vexer quiconque, je dirais que l'actuel climat politique est tel qu'il est difficile pour les gens d'obtenir une libération. Bien que la commission rende, certes, ses décisions au cas par cas, je ne pourrai pas dire qu'elle serait insensible à l'opinion publique.
    En ce qui concerne votre première question, à laquelle il m'est plus aisé de répondre, il importe de souligner qu'il n'y a aucune marge discrétionnaire quant à la détermination de la peine. Si une personne est jugée coupable de meurtre au premier degré, alors c'est l'incarcération à vie. Ce n'est pas une question de doute raisonnable. Cela se passe devant un jury. L'on ne soumet pas au jury les conséquences d'une condamnation.
    En ce qui concerne la marge discrétionnaire limitée qui existe, s'il s'agit d'une condamnation pour meurtre au deuxième degré et que le juge peut imposer une période de sûreté d'entre 10 et 25 ans, alors ce que je vous dirais est que cela est fonction des principes, en matière de détermination de la peine, qui sont inculqués aux juges, et des éléments dont on leur dit qu'ils ne doivent pas tenir compte. C'est le crime qui dicte la période de sûreté. Si le crime haineux en question est plus grave, si vous voulez, que le meurtre au deuxième degré, alors le contrevenant va se voir imposer plus de 10 ans. La période de sûreté — c'est là ce qu'examinent les juges. Je vous soumettrai que vous ne faites pas intervenir le fait que cette personne ne pourra peut-être pas sortir du fait qu'il n'y ait plus de clause de la dernière chance.
    Très brièvement, monsieur Sauvé, toute la logique semble être axée sur le fait qu'il y a de ceux qui peuvent être sauvés et réintégrés. Intervient alors l'argument selon lequel il existe de toute manière un mur de 15 ans, même dans le cadre de l'actuelle loi. Pensez-vous qu'il faille ramener cela à 10 ans ou à 15 ans?
    Ma conviction est que les gens devraient être retournés dans leur collectivité, mériter le droit de réintégrer leur collectivité une fois qu'ils ont terminé leur réadaptation. La personne n'est alors plus considérée comme étant un risque pour la collectivité. Si une personne est considérée comme étant un risque, alors elle ne devrait pas réintégrer la collectivité.
    Je ne pense pas qu'il y ait un nombre... il n'y a pas de nombre magique indiquant le moment où une personne peut être considérée comme s'étant réadaptée. C'est un processus qui commence à l'intérieur, et la personne doit fournir des preuves. Ce n'est pas chose facile que d'obtenir l'aval de la Commission nationale des libérations conditionnelles, de mériter de passer du statut de détenu à sécurité maximale à celui de détenu à sécurité minimale, puis de trouver une collectivité qui soit prête à vous accepter. Le processus est long.
    Et nous acceptons le double sens classique de l'expression « cela commence à l'intérieur »...
    C'est exact.
    ... en prison.
    Merci.

[Français]

    Monsieur Lemay, vous disposez de cinq minutes.
    Je vous remercie d'être là.
    Vous avez entendu les témoins précédents. On a les chiffres. Monsieur McIsaac, je veux savoir comment il se fait qu'au Canada, ceux qui sont condamnés à perpétuité passent en moyenne, aujourd'hui, 28,5 années en prison. Y a-t-il une explication? On nous dit que les meurtriers sont toujours libérés trop rapidement, mais ceux qui ont été condamnés pour meurtre passent maintenant 28,5 années en prison. J'aimerais comprendre ce qui s'est passé ou ce qui se passe pour que ce temps d'emprisonnement soit plus long — pas beaucoup mais plus long — qu'en Europe ou ailleurs.

  (1655)  

[Traduction]

    Je ne crois pas qu'il existe de réponse unique. Mais je pense que l'une des variables qui est entrée en ligne de compte est l'existence de peines minimales obligatoires. Lorsque vous commencez à éliminer le pouvoir discrétionnaire, que ce soit au niveau de la cour et de l'établissement de la peine ou au niveau de la prise de décisions relativement à la libération conditionnelle, alors l'accent n'est plus mis sur l'individu, ni sur les circonstances particulières du crime lui-même, ni sur les caractéristiques individuelles qui ont amené l'intéressé à se retrouver dans sa situation; vous commencez à vous intéresser et à réagir à une loi plutôt qu'à une personne.
    Si vous regardez la situation qui existait avant 1976, comme je l'ai indiqué dans mes remarques liminaires, la durée moyenne était d'environ 15 ans, ce qui correspond d'assez près à ce que nous constatons en Nouvelle-Zélande, en Australie et en Europe de l'Ouest. L'adoption de peines minimales obligatoires à ce moment-là a, je pense, été la principale variable qui nous a amenés à la situation actuelle, près de 25 ans plus tard, où nous avons des contrevenants qui purgent en moyenne au-delà de 28 ans avant d'être libérés.

[Français]

    J'imagine que vous avez déposé un mémoire devant ce comité. Aviez-vous préparé un mémoire?

[Traduction]

    La Société John Howard a rédigé un mémoire qu'il a déposé auprès du comité sénatorial, qui a, au départ, examiné le projet de loi. Je m'en excuse, mais, comme cela a été le cas du Barreau du Québec, j'avais pensé que ce document allait vous être transféré. Il sera fourni à la greffière du comité, qui pourra en distribuer des copies.

[Français]

    J'imagine qu'on va le recevoir. Merci.
    Monsieur Sauvé, certains journalistes ou certaines personnes qui analysent le système carcéral disent que si le projet de loi S-6 est adopté tel que libellé, il y a un risque d'une augmentation de la violence en prison, puisque plusieurs détenus ne pourront plus bénéficier de la clause de la dernière chance. Ils sauront qu'ils sont détenus pour le reste de leurs jours. Qu'en pensez-vous?

[Traduction]

    Je crois que cette possibilité existe. Je travaille avec Option Vie, retournant dans les prisons, et cela fait 13 ans que je me promène dans les prisons. Nombre des hommes avec lesquels je travaille s'accrochent à cette disposition de la dernière chance pour progresser. La plupart des hommes et des femmes, lorsqu'ils atteignent ce jalon de 15 ans à partir duquel ils peuvent faire leur première demande, disent « Je ne souhaite pas vraiment aller de l'avant. Je ne veux pas faire subir cela aux victimes. Je ne veux pas faire subir cela à ma propre famille. Je pense pouvoir continuer. J'ai déjà 15 ans derrière moi, et je peux maintenant voir une petite lumière au bout du couloir ». Et c'est ainsi que la plupart d'entre eux ne font pas de demande.
    Mais si vous supprimez cet espoir et cette lueur d'un objectif vers lequel tendre — les 15 ans —, alors il ne reste plus rien. Vous allez rester assis dans une prison à sécurité maximale en train de vous dire « Je vais rester ici pendant un minimum de 25 ans et sans doute beaucoup plus encore ». Que peuvent-ils espérer?
    J'ai entendu des gens dire qu'il nous faut protéger le public. Eh bien, le personnel, les bénévoles, les visiteurs, les infirmiers et infirmières — toutes ces personnes qui travaillent à l'intérieur du système font partie du public, alors vous êtes en train de mettre ces gens-là à risque.

  (1700)  

    Monsieur Comartin.
    Merci.
    Monsieur Sauvé, avez-vous fait une demande tout de suite en franchissant le cap des 15 ans, à la première occasion?
    C'est là que vous pouvez entamer le processus de demande. J'étais assujetti à des règles différentes, mais il s'était écoulé 16 années environ lorsque j'ai pu comparaître devant le tribunal. J'ai suivi le processus de la cour, et c'est alors que j'ai pu commencer à intervenir auprès de la Commission des libérations conditionnelles.
    Il s'est donc écoulé combien de temps entre le moment où vous avez fait votre demande au bout des 15 ans, entre le moment où vous avez déclenché le processus et votre libération?
    Environ 16 ans.
    Non, je voulais dire entre le moment où vous avez fait votre demande et votre libération.
    Oh, excusez-moi. Environ neuf mois. Il fallait attendre son tour pour passer à la cour. Il fallait attendre qu'un juge soit disponible. Il fallait obtenir un procureur de la Couronne. Je devais me trouver un avocat, puis il fallait que soit constitué un jury. Il y a eu une audience préliminaire, puis le processus lui-même.
    Le processus en vue de la libération conditionnelle est-il englobé dans ces neuf mois?
    Non.
    Combien de temps a demandé le processus en vue de la libération conditionnelle?
    J'ai réussi à faire ramener ma période de sûreté à 15 ans, mais j'avais déjà à ce moment-là purgé 16 années. Je pouvais, à partir de là, faire une demande à la Commission nationale des libérations conditionnelles, mais avant de pouvoir faire cela, il m'avait fallu subir davantage d'évaluations psychologiques, ainsi qu'une nouvelle évaluation psychiatrique, et il y avait encore d'autres conditions que je devais remplir. Il m'avait fallu trouver une maison de transition pour pouvoir alors entamer le processus devant se solder par ma réintégration au sein de la collectivité.
    Combien de temps ce processus a-t-il demandé?
    Il a fallu encore trois ou quatre mois avant que je ne puisse me présenter devant la Commission nationale des libérations conditionnelles. Puis, on m'a accordé des permissions de sortir sans escorte afin que je puisse me rendre dans une maison de transition, et ce processus a demandé encore un an.
    Il a donc fallu près de deux ans en tout, après les 15 ans.
    J'avais purgé plus de 17 ans lorsque j'ai obtenu ma libération conditionnelle totale.
    Nous avons des statistiques du Service correctionnel du Canada qui montrent que, en moyenne, sur la période 2004-2005, le détenu moyen avait purgé 23 ans lorsqu'il sortait par suite de sa première demande. En 2005-2006, le total était de 21 ans. En 2006-2007, il était de 24 ans. En 2007-2008, il était de 23 ans. Pour la dernière année pour laquelle nous avons des chiffres, soit 2008-2009, le total était de 25 ans. Cela correspond-il à ce que vous observez?
    Oui. Il y a d'ailleurs des hommes que je suis en train d'accompagner devant la Commission des libérations conditionnelles. En ma qualité d'intervenant accompagnateur, j'ai sans doute assisté à près de 300 audiences de libération conditionnelle devant la commission, et je n'ai jamais vu personne sortir à sa date d'admissibilité.
    Monsieur McIsaac, j'aimerais poursuivre un petit peu avec vous également le point qu'a soulevé M. Sauvé quant à l'état d'esprit de la personne qui atteint sa 15e année et qui est autorisée à faire une demande, et les raisons pour lesquelles cette personne n'en ferait pas une. Je pense qu'ayant trop regardé la télévision, nous avons tous ce stéréotype du prisonnier qui va sauter sur la première occasion qui se présente pour le faire. M. Sauvé nous a livré quelques observations là-dessus. Je peux comprendre pourquoi, au départ, à la 15e, la 16e, la 17e et peut-être même la 18e année... mais lorsque vous approchez de la 20e année, il demeure un grand nombre de détenus, beaucoup plus que la majorité d'entre eux, qui ne font pas de demande. Pourriez-vous nous éclairer en la matière? Je ne comprends pas pourquoi ils ne le feraient pas.
    Je ne suis pas certain de comprendre moi non plus. Je me rangerais plutôt derrière les motifs mis de l'avant par M. Sauvé. Nos pénitenciers fédéraux n'ont pas un environnement qui en fait des endroits invitants et agréables. Il est souvent difficile de ne pas s'attirer d'autres ennuis. Une déclaration de culpabilité d'une infraction mineure ou majeure crée une tache noire. Un transfèrement imposé, avec renvoi du détenu dans une cellule à sécurité supérieure, par exemple, va ralentir le processus. Je suppose que pèsent dans l'esprit de la plupart des détenus quelles sont leurs chances, ou ce qu'ils pensent de leurs chances, telles que celles-ci peuvent être reflétées dans la position adoptée par le Service correctionnel à l'égard de la gestion de leur dossier, que ce soit aux fins de la préparation de...

  (1705)  

    Permettez que je vous arrête là, monsieur McIsaac.
    Lors de la session antérieure, M. Head nous a dit que son service prend contact avec le détenu environ une année au préalable et discute avec lui — ou elle, dans quelques rares cas — pour savoir s'il compte déposer une demande. D'après ce que vous savez, le Service correctionnel indiquerait-il à ce stade-là quelle sera sa recommandation?
    Non, je ne le pense pas. Mais l'intéressé en aurait sans doute une assez bonne idée, sur la base des rapports et des recommandations émanant régulièrement de son équipe de gestion de cas.
    Merci.
    Monsieur Dechert, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Et merci à vous, messieurs, d'être ici aujourd'hui.
    Je pense que c'est M. McIsaac qui a mentionné qu'il ne comprend pas quel problème le projet de loi vise à régler, et un de mes collègues de l'opposition a laissé entendre qu'il ne comprenait pas lui non plus quel était le problème. Je pourrais peut-être vous venir en aide.
    Il y a deux problèmes — deux très gros problèmes. Un problème est que la disposition de la dernière chance est à mon sens inéquitable et injuste envers les victimes et les familles des victimes. Le deuxième gros problème est que non seulement justice doit être faite, mais il faut qu'elle soit perçue comme étant faite.
    Le public est, selon moi, en train de perdre confiance dans notre système judiciaire. Chaque semaine, je reçois des douzaines de courriels d'électeurs dans ma circonscription qui me disent que notre système judiciaire ne se préoccupe que des droits des criminels et qu'il ne défend pas les victimes et les citoyens respectueux de la loi. Lorsque cela arrive, lorsque des centaines et des milliers de personnes croient que notre système de justice pénale n'est pas équitable et n'est pas juste et qu'il n'y a pas de vérité dans la détermination de la peine, alors elles perdent confiance dans notre système de justice pénale. Lorsqu'elles perdent confiance dans notre système de justice pénale, alors elles ont tendance à se faire justice. Voilà quels sont les deux très gros problèmes que le projet de loi que nous examinons aujourd'hui vise à résoudre.
    Sauf tout le respect que je vous dois, messieurs, ce projet de loi n'est pas un projet de loi sur la réadaptation. J'entends beaucoup dire que les gens peuvent être récupérés, que les gens doivent être récupérés, et qu'il nous faut leur donner des incitatifs pour qu'ils puissent se réadapter. Là n'est pas le propos du projet de loi. Son propos est de respecter les victimes et leurs familles et la vérité dans la détermination des peines, afin que les gens puissent croire en notre système de justice pénale, pour qu'ils puissent se coucher le soir et dormir tranquille, sachant que les meurtriers sont derrière les barreaux, là où ils doivent être, et que les peines que les juges et jurys imposent aux criminels reconnus coupables de meurtre vont véritablement être purgées par eux.
    Voilà de quoi il retourne dans ce projet de loi, et voilà le problème que le projet de loi vise à résoudre. J'espère que mes amis de l'autre côté de la table comprendront eux aussi cela.
    Monsieur McIsaac, vous avez, dans vos remarques liminaires, mentionné l'énoncé de mission de la Société John Howard, que vous avez, je pense, cité, et je vais en refaire lecture. Il s'agit de rechercher « des réponses efficaces, justes et humaines aux causes et aux conséquences du crime ».
    Vous pourriez peut-être vous concentrer sur les conséquences du crime et me dire si la Société John Howard a réfléchi à l'incidence de la disposition de la dernière chance sur les victimes et à l'incidence de cette disposition sur la confiance du public à l'égard de notre régime juridique canadien. Dites-moi en quoi la disposition de la dernière chance est, selon vous, juste et humaine à l'égard des familles des victimes qui ne sont plus ici pour jouir de la vie, qui ne sont plus de ce monde — contrairement à M. Sauvé, qui a pu se réadapter, obtenir une formation financée par la population canadienne, afin qu'il puisse retourner dans les prisons et aider d'autres meurtriers à obtenir leur libération conditionnelle anticipée.
    Peut-être que vous pourrez me dire en quoi cela est juste et humain et en quoi cela traite des conséquences du crime.
    Les résultats d'un meurtre ne sont jamais justes et humains. L'on ne doit jamais minimiser l'incidence sur les membres de la famille. Pendant des décennies, les victimes dans ce pays sont celles qui en ont pâti lorsqu'elles ont eu affaire au système de justice pénale. Il a été fait des progrès au cours des dernières années, comme en témoignent l'augmentation des exigences en matière de communication d'information qui ont été imposées à la Commission nationale des libérations conditionnelles et au Service correctionnel du Canada, et la nomination d'un ombudsman pour les victimes. J'ignore comment un régime, quel qu'il soit, pourrait régler la souffrance et le chagrin des victimes.
    La disposition de la dernière chance, telle qu'elle existe à l'heure actuelle, renferme la capacité du juge, à l'étape de la révision, et celle du jury, lors de ses délibérations, de décider qu'aucune nouvelle demande au titre de la disposition ne sera reçue si la demande est futile, vexatoire ou nuira de manière injustifiée aux victimes.

  (1710)  

    J'aimerais bien passer à une autre question. Nous ne disposons que d'un temps limité ici.
    Monsieur Dechert, le temps dont vous disposiez est en fait écoulé. Mes excuses.
    Nous allons passer à Mme Jennings, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je m'efforcerai d'être très brève, vu que je n'ai que cinq minutes.
    Étant donné la déclaration que vient tout juste de faire M. Dechert au sujet du fait que le projet de loi vise à résoudre un problème qui va droit au coeur des familles des victimes, qui vivent chaque jour dans le chagrin et la douleur, je vais demander si vous êtes au courant de quelque étude effectuée par l'actuel gouvernement au sujet de toutes les familles de victimes de contrevenants qui ont fait une demande au titre de la disposition de la dernière chance, depuis l'instauration de cette dernière. Je veux parler d'une étude des personnes étant passées par le processus — tant avant 1987, lorsque la révision judiciaire a été instaurée, que depuis — et de leur vécu réel dans le cadre de ce processus. Qu'ont-elles elles-mêmes conclu, que la demande du contrevenant ait ou non abouti?
    Savez-vous s'il existe une telle étude, effectuée par l'actuel gouvernement ou un gouvernement antérieur, depuis l'insertion dans le Code criminel de la disposition de la dernière chance?
    Non.
    Merci.
    Compte tenu de vos témoignages, à tous trois, et des témoignages antérieurs d'autres invités, devant ce comité-ci ou le comité sénatorial, au sujet de la question de la disposition de la dernière chance, et dont vous avez connaissance, conviendriez-vous que si un gouvernement, quel qu'il soit, souhaitait éliminer ou révoquer cette disposition, il importerait que soient effectuées de telles études, étant donné surtout que le secrétaire parlementaire nous dit que si le gouvernement a déposé ce projet de loi, c'était dans l'intérêt des familles des victimes?
    Je m'attendrais à ce qu'il y ait une étude ou un examen exhaustif, non seulement des opinions des victimes du crime, mais également du nombre de demandes qui ont été identifiées comme étant futiles ou qui ont été rejetées, et du nombre de fois que des victimes ont dû se présenter plus de deux ou trois fois pour soulever des préoccupations ou pour assister aux révisions.
    J'ai une autre question. Étant donné la déclaration du secrétaire parlementaire que s'il y a ce projet de loi, c'est pour les familles des victimes, ne conviendriez-vous pas qu'il serait nécessaire, afin d'avoir des données solides, de mener au préalable une étude? Vous mèneriez une étude sur les attitudes et sur l'information qu'avaient les membres des familles de victimes avant le dépôt de toute demande. Vous feriez ensuite la même chose après qu'ils soient passés par le processus d'une demande en vertu de la disposition de la dernière chance.
    Je connais des études d'avant et d'après, dans des domaines tout à fait différents, et dans le cadre desquels les conclusions des personnes ayant vécu un processus donné peuvent être très différentes de ce qu'elles avaient été avant de vivre le processus, du fait d'avoir ainsi obtenu beaucoup d'information leur permettant de comprendre le contexte et l'environnement. Dans certains cas, ces personnes ont même dit qu'il s'agissait d'un excellent processus, qui devrait selon eux exister. Je ne parle pas précisément de la disposition de la dernière chance. Il y a d'autres processus pour lesquels ce genre de chose arrive.
    Pensez-vous que l'actuel gouvernement devrait entreprendre pareille étude avant de prétendre que ce projet de loi vise à régler un besoin exprimé par les familles de victimes?

  (1715)  

    Cette question s'adresse-t-elle à moi également?
    Elle s'adresse à vous trois.
    À nous trois. Je vais commencer.
    Oui, je suis d'accord avec vous là-dessus. En cette époque que nous vivons, il y a quantité d'informations erronées au sujet du crime et de questions de justice pénale. En ce qui concerne le public, je pense qu'une trousse d'information s'imposerait, pour que les gens soient bien au courant de leurs droits et pour qu'ils sachent où aller afin de s'assurer que ceux-ci soient en fait respectés.
    J'aimerais...
    Merci. Nous n'avons plus de temps, mais j'accepterai une réponse en un seul mot de la bouche des deux autres témoins.
    Oui.
    Oui.
    Bien.
    Nous passons maintenant à M. Lemay.

[Français]

    Monsieur le président, les questions de ma collègue étaient tellement bien posées que je n'en ai pas d'autres. Je peux céder mon temps de parole à Mme Jennings, si elle veut compléter. Puis-je lui donner mes cinq minutes? Prenez-les, madame.

[Traduction]

    Merci.
    Je vais conclure en disant simplement, encore une fois à une réponse à une déclaration de M. Dechert, à l'effet que l'actuel gouvernement n'est intéressé que par la vérité dans la détermination des peines et qu'il n'est pas le moindrement intéressé par la question de la réintégration des détenus, que ceux-ci aient été déclarés coupables de meurtre au premier degré, de meurtre au second degré, ou, je présume, de tout autre acte criminel couvert par le Code criminel... En fait, si c'est là l'intérêt du gouvernement, alors il devrait tenter de modifier le Code criminel là où celui-ci dit que l'un des principes de notre système de justice pénale est la réinsertion sociale. Il ne dit pas que le principe de la réinsertion sociale ne s'applique pas à ceux qui sont déclarés coupables de meurtre au premier degré, de meurtre au second degré ou de tout autre crime couvert par notre Code criminel.
    J'invite donc l'actuel gouvernement, si son réel objectif est la vérité dans la détermination de la peine, à modifier, à tenter de refondre le Code criminel tout entier, et à dire que le seul principe du système canadien de justice pénale est la vengeance.
    Soumettez cela au comité.
    Non, c'est vous qui devriez soumettre la chose.
    Bien. Cela suffit.
    À l'ordre! À l'ordre!
    C'est votre suggestion que ce soit proposé.
    Que vous en fassiez la proposition.
    Une voix: C'est ce que nous faisons.
    À l'ordre! À l'ordre!
    Nous allons maintenant passer à M. Petit, pour cinq minutes.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais poser une question à M. Mandelcorn. Êtes-vous un avocat, un procureur?

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    Avez-vous déjà plaidé des causes criminelles?

[Traduction]

    Je le fais tout le temps.

[Français]

    Alors, vous savez que lorsqu'une personne est accusée de meurtre au premier degré, au Québec, elle se présente devant la Cour supérieure du Québec. En tant qu'avocat, avez-vous déjà fait du plea bargaining pour que l'accusation en devienne une de meurtre au deuxième degré, afin d'éviter un procès devant jury, parce que ça coûte moins cher à l'État? Dans votre carrière, cela vous est-il déjà arrivé?

[Traduction]

    Il s'agit, primo, d'une négociation, et non pas d'un marchandage, de plaidoyer.
    Deuzio, je ne pense pas qu'un procureur de la Couronne accepterait de transformer une affaire de meurtre au premier degré en une affaire de meurtre au second degré du simple fait que cela économiserait de l'argent. La chose est fonction de la solidité du dossier de la Couronne et des chances d'obtenir un verdict raisonnable, advenant qu'il faille aller jusqu'à un procès.

  (1720)  

[Français]

    Êtes-vous d'accord avec moi pour dire que cela vous est déjà arrivé au cours de votre carrière?
    Je suis aussi procureur. Au Québec, ce sont des choses qui arrivent. J'imagine que votre province n'est pas différente de la mienne. Je voudrais savoir si vous êtes au courant que lorsque votre client est condamné pour un meurtre au deuxième degré, son admissibilité est différente de celle d'un individu condamné pour meurtre au premier degré. Êtes-vous d'accord?

[Traduction]

    Ce le peut. Même dans le cas d'une déclaration de culpabilité de meurtre au deuxième degré, le juge peut imposer une peine d'emprisonnement à perpétuité avec admissibilité à une libération conditionnelle au bout du maximum de 25 ans. Dans la plupart des cas, donc, je conviendrais avec vous que la période de sûreté est réduite, non pas nécessairement par définition et certainement pas du fait de la loi. Le contrevenant peut devoir attendre jusqu'à 25 ans avant d'être admissible au dépôt d'une demande.

[Français]

    J'aimerais poser une question à M. McIsaac.
    Vous savez que c'est nous qui avons créé le poste d'ombudsman pour les victimes; il n'y en avait pas auparavant. Je pense que vous en avez parlé dans votre discours.
    J'aimerais savoir si votre organisme a consulté des associations de victimes qui vous ont dit que ce que font les conservateurs est correct. Avez-vous consulté des associations de victimes ou n'avez-vous consulté que des représentants du côté criminel, dans les prisons, qui vous auraient dit, naturellement, que le projet de loi n'est pas bon? Avez-vous consulté des victimes?

[Traduction]

    Oui. La Société John Howard, dans le cadre de la prestation de ses services et programmes, offre des activités de réconciliation qui s'adressent aux victimes de crime ainsi qu'aux contrevenants. Ce n'est donc pas un volet que nous ignorons. Le contact avec les victimes est continu.

[Français]

     Monsieur McIsaac, vous dites avoir rencontré des victimes. Ces dernières vous ont-elles dit être heureuses que l'individu qui a tué leur enfant, leur femme ou leur oncle soit libéré après 15 ans, 16 ans, 17 ans ou 18 ans? Est-ce ce qui est ressorti de vos conversations avec les victimes?

[Traduction]

    Non. Pas du tout.

[Français]

    Pas du tout.
    Monsieur Sauvé, j'aimerais vous poser une question. Plus tôt, vous avez parlé de l'espoir qui était fourni et vous en avez bénéficié, ce qui est tout à votre honneur. Je voudrais maintenant vous poser une question un peu plus directe. Après 15 ans, 16 ans ou 17 ans, beaucoup de gens sortent de prison. Personnellement, j'appelle la prison un cercueil. Mais la victime, celle qui est vraiment dans le cercueil, qu'a-telle comme possibilité après 15 ans? Elle n'a rien. Qu'avez-vous à offrir aux victimes pour les aider?

[Traduction]

    C'est en voyage qui... Je ne peux pas parler au nom des victimes. C'est un voyage qu'elles font.
    J'ai participé à des conférences. Je suis allé à un atelier où il y avait un grand nombre de victimes. C'était à Toronto. Cet atelier avait été parrainé par la Commission nationale des libérations conditionnelles. Votre collègue a soulevé le fait que les victimes et le public veulent se sentir en sécurité quant aux personnes qui se trouvent au sein de leur collectivité, et j'ai révélé à l'occasion de cette réunion que j'avais été déclaré coupable de meurtre au premier degré.
    À la fin de la journée, j'ai raccompagné en voiture jusqu'à chez elle l'une des femmes qui étaient là; mon épouse et moi avons accompagné l'autre femme jusqu'à son véhicule. Elles ont déclaré, après la journée complète d'ateliers ensemble: « Je ne sais pas. Je veux juste être certaine d'être en sécurité dans la collectivité ». Voilà tout l'objet de la disposition de la dernière chance et du processus de révision judiciaire.
    Vous avez tout à fait raison de dire que le public veut savoir qu'il va être en sécurité dans la collectivité. Vous avez tout à fait raison. Lorsqu'une personne retourne dans la collectivité, rencontre les gens, témoigne, et que toute sa vie est expliquée et livrée au public et au jury, ce sont ces derniers qui décident si la personne devrait être admissible à la libération conditionnelle. Voilà de quoi il est question dans cette loi.
    Merci.
    La parole va maintenant revenir à M. Lee. Vous avez, je pense, une courte question.
    Oui. Mais la réponse ne sera pas forcément courte.
    La question s'adresse à tous les témoins, si vous voulez bien y répondre.
    Le projet de loi n'a pas d'incidence sur les demandes de libération conditionnelle après la 25e année. Dans le cas d'un condamné à perpétuité qui est incarcéré depuis 25 ans, aucune période de sûreté n'est imposée après 25 ans. Je suis certain que vous en conviendrez, et je pense que c'est ce que dit le projet de loi.
    Étant donné que l'un des objectifs de la détermination des peines est la réintégration réussie des contrevenants dans la société, et étant donné que le projet de loi porte sur l'intervalle entre la 15e année et la 25e année de réclusion, sommes-nous en train de laisser passer à côté d'occasions de réintégration réussie de contrevenants de ce genre entre la 15e et la 25e années? Les perspectives sont-elles meilleures à l'intérieur de cette période? Sur la base de votre expérience, ces perspectives diminuent-elles de quelque façon? La réintégration d'une personne est-elle meilleure ou plus facile à la 18e ou à la 20e année, par opposition à la 30e ou à la 35e année?
    Je vous demande de vous prononcer sur l'intervalle entre la 15e et la 25e années. Qu'est-ce qui sert mieux la société? Si nous éliminons la disposition de la dernière chance, alors nous allons perdre cette période de la 15e à la 25e année aux fins de réinsertion sociale? Est-ce bon, mauvais ou sans incidence?

  (1725)  

    Premièrement, ma conviction — et elle est celle d'une personne qui a été déclarée coupable et qui a purgé une peine d'emprisonnement à vie, et qui continue de purger une peine d'emprisonnement à vie — est que ma peine va durer à jamais.
    Si le risque est tel que la personne ne devrait pas réintégrer la collectivité, alors qu'elle reste en prison. Et il y a de nombreux hommes et femmes qui ne vont jamais sortir de prison. Ils vont y mourir. J'ai travaillé avec au moins 16 personnes qui sont mortes de causes naturelles pendant qu'elles purgeaient leur peine d'emprisonnement à perpétuité.
    Mais, plus longtemps vous gardez les gens en prison, plus difficile sera leur réinsertion sociale au sein de la collectivité. L'une des choses que j'ai étudiées lorsque je travaillais sur ma thèse, et que j'ai moi-même observée dans mon travail, est que les jeunes contrevenants qui arrivent et qui sont condamnés à une peine d'emprisonnement à vie et qui ont un minimum de sept ans, ne sortent pas au bout de sept ans. Nombre d'entre eux restent en prison pendant 10, 15 ou 20 ans. Et il est alors d'autant plus difficile de les réinsérer dans la collectivité, car leur âge mental et leur expérience dans la collectivité sont les mêmes lorsqu'ils sortent de prison que lorsqu'ils y sont entrés. Leur développement s'est arrêté.
    J'ai tout juste l'autre jour accompagné un gars qui avait une permission de sortir. Il a été déclaré coupable de meurtre au deuxième degré. Il a été condamné à 12 ans. Il est en prison depuis 23 ans. Le problème est qu'il n'a pas pu participer à des programmes. Ceux-ci n'étaient tout simplement pas disponibles, alors il est resté en prison beaucoup plus longtemps que cela n'aurait été nécessaire. Il n'avait jamais vu de téléphone cellulaire. Il n'avait jamais vu certaines des nouvelles pièces et des nouveaux billets de banque qui sont en circulation. C'est donc tout un défi que d'essayer de l'aider à se réinsérer dans la collectivité. Plus vous gardez les gens longtemps en prison, plus il est difficile de les réintégrer.
    Je ne dis pas qu'il vous faut simplement ouvrir automatiquement la porte et laisser quelqu'un sortir du fait qu'il ait purgé x nombre d'années. Lorsque la personne est prête à entamer sa réinsertion sociale, c'est là qu'il vous faut le faire. Et le processus est long et lent.
    Merci.
    Nous allons autoriser une courte question à M. Norlock, juste pour être bien certain que le parti au pouvoir en a une de plus.
    Ma courte question est la suivante, et je pense que M. Sauvé a tapé dans le mille lorsqu'il a dit: « Ma peine d'emprisonnement est... à jamais ». Je vous soumettrai que les personnes déclarées coupables de meurtre au premier degré ont une peine à purger à jamais. Nous avons entendu dire aujourd'hui qu'elles sont en libération conditionnelle pour le restant de leur vie naturelle. Mais la raison pour laquelle elles sont en libération conditionnelle pour le restant de leur vie est que la ou les personnes qu'elles ont tuées sont condamnées à jamais. Elles n'ont pas un tribunal qui est réuni pour s'inquiéter de savoir pendant combien de temps elles devraient rester mortes. Elles sont mortes à jamais.
    Mais il nous faut, me dit-on, penser aux vivants. Et toute la psychologie derrière cela est que la personne qui est morte est morte. Ce sont des vivants qu'il nous faut nous préoccuper. Mais lorsque nous parlons des victimes, les gens d'en face diront « Eh bien, vous autres, vous en parlez, mais vous restez indifférents », et ensuite, nous, nous disons: « Eh bien, si vous n'étiez pas indifférents, vous... »
    Mon dilemme est le suivant. Il fut un temps, je croyais en la peine de mort. Ce n'est plus le cas. Nous sommes donc en présence de personnes qui ont commis des meurtres. Nous ne les pendons plus. C'est ainsi qu'il nous faut maintenant nous inquiéter de savoir quoi faire avec les personnes que nous pendions autrefois. À un moment donné, notre société a dit que nous allions les incarcérer pour toujours, du fait que leurs victimes soient mortes pour toujours. Puis, nous avons dit: « Non, cela n'est pas juste. Il nous faut leur donner un certain espoir, et leur montrer qu'elles ne vont pas être punies à jamais ».
    Monsieur Sauvé, ce dont est en train de s'occuper l'actuel gouvernement, en plus des familles des victimes et de la société dans son entier — car nous entendons tous le message, mais c'est simplement que nous avons des perspectives philosophiques différentes —, est la question de savoir quand il est approprié d'enclencher le système en vue de la réinsertion sociale des personnes ayant commis l'acte grave qu'est le meurtre. Nous avons entendu dire que ce devrait être au bout de huit ans, car en Europe, c'est huit ans. Je dirais quant à moi que personne ne peut en réalité répondre à cette question. J'estime que c'est M. Sauvé qui y a le mieux répondu. Il ne pense pas qu'il y ait de date précise.

  (1730)  

    Merci.
    Messieurs, merci de votre comparution devant le comité. Vos témoignages ont été utiles.
    La séance est levée.
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