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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 010 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 27 avril 2010

[Enregistrement électronique]

  (1310)  

[Français]

    Le Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international tient cette séance aujourd'hui, le 27 avril 2010. Il s'agit de la 10e séance.

[Traduction]

    Nous accueillons aujourd'hui un témoin distingué, Mme Shirin Ebadi, dont c'est la deuxième comparution devant le comité. Elle était ici à notre première audience, il y a plus d'un an. Nous avons depuis lors rédigé un rapport sur l'Iran, que nous avons transmis à notre comité principal, le Comité des affaires étrangères. Nous espérons qu'il l'approuvera rapidement pour ensuite le présenter à la Chambre des communes.
    J'aimerais régler quelques questions de gestion interne avant de céder la parole à Mme Ebadi.
    Tout d'abord, je voudrais vous faire remarquer que Mme Ebadi est accompagnée de son interprète, qui interprétera de l'anglais et du français en farsi, et inversement. Cela ralentira quelque peu le déroulement de la séance, et il est probable que nous n'aurons le temps que pour une intervention par parti, en ajustant la durée des interventions pour pouvoir tirer pleinement parti du temps dont nous disposons.
    J'aimerais préciser deux ou trois autres choses. Nous avons un calendrier de réunions dont je ne veux pas discuter aujourd'hui, mais vous devez l'avoir en main. Il a été envoyé à vos bureaux. Je voulais le signaler aux membres du comité pour qu'ils y jettent un coup d'oeil. Il concerne nos audiences futures sur tous les sujets dont nous allons traiter d'ici à juin. Si vous avez des commentaires, je vous invite à les adresser à moi ou encore à la greffière, sans formalités.
    Mme Ebadi voyage au pays depuis quelque temps. Elle a pris la parole en public à Vancouver et à Toronto. Elle a été accueillie par M. John Weston, que j'ai invité à siéger avec nous, mais, à ce que j'ai compris, il ne posera pas de questions. À 18 h 30, elle doit prononcer une allocution devant la Tribune de la presse, à l'édifice Booth. Alors, si vous voulez y assister, libre à vous de le faire.
    J'aimerais aussi souligner que la réunion d'aujourd'hui est télévisée. Bien entendu, je vous incite donc à vous montrer sous votre meilleur jour.
    Cela étant dit, nous allons maintenant laisser la parole à Mme Ebadi.
    Madame Ebadi, nous vous souhaitons la bienvenue. Vous pouvez commencer quand il vous conviendra.
    Je suis très heureuse d'être ici aujourd'hui pour prendre la parole devant le Sous-comité des droits de la personne du Parlement canadien.
    Très brièvement, j'aimerais énoncer les violations des droits de la personne commises en Iran de nos jours.
    Malheureusement, les pouvoirs des tribunaux de l'Iran s'amenuisent de jour en jour. De nombreux accusés qui sont en prison là-bas ont dit que les interrogateurs avaient déjà décidé de leur sort et de ce que devrait être leur peine, avec l'assentiment des tribunaux. Aussi, dans les procès de gens dont je suis l'avocate, je n'ai jamais vu justice se faire.
    Par exemple, l'affaire Zahra Kazemi traîne depuis plus de deux ans, sans l'ombre d'un progrès. Prenez aussi le cas des dirigeants de la communauté Baha'i en Iran, qui sont en prison depuis plus de deux ans; rien n'a été fait pour eux. Le tribunal pourrait très facilement accepter un cautionnement et libérer les prisonniers sous caution, et la demande en a été faite plusieurs fois, sans jamais être acceptée.
    Ce que les tribunaux font aux prisonniers politiques va tout à fait à l'encontre de nos lois. En tant qu'avocate, j'ai signalé à maintes reprises aux tribunaux qu'ils ne devraient pas dépasser les limites de la loi, mais ils ne m'ont jamais écoutée.
    Depuis 10 mois, bien des gens ont été jetés en prison simplement parce qu'ils contestaient les résultats des élections. En prison, ils n'ont aucune espèce de droit — même moins que les criminels ordinaires, comme les assassins. En ce moment, plusieurs prisonniers politiques font une grève de la faim pour protester contre leur situation.

  (1315)  

    Plusieurs mauvaises lois ont été adoptées en Iran après la révolution, stipulant des sanctions comme la lapidation, l'amputation et la crucifixion. Malheureusement, les peines de ce genre sont exécutées. Le mois dernier, on a amputé la jambe et le bras d'une personne accusée de vol. En 2009, c'est l'Iran qui a exécuté le plus grand nombre de mineurs. L'année dernière, seule la Chine a exécuté plus d'adultes que nous.
    D'après le rapport de Reporters Sans Frontières, c'est dans les prisons de l'Iran que se trouvent le plus de journalistes. Non seulement le gouvernement contrôle-t-il la radio et la télévision, mais, en plus, il brouille les signaux des satellites pour empêcher les médias d'expression perse de l'extérieur du pays d'atteindre la population.
    La situation des défenseurs des droits de la personne en Iran est déplorable. Bon nombre d'entre eux sont en prison. J'ai un client, M. Kaboudvand, qui a été condamné à cinq ans de prison pour avoir créé une ONG. Le gouvernement a fermé l'ONG que j'ai fondée il y a un an et demi, ce qui constituait une infraction à la loi du pays. Nous nous sommes plaints, mais personne n'y a porté attention.
    Je termine ici mes commentaires en vous remerciant de votre patience. Je répondrai volontiers à vos questions.

  (1320)  

    Merci beaucoup, madame Ebadi.
    Nous allons commencer par le Parti libéral. Nous pouvons probablement nous en tirer avec une intervention de 10 minutes par parti, ce qui fait que nous dépasserons légèrement les 14 heures. Je suppose que cela ne posera pas de problème.
    Monsieur Silva.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens à remercier Mme Ebadi de revenir devant notre comité et à lui souhaiter la bienvenue. C'est pour nous un grand honneur que de vous accueillir.
    Nous étudions depuis plus d'un an la situation des droits de la personne en Iran, et nous avons rédigé un rapport que nous espérons publier très bientôt. Ce que nous ont appris les témoignages que nous avons entendus depuis un an a été extrêmement troublant, particulièrement l'exécution de mineurs, dont vous avez parlé. L'Iran a l'un des taux les plus élevés d'exécution de mineurs et d'adultes. La peine de mort y est encore largement appliquée. Des journalistes sont jetés en prison, comme vous le disiez, et il y a aussi ce qui est arrivé depuis les dernières élections présidentielles: vague d'arrestations de manifestants, surtout des jeunes gens, mais aussi de dirigeants de l'opposition.
    J'aimerais que vous nous aidiez à y voir clair. Peut-être le pourrez-vous. Savez-vous combien il peut y avoir de prisonniers politiques? En ce qui concerne l'assemblée législative, y a-t-il des alliés auxquels vous pouvez faire appel et qui pourraient vous aider, ou est-ce que toutes ces voix dissidentes ont été étouffées depuis les dernières élections?
Mme Shirin Ebadi (Interprétation):
    L'un de nos problèmes, en Iran, c'est que le gouvernement n'annonce pas qui il a arrêté. Il menace toujours les familles — en leur disant qu'elles ne devraient pas l'annoncer, qu'elles ne devraient pas recourir à un avocat, qu'elles ne devraient dire à personne que leurs enfants ont été arrêtés.
    C'est pourquoi, depuis une trentaine d'années, le nombre exact de prisonniers politiques a toujours été incertain. D'après le rapport officiel du gouvernement, depuis le 12 juin 2009, la date des élections, 6 000 personnes ont été arrêtées. Mais en réalité, bien sûr, c'est beaucoup plus.
    Certains de ces détenus ont été libérés après avoir versé des cautions très élevées. Ils sont sortis de prison, mais à cause de leur caution, ils ne peuvent rien faire; la caution a été confisquée. Parmi les gens qui ont été emprisonnés, plusieurs sont morts sous la torture. Un certain nombre ont affirmé avoir subi des agressions sexuelles. Certains ont subi un procès et, malheureusement, ont été condamnés à de longues peines de prison. D'autres ont été condamnés à mort, dont quatre qui ont déjà été exécutés.
    Quelle était l'autre question?

  (1325)  

    C'était pour savoir s'il y a le moindre soutien de l'opposition au sein de l'assemblée législative, qui pourrait appuyer vos efforts, et aussi quelle est la situation à propos des droits de la personne, particulièrement en ce qui concerne les prisonniers politiques.
Mme Shirin Ebadi (Interprétation):
    En fait, deux luttes se livrent en ce moment même en Iran. L'une est menée par les opposants au gouvernement. De fait, il y a bien du monde qui s'oppose au gouvernement. L'autre lutte se livre entre les membres du gouvernement.
    À cause de choses qui se sont passées, la dissidence règne entre les membres du gouvernement. Les sages pensent qu'en bout de ligne, ce type de violence provoquera la chute du gouvernement. De ce groupe, je peux citer le nom de Hashemi Rafsanjani. L'autre groupe estime qu'il faudrait éliminer au plus vite tous ceux qui s'opposent au gouvernement.
    Je peux attester du fait que le mouvement vert prend de la vigueur de jour en jour.

  (1330)  

    Est-ce qu'il me reste du temps?
    Oui, monsieur Silva, il vous reste une minute.
    Je crois que la dernière fois que vous étiez ici, vous étiez contre l'imposition de sanctions visant l'Iran. Compte tenu de ce qui est arrivé depuis quelque temps, les emprisonnements politiques et la fraude électorale récente, je me demande si vous avez changé votre fusil d'épaule. Estimez-vous encore qu'il ne faudrait pas recourir à des sanctions contre l'Iran?
Mme Shirin Ebadi (Interprétation):
    Je m'oppose encore à une attaque militaire et à des sanctions d'ordre économique contre l'Iran, parce qu'elles ne feraient qu'aggraver la situation de la population. Sous prétexte de sécurité nationale, elles permettraient au gouvernement d'opprimer encore plus le peuple. Par contre, il faudrait interdire ces activités commerciales qui permettent au gouvernement de continuer d'éliminer des gens. Nous sommes donc contre toute espèce de vente d'armement à l'Iran. Aussi, la société Nokia Siemens, par exemple, a vendu des logiciels à l'Iran, lesquels lui permettent de contrôler tous les téléphones mobiles et SMS. Certains de mes clients sont en prison actuellement à cause de cela.
    Nous sommes contre tout commerce de ce genre.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Silva.
    C'est maintenant au tour de M. Dorion.
    Commencez, s'il vous plaît.

[Français]

    Madame Ebadi, j'aimerais d'abord vous poser une courte question. Nous connaissons la nature très autoritaire du régime actuel en Iran. Le gouvernement iranien dispose certainement de moyens de vous empêcher de voyager et de livrer un témoignage comme celui que vous livrez aujourd'hui.
     Comment expliquez-vous que l'on vous permette de témoigner à l'étranger, en plus de vous permettre d'entrer et de sortir du territoire iranien?

[Traduction]

Mme Shirin Ebadi (Interprétation):
    La veille des élections, je suis allée en Espagne participer à un séminaire d'une durée de trois jours. Le quatrième jour, alors que je me préparais à retourner en Iran, mon pays n'était plus tel que je l'avais quitté. On avait expulsé tous les journalistes étrangers et jeté en prison un grand nombre de journalistes iraniens. Certains de mes collègues avaient été arrêtés, et les autres se cachaient. Plusieurs personnes avaient été tuées dans les rues. Mes collègues ont demandé qu'au lieu de revenir en Iran, j'aille aux Nations Unies parler de ce qui était arrivé.
    Pendant ce temps, j'ai eu deux rencontres et un entretien téléphonique avec M. Ban Ki-moon. Je suis allée à plusieurs reprises au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, où je me suis entretenue avec Mme Pillay. Je me suis adressée plusieurs fois à l'Union européenne.
    À cause de tout cela, le gouvernement a confisqué tous mes biens et ceux de mon mari. Mon mari a passé plusieurs jours en prison et, en ce moment, il n'est pas autorisé à quitter le pays. Ma soeur est professeure d'université et n'a jamais eu d'activités politiques ou sociales, mais on l'a arrêtée et gardée en prison pendant trois semaines pour la faire taire. On l'a libérée au bout de trois semaines parce qu'elle est cardiaque et on craignait qu'elle meure en prison. Le gouvernement n'arrête pas d'ennuyer mes amis, mes proches et ma famille.
    Je reçois constamment des menaces. On me dit que, où que je me trouve dans le monde, on finira bien par m'atteindre et me tuer. N'oubliez pas que j'ai gagné le prix Nobel de la paix et que bien des caméras sont tournées vers moi. S'ils osent me faire cela, imaginez ce qu'ils peuvent faire aux gens ordinaires. Alors, contrairement à ce que vous pourriez penser, le gouvernement de l'Iran n'est pas très démocratique, et il n'est pas très doux pour le peuple.

  (1335)  

[Français]

    Madame Ebadi, je tiens à vous dire à quel point nous avons de l'admiration pour le courage que vous montrez en apportant ce témoignage, compte tenu du contexte extrêmement dangereux pour vous et vos proches.
    Ma deuxième question est de nature plus générale. On sait que le gouvernement iranien qui a précédé le gouvernement actuel, c'est-à-dire, le gouvernement du shah, était un gouvernement très pro-occidental et très occidentalisant, même. Certaines personnes estiment même que c'est l'excès d'occidentalisation préconisé par ce gouvernement qui a entraîné sa chute, ainsi qu'une réaction anti-occidentale et l'imposition d'une certaine conception de l'Islam.
     Pourriez-vous commenter un peu sur votre peuple, de façon à voir la relation entre l'Islam et la manière dont la société iranienne devrait fonctionner?

[Traduction]

Mme Shirin Ebadi (Interprétation):
    Comme vous l'avez dit, le régime antérieur de l'Iran dépendait énormément des États-Unis. La CIA a fait un coup d'État et a renversé notre leader national, M. Mosaddegh. C'est ce qui a fait que la population de l'Iran, pendant le règne du Shah, n'était pas très proaméricaine. Mais ce n'est pas une raison pour que le gouvernement brime le peuple au nom de l'Islam. Le gouvernement a abusé du nom de l'Islam, ou l'a exploité à tel point que certains membres hauts placés du clergé de l'Iran contestent ce que fait le gouvernement. Un leader spirituel de l'Iran, malheureusement décédé il y a quelques mois, avait décrété que le gouvernement n'est ni islamique ni républicain. Actuellement, bien des fonctionnaires ou leaders religieux de haut rang sont contre le gouvernement. Malheureusement, ils n'ont aucun pouvoir et vous ne pouvez pas les entendre.
    En tant que musulmane, que musulmane pratiquante, je peux attester du fait que ces gens abusent du nom de l'Islam.

  (1340)  

[Français]

    Merci, madame Ebadi.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Marston.
    Madame Ebadi, je suis heureux de vous revoir devant notre comité et vous y souhaite la bienvenue. Je veux vous dire que ce comité étudie la situation de l'Iran depuis un an, et l'été dernier, alors que nous allions ajourner, quand les démonstrations commençaient, nous avons décidé de faire une pause: notre rapport ne serait pas complet si nous n'y parlions pas des changements qui semblaient être sur le point de survenir. Nous comprenions aussi, en tant que comité, que la répression ne ferait probablement que s'amplifier.
    Personnellement, j'ai compris d'après ce que disaient les médias que votre bureau avait été fermé. Nous nous inquiétions beaucoup, nous tous ici, de ce que cela pourrait signifier pour vous. Nous savons que vous avez exposé sur la tribune mondiale la situation du peuple d'Iran d'une manière qui a retenu l'attention des gouvernements et des peuples, dans l'ensemble.
    Je suis heureux d'entendre aujourd'hui que vous voyez d'un oeil optimiste l'expansion du mouvement vert, et je suis d'accord avec vous. J'ai passé quelque temps en Arabie saoudite dans les années 1970 — six mois, en fait — puis je suis revenu au Canada. Dans la trentaine d'années écoulées depuis, j'ai appris à connaître des musulmans et ce que je les vois pratiquer dans leur vie n'a rien à voir avec les pratiques du gouvernement de l'Iran dont j'entends parler.
    L'une des choses qui ont frappé le comité, c'est l'appel au génocide contre Israël qu'a lancé Ahmadinejad. Évidemment, certains pensent que c'est une manoeuvre, comme le ferait un magicien, pour détourner l'attention de ce qu'il fait à son propre peuple, et d'autres craignent beaucoup qu'il soit vrai qu'il est en train de se constituer un arsenal nucléaire, avec l'intention de s'en servir.
    Quelle serait la réaction des gens sur le terrain, des membres du mouvement vert, à cet appel au génocide?

  (1345)  

Mme Shirin Ebadi (Interprétation):
    On peut savoir ce que pense la population d'après ses slogans. Depuis le début de la révolution, le slogan du gouvernement, à n'importe quel rassemblement, était « Mort à l'Amérique!, Mort à Israël! » et la population le reprenait. Après les élections présidentielles, chaque fois que le gouvernement lançait dans des hauts-parleurs « Mort à l'Amérique! Mort à Israël! », la population répliquait immédiatement « Mort à la Chine! Mort à la Russie! ».
    Pourquoi « Mort à la Russie »? Parce que la Russie est en train de constituer la source d'énergie atomique à Bushehr et parce qu'elle fournit un vigoureux soutien à l'Iran au sein des Nations Unies.
    De fait, en scandant « Mort à la Russie », la population veut faire comprendre qu'elle est contre l'énergie atomique russe.
    Et pourquoi « Mort à la Chine »? Parce que la Chine est le plus important partenaire économique de l'Iran et le plus vif supporter de l'Iran au sein des Nations Unies.
    Alors si vous voulez comprendre ce que pense la population, il vous suffit d'analyser ses slogans.
    Je compare vos propos d'aujourd'hui à ceux que vous avez tenus lors de votre dernière visite ici. Vous avez parlé d'amputation, de lapidation et même de crucifixion. Vous avez parlé du grand nombre d'exécutions, tant de jeunes que d'adultes.
    Vous avez déjà traité de certains de ces sujets auparavant, mais votre message me paraît contradictoire. D'un côté, vous dites que le mouvement vert prend de l'ampleur; et de l'autre, nous entendons parler de ce qui semble être une escalade de la répression et de la suppression de la population de l'Iran.
    Comparativement à la dernière fois où vous avez témoigné devant nous, il me semble entendre de l'optimisme — c'est dans ma nature — et je vous espère plus optimiste, bien que la situation semble s'être aggravée.
Mme Shirin Ebadi (Interprétation):
    Je dois dire que ce mouvement a été engendré par la violation des droits de la personne et par la répression de la population iranienne. Si le peuple était heureux de sa situation, il ne prendrait pas les rues d'assaut pour manifester. Si le gouvernement manifeste plus de violence, l'insatisfaction populaire augmentera en conséquence. Croyez-vous qu'une personne dont l'enfant a été tué oubliera cela? Donc, le mouvement vert gagne en vigueur de jour en jour.
    Je sais qu'un jour il sortira grand gagnant. Personne, ni vous, ni moi, ne peut prétendre savoir le lieu et le moment de cette victoire.
    Beaucoup de choses influent grandement sur la situation: les cours internationaux du pétrole, les situations politiques en Iraq et en Afghanistan, les relations diplomatiques entre Téhéran et Washington, l'énergie nucléaire et les relations diplomatiques entre l'Iran et la Russie et la Chine. Ce sont tous là des facteurs qui peuvent ralentir ou accélérer la démocratisation de l'Iran.

  (1350)  

    Je crois que mon temps est presque terminé, monsieur le président.
    Il vous reste 30 secondes.
    C'est parfait.
    Je veux seulement vous remercier, madame Ebadi, du courage que vous manifestez en venant témoigner aujourd'hui. Je suis persuadé que je parle au nom de tous les membres du comité en vous exprimant toute ma gratitude pour votre aide dans notre étude sur l'Iran. Un témoignage direct comme le vôtre est d'une valeur inestimable pour le rapport que nous produirons à l'issue de nos travaux.
    Je salue votre courage, madame.
    Merci beaucoup.
    Maintenant, pour la dernière série de questions, nous allons commencer par M. Sweet.
    La dernière fois que Mme Ebadi était ici, c'était au cours de la 39e législature. J'aimerais lui souhaiter bon retour au sous-comité
    Je vais poursuivre là où mon collègue, M. Marston, s'était arrêté, et vous dire simplement merci du fond du coeur, au nom de la communauté bahá'íe du Canada et, bien entendu, au nom de tous ceux qui, comme la famille de Zahra Kazemi, ont été témoins de ce que vous avez essayé d'accomplir là-bas.
    Vous avez mentionné que les autorités du régime iranien ont fait fermer l'ONG que vous dirigiez. Je crois en fait que vous avez lancé deux ONG: la Société pour la protection des droits de l'enfant et le Centre des défenseurs des droits de la personne.
    Les autorités iraniennes ont-elles mis un terme aux activités de ces deux ONG?
Mme Shirin Ebadi (Interprétation):
    Grâce à l'argent associé à mon prix Nobel, j'ai acheté un appartement que j'ai meublé avant de le remettre aux deux organisations qui ont été fondées, dont le Centre des défenseurs des droits de la personne. J'y travaillais, en compagnie d'autres avocats, aux dossiers des droits de la personne. L'autre partie de l'appartement servait à un organisme contre les mines terrestres; nous aidions les gens blessés par de telles mines.
    La police s'est illégalement saisie de l'appartement. En ce moment, il est sous le contrôle du gouvernement. Par conséquent, les bureaux des deux ONG ont été fermés. Bien entendu, nos efforts continuent, mais notre travail s'avère beaucoup plus ardu.
    Entre-temps, j'aimerais faire rapport de la situation des mines terrestres en Iran. Durant huit années, l'Iran et l'Irak se sont livré une guerre. Même si elle est terminée depuis 20 ans, plus de trois millions d'hectares de terrain contiennent toujours des mines terrestres. En moyenne, chaque jour, deux personnes sont soit tuées, soit blessées par des mines terrestres. Malheureusement, le déminage de l'Iran avance à pas de tortue. À ce rythme, il faudra 50 ans pour déminer entièrement le pays.
    Par ailleurs, les personnes victimes de mines terrestres n'ont pas assez d'aide. J'avais fondé la seule ONG en Iran concernant les mines terrestres, parce que le gouvernement iranien avait empêché la diffusion de l'information, et il y avait même des Iraniens qui n'étaient pas au courant de la présence de mines terrestres dans certaines parties de leur pays. Au lieu d'admirer nos efforts ou d'être reconnaissantes des services que nous fournissions, les autorités iraniennes nous ont dit que nous essayions de les faire mal paraître.

  (1355)  

    Vous savez, c'est tout simplement aberrant qu'un régime victimise sa propre population, mais, en plus, qu'il agisse de manière irresponsable en n'éliminant pas un grave danger qui la guette, comme les mines terrestres.
    Madame Ebadi, vous avez mentionné qu'environ 6 000 personnes avaient été emprisonnées depuis les élections, et, selon vous, ce nombre serait, en réalité, beaucoup plus élevé. Nous connaissons cette force, la Basij, qui s'infiltre dans les manifestations et blesse les Iraniens qui essayent de s'élever contre le régime.
    Savez-vous combien de personnes ont été battues ou grièvement blessées par le Basij?
Mme Shirin Ebadi (Interprétation):
    Malheureusement, je ne connais pas le nombre exact, parce que si quelqu'un prétend avoir été battu, cela sous-entend qu'il manifestait; par conséquent, le gouvernement l'arrêterait.
    Même le nombre exact de décès est inconnu, parce que le gouvernement a menacé les familles en leur disant qu'elles n'ont pas le droit de dire ce qui est arrivé à leurs enfants et qu'elles devraient plutôt dire qu'ils sont morts dans un accident de voiture.
    Récemment, ils ont été capables de dénicher quelques personnes prêtes à témoigner que leurs enfants ont été tués au cours de manifestations. J'aimerais parler d'une personne tuée dans ces circonstances, une jeune fille du nom de Neda. Vous avez probablement vu la vidéo de son meurtre.
    Lorsque Neda a été tuée, des gens ont arrêté son assassin, parce qu'ils se sont dit que s'ils le livraient aux autorités policières, il serait fort probablement relâché et ils seraient eux-mêmes arrêtés.
    Certains ont suggéré de le battre pour son crime, mais quelques femmes présentes s'y sont opposées et ont dit: « Nous ne sommes pas comme eux: nous ne pouvons que prendre ces pièces d'identité avant de le relâcher. »
    Selon ses cartes d'identité, il était un membre de la Basij. Ils ont divulgué son identité sur Internet. Ils ont même trouvé son adresse; des gens qui le connaissaient savaient où il habitait.
    Au moins 10 témoins ont vu la scène et ont témoigné qu'ils avaient vu cette personne tuer Neda d'une balle. Le tout a aussi été capté sur vidéo.

  (1400)  

    Comment croyez-vous que le gouvernement iranien a réagi? Il a annoncé que le docteur qui l'avait aidée était le meurtrier — un espion britannique qui était venu assassiner Neda avant de repartir.
    Lorsque je prétends que les cours n'ont plus de pouvoir, c'est l'exemple parfait. Nous avons une preuve vidéo, nous avons des témoins qui ont vu le meurtrier et qui savent où il habite, mais le gouvernement prétend que les Britanniques avaient un plan et qu'il y avait une conspiration pour la tuer.

  (1405)  

    Je n'ai pas d'autres questions, mais mon collègue en aurait une, monsieur le président, si nous avons le temps.
    Nous n'avons en fait plus de temps, mais si le comité est d'accord, nous pouvons poser une dernière question.
    Y a-t-il un consentement unanime pour permettre à M. Hiebert de poser une question?
    Des voix: D'accord.
    Le président: Merci.
    Monsieur Hébert, vous pouvez poser votre question.
    J'ai une question: selon vous, quelle serait la réaction la plus efficace que le Canada pourrait manifester à l'égard des violations des droits de la personne?
Mme Shirin Ebadi (Interprétation):
    Le Canada a eu une très bonne réaction jusqu'à présent. Je pense aux résolutions que le Canada a proposées à l'Assemblée générale des Nations Unies. Il y a plusieurs années que ces résolutions ont été adoptées.
    Bien que ces résolutions ne s'accompagnent d'aucun pouvoir exécutif et qu'aucune sanction n'y soit rattachée, l'important, c'est qu'une communauté internationale a établi le bien-fondé des affirmations des gens. Le gouvernement iranien sait qu'il ne peut pas mentir aussi facilement.
    Oui, monsieur Sweet.
    Il serait négligent de notre part de ne pas remercier M. Weston de s'être occupé du voyage de Mme Ebadi. Il est celui qui m'a fait savoir qu'elle serait de passage ici; et lorsque j'ai proposé la motion... et il a accompli une multitude de tâches.
    Il est aussi celui qui a proposé la motion à la Chambre des communes concernant les droits de la personne en Iran. Je crois qu'il serait bien que le comité le remercie.
    C'est dûment noté.
    Avant de lever la séance, j'aimerais laisser la parole à Mme Ebadi pour qu'elle puisse faire un dernier commentaire.
Mme Shirin Ebadi (Interprétation):
    Je vous remercie de votre empathie envers le peuple iranien, et je remercie aussi John de sa coopération avec la communauté iranienne. Comme vous le savez, beaucoup d'Iraniens ont immigré au Canada, surtout après la révolution.
    C'est un moment propice pour le gouvernement du Canada d'établir des contacts avec la communauté iranienne, et John a accompli beaucoup de projets vraiment utiles dans le peu de temps où il a été en poste. Les relations entre les Iraniens et les Canadiens ont toujours été très bonnes.
    J'aimerais de nouveau vous remercier de votre empathie.

  (1410)  

    Merci beaucoup, madame Ebadi.
    Merci aux membres du comité pour le temps additionnel.
    Monsieur le président, je sais que le temps est écoulé depuis longtemps. Je serai bref. J'ai crû comprendre que vous enverrez le rapport sur l'Iran au comité des affaires étrangères et du commerce international.
    Je me demandais si nous pourrions considérer d'annexer le témoignage au rapport — pas l'intégrer dans le rapport, mais l'annexer au rapport que nous avons fait sur l'Iran et les droits de la personne.
    Le comité veut-il annexer ce témoignage?
    Des voix: D'accord.
    Le président: Parfait.
    Donc, nous allons suivre votre conseil et l'annexer. Merci, monsieur Sweet.
    La séance est levée. Merci.
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