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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 048 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 2 octobre 2012

[Enregistrement électronique]

  (1310)  

[Français]

    Bonjour à tous. Je vous souhaite la bienvenue à la 48e séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. En ce 2 octobre 2012, nous allons poursuivre notre étude sur les persécutions subies par la communauté copte d'Égypte.

[Traduction]

    Nous accueillons aujourd'hui deux témoins du ministère des Affaires étrangères: Mark Bailey, directeur général de la Direction général du Moyen-Orient et du Maghreb, et Andrea Gojevic, qui travaille aussi dans cette direction.
    Je vous cède la parole, et une fois que vous aurez terminé, nous passerons à la période de questions. La durée de chaque ronde de questions et réponses sera calculée en fonction du temps qu'il nous reste.
    Allez-y, je vous en prie.
    Monsieur le président et membres de ce sous-comité, je vous remercie beaucoup de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.
    Je compte vous présenter une mise à jour sur la situation des chrétiens coptes égyptiens, dans le cadre de la transition de l'Égypte vers une gouvernance démocratique, et parler un peu de la façon dont le Canada — c'est-à-dire notre ministère et nos missions — traite cette question.
    Le 30 juin 2012, le président Mohammed Morsi a pris le pouvoir à la suite des élections présidentielles historiques de I'Égypte, premières dans ce pays depuis que le réveil arabe a transformé le paysage politique de la région.
    Les pressions qui s'exercent sur la communauté copte en Égypte ont été un sujet de préoccupation pour le Canada depuis quelque temps. Un certain nombre d'incidents survenus au cours des derniers mois ont été particulièrement inquiétants. Il s'agit notamment de menaces de violence contre les chrétiens coptes faites par des extrémistes dans la ville de Rafah la semaine dernière, et le déclenchement de violences sectaires à Dahshour au début d'août. Les deux incidents ont obligé les membres de la communauté copte à fuir leurs maisons.
    Depuis qu'il est entré en fonction, le président Morsi et les membres de son gouvernement se sont engagés à gouverner dans le plus grand intérêt de tous les Égyptiens, et à protéger les droits des minorités religieuses de l'Égypte.
    Le premier ministre nouvellement désigné, Hisham Kandil, a nommé les membres de son nouveau Cabinet en juillet, dont deux sont des membres de la communauté copte, tout comme l'est également un des conseillers présidentiels du président Morsi.
    Une nouvelle constitution est en cours d'élaboration et, une fois terminée, elle sera soumise à un référendum public.
    L'article 2 de la présente constitution traite, en partie, de la liberté de religion, et une traduction non officielle de l'ébauche du texte se lit comme suit:
    
L'Islam est la religion de I'État, l'arabe est sa langue officielle, les principes de la charia islamique sont la source principale de la législation, l'honorable Azhar est la source définitive de son interprétation, et les participants au christianisme et au judaïsme ont le droit de se référer à leurs propres doctrines concernant des questions de droit et l'exercice de leurs affaires religieuses ainsi que le choix de leurs chefs religieux.
    Le gouvernement a promis que la nouvelle constitution reflétera les directives du document « Al Azhar », ensemble de principes directeurs proposés par les principaux chefs musulmans et chrétiens sur la façon dont les libertés religieuses, les droits de la personne et le dialogue interreligieux devraient être définis dans la nouvelle Égypte démocratique.
    L'adoption de la nouvelle constitution sera un repère essentiel dans la transition de l'Égypte vers la démocratie. Il s'agira d'une occasion importante pour que le nouveau gouvernement fasse preuve de son engagement à vouloir assurer les droits de la personne pour tous les citoyens, ce qui était, bien sûr, au coeur des exigences du peuple égyptien pendant le soulèvement de l'an passé.

[Français]

    Monsieur le président, l'Égypte a de forts antécédents de diversité religieuse. Les chrétiens coptes sont une partie intégrante de la société égyptienne depuis le IIe siècle après Jésus-Christ.
    Des évaluations non confirmées indiquent que les chrétiens coptes composent environ de 8 à 12 % de la population égyptienne de 82 millions de personnes. Ils constituent donc la plus importante minorité chrétienne dans la région.
    Au fil des siècles, les musulmans et les coptes ont coexisté et, aujourd'hui, une forte majorité d'Égyptiens appuient la tolérance religieuse.
    Cela s'est manifesté de façon émouvante pendant la révolution, alors que des milliers d'Égyptiens de toutes confessions, y compris des musulmans et des coptes, ont défilé ensemble sur la place Tahrir en appui au slogan « Nous sommes tous des Égyptiens ».
    Cependant, à plusieurs occasions, les chrétiens coptes en Égypte se sont sentis vulnérables face aux menaces des foules et des extrémistes qui n'acceptent pas la pluralité religieuse du pays.
    Au cours des derniers mois, les coptes qui vivent près d'Alexandria et de Dahshour, un village près du Caire, ont été forcés de quitter leur maison, à la suite de violences et d'attaques aux mains de leurs voisins découlant, en général, de querelles entre des individus des communautés coptes et musulmanes.
    Au cours de la dernière semaine, les chrétiens coptes, qui habitent la ville de Rafah dans la péninsule du Sinaï, ont été affectés de façon particulière par le manque de stabilité dans la région, et certains chrétiens coptes ont été menacés de violence et même de mort par des militants extrémistes, ce qui a obligé certaines familles coptes à fuir vers des villes voisines.
     Le premier ministre Kandil s'est prononcé contre ces menaces et a promis aux familles que le personnel de sécurité égyptien assurerait leur protection à Rafah.
    Cela s'est produit dans le cadre d'un plus grand conflit entre les autorités égyptiennes et les extrémistes dans le Sinaï où l'insécurité a affecté tous les résidants, en particulier dans la partie nord de la péninsule. Nous nous réjouissons de cet engagement, car nous croyons qu'il est d'une importance primordiale que les autorités égyptiennes prennent toutes les mesures nécessaires pour protéger les membres des minorités religieuses contre des actes de violence et d'extrémisme. Il est également important que les auteurs de violence contre les membres des minorités religieuses soient traduits en justice.
    En janvier 2011, un individu a été jugé et reconnu coupable de la mort par arme à feu de six coptes et d'un policier musulman à Nag Hammadi en janvier 2010.
    Toutefois, à ce jour personne n'a été traduit en justice dans le cadre de l'attentat-suicide qui ciblait des coptes à Alexandria en janvier 2011. La police égyptienne a toujours recours au modèle de réconciliation pour lutter contre la violence, une pratique qui évite généralement de traduire en justice les auteurs de violence et de vandalisme.
    Un incident grave s'est produit le 9 octobre 2011, le soi-disant incident de Maspero, alors qu'au moins 25 manifestants chrétiens coptes ont été tués et plus de 300 ont été blessés lors d'affrontements avec les militaires égyptiens.
    À la suite de cette tragédie, le Canada s'est réjoui de l'engagement du gouvernement égyptien à traduire en justice les responsables de la violence.
    Deux processus judiciaires parallèles, un civil et un militaire, ont eu lieu. Plus tôt en septembre, trois soldats ont été condamnés pour homicide en lien avec la mort de 14 manifestants. Ils ont reçu une peine de deux à trois années d'emprisonnement. Un procès civil contre deux coptes accusés d'avoir volé les armes de personnel militaire durant les incidents doit avoir lieu aujourd'hui même. Nous espérons que la suite des procédures sera équitable et transparente et que la justice sera rendue aux familles des victimes.
     Je tiens aussi à souligner quelques-unes des mesures positives que le gouvernement égyptien a prises au cours de la dernière année afin de répondre aux inquiétudes concernant l'intolérance et la discrimination contre les minorités religieuses.
    En octobre 2011, à la suite de l'incident de Maspero, le gouvernement égyptien a ajouté un nouvel article au code juridique égyptien qui a augmenté les sanctions en cas de discrimination fondée sur le sexe, l'origine ethnique, la langue, la religion ou la croyance. Le gouvernement égyptien s'est également engagé à se pencher sur toutes les allégations de pratiques discriminatoires contre les chrétiens coptes. Les leaders religieux en Égypte collaborent également à rehausser la compréhension et la tolérance, notamment par l'entremise de l'initiative Bayt al-A'ila, qui comprend des représentants d'Al-Azhar, de l'Église copte, de l'Église anglicane et d'autres.
    Comme cela a déjà été mentionné, en ce qui concerne le document d'Al-Azhar, les résultats des pourparlers interreligieux peuvent avoir un effet tangible sur la transition de l'Égypte.

  (1315)  

    Nous appuyons pleinement ces efforts et nous encourageons les Égyptiens à poursuivre leur collaboration pour établir une culture de respect à l'égard du pluralisme religieux et de la liberté religieuse, alors que l'importance de solides normes sociales qui rendent inacceptable la discrimination basée sur la religion ne peut être surestimée.

  (1320)  

[Traduction]

    Monsieur le président, le Canada et l'Égypte entretiennent des liens de longue date et des relations bilatérales bien établies et multidimensionnelles. Nous nous réjouissons à la perspective de travailler avec le nouveau gouvernement et nous sommes disposés à contribuer à ses efforts pour bâtir un pays plus démocratique, inclusif et prospère.
    En ce qui concerne les droits de la personne, depuis bon nombre d'années, le gouvernement canadien a encouragé l'Égypte à respecter ses obligations, y compris celles relatives au traitement des minorités religieuses. Lorsque d'importantes préoccupations ont été soulevées, par exemple à la suite de l'incident de Maspero en octobre 2011, le ministre Baird a fait des déclarations publiques exhortant l'Égypte à assurer la liberté de religion et la protection des minorités religieuses.
    Le 17 octobre 2011, la Chambre des communes a adopté une motion pour exprimer « sa solidarité avec... les minorités religieuses du monde » et pour condamner les attaques contre les chrétiens coptes en Égypte et leurs institutions. La motion appelait le gouvernement égyptien « à veiller à ce que les auteurs des attaques soient traduits en justice », et demandait au Conseil de l'ONU sur les droits de la personne d'enquêter sur la situation des chrétiens coptes d'Égypte. À la demande du ministre, le président du Sénat, M. Noël Kinsella, a par la suite discuté de la situation des chrétiens coptes d'Égypte et de la motion de la Chambre des communes avec le secrétaire général de l'ONU, M. Ban-Ki Moon.
    Nos agents responsables continueront de surveiller de très près la situation des droits de la personne en Égypte et présenteront leurs observations au gouvernement égyptien, s'il y a lieu.
    Le Canada est un défenseur ardent et engagé du droit à la liberté de religion d'un individu et a fait de la protection des minorités religieuses et de la promotion du pluralisme une priorité de politique étrangère. Nous croyons que la liberté de religion est un droit fondamental de la personne et un élément essentiel au sein d'une démocratie saine.
    Monsieur le président, l'Égypte est un pays dynamique doté d'une riche tradition de discours philosophiques et intellectuels. Nous reconnaissons qu'il y a des défis à relever alors que les Égyptiens cherchent à définir les fondements politiques et juridiques de leur nouveau système de gouvernance. Malgré ces défis, nous croyons que la grande majorité des Égyptiens sont engagés à bâtir une société où les gens de toutes confessions peuvent pratiquer leur religion en toute liberté selon leurs croyances et vivre leur foi en paix.
    Nous croyons qu'il est essentiel que l'Égypte nouvelle soit guidée par le respect des principes démocratiques, y compris les droits de la personne et la primauté du droit, et nous continuerons à conseiller vivement au gouvernement égyptien de s'assurer que les Coptes et toutes les autres minorités religieuses sont à l'abri de la violence et qu'ils sont libres de jouer un rôle égal et significatif dans la société.
    Merci, monsieur le président.
    Je serai heureux de répondre à vos questions et à celles des membres du comité.
    Merci.
    Compte tenu du temps dont nous disposons, il y a lieu de tenir des rondes de six minutes.
    J'invite M. Albrecht à bien vouloir commencer.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier les témoins d'être venus aujourd'hui.
    De toute évidence, je crois que nous sommes tous de fervents partisans de la liberté de religion comme droit fondamental de la personne et nous reconnaissons que la plupart — sinon tous — des autres droits de la personne en découlent.
    Dans votre document, l'allocution que vous avez prononcée aujourd'hui et les documents que nous avons reçus de la Bibliothèque du Parlement, il y a un certain nombre de références aux attaques qui sont perpétrées par des groupes extrémistes en Égypte, par opposition au gouvernement lui-même, et il semblerait que les mesures prises par le gouvernement pour contrer ces violentes attaques sont loin d'être musclées.
    Vous faites aussi allusion aux réunions concernant la réconciliation qui tiennent lieu de poursuites. Il semble que dans certains cas, ces réunions servent d'échappatoire pour ne pas prendre de mesures énergiques afin de sévir contre les comportements violents.
    Enfin, dans les commentaires que vous avez formulés aujourd'hui, vous avez mentionné l'incident de Maspero, les deux processus judiciaires parallèles, et les peines d'emprisonnement de deux ou trois ans pour les personnes trouvées coupables de la mort de 14 manifestants.
    Ce type de peine est-il conforme aux autres peines qui auraient été imposées pour meurtre dans un contexte moins religieux? À franchement parler, cela me semble un peu clément pour la mort de 14 personnes. Je me demandais si vous pourriez vous prononcer sur ce point. Pourriez-vous aussi nous en dire plus sur le processus de réconciliation, qui semble être une façade qu'on utilise pour ne pas aborder directement un problème assez grave?

  (1325)  

    Oui, merci.
    Je suis d'accord avec vous. Personnellement, une sentence de deux ou trois ans pour avoir causé la mort de quelqu'un, même si c'était pour tenter de ramener l'ordre dans un endroit public, me semble clémente. Je ne peux toutefois pas vous dire à ce moment précis — nous allons vérifier et vous revenir là-dessus, monsieur — si cela est conforme aux autres peines infligées par le système pénal égyptien dans d'autres affaires. Il faudrait que je demande à notre ambassade de faire la recherche. Je dis que personnellement, je suis d'accord avec vous. Deux ou trois ans me semblent peu, surtout que, comme nous l'avons mentionné, 14 personnes ont perdu la vie pendant cet incident en particulier; on a dû prendre des mesures relativement musclées pour réprimer l'émeute.
    Pour ce qui est des procédures de réconciliation et autres, je pense que nous pouvons tous comprendre et reconnaître que dans le contexte de la réponse des autorités à ces incidents, les efforts de réconciliation, les efforts déployés pour encourager une meilleure compréhension et de meilleures relations entre les diverses communautés, seraient une démarche vraiment très souhaitable de la part des autorités.
    Si nous avons mentionné dans notre déclaration que cela semblait être en voie de devenir un substitut d'action en justice, alors oui, cela nous pousse à nous interroger. Comme je l'ai signalé, c'est un point que la mission suit de près. C'est un point que nous abordons dans les rapports annuels sur les droits de la personne que nous rédigeons et nous avons l'intention de continuer à en faire le suivi.
    Je dirais que nous n'avons toujours pas tiré de conclusion à ce sujet, mais cette question précise que vous avez soulevée nous préoccupe, et si nous arrivions à la conclusion que c'est un substitut à la justice, je vous assure que nous en ferions part aux autorités égyptiennes.
    Me reste-t-il encore un peu de temps, monsieur le président?
    Il vous en reste beaucoup, en fait.
    Une question plus générale cette fois-ci concernant la constitution en cours de rédaction, y a-t-il des éléments qui prouvent que les divers groupes représentatifs en Égypte sont justement représentés, par exemple les chrétiens coptes?
    Deuxièmement, qu'en est-il des chrétiennes coptes? Tente-t-on de mener une action positive, faute d'un meilleur terme, pour veiller à ce qu'elles soient adéquatement représentées, en particulier celles qui pourraient être considérées comme vulnérables?
    À un moment donné, au tout début du processus, je me rappelle que l'on craignait que le processus de rédaction soit, en fait, un peu trop dominé par un intervenant particulier dans la discussion en Égypte, nommément les Frères musulmans, et ceux dont les points de vue seraient semblables ou même plus marqués.
    Je ne suis pas à jour sur les mesures qu'ils ont prises dans le cadre du processus de rédaction en cours, alors je vais devoir m'informer et vous revenir là-dessus, monsieur Albrecht.
    Vous vous rappellerez que j'ai mentionné que deux membres du Cabinet sont des fidèles de l'Église copte, et en fait, l'un des deux est une femme. Je suppose qu'on pourrait dire que c'est un début, mais il faut peut-être en faire plus. Je crois qu'il est clair que le président Morsi et le premier ministre Kandil reconnaissent que pareilles mesures sont souhaitables. Qu'ils soient allés ou non assez loin, je ne pense pas que quelqu'un soit disposé à répondre que oui, ils ont fait le nécessaire. Je doute qu'ils le diraient eux-mêmes. Mais le processus ne fait que commencer.
    Juste pour...
    Votre temps est écoulé. Pouvez-vous faire très, très vite?
    J'allais simplement dire... En général, pensez-vous que les conditions se sont améliorées depuis la chute du régime de Moubarak? Sont-ils sur la bonne voie? Vous avez parlé de premières étapes. Pouvons-nous voir des premières étapes en général dans le pays?
    Je crois qu'il est indéniable que, au chapitre de la liberté d'expression, des libertés politiques et autres, les choses se sont améliorées. C'est indiscutable. Cela dit, comme je l'ai mentionné dans mon allocution, il reste des défis de taille à relever, surtout au plan économique et au plan de la condition féminine et de la place des femmes dans la société en général. Ce sont des problèmes qui se sont formés sur plusieurs décennies, sur plusieurs siècles même, et l'Égypte ne les surmontera pas en quelques semaines, en quelques mois ou même en quelques années. Il va falloir beaucoup de temps.
    Il ne fait aucun doute dans mon esprit, et dans celui des autres observateurs de l'Égypte, que les choses se sont améliorées en général.

  (1330)  

    Monsieur Marston.
    Bienvenue, monsieur Bailey.
    Pour poursuivre dans la même veine, lorsque le dirigeant d'un régime est délogé, qu'il démissionne ou même meurt, on dit qu'il y a du changement dans l'air, mais il y avait tout un régime en place qui exerçait un pouvoir et un contrôle sur les citoyens d'une façon qui soit vraiment très difficile à changer. Avez-vous observé des changements importants à cet égard en Égypte?
    C'est une excellente question. Vous avez frappé en plein dans le mille pour ce qui est du défi que doivent relever le président Morsi et son gouvernement.
    Nous parlons ici d'un Queen Mary et il ne peut simplement pas faire un virage en tête d'épingle. L'État égyptien est un appareil énorme. Au fond, il a servi pendant des décennies de programme d'emploi aux régimes précédents qui remontent à Sadat et même à son prédécesseur, Nasser. Il s'agit d'un gigantesque appareil gouvernemental rempli de milliers de personnes qui touchent un salaire et conduisent ensuite un taxi pour augmenter leur revenu.
    Y a-t-il eu des changements dans ce secteur? Non, pas encore. Ils n'ont pas réussi à s'attaquer à ce type de problème.
    Voici une précision que je mettrais dans une note de bas de page pour nuancer mes propos au sujet des libertés politiques, de la liberté d'expression et autres. Les mêmes forces de police et de sécurité qui opéraient du temps de Moubarak sont toujours en place. Le président Morsi a remplacé certains des plus hauts fonctionnaires, les commandants, les ministres, etc., qui occupaient des postes de responsabilité, mais les agents qui patrouillent les rues, qui arrêtent les gens et contrôlent leurs papiers sont les mêmes, et n'ont pas été contenus.
    C'est exactement ce que je disais. Lorsque les gens se sont réunis et ont parlé de renverser le régime de Moubarak et tout cela, il y avait beaucoup d'espoir et d'attentes, mais en réalité, je ne crois pas qu'il y ait une grande différence sur le terrain.
    L'autre point qui me préoccupe est que vous pouvez rédiger la meilleure constitution au monde, mais si vous ne l'appliquez pas, si vous n'avez pas foi en elle et ne l'honorez pas, elle n'a aucune valeur.
    Lorsque nous avons vu le refoulement avec le président et l'armée au cours des derniers mois, nous nous sommes demandé ce que cette constitution vaudrait vraiment s'ils arrivaient à la mettre en place. J'ai des doutes. L'Égypte est un pays qui existe depuis très longtemps et les choses sont très ancrées là-bas.
    Pour en revenir aux chrétiens coptes, depuis le renversement du régime de Moubarak, puisque vous avez signalé qu'il y avait eu des changements hiérarchiques ici et là, diriez-vous que la situation des coptes est toujours la même ou est-elle mieux ou pire qu'elle était?
    Je dirais personnellement qu'elle est à peu près pareille.
    Les Frères musulmans sont-ils principalement sunnites?
    Oui, ils le sont presque exclusivement.
    Peut-être que je me trompe, mais j'ai passé du temps en Arabie saoudite en 1979, six mois en fait, et ce sont principalement les chiites qui dirigent ce pays, non?
    Non, il s'agit en réalité de sunnites. Les chiites sont en fait...
    Cela explique un malentendu de longue date, car il y avait une nette différence entre le régime d'Arabie saoudite et son peuple, surtout par rapport aux croyances religieuses et tout ce qui se passait.
    Pour en revenir aux Frères musulmans, on les considère plus stricts et plus contrôlants. Compte tenu de leurs valeurs religieuses et autres, agiraient-ils ainsi s'ils étaient amenés à diriger le pays?

  (1335)  

    En Égypte? En un sens, ils contrôlent déjà le pays et détiennent au moins la présidence.
    J'en ai bien conscience, mais je me demandais si, à l'avenir, vous pensez que les règles deviendront plus strictes, rendant alors la religion et l'islam plus problématiques par rapport aux chrétiens coptes et aux autres.
    Je suis sûr qu'on cherchera davantage à contrôler la consommation d'alcool dans les lieux publics et ce genre de comportement qui préoccupent habituellement certains Frères musulmans. Mais je ne suis pas sûr que cela aura nécessairement des conséquences sur les chrétiens coptes.
    Je vous pose la question par rapport à la constitution dont les articles semblent accorder une certaine protection aux chrétiens coptes. Si les Frères musulmans étaient associés à son élaboration, la situation pourrait être alors plus positive qu'il n'y paraît.
    C'est ce que je penserais.
    Je pense que les médias occidentaux ont décrit les Frères musulmans… On associe souvent ce genre de groupes à des gens comme la mafia, de façon péjorative. Dans certains endroits évidemment, ces groupes sont bien plus progressistes que ceux qui fondent leur action sur la religion…
    En l'occurrence, pensez-vous que les Frères musulmans seraient plus progressistes ou plus conservateurs en regard de la constitution et de son application?
    Je pense qu'ils seront beaucoup plus progressistes à propos d'enjeux comme la liberté politique, la liberté de parole, la possibilité de former des partis politiques, etc., parce qu'ils ont eux-mêmes été opprimés pendant des décennies sous le régime de Moubarak, et avant cela, sous les régimes de Sadate et de Nasser. Je pense donc que dans ce domaine, ils seront bien plus progressistes.
    M. Wayne Marston: C'est une bonne nouvelle.
    M. Mark Bailey: Je crois également savoir, d'après les rapports de notre mission, que les Frères musulmans ont tendu la main à la communauté chrétienne copte lors des élections et les événements qui se sont passés, en leur offrant l'assurance…
    Ce n'est pas ce que l'on pouvait lire ou entendre dans les médias, selon lesquels on s'en allait dans la direction opposée. C'est donc une excellente nouvelle.
    En effet.
    Merci.
    Voilà qui conclut cette série de questions.
    Nous passons maintenant à M. Sweet.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Bailey, j'espère vraiment que vous avez raison, parce que l'une des choses qui m'inquiètent énormément, c'est que les lois qui découleront de cette constitution seront basées sur la charia. Cela m'inquiète beaucoup, non seulement pour les droits de la personne en général, mais particulièrement pour les droits des femmes.
    Je ne vois pas comment on ne peut pas au moins être alarmé par ce qui pourrait se passer après la promulgation de la constitution et l'adoption de nouvelles lois dans leur parlement.
    Il est important, je crois, de comprendre que la référence à la charia n'est pas nouvelle. La constitution égyptienne précédente y faisait déjà allusion. Cela ne représente donc pas un changement dans la rédaction de la nouvelle constitution.
    Voilà un important préambule à ce que je m'apprêtais à vous dire. En Occident, on a tendance, comme on venait d'en débattre, à mettre l'accent sur des aspects très particuliers de la charia islamique, des aspects que nous trouvons très difficiles à accepter, notamment certaines des dispositions relatives aux femmes, à des types de punitions pour des infractions criminelles, etc. Or, la charia est en fait un ensemble de lois de très vaste portée, qui traite de toute une gamme de sujets dans les domaines du droit criminel, du droit de la famille, de la propriété et de bien d'autres choses.
    D'une certaine manière, cela laisse aux législateurs la liberté de choisir les divers aspects de la charia qu'ils souhaitent mettre en oeuvre. C'est ce qu'a déjà fait l'Égypte et, en fait, la plupart des autres pays de la région qui sont musulmans, et ils le sont tous, sauf un. Ils ont tous procédé de la même façon. Ils vous diront tous que la charia est certainement importante, mais comme je le dis, ils sont enclins à choisir les aspects qu'ils vont mettre en oeuvre ou non.

  (1340)  

    Comme je vous l'ai dit, j'espère vraiment que vous avez raison, car il y a une différence. Sous Nasser, Sadate et Moubarak, les régimes étaient nettement séculiers, la charia leur servant, comme on l'a mentionné, de « paravent », faute d'un meilleur terme. Je crois que la situation sera différente avec les Frères musulmans, mais nous verrons bien ce qui va se passer.
    Je m'inquiète aussi du fait que si les chrétiens et les juifs sont mentionnés dans la constitution, ce n'est pas le cas des Baha'is, qui forment une partie significative de la population. Certes, la communauté baha'ie est venue témoigner devant nous à quelques reprises. Cette communauté est quand même très persécutée en Égypte, même si elle ne l'est pas autant qu'en Iran. Je crains donc que toutes les minorités religieuses aient à vivre l'expérience que les Coptes ont connue. De plus, ce serait une erreur de croire que la persécution des Coptes vient juste de commencer; elle dure depuis des années. Ils ne pouvaient vivre que dans certains endroits et exploiter certains commerces. Ils devaient même demander la permission de faire des réfections à leurs églises.
    Je le redis, ce sont des signes qu'il faut aussi surveiller, je l'espère.
    Absolument.
    Je sais que je fais davantage de déclarations que je ne pose de questions puisque, bien évidemment, vous ne parlez pas au nom du gouvernement égyptien ni de qui que ce soit d'autre. Vous êtes ici pour nous informer.
    Autre point qui m'inquiète, je n'ai pas entendu de déclaration qui indiquerait sans ambiguïté un changement substantiel. Par exemple, le premier ministre libyen qui fait face à ce genre de choses — même si la taille de la population est différente dans ce pays, il a certainement à faire aussi à des extrémistes — a déclaré avec fermeté que l'attaque contre l'ambassade des États-Unis avait été orchestrée et menée de façon stratégique, qu'il ne s'agissait pas d'un accident. Il a été très courageux à cet égard et a fait cette déclaration afin d'avertir les radicaux qu'on ne prendrait pas les choses à la légère.
    Je n'ai pas entendu ce genre de déclarations venant de l'Égypte. J'ai entendu de belles déclarations selon lesquelles on allait s'occuper du peuple, faire en sorte qu'il ne soit pas persécuté, mais je n'ai pas entendu, de la part de l'administration égyptienne, de déclaration envoyant à la population et aux militaires le signal fort qu'elle avait été élue par le peuple et qu'elle allait gouverner de façon sérieuse par rapport aux droits de la personne.
    Il y a eu des déclarations en ce sens. Qu'elles aient été suffisamment fortes pour vous satisfaire, je ne peux le dire. Mais je peux vous faire parvenir, si vous le souhaitez, quelques exemples de déclaration.
    Parlez-vous précisément de l'attaque perpétrée contre le consulat américain à Benghazi, ou de façon plus générale?
    Non, je donnais un exemple pour illustrer la situation particulière — et mon collègue l'a mentionné aussi — où des gens avaient été tués et personne n'avait été poursuivi en justice, ou alors des peines très légères avaient été prononcées.
    Je trouve incroyable que dans toutes ces poursuites, il y aura aussi celle de quelques coptes qui apparemment avaient des armes, alors que 28 personnes ont été tuées et des centaines d'autres blessées. Voilà le genre de situations à propos desquelles le premier ministre devrait envoyer un message fort et faire suivre de poursuites.
    Je crains d'avoir épuisé ce que le comité considère comme un bien très précieux.
    Vous êtes remarquable et votre horloge interne est excellente puisque votre temps de parole a été écoulé au moment où vous le disiez. Nous passons donc maintenant à M. Cotler.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à féliciter M. Bailey de sa déclaration détaillée sur une situation en pleine évolution. Dans ce contexte, monsieur Bailey, je voudrais parler de l'affaire du blogueur égyptien copte, Maikel Nabil.
    C'est le premier prisonnier politique de l'après Moubarak, ayant écopé de trois ans de prison. Il avait initialement déclaré sur la place Tahrir que l'armée et le peuple sont les doigts d'une même main, mais après avoir vu comment l'armée se conduisait, il avait ensuite affirmé que l'armée et le peuple n'étaient plus les deux doigts d'une même main.
    On l'a donc accusé et emprisonné pendant trois ans pour avoir insulté l'armée égyptienne. J'ai représenté M. Nabil. Grâce à ces affirmations courageuses, il a été libéré — non sans avoir fait une grève de la faim de 30 jours — après près d'un an d'emprisonnement. Mais nous venons d'apprendre, le 30 septembre pour être exact, que M. Nabil a de nouveau été accusé par les autorités égyptiennes qui allèguent maintenant qu'il aurait insulté l'islam. Dans son édition du 30 septembre, le quotidien égyptien Youm al-Saba’a rapporte qu'il est notamment accusé d'outrage à la religion musulmane et d'abus envers le divin, et d'insultes contre le prophète et ses disciples.
    J'ai rencontré M. Nabil après sa libération. Il m'a dit qu'il allait se rendre en Allemagne pour suivre des études supérieures. L'Égypte a demandé son retour afin qu'il réponde à ces accusations. On ne sait pas quelle sera la réponse de l'Allemagne.
    Je ne sais pas si vous avez pu prendre connaissance de ces événements qui viennent juste d'arriver. Je me demande donc si vous allez pouvoir être en mesure de faire enquête sur cette affaire et de voir où en sont les choses. Je crois qu'il serait regrettable que l'un des intervenants de premier plan de la place Tahrir — comme je l'ai dit un copte chrétien et le premier prisonnier politique — soit de nouveau accusé et poursuivi par l'Égypte.

  (1345)  

    Certainement, nous serons heureux de nous pencher sur la question et demanderons à nos missions de Berlin et du Caire de faire un suivi.
    Merci, monsieur Bailey.
    Ma deuxième question porte sur des points qui vous ont déjà été signalés. Vous avez indiqué que la constitution sera rédigée en suivant les lignes directrices du document Al-Azhar, en énonçant les principes fondamentaux quant à la protection des droits des minorités et des droits religieux et autres.
    Je m'interroge sur la composition de l'assemblée constituante chargée de rédiger la nouvelle constitution. Dans quelle mesure cette assemblée est-elle représentative? Par exemple, des chrétiens coptes seront-ils associés au processus de rédaction? Y aura-t-il des femmes coptes? Et de façon générale, quelle présence féminine y aura-t-il? En gros, je me demande si l'assemblée constituante est elle-même représentative.
    Merci.
    Je ne peux pas vous répondre pour l'instant. Comme je vous l'ai mentionné un peu plus tôt je crois, on a craint que l'assemblée constituante ne soit dominée par les Frères musulmans.
    Mais je ferai un suivi auprès de notre mission et verrai si nous pouvons établir la composition exacte de l'assemblée. Nous transmettrons les informations obtenues à la greffière du comité, qui pourra peut-être vous les communiquer.
    Ma dernière question — étant donné les contraintes de temps et autres —, où en est l'évolution actuelle du gouvernement et de la présidence qui sont entre les mains des Frères musulmans? Est-ce que cela modifie les rapports du gouvernement canadien avec les autorités égyptiennes? Quels changements sont survenus dans nos rapports avec l'Égypte depuis l'entrée en fonction de la nouvelle administration?
    Il serait juste de dire que nous étions déjà très vigilants, mais cette vigilance est montée d'un ou de deux crans à la lumière des inquiétudes manifestées par les membres du comité. Nous savons les raisons pour lesquelles les gens se posent des questions et sont un peu inquiets.
    Je reviens toutefois aux déclarations du ministre Baird et d'autres. Il est très important de juger le gouvernement d'Égypte, et en fait n'importe quel autre gouvernement, par ses actes et non pas nécessairement par ce que l'on en dit, ni même par ce que pourraient en dire des membres relativement moins importants de ce gouvernement. Ce qui est le plus important, c'est ce que fait réellement le gouvernement. À cet égard, nous dirions que l'Égypte en est à ses tout premiers jours de la transformation qui a suivi la révolution de l'an dernier.

  (1350)  

    Vous avez fait allusion à la situation au Sinaï, situation qui pourrait toucher les chrétiens coptes de Rafah et d'autres endroits, et aux récents développements dans la région. Je me demande si vous pouvez nous parler de la situation au Sinaï en général, et de la présence déstabilisante qui pourrait menacer à la fois l'Égypte et Israël, et des mesures qui sont prises à cet égard.
    Cette présence est certainement déstabilisante. Vous avez absolument raison, monsieur.
    Comme je l'ai mentionné, il y a eu en août dernier un terrible incident au cours duquel un groupe djihadiste a attaqué un poste de sécurité égyptien et tué 16 soldats égyptiens. Cela a été un choc immense et un dur réveil pour les autorités égyptiennes et pour le président Morsi personnellement. Ce dernier a pris des mesures draconiennes en renvoyant le chef du renseignement et des hauts responsables militaires, qui ont été tenus responsables de ne pas avoir prévenu cet incident et, de façon générale, de ne pas s'être occupés de la situation au Sinaï.
    Vous avez tout à fait raison, c'est un développement très inquiétant. Il n'y a pas longtemps, ces gens qui opéraient dans la zone se sont attaqués au poste de la FMO, la Force multinationale et Observateurs, où servaient des Canadiens. Grâce à Dieu, aucun d'eux n'a été blessé, mais ils auraient pu l'être.
    Pour des raisons évidentes, Israël est très inquiet de ce qui se passe dans la région et des possibilités de violence à son endroit de même qu'à l'endroit des pays voisins — dont l'Égypte en l'occurrence. Il n'est certainement pas dans l'intérêt d'Israël de voir l'Égypte déstabilisée ou attaquée de cette façon.
    Merci.
    Merci, monsieur le président.
    Merci.
    Le temps a été un peu dépassé parce que M. Cotler a posé une question à la fin de son intervention.
    C'est à votre tour, madame Grewal, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Bailey, la Chambre des communes a adopté en octobre dernier une résolution demandant au Conseil des droits de l'homme de l'ONU de mener une enquête sur le sort des chrétiens coptes d'Égypte.
    Pourriez-vous nous informer des progrès entourant cette demande, et en particulier de la façon dont elle a été reçue et traitée par le Conseil des droits de l'homme?
    Je n'ai pas de renseignements à ce sujet, madame Grewal. Je n'ai pas eu connaissance que le Conseil des droits de l'homme a pris des mesures relativement à la demande.
    Un élément dont je peux vous parler, je suppose, c'est que lorsque notre mission au Caire a tenu des consultations avec les dirigeants de la communauté copte d'Égypte sur la possibilité que le Conseil des droits de l'homme entreprenne cette enquête, leur opinion à ce sujet était plutôt négative. Ils étaient d'avis que si l'on y intervenait de cette façon par rapport à la situation en Égypte, cela ne serait d'aucune aide et que cela pourrait même prendre la situation plus difficile.
    J'aimerais aussi parler de l'Economist Intelligence Unit et de sa déclaration sur la probabilité qu'un coup d'État se produise dans le pays. L'unité explique que l'on entend dire que s'il s'avère qu'il y a eu un coup d'État, il est fort probable que les nouveaux dirigeants militaires aient obtenu du président l'assurance qu'ils auraient une certaine autonomie sur le plan opérationnel, ce qui leur aurait été accordé pour avoir aidé le président à infirmer le décret du CFSA visant à limiter ses pouvoirs présidentiels.
    S'il s'avère que les militaires sont assurés de cette autonomie, quelles conséquences cela entraîne-t-il en ce qui a trait au contrôle de l'armée par le gouvernement civil et à la capacité d'obliger les militaires de rendre des comptes au sujet de la persécution des chrétiens coptes? Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?
    Je n'ai pas pris connaissance de l'évaluation de l'Economist Intelligence Unit dont vous avez parlé. Si on pouvait nous en fournir un exemplaire, nous pourrions y jeter un coup d'oeil et vous faire part de nos commentaires par l'intermédiaire de la greffière du comité.
    Comme je l'ai indiqué, nous sommes d'avis que le nouveau président a pris des mesures plutôt impressionnantes, pour être honnête, pour réaffirmer la primauté du pouvoir civil sur les militaires. Il ne fait aucun doute que la destitution du maréchal Tantaoui et de plusieurs autres généraux, de même que le remplacement des dirigeants militaires par ses propres officiers soigneusement choisis sont, à mon avis, des choses qui tendent à contredire cette affirmation.
    L'Economist Intelligence Unit a peut-être des renseignements dont nous ne disposons pas. Nous devrons donc en prendre connaissance et procéder à une évaluation. Puis, nous devrons consulter les gens de notre mission et d'autres intervenants qui surveillent la situation en Égypte pour voir si tout cela est fondé.

  (1355)  

    À votre avis, le Canada peut-il faire des choses précises pour améliorer la situation en ce qui a trait au respect des droits de la personne des chrétiens coptes en Égypte?
    Oh, oui. Nous pouvons certainement être utiles à bien des égards, tant pour la communauté elle-même que pour les secteurs de l'appareil gouvernemental égyptien chargés de la rédaction d'une constitution, par exemple, ou pour les secteurs de l'administration dont le travail est de promouvoir un meilleur dialogue et une meilleure compréhension entre les gens des différentes confessions.
    Le problème de la réconciliation et la question de savoir s'il s'agit de substituer la justice sont peut-être des éléments pour lesquels nous pourrions envisager offrir notre coopération, de l'aide technique et des conseils. Dans la région, nous avons des universitaires bien connus, et d'autres personnes, qui sont des experts de renommée mondiale — en effet, l'un d'entre eux est parmi nous en ce moment —, et je suis certain qu'ils seraient tous disposés à offrir leur aide à l'Égypte.
    Nous avons certainement des programmes qui rendent ce genre d'aide possible.
    Monsieur le président, je vais arrêter le chronomètre. J'aimerais céder le reste de mon temps de parole à M. Sweet.
    Avez-vous d'autres questions, monsieur Sweet?
    Je n'ai pas d'autres questions. Merci.
    Avant de donner la parole à M. Jacob, j'ai une question qui se rapporte à celle de M. Cotler. Cela a soulevé un point.
    Il a parlé de la situation de M. Nabil et des efforts visant à obtenir son extradition de l'Allemagne, où il habite maintenant, vers l'Égypte.
    Plusieurs pays, dont certains pays d'Europe — je ne sais pas si l'Allemagne est du nombre — ont adopté une loi selon laquelle il faut faire preuve de prudence. Ils ont l'obligation légale de ne pas commettre des actes qui seront considérés comme blasphématoires envers n'importe laquelle des principales religions ou qui pourraient être, d'une façon ou d'une autre, extrêmement irrespectueux envers n'importe quelle religion. Je ne peux dire exactement de quelle façon cela est prévu dans la loi. Je ne l'ai pas étudiée.
    Dans le monde musulman, certains pays ont adopté des lois similaires. Le gouvernement pakistanais défend activement l'idée selon laquelle tous les pays devraient adopter des lois semblables. Je pense que ce qui lui sert de prétexte pour les lois — disons-le franchement — extrêmement intolérantes qu'il a adoptées en ce qui concerne la religion, c'est que l'idée est de s'assurer que les gens respectent toutes les religions. En pratique, bien entendu, il semble que l'on se préoccupe davantage de la protection de l'islam et que l'on fait preuve de très peu de respect pour les autres religions.
    Quoi qu'il en soit, y a-t-il aussi une telle loi en Égypte? Cela fait-il partie de sa constitution ou de sa constitution proposée?
    Je ne le sais pas. Nous allons examiner la question et vous fournir une réponse plus tard, monsieur.
    Merci.

[Français]

    Monsieur Jacob, c'est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Bailey et madame Gojevic, je vous remercie d'être venus répondre à nos questions.
    Dans son allocution prononcée la semaine dernière aux Nations Unies, à New York, le président Morsi a déclaré ce qui suit:
L'Égypte tient à souligner que le système international ne saurait être redressé tant qu'on continuera à appliquer un système de deux poids deux mesures. À l'instar de ce que l'on attend de nous, nous nous attendons à ce que les autres respectent nos particularités culturelles et nos points de référence religieux et qu'on ne cherche pas à nous imposer des concepts qui nous sont inacceptables ou à politiser certains enjeux et à les utiliser comme prétexte pour intervenir dans les affaires d'autrui.
    À la lumière de ce point de vue, quelles seraient, selon vous, les démarches les plus efficaces que le Canada pourrait entreprendre pour la promotion des droits de la personne pendant la transition de l'Égypte vers la démocratie?
    À mon avis, on devrait agir sur deux plans. On devrait offrir aux personnes concernées, à leurs ONG, leurs associations et leurs clubs d'activités une aide technique pour mieux s'organiser, mieux s'exprimer et faire valoir davantage leurs demandes de reconnaissance de leurs droits.
    À mon avis, on devrait aussi offrir une aide technique aux législateurs ainsi que l'expertise canadienne en matière de rédaction d'une constitution, de lois et de règlements. Un membre de ce comité a soulevé un point important. Il ne suffit pas de rédiger de bonnes lois, mais encore faut-il que les fonctionnaires qui sont chargés de les mettre en oeuvre soient formés et instruits à l'égard du sens des textes qu'ils seront appelés à mettre en oeuvre.
    Je pense que la meilleure façon d'agir serait d'offrir notre expertise, notre aide et notre compréhension des défis. Changer du jour au lendemain n'est pas toujours facile pour des pays qui ont des traditions et des valeurs très anciennes fortement ancrées. Il faut y mettre du temps. Par ailleurs, on a les moyens d'apporter une aide par rapport à ce défi.

  (1400)  

    Merci.
    Puis-je poser une deuxième question?
    Allez-y.
    À votre avis, quel serait le meilleur moyen pour que le Canada favorise le respect de la liberté d'expression et des droits des femmes en Égypte pendant la période de transition? Selon vous, certains types d'action pourraient-ils s'avérer plus ou moins efficaces?
    Ma réponse à la première question peut aussi s'appliquer à cette deuxième question, je crois. Le statut de la femme est malheureusement l'une des grandes faiblesses de la société égyptienne actuelle. Je ne sais pas ce qui s'est passé dans ce pays pour que le respect de la femme soit si peu honoré, du moins en public.
    Il y a quelques années, alors que j'occupais le même poste que maintenant, je me suis retrouvé à interdire la formation en arabe à nos jeunes agentes. Je trouvais en effet que ce qu'elles subissaient dans les rues du Caire était totalement inacceptable.
     Pour revenir à la question, je dirai qu'il faut aider les femmes égyptiennes à s'organiser, à faire valoir leurs demandes en matière de respect et de droits. En fait, je pense pouvoir affirmer que notre ambassade le fait déjà. Nous avons des programmes qui visent à encourager ce genre de choses. L'ambassade du Canada au Caire est certainement déjà engagée dans ce genre d'activités.
    Merci, monsieur Bailey.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Jacob.

[Traduction]

    Avant de permettre à nos témoins de se retirer, quelqu'un souhaite-t-il soulever d'autres questions? Il nous reste un peu de temps.
    Puisqu'il n'y en a pas, j'aimerais remercier nos deux témoins. Vous avez indiqué que vous allez nous revenir sur certains points. Nous vous prions de le faire. Cela vous sera très utile pour la poursuite de nos travaux à ce sujet.
    Nous sommes reconnaissants d'avoir pris le temps de venir témoigner aujourd'hui.
    Nous ferons un suivi auprès de nos missions; ensuite, monsieur, je communiquerai avec la greffière.
    Très bien. Nous vous en sommes très reconnaissants.
    La séance est levée.
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