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JUST Rapport du Comité

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CHAPITRE 5 : OBSERVATIONS ET RECOMMANDATIONS DU COMITÉ

L’ETCAF est une problématique complexe qui concerne l’ensemble des Canadiens et Canadiennes et qui nécessite toute notre attention. Chaque année au Canada, des enfants sont malheureusement condamnés à vivre avec des incapacités permanentes causées par une exposition prénatale à l’alcool – des incapacités qui persisteront tout au long de leur vie et qui risquent de s’aggraver en l’absence d’un soutien adéquat. Pendant l’étude, un jeune de 17 ans touché par l’ETCAF a remis au Comité un témoignage émouvant qui révèle les nombreuses épreuves qu’il a rencontrées sur son chemin en raison de l’ETCAF, mais aussi les interventions qui l’ont aidé à les surmonter[148]. Le Comité a aussi écouté des parents d’enfants atteints de l’ETCAF raconter leur histoire; des histoires touchantes qui témoignent de leur force, leur courage et leur résilience.

La consommation d’alcool à risque chez les femmes en âge de procréer est à la hausse au Canada. Cette tendance est inquiétante et nécessite une action concertée de la part de tous les acteurs impliqués dans cette lutte contre l’ETCAF, autant les gouvernements, les ONG, les chercheurs que les nombreuses personnes appelées à intervenir auprès de la clientèle touchée par l’ETCAF. Pour ériger une réponse efficace, il importe également d’assurer la participation des communautés autochtones dans l’élaboration de solutions. Cette participation est essentielle à la mise en œuvre de solutions fondées sur les croyances, les traditions et les pratiques culturelles.

Comprendre les enjeux de l’ETCAF constitue un premier pas important, mais pour y faire face, les témoins s’entendent pour dire qu’il nous faut un engagement fort des gouvernements et la mise en œuvre d’actions concrètes. Comme l’a indiqué Ryan Leef devant le Comité : « Tout ne relève pas du gouvernement fédéral. Quoi qu'il en soit, le gouvernement fédéral peut assumer le rôle de lancer [l]es discussions et de fournir le soutien financier nécessaire, le soutien législatif et le réseautage, souvent possible à l'échelon fédéral[149] ».

En 2003, la ministre de la Santé a présenté un Cadre d’action national pour l’ETCAF intitulé Ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale (ETCAF) : Un Cadre d’action qui comprend cinq objectifs :

  • (1)  sensibiliser le public et les professionnels à la problématique;
  • (2)  stimuler et accroître les moyens d’action;
  • (3)  mettre au point des outils efficaces de dépistage, de diagnostic et de communication des données;
  • (4)  accroître les connaissances et faciliter le partage de l’information;
  • (5)  favoriser l’engagement[150].

Plusieurs des recommandations proposées par les témoins qui ont comparu devant le Comité s’inscrivent dans l’un ou l’autre de ces objectifs. Ce dernier chapitre expose les observations et recommandations du Comité en réponse aux principaux enjeux soulevés par les témoins pendant l’étude. Compte tenu des compétences partagées entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux dans le domaine de la santé et de la justice, les recommandations retenues par le Comité portent exclusivement sur les aspects qui relèvent des champs de compétence du gouvernement fédéral. En fin de compte, l’intention des recommandations du Comité est de réduire le nombre de personnes touchées par l’ETCAF, d’améliorer le sort de celles qui vivent avec cette affection et de mieux répondre à leurs besoins afin d’éviter qu’elles ne développent des incapacités secondaires.

5.1 LE PROJET DE LOI C-583

Lors des réunions de 2009, 2010, 2011 et 2012, les ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux responsables de la justice et de la sécurité publique ont discuté de l’accès à la justice pour les personnes atteintes de l’ETCAF et ont décidé en 2010 de prioriser cette question et de nouer un dialogue avec l’Association du Barreau canadien afin de trouver des solutions dans une perspective d’accès à la justice.

En 2013, l’Association du Barreau canadien a adopté une résolution intitulée Accommodement des déficiences liées à l’ETCAF afin d’améliorer l’accès à la justice[151]. Cette résolution fait suite à la résolution adoptée en 2010 et exhorte le gouvernement fédéral à modifier le Code et d’autres lois en se fondant sur cinq principes : assurer de définir l’ETCAF dans les lois; permettre au tribunal d’ordonner des évaluations; établir l’ETCAF en tant que circonstance atténuante lors de la détermination de la peine; autoriser le tribunal à rendre des ordonnances approuvant un plan de soutien externe pour les personnes atteintes de l’ETCAF; et obliger le Service correctionnel du Canada à accommoder les personnes victimes de l’alcoolisation fœtale qui reçoivent des sentences d’emprisonnement de deux ans et plus.

Le projet de loi C-583 : Loi modifiant le Code criminel (ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale) s’inspirait des résolutions de l’Association du Barreau canadien. Il cherchait, entre autres, à permettre aux tribunaux de demander l’évaluation d’un accusé en vue de déterminer si ce dernier est atteint de l’ETCAF.

Les études tendent à démontrer que de nombreux délinquants atteints de l’ETCAF ne sont pas diagnostiqués. L’affection dont ils sont atteints n’est par le fait même pas prise en compte par le tribunal. Bien qu’il soit préférable de diagnostiquer les individus avant qu’ils viennent en contact avec le système de justice pénale, les experts du domaine s’entendent pour dire que le tribunal doit pouvoir ordonner l’évaluation de l’accusé lorsque l’on soupçonne qu’il est atteint de l’ETCAF. Tel que mentionné plus haut, si l’article 34 de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents (LSJPA) autorise le tribunal à ordonner, à toute phase des poursuites, l’évaluation d’un jeune qui souffre de l’ETCAF, le Code ne comporte quant à lui aucune disposition qui autorise le tribunal à agir de la sorte. Le projet de loi C- 583, rayé du Feuilleton par M. Leef, tentait de combler cette lacune. Bien que certains juges des tribunaux pour adolescents ont utilisé l’article 34 pour ordonner l’évaluation d’un jeune souffrant de l’ETCAF, un examen attentif de ces cas indique que les tribunaux ont utilisé une combinaison du pouvoir d’évaluation de l’article 34 et des principes directeurs de la LSJPA (exemple : réadaptation et réinsertion sociale).

Le projet de loi C-583 proposait ensuite d’ajouter un alinéa à l’article 718 du Code afin d’établir l’ETCAF comme une circonstance atténuante pour la détermination de la peine, dans le cas où il aurait été démontré que les symptômes de l’ETCAF avaient contribué à la perpétration de l’infraction. De l’avis de Wenda Bradley :

L’ETCAF ne devrait pas être considéré comme un facteur atténuant, mais plutôt comme un facteur dont il faut impérativement tenir compte dans le système de justice. Le respect des personnes atteintes de l’ETCAF par la reconnaissance des effets que ce handicap a sur leur vie est d’une importance capitale. Le fait que ces personnes puissent faire l’objet d’une évaluation dans le cadre du processus judiciaire permettrait de comprendre le déficit fonctionnel à la base des problèmes associés à l’exposition prénatale à l’alcool. Il importe de comprendre que l’ETCAF n’est pas un trouble psychologique que l’on corrige, mais une atteinte cérébrale organique permanente[152].

Certains des témoins qui ont comparu devant le Comité ont fait valoir la nécessité d’une évaluation appropriée. Ils s’entendent pour dire que les troubles cérébraux de l’ETCAF – qui affectent notamment les fonctions d'abstraction, la mémoire, le traitement de l'information, la compréhension des règles et des attentes sociales ainsi que la capacité d'établir un lien de cause à effet[153] – sont des éléments qui doivent être pris en compte lors de l’évaluation de l’accusé à toutes les étapes du processus.

Par contre, certains témoins estiment que le fait de reconnaître spécifiquement les troubles qui découlent de l’ETCAF dans le Code criminel constituerait une mesure discriminatoire. Voici ce qu’a soutenu à ce propos le Regina FASD Community Network :

En nommant spécifiquement l’ETCAF dans le Code criminel, on risque d’aggraver la stigmatisation et la criminalisation des personnes atteintes de ce trouble. Certaines personnes atteintes de l’ETCAF doivent interagir avec le système de justice pénale, mais bon nombre d’autres n’ont jamais à connaître cette réalité. En outre, il faut également comprendre que les interactions avec le système de justice peuvent également comprendre les témoins et les victimes. Il est nécessaire de doter le système de justice de meilleurs outils pour aider les personnes atteintes d’un handicap. Toutefois, le fait de nommer précisément l’ETCAF dans le Code criminel facilitera l’établissement de corrélations entre l’ETCAF et la criminalité, ce qui aura pour seule conséquence d’aggraver la stigmatisation de la maladie[154].

À l’instar de l’Académie canadienne de psychiatrie et droit[155], dans une lettre envoyée au Comité, la ministre de la Justice et Procureure générale de la Colombie‑Britannique estime pour sa part qu’il serait discriminatoire de reconnaître uniquement l’ETCAF, sans mentionner les autres déficiences cognitives ou fonctionnelles dans la proposition de réforme. Voici ce qu’elle a noté :

La Colombie-Britannique a des préoccupations légitimes à l’égard des personnes atteintes de TCAF [troubles causés par l’alcoolisation fœtale] confrontées au système de justice, mais, de notre point de vue, toute proposition de réforme devrait aussi prendre en considération les besoins de ceux qui souffrent de troubles mentaux ou d’autres déficiences cognitives ou fonctionnelles ou encore d’un retard de développement qui peuvent les conduire vers le système de justice et avoir une incidence sur leur place dans ce système[156].

À la lumière de ces considérations :

Recommandation 1 

Le Comité recommande d’accroître les ressources destinées à la prévention et à la déjudiciarisation des personnes atteintes de l’ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale.

5.2 PRÉVENTION ET SENSIBILISATION

5.2.1 Investir en amont

Les témoignages et les mémoires présentés au Comité font ressortir la nécessité de mettre l’accent sur la prévention en amont. Les témoignages convergent vers un point : il nous faut aider les personnes atteintes de l’ETCAF avant qu’elles n’aient de démêlés avec la justice pénale. Comme l’a indiqué le parrain du projet de loi C-583 lors de sa comparution, la prévention « commence par des investissements et du soutien dans l’éducation, le soutien social, le logement, les occasions d’emploi, l’acquisition de compétences [et] les soins de santé[157] ». Tel que mentionné plus haut, l’allocation de ressources en amont constitue un investissement rentable puisque les recherches dans le domaine indiquent qu’en l’absence d’un soutien approprié, les personnes victimes de l’alcoolisation fœtale risquent davantage de se retrouver dans le système de protection de la jeunesse, de développer divers problèmes de santé, y compris des troubles de santé mentale, de vivre dans la pauvreté ou l’itinérance, d’être victimes de dépendance, d’avoir des démêlés avec la justice et de se retrouver en prison.

On a dit au Comité que les activités de prévention doivent reposer sur les constats de la recherche et comporter plusieurs volets. Il importe notamment de mettre en place des activités qui visent à informer le public des risques de la consommation d’alcool durant la grossesse, mais aussi des activités qui s’adressent plus spécifiquement aux femmes qui sont plus à risque de donner naissance à des enfants touchés par l’ETCAF, par exemple en donnant un accès prioritaire à des services en toxicomanie aux femmes enceintes qui ont des problèmes de consommation. Enfin, les activités de prévention doivent aussi viser l’amélioration du sort des personnes aux prises avec l’ETCAF, notamment en favorisant l’accès au diagnostic et aux services de soutien adaptés et en offrant un soutien postnatal aux nouvelles mères afin d’améliorer leur santé et celles de leurs enfants.

5.2.2 Des campagnes de sensibilisation

Pendant l’étude, plusieurs témoins ont soutenu qu’il était nécessaire d’accroître la sensibilisation du public au sujet de l’ETCAF. Cette sensibilisation accrue serait indispensable pour combler le manque de connaissance générale ce qui a trait à l’existence de l’ETCAF et ses répercussions de même que pour éliminer la confusion concernant les quantités d’alcool présumées sans danger pendant la grossesse. Une confusion qui persiste malgré le fait que les recherches ont clairement établi que même une consommation faible ou modérée d’alcool peut occasionner des dommages au fœtus.

La sensibilisation à l’ETCAF est un élément clé pour en réduire l’incidence et pour assurer des interventions plus adaptées auprès des personnes qui en sont atteintes. Pendant l’étude, plusieurs propositions ont été avancées. On a recommandé, par exemple, de sensibiliser les professionnels qui travaillent avec les femmes enceintes ou qui souhaitent le devenir à l’importance de discuter ouvertement avec elles des questions entourant la santé et la grossesse, notamment de la consommation d’alcool et de drogues et de la violence.

Des témoins ont aussi déploré des lacunes importantes en ce qui a trait aux activités de sensibilisation. C’est le cas notamment du chef Cameron Alexis qui a souligné qu’« il n’y a pas assez de sensibilisation dans les collectivités des Premières Nations[158] ».

De l’avis de la professeure Cook, « la sensibilisation du grand public à l’ETCAF et à ses répercussions joue un rôle essentiel dans l’évolution des attitudes, des approches, des interactions et de la compréhension entre les intervenants de première ligne, les personnes touchées et les soignants ». Elle a soutenu que, « [c]es changements peuvent améliorer l’expérience [des personnes atteintes] et les résultats[159] ».

Étant donné qu’un nombre accru de femmes en âge de procréer consomment de l’alcool de manière excessive et que la moitié des grossesses ne sont pas planifiées, des témoins ont exhorté les gouvernements à mettre rapidement de l’avant des campagnes de sensibilisation du public[160]. Considérant que la capacité d’une femme à modifier sa consommation d’alcool est influencée par des facteurs sous-jacents comme la pauvreté et la violence de même que l’accès à des services de soutien,. la Dre Andrew a noté ce qui suit devant le Comité :

Je suis tout à fait favorable aux campagnes de prévention misant sur toutes les formes de sensibilisation possibles, mais d'excellentes études ont révélé que la connaissance des risques associés à la consommation d'alcool pendant la grossesse n'entraîne pas nécessairement une modification des comportements. Les mères biologiques que nous traitons vivent vraiment des situations horribles. Nous considérons les déterminants sociaux de la santé dans une perspective générale. Elles vivent dans la pauvreté et sont victimes de violence familiale. Même lorsqu'elles souhaitent désespérément changer leurs comportements, elles ne peuvent pas y parvenir sans aide. C'est là qu'il importe de miser sur les programmes nécessaires pour atténuer les risques élevés auxquels s'exposent ces mères et les prendre en charge dans une optique thérapeutique.[161]

Afin de réduire les coûts sociaux et économiques de l’alcoolisation fœtale, il importe de s’exprimer d’une même voix. Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux doivent collaborer afin d’informer le public et les personnes appelées à intervenir auprès de cette clientèle que l’alcoolisation fœtale est un grave problème et qu’il est possible de le prévenir et d’améliorer la qualité des vies des personnes qui en sont victimes.

À la lumière de ces considérations :

Recommandation 2

Le Comité recommande que le gouvernement fédéral travaille avec les provinces et les territoires en vue d’encourager la mise sur pied d’une campagne de sensibilisation du grand public et des populations vulnérables à l’ETCAF aux troubles liés à l’alcoolisation fœtale.

5.2.3 Investir davantage de ressources dans la formation des acteurs du système de justice pénale

Comme l’ont révélé certains témoins, la formation que reçoivent les acteurs du système de justice pénale à l’ETCAF est nettement insuffisante. Lors de sa comparution, Elspeth Ross a souligné ce qui suit :

La GRC a eu de la bonne formation, il y a quelques années, à Ottawa et au Manitoba. Il y a même eu une formation pour les juges, à un certain moment, mais tout cela est fini. Je regarde cela depuis longtemps, et on dirait que ça s'en va... C'est la conclusion à laquelle j'arrive[162].

Pendant l’étude, le Comité a aussi appris que le Service correctionnel du Canada n’offre actuellement aucune formation particulière sur l’ETCAF à son personnel. La formation offerte porte plus généralement sur les troubles de santé mentale[163]. Cette situation inquiète le Comité qui reconnaît, à l’instar de plusieurs témoins qui ont comparu devant lui, que la formation est un élément central à la fois pour réduire l’incidence de l’ETCAF et pour mieux répondre aux besoins uniques de ceux qui sont touchés par l’affection.

Plusieurs des témoins rencontrés ont suggéré de rendre obligatoire la formation sur l’ETCAF pour tous les intervenants du système de justice. Voici notamment ce qu’a soutenu Elspeth Ross devant le Comité :

Les avocats, les juges, les conseillers parajudiciaires et les agents de probation, les policiers, les travailleurs sociaux et les gardiens de prison ont tous besoin de formation et d’éducation continue [au sujet de l’ETCAF][164].

À la lumières de ces considérations et considérant les champs compétences du gouvernement fédéral :

Recommandation 3

Le Comité recommande que les agents de la Gendarmerie royale du Canada et le personnel du Service correctionnel du Canada suivent une formation sur l’ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale dans le cadre de leur formation normalisée.

5.3 LE MANQUE CRIANT DE RESSOURCES

Plusieurs des témoins qui ont comparu devant le Comité ont déploré la grande disparité des ressources en matière d’ETCAF au pays, notamment en ce a trait à la capacité de diagnostic et aux services de soutien communautaires. Afin d’améliorer la qualité de vie de toutes les personnes atteintes de l’ETCAF, peu importe où elles résident, et d’éviter qu’elles ne développent des incapacités secondaires, on a exhorté le Comité à reconnaître l’urgence d’agir pour améliorer l’accès au diagnostic et à l’évaluation. Voici ce que soutiennent les membres du Réseau canadien de recherche sur l’ETCAF à propos de la capacité actuelle :

Alors qu’on estime aujourd’hui à 380 000 le nombre de personnes atteintes de l’ETCAF au Canada, la capacité actuelle d’évaluation de cette maladie est de 2 000 à 2 500 cas par année (enfants et adultes compris). Le temps d’attente pour avoir accès à un diagnostic clinique dans la collectivité après l’aiguillage est de six mois minimum à plus d’un an. La majorité des provinces et des territoires ne disposent pas actuellement des équipes de diagnostic appropriées ou des cliniciens en mesure d’évaluer les clients adultes[165].

Si le Comité est conscient que des progrès ont été réalisés dans ce domaine au cours des dernières années[166], il estime néanmoins, à l’instar de bien des témoins, que pour répondre aux besoins des personnes victimes de l’alcoolisation fœtale, il nous faut renforcer les capacités sur tous les fronts. Le Canada doit se doter de nouvelles cliniques d’évaluation.

Recommandation 4

Le Comité recommande que le Service correctionnel du Canada continue d’évaluer les pratiques exemplaires communautaires afin de dépister l’ETCAF chez les délinquants et que l’ETCAF soit intégré à l’évaluation de la santé mentale actuellement réalisée à l’admission des détenus dans un pénitencier.

Recommandation 5

Le Comité recommande que le Service correctionnel du Canada envisage des stratégies pour contribuer à l’intégration et à la réadaptation des personnes atteintes de troubles causés par l’alcoolisation fœtale qui reçoivent des sentences d’emprisonnement de deux ans et plus.

5.4 L’URGENTE NÉCESSITÉ DE POURSUIVRE LES RECHERCHES SUR L’ETCAF ET DE COLLIGER DES DONNÉES

Nous avons la chance au Canada de pouvoir compter sur des chercheurs et des chercheuses prolifiques dans le domaine de l’ETCAF. Tel que l’a souligné la professeure Pei devant le Comité, le Canada est un des chefs de file dans le domaine, mais il reste encore énormément de travail à accomplir :

Nous servons de modèle, et je crois que c'est une arme à double tranchant. Lorsque nous disons que nous sommes un peu des chefs de file, cela signifie que nous sommes à l'avant-plan et que les gens étudient notre façon de réagir. Je crois que cela nous force à trouver des solutions plus appropriées[167].

À l’instar d’Elspeth Ross notamment, la professeure Pei a dit souhaiter assister à la création d’un leadership national sur l’ETCAF plus vigoureux. Un tel leadership pourrait permettre de réduire les écarts provinciaux et territoriaux dans la prestation de services et la formation des réseaux d’appui[168] et servir à l’amélioration de nos connaissances et de nos interventions.

Devant le Comité, Ryan Leef a souligné l’important travail effectué par NeuroDevNet afin d’identifier des biomarqueurs prédictifs de l’ETCAF. On a dit au Comité que le gouvernement du Canada a investi 1,1 million de dollars pour les travaux menés par ce groupe sur l’ETCAF et l’autisme[169].  

Le groupe de recherche sur l’ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale (ETCAF) de NeuroDevNet étudie les interactions gènes-environnement, les biomarqueurs prédictifs et la relation entre les modifications structurales dans le cerveau et les résultats fonctionnels. Une question fondamentale à aborder dans ce projet de recherche consiste à déterminer comment les facteurs génétiques et environnementaux interagissent avec l’exposition gestationnelle à l’alcool pour entraîner des déficiences neurocomportementales et neurobiologiques chez l’enfant[170].

Le Comité encourage la poursuite de ces recherches importantes et espère, à l’instar des témoins entendus, que la recherche pourra conduire à une identification plus précise des personnes atteintes de l’ETCAF et offrir des possibilités de prévention plus ciblées. Le Comité est d’accord avec les témoins qu’il a rencontrés que c’est par la recherche qu’on arrivera à mieux comprendre les facteurs qui influencent les nombreuses manifestations de l’ETCAF, à mieux cibler nos interventions et à lutter de façon efficace et cohérente contre l’ETCAF.

Le Comité a aussi pris connaissance du travail essentiel mené par le Réseau canadien de recherche sur l’ETCAF. Ce dernier a récemment mis sur pied une banque de données centrale afin de regrouper des données sur l’ETCAF provenant de tout le pays. La banque de données comporte actuellement 289 dossiers de personnes touchées par l’ETCAF. Tel que l’a noté la professeure Cook dans son mémoire :

Au Canada, nous manquons de données sur cette population, données pourtant cruciales pour établir des programmes efficaces, rentables et accessibles. Les données sont disponibles dans les cliniques qui évaluent et diagnostiquent les patients, mais elles doivent être collectées et utilisées grâce à des outils normalisés[171].

Le Comité félicite l’initiative du Réseau canadien de recherche sur l’ETCAF et reconnaît, à l’instar des témoins qu’il a entendus, que la mise à la disposition de ces données normalisées à l’ensemble des chercheurs représente un pas important vers la recherche de solutions efficaces.  

Pour ces raisons :

Recommandation 6 

Le Comité recommande que le gouvernement fédéral travaille avec les provinces et territoires ainsi que les principaux intervenants, comme le Réseau canadien de recherche sur l’ETCAF, pour appuyer les recherches novatrices visant à accroître notre compréhension de l’ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale, à nous renseigner sur les facteurs de risque et de protection liés à l’affection et à nous aider à améliorer les résultats en matière de santé.

Recommandation 7 

Le Comité recommande que le gouvernement fédéral travaille avec les provinces et territoires afin d’encourager la collecte de données normalisées sur l’ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale au Canada.


[148]         Le discours de ce jeune homme, présenté au Comité sous la forme d’un mémoire, est reproduit à l’annexe C.

[149]         JUST, 2e session, 41e législature, Témoignages, 25 février 2015 (Ryan Leef, Yukon).

[150]         Agence de la santé publique du Canada, Ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale (ETCAF) : Un Cadre d’action, 2003.

[151]         Association du Barreau canadien, Résolution 13-12-A, Accommodement des déficiences liées à l’ETCAD afin d’améliorer l’accès à la justice, août 2013.

[152]         JUST, 2e session, 41e législature, Témoignages, 11 mars 2015 (Wenda Bradley, directrice principale, Fetal Alcohol Syndrome Society of Yukon).

[153]         JUST, 2e session, 41e législature, Témoignages, 11 mars 2015 (Dre Sveltlana Popova, professeure adjointe, Université de Toronto, et scientifique sénior, Recherche social et épidémiologie, Centre de toxicomanie et de santé mentale).

[154]         JUST, 2e session, 41e législature, mémoire, mars 2015 (Regina FASD Community Network).

[155]         JUST, 2e session, 41e législature, mémoire, févirer 2015.

[156]         JUST, 2e session, 41e législature, mémoire, novembre 2014 (Suzanne Anton, ministre de la justice et procureure général de la Colombie-Britannique). L’enquêteur correctionnel du Canada a tenu des propos similaires lors de sa comparution. JUST, 2e session, 41e législature, Témoignages, 23 mars 2015 (Howard Sapers, enquêteur correctionnel du Canada, Bureau de l’enquêteur correctionnel du Canada).

[157]         JUST, 2e session, 41e législature, Témoignages, 25 février 2015 (Ryan Leef, Yukon).

[158]         JUST, 2e session, 41e législature, Témoignages, 25 mars 2015 (Chef Cameron Alexis, chef régional d’Alberta, Assemblée des Premières Nations).

[159]         JUST, 2e session, 41e législature, mémoire, mars 2015 (Jocelynn L. Cook, directrice scientifique, Société des obstétriciens et gynécologues du Canada).

[160]         JUST, 2e session, 41e législature, Témoignages, 25 mars 2015 (Elspeth Ross, facilitatrice, L’ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale - Groupe d'Ottawa).

[161]         JUST, 2e session, 41e législature, Témoignages, 23 mars 2015 (Dre Gail Andrew, directrice médicale, Services cliniques des troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale, responsable de la pédiatrie, Glenrose Rehabilitation Hospital, Alberta Health Services).

[162]         JUST, 2e session, 41e législature, Témoignages, 25 mars 2015 (Elspeth Ross, facilitatrice, L’ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale - Groupe d'Ottawa).

[163]         JUST, 2e session, 41e législature, Témoignages, 23 mars 2015 (Howard Sapers, enquêteur correctionnel du Canada, Bureau de l’enquêteur correctionnel du Canada).

[164]         JUST, 2e session, 41e législature, Témoignages, 25 mars 2015 (Elspeth Ross, facilitatrice, L’ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale - Groupe d'Ottawa).

[165]         JUST, 2e session, 41e législature, mémoire, mars 2015 (membres du Réseau canadien de recherche sur l’ETCAF).

[166]         Les propos de Jocelynn Cook laissent entendre que la situation s’améliore : « Au Canada, les cliniques qui procèdent à de tels diagnostics sont plus nombreuses que jamais. Il y en a sans cesse qui ouvrent leurs portes. Le Québec en a maintenant une première, ce qui est une très bonne nouvelle ». JUST, 2e session, 41e législature, Témoignages, 23 mars 2015 (Jocelynn L. Cook, directrice scientifique, Société des obstétriciens et gynécologues du Canada).

[167]         JUST, 2e session, 41e législature, Témoignages, 25 mars 2015 (Jacqueline Pei, professeur agrégée, Université d'Alberta).

[168]         Ibid.

[169]         JUST, 2e session, 41e législature, Témoignages, 25 février 2015 (Ryan Leef, Yukon).

[170]         Pour plus d’informations, consulter L’ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale, site Internet de NeuroDevelopement Netword Canada.

[171]         JUST, 2e session, 41e législature, mémoire, mars 2015 (Jocelynn L. Cook, directrice scientifique, Société des obstétriciens et gynécologues du Canada).