Passer au contenu
Début du contenu

JUST Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

PDF

CHAPITRE 3 : RÉPURCUSSION DE L’ETCAF SUR LE SYSTÈME DE JUSTICE PÉNALE

Quoiqu’il n’existe aucune donnée concluante concernant la prévalence de l’ETCAF dans le système de justice pénale canadien, des recherches révèlent que les personnes atteintes de l’ETCAF sont surreprésentées dans le système de justice pénale, y compris dans les prisons et les pénitenciers. Le présent chapitre expose les informations recueillies par le Comité en ce qui a trait aux répercussions de l’ETCAF sur le système de justice pénale et à l’expérience des personnes atteintes de l’ETCAF avec ce système, que ce soit en tant qu’accusé, victime ou à titre de témoin d’une infraction.

3.1 L’ETCAF ET LE SYSTÈME DE JUSTICE PÉNALE

La [Fetal Alcohol Syndrome Society of Yukon] est intimement convaincue que les personnes atteintes de l'ETCAF dans le système de justice, en tant que victimes, témoins ou délinquants et parfois à plus d'un titre, doivent faire l'objet d'une attention particulière[80].

Cet extrait du témoignage de la directrice de la Fetal Alcohol Syndrome Society of Yukon résume bien le sentiment partagé par les témoins rencontrés par le Comité en ce qui a trait à l’attention que doivent porter les acteurs du système de justice pénale (que ce soit les policiers, les procureurs, les avocats de la défense, les juges, les agents correctionnels et de probation, ou encore les membres des commissions des libérations conditionnelles) aux personnes atteintes de l’ETCAF.

3.1.1 Prévalence de l’ETCAF dans le système de justice

Il existe encore très peu de données empiriques concernant les répercussions de l’ETCAF sur le système de justice pénale. Des études indiquent cependant que « les personnes atteintes de l’ETCAF présentent un nombre disproportionné de démêlés avec la justice dans lesquels elles peuvent tenir le rôle de victime, de témoin ou de contrevenant[81] ». Sur les 37 clients suivis par la Fetal Alcohol Syndrome Society of Yukon, le Comité a été informé que 76 % avaient eu des contacts avec le système de justice[82]. D’autres études ont pour leur part estimé qu’environ 60 % des personnes atteintes de l’ETCAF auraient eu des démêlés avec la loi[83]. Sur la base de recherches menées auprès de jeunes contrevenants, les jeunes victimes de l’ETCAF feraient face à des accusations criminelles plus tôt dans leur vie et en plus grand nombre, comparativement aux jeunes contrevenants qui ne souffrent pas de l’affection[84]. Les récidives plus fréquentes observées chez les personnes atteintes de l’affection s’expliqueraient, entre autres, par le fait qu’elles sont habituellement incapables de tirer des leçons de leurs expériences passées et que la majorité souffre de troubles de santé mentale[85].

Lors de sa comparution, Wenda Bradley a rappelé au Comité que l’ETCAF n’a « pas été diagnostiqué chez un bon nombre de ces personnes qui vont et viennent sans cesse dans notre système de justice et dans beaucoup d’autres systèmes de notre société[86] ».

Les témoignages entendus par le Comité mettent en évidence la difficulté pour les intervenants du système de justice pénale à repérer les cas d’ETCAF et, par conséquent, à leur offrir une réponse adaptée. La plupart des personnes atteintes passeraient tout simplement inaperçues. Voici ce qu’a soutenu notamment Jonathan Rudin devant le Comité :

La difficulté et le défi pour le système judiciaire, c'est que devant les tribunaux, les personnes atteintes de l'ETCAF ont l'air de vous et moi [...] Si vous arrivez au tribunal avec une canne et des verres fumés, nous saurons que vous êtes aveugle et nous en tiendrons compte. Or, l'ETCAF est en grande partie un handicap invisible, et c'est la raison pour laquelle il est primordial qu'il soit pris en compte dans le système de justice pénale. Si nous ne repérons pas ces personnes, nous n'allons pas leur imposer une peine adéquate[87].

Les témoignages établissent sans équivoque que ce sont les dysfonctions cérébrales permanentes associées à l’ETCAF qui expliquent la surreprésentation de ces personnes au sein du système de justice pénale. Des dysfonctions sérieuses qui nous obligent, selon les témoins, à remettre en question la prémisse sous-jacente du système de justice pénale. Voici notamment ce qu’a soutenu Rodney Snow à ce sujet :

[L]e droit pénal repose sur la présomption selon laquelle les gens prennent des décisions éclairées, décident de commettre des crimes et tirent des leçons de leur propre comportement et de celui des autres. Or, ces présomptions ne sont souvent pas valables pour les personnes atteintes de l'ETCAF. Ainsi, notre système de justice pénale ne répond pas à leurs besoins et à nos attentes[88].

3.1.2 Expérience du système de justice pénale en tant que victime ou témoin d’une infraction

Il ne fait aucun doute à la lumière des témoignages entendus que les personnes atteintes d’un trouble lié à l’alcoolisation fœtale sont plus à risque d’être victimes d’une infraction ou encore d’en être témoins. Pour la majorité des personnes, le système de justice pénale est complexe et intimidant. On peut facilement comprendre qu’une victime atteinte de l’ETCAF ou encore une personne affectée par ce trouble qui s’apprête à témoigner dans une affaire peut avoir de la difficulté à comprendre le processus judiciaire et nécessiter une assistance plus soutenue. Comme l’a noté la professeure Pei dans son mémoire : « les difficultés neurocognitives, adaptatives et sociales associées à l’ETCAF peuvent influencer l’habileté d’une personne affectée à comprendre le processus judiciaire[89] ».

La représentante du Groupe d’Ottawa – ETCAF, Elspeth Ross, a raconté au Comité l’expérience malheureuse d’une jeune victime atteinte de l’ETCAF avec le système de justice.

Une mère rapporte que son fils a été agressé et qu’il a ensuite été appelé à témoigner. La journée qu’il a passée à la barre a été une expérience éprouvante pour une personne facilement confuse. L’accusé a été acquitté et, maintenant, le jeune homme ne fait plus confiance au système pour le protéger; il a été marqué d’avoir eu l’audace de témoigner[90].

Pour faciliter l’accès à la justice et favoriser une confiance accrue dans le système, le Comité a entendu que tous les intervenants du système de justice pénale doivent être sensibilisés à l’ETCAF. Ils doivent également être en mesure de reconnaître les besoins spécifiques de ces personnes afin de leur fournir un accompagnement adapté pendant tout le processus pénal.

Les membres du Réseau canadien de recherche sur l’ETCAF soulignent dans leur mémoire qu’« il existe des exemples de travail remarquable réalisé par des travailleurs auprès des tribunaux pour mieux préparer leurs clients souffrant d’une déficience cognitive afin d’assurer qu’ils joueront leur rôle au meilleur de leurs capacités s’ils sont appelés à la barre des témoins ». Ce soutien est nécessaire, selon eux, pour leur garantir une véritable participation :

Sans le soutien nécessaire, les personnes atteintes de l’ETCAF peuvent être privées d’un accès significatif ou d’une véritable participation à la justice, car souvent les procureurs, les juges ou les membres d’un jury ne prendront pas au sérieux un témoin qui leur semble « peu crédible » (qui confond les dates, qui ne peut se rappeler les évènements, etc.)[91].

3.1.3 Expérience du système de justice pénale en tant qu’accusé

S’agissant des personnes atteintes de l’ETCAF qui font face à des accusations criminelles, la professeure Pei a présenté au Comité des résultats de recherches qui montrent qu’elles éprouvent souvent de la difficulté à comprendre l’arrestation, l’interrogation et le procès[92]. Les personnes affectées pourraient également « être plus enclines à faire de fausses déclarations et de faux témoignages[93] » et seraient « plus susceptibles de renoncer à leurs droits ou d’assumer la responsabilité de crimes qu’elles n’ont pas commis[94] ».

Des recherches menées auprès de jeunes contrevenants nous révèlent par ailleurs que la sanction ne permet pas à elle seule de réduire la récidive criminelle. De l’avis de la professeure Pei, dans certains cas, une sanction qui n’est pas accompagnée de mesures de soutien adaptés pourrait au contraire favoriser la récidive criminelle[95]. Lors de sa comparution, l’enquêteur correctionnel a lui aussi mis en garde le Comité des effets non désirés que pourrait avoir le système de justice pénale à l’égard de certains individus atteints de l’ETCAF, soulignant ceci :

L’intervention du système de justice risque d’aggraver les difficultés que vivent certains individus en raison de l’ETCAF. Par exemple, le fait de mettre en prison une personne atteinte de l’ETCAF pour lui « donner une leçon » peut s’avérer un exercice futile, étant donné qu’une peine fondée sur un effet dissuasif général ou spécifique n’aura pas l’effet escompté chez une personne atteinte de l’ETCAF[96].

La recherche dans le domaine du traitement et la gestion des délinquants fournit des informations importantes en ce qui a trait aux caractéristiques des interventions qui s’avèrent plus fructueuses auprès des personnes aux prises avec l’ETCAF. Lors de son témoignage, la professeure Pei a mis l’accent sur le modèle Risque-Besoins-Réceptivité (RBR), un modèle qui s’est montré prometteur en matière de réduction de récidive auprès des personnes atteintes de l’ETCAF. Ce modèle – qui est à la base des traitements offerts par le Service correctionnel du Canada, comme l’a souligné le directeur exécutif et avocat général du Bureau de l’enquêteur correctionnel[97] – propose d’ajuster les interventions et traitements en fonction des trois principes suivants :

  • Risque  – l’intensité des traitements et des interventions doit correspondre au niveau de risque de la personne. Donc, un traitement plus intensif pour une personne considérée à risque élevé et un traitement moins intensif pour une personne présentant un faible risque de récidive.
  • Besoins – les traitements et les interventions doivent cibler les facteurs de risque et les besoins de la personne qui ont contribué à son comportement criminel ou l’alimentent (autrement dit, il faut cibler les besoins liés aux facteurs criminogènes).
  • Réceptivité – les traitements et les interventions doivent être adaptés au mode et au style d’apprentissage de la personne[98].

On a dit au Comité que lorsque le modèle RBR est appliqué fidèlement, des études menées auprès de délinquants établissent une diminution de 35 % de la récidive[99]. À l’inverse, quand ces principes ne sont pas respectés, non seulement l’intervention s’avère inefficace, mais elle pourrait également nuire aux résultats[100]. Voici ce que soutient la professeure Pei dans son mémoire :

[L]a fidélité dans l’application de ce modèle est d’une importance cruciale, non seulement pour maximiser les résultats positifs, mais aussi pour réduire le potentiel d’utilisation de stratégies qui pourraient involontairement augmenter la possibilité de récidive criminelle. Cette assertion est particulièrement vraie pour les populations complexes, comme les personnes touchées par l’ETCAF, dont les besoins peuvent être uniques, et dont la réaction aux sentences et aux interventions peut devoir être modifiée à la lumière de leur modèle unique de diversité cognitive[101].

Une des difficultés rencontrées par les intervenants avec les personnes atteintes de l’ETCAF consiste à bien évaluer le risque qu’elles représentent. La professeure Pei a expliqué au Comité que les personnes atteintes de l’ETCAF peuvent avoir l’air de présenter des risques élevés, mais qu’une évaluation rigoureuse indique couramment un risque moins élevé. Cette tendance à surévaluer le risque des personnes atteintes de l’ETCAF est préoccupante selon la professeure Pei qui a insisté dans son témoignage sur le fait que le choix des peines et des interventions peuvent causer des torts importants et favoriser la récidive.[102] Pour démontrer l’importance de bien adapter les interventions auprès des personnes atteintes de l’ETCAF, la professeure Pei a présenté l’exemple d’un individu atteint de l’ETCAF qui a changé complètement son comportement après avoir reçu un traitement approprié; un traitement qui a été rendu possible grâce à une évaluation détaillée de son état sur le plan cognitif[103].

3.2 L’ETCAF ET LE SYSTÈME CORRECTIONNEL

3.2.1 Prévalence de l’ETCAF dans les prisons et les pénitenciers

Comme l’a indiqué l’enquêteur correctionnel du Canada devant le Comité, il est difficile d’établir avec précision la prévalence de l’ETCAF dans les établissements correctionnels du Canada, puisqu’il existe des différences considérables en ce qui a trait à l’identification des cas et aux méthodes de diagnostic. Des études menées sur des populations correctionnelles révèlent des taux de prévalence variant de 10 à 25 %[104]. Bien qu’il n’existe aucune donnée concluante concernant la prévalence de l’ETCAF dans les prisons et les pénitenciers du Canada, une étude réalisée par le Service correctionnel du Canada en 2011[105], qui avait pour but de mettre à l’essai un outil de dépistage de l’ETCAF et d’évaluer la prévalence de l’affection parmi les hommes nouvellement admis dans un pénitencier à sécurité moyenne du Manitoba, a révélé que 10 % d’entre eux étaient atteints de l’ETCAF, tandis « que 15 p. 100 présentaient certains des critères diagnostiques, mais n’ont pu être diagnostiqués comme tel faute de renseignements essentiels[106] ». Selon cette étude, il y aurait donc au moins 10 fois plus de personnes atteintes de l’ETCAF au sein de la population correctionnelle fédérale que dans la population générale. L’étude a par ailleurs détecté des troubles neuropsychologiques sans rapport avec une exposition prénatale à l’alcool chez 45 % des détenus qui y ont participé. Fait révélateur, « aucun des détenus diagnostiqués dans le cadre de cette étude n’avait auparavant reçu de diagnostic de l’ETCAF[107] ».

Se fondant sur des données canadiennes, des chercheurs ont pour leur part estimé que les jeunes atteints de l’ETCAF seraient 19 fois plus susceptibles d’être incarcérés au cours d’une année donnée que les jeunes qui n’en souffrent pas[108]. L’une des auteurs de l’étude, la Dre Popova, a noté devant le Comité que la prévalence de l'ETCAF chez les jeunes en détention oscille entre 11 % à 23 %.

Lors de sa comparution, Wenda Bradley a informé le Comité d’une étude entreprise en 2014 par le gouvernement du Yukon qui vise notamment à déterminer la prévalence de l'ETCAF dans le système correctionnel du Yukon[109]. Selon la Dre Andrew, qui a aussi discuté de cette étude avec le Comité, l’évaluation des détenus qui acceptent de se prêter à l'étude permettra de dégager un profil des détenus atteints de l’ETCAF, des services qui leurs sont offerts de même qu’à évaluer l’efficacité de certains outils de dépistage. Les résultats de cette étude sont attendus avec impatience.

3.2.2 Identification des détenus atteints de l’ETCAF par le Service correctionnel du Canada

L’étude de 2011 menée par le Service correctionnel du Canada a conclu ce qui suit :

Il y a au sein du Service correctionnel du Canada une population carcérale atteinte de ce type de troubles que l’on n’identifie actuellement pas au moment de l’admission et qui, par conséquent, ne se voit pas offrir les services ou les programmes répondant à ses besoins particuliers. […] Le dépistage visant à identifier les délinquants qui risquent d’être atteints de ces troubles est nécessaire, et il est prouvé que cela est possible en milieu correctionnel.[110]

L’enquêteur correctionnel a informé le Comité que le Service correctionnel du Canada « continue à ne pas dépister systématiquement l’ETCAF chez les délinquants nouvellement admis ». De l’avis de l’enquêteur correctionnel, la plupart des délinquants arrivent en prison sans diagnostic et il le reste. En conséquence, cette population vulnérable ne reçoit pas les soins et les traitements appropriés dans ce système qui, aux dires de l’enquêteur correctionnel, est mal adapté pour les recevoir :

Un système correctionnel qui se fonde sur l’obéissance aux ordres et aux règles, qui encourage une conduite adéquate et qui exige d’un délinquant de montrer des progrès sur le plan du comportement n’est pas particulièrement adapté aux personnes atteintes de l’ETCAF. De même, un système de libération conditionnelle et de pardon fondé sur la nécessité et la capacité d’exprimer du remord et d’apprendre de ses erreurs ne peut convenir aux personnes atteintes de l’ETCAF.
[…]
Les prisons exigent que les gens obéissent aux règles et suivent les directives, et s'ils ne le font pas, ils attirent une attention négative sur eux. Ces individus enfreignent sans cesse les règles des établissements, sont reconnus coupables d'infractions aux règles mineures et majeures, se voient imposer des sanctions pour avoir commis une infraction majeure et doivent ensuite comparaître devant un président indépendant. Ces individus ne font pas bonne figure devant les commissions des libérations conditionnelles. Ils passent habituellement plus de temps dans des établissements à sécurité élevée et en isolement, etc. Leurs résultats correctionnels sont compromis. C'est un fardeau sur le système et sur eux-mêmes. Ils sont également plus difficiles à gérer et coûtent plus cher au système.[111]

L’absence d’une identification des cas lors de l’admission en détention est inquiétante, puisque selon la professeure Pei les personnes touchées par l’ETCAF « peuvent devenir des cibles vulnérables à la victimisation, peuvent finir par apprendre plus d’actes criminels sans comprendre pourquoi ils ont d’abord été incarcérés, et peuvent être incapables de se conformer à l’environnement de détention[112] ».

3.2.3 Adaptation des personnes atteintes de l’ETCAF en milieu carcéral

Une étude de 2014 réalisée par le Service correctionnel du Canada révèle que les délinquants atteints de l’ETCAF ont davantage de difficulté à s’adapter en milieu carcéral que les autres délinquants. Les résultats de cette étude corroborent les résultats obtenus par bon nombre d’études qui démontrent que les personnes atteintes de l’ETCAF éprouvent davantage de difficulté à s’adapter dans divers contextes sociaux[113].

Tel que l’a rapporté l’enquêteur correctionnel devant le Comité, l’étude constate que les délinquants atteints d’un trouble d’alcoolisation fœtale étaient plus à risque d’être impliqués dans des incidents violents en établissement, tant à titre d’instigateurs que de victimes. Ils étaient, par ailleurs, plus susceptibles de faire l’objet d’accusations d’infraction disciplinaire. Enfin, ils étaient beaucoup moins nombreux à compléter leur programme correctionnel[114].

Lors de sa comparution, l’avocat Jonathan Rudin a soutenu que les personnes atteintes de l’ETCAF travaillent souvent mal en groupe, puisqu’elles comprennent difficilement les indicateurs sociaux. Selon lui, la thérapie cognitivo-comportementale, qui est le traitement offert à de nombreux délinquants au sein du système correctionnel, n’est pas bien adaptée à cette clientèle[115].

Dans sa résolution de 2013 sur l’ETCAF et le système de justice pénale, l’Association du Barreau canadien avait recommandé au gouvernement fédéral de modifier la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition « de façon à ce qu’incombe au Service correctionnel du Canada un devoir d’accommodement de l’ETCAF à titre d’invalidité, dans le cas de la prestation de services correctionnels à des détenus qui souffrent ou qui souffrent vraisemblablement de [l’ETCAF][116] ».

Comme l’a indiqué l’enquêteur correctionnel devant le Comité, il n’existe actuellement aucun programme correctionnel dans les pénitenciers canadiens spécialement conçu pour les délinquants atteints de l’ETCAF. Quoique le Service correctionnel tente, du mieux qu’il peut, d’adapter ses interventions afin de répondre aux besoins de cette clientèle, il semblerait que des problèmes de ressources entravent la prestation de ces services. Le Service correctionnel n’aurait pas toujours suffisamment de ressources pour mettre en œuvre les adaptations nécessaires afin de répondre aux besoins spécifiques de tous les groupes qui composent la population carcérale; une population qui présente des défis complexes, comme l’a indiqué Ivan Zinger devant le Comité :

[N]ous avons désormais plus de 60 % des détenus qui ont besoin de services psychologiques ou psychiatriques.
En moyenne, les délinquants ont une 8e année. Au total, 75 % des détenus qui entrent dans le système ont des problèmes de toxicomanie. Environ les deux tiers d'entre eux avaient consommé lorsqu'ils ont commis leur infraction. De plus, 30 % d'entre eux ont l'hépatite C et presque 5 % ont le VIH. Près d'un tiers des détenus sont autochtones. Près de 10 % sont noirs.
Il devient très difficile pour le Service correctionnel du Canada d'essayer de répondre aux besoins en matière d'emploi, de santé mentale et d'éducation. C'est vraiment un énorme défi, et je dirais que les ressources peuvent parfois être une partie du problème.[117]

Le message du Bureau de l’enquêteur correctionnel était le suivant : considérant qu’« [o]n ne peut pas demander aux services correctionnels de résoudre un problème qui aurait dû être réglé dans la communauté au moyen de services plus adéquats, de dépistage[118] », il est essentiel d’assurer un soutien dans la collectivité pour éviter que les personnes atteintes de l’ETCAF n’aient de démêlées avec la justice et de mettre en place des programmes de déjudiciarisation[119].


[80]           JUST, 2e session, 41e législature, Témoignages, 11 mars 2015 (Wenda Bradley, directrice principale, Fetal Alcohol Syndrome Society of Yukon).

[81]           JUST, 2e session, 41e législature, mémoire, mars 2015, p. 2 (membres du Réseau canadien de recherche sur l’ETCAF).

[82]           JUST, 2e session, 41e législature, Témoignages, 11 mars 2015.

[83]           JUST, 2e session, 41e législature, mémoire, mars 2015 (Jacqueline Pei, professeur agrégée, Université d'Alberta).

[84]           Les accusations portées contre les jeunes atteints de l’ETCAF seraient néanmoins moins graves que celles portées contre les autres délinquants. JUST, 2e session, 41e législature, mémoire, mars 2015 (Jacqueline Pei, professeur agrégée, Université d'Alberta).

[85]           JUST, 2e session, 41e législature, Témoignages, 11 mars 2015 (Dre Sveltlana Popova, professeure adjointe, Université de Toronto, et scientifique sénior, Recherche social et épidémiologie, Centre de toxicomanie et de santé mentale).

[86]           JUST, 2e session, 41e législature, Témoignages, 11 mars 2015 (Wenda Bradley, directrice principale du Fetal Alcohol Syndrome Society of Yukon).

[87]           JUST, 2e session, 41e législature, Témoignages, 11 mars 2015 (Jonathan Rudin, directeur de programme, Aboriginal Legal Services of Toronto).

[88]           JUST, 2e session, 41e législature, Témoignages, 23 mars 2015 (Rodney Snow). Des propos similaires ont été présentés par un grand nombre de témoins qui ont comparu devant le Comité ou qui lui ont remis un mémoire. Cela comprend l’enquêteur correctionnel du Canada, l’Association du Barreau Canadien, la professeure Jacqueline Pei, la directrice de la Fetal Alcohol Syndrome Society of Yukon et le représentant de l’Aboriginal Legal Service Of Toronto.

[89]           JUST, 2e session, 41e législature, mémoire, mars 2015 (Jacqueline Pei, professeur agrégée, Université d'Alberta).

[90]           JUST, 2e session, 41e législature, Témoignages, 25 mars 2015 (Elspeth Ross, facilitatrice, L’ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale - Groupe d'Ottawa).

[91]           JUST, 2e session, 41e législature, mémoire, mars 2015 (Membres du Réseau canadien de recherche sur l’ETCAF).

[92]           JUST, 2e session, 41e législature, mémoire, mars 2015 (Jacqueline Pei, professeur agrégée, Université d'Alberta).

[93]           Ibid.

[94]           JUST, 2e session, 41e législature, Témoignages, 25 mars 2015 (Elspeth Ross, facilitatrice, L’ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale - Groupe d'Ottawa).

[95]           JUST, 2e session, 41e législature, mémoire, mars 2015 (Jacqueline Pei, professeur agrégée, Université d'Alberta).

[96]           JUST, 2e session, 41e législature, Témoignages, 23 mars 2015 (Howard Sapers, enquêteur correctionnel du Canada, Bureau de l’enquêteur correctionnel du Canada).

[97]           JUST, 2e session, 41e législature, Témoignages, 23 mars 2015 (Ivan Zinger, directeur exécutif et avocat général, Bureau de l’enquêteur correctionnel du Canada).

[98]           Pour le Service correctionnel du Canada, par exemple, le principe de réceptivité peut conduire à des ajustements dans la prestation du programme afin de tenir compte d’une différence culturelle ou encore d’une déficience cognitive, d’un problème de santé mentale ou d’un handicap physique. Le contenu du programme peut ainsi être adapté pour le rendre plus claire et plus simple et l’intervenant pourrait mettre davantage l'accent sur le renforcement. Cela dit, le Service correctionnel n’a pas toujours suffisamment de ressources pour mettre en œuvre les adaptations nécessaires afin de répondre aux besoins spécifiques de tous les groupes qui composent la population carcérale; une population qui présente des défis complexes, tel que l’a noté Ivan Zinger lors de sa comparution devant le Comité. JUST, 2e session, 41e législature, Témoignages, 23 mars 2015 (Ivan Zinger, directeur exécutif et avocat général, Bureau de l’enquêteur correctionnel du Canada).

[99]           JUST, 2e session, 41e législature, mémoire, mars 2015 (Jacqueline Pei, professeur agrégée, Université d'Alberta).

[100]         Ibid.

[101]         Ibid.

[102]         JUST, 2e session, 41e législature, Témoignages, 25 mars 2015 (Jacqueline Pei, professeure agrégée, Université d'Alberta).

[103]         L’exemple fourni se trouve dans son témoignage. JUST, 2e session, 41e législature, Témoignages, 25 mars 2015 (Jacqueline Pei, professeure agrégée, Université d'Alberta).

[104]         JUST, 2e session, 41e législature, Témoignages, 23 mars 2015 (Howard Sapers, enquêteur correctionnel du Canada, Bureau de l’enquêteur correctionnel du Canada).

[105]         En tout, 91 détenus ont participé à l’étude. Voir P.H. MacPherson et al., Ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale (ETCAF) dans une population carcérale : prévalence, dépistage et caractéristiques, Rapport de recherche R-247, Ottawa, 2011.

[106]         JUST, 2e session, 41e législature, Témoignages, 23 mars 2015 (Howard Sapers, enquêteur correctionnel du Canada, Bureau de l’enquêteur correctionnel du Canada).

[107]         Ibid.

[108]          Svetlana Popova et al., « Fetal Alcohol Spectrum Disorder Prevalence Estimates in Correctional Systems: A Systematic Literature Review », Canadian Journal of Public Health, vol. 102, no 5, 2011, p. 336 à 340.

[109]         JUST, 2e session, 41e législature, Témoignages, 11 mars 2015 (Wenda Bradley, directrice principale, Fetal Alcohol Syndrome Society of Yukon).

[110]         JUST, 2e session, 41e législature, Témoignages, 23 mars 2015 (Howard Sapers, enquêteur correctionnel du Canada, Bureau de l’enquêteur correctionnel du Canada).

[111]         Ibid.

[112]         JUST, 2e session, 41e législature, mémoire, mars 2015 (Jacqueline Pei, professeur agrégée, Université d'Alberta).

[113]         P. Mullins et al, Adaptation en établissements des délinquants atteints de troubles causés par l’alcoolisation fœtale dans un pénitencier fédéral au Canada, Rapport de recherche R-284, Ottawa, 2014.

[114]         JUST, 2e session, 41e législature, Témoignages, 23 mars 2015 (Howard Sapers, enquêteur correctionnel du Canada, Bureau de l’enquêteur correctionnel du Canada).

[115]         JUST, 2e session, 41e législature, Témoignages, 11 mars 2015 (Jonathan Rudin, directeur de programme, Aboriginal Legal Services of Toronto).

[116]         Pour plus d’informations, consulter la résolution de l’Association du Barreau canadien de 2013 intitulé Accommodement des déficiences liées à l’ETCAF afin d’améliorer l’accès à la Justice et son document de référence.

[117]         JUST, 2e session, 41e législature, Témoignages, 23 mars 2015 (Ivan Zinger, directeur exécutif et avocat général, Bureau de l’enquêteur correctionnel du Canada). 

[118]         Ibid.

[119]         « La prévention et la déjudiciarisation devraient être des considérations de première ligne; avant que le dossier arrive à la détermination de la peine ». JUST, 2e session, 41e législature, Témoignages, 23 mars 2015 (Howard Sapers, enquêteur correctionnel du Canada, Bureau de l’enquêteur correctionnel du Canada).