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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 089 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 5 décembre 2017

[Enregistrement électronique]

  (0900)  

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte.
    Il s'agit de la 89e séance du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration, tandis que nous poursuivons notre séance d'information sur les questions liées à la réinstallation des femmes et des filles yézidies.
    Une des questions qui sont ressorties dans le cadre du processus de réinstallation d'une petite population parlant une langue moins courante au Canada est la fourniture de services d'interprétation et les difficultés et les défis qui s'y rattachent; nous le constatons, dans les faits, ce matin. Lors de notre dernière réunion, nous avons entendu le témoignage d'interprètes communautaires qui ont parlé de trouver des interprètes qui sont des professionnels ou qui pourraient, d'une certaine façon, être accrédités dans une langue qui n'a pas d'existence officielle.
    Nous allons commencer par M. Clifford, qui enseigne dans le domaine de l'interprétation de conférence, mais possède aussi une expérience dans le domaine de l'interprétation et de la traduction générales.
    Monsieur Clifford, bienvenue. Vous avez sept minutes.

[Français]

    J'ai l'intention de faire quelques commentaires d'abord en français, puis je passerai à l'anglais, si cela vous convient.
    Monsieur le président et membres du Comité, tout d'abord, je tiens à vous remercier de m'avoir invité à vous parler de la formation d'interprète, laquelle me tient à coeur.
    Dans les quelques minutes qui me sont accordées, j'ai l'intention de vous tracer d'abord un portrait du programme que je représente, c'est-à-dire la maîtrise en interprétation de conférence. Ensuite, je vais vous expliquer quelques obstacles que nous devons affronter en matière de formation d'interprète et qui risquent d'avoir une incidence sur l'arrivée et l'établissement des réfugiées yézidies.
    La maîtrise en interprétation de conférence offerte sur le campus Glendon, à l'Université York, est un programme de deuxième cycle d'une durée de deux ans. La première année se donne entièrement en ligne à des étudiants d'un peu partout sur la planète, et la deuxième année se passe sur le campus, à Toronto.
    Le programme a deux objectifs. Dans un premier temps, nous visons à former des interprètes de conférence, comme ceux et celles qui travaillent en cabine dans la salle du Comité. Bien sûr, nous formons des interprètes en anglais et en français, mais nous en formons également pour d'autres marchés, soit l'espagnol, le portugais, le chinois, le turc, le russe et l'arabe.
    Nos diplômés travaillent sur la Colline du Parlement, mais également pour le Comité international de la Croix-Rouge, pour les agences des Nations unies et dans divers marchés privés à l'échelle planétaire.
    Fait intéressant, ce sont d'anciens étudiants à la maîtrise offerte au Collège Glendon qui ont formé les 500 interprètes ayant accueilli les 30 000 réfugiés syriens, il y a un an et demi ou deux ans. C'était d'ailleurs un de nos diplômés qu'on voyait à la télévision, lorsque le premier ministre a souhaité la bienvenue à la première famille syrienne que nous avons accueillie.

[Traduction]

    Voilà, en quelque sorte, une brève présentation du programme dont je suis responsable ici, à l'université.
    J'aimerais maintenant parler de deux obstacles auxquels nous sommes confrontés, lesquels sont interreliés et pourraient avoir une incidence sur certaines des questions que vous étudiez.
    Pour commencer, je dirai que ce n'est pas très facile pour nous de trouver des postulants qualifiés. Nous devons chercher partout dans le monde. C'est une des raisons pour lesquelles nous donnons une partie de notre formation en ligne. Lorsque vient le temps d'amener ces étudiants au Canada, ce n'est pas toujours facile. C'est particulièrement vrai en ce qui concerne les langues du Moyen-Orient. Nos postulants se voient régulièrement refuser des permis d'études. De fait, je m'occupe en ce moment d'un cas où une postulante est une traductrice formée. Elle travaille en traduction écrite et aimerait maintenant devenir interprète formée. Toutefois, un représentant de l'ambassade lui a refusé son permis d'études parce que, apparemment, il ne comprenait pas qu'il y avait une différence entre la traduction et l'interprétation, et il lui a dit: « Vous possédez déjà une formation dans ce domaine; vous n'avez pas besoin de venir au Canada. »
    C'est le genre de premier obstacle auquel nous faisons face en essayant de faire venir des postulants qualifiés dans le programme. C'est lié au deuxième obstacle auquel nous sommes confrontés, qui, je pense, est en grande partie attribuable à l'ignorance du public au sujet des complexités liées à l'interprétation. La plupart des gens à l'extérieur du domaine présument, tout à fait à tort, que ce n'est pas une tâche très difficile et que, si vous parlez deux langues, c'est suffisant. En fait, l'interprétation est une compétence très spécialisée, qu'elle se fasse dans le contexte d'une conférence ou dans le contexte communautaire.
    Une des choses que j'ai oublié de mentionner au sujet de Glendon, c'est que, même si nous formons des interprètes de conférence, nous formons aussi des gens pour le marché communautaire. Nous offrons des cours dans le domaine médical et l'interprétation juridique. Les étudiants qui terminent leur première année avec nous et ne passent pas à la deuxième année vont souvent dans le marché pour servir d'interprètes communautaires.
    Je vais juste vous donner une très brève idée de la mesure dans laquelle cette compétence est spécialisée. Par exemple, nous connaissons un cas où un patient qui ne parlait pas l'anglais est allé à l'hôpital. Un membre de la famille qui parlait les deux langues a servi d'interprète pour le patient, mais une confusion entre les mots « droite » et « gauche » a eu pour conséquence que le patient s'est fait amputer la mauvaise jambe. Plutôt que d'être un simple amputé, il a fini par être un double amputé. Au Canada, il y a eu un cas où la confusion entre les mots « dos » et « estomac » a eu pour effet qu'un homme de la Colombie-Britannique a perdu une jambe et un rein, en plus d'être paralysé au bras droit. Ce n'est pas le genre de travail que nous voulons confier à des personnes qui n'ont pas la formation ni les qualifications nécessaires.
    La compétence qui est requise pour être en mesure de faire ce travail est, souvent, nettement sous-estimée, et, par conséquent, elle a tendance à être nettement sous-évaluée et sous-rémunérée. Ce qui arrive fréquemment, c'est que les gens qui se lancent dans l'interprétation communautaire et ont l'ensemble des compétences nécessaires pour bien faire le travail ne trouvent pas la rémunération qu'ils cherchent et dont ils auront besoin, et ils ont donc tendance à partir. C'est très difficile pour nous de renforcer la capacité en interprétation communautaire, compte tenu du roulement élevé des interprètes.
    Je sais que, la semaine dernière, vous avez entendu ma collègue, Lola Bendana, qui est très active sur plusieurs fronts dans notre domaine, parler du « Guide des normes nationales destiné aux services d'interprétation en milieu social », de la promotion du programme de formation en interprétation offert dans un certain nombre de collèges communautaires ici, en Ontario, et de l'Ontario Council on Community Interpreting et de son nouveau système d'accréditation.
    Cela vous donne une idée du contexte existant, que nous sommes nombreux à essayer de renforcer et de mettre en branle. Je dirais qu'on doit faire beaucoup de choses pour s'assurer de recourir à des interprètes formés lorsque des services d'interprétation sont nécessaires, que ces interprètes sont rémunérés de façon adéquate et que, dans de nombreux cas, les interprètes reçoivent de l'aide pour obtenir l'accès à de la formation et à une accréditation.
    Nous sommes un pays qui mise sur l'immigration pour soutenir notre marché du travail et alimenter notre filet de sécurité sociale. Il est temps pour nous de reconnaître que l'interprétation joue un rôle essentiel dans l'établissement des nouveaux arrivants au pays. Nous devrions nous occuper sérieusement de soutenir l'interprétation.
    C'est ce que j'ai à vous dire pour le moment.
    Je serai heureux de répondre à vos questions.

  (0905)  

    Parfait. Merci beaucoup. Vous êtes tout à fait dans les temps.
    Maître Lobat Sadrehashemi, bienvenue.
    Vous avez sept minutes pour vous exprimer.
    Merci, monsieur le président, et mesdames et messieurs, de l'invitation à m'adresser à vous aujourd'hui.
    Je travaille à titre d'avocate spécialiste du droit des réfugiés à Vancouver. Je suis présidente de l'Association canadienne des avocats et des avocates en droit des réfugiés, mais je m'exprime en mon propre nom aujourd'hui.
    Avant de présenter mes commentaires, je tiens à dire que mon travail touche principalement des réfugiés qui se sont déjà rendus, en quelque sorte, au Canada et ont présenté une demande d'asile lorsqu'ils sont arrivés ici. Je n'ai pas d'expertise particulière concernant la situation des réfugiés yézidis. J'ai pensé que je pourrais apporter une certaine contribution à votre étude relativement à deux points: les services spécialisés nécessaires pour les réfugiés qui ont vécu des traumatismes graves, y compris le besoin de la réunification des familles, et, de façon plus générale, le programme de réinstallation du Canada.
    D'abord, par rapport aux services spécialisés nécessaires pour les réfugiés qui arrivent au Canada, j'ai une expérience de travail auprès de femmes qui ont subi de la violence et de la persécution fondée sur le sexe. À une époque, ma pratique portait essentiellement là-dessus. Chaque cas est différent, et les besoins particuliers d'une collectivité varieront, bien évidemment, mais il ne fait aucun doute pour moi que le fait d'arriver dans un pays sûr ne signifie pas que l'on se sente maintenant en sécurité. Le travail continue, dans certains cas, pendant plusieurs années après la réinstallation d'un réfugié.
    Vous avez entendu parler, par un certain nombre de témoins, des services spécialisés nécessaires pour les réfugiés yézidis... des femmes et des enfants qui ont subi des abus horribles et sont venus au Canada avec de graves traumatismes. J'invite le Comité à entendre la voix des survivants mêmes et de ceux qui travaillent auprès de ces collectivités, au sujet des services spécialisés dont ils bénéficieraient durant la réinstallation. Je me fais l'écho des commentaires formulés ce matin au sujet de l'importance d'une interprétation appropriée et du recours à des interprètes formés dans le cadre de ce travail.
    Le Canada a entrepris un programme spécial pour faire venir ces réfugiés au Canada. Lorsque nous amenons des réfugiés au Canada, nous avons aussi l'obligation d'essayer d'évaluer les types de services dont ils pourraient avoir besoin et de surveiller leurs besoins et d'y répondre. Les réfugiés qui ont vécu ce genre de traumatismes ont besoin de services spécialisés. Il importe de prêter attention aux services dont ils ont besoin et d'y répondre. Un investissement dans ces services est non seulement la bonne chose à faire, mais cela signifierait probablement aussi que l'intégration communautaire se produit plus rapidement.
    Vous avez entendu le témoignage de survivants et de ceux qui travaillent avec eux au Canada selon lequel la séparation de la famille est particulièrement dévastatrice pour ceux qui ont vécu des traumatismes graves et ont fait l'objet d'une réinstallation. La réunification des familles a été reconnue par le HCR et par le gouvernement comme une étape essentielle dans la réinstallation des réfugiés. Le HCR a reconnu la famille comme « un droit essentiel du réfugié » dans ses « principes directeurs sur la réunification des familles réfugiées de 1983 ».
    Des recherches — une étude australienne menée en 2013, par exemple — ont conclu que le fait d'être séparés de leur famille avait « des répercussions perverses sur le bien-être [des réfugiés] et sur leur capacité de participer et d'orienter leur propre avenir ». L'étude a conclu que la réunification des familles doit être une « considération cruciale concernant la conception et la fourniture de services de réinstallation » à un réfugié.
    Pour les réfugiés qui ont survécu à un traumatisme, la séparation de la famille peut être particulièrement difficile. Le rassemblement de la famille est absolument essentiel pour que les membres puissent se sentir en sécurité et protégés dans un nouveau domicile. Notre stratégie de réinstallation doit tenir compte des efforts déployés pour réunir les familles. Cela peut se faire au moyen de programmes spéciaux, et pas nécessairement au moyen du processus de réinstallation.
    Le deuxième point que je veux faire valoir concerne l'établissement de priorités pour le programme de réinstallation du Canada. Ce n'est pas tâche facile que de décider qui est sélectionné à des fins de réinstallation au Canada et qui reste derrière. Je veux réitérer les commentaires formulés par le représentant du HCR qui a comparu devant vous, ainsi que ceux de Mme Shauna Labman. Tous deux ont parlé d'établir des priorités pour la réinstallation fondées sur les critères de réinstallation mondiaux du HCR. Ces derniers sont des critères objectifs qui s'appuient sur les besoins en matière de protection juridique et physique, les victimes de la violence et de la torture, les besoins médicaux, les femmes à risque, les enfants à risque, et ainsi de suite.
    Lorsque nous avons des programmes spéciaux et des initiatives qui s'adressent à des groupes particuliers de réfugiés, ceux-ci ne devraient pas être exclus des cibles du Canada qui ont déjà été établies par le gouvernement à des fins de réinstallation. Si on les examine dans le contexte de l'ampleur de la crise, les cibles du Canada en matière de réinstallation ne sont pas élevées.

  (0910)  

    En 2018, nous avons imposé un plafond de 7 500 réfugiés parrainés par le gouvernement. Comme bon nombre d'entre vous le savent, des réfugiés qui souffrent dans des camps partout dans le monde ont été victimes de viol, de torture, ont perdu des membres de leur famille et se sentent oubliés par le Canada et le monde tandis qu'ils attendent d'être réinstallés.
    Je m'en voudrais si je ne disais pas à un comité qui étudie les réfugiés — et on l'a dit à maintes reprises, mais cela vaut la peine de le répéter — que c'est une crise mondiale des réfugiés. Il n'y a jamais eu autant de personnes déplacées depuis la Seconde Guerre mondiale, et, à mon avis, compte tenu des chiffres qui augmentent, en tant que pays prospère, le Canada doit réagir en augmentant ses chiffres. Plus particulièrement, le nombre de réfugiés parrainés par le gouvernement est particulièrement faible.
    Merci. Voilà mes observations.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à Nadre Atto. Aveen va l'accompagner, mais Nadre va commencer.
    Nous aurons probablement des services d'interprétation.
    Vous pouvez commencer. Merci.
    [Le témoin s'exprime en kurmanji.]

  (0915)  

    Juste une minute. Nous essayons de trouver l'interprétation en anglais ou en français.
Mme Nadre Atto (Traduction de l'interprétation):
    Je remercie énormément le gouvernement canadien de nous avoir fourni toute cette aide, et je vous remercie aussi de me permettre d'exposer mes problèmes. Je vous remercie vraiment.
    J'ai été mise en état d'arrestation par l'État islamique pendant deux ans. J'étais sur le point de me suicider. Mes enfants étaient là avec moi, mais je ne pouvais rien faire pour eux, parce que j'ai été vendue facilement plus de 10 fois. Tout ce que je demande au gouvernement canadien et aux autorités, c'est leur aide pour que nos gens soient relâchés, libérés de l'État islamique.
    Je suis une de ces personnes, et il y en a beaucoup comme moi, et la situation de certaines d'entre elles est même pire. Notre honneur... nous ne devrions pas laisser notre honneur entre leurs mains. De plus, ma fille de 10 ans a été mariée sous mes yeux à un terroriste. Qui pourrait accepter que ses propres enfants soient mariés à une personne à cet âge-là?
    Huit membres de ma famille ainsi que ma fille sont tous entre les mains de l'État islamique. Personne ne pouvait nous aider, et nous n'avons aucun renseignement au sujet de ce qui leur est arrivé.
    Je suis vraiment reconnaissante. J'espère seulement que vous pouvez aider les yézidis. De plus, je suis heureuse que le gouvernement canadien aide nos gens. J'ai passé deux ans en état d'arrestation et j'ai vu trop de choses arriver. Je ne suis pas vraiment heureuse ici, parce que ma mère et ma fille n'y sont pas. Je pleure et je pense toujours à elles. Je ne suis pas bien ainsi. J'espère que vous faites quelque chose pour trouver les fosses communes; les jeunes femmes et les filles sont toutes tuées et enterrées. Nous devrions trouver tous ces corps et mettre les familles au courant. Tout cela est arrivé à nos yézidis. Cela fait 80 fois que nous sommes massacrés par ces gens.
    En 2017, Daech a causé une explosion dans la région des yézidis. Le groupe a tenté de massacrer et de tuer l'ensemble des yézidis. Ils ont tué mon père. Ils ont tué mon oncle. Mon frère a été blessé. Cinq membres de ma famille sont disparus en moins d'une heure. Tout cela est arrivé à ma famille. Ce n'est pas une fois ou deux, cela fait trop de fois que ça nous arrive. Je vous supplie et j'espère que vous serez en mesure de nous aider et que vous tenterez de trouver des moyens de faire libérer nos gens.

  (0920)  

    Lorsque je suis venue au Canada, je n'avais aucune information sur ce pays. Je ne parlais pas du tout l'anglais. Mon frère m'accompagnait. Je suis allée à l'hôtel, j'y suis restée pendant deux mois. Ces moments ont été très difficiles pour moi, parce que j'étais traumatisée et que j'avais encore une certaine crainte et une certaine peur. Il n'y avait pas de yézidis pour m'aider ni personne d'autre. Il n'y avait personne pour nous aider.
    Après un mois dans cette situation, nous ne savions pas quoi faire. Nous ne savions pas où aller. Deux yézidis, qui s'appelaient Hayder et Ismail, sont venus et nous ont beaucoup aidés. Ils ont loué une maison pour nous. Nous ne savions même pas comment louer une maison.
    Cela fait cinq mois que nous sommes au Canada, et nous sommes encore des réfugiés ici. Nous nous attendons donc à ce que le gouvernement canadien nous aide.
    Je veux vous informer qu'il vous reste environ une minute.
Mme Nadre Atto (Traduction de l'interprétation):
    Nous voulons que vous fassiez venir plus de yézidis dans cette situation et que vous nous aidiez. Notre loyer est trop élevé. Si vous pouviez nous aider et si vous pouviez faire venir mon frère, ma soeur et ma mère... J'ai essayé de me suicider à trois occasions, mais, en raison de mes enfants, je n'ai pas pu. Ma fille avait 10 ans, et, sous mes yeux, elle a été forcée d'épouser un terroriste de l'État islamique. J'espère que vous pouvez nous aider à ramener tous ces enfants et toutes ces filles ici et à les rendre libres.
    Merci d'aider les yézidis, et particulièrement Nadia Murad.
    Merci beaucoup.
Mme Nadre Atto (Traduction de l'interprétation):
    Merci à vous tous.
    Merci d'être ici, et je vous remercie également de nous avoir raconté votre histoire.
    Nous allons maintenant passer à Debbie Rose et Gary Rose, de la Mozuud Freedom Foundation. Je ne sais pas exactement qui va commencer.
    Merci.
    Monsieur le président, au nom du projet Abraham et de la collectivité yézidie de Richmond Hill, je tiens à exprimer notre profonde gratitude au gouvernement du Canada d'avoir fait venir des victimes du génocide des yézidis au Canada, où ils peuvent survivre et s'épanouir. Faute de temps, je suis obligée de laisser de côté les formidables réussites que nous avons observées dans le cadre des activités de réinstallation de cette collectivité yézidie et de me concentrer uniquement sur les défis.
    Veuillez noter, aux fins du compte rendu, que toutes les recommandations fournies par Operation Ezra sont aussi les recommandations du projet Abraham. Nous fournissons les mêmes services. Nous avons rencontré les mêmes difficultés dans le cadre de la réinstallation des RPG, et nos recommandations sont les mêmes.
     Bon nombre de nos familles de RPG ont faim pendant qu'elles attendent de recevoir les versements de la prestation pour enfants. Sans ces paiements, l'argent qui leur est fourni arrive à peine à couvrir le loyer, encore moins autre chose. Le versement de la prestation pour enfants devrait arriver dans les 11 semaines suivant la présentation d'une demande. Toutefois, il y a un pépin continuel où, vers ce moment, la famille reçoit un avis selon lequel le gouvernement attend de recevoir des renseignements sur le revenu de l'époux. Cela arrive à des veuves en deuil. En réalité, certaines familles ne voient pas ces paiements pendant une période pouvant aller jusqu'à six mois.
    L'expérience de l'arrivée au Canada exacerbe souvent les traumatismes vécus par les réfugiés yézidis. Ils sont accueillis par des personnes qui parlent la langue de leurs oppresseurs. Ils sont amenés dans une chambre d'hôtel sale, où cela peut prendre quelques jours avant que qui que ce soit communique avec eux. Ils ne savent pas que la collectivité yézidie existante pourrait immédiatement les accueillir et grandement contribuer à leur apporter du réconfort. La nourriture est étrangère et, pour certaines personnes, elle paraît immangeable. On ne leur fournit pas une orientation adéquate par rapport à ce qui pourrait se produire par la suite. Ils reçoivent une aide minime, voire aucune aide, pour trouver une maison. Certains réfugiés ont d'abord cru qu'ils étaient renvoyés entre les mains de l'État islamique. Selon leur point de vue, leur avenir est incertain et effrayant.
    Les yézidis vivent un stress énorme et continu parce qu'ils sont séparés des membres survivants de la famille qui demeurent en Irak. Le gouvernement canadien autorise la réunification des familles en vertu de la disposition sur le délai prescrit d'un an, laquelle suppose que les membres de la famille laissés derrière figurent sur la demande originale. Souvent, les yézidis, qui croient ces membres de la famille morts, ne le font pas. Parfois, des époux et des enfants sont découverts vivants après coup. En vertu de la disposition actuelle, ils ne peuvent être amenés au pays sans devoir passer au travers d'un processus interminable qui pourrait prendre des années.
    Dans le cadre du projet Abraham, on ramasse des fonds pour aider les projets de réinstallation et pour faire venir davantage de familles yézidies parrainées par des organismes du secteur privé. Cependant, il est difficile d'amasser des fonds pour couvrir les frais administratifs que suppose la gestion du grand projet. Si le projet Abraham avait des fonds disponibles pour embaucher plus d'employés, nous pourrions faire beaucoup plus pour aider notre collectivité yézidie.
    Comme conséquence de tous les enjeux mentionnés ici, les responsables du projet Abraham aimeraient présenter les recommandations suivantes:
    Premièrement, informer la collectivité yézidie locale du moment où des réfugiés yézidis arrivent et de l'endroit où ils seront placés, de sorte qu'une délégation puisse les accueillir à l'aéroport et leur fournir un soutien immédiat.
    Deuxièmement, accélérer le processus de versement de la prestation pour enfants et corriger la demande afin qu'elle reflète les renseignements exacts concernant les veufs.
    Troisièmement, élargir la disposition sur le délai prescrit d'un an pour les victimes de génocide afin d'inclure des membres de la famille qui sont découverts vivants après l'émigration des familles de réfugiés au Canada. De plus, pour les besoins spéciaux de cette collectivité, élargir cette disposition pour l'appliquer aux proches parents et aux parents.
    Quatrièmement, fournir aux employés des fonds consacrés à des entreprises de réinstallation locale comme le projet Abraham et Operation Ezra, qui travaillent quotidiennement auprès de la collectivité yézidie pour aider ses membres à se réinstaller, à guérir et à s'intégrer pleinement à la société canadienne, améliorant les services gouvernementaux existants.
    Cinquièmement, accorder la priorité au génocide comme un critère de sélection des réfugiés en vue de la réinstallation au Canada, et, par conséquent, travailler à l'extérieur du HCR, qui a affirmé qu'il n'utilise pas le génocide comme critère, ce qui contrevient directement au mandat des Nations unies et du gouvernement du Canada.
    Je cède la parole à notre directeur des communications, Gary Rose, qui parlera davantage de ce sujet.

  (0925)  

    Le gouvernement du Canada a fait la bonne chose, et il en est fier. Il a reconnu que le Canada a l'obligation morale de protéger les yézidis de la menace existentielle d'un génocide. Il a réagi en s'engageant à reloger des femmes et des enfants victimes de l'État islamique au Canada.
    Même si la réinstallation ne s'est pas faite sans heurts, on doit féliciter le gouvernement pour son intention morale. Néanmoins, en tant que signataire de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948, le Canada doit continuer de faire davantage pour les yézidis. C'est une obligation qui ne doit pas se terminer avec l'initiative actuelle, non seulement parce qu'elle est fondamentale au rôle que le Canada a adopté dans le monde en tant que gardien de la paix et pays qui respecte le droit de tous les gens de vivre dans la liberté, mais parce que c'est aussi notre devoir en vertu d'un accord international. Nous ne pouvons prétendre à la supériorité morale si nous limitons le sanctuaire à des gens qui ont vécu le génocide. En tant que pays affichant des valeurs morales, nous devons faire de notre mieux pour respecter notre engagement et continuer d'aider les victimes.
    C'est avec une grande douleur que j'ai entendu, en tant que Canadien et juif qui sait trop de choses au sujet du génocide, que le représentant du HCR, témoignant devant votre comité, a refusé de reconnaître l'obligation des Nations unies concernant le génocide des yézidis. C'est avec une grande douleur que j'ai entendu de sa bouche que le HCR fait fi de son mandat, comme l'exige la Convention de Genève de 1948, en adoptant une politique déclarée qui rejette et contredit la politique du gouvernement du Canada sur le génocide des yézidis. Il a été encore plus surprenant de l'entendre, tout en sachant qu'une victime du génocide des yézidis, Nadia Murad, est ambassadrice de bonne volonté et porte-parole des Nations unies qui demande justice pour son peuple.
    Compte tenu de ce mépris manifeste, je presse le gouvernement du Canada, par respect pour son leadership moral, de maintenir l'initiative canadienne qui a pour but d'aider les yézidis, lesquels continuent de faire face à une crise existentielle, et de suivre l'exemple du gouvernement des États-Unis en ne finançant plus le HCR au chapitre des minorités en Irak et de s'engager à travailler directement, par l'intermédiaire de ses propres agences et ONG, sur le terrain, en Irak, pour réinstaller des réfugiés yézidis qui ont besoin d'un sanctuaire.

  (0930)  

    Merci beaucoup.
    Nous allons passer à notre période de questions, en commençant par M. Tabbara.
    Je veux juste vous aviser que je serai très strict par rapport aux sept minutes aujourd'hui.
    Donnez-moi seulement un avertissement une minute avant la fin, si vous le pouvez.
    En fait, je dirais à tous les députés de demander à leur personnel de leur faire signe une minute à l'avance. Ce sera leur rôle. J'essaierai, mais habituellement, j'écoute le témoignage et les questions.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins d'être ici aujourd'hui.
    Merci de votre bravoure pour raconter votre histoire fort nécessaire au Comité. Je pense que le Comité doit entendre parler de ce qui se passe. Malheureusement, faute de sécurité et de stabilité, des atrocités comme celles-là se produisent trop souvent. Le monde doit accorder une attention à ces atrocités.
    Nous voici à notre dernière réunion sur les questions liées à la réinstallation concernant les yézidis. Le Comité souhaite vraiment obtenir des recommandations sur ce que nous pouvons faire avec les yézidis réinstallés qui sont maintenant ici. Je vous remercie tous de votre témoignage.
    En ce qui concerne la formation linguistique et l'interprétation, monsieur Clifford, vous avez dit dans votre témoignage qu'il n'était pas facile de trouver des interprètes et des traducteurs. Souvent, les gens peuvent traduire, mais ils ne peuvent interpréter. Vous avez donné l'exemple de personnes qui vont dans des cliniques médicales ou dans des hôpitaux et reçoivent de mauvais renseignements. Vous avez parlé de certains des résultats qui en découlent.
    Pourriez-vous nous donner plus de détails à ce sujet?
     Bien sûr, je peux le faire.
    Je vais toutefois commencer par faire une distinction. Vous avez dit deux choses que je veux vraiment clarifier. Ce dont nous parlons ici, ce n'est pas de formation linguistique. Lorsque des gens arrivent dans un programme de formation en interprétation, on suppose qu'ils maîtrisent déjà très bien leurs langues de travail. Nous ne les formons pas pour qu'ils parlent une autre langue. Nous les formons afin qu'ils puissent interpréter. L'ensemble de compétences requises pour interpréter est extrêmement exigeant. Les langues sont en place avant qu'ils viennent nous voir.
    L'autre distinction que je souhaite apporter, c'est entre la traduction écrite, d'une part, et l'interprétation orale, de l'autre. Ce sont deux ensembles de compétences distincts, même s'ils sont, de certaines façons, reliés. Très souvent, dans les programmes d'interprétation, les gens qui viennent à nous ont une expérience en traduction écrite. Nous utilisons cela comme tremplin pour leur enseigner l'interprétation.
    Pour ce qui est des exemples que j'ai fournis, l'un s'est produit aux États-Unis et l'autre, au Canada. Ils montrent de façon générale ce qui a tendance à se produire. Il y a environ 10 ans, j'ai fait partie d'une étude qui a été menée à Toronto, à Montréal et à Vancouver. Nous nous sommes adressés à 150 médecins, membres du personnel infirmier et travailleurs sociaux des soins de santé primaires qui s'occupaient de patients qui ne parlent aucune langue dominante, ni anglais, ni français, et des services qui sont fournis. Nous avons entendu des histoires comme celles-là où, très souvent, des membres de la famille sont invités à servir d'interprètes. De toute évidence, ce n'est pas suffisant. Dans certains cas, des membres de la famille n'ont peut-être même pas la compétence linguistique voulue. Ils n'ont assurément pas la formation en interprétation.
    Puis-je vous interrompre et parler précisément de certaines des difficultés que vous avez rencontrées avec le kurmanji, la langue? Je sais que vous avez entendu des témoins à Londres dire que, parce qu'il y a une plus grande population yézidie là-bas, il était un peu plus facile pour eux de trouver des interprètes et des traducteurs.
    Quelle est la difficulté pour vous de trouver des postulants qualifiés? C'est ce que vous avez mentionné dans votre témoignage.
    Je commencerais par dire que nous ne travaillons pas avec le kurmanji. Nous travaillons avec les langues que j'ai mentionnées au départ. La langue la plus proche et la plus pertinente avec laquelle nous pourrions travailler est l'arabe. Mais je peux parler généralement de la difficulté que représente le fait de trouver des gens qui ont les qualifications voulues.
    Nous recherchons des personnes très rares. Dans mon cas, elles doivent posséder un diplôme universitaire ou un diplôme d'un programme de premier cycle. Dans le cas du programme de formation en interprétation, qui est offert par les collèges communautaires en Ontario, les exigences sont un peu moins strictes, mais elles demeurent tout de même. Nous recherchons une personne qui a une formation universitaire préalable, qui parle les deux langues, qui peut réussir un test d'admission et qui a la capacité d'analyser des situations.
    Ce qui est difficile au sujet de l'interprétation dans le contexte communautaire pourrait être de passer d'une langue à l'autre, de rendre un message d'une langue à une autre, mais c'est très souvent de gérer le déséquilibre des forces entre les deux joueurs qui sont face à face. Dans le contexte médical, par exemple, imaginez un médecin qui est très souvent blanc, de sexe masculin, investi d'une grande éducation et d'un pouvoir dans l'établissement où il travaille. Puis, en face, ce peut être un réfugié qui est souvent une femme, une personne de couleur, qui n'a pas eu accès à beaucoup d'éducation et n'a pas beaucoup de pouvoir dans cette situation. La communication de part et d'autre est difficile.

  (0935)  

    Merci.
    Maître Sadrehashemi, nous avons accueilli un témoin du nom de Jean-Nicholas Beuze, des Nations unies. Il a mentionné le besoin de réinstallation de réfugiés de partout dans le monde. Il nous a donné quelques chiffres pour nous aider à comprendre l'instabilité qui règne sur la planète. Je vais vous lire quelque chose:
D'ici la fin de 2016, 65,6 millions de personnes ont été forcées de se déplacer dans le monde entier comme résultat de la persécution, de conflits, de la violence ou de violations des droits de la personne. Le HCR a estimé qu'au moins 10 millions de personnes étaient apatrides ou exposées à le devenir en 2016. Au total, 37 pays ont admis 189 300 réfugiés à des fins de réinstallation au cours de l'année, y compris ceux réinstallés avec l'aide du HCR.
    Vous pouvez voir les millions de personnes qui ont des besoins et le petit nombre... donc oui, le monde a besoin d'agir. Le Canada a vraiment très bien agi en accueillant plus de 50 000 réfugiés syriens, et nous nous sommes engagés à accueillir également 1 200 yézidis.
    Parmi les réfugiés du monde entier, 55 % viennent du Soudan du Sud, de l'Afghanistan et de la Syrie. Comment proposez-vous que le Canada équilibre les intérêts de l'ensemble des réfugiés et des groupes vulnérables sans accorder la priorité aux groupes ethniques? Nous devrons nous assurer que nous faisons venir des réfugiés de partout dans le monde, parce que le besoin est si grand.
    C'est une tâche incroyablement difficile de comprendre qui est le plus vulnérable parmi les plus vulnérables. C'est pourquoi, à mon avis, un critère objectif est nécessaire. C'est pourquoi j'ai mentionné les critères mondiaux en matière de réinstallation. Ce n'est pas parfait et, bien sûr, il y a des crises qui haussent le besoin de protection de façon localisée, et, dans ces circonstances, c'est complètement approprié que le Canada ait des programmes spéciaux.
    Je pense que l'essentiel, c'est qu'il y a une crise mondiale et que le fait de maintenir le nombre de réfugiés parrainés annuellement par le gouvernement à 7 500 n'est pas du tout suffisant.
    Merci. Je dois vous arrêter ici.
    Madame Rempel.
    Nadre, le Canada doit rendre justice à votre peuple. Comment pouvons-nous le faire?
    Il devrait nous aider à...

  (0940)  

    Arrêtez une seconde. Je n'obtiens pas l'interprétation en anglais. Je pense que nous allons aller chercher l'interprète et, si les gens peuvent s'exprimer de façon succincte, nous aurons une interprétation consécutive. Je pense qu'il y a un problème technique. Je pense toutefois qu'un technicien devrait tout de même travailler à régler le problème. Excusez-moi.
    Madame Rose, pourriez-vous vous déplacer d'un siège de sorte que l'interprète puisse avoir un microphone? Il devra parler dans un microphone pour que nous puissions l'entendre et interpréter en français. Je pense que les langagiers sont heureux de voir que nous avons des problèmes; nous pourrons ainsi comprendre la complexité de leur monde.
    Je vais demander à Mme Atto de répéter ses commentaires, à moins que l'interprète ait entendu sa réponse. Aimeriez-vous qu'elle les répète?
Mme Nadre Atto (Traduction de l'interprétation):
    Le gouvernement pourrait faire venir des yézidis d'Irak. Il pourrait faire venir la plupart des yézidis d'Irak jusqu'ici. Cela fait partie de ce qu'il pourrait faire.
    Cela fait trois ans que notre honneur est entre les mains de l'État islamique, et personne ne nous a fourni une aide utile pour protéger ces familles et ces femmes, ces gens, contre l'État islamique. On devrait faire quelque chose à ce sujet.
    Ma fille avait 10 ans, il y a trois ans, lorsqu'elle a été mariée à un terroriste. Qui peut accepter, en tant qu'être humain, que cela arrive à sa famille?
    Le gouvernement devrait aider à faire venir plus de yézidis au Canada parce qu'ils ne sont pas... En Turquie, il y a beaucoup de membres de l'État islamique, de gens qui y sont affiliés, et ils ne sont donc pas libres d'aller en Turquie et d'y rester. Le Canada devrait aider à les faire venir ici.
    Allez-y, madame Rempel.
    Nadre, vous avez parlé des fosses de vos gens et du besoin de les documenter ainsi que du besoin que le monde comprenne où ils sont. Comment le Canada peut-il vous aider à rendre justice à ceux qui ont péri aux mains de l'État islamique?
Mme Nadre Atto (Traduction de l'interprétation):
    Le Canada pourrait fournir une aide et ouvrir ces fosses, essentiellement, et les examiner et découvrir au moyen de l'ADN quel corps appartient à qui, et faire preuve d'un certain respect.
    De plus, je répète que le Canada pourrait être utile en faisant venir plus de yézidis de là-bas.

  (0945)  

    Comment pouvons-nous vous aider?
Mme Nadre Atto (Traduction de l'interprétation):
    Je cherche des façons — je ne sais pas comment le faire — de faire venir ma mère, et aussi mon frère et ma soeur ici, au Canada. Ils vivent dans une tente dans le Nord de l'Irak, et les conditions sont vraiment difficiles, donc je ne sais pas quoi faire.
    Si je pouvais aider...
    Y a-t-il autre chose que vous aimeriez dire au gouvernement, Nadre?
Mme Nadre Atto (Traduction de l'interprétation):
    Il faudrait des jours pour vous raconter mon histoire, donc je vous ai juste raconté une partie simple, et tout était vrai.
    J'espère que vous ferez venir des familles yézidies du Nord de l'Irak, et non de la Turquie.
    Nous n'avons rien fait de mal à aucun autre pays de la région. Tout ce qui nous est arrivé est le résultat de la pensée islamique et de ces personnes, donc nous voulons que vous fassiez venir plus de yézidis ici, plutôt que de faire venir les musulmans. Nous avons des besoins plus grands. Avec leur façon de penser, ils pourraient créer des problèmes ici, encore une fois, pour nous. C'est la préoccupation que j'essaie d'expliquer. Des massacres se sont produits si souvent contre notre peuple, mais nous ne sommes opposés à aucune religion ni à personne. Nous sommes un peuple pacifique. Nous ne savons pas ce qui nous arrive, pourquoi ils nous font tout cela.
    Il y a plus de 200 familles dans les montagnes de Sinjar, et elles se trouvent maintenant dans une très mauvaise situation. Elles n'ont pas beaucoup de ressources à leur portée, et personne ne s'occupe d'elles.
    Y aurait-il moyen de leur apporter une certaine aide?
    Merci beaucoup.
    Merci.
    Madame Kwan.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins de leur exposé. Plus particulièrement, j'aimerais remercier Mme Atto, qui nous a fait part de ses expériences.
    Je pense que nous reconnaissons tous que, chaque fois que vous racontez votre histoire, il doit être difficile pour vous de revivre les traumatismes et de nous en faire part. Nous vous savons vraiment gré du temps que vous prenez pour le faire aujourd'hui.

  (0950)  

    J'aimerais revenir sur la question que ma collègue, Mme Rempel, vous a posée. Vous avez parlé de quelque 200 familles que vous aimeriez que le gouvernement aide à reloger et à réinstaller ici, au Canada. Je suis curieuse: ces 200 personnes sont-elles enregistrées auprès du HCR ou bien n'y sont-elles pas du tout liées?
Mme Nadre Atto (Traduction de l'interprétation):
    Je ne crois pas qu'elles soient déjà enregistrées auprès d'une organisation qui peut les aider. Certaines personnes, y compris mon frère, se trouvent entre les mains de l'État islamique. Elles souhaitent désespérément aller quelque part et elles ne le peuvent pas. C'est la priorité dont je parle. Un de mes frères a été blessé par l'État islamique, donc il est venu avec nous. Le reste se trouve en Irak.
    Je vois. Merci beaucoup de ces renseignements.
    J'aimerais poser une autre question liée aux membres de votre famille. Savez-vous où se trouve votre fille?
Mme Nadre Atto (Traduction de l'interprétation):
    Je n'ai aucun renseignement et n'ai reçu aucun appel de se part, et cela fait trois ans. Mais c'était mon honneur, elle a été prise devant mes yeux.
    Merci beaucoup.
    Debbie et Gary, dans votre exposé, vous avez parlé du besoin d'aller au-delà de l'aide fournie par le HCR, surtout pour les gens qui ne sont peut-être pas identifiés. Je pense que nous venons d'entendre un exemple de cela. Je prends acte de la recommandation que vous avez présentée.
    L'autre élément sur lequel je veux me concentrer, ce sont les chiffres. Comme vous le savez, tout au long de l'été, nous avons mené une étude sur la question liée aux yézidis. En ce qui me concerne, j'ai toujours imaginé que, pour le gouvernement, même pour les 1 200 yézidis qu'il a réinstallés, cela devait dépasser les chiffres actuels du processus de réinstallation des réfugiés. Toutefois, comme nous l'apprenons maintenant, ce n'est pas le cas. Tout cela fait partie intégrante des chiffres concernant la réinstallation des réfugiés.
    À cette fin, je veux poser une question très précise: à votre avis, quel est le nombre de réfugiés à l'égard duquel le gouvernement devrait s'engager dans la réinstallation des yézidis? Quelles recommandations, issues de la présente étude, devrions-nous présenter au gouvernement au moyen de chiffres selon lesquels nous devrions tenter d'aider à réinstaller la population yézidie? De plus, ce chiffre devrait-il dépasser celui qui est prévu dans le programme existant de réinstallation des réfugiés?
    J'ai entendu d'autres personnes parler de 5 000 personnes, et c'est un bon début. Je ne sais pas si nous pouvons... Nous avons fait venir 50 000 Syriens.
    Si vous me le permettez, j'aimerais revenir à cet ordre de priorité, parce que la souffrance, c'est la souffrance, et si nous sommes humains et avons de la compassion, nous allons compatir avec toutes les personnes du monde qui se trouvent dans ces situations odieuses, mais le génocide est l'intention délibérée d'éliminer une personne.
    En ce moment, l'humanité est très préoccupée par rapport à l'extinction des espèces animales. Il s'agit d'un peuple entier, d'une culture faisant partie de l'humanité, qui est littéralement rayée de la surface de la Terre pendant que nous parlons. Ils ont déjà été 23 millions; ils sont maintenant un million, et ces chiffres diminuent pendant que nous parlons. En ce moment, ils s'en vont.
    C'est un peuple pacifique qui prie pour chaque autre culture du monde avant de prier pour lui-même. Les gens adorent leurs enfants. Cette situation leur arrive, et le monde ne semble pas s'en soucier. Nous contemplons quelque chose comme le génocide, mais nous nous préoccupons davantage de savoir si les ours polaires vont survivre, et nous ne nous soucions pas de la survie des yézidis.
    Personnellement, je ne peux pas mettre un chiffre là-dessus.

  (0955)  

    D'accord. Merci.
    Oui, nous avons entendu dire par l'entremise du Comité que 5 000 réfugiés serait un bon début et de nous appuyer là-dessus. Je suppose que, plus précisément, si vous pouvez me le confirmer, peu importe le nombre de personnes que le gouvernement réinstalle, celui-ci devrait aller au-delà du programme existant en ce qui concerne le nombre de réfugiés qu'il parraine? Pourrais-je obtenir une réponse courte? J'ai l'impression que mon temps sera très bientôt écoulé.
    Oui.
    Oui, nous serions d'accord avec cela. Oui.
    Merci.
    Je vais passer à Lobat.
    Il ne vous reste que 10 secondes.
    À titre de précision, vous ai-je entendu dire que, dans le cadre de la réinstallation des yézidis, on devrait avoir un programme spécial qui dépasse le nombre de RPG existants?
    C'est exact.
    Et que le nombre de RPG, ces 75 000 personnes, devrait aussi augmenter par rapport aux cibles de 2018?
    C'est exact.
    Merci, madame Kwan.
    Monsieur Whalen.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à vous tous d'être venus aujourd'hui et de nous raconter votre histoire.
    Maître Sadrehashemi, pourriez-vous nous expliquer rapidement les priorités concernant les personnes de différentes origines ethniques qui viennent au Canada et pourquoi le HCR a pour principe de ne pas établir une distinction fondée sur l'origine ethnique, mais de se concentrer sur la vulnérabilité?
    Ce que je comprends, c'est que sans des critères objectifs, la tâche risque de devenir arbitraire et lourde. Je ne dis pas que ces programmes spéciaux étaient arbitraires, pas du tout, parce qu'il y avait clairement un besoin pressant et une urgence. Mais le risque existe, et je pense que c'est pourquoi le HCR a des critères objectifs qui reposent sur le besoin et la vulnérabilité, que lorsque vous menez des programmes spéciaux, qui remplacent particulièrement le programme général de réinstallation des réfugiés plutôt que de s'y ajouter, le processus pourrait bien finir par reposer sur une foule de facteurs, par exemple, quelles histoires obtiennent une couverture médiatique ou quels sont les désirs de différents groupes communautaires. C'est très difficile, et c'est le but d'avoir des critères objectifs.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Clifford, selon votre expérience, y a-t-il une masse critique de personnes qui font partie d'une minorité linguistique particulière que nous devrions avoir au Canada afin de réussir à créer une capacité en matière d'interprétation? Il semble que ce soit un problème que nous n'arriverons pas à régler rapidement. Pouvons-nous le faire et, à votre avis, combien de temps nous faudrait-il pour créer une capacité suffisante concernant l'interprétation en kurmanji?
    C'est une excellente question. J'aimerais pouvoir vous donner un chiffre pour pouvoir dire: si x nombre de personnes étaient établies, cela se répercuterait sur x nombre d'interprètes. Malheureusement, je ne le peux pas.
    Ce que je peux faire, c'est signaler quelques-uns des enjeux auxquels des langues moins répandues font face. Par exemple, très souvent, dans une petite communauté linguistique, il est difficile pour les interprètes de travailler, parce que lorsqu'ils arrivent dans un contexte où il y a un fournisseur de services et une personne qui a besoin de services d'interprétation, cette personne les connaît, et ils se reconnaissent l'un l'autre, parce que la communauté est très petite.
    L'un des moyens de contourner le problème, c'est de faire ce que nous faisons, c'est-à-dire former des personnes en ligne, parce que, à ce moment-là, par exemple, quelqu'un qui vit à Toronto et qui est formé comme interprète à Toronto pourrait travailler à Vancouver et l'inverse. Il est moins probable qu'il tombe ensuite sur la personne à qui il a rendu des services d'interprétation dans la collectivité locale.

  (1000)  

    Merci. C'est très intéressant, monsieur Clifford.
    Monsieur et madame Rose, je regarde l'emplacement de la population des yézidis dans le monde et, évidemment, il y a l'Irak, puis l'Allemagne compte environ 100 000 yézidis, la Syrie, 70 000, et la Russie, 60 000. Même si le Canada a un rôle direct à jouer pour les aider à se réinstaller et qu'il fait en ce moment de son mieux pour y arriver, ce processus est semé d'embûches, dont la plupart sont associées au fait qu'il y a si peu de yézidis ici, au Canada. Le Canada a-t-il un rôle à jouer, et quel est-il, pour demander à d'autres pays de faire leur part et les encourager à accepter des réfugiés yézidis, des pays qui pourraient mieux réussir à le faire?
    Le Canada s'est présenté comme un leader humanitaire dans le monde en tant que gardien de la paix. Je suppose, particulièrement dans le cas d'un génocide — comme je l'ai mentionné, nous avons adopté la Convention de Genève en 1948 — que nous avons une obligation morale.
    Que devrions-nous faire en ce qui concerne d'autres pays? La Convention sur le génocide parle d'intenter des poursuites contre le génocide.
    Elle parle aussi de protection.
    Que devrions-nous faire avec d'autres pays? Est-ce votre question?
    Oui.
    Nous devrions encourager d'autres pays à faire ce que le Canada fait. Nous devrions être des porte-parole qui défendent les droits des yézidis, remarquant que si le Canada, l'Allemagne et l'Australie peuvent faire venir des yézidis, d'autres pays qui sont prospères, particulièrement les États-Unis, qui ont une communauté de yézidis, peuvent en faire venir plus.
    Monsieur Clifford, cela me ramène à vous.
    Y a-t-il un moyen qui pourrait nous permettre d'élaborer un programme de traduction en kurmanji en tendant la main aux Allemands et aux Américains, et aux populations de yézidis dans d'autres pays, pour nous aider à créer cette capacité? Mme Rempel a justement fait remarquer en ligne la lacune réelle dans nos tentatives.
    Je le répète, c'est d'interprétation dont nous parlons, non pas de traduction.
    Désolé. Je fais toujours cette erreur.
    « Oui » est la réponse courte.
    Une des choses que je peux vous dire par rapport au domaine en général, c'est qu'il y a un mouvement très fort à l'égard de la prestation éloignée de services d'interprétation. En tant qu'interprète, environ la moitié de mon travail se fait à distance de mes clients, et il y a de plus en plus des plateformes que des gens peuvent utiliser. Cela se passe au niveau de la fourniture des services. Je n'ai pas besoin d'être à Ottawa pour fournir des services à des gens qui sont à Ottawa, et ce genre de choses. Cela commence aussi à se produire à l'échelle internationale. Les gens se font recruter pour des affectations qui ont lieu dans d'autres pays.
    Ce qui nous reste à faire de façon systématique, c'est utiliser les plateformes à distance pour relier des gens et faciliter la formation en plus de la rendre plus accessible. Par exemple, ici, à Toronto, je n'ai peut-être pas la masse critique dont j'aurais besoin pour former des gens en kurmanji, mais si j'étais en mesure d'établir des liens avec d'autres établissements dans le monde, nous pourrions ensemble rejoindre cette masse critique. Nous ne faisons pas encore ce travail.
    Pour ce qui est de la responsabilité concernant le paiement et le financement de la création de cette capacité, à qui revient-elle? Je pose la question à chacun d'entre vous.
    Qui devrait être responsable de payer pour cette création de capacité?
    Monsieur Clifford.
    Je ne vais pas vous mentir; ce n'est pas une proposition lucrative pour une université. Le programme que j'administre ne pourrait pas fonctionner sans financement externe.
    Le gouvernement fédéral devrait-il le soutenir?
    Nous avons eu du financement du fédéral dans le passé. Oui, je le pense.
    Je demanderais à l'interprète de Mme Atto: qui vous a aidé ou a payé votre formation en interprétation?
    Je travaille pour ce qu'on appelle CISOC.
    Nous avons rencontré ses représentants la semaine dernière.
    CISOC m'a appelé et m'a envoyé. C'est la deuxième fois que je suis ici.
    D'accord.
    Nous allons devoir terminer ici.
    Madame Rempel, monsieur Maguire, vous avez cinq minutes.
    Maître Sadrehashemi, nous tournons autour du pot par rapport à un enjeu ici, c'est-à-dire que le HCR a omis de recommander des victimes du génocide des yézidis au Canada dans le cadre de l'initiative concernant les réfugiés syriens et, bien franchement, par l'intermédiaire du programme des RPG après le massacre de Sinjar.
    Vous pouvez entrer dans la politique partisane de cet enjeu. Il y a eu une vérification; c'est devenu un enjeu de campagne. Il y a eu des allégations de racisme qui ont échoué. Nous avons traversé deux ans de lutte pour savoir si cela devrait ou non arriver. Les critères des Nations unies reviennent toujours; ils sont toujours utilisés comme levier.
    Je suis d'accord pour dire qu'il devrait y avoir des critères objectifs; toutefois, dans ce cas-ci, il est très clair que la liste de RPG envoyés au Canada ne comprenait pas des victimes du génocide des yézidis.
    Nous avons aussi reçu le témoignage devant le Comité de yézidis qui ont défendu le programme et que sais-je encore et qui ont des rendez-vous loin dans l'avenir aux fins de la sélection. Je n'arrive pas à comprendre cela. Je ne veux pas proclamer qu'un système ne fonctionne pas dans l'ensemble, mais clairement, le système n'a pas fonctionné dans cette situation.
    Y a-t-il quelque chose que le présent Comité peut recommander en ce qui concerne la réforme de ce système, de sorte qu'il continue de faire ce qu'il est censé faire par rapport aux objectifs, mais qui tient aussi compte du fait que ces femmes ne peuvent aller dans des camps et être mises sur ces listes, et que, si elles le faisaient, elles ne pourraient rester là-bas? Comment ce système fonctionne-t-il?
    C'est pourquoi nous avons fait la promotion d'un système indépendant: nous ne faisions pas venir ces gens au Canada. Que peuvent faire les Nations unies? Que devrions-nous préconiser en ce qui concerne les Nations unies pour réformer le système de sorte que, dans une nouvelle situation comme celle-ci, notre système d'asile réagisse à un génocide?

  (1005)  

    C'est une très bonne question. Je trouve difficile de formuler des commentaires sur la situation très particulière, mais je dirais que, en général, je suis d'accord pour dire qu'il y a des problèmes avec le système des Nations unies. Il y a ici des problèmes pour les réfugiés yézidis, et il y a des problèmes partout dans le monde pour les personnes qui ne peuvent accéder à des camps qui ne sont pas désignés par le HCR. Je suis assurément d'accord avec cela, et c'est quelque chose qui doit faire l'objet d'une étude supplémentaire et de recommandations détaillées que je ne peux vous fournir.
    D'accord.
    Je vais passer le microphone à M. Maguire.
    Merci à ma collègue et à vous, monsieur le président, et merci aux témoins d'être ici aujourd'hui.
    Monsieur Clifford, quel est votre budget pour la formation?
    Quel est mon budget? Je ne suis pas sûr que j'ai le loisir de parler de cela dans une tribune si ouverte.
    D'accord. Je crois que je dis simplement qu'il y a un besoin énorme de votre côté, selon ce que vous voyez, pour former plus de gens.
    Oui, je pourrais vous donner quelques chiffres, par exemple, qui pourraient permettre de mettre les choses en perspective. Par exemple, les experts financiers ici, dans ma faculté, me disent qu'une salle de classe doit avoir un minimum de 40 étudiants avant que l'université puisse faire ses frais.
    D'accord.
    Avec toutes mes langues combinées, je n'aurais jamais plus de 15 personnes dans la salle de classe, et, avec une paire de langues particulière, habituellement pas plus de cinq. Je fonctionne constamment à perte.
    Que faudrait-il pour trouver une salle de classe de 40 personnes et faire le travail qui se présente à vous avec les yézidis?
    Il faudrait le genre de système dont je parlais plus tôt, où un certain nombre d'établissements décident de mettre en commun leurs ressources et, au moyen d'une plateforme à distance, décident de partager les cours. Cela se fait de façon spéciale, un peu ici et un peu là-bas.
    C'est surtout guidé par les institutions européennes — la Commission européenne, le Parlement européen — mais cela fonctionne au niveau de la formation en interprétation de conférence, plutôt que de la formation en interprétation communautaire, et cela se fait ici et là de façon sporadique. Nous donnons un ou deux cours par année avec le Parlement européen, et un ou deux par année avec la Commission européenne, et cela permet de rassembler peut-être deux ou trois universités à la fois.
    J'ai vu beaucoup de millions de dollars qui ont été donnés l'été dernier dans un cas particulier. Juste pour utiliser un chiffre, jusqu'où 10 millions de dollars pourraient-ils vous amener dans le cadre de vos efforts?
    Nous parlons d'environ 10 millions de dollars investis dans un secteur plus vaste et répartis entre des universités et des établissements. Cela pourrait certainement aider.
    Une chose que nous essayons aussi de faire, c'est comprendre quels sont les mécanismes qui peuvent nous permettre d'aider les diplômés à faire le pont entre la formation et le travail proprement dit et à trouver des occasions de travail utiles. C'est un domaine que nous devons explorer, parce que cela aiderait aussi, je crois, à atténuer certains des problèmes que nous avons avec les coûts.

  (1010)  

    Je crains de devoir vous interrompre ici. Désolé.
    Allez-y, madame Zahid.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous tous d'être ici aujourd'hui.
    Un merci tout spécial à Nadre Atto d'avoir raconté son histoire.
    Ma première question s'adresse à Me Sadrehashemi. Je sais que vous avez travaillé, avec l'Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés, auprès de réfugiés de partout dans le monde qui ont subi ou subissent une violence et une persécution inimaginables et qui cherchent à échapper à des circonstances extrêmement difficiles.
    Pourriez-vous parler de certains des groupes vulnérables avec lesquels vous avez travaillé et de l'aide dont ils ont besoin de la part de la communauté internationale, y compris le Canada?
    Oui, bien sûr.
    J'ai travaillé avec des réfugiés partout dans le monde. J'ai travaillé avec des réfugiés de l'Irak, de la Namibie, du Soudan, de l'Érythrée, de la Chine. J'ai travaillé avec des réfugiés de partout dans le monde, et ils ont d'abord et avant tout besoin d'obtenir un lieu sûr. Une fois qu'ils sont ici, ils ont besoin de soutien. Bon nombre d'entre eux ont souffert de violence extrême, et, pour eux, le processus est long avant qu'ils ne se sentent en sécurité et soient en mesure de se réinstaller. De plus, une partie de cette réinstallation consiste à être en mesure de retrouver rapidement des membres de la famille.
    Mon collègue, Marwan, a aussi mentionné qu'il y a en ce moment environ 22,5 millions de réfugiés. Que nous suggéreriez-vous à nous, en tant que comité? Comment devrions-nous structurer notre système d'octroi de l'asile pour nous assurer que les plus vulnérables obtiennent la priorité en ce qui concerne la réinstallation ici, au Canada? Cela devrait-il se faire de façon individuelle ou bien en groupe, ou plutôt en fonction de leurs besoins?
    En général, je dirais que cela devrait se faire en fonction des besoins, mais, bien sûr, il y a toujours des situations où le Canada peut décider de faire un programme spécial ou de répondre à un besoin urgent.
    Lorsque vous examinez ces chiffres, je pense que la principale chose que nous constatons, c'est le besoin d'augmenter le nombre de réfugiés. Nous devons augmenter le nombre de réfugiés parrainés par le gouvernement. Le chiffre de 7 500 n'est pas suffisant.
    Comment pouvons-nous nous assurer que les plus vulnérables ont la priorité?
    Comme je l'ai dit, c'est une tâche très difficile, et je recommande de communiquer avec des experts sur le terrain et d'utiliser des critères objectifs.
    Pensez-vous que le Canada a fait un bon travail par rapport au reste du monde?
    Pour être honnête, la plupart des réfugiés sont installés dans des pays voisins, dans certains des pays les plus pauvres du monde, et ce sont les pays les plus prospères qui ne font pas, en fait, leur juste part.
    Ma prochaine question s'adresse à M. Clifford.
    Nous avons entendu des témoignages au sujet de la difficulté d'avoir accès à des services d'interprétation pour les immigrants yézidis nouvellement arrivés. Nous avons aussi entendu dire que le kurmanji a un certain nombre de dialectes différents. Pourriez-vous discuter des défis liés à la fourniture de services d'interprétation aux yézidis qui arrivent? Y a-t-il de nombreux interprètes qualifiés au Canada en ce moment et sont-ils situés dans les collectivités où les familles yézidies se réinstallent?
    Je ne travaille pas précisément avec le kurmanji. J'ai dit au départ qu'il y a un nombre restreint de langues pour lesquelles notre programme donne des formations précises. Je peux donner davantage de précisions sur ce que cela signifie d'essayer de former des gens qui travaillent avec des langues moins répandues.
    Une des choses que nous remarquons très souvent, c'est qu'il y a une tendance lorsqu'un nouveau groupe de gens arrive au pays: ils commencent à se présenter à des services fournis à l'échelon communautaire. C'est à cet échelon que toute l'infrastructure d'interprétation prend d'abord note de l'existence des besoins. Soudainement, un hôpital dit qu'il a besoin du kurmanji, et les centres communautaires disent qu'ils ont besoin du kurmanji. Il revient aux agences et aux établissements de formation d'essayer de répondre. Nous n'obtenons pas vraiment un premier signal d'alarme, si vous voulez, où on nous dit: « Hé, en passant, nous allons faire venir cette nouvelle vague de personnes. Voici leurs besoins linguistiques, pourriez-vous y voir de toute urgence? »
    C'est différent de ce que nous voyons ailleurs. Par exemple, je compare cela avec l'interprétation de conférence dans les établissements européens: chaque fois où il y a même une possibilité éloignée qu'un nouvel État membre soit ajouté et une nouvelle langue, intégrée, tout un groupe de personnes passent à l'action et commencent à se préparer afin que des services linguistiques soient fournis. Nous pourrions faire certaines choses pour imiter ce modèle.

  (1015)  

    Je crains de devoir vous arrêter ici.
    Je pense que la prochaine personne est M. Maguire.
    Vous êtes le dernier de ce côté-ci.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai un certain nombre de questions que je n'ai pas eu le temps de poser plus tôt. Il y a tant de questions à poser à ce sujet.
    Madame Atto, je sais que vous avez vécu beaucoup de choses. La première étape, comme vient de le dire Me Sadrehashemi, consiste à réinstaller les gens. La deuxième, c'est de leur fournir une certaine forme d'aide, ici ou dans le pays de réinstallation. La troisième, bien sûr, c'est la réunification de la famille. Pour vous, s'agit-il des trois questions qui sont les plus importantes?
Mme Nadre Atto (Traduction de l'interprétation):
    Ce sont des conditions très mauvaises. Les yézidis vivent dans des tentes. Tout ce que je souhaite, c'est que vous fassiez faire venir plus de familles yézidies ici, au Canada, pour les aider, parce que la situation là-bas, c'est qu'ils vivent dans des tentes. Ce qui leur est arrivé est très difficile pour les familles. Tout ce dont j'ai besoin, c'est que vous puissiez aider à en faire venir davantage.
    Je pense que cette affirmation montre le type de gens auxquels nous avons affaire. Ils sont vraiment désintéressés. Le fait de s'occuper des autres est plus important que le fait d'être ici maintenant.
    Monsieur Rose, vous avez dit qu'il y a un mépris manifeste. Vous avez demandé qu'on ne finance plus le programme du HCR. Pourriez-vous expliquer ce point de vue davantage? Y a-t-il d'autres méthodes, outre celles du HCR, grâce auxquelles nous pourrions faire venir ces types de réfugiés au Canada?
    Pourriez-vous répéter votre dernière phrase?
    Je me demande s'il y a d'autres méthodes pour faire venir les gens ici, mis à part celles que nous utilisons normalement.
    Je sais qu'il y a des ONG sur le terrain, et je connais d'autres organisations qui savent qui sont les yézidis qui ont des besoins désespérés. Beaucoup d'entre eux ne sont pas enregistrés auprès des Nations unies pour toutes les raisons que nous connaissons. Nous savons maintenant que les États-Unis établissent des réseaux au moyen de l'USAID pour réaffecter les 1,3 milliard de dollars qu'ils affectaient pour aider les minorités en Irak. Ils ont découvert que cet argent n'allait pas là, et ils ont donc une façon de le faire par l'intermédiaire de l'USAID et de personnes-ressources sur le terrain.
    Je ne suis pas expert dans ce domaine. J'ai juste des liens avec quelques personnes qui sont allées sur le terrain en Irak. Toutefois, selon les rares choses que je sais, cela pourrait se faire.
    Y aurait-il un besoin pour un plus grand nombre de programmes Ezra et Abraham?
    Oui, je crois que ce serait extrêmement utile si chaque collectivité avait des bénévoles sur le terrain qui pouvaient fournir une aide. Nous avons observé un si grand nombre de réussites incroyables au sein de notre propre programme. Je pense aux collectivités qui n'ont pas ces bénévoles et à quel point cela doit être plus difficile pour elles. Donc, oui, je recommanderais assurément cela.
    Comment les personnes qui ne sont pas en communication avec le gouvernement aujourd'hui pourraient-elles être en mesure de l'être et d'être accréditées pour faire venir ces personnes? Qu'est-ce qui serait exigé?

  (1020)  

    Je m'excuse. Je ne suis pas sûre de comprendre la question.
    En ce qui concerne les groupes qui pourraient bénéficier d'aide supplémentaire que vous avez mentionnés, quelle serait votre recommandation pour qu'ils communiquent avec le gouvernement, et comment le gouvernement peut-il les aider à être l'organe qui fait venir davantage de ces personnes?
    C'est une question difficile. Je sais que nous essayons très fort de travailler avec le gouvernement et les ONG qui sont sur le terrain et essaient d'aider des gens à se réinstaller. C'est par l'intermédiaire de ces ONG que nous devons travailler, à moins que nous puissions établir notre propre relation directe avec le gouvernement, ce qui pourrait être merveilleux pour nous. Ce serait très utile.
    Pendant que nous travaillons avec les ONG, nous constatons beaucoup de ruptures de la communication. Par exemple, prenons juste cette chose simple au sujet de...
    Vous devez conclure rapidement.
    Cela concerne juste les yézidis qui ont faim. Si nous n'avions pas dit aux yézidis de communiquer avec leur agent et de lui dire qu'ils ont faim, ils n'auraient jamais obtenu l'aide.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer à M. Sarai. Il m'a offert une de ses minutes et je veux poser une question.
    Chaque témoin fournit au présent comité sa compréhension personnelle et son témoignage selon son expérience personnelle, et ceux-ci sont tous les bienvenus. Maître Sadrehashemi, nous avons entendu ce matin un témoignage selon lequel les musulmans ne devraient pas être amenés au pays parce qu'ils présentent un danger. Êtes-vous d'accord?
    Non, je ne le suis pas.
    Monsieur Rose, il a été porté à l'attention du présent comité que les musulmans ne devraient pas être amenés au pays. Êtes-vous d'accord avec cela?
    Pas du tout.
    Allez-y, madame Rose.
    Non, je ne suis pas d'accord avec cela.
    Pour terminer, nous avons M. Clifford.
    Pas du tout. Je ne suis pas d'accord avec cela.
    D'accord, merci.
    Allez-y, monsieur Sarai.
    Je remercie tous les témoins et je veux vraiment vous remercier, Nadre Atto, de nous avoir fait part de votre expérience. Je pense qu'il est juste de dire que nous sommes tous ici profondément choqués lorsque nous entendons vos histoires.
    J'ai grandi dans une culture où, plusieurs fois, j'ai entendu des histoires de génocide à l'endroit de ma collectivité. Lorsque j'entends l'histoire des yézidis et découvre que votre communauté l'a vécu plus de 70 fois, je trouve incroyable de voir que vous avez survécu, mais c'était grâce à votre persistance et à votre volonté. Je veux vous en féliciter, vous et toute votre communauté.
    Notre travail ici est de nous assurer que vous vous sentez en sécurité, que votre parcours ici est aussi facile que possible, et le plus confortable et sécuritaire possible. À cet égard, je veux vous demander: vous sentez-vous en sécurité et à l'aise au Canada?
Mme Nadre Atto (Traduction de l'interprétation):
    Je suis très reconnaissante. Je suis en sécurité ici, mais je ne passe pas de bons moments, parce que tout ce à quoi je pense, c'est à ma fille, à ma mère et à ma famille qui sont là-bas, donc je ne suis pas à l'aise. Autrement, je me sens en sécurité ici. Je remercie tout spécialement le gouvernement britannique, et aussi les ONG. Ces gens ont vraiment été utiles pour notre peuple, et je remercie aussi tout particulièrement le Canada. Le Canada nous a vraiment été utile. Je suis en sécurité ici, mais je ne suis pas heureuse de la situation de ma famille.
    Nous comprenons tout à fait, et c'est le sort de beaucoup de réfugiés qui veulent faire venir leurs proches parents et leur famille élargie ici. C'est une chose difficile, compte tenu des paramètres avec lesquels nous travaillons, et nous aimerions, particulièrement si vous êtes en mesure de localiser votre fille, l'aider à venir au Canada.
    Que pouvons-nous faire pour vous aider à vous sentir mieux intégrée au Canada, à vous adapter au Canada? Évidemment, nous ne pouvons compenser le sentiment de nostalgie: votre famille et vos proches vous manquent. Comment pouvons-nous améliorer votre établissement au Canada et faire du Canada votre chez-vous?

  (1025)  

Mme Nadre Atto (Traduction de l'interprétation):
    Tout ce que je veux, c'est que vous fassiez venir plus de yézidis ici, parce que j'ai déjà passé à travers ce processus. J'ai été menottée un jour, mes enfants juste devant moi. J'ai défendu mon honneur, et cela ne s'est pas passé de la façon dont ils le voulaient, et c'est pourquoi j'ai subi beaucoup de choses. Je veux que le Canada soit utile et qu'il fasse venir plus de familles — il en fait venir ici, je le sais, au Canada, ce qui est utile — et qu'il surveille la communauté yézidie là-bas et se sente responsable de les défendre.
    Merci.
    Je dois vous interrompre ici. Je crains que nous entendrons la sonnerie à 10 h 40. Nous devons terminer assez rapidement la réunion, parce que je dois donner des instructions aux analystes avant 10 h 40.
    Je tiens à remercier tous les témoins de leur témoignage. C'est pour le Comité une riche expérience que d'avoir parmi nous quelqu'un qui est réfugié, un interprète qui aide cette réfugiée, un organisme exceptionnel engagé dans la cause d'aide des réfugiés, une avocate, un interprète et un formateur d'interprètes avec nous. La journée a été très enrichissante. Merci beaucoup.
    Nous allons avoir un intervalle très bref, parce que nous devons tenir une réunion à huis clos.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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