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FINA Rapport du Comité

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Des témoins ont fait des remarques sur les volets du Régime qui, selon eux, pourraient être améliorés :

  • les monnaies virtuelles et les entreprises de services monétaires;
  • la conformité et le fardeau administratif;
  • la déclaration des opérations douteuses; et
  • les listes des sanctions.

A.  Monnaies virtuelles et entreprises de services monétaires

(i) Contexte

Les entreprises de services monétaires se chargent habituellement d’échanger des devises, de virer des fonds ou encore d’encaisser ou vendre des mandats-poste et des chèques de voyage. Au Canada, elles sont tenues de s’enregistrer auprès du CANAFE, de satisfaire les exigences de déclaration et de consignation en matière de blanchiment d’argent et de financement des activités terroristes, sans compter qu’elles doivent vérifier l’identité de leurs clients dans le cas de certaines opérations et exécuter un programme de conformité à la LRPCFAT.

Les premières émissions de cryptomonnaie se produisent lorsqu’une société émet une nouvelle cryptomonnaie ou un jeton numérique, puis les offre au grand public qui les achète de la manière précisée par l’entreprise, par monnaie à cours forcé ou une cryptomonnaie[24]. Elles peuvent être considérées comme de premiers appels publics à l’épargne quand une société offre des actions au public pour la première fois. Les actions sont toujours liées au rendement ou au fonctionnement de la société. En revanche, la nouvelle cryptomonnaie ou le nouveau jeton offert à la première émission peut être lié à un projet en particulier que la société souhaite réaliser. Une société peut offrir par exemple un jeton numérique lors d’une première émission de cryptomonnaie en échange d’un service particulier seulement si la société le fournit ou espère le faire, et la valeur monétaire de ce jeton peut fluctuer selon la valeur du service en question sur le marché. Les Autorités canadiennes en valeurs mobilières ont publié l’avis 46-308 du personnel des ACVM, Incidences de la législation en valeurs mobilières sur les émissions de jetons, qui contient des conseils sur l’application des lois sur les valeurs mobilières aux premières émissions de cryptomonnaie. De façon générale, les autorités provinciales et territoriales de réglementation des valeurs mobilières auront la compétence nécessaire pour réglementer une première émission de cryptomonnaie si celle-ci constitue une valeur mobilière.

Aux États-Unis, FinCEN a actualisé en 2011 certaines définitions et des règlements liés aux entreprises de services monétaires et y a englobé les entreprises d’échanges de monnaie virtuelle dans la catégorie des « entreprises de transferts de fonds » visées par les règlements du FinCEN et, de fait, par le régime américain de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et du financement des activités terroristes. En particulier, toute entreprise qui accepte et transfère une monnaie virtuelle convertible ou qui en fait l’achat et la vente est une entreprise de transferts de fonds selon la réglementation du FinCEN. Par services de transfert de fonds, on entend « l’acceptation de devises, de fonds ou autre valeur en remplacement d’argent d’une personne et leur transfert à un autre endroit ou à une autre personne par un quelconque moyen » [traduction]. Les entreprises de services monétaires doivent effectuer leur enregistrement auprès du FinCEN, puis le renouveler tous les deux ans. Dans certains États américains, il faut aussi se procurer un permis d’exploitation. L’État de New York a par exemple un cadre réglementaire en la matière, le BitLicense Regulatory Framework.

Le 19 avril 2018, le Parlement européen a adopté la proposition de la Commission européenne d’une cinquième directive sur la lutte contre le blanchiment de capitaux en vue de prévenir le financement d’activités terroristes et le blanchiment d’argent par l’entremise des systèmes financiers de l’Union européenne. La directive porte notamment sur les risques potentiels posés par les monnaies virtuelles et prévoit d’étendre la portée des directives précédentes aux bourses de monnaies virtuelles et aux fournisseurs de portefeuilles de monnaie virtuelle par leur désignation d’« entités assujetties » à la réglementation de l’Union européenne. Les bourses de monnaies virtuelles et les fournisseurs de portefeuilles de monnaie virtuelle composent désormais avec les mêmes exigences réglementaires que les banques et les autres institutions financières, notamment les obligations de s’enregistrer auprès des autorités nationales de lutte contre le blanchiment d’argent, de mettre en place des mesures de vigilance renforcées à l’égard de la clientèle, de surveiller régulièrement les opérations de monnaie virtuelle et de déclarer des activités douteuses aux autorités gouvernementales.

Le 9 juin 2018, le ministère des Finances a proposé un nouveau règlement de la Loi, qui comprend des mesures visant les bourses de monnaie virtuelle. Celles-ci sont traitées comme les entreprises de services monétaires, et quiconque, personne ou entité, s’occupant de devises virtuelles devra mettre en place un programme de conformité en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement d’activités terroristes et s’inscrire auprès du CANAFE. En outre, les entités déclarantes réceptrices d’au moins 10 000 $ en monnaie virtuelle respecteront les mêmes obligations en matière de déclaration et de consignation. Elles (les entreprises de services monétaires notamment) mèneront aussi une évaluation des risques quant à leur exposition au blanchiment d’argent et au financement des activités terroristes, puis prendront des mesures raisonnables pour déterminer les sources de la richesse d’une personne politiquement vulnérable.

(ii) Témoignages

Des témoins ont fait des observations sur la terminologie utilisée dans le milieu de la cryptomonnaie et les conséquences de son emploi sur la Loi. La Dominion Bitcoin Mining Company a proposé que le Canada se serve de définitions juridiques des jetons numériques adossés aux chaînes de blocs qui soient défendables, claires et facilement reconnaissables. Pour ce faire, elle a proposé qu’on inscrive dans la Loi des définitions fondées sur les trois actifs facilement reconnaissables que sont la cryptomonnaie, le jeton d’utilité et le « jeton d’investissement » :

  • cryptomonnaie : système décentralisé de paiements et de règlements dans une chaîne de blocs (Bitcoin, Bitcoin Cash);
  • jeton d’utilité : jeton numérique dans une chaîne de blocs, conçu pour représenter un accès futur au produit ou au service d’une entreprise (Ethereum);
  • jeton d’investissement : titre numérique dans une chaîne de blocs dont la valeur découle de titres externes négociables et assujetti aux lois provinciales sur les valeurs mobilières. Il s’agit d’actifs convertis en jetons.

La Dominion Bitcoin Mining Company a conseillé aussi une initiative « test » pluriannuelle où les entités réglementées du milieu de la cryptomonnaie opèrent dans l’autoréglementation et échangent régulièrement des renseignements avec l’autorité de réglementation.

Dans leur mémoire au Comité, Durand Morisseau LLP et IJW & Co. Ltd. ont relevé les lacunes dans la définition de « monnaie virtuelle » que le ministère des Finances donne dans son nouveau règlement sur les bourses de monnaies virtuelles. En effet, la définition laisse entendre que la monnaie virtuelle est :

  • 1) une « devise », contrairement à leur avis;
  • 2) une « monnaie numérique », qui, selon eux, ne devrait pas l’être vu l’absence d’une telle définition dans la législation canadienne;
  • 3) une forme de « monnaie électronique », laquelle n’est pas définie dans la législation canadienne;
  • 4) une forme d’argent, contrairement à leur avis.

Durand Morisseau s.e.n.c.r.l. et IJW & Cie. ltée ont également dit qu’il est impossible de savoir si la définition actuelle de « monnaie virtuelle » englobe les premières émissions de cryptomonnaie. Ils conseillent donc qu’elle soit remplacée par « cryptoactif » pour éviter toute ambiguïté. Durand Morisseau s.e.n.c.r.l. et IJW & Cie. ltée ont déclaré que le « cryptoactif » pourrait se définir selon les termes suivants (d’après la définition des autorités bancaires de l’Union européenne) : « représentations numériques d’une valeur qui ne sont émises ni par une banque centrale ni par une autorité publique, qui ne sont pas nécessairement liées non plus à une devise officielle et qui n’en détiennent pas le statut juridique, mais qui sont acceptées comme moyen de paiement par des personnes physiques ou morales et qui peuvent être transférées, stockées ou négociées par voie électronique ». D’autre part, la Dominion Bitcoin Mining Company a recommandé que la Loi sur la monnaie accorde à la cryptomonnaie le statut de monnaie qui ne soit pas à cours forcé, et qu’elle confère au gouverneur en conseil le pouvoir de dicter une matrice aux fins d’évaluation.

Avant de publier son nouveau règlement, le ministère des Finances a annoncé au Comité son intention de prendre une mesure qui rétablirait l’équilibre des forces entre les négociants de monnaies virtuelles. Il a relevé que la technologie pouvait révolutionner le secteur de la technologie financière, mais apporter son lot de risques et de difficultés, comme l’opposition entre l’anonymat des monnaies et l’identification obligatoire des clients. À son témoignage au Comité, Jeremy Clark, qui a témoigné à titre personnel, a établi qu’il fallait agir sur le plan de la prévention et de la détection pour ce qui est des activités de cryptomonnaie illégales. D’après lui, la prévention est vouée à l’échec, car la cryptomonnaie est une technologie ouverte qui s’appuie sur Internet, et il vaut mieux se concentrer sur la détection des activités douteuses. La Blockchain Association of Canada a avancé que la détection devrait s’effectuer au même moment que la bourse des cryptomonnaies. L’Académie Bitcoin a conclu elle aussi que les acteurs périphériques, comme les bourses, pourraient mettre en place des protocoles de sécurité dictés par le régime de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et du financement des activités terroristes. Jeremy Clark propose d’ailleurs qu’on puisse acheter de la monnaie à cours forcé avec une cryptomonnaie et vice versa – opération appelée passerelle d’entrée et de sortie – et qu’on puisse à ce moment exact communiquer l’information financière. Abondant dans le même sens, Durand Morisseau s.e.n.c.r.l. et IJW & Cie. ltée ont souligné qu’il serait plus prudent pour le Canada de cibler sa réglementation sur les bourses de cryptomonnaie dans l’intérêt supérieur de la population. Cette façon de faire s’impose, puisque les personnes négociant les cryptomonnaies opèrent en théorie dans un anonymat presque complet. Ils expliquent d’ailleurs qu’en l’absence d’une certaine surveillance réglementaire, les opérations de cryptomonnaie pourraient servir à envoyer de fortes sommes à l’étranger et que la réglementation des mécanismes de conversion suivants apaiserait les inquiétudes liées à la lutte contre le blanchiment d’argent dans le milieu des cryptomonnaies :

  • 1) les bourses de cryptomonnaies, soit les opérations selon lesquelles les utilisateurs achètent une monnaie à cours forcé ou une cryptomonnaie avec une autre cryptomonnaie et vice versa;
  • 2) les guichets automatiques en cryptomonnaies, soit des distributeurs dont les utilisateurs se servent pour acheter une monnaie à cours forcé ou une cryptomonnaie avec une autre cryptomonnaie et vice versa;
  • 3) la conversion d’une monnaie à cours forcé ou d’une cryptomonnaie dans une première émission de cryptomonnaie, soit une méthode selon laquelle un utilisateur achète des jetons ou une cryptomonnaie à la première émission d’une entreprise naissante avec une monnaie à cours forcé ou une autre cryptomonnaie.

Durand Morisseau s.e.n.c.r.l. et IJW & Cie. ltée ont par ailleurs fait savoir que l’application des mesures de lutte contre le blanchiment d’argent et l’identification obligatoire des clients devraient s’effectuer. En effet, une identification suffisante consisterait à connaître l’identité des personnes qui ouvrent un compte (un « portefeuille ») pour les opérations avec les cryptomonnaies ainsi que la source de leurs fonds (monnaie à cours forcé négociée pour une cryptomonnaie) à déposer dans leur portefeuille pour les opérations.

Le gouvernement de la Colombie-Britannique a avisé le Comité que nombre des entreprises de services monétaires ne sont pas enregistrées et font partie intégrante de l’économie clandestine. Elles tendent à être l’incarnation moderne des services bancaires clandestins et servent à déplacer des fonds partout dans le monde sans la nécessité d’un transfert réel de monnaie à cours forcé.

Lorsqu’on l’a interrogée à propos des cryptomonnaies, l’ATM Industry Association a indiqué que son réseau de guichets n’en offrait pas.

Lors des déplacements du Comité, certains témoins ont parlé des perspectives que les cryptomonnaies ouvrent aux activités criminelles. D’aucuns ont estimé que 80 % de la valeur des cryptomonnaies pourraient être liés aux produits de la criminalité. Malgré le faible risque d’utilisation pour blanchir de l’argent, les cryptomonnaies risquent beaucoup de se servir pour financer les activités criminelles.

Certains témoins ont fait valoir que certaines technologies fondées sur les chaînes de blocs – les jetons d’investissement par exemple – devraient favoriser l’identification obligatoire des clients par les entités déclarantes, mais le cadre législatif actuel ne l’autorise pas. Bon nombre des témoins ont également fait remarquer que l’absence de règlements canadiens sur les cryptomonnaies entraîne des difficultés et des risques tant pour les consommateurs que pour les entreprises de cryptomonnaie.

En ce qui a trait à l’anonymat des cryptomonnaies, des témoins ont exprimé, lors de déplacements du Comité, des opinions divergentes sur la probabilité que cet aspect facilite le blanchiment d’argent et le financement des activités terroristes et les moyens d’y parvenir. Par exemple, les opérations de Bitcoin sont considérées comme « pseudo-anonymes », car elles sont enregistrées dans la chaîne de blocs. Cependant, l’identité des participants à l’opération est encryptée grâce à l’utilisation du portefeuille numérique et à l’omission d’enregistrer ou de communiquer les renseignements personnels. Cette dernière caractéristique incite certains témoins à qualifier le Bitcoin de fonctionnellement anonyme. Qui plus est, les autres cryptomonnaies – comme Moreno – se disent complètement anonymes et non retraçables. D’un autre côté, des témoins ont informé le Comité que le gouvernement américain en partenariat avec le secteur privé a déjà réussi à identifier des utilisateurs de Bitcoin en vue de déposer des poursuites criminelles. La prise de règlements mettrait donc fin à certains problèmes, notamment si un règlement imposait un registre où les adresses des portefeuilles sont liées à l’identité des détenteurs et l’identification obligatoire des clients pour les opérations négociées en cryptomonnaies et toutes les premières émissions de cryptomonnaie.

Des témoins ont par ailleurs signalé que les premières émissions de cryptomonnaie présentaient le plus important risque pour les consommateurs dans le milieu des cryptomonnaies, car ceux-ci bénéficient d’une petite, voire d’aucune, protection si elles n’ont pas le statut d’action. D’autres ont souligné que l’application de loi nécessite de la formation et de l’éducation sur la cryptomonnaie et ses utilisations.

B. Conformité et fardeau administratif

(i) Contexte

La conformité à la Loi entraîne pour les entités déclarantes des coûts variables dans le milieu visé par le Régime. Divers témoins ont parlé d’abaisser les normes de déclaration pour les entreprises à risque relativement faible de blanchir de l’argent ou de financer des activités terroristes ainsi que les coûts financiers pour se conformer aux normes actuelles. En revanche, d’autres témoins préconisaient le maintien des normes pour toutes les entités déclarantes dans un souci d’efficacité.

(ii) Témoignages

L’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes a avancé qu’il faut évaluer l’avantage de la déclaration obligatoire pour les entités déclarantes à la lumière des coûts associés de sa mise en œuvre et l’opérations pour le gouvernement et le milieu. La Banque HSBC Canada, pour sa part, a signalé la nécessité d’autres mesures visant à réduire les coûts de la conformité et d’une transition vers une norme de déclaration davantage « fondée sur le risque ».

L’Association canadienne des coopératives financières a signalé que les obligations liées au blanchiment d’argent et au financement des activités terroristes imposent un fardeau aux institutions financières de moindre envergure. Elle recommande l’adoption d’un modèle fondé sur les risques, qui réduirait ces lourdes formalités administratives sans nuire à la valeur ni à la qualité des informations recueillies. L’Association canadienne du commerce des valeurs mobilières a souligné qu’il faut rendre la communication plus efficace et alléger le fardeau des maisons de courtage des valeurs et autres entités déclarantes. Voici ce qu’elle propose :

  • La Loi doit avoir la latitude pour intégrer de nouvelles technologies, comme l’identification numérique lors de la vérification, et pour s’adapter rapidement aux technologies novatrices;
  • Le paragraphe 62(2) de la Loi prévoit des exemptions quant à la consignation et la vérification obligatoires des entités déclarantes. Ces exemptions pourraient s’étendre à des entités assujetties à un cadre réglementaire analogue à celui du Canada, de manière à éviter les dédoublements dans les formalités.

Le CANAFE a fait savoir au Comité qu’il priorisait son évaluation du fardeau administratif imposé aux entreprises et qu’il collaborera avec elles en ce sens. Cependant, les renseignements nécessaires aux déclarations demeurent essentiels au bon fonctionnement du Régime. Concernant les entités déclarantes de moindre envergure aux prises avec de trop lourdes formalités causées par les mesures de conformité, il a expliqué qu’elles soumettent seulement une fraction des déclarations par rapport aux grandes institutions financières et qu’il vérifiait les lourdes formalités, s’il y en a, qui leur nuisaient de manière démesurée.

Durant les déplacements du Comité, des témoins ont exprimé des opinions divergentes sur les conséquences et l’ampleur du fardeau administratif découlant du Régime. D’une part, bon nombre de témoins ont fait valoir que les efforts déployés par les entités déclarantes et leur ampleur dépassent largement ceux du gouvernement et qu’ils leur coûtent trop cher. Des témoins ont fait des observations sur les formalités trop lourdes pour les secteurs d’activités à faible risque ou encore l’incapacité des entreprises déclarantes de moindre envergure à réaliser les mêmes actions de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement des activités terroristes que les grandes institutions financières. En particulier, certains témoins au Royaume-Uni prônent de délaisser le régime de lutte et d’adopter un cadre de conformité fondé sur les risques auxquels les coopératives financières seraient assujetties à des obligations moins lourdes que les grandes banques. Ils ont cité en exemple les entités déclarantes aux États-Unis en droit de soumettre des rapports simplifiés selon certaines circonstances.

D’autre part, des témoins ont fait remarquer qu’on impose les mêmes mesures de conformité à toutes les entreprises afin de prévenir l’apparition de maillons faibles dans le Régime et que le coût associé à la conformité tient simplement au coût du bon fonctionnement du secteur, malgré les arguments lancés par des entreprises désireuses de réduire leurs coûts d’exploitation. Les témoins ont aussi expliqué que bon nombre des autorités de surveillance britanniques en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement des activités terroristes sont financées par les cotisations versées par les entités sous leur gouverne.

Certains témoins ont également relevé que l’ampleur et la complexité de la réglementation en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement des activités terroristes la rendent fastidieuse. Si on simplifiait la réglementation et si le CANAFE donnait une orientation complémentaire, les entités déclarantes paieraient des coûts moins élevés. Ces témoins ont cité le Royaume-Uni en exemple, qui entreprend à intervalle périodique une évaluation nationale des risques associés à son régime de lutte contre le blanchiment d’argent et qui collabore avec le secteur privé en vue d’en améliorer le fonctionnement.

C.  Déclaration d’opérations douteuses

(i) Contexte

Les entités déclarantes sont tenues de présenter au CANAFE une « déclaration des opérations douteuses » sur une opération réussie ou tentée si elles ont des motifs raisonnables de soupçonner la perpétration d’une infraction réelle ou intentée de blanchiment d’argent ou de financement d’activités terroristes.

Les déclarations des opérations douteuses sont soumises séparément des déclarations d’opérations importantes en espèces, que les entités déclarantes doivent signaler au CANAFE dans les 15 jours civils suivants pour une opération, ou pour un groupe d’opérations, d’au moins 10 000 $ en moins de 24 h effectuée par une même personne ou entité.

Aux États-Unis, une institution financière est tenue de soumettre un formulaire correspondant, une « déclaration d’activité douteuse », pour les opérations qui pourraient contrevenir à la législation ou à la réglementation. Le Royaume-Uni se sert également de ces formulaires qui sont soumis selon un seuil de connaissances ou de doutes sur des actes de blanchiment d’argent ou encore d’après la conviction ou les doutes sur des actes de financement d’activités terroristes.

(ii) Témoignages

L’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes a encouragé les fonctionnaires à envisager l’introduction d’un seuil minimal pour les opérations suspectes vu l’absence d’un tel facteur. En revanche, Christian Leuprecht a proposé de carrément éliminer le seuil de déclaration pour les opérations internationales en espèces, car le plafond de 10 000 $ est arbitraire et sans fondement légitime dans la recherche. Selon M. Leuprecht, cette élimination améliorerait grandement la connaissance du CANAFE et rendrait la déclaration facile, plus efficace et plus économique qu’avant, car les institutions financières n’auraient plus à filtrer les opérations selon le seuil. L’Association canadienne de l’immeuble a conseillé, quant à elle, de moderniser le portail « F2R des déclarations des opérations douteuses » du CANAFE puisque certains aspects de la déclaration ne sont pas pertinents pour le secteur immobilier et provoquent de la confusion et des erreurs inutiles dans les déclarations.

La Banque HSBC Canada, l’Association canadienne des coopératives financières et l’Association canadienne du commerce des valeurs mobilières ont toutes recommandé de recourir à l’innovation et de simplifier les formalités de déclaration afin de réduire les coûts liés à la conformité. La Blockchain Association of Canada a d’ailleurs proposé que le gouvernement travaille de pair avec l’industrie – en particulier les bourses – pour mettre en place des systèmes qui recueillent des données exploitables.

Lors des déplacements du Comité, des témoins ont débattu des avantages qu’offre la quantité de déclarations exigées par les régimes canadien, américain et britannique ainsi que de la qualité des renseignements recueillis. Certains témoins ont souligné la grande quantité d’informations fournies aux cellules du renseignement financier respectives. Ils ont aussi mis en doute la valeur des données ou la probabilité qu’elles donnent tout de suite lieu à des enquêtes ou poursuites criminelles. À l’inverse, d’autres ont avancé que de telles données sont nécessaires à la mise au point de la modélisation informatique et de l’analyse des données des unités de renseignement financier sur lesquelles leurs activités reposent. Ils font valoir que la proportion de déclarations donnant lieu à des enquêtes n’est pas une bonne indication de réussite. Il faut d’ailleurs créer de bons indices, qui évaluent dans quelle mesure ces déclarations sont utilisées pour déceler des tendances révélatrices et établir des typologies.

Des témoins sont d’avis qu’un obstacle se pose : les entités déclarantes agissent surtout par crainte de recevoir une sanction pécuniaire ou une réprimande de la part des autorités de réglementation. En revanche, d’autres estiment que cette situation est le propre d’un cadre réglementaire qui fonctionne.

Certains témoins ont fait observer qu’il serait bon de revoir de nombreux aspects de la mise en page des déclarations des opérations douteuses. Citons la simplification pour favoriser la convivialité et la compréhension, notamment des instructions claires sur la manière de remplir les formulaires, l’ajout de menus déroulants pour davantage de précision et la possibilité d’adapter les formulaires à des entités déclarantes en particulier au lieu de s’en tenir à un rapport universel.

D.  Listes de sanctions

(i) Contexte

Le GAFI [disponible en anglais seulement] conseille aux pays de mettre en œuvre un régime de sanctions financières ciblées de manière à se conformer aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies sur la prévention et la répression du financement des activités terroristes. À son avis, les pays nuisent considérablement aux efforts déployés pour lutter contre le financement des activités terroristes s’ils ne gèlent pas de manière rapide et efficace les fonds ou autres actifs des personnes et entités désignées.

Le Canada a mis en œuvre les régimes de sanctions du Conseil de sécurité des Nations Unies au moyen de la Loi sur les Nations Unies, ainsi que ses régimes de sanction autonomes par la voie de la Loi sur les mesures économiques spéciales. La Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus lui permet aussi d’imposer des sanctions à des étrangers à l’extérieur de son territoire pour des violations des droits de la personne ou encore à des agents publics étrangers et à leurs associés responsables ou complices de corruption à grande échelle. Le ministère des Affaires mondiales a d’ailleurs publié une Liste consolidée des sanctions autonomes canadiennes.

(ii) Témoignages

Lors des déplacements du Comité, des témoins ont mis en lumière le fait que des avocats et des agents immobiliers ne vérifient pas si leurs clients figurent sur les listes de sanctions. Ils ajoutent qu’il est possible de consulter facilement une seule liste des mauvais joueurs en matière de blanchiment d’argent et de financement des activités terroristes, qui est fournie par le ministère des Affaires mondiales et dont on se sert seulement dans le cadre du Régime. Des témoins ont fait savoir que l’Office of Financial Sanctions Implementations du Royaume-Uni conserve quant à elle une liste consolidée des sanctions que les entités déclarantes sont tenues de consulter pour vérifier les antécédents de leurs clients.

Recommandations du chapitre 4

Recommandation 25

Que le gouvernement du Canada réglemente les échanges de cryptomonnaie où la monnaie à cours forcé est convertie de sorte que ces échanges fassent partie des services offerts par les entreprises de services monétaires.

Recommandation 26

Que le gouvernement du Canada établisse un régime de réglementation des portefeuilles de cryptomonnaie pour bien déterminer l’identité des propriétaires et que les autorités et les organismes de réglementation connaissent leur propriétaire effectif s’il y a lieu.

  • Veiller à ce que les achats avec des bitcoin dans le secteur immobilier et les cartes de paiement fassent l’objet d’un suivi et soient visés par une réglementation en matière de lutte contre le blanchiment d’argent;
  • Donner aux autorités les moyens de bien déceler et de suivre le piratage de portefeuilles de cryptomonnaie et les omissions de déclarer les gains en capital.

Recommandation 27

Que le gouvernement du Canada crée un permis pour les échanges de cryptomonnaies conforme au droit canadien, assorti de mesures de lutte contre le blanchiment d’argent et qu’il s’inspire du programme de l’État de New York pour en tirer les bonnes pratiques pour ce faire.

Recommandation 28

Que le gouvernement du Canada envisage d’interdire les prête-noms. S’ils sont toujours autorisés, les prête-noms devraient être tenus de déclarer leur statut lors de l’enregistrement de l’entreprise et de s’inscrire en tant que tels. Ils devraient obtenir un permis pour exercer leurs activités et avoir des obligations en matière de lutte contre le blanchiment d’argent.

Recommandation 29

Que le gouvernement du Canada modifie la structure de la déclaration des opérations douteuses du CANAFE afin d’inclure des « menus déroulants » pour ainsi en faciliter l’utilisation par des entités déclarantes en particulier et garantir une meilleure conformité.

Recommandation 30

Que le gouvernement du Canada modifie la structure de la déclaration des opérations douteuses du CANAFE pour qu’elle ressemble aux formulaires de déclaration employés au Royaume-Uni et aux États-Unis afin qu’il consacre son attention aux infractions possibles plutôt qu’à un seuil monétaire arbitraire.

Recommandation 31

Que le gouvernement du Canada ajoute les activités douteuses aux déclarations des opérations douteuses pour faciliter leur déclaration directe au CANAFE par les casinos.

Recommandation 32

Que le gouvernement du Canada actualise la réglementation sur les rapports des institutions financières et y ajoute l’achat en gros en ligne de cartes-cadeaux et de cartes de crédit prépayées.


[24]            On appelle les premières émissions de cryptomonnaie également les premières émissions de jetons.