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FOPO Rapport du Comité

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INTRODUCTION

 

Le 20 juin 2018, le projet de loi C‑68, Loi modifiant la Loi sur les pêches et d’autres lois en conséquence, a été adopté par la Chambre des communes à l’étape de la troisième lecture[1]. Le projet de loi énonce de nouveaux facteurs pouvant être pris en compte par le ministre des Pêches et des Océans lorsqu’il prend des décisions touchant les pêches. Parmi ceux‑ci, on compte les facteurs sociaux, économiques et culturels[2].

Pendant l’étude du projet de loi C‑68, le Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes (le Comité) a entendu des témoignages opposés au sujet des répercussions de la politique de Pêches et Océans Canada relative aux permis à quotas sur les pêches commerciales sur la côte Ouest[3]. Compte tenu de ces témoignages, le 5 juin 2018, le Comité a adopté une motion portant :

Que le Comité entreprenne une étude afin d’examiner la réglementation des pêches sur la côte Ouest, plus particulièrement en ce qui a trait aux permis de pêche, aux quotas de pêche et aux politiques sur les propriétaires exploitants et la séparation des flottilles, dans le but d’évaluer l’incidence du régime actuel sur les résultats en matière de gestion des pêches, sur la répartition des retombées économiques générées par l’industrie et sur les aspirations des pêcheurs et des communautés ainsi que de présenter au gouvernement des options et des recommandations en vue d’améliorer ces résultats […][4].

Entre le 30 janvier et le 20 février 2019, le Comité a tenu cinq réunions publiques, au cours desquelles il a entendu 40 témoins. Parmi eux, on comptait des pêcheurs professionnels, des spécialistes des sciences sociales ainsi que des représentants d’organisations de pêche commerciale et récréative, d’entreprises de transformation du poisson, d’organisations non gouvernementales, de Vancouver Island Health Authority ainsi que du ministère des Pêches et des Océans[5].

Les membres du Comité tiennent à remercier sincèrement tous les témoins qui ont participé à cette étude. Ils se réjouissent de présenter les résultats de celle‑ci dans le présent rapport, qui comporte également des recommandations s’appuyant sur les témoignages entendus.

CONTEXTE

 

A.  Compétence du gouvernement fédéral relativement à la gestion des pêches

Conformément aux paragraphes 7(1) et 43(1) de la Loi sur les pêches, le gouvernement fédéral peut octroyer des permis de pêche et prendre des règlements concernant les conditions attachées aux permis et l’établissement de contingents (aussi appelés quotas)[6]. Par conséquent, les pêches commerciales sur la côte Ouest sont gérées aux termes du Règlement de pêche du Pacifique, 1993[7].

En 2007, le ministère des Pêches et des Océans a adopté la politique sur la préservation de l’indépendance de la flottille de pêche côtière dans l’Atlantique canadien « pour s’assurer que les pêcheurs côtiers [commerciaux] demeurent indépendants et que les privilèges découlant des permis de pêche profitent aux pêcheurs et aux collectivités côtières ». La politique sur la préservation de l’indépendance de la flottille de pêche côtière dans l’Atlantique canadien vise également à renforcer les politiques sur les propriétaires exploitants et de séparation de la flottille. La politique de séparation de la flottille sépare les secteurs de la pêche et de la transformation, en empêchant les entreprises de transformation d’acquérir des permis de pêche pour les bateaux du secteur côtier (c’est‑à‑dire ceux mesurant moins de 19,8 m, ou 65 pi). La politique sur les propriétaires exploitants oblige quant à elle que les titulaires de permis pour les bateaux du secteur côtier soient présents sur le bateau pendant les opérations de pêche. Aucune politique semblable n’a été établie pour les pêches commerciales sur la côte Ouest.

Le 8 février 2019, la Cour d’appel fédérale a confirmé le droit du gouvernement fédéral d’adopter et de faire respecter des politiques sur la protection de l’économie des collectivités côtières qui dépendent des ressources du secteur de la pêche. Selon cette décision, l’objet de la politique sur la préservation de l’indépendance de la flottille de pêche côtière dans l’Atlantique canadien relève des vastes pouvoirs du Parlement en matière de gestion des pêches[8].

B.  Rendement économique des pêches commerciales en Colombie‑Britannique

1.  Emplois et revenus

En 2016, l’industrie de la pêche a fait travailler, à temps plein et à temps partiel, 9 416 personnes sur les bateaux, dans les piscicultures et dans les usines de transformation de la Colombie‑Britannique[9]. La pêche en soi a fait travailler 5 208 personnes. Selon l’étude de 2018 sur le marché du travail réalisée par le Conseil canadien des pêcheurs professionnels, comparativement à celle de la côte Est, l’industrie de la pêche commerciale de la Colombie‑Britannique affiche des revenus de pêche moins élevés et des perspectives démographiques plus difficiles[10].

En outre, de 2000 à 2015, alors que les revenus d’emploi moyens engendrés par la pêche au Canada ont augmenté de 39 %, ils ont diminué de 6 % en Colombie‑Britannique. En 2015, les revenus moyens générés par les pêcheurs indépendants de la Colombie‑Britannique ne représentaient que 56 % des revenus moyens des pêcheurs indépendants du Canada[11]. Selon le rapport produit en 2013 pour la British Columbia Seafood Alliance sur l’offre de main‑d’œuvre, le roulement de personnel des équipages est important dans certains secteurs, ce qui est encore attribuable au faible rendement économique de leur flottille et aux salaires peu élevés[12].

2.  Valeur au débarquement

Le ministère des Pêches et des Océans estime qu’en Colombie-Britannique, en 2017, la valeur au débarquement des pêches commerciales a été de 183 000 tonnes de poisson, d’une valeur brute de 398 millions de dollars (tableau 1). La flottille commerciale de la côte Ouest est principalement composée de bateaux de moins de 45 pieds[13]. En comparaison, l’incidence économique annuelle des pêches récréatives de la côte Ouest est estimée à environ 700 millions de dollars. Ce montant comprend « les retombées non seulement de la récolte du poisson, mais également des activités de guides et des autres activités connexes[14] ».

Tableau 1 — Valeur au débarquement (en millions de dollars) des principaux produits de la pêche, Colombie Britannique, 2017

Poissons de fond

Valeur au débarquement

Flétan

62

Sébaste

24

Merluche

33

 

Poissons pélagiques et autres poissons

Valeur au débarquement

Saumon

46

Hareng

17

Thon

16

 

Mollusques et crustacés

Valeur au débarquement

Crabe

51

Palourde

52

Crevette

24

Oursin

7

 

Source : Ministère des Pêches et des Océans, « Valeur de la pêche commerciale des côtes Atlantique et Pacifique par province — 2017 », Pêches maritimes.

Les données sur le rendement économique montrent que de 2000 à 2015, il n’y a pas eu de croissance des pêches en Colombie‑Britannique, alors qu’au Canada atlantique et en Alaska, la valeur au débarquement des produits de la pêche a connu une importante augmentation (figure 1). Selon le Conseil canadien des pêcheurs professionnels, « [l]a comparaison avec l’Alaska est particulièrement pertinente parce que les espèces qui y sont pêchées sont grosso modo les mêmes qu’en Colombie‑Britannique[15] ».

Figure 1 — Volume et valeur au débarquement de 2000 à 2015 par rapport à 2000

La figure 1 compare le volume et la valeur au débarquement de 2000 à 2015 par rapport à 2015 en Colombie Britannique, au Canada atlantique et en Alaska. Les données indiquent qu’il n’y a pas eu de croissance des pêches en Colombie Britannique, mais que la valeur au débarquement de celles ci a grandement augmenté au Canada atlantique et en Alaska.

Anglais

Français

Weight

Poids

Value

Valeur

0%

0 %

100%

100 %

200%

200 %

BC

Colombie Britannique

Atlantic

Atlantique

Alaska

Alaska

Source : Ecotrust Canada et T. Buck Suzuki Environmental Foundation, Just Transactions, Just Transitions: Towards Truly Sustainable Fisheries in British Columbia, 21 décembre 2018, p. 25. [en anglais seulement]

C.  Gestion des pêches commerciales en Colombie‑Britannique

1.  Effort de pêche et gestion des prises

Historiquement, les pêches commerciales en Colombie‑Britannique ont un caractère compétitif. On a vu une escalade entre les pêcheurs qui tentaient tous d’acquérir des bateaux plus gros et des technologies plus modernes pour faire mieux que l’autre et obtenir une plus grande part de la ressource. Étant donné que les ressources de pêche sont limitées, différentes stratégies de gestion ont graduellement été appliquées pour contrôler les récoltes[16]. L’effort de pêche et la gestion des prises pour le poisson de fond, par exemple, ont été contrôlés par un régime d’accès limité aux permis, un total autorisé des captures, des restrictions applicables aux engins, des limites de taille, ainsi que des fermetures de zone et des périodes de pêche interdite[17].

2.  Quotas individuels transférables

Le ministère des Pêches et des Océans a aussi mis en place des quotas individuels transférables — des permis à quotas — dans le but de gérer plusieurs pêches commerciales en Colombie‑Britannique, y compris la pêche du flétan du Pacifique en 1992 ainsi que la pêche au chalut du poisson de fond en 1997[18]. Les titulaires de quotas individuels transférables disposent de droits exclusifs et transférables de pêcher une portion du total autorisé des captures d’un stock de poisson donné[19]. Les quotas individuels transférables peuvent appartenir à des entreprises, à des bateaux, à des investisseurs non‑pêcheurs et à des pêcheurs actifs et non actifs individuels, et on peut les transférer sur le marché par la vente, l’achat et la location.

Au fil du temps, certains titulaires de quotas individuels transférables ont découvert qu’il est plus rentable de louer leurs quotas. Par rapport à la vente, la location de quotas offre de meilleurs revenus et est plus avantageuse du point de vue fiscal; les quotas loués peuvent également être vus comme des revenus de retraite, et leurs titulaires peuvent choisir de les léguer à leur famille comme investissement[20].

Le ministère des Pêches et des Océans a vu dans les quotas individuels transférables une solution au problème de surcapacité. Les quotas individuels transférables constituent donc une façon de favoriser la durabilité économique des pêches[21]. On voit dans les quotas transférables une façon efficace de décourager la surcapitalisation dans le secteur des pêches grâce au retrait ou au rachat de permis, et ce, sans frais pour le gouvernement : les quotas s’accumulent à mesure que les pêcheurs ou les entreprises peu rentables décident de les vendre à d’autres.

Selon une étude commandée en 2009 par le ministère des Pêches et des Océans, dans un contexte où les quotas individuels transférables font clairement partie du total autorisé des captures, « les pêcheurs sont en mesure de mieux planifier leur saison, de réduire le gaspillage, de desservir le marché et de pêcher de façon rentable et efficace. Si les conditions météorologiques sont mauvaises, les pêcheurs restent au port ou se rendent vers d’autres lieux de pêche où les conditions sont plus favorables[22]. » En outre, « la valeur marchande des [quotas individuels transférables] reflète la façon dont le marché perçoit la valeur nette réelle des rendements économiques nets à venir de la pêche ». Par conséquent, « si on ne gère pas la ressource de façon à assurer sa pérennité, les [totaux autorisés des captures] à venir diminueront au même titre que la valeur des [quotas individuels transférables][23] ».

2.1.     Viabilité économique pour les titulaires de permis à quotas

De nombreuses études réalisées sur les régimes de quotas individuels transférables instaurés un peu partout dans le monde prouvent que ces derniers permettent d’augmenter les profits et d’améliorer le rendement économique des titulaires de permis à quotas[24]. La transférabilité des quotas offre par ailleurs un mécanisme de marché qui règle les questions de répartition de la ressource entre les secteurs, comme le secteur récréatif et le secteur commercial[25]. En outre, les quotas individuels transférables faciliteraient la vie des nouveaux pêcheurs qui n’ont pas nécessairement accès à des capitaux suffisants pour acheter des quotas. Ils peuvent donc louer des quotas et participer à la pêche, et ainsi faire des économies qui pourront leur permettre d’acheter des quotas.

2.2.     Partage des retombées économiques

Selon une étude commandée par le ministère des Pêches et des Océans en 2008, la gestion des pêches par les quotas individuels transférables fait qu’on obtient des produits de meilleure qualité à l’intérieur d’une saison beaucoup plus longue, ce qui offre un rendement plus élevé tant aux pêcheurs qu’aux transformateurs[26]. Toujours selon cette étude, pour l’ensemble des pêches gérées par les quotas individuels transférables, la valeur des produits augmente (en réalité, pour tous les secteurs combinés, la valeur des produits transformés double), et pour la plupart des pêches, il y a augmentation de la rémunération et de l’emploi en années‑personnes. L’étude révèle toutefois que, grâce aux quotas individuels transférables, on modifie l’équilibre des pouvoirs entre le propriétaire de permis/bateau et l’équipage ainsi que le transformateur‑acheteur. Le propriétaire de permis/bateau s’approprie une part plus importante de l’augmentation de la valeur de l’industrie que le transformateur ou l’équipage[27].

Le Conseil canadien des pêcheurs professionnels affirme au contraire que « des tendances négatives ou faibles en matière d’emplois, du revenu des pêcheurs et de la valeur des débarquements et des exportations suggèrent que l’industrie de la pêche de la Colombie-Britannique ne profite pas de la croissance stimulée par le marché que connaissent les autres régions de pêche[28] ».

Une étude de 2004 indique par ailleurs que les quotas individuels transférables ont donné naissance à des marchés de permis et de quotas furieusement inflationnistes[29]. Par conséquent, les permis et les quotas se retrouvent aux mains d’un nombre de propriétaires de plus en plus petit. La valeur extrêmement élevée du marché fait en sorte que de nombreux jeunes pêcheurs, les Premières Nations et les familles des milieux ruraux ont du mal à y accéder. L’étude insiste également sur le fait que les nouvelles tendances relatives à la propriété des permis font en sorte que de nombreuses collectivités rurales et Premières Nations profitent bien peu de l’exploitation des ressources du secteur de la pêche dans les eaux adjacentes.

3.  Aspects socioéconomiques à prendre en compte pour la gestion des pêches

La Stratégie fédérale du développement durable, ainsi que la Loi sur les pêches et la Loi sur les océans, encadrent la gestion des pêches et des océans du Canada. Par ce cadre, on reconnaît que « le développement durable combine des facteurs économiques, sociaux et environnementaux dont il implique la prise en compte sérieuse[30] ». Dans son rapport de décembre 2011, le commissaire à l’environnement et au développement durable précise que, outre la gouvernance, les pêches durables s’appuient aussi sur la prise en compte des aspects environnemental, économique et social du développement durable[31]. Le Cadre pour la pêche durable du ministère des Pêches et des Océans, qui guide la planification intégrée des pêches, prévoit aussi la prise en compte des considérations sociales et économiques[32].

Selon plusieurs études universitaires et d’anciens rapports de comité[33], les activités d’évaluation et de gestion des pêches du ministère des Pêches et des Océans visent toutefois surtout la productivité biologique, au détriment de la prise en compte adéquate des aspects sociaux (notamment culturels), économiques et institutionnels (gouvernance)[34].

D.  Anciens rapports du Parlement

1.  Rapport de 1998 du Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes

En octobre 1998, le Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes a publié un rapport dans lequel il examine notamment la viabilité des pêches commerciales, la gestion des quotas, les droits de permis ainsi que les propriétaires exploitants en Colombie‑Britannique[35]. Le Comité n’a toutefois pas formulé de recommandations directement liées à ces questions.

2.  Rapports de 1998 et de 2005 du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans

En décembre 1998, le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans a publié un rapport dans lequel il examine la privatisation et les permis à quotas dans les pêches canadiennes. Dans le rapport, le Comité exhorte le ministère des Pêches et des Océans :

à étudier de manière plus approfondie les répercussions sociales et économiques à long terme que les permis à quotas individuels, en particulier ceux qui sont transférables, ont sur les collectivités côtières autochtones ou autres du Canada, et qu’il n’élargisse pas le régime des quotas individuels avant qu’on ait évalué à fond les besoins de ces collectivités côtières autochtones ou autres[36].

Le Comité sénatorial a également recommandé que le ministère des Pêches et des Océans « répartisse plus équitablement la ressource afin que les petits pêcheurs puissent jouer un rôle plus important au sein de l’industrie de la pêche ».

En mai 2005, le Comité sénatorial a publié un rapport dans lequel il examine l’urbanisation des ressources halieutiques en Colombie‑Britannique. Dans son rapport, il recommande que le ministère des Pêches et des Océans « tienne compte de l’impact socioéconomique de ses grandes décisions » et qu’il « commande une étude indépendante sur la faisabilité d’instituer une politique de propriétaire‑exploitant dans la pêche commerciale du Pacifique[37] ».

OBJECTIFS DE GESTION DE PÊCHES ET OCÉANS CANADA

 

Rebecca Reid, du ministère des Pêches et des Océans, a mentionné qu’en Colombie‑Britannique, les pêches commerciales représentent environ « 7 600 permis admissibles, 2 400 bateaux et 5 000 personnes détenant une fiche d’enregistrement de pêcheur[38] ». Même si les approches relatives aux règles de délivrance des permis et à la gestion diffèrent entre les pêcheries pour refléter les « caractéristiques biologiques propres aux stocks ciblés » et la capacité de pêche dans chaque pêcherie, le régime de gestion des pêches de Pêches et Océans est conçu en vue d’atteindre les cinq objectifs suivants :

  • 1) des résultats en matière de conservation;
  • 2) le respect des obligations juridiques, comme les droits des Premières Nations;
  • 3) la promotion de la stabilité et de la viabilité économique des activités de pêche;
  • 4) le soutien de la répartition équitable des retombées;
  • 5) la facilitation de la collecte des données nécessaires à des fins d’administration, d’application des lois et de planification[39].

Le ministère des Pêches et des Océans a également établi cinq caractéristiques qui sont communes à la plupart des pêches commerciales de la côte du Pacifique en ce qui concerne la délivrance de permis et la gestion. Ces caractéristiques, qui contribuent à réduire la surcapacité ou « la puissance de pêche », sont les suivantes :

  • 1) la délivrance de permis de pêche à accès limité;
  • 2) un mélange de permis rattachés à un bateau et de permis détenus par une partie;
  • 3) les restrictions sur la longueur des bateaux;
  • 4) les règles régissant le transfert des permis;
  • 5) les règles de cumul et de séparation des permis[40].

Selon le ministère des Pêches et des Océans, les quotas individuels transférables ont été créés pour « gérer ou réduire la capacité de pêche afin de conserver et de protéger les populations de poissons » et pour assurer « une pêche contrôlée plus efficace dans la limite des captures, une pêche ordonnée et bien gérée ainsi qu’un meilleur rendement financier des pêcheries[41] ».

Selon un mémoire présenté par Richard Williams, le régime de quotas individuels transférables fait partie de deux stratégies interdépendantes qui ont eu une incidence sur les pêcheries sur la côte Ouest et la côte Est :

  • la rationalisation des flottilles de pêche afin de réduire le nombre d’entreprises de pêche tout en améliorant la viabilité financière de celles qui restent;
  • le transfert aux flottilles de pêche des coûts croissants des sciences halieutiques, de la collecte de données, de la surveillance à quai, des programmes d’observateurs, etc[42].

Ces stratégies supposent que « les petites flottilles dont les entreprises sont plus rentables seront mieux à même d’absorber les coûts dévolus, tandis que le poids de ces coûts devrait encourager les propriétaires d’entreprises marginales à augmenter leur taille ou à quitter le secteur[43] ».

ÉVALUATION DU RÉGIME DE GESTION DES PÊCHES

 

A.  Résultats en matière de conservation

Rebecca Reid a déclaré au Comité que l’« objectif principal[44] » du ministère des Pêches et des Océans est la conservation et la protection des pêches. Selon Christina Burridge, la gestion, par le ministère des Pêches et des Océans, des pêches sur la côte Ouest a connu une « immense réussite » en ce qui a trait à la conservation, et les mesures de gestion, comme les quotas individuels transférables, sont des moyens contribuant « à rationaliser cette capacité excessive, à permettre des bénéfices économiques et à améliorer la sécurité pour les exploitants restants tout en atteignant les objectifs de conservation[45] ».

Certains pêcheurs ont convenu que le ministère des Pêches et des Océans est parvenu à atteindre ses objectifs de conservation des stocks de poissons. Par exemple, Dan Edwards a mentionné que la flotte de pêche au crabe dormeur est « très bien gérée du point de vue de la conservation[46] ». Par contre, Duncan Cameron, lui, a fait part de ses doutes à cet égard au Comité :

En ce qui concerne la conservation, lorsque les pêcheurs ont des marges de profit très étroites et qu’ils sont très inquiets pour leur survie d’une année à l’autre, la priorité qu’ils accordent à la conservation est bien faible comparativement à celle qu’y accordent les gens capables de planifier pour le reste de leur vie.
Le but de l’étude devrait être d’examiner ce qui s’est réellement passé sur le plan de la conservation, et non la théorie ou l’hypothèse dont la décision découle. En ce qui concerne la sécurité, je pense que le régime actuel continue de nuire gravement aux pêcheurs et d’accroître les conséquences environnementales. Les budgets des pêcheurs sont très limités et seule une petite partie de cette somme peut être consacrée à l’achat d’équipement de sécurité ou de nouvelles technologies plus propres[47].

B.  Accès pour les Premières Nations

Lancée en 2007, l’Initiative des pêches commerciales intégrées du Pacifique du ministère des Pêches et Océans Canada a été conçue afin de rendre « les pêches commerciales durables et économiquement viables, avec le concours des Premières Nations[48] ». Pour réaliser cet objectif, le ministère des Pêches et des Océans a d’abord acquis les accès à la pêche commerciale abandonnés volontairement (permis de pêche ou quotas), puis les a distribués aux entreprises de pêches établies par les communautés autochtones sous forme de permis et de quotas de pêche commerciale communautaire autochtone. En 2015, le ministère des Pêches et des Océans a cessé d’effectuer cette distribution pour soutenir plutôt l’achat direct d’accès par les Premières Nations. Selon Rebecca Reid, à ce jour, le ministère des Pêches et des Océans a acheté et distribué des accès à la pêche commerciale d’une valeur d’environ 140 millions de dollars[49].

Le chef Christopher Cook Jr., de la tribu Nimpkish de la Nation Kwakwaka’wakw, a toutefois mentionné que les Premières Nations n’ont pas nécessairement une voix dans le processus décisionnel de l’Initiative des pêches commerciales intégrées du Pacifique[50]. James Lawson, un pêcheur des nations Heiltsuk, Tsimshian, Nisga’a, Haisla et Gitxsan, a déclaré au Comité que « [n]ombre des permis [que les Premières Nations] achètent sont remis sur le marché et accordés au plus offrant, ce qui crée des revenus pour un programme ou une bande des Premières Nations, mais sans pêcheur[51] ». Il a ajouté que l’apport du gouvernement et le programme de l’Initiative des pêches commerciales intégrées du Pacifique viennent encore aggraver le problème du coût prohibitif des permis et des quotas, puisque les prix élevés entraînent des taux de location élevés difficiles à assumer pour les pêcheurs.

De l’avis d’Arthur Black Sr., de la Première Nation Namgis :

Les permis qui étaient censés être détenus et exploités par les propriétaires exploitants autochtones et être financièrement avantageux pour eux sont maintenant détenus injustement par contrats de contrôle, et les bénéficiaires de ces permis sont des personnes qui ne devraient pas en posséder. Une politique de protection doit être mise en place pour protéger les pêcheurs autochtones et non autochtones en ce qui a trait aux permis[52].

Même s’il a reconnu que l’Initiative des pêches commerciales intégrées du Pacifique pouvait contribuer à améliorer la réconciliation entre les Premières Nations et le gouvernement du Canada, Fraser MacDonald a recommandé qu’on instaure un processus selon lequel les entreprises des Premières Nations pourraient inscrire le permis ou le quota inutilisé dans une banque accessible à tout pêcheur autochtone, quelle que soit la bande ou la nation, qui pourrait faire une demande pour obtenir un permis communautaire[53]. À son avis, un tel mécanisme créerait « des possibilités, des emplois bien rémunérés et des liens avec l’océan pour les pêcheurs autochtones côtiers ».

C.  Viabilité économique des opérations de pêche et distribution équitable des retombées

Selon Evelyn Pinkerton, le système de marché libre a été un échec pour les pêches commerciales sur la côte Ouest. Elle a mentionné que le « système de marché libre devait fonctionner sous certaines conditions, mais ces conditions sont inexistantes en ce qui concerne la plupart des pêches dans la région du Pacifique[54] ». Comme elle l’a expliqué :

Le système de marché libre peut bien fonctionner en présence des conditions suivantes: premièrement, un accès égal aux capitaux; deuxièmement, l’égalité d’accès à l’information; troisièmement, un contexte assimilable à une vente aux enchères transparente. Or, en raison des conditions du système de [quotas individuels transférables], les jeunes pêcheurs n’ont pas les moyens d’acheter un permis ou un quota, car ils n’ont pas suffisamment de capital pour l’un ou l’autre. Nous n’avons pas un accès égal à l’information, car les [quotas individuels transférables] ne sont pas mis aux enchères dans un système semblable à celui d’une vente aux enchères; ces quotas sont plutôt loués à titre privé et de plus en plus par l’intermédiaire de transformateurs, le bailleur ou le locataire ne connaissant pas le prix de location facturé[55].

1.  Propriété des permis avec quotas

Au milieu des années 1970, les quotas individuels ont commencé à être imposés dans de nombreuses pêcheries commerciales de l’Ouest par le ministère des Pêches et des Océans[56]. Les pêcheurs actifs qui ont pu obtenir des quotas individuels transférables à partir de ce moment et jusqu’aux années 1990 ont depuis profité de l’augmentation du prix des quotas et des taux de location de ceux‑ci. Jennifer Silver a donné des exemples de prix des permis avec quotas en 2016 :

Selon les estimations du ministère des Pêches et des Océans, en 2016, les permis se vendaient pour des dizaines de milliers de dollars — par exemple, le permis AG pour le saumon coûte plus de 64 000 $ — et certains pouvaient atteindre les centaines de milliers de dollars, comme le permis W pour la crevette, qui coûte plus de 770 000 $. On estime qu’un type de permis en particulier — le permis G pour la panope — se vend pour 6,1 millions de dollars sur le marché[57].

Selon Fraser MacDonald, ce taux de rendement élevé assure la viabilité économique des titulaires de permis à quotas et explique la structure actuelle de propriété des permis à quotas :

À l’heure actuelle, le prix des [quotas individuels transférables] et de nombreux permis est si élevé qu’il y a deux principaux types d’acheteurs qui peuvent se permettre de les acheter. En premier lieu, il y a les pêcheurs qui partent à la retraite et qui ont bien réussi dans l’industrie au cours des 30 à 40 dernières années; ils cherchent à investir leur capital retenu dans des actifs de pêche louables comme revenu de retraite. Il y a ensuite les investisseurs autres que des pêcheurs ou les grandes sociétés[58].

Fraser MacDonald a ajouté ce qui suit :

On n’aurait jamais dû permettre aux contingents et aux permis de se retrouver sur le marché libre, mais c’est ce qui s’est passé. Aujourd’hui, les marchés de permis et de contingents ressemblent davantage à une bourse d’actions spéculatives qu’à un outil de gestion des pêches.
L’établissement du système a créé des gagnants et des perdants, et il en est encore ainsi aujourd’hui. Certains ont tout perdu et ont quitté l’industrie, et d’autres encore en ont été exclus lorsqu’on a introduit les [quotas individuels transférables]. Certains se sont vus attribuer des [quotas individuels transférables] ou des permis de pêche à accès limité dont la valeur a depuis augmenté à un point tel qu’ils valent des millions de dollars. L’accès de la Colombie‑Britannique au secteur de la pêche a été privatisé et exploité à des fins pécuniaires[59].

De l’avis de Dan Edwards, c’est la structure de propriété des quotas, plutôt que la transférabilité de ceux‑ci, qui est la principale cause des problèmes de viabilité économique qu’éprouvent les pêcheurs actifs. La transférabilité des quotas est requise pour les prises accessoires connexes dans les pêches du poisson de fond et elle permet de veiller à ce que les espèces non ciblées qui sont récoltées puissent être vendues et faire l’objet d’un suivi à des fins de conservation. Il a expliqué ce qui suit :

S’il s’agissait de propriétaires-exploitants et que seuls des pêcheurs détenaient des quotas, la situation serait bien différente. On pourrait continuer d’effectuer des transferts pour s’assurer que notre entreprise demeure viable. C’est nécessaire pour la pêche au poisson de fond, mais il faut se débarrasser du système des propriétaires absents[60].

Recommandation 1

Que Pêches et Océans Canada maintienne la transférabilité limitée pour les prises d’espèces non ciblées, étant donné que ce régime reçoit un large appui puisqu’il permet de veiller à ce que les poissons de fond non ciblés qui sont récoltés puissent être vendus et faire l’objet d’un suivi à des fins de conservation.

1.1.     Concentration des permis à quotas

Le niveau de concentration des permis à quotas a fait l’objet de débats animés pendant l’étude. En effet, il est possible de détenir plusieurs permis à quotas et de participer activement aux pêcheries ou de gagner un revenu en louant certains de ses permis à quotas ou l’ensemble d’entre eux. Jennifer Silver a fourni des statistiques sur les titulaires de permis à quotas :

Au total, 6 563 permis de pêche commerciale dans la région du Pacifique ont été décernés à 2 377 entités […] Selon nos recherches, 38 entités ont enregistré 20 permis commerciaux ou plus. De ces 38, six ont enregistré plus de 50 permis. À l’inverse, il y a eu 1 357 entités qui ont enregistré un seul permis et 499 qui en ont enregistré deux[61].

Grâce à une demande d’information concernant les données de 2017 du ministère des Pêches et des Océans, Tasha Sutcliffe a constaté que :

des 345 détenteurs de permis ou de quotas dans les domaines des pêches au chalut du poisson de fond et des pêches au flétan et à la morue charbonnière, les 26 premiers, soit 7,4 %, détiennent 50 % de la valeur des quotas, et les quatre premiers, soit 1,2 %, accaparent 50 % des livres contingentées. On constate aussi que la majeure partie des volumes des quotas de poissons de fond sont pêchés non pas par des propriétaires exploitants, mais par des transformateurs, des entreprises étrangères et même des entreprises familiales de pêche qui, de façon générale, n’utilisent plus la majeure partie de leurs quotas[62].

Toutefois, selon Andrew Thomson, du ministère des Pêches et des Océans, la concentration des permis à quotas n’est pas si importante qu’on le dit. Il a mentionné que le ministère des Pêches et des Océans fait un suivi des permis à quotas détenus et que les données montrent que :

le plus grand détenteur de permis, la Canadian Fishing Company, détient lui‑même environ 234 des 4 000 permis disponibles en Colombie-Britannique. Oui, elle est la plus importante détentrice de permis, mais elle en détient un nombre relativement faible. En fait, il y a très peu de sociétés qui possèdent plus de 10 permis[63].

Selon Tasha Sutcliffe, il est difficile de déterminer la pleine portée de la concentration des permis à quotas, étant donné que :

des ententes tacites reposant sur la confiance et d’autres mécanismes permettant de cacher la propriété effective réelle. De multiples filiales de sociétés cotées en bourse sont quasiment impossibles à retracer, tout comme il y a des pêcheurs qui possèdent des permis et des quotas sans vraiment en posséder la propriété effective et qui, assurément, ne tirent pas la réelle valeur de tels actifs[64].

1.2.     Titulaires de permis à quotas étrangers

Certains témoins se sont également dits préoccupés par le fait que des permis à quotas sont détenus par des intérêts étrangers. Jim McIsaac a indiqué qu’en 2018, « pour les achats de permis connus, il y avait 60 millions de dollars par l’intermédiaire des courtiers en bateau ici, dont la moitié était de propriété étrangère ou provenait d’acheteurs étrangers[65] ». Tasha Sutcliffe a ajouté ce qui suit :

Pour ce qui est des investissements étrangers, à part quelques grandes entreprises, c’est quelque chose de très difficile à cerner, mais il y a des exemples. Ainsi, vous avez peut‑être entendu parler du récent scandale lié au blanchiment d’argent dans le secteur du jeu et le secteur immobilier en Colombie-Britannique. Nous avons retracé une entreprise qui a investi dans la pêche au poisson de fond et qui possède maintenant pour 5,9 millions de livres de quotas. Le directeur de l’entreprise en question est l’investisseur étranger même qui est nommé dans les articles de journaux sur les activités de blanchiment d’argent dans les casinos et le secteur immobilier de Vancouver[66].

Toutefois, selon Jennifer Silver, en l’absence d’un suivi adéquat des propriétaires légitimes et bénéficiaires, il est difficile d’estimer les investissements étrangers. Voici ce qu’elle a déclaré :

Le fait de n’avoir accès qu’à l’information accessible au public fait qu’il est très difficile de dégager la mesure dans laquelle cela se produit dans les pêches canadiennes du Pacifique, et aussi de prévoir ce qui pourrait se passer à l’avenir. Puisque les stocks de poisson du Canada sont une ressource publique, je ferais valoir que la surveillance des investissements étrangers et spéculatifs est essentielle pour la transparence et que cela relève de la gestion des pêches[67].

Le Comité a constaté que ce ne sont pas tous les participants à l’étude qui s’opposaient aux investissements étrangers dans l’industrie. David Boyes a mentionné que « le Canada n’interdit pas l’investissement de capitaux étrangers dans de nombreux secteurs de son économie — pétrole et gaz naturel, technologies, agriculture, fabrication. Pourquoi la pêche ferait-elle exception[68]? » Fraser MacDonald a indiqué qu’il s’oppose à ce que des intérêts étrangers soient les propriétaires bénéficiaires de permis à quotas, mais approuve les investissements de capitaux étrangers dans d’autres aspects de l’industrie :

Je crois aussi que l’intérêt étranger pour l’achat de nos produits de la mer est formidable et qu’il offre de grandes possibilités pour presque toutes les pêches de notre côte. Toutefois, je suis d’avis, comme je l’ai mentionné dans mes recommandations, que ces intérêts étrangers devraient se limiter à l’achat et à l’exportation de produits et ne pas être autorisés à détenir un droit d’accès à nos pêches[69].

Recommandation 2

Que, compte tenu du principe voulant que les poissons se trouvant dans les eaux canadiennes sont une ressource appartenant aux Canadiens (c’est‑à‑dire une propriété commune), aucun permis de pêche à quotas ou autre permis ne puisse être détenu par un propriétaire bénéficiaire qui n'est pas Canadien, à la lumière des enjeux liés à l’autorisation légale et des répercussions sur le commerce et les accords internationaux.

2.  Rôle des entreprises de transformation de fruits de mer

De nombreux témoins ont souligné le rôle clé joué par les entreprises de transformation de fruits de mer dans la chaîne d’approvisionnement des pêches commerciales. Puisqu’il n’y a pas de politiques sur les propriétaires exploitants ou la séparation des flottilles visant la Colombie‑Britannique, les transformateurs peuvent acheter et louer des permis à quotas et des bateaux. Cette intégration verticale créerait des économies d’échelle, réduirait les coûts de production et améliorerait la coordination à l’échelle de la chaîne d’approvisionnement. D’ailleurs, John Nishidate a souligné qu’entre autres, une entreprise de transformation possède des permis « afin de garantir un approvisionnement et d’assurer un traitement et une commercialisation ordonnés de façon à répondre aux demandes [des] clients et à obtenir les produits de la plus haute qualité[70] ».

Puisqu’il n’y a pas beaucoup de renseignements aisément accessibles sur les permis à quotas, les pêcheurs qui ne possèdent pas de permis, mais en recherchent un, doivent pouvoir compter sur les transformateurs pour la location, souvent par le « bouche‑à‑oreille », comme l’a mentionné John Nishidate[71]. Fraser MacDonald a déclaré ce qui suit :

[…] les propriétaires de [contingents individuels transférables] de flétan se font payer dès l’ouverture de la saison la valeur de leur contingent, généralement par des transformateurs qui doivent s’assurer d’obtenir un contingent pour garantir leur part du marché sur la prise. Comme ils ont de faibles marges de manœuvre, les transformateurs travaillent à grande échelle. Plus ils peuvent obtenir de contingents dans leur groupe, plus ils peuvent mettre en marché, ce qui fait grimper leurs profits potentiels. Voilà qui a transformé la plupart des acheteurs de poisson sur la côte en courtiers de permis et de contingents, ce qui ajoute un énorme fardeau financier et administratif aux entreprises dont l’objectif premier est d’acheter du poisson, le transformer et le mettre en marché. La structure actuelle isole complètement les propriétaires de contingents de toute fluctuation des prix durant la saison, obligeant les pêcheurs et les acheteurs à assumer la totalité du risque[72].

Le Comité a appris que les entreprises de transformation ne se contentent pas de louer des permis à quotas aux pêcheurs; elles peuvent également leur donner accès à des capitaux qui ne leur sont pas offerts par les institutions financières traditionnelles, comme l’a souligné John Nishidate :

Nous fournissons des avances afin d’aider nos pêcheurs à se mettre de la partie, d’obtenir l’équipement nécessaire pour la saison. Nous payons d’avance les frais de validation et de surveillance des prises. Tous les prêts que nous consentons à nos pêcheurs sont sans intérêt. Nous avons aussi financé des pêcheurs afin qu’ils puissent acquérir leurs propres permis lorsque les banques refusaient de les aider[73].

Puisqu’elles fournissent des permis à quotas aux pêcheurs, les entreprises de transformation intégrées verticalement sont bien placées pour déterminer les prix au débarquement et s’assurer de pouvoir s’approvisionner auprès des pêcheurs. Toutefois, selon Tasha Sutcliffe, les transformateurs peuvent également subir les répercussions négatives des politiques sur les permis à quotas. Elle a mentionné que, pour avoir accès aux ressources, « de nombreux transformateurs doivent acheter ou louer des quotas à des prix élevés et les offrir aux bâtiments qui les pêcheront. En outre, ils sont obligés de se livrer concurrence pour maintenir leur approvisionnement, ce qui peut accroître leurs coûts et contribuer à l’inflation des prix de location[74]. »

3.  Enjeux associés au fait que les permis ne peuvent pas être séparés

En ce qui concerne les règles de cumul et de séparation des permis du ministère des Pêches et des Océans, Rebecca Reid a déclaré ce qui suit :

Lorsque des permis pour différentes pêches sont délivrés à un même bateau, des règles spécifiques stipuleront que les permis ne peuvent pas être séparés et rattachés à différents bateaux — nous appelons cela les « règles de mariage » —, une fois de plus, dans le but d’empêcher une augmentation du nombre de bateaux dans la flotte[75].

Le fait que les permis ne puissent pas être séparés a également été critiqué par de nombreux pêcheurs. Selon David MacKay :

Séparer ces permis en permis individuels permettrait aux jeunes pêcheurs d’en acheter. Prenons l’exemple de mon père et d’autres pêcheurs âgés qui s’apprêtent à prendre leur retraite et qui ont deux ou trois permis, voire plus; ils ne peuvent pas les vendre en bloc à quiconque. Alors, ils doivent se tourner vers l’Initiative des pêches commerciales intégrées du Pacifique, l’IPCIP, ou simplement les conserver, mais ce sont des personnes vieillissantes. Le fait de pouvoir dissocier leurs permis les aiderait à quitter l’industrie, et aiderait les jeunes pêcheurs à y accéder. C’est une solution bien simple qui relève actuellement de l’IPCIP. Lorsque les permis sont renvoyés à l’IPCIP, ils sont automatiquement dissociés, alors je ne comprends pas ce qui pose problème.[76]

Comme Joy Thorkelson l’a mentionné au Comité, les enjeux que pose le cumul de permis sont aussi liés à la concentration des permis à quotas. Elle a déclaré ceci :

Le plus important transformateur de saumon détient 37 permis liés à 20 bateaux qui ne sont pas des bateaux de pêche. Dans de nombreux cas, ces bateaux n’existent pas réellement. On les appelle les « bateaux bidons », parce qu’ils pourraient aussi bien être des bidons qui flottent sur l’eau. Il peut arriver, et il arrive qu’une société loue ses permis à des pêcheurs de saumon qui en ont besoin pour pêcher dans une zone différente.
Dans une pêcherie de saumon assujettie au système de [contingents individuels transférables], une société non pêcheuse peut transférer le contingent lié à ses permis à un autre pêcheur, donnant ainsi lieu à une combinaison des contingents pour ce bateau. Le pêcheur peut donc attraper le nombre de poissons prévus par son propre contingent, ainsi que par le contingent du bateau bidon. Les pêcheurs sont ainsi liés à la société. S’ils souhaitent éventuellement augmenter leur contingent dans le but d’accroître leur revenu, ils devront continuer à pêcher pour cette société de transformation. Cette situation n’est pas unique aux pêcheries de saumon: elle est pire pour les pêcheurs du hareng rogué, puisque le ministère des Pêches et Océans exige la combinaison d’un nombre minimal de permis de pêche au filet maillant pour pêcher[77].

Recommandation 3

Que Pêches et Océans Canada autorise la séparation des permis cumulés afin qu’ils puissent être vendus par le propriétaire lui permettant de se dessaisir d’une partie ou de la totalité de ses permis, et ce, dans le but d’aider les pêcheurs et les nouveaux venus à devenir propriétaires exploitants.

4.  Répercussions socioéconomiques des politiques sur les permis à quotas en vigueur

Selon la majorité des pêcheurs qui ont comparu devant le Comité, les politiques sur les permis à quotas en vigueur ont une incidence négative sur la viabilité économique de leurs activités. Les pêcheurs estiment que les retombées ne sont pas distribuées équitablement, qu’il y a un déséquilibre au sein de l’industrie pour ce qui est des risques et des retombées, étant donné que ce sont les pêcheurs actifs qui assument la majorité des risques, mais que leur rendement est plus faible que celui des propriétaires de permis à quotas. À leur avis, les politiques du ministère des Pêches et des Océans qui privatisent l’accès au poisson ont aussi eu une incidence sur la durabilité de nombreuses collectivités côtières de la Colombie‑Britannique.

Ross Antilla a décrit les effets de la location de permis sur la viabilité des activités de pêche :

La location de permis était à l'origine une façon pour les pêcheurs de protéger leurs prises s'ils dépassaient leur contingent en empruntant le permis de quelqu'un qui n'avait pas pêché autant qu'il était autorisé à le faire. Cela se faisait à bon prix. Aujourd'hui, la location de permis exploite la première source de revenus d'un pêcheur au profit du portfolio du détenteur du permis.
À titre d'exemple, dans le cas de la pêche au flétan, les détenteurs de permis prennent 80 % des profits, tandis que les pêcheurs n'en reçoivent que 20 %, qu'ils doivent utiliser pour assumer la totalité des coûts, y compris les droits de permis, les frais de caméras, les honoraires de l'équipage et — s'il reste quelque chose après tout cela — pour assurer leur propre subsistance.
Dans la plupart des cas, les entreprises détiennent le contingent, ce qui implique que nous sommes forcés à leur vendre nos prises au prix qu'elles imposent, à livrer au port qu'elles nous dictent et à pêcher dans les zones qu'elles nous indiquent, ce qui nous prive de notre liberté en tant que pêcheurs. Si nous ne pêchons pas leurs contingents, nous ne pourrons peut-être pas pêcher du tout l'année d'après[78].

Fraser MacDonald abonde dans le même sens :

L'accès de la Colombie-Britannique au secteur de la pêche a été privatisé et exploité à des fins pécuniaires. Cette privatisation de l'accès a créé des coûts d'admission insurmontables ainsi que ce que j'appellerais une génération perdue de pêcheurs. J'ai vu tout cela se passer au sein de mon propre groupe d'amis. Il y a 10 ans, en 2008, j'avais dans mon coin du pays un réseau de 15 à 20 personnes qui travaillaient activement dans la pêche commerciale. Aujourd'hui, en 2018, nous ne sommes plus que trois. Mes amis ont quitté le secteur de la pêche commerciale, souvent bien malgré eux, pour faire carrière dans d'autres domaines parce qu'ils ne pensaient pas pouvoir gagner leur vie dans la pêche. Étant donné les coûts exorbitants et le manque d'accès au capital, beaucoup de jeunes n'ont pas les moyens de s'acheter un bateau et un permis. L'exode a causé une grave pénurie de main-d'œuvre pour combler les équipages et laisse présager une crise de succession lorsque la génération actuelle de pêcheurs atteindra l'âge de la retraite[79].

Il a mis en évidence le déséquilibre entre les risques et les retombées au sein de l’industrie :

J'ai passé l'année 2017 à pêcher un contingent de flétan loué, et mon expérience illustre parfaitement à quel point le système est bancal. En avril 2017, j'ai loué 32 000 livres d'un contingent de flétan d'un acheteur à 7,50 $ la livre. C'était la valeur marchande d'un bail à l'époque, et à ce moment-là, la valeur du flétan au débarquement était de 9 $ à 10 $ depuis deux saisons, on s'attendait donc à tirer un revenu brut de 2 $ après le coût du bail. Quelques mois plus tard, en août, la valeur au débarquement avait chuté à 7,50 $, et on a dû attendre la fin de la saison, espérant que le prix se rétablirait assez pour qu'on puisse se faire assez d'argent pour payer les frais. Même si le prix a fini par remonter assez pour nous donner une marge de manœuvre, on s'est retrouvé avec quelques jours de pêche seulement compte tenu des intempéries, et je n'ai pas été en mesure de pêcher la totalité du contingent que j'avais loué. Fort heureusement, j'ai pu reporter les 16 000 livres de contingent restant à la saison 2018.
Quelques mois plus tard, en mars, à l'ouverture de la saison, je suis retourné aux lieux de pêche pour attraper les 16 000 livres qu'il me restait sur mon bail, mais le prix du marché avait chuté à 7,50 $. On n'avait pas le choix que d'aller pêcher puisque l'acheteur avait loué ce poisson 12 mois auparavant et avait déjà versé 124 000 $ au détenteur du contingent. J'ai dû aller à la pêche pour qu'ils puissent récupérer leur argent. Je suis sorti ramener ce poisson à terre pour rien; sans parler des 30 000 $ que j'ai emprunté de l'acheteur qui m'a loué le poisson afin de pouvoir payer mon équipage, qui méritait d'être payé pour son travail.
Les deux détenteurs de contingent à qui j'ai loué du poisson en 2017 ont reçu un chèque de 120 000 $ pour leur contingent. Mon équipage et moi avons passé un mois en mer et pêché pour plus d'un quart de million de dollars, et je me suis retrouvé 30 000 $ de plus dans le trou, sans parler de l'investissement de 50 000 $ que j'ai dû faire pour arrimer un long câble à mon bateau cet automne-là.[80]

Un rapport de 2018 soumis au Comité par Modestus Nobels illustre les coûts de location des permis à quotas et les coûts d’exploitation de deux types de bateaux. Dans les deux cas, les coûts de location représentent la majeure partie des dépenses totales.

Figure 2 — Coûts de location des permis à quotas et d’exploitation de deux types de bateaux

La figure 2 illustre les coûts de location et d’exploitation d’un bateau de 58 pieds (grand bateau), d’un bateau de pêche à la ligne/filet maillant et d’un bateau de 35 pieds (bateau intermédiaire). Dans les deux cas, les coûts de location représentent la majeure partie des dépenses totales, soit environ 75 %.

Anglais

Français

Fuel cost

Coûts du carburant

Monitoring Cost

Coûts de surveillance

Grub Cost

Coûts de dragage

Moorage Cost

Frais d’amarrage

Licence Fee

Droits de permis

Ice/Bait Cost

Frais des appâts/glace

Vessel Insurance & Maintenance Cost

Coûts pour l’entretien et l’assurance du bateau

Gear Storage & Maintenance Cost

Coûts pour l’entretien et l’entreposage des engins

Lease

Location

58’ (Large)

Bateau de 58 pieds (grand bateau)

Hook & Line Gillnet Boat

Bateau de pêche à la ligne/filet maillant

35’ (Midsize)

Bateau de 35 pieds (intermédiaire)

Hook & Line Gillnet Boat

Bateau de pêche à la ligne/filet maillant

Source : Ecotrust Canada et T. Buck Suzuki Environmental Foundation, Just Transactions, Just Transitions : Towards Truly Sustainable Fisheries in British Columbia, 21 décembre 2018, p. 23 [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT, TRADUCTION].

Melanie Sonnenberg a avisé le Comité que la faible viabilité économique des activités de pêche sur la côte Ouest et la répartition inéquitable des risques et des retombées ont une « conséquence directe » sur la viabilité des collectivités côtières, sur le bassin de main-d’œuvre et sur le vieillissement des pêcheurs de la Colombie-Britannique. Elle a indiqué ce qui suit :

Il n'est donc pas surprenant que les pêcheurs de Colombie-Britannique soient les plus vieux du pays à cause de la chute des taux de recrutement parmi les jeunes. Une industrie qui offre de telles perspectives de carrière aura bien du mal à remplacer les quelque 40 % de ses membres qui devraient prendre leur retraite d'ici 2025[81].

4.1.     Comparaison avec les pêches commerciales sur la côte Est

Joy Thorkelson a comparé les effets socioéconomiques des politiques de gestion des pêches de la Colombie-Britannique et celles de la côte Est du Canada :

Les revenus des pêcheurs de notre région sont à la baisse, alors que ceux des pêcheurs du FAW [Fish, Food and Allied Workers Union of Newfoundland and Labrador] sont à la hausse. Cette différence s'explique par les coûts supplémentaires assumés par nos pêcheurs. Près de 80 % de la valeur au débarquement des prises dans les pêches assujetties au CIT est soutirée des pêcheurs de la Colombie-Britannique, alors que ce n'est pas le cas pour leurs homologues sur la côte Est. On peut également apercevoir une énorme différence au niveau de la collectivité: la capacité de transformation dans les collectivités rurales de la Colombie-Britannique diminue sans cesse, alors que c'est tout le contraire dans les régions rurales du Canada atlantique[82].

Selon Carl Allen, pêcheur de la côte Est, la répartition inéquitable des richesses sur la côte Ouest a « un effet énorme sur l'économie traditionnelle qui est habituellement générée par les produits dérivés de la pêche[83] ». Il a fait ressortir le contraste entre la situation socioéconomique des collectivités côtières sur la côte Est (où les propriétaires exploitants et la séparation des flottilles ont en grande partie permis de garder le contrôle sur les droits de pêche de stocks de poissons contigus entre les mains des pêcheurs indépendants) et la situation socioéconomique des collectivités côtières sur la côte Ouest :

[À] l'heure actuelle, sur la côte Est, on observe un boom dans la construction des bateaux: de nombreux constructeurs de bateaux ont des listes d'attente d'au moins deux ans pour la construction d'un nouveau bateau, tandis que les charpentiers de marine ont de la difficulté à répondre à la demande de réparations et de remises en état des navires existants.
Comparez cela à la côte Ouest. Là-bas, à cause de l'absence de politiques saines qui permettraient aux personnes ayant exploité les ressources de conserver les profits nets générés par celles-ci, l'industrie a rétréci à tel point que, d'après ce qu'on m'a dit, les pêcheurs se procurent de nouveaux bateaux aux États-Unis […] à un rythme constant.
Un habitant de ma localité m'a récemment abordé pour me féliciter de la bonne saison de pêche. Voici ce qu'il m'a dit: « Quand les pêcheurs se portent bien, la collectivité se porte bien elle aussi. Nous profitons tous des richesses des océans. »
Quand je compare cela à ce qu'un jeune pêcheur m'a dit lors d'un récent voyage en Colombie‑Britannique, je suis attristé et dégoûté des résultats des politiques régionales adoptées par le ministère des Pêches et des Océans en Colombie-Britannique depuis plus de 25 ans. Voici ce que m'a dit le jeune pêcheur: « Nous ne pouvons plus prendre soin de nos collectivités comme nous le faisions auparavant. Par conséquent, nos collectivités ne voient pas la nécessité de prendre soin de nous[84]. »

4.2.     Répercussions sur la sécurité alimentaire dans les collectivités côtières

Les politiques sur les pêches qui ne favorisent pas le développement économique régional peuvent également avoir une incidence sur la sécurité alimentaire des collectivités côtières. En ce qui concerne la consolidation des usines de transformation du poisson dans la vallée du bas Fraser, loin des  collectivités côtières situées près de l’endroit où les ressources halieutiques sont pêchées, Analisa Blake a indiqué au Comité que « l’actuelle politique sur les pêches sur la côte Ouest a créé par inadvertance une situation où l’accès aux fruits de mer riches en éléments nutritifs est grandement restreint, ce qui mine les compétences, les connaissances traditionnelles et les infrastructures qui soutiennent la pêche, tant dans les populations autochtones que dans les populations non autochtones[85] ». Elle a recommandé de tenir compte de la santé et du bien-être des collectivités lors de la prise de décisions relatives aux politiques.

D.  Collecte de données

1.  Registre public des permis à quotas

Pour assurer la transparence et pour améliorer l’accès aux capitaux pour les pêcheurs, tous les témoins (dont des titulaires de permis à quotas et des transformateurs de poisson) ont recommandé que le ministère des Pêches et des Océans crée un registre des permis et des quotas permettant de faire le suivi des permis, des droits de quotas et des transferts. Selon la BC Seafood Alliance, le ministère des Pêches et des Océans devrait « amorcer des discussions avec la province de la Colombie‑Britannique et l’industrie sur les informations dont il faudrait assurer le suivi et la façon de le faire[86] ».

Un tel registre fournirait de l’information sur les titulaires officiels et déclarés de quotas et de permis, mais il pourrait s’avérer difficile d’évaluer le contrôle réel des pêches. Comme Tasha Sutcliffe l’a indiqué, il peut y avoir des accords de fiducie privés qui demeurent souvent confidentiels entre les parties et qui permettent de cacher la propriété effective réelle[87].

Recommandation 4

Que, pour accroître la transparence des propriétaires de permis à quotas et des transactions, Pêches et Océans Canada crée et publie, dans un format facilement accessible et lisible, une base de données publique en ligne comprenant :

  • Le titulaire véritable de tous les quotas et permis de pêche en Colombie‑Britannique, incluant les pénalités associées à l’omission de divulguer avec précision le titulaire d’un quota et/ou d’un permis de pêche, et que Pêches et Océans Canada collabore avec Finances Canada pour atteindre cet objectif.
  • Que toutes les ventes ou locations de quotas et de permis soient déclarées et rendues publiques par Pêches et Océans Canada, y compris le vendeur, l’acheteur et le prix de vente/de location.

2.  Collecte de données socioéconomiques

Compte tenu des préoccupations économiques liées à la répartition des retombées décrites dans les sections précédentes et de la nécessité d’envisager une approche globale en matière de pêche durable qui tiendrait compte des retombées économiques régionales pour les collectivités côtières, des témoins ont insisté sur le fait que le ministère des Pêches et des Océans devait recueillir et analyser des données socioéconomiques. La BC Seafood Alliance a fait remarquer ce qui suit :

Le MPO est pratiquement incapable d’établir un profil de base des activités de pêche commerciale, car il ne dispose tout simplement pas de renseignements sur la situation socioéconomique actuelle de la pêche — la base du revenu, les coûts, l’emploi, l’empreinte communautaire/régionale, etc. Les profils les plus récents de la flotte sont désuets depuis plus d’une décennie et ne reflètent donc pas les nombreux changements survenus depuis. Sans données de base, le MPO ne peut évaluer l’incidence des politiques ou des activités, que ce soit les AMP [aires marines protégées], les listes en vertu de la LEP [espèces en péril] ou la politique de délivrance de permis[88].

Andrew Thompson a indiqué que le ministère des Pêches et des Océans rédige actuellement un rapport sur la viabilité économique et les conséquences sociales des diverses pêches du poisson de fond en Colombie‑Britannique[89]. Christina Burridge a toutefois exprimé des doutes quant à la capacité du ministère des Pêches et des Océans de mener cette étude parce qu’il « n'est plus obligatoire d'indiquer son lieu de résidence pour obtenir une carte d'inscription de pêcheur » et qu’il y a eu peu de collaboration entre le ministère des Pêches et des Océans et l’industrie concernant la collecte de données socioéconomiques.

Recommandation 5

Que Pêches et Océans Canada accorde la priorité à la collecte de données socioéconomiques pour les changements réglementaires passés et futurs et que le Ministère rende ces renseignements publics.

Recommandation 6

Que Pêches et Océans Canada procède à une analyse comparative de la réglementation régissant les pêches de la côte Est et les pêches de la côte Ouest dans le but de concevoir des politiques qui uniformiseraient les règles du jeu pour les pêcheurs indépendants de la Colombie‑Britannique.

LA VOIE DE L’AVENIR : PARTAGER LES RISQUES ET LES RETOMBÉES

 

Cailyn Siider a indiqué au Comité que les problèmes vécus par les pêcheurs actifs « n'existent pas indépendamment les uns des autres[90] ». Selon elle :

Les prix de location inabordables, la question des permis de pêche [ne pouvant pas être séparés], les restrictions concernant la longueur des bateaux, les processus de consultation problématiques, l'absence de cadre pour les plans de relève, la réduction de l'accès des collectivités à la pêche, les pertes socioéconomiques et culturelles attribuables à cet accès restreint, tous ces aspects sont des effets voulus ou non voulus de problèmes systémiques plus importants en jeu. Un système fondé sur la privatisation institutionnalisée n'est pas conçu pour profiter à la majorité de pêcheurs indépendants ou à leurs collectivités[91].

Rappelant son étude sur la longueur des bateaux et l’émission de permis pour la pêche commerciale dans le Canada atlantique[92], le Comité a indiqué qu’une fois de plus, il n’est pas convaincu du bien‑fondé d’imposer des restrictions sur la longueur des bateaux, tant aux pêcheurs de la côte Ouest qu’à ceux de la côte Est, compte tenu de la diversité des outils existants de gestion des prises. Comme l’a mentionné Rebecca Reid, en Colombie‑Britannique, « [d]ans le cas d’un permis de bateau, on peut seulement utiliser un permis si le bâtiment respecte les exigences en matière de longueur[93] ». Le Comité note également que Rebecca Reid a reconnu que le ministère des Pêches et des Océans n’avait pas été en mesure de favoriser la viabilité économique des pêcheurs de la côte Ouest. Voici ce qu’elle a indiqué :

[..] l'intention derrière les tentatives d'application de mesures pour contrôler l'effort de pêche et gérer la surcapitalisation, ou la capacité de pêcher que nous avons, au moyen de la réduction du nombre de permis, était de générer de la richesse et de faire en sorte que les pêcheurs qui restent en retirent plus d'argent. Dans les faits, nous avons constaté que ce ne sont pas les résultats obtenus[94].

Des pêcheurs actifs ont décrit au Comité leur vision d’un futur cadre de gestion des pêches qui garantirait la viabilité économique de leurs activités, ainsi que la répartition équitable de l’ensemble des retombées pour tous les participants. Pour reprendre les propos de Duncan Cameron :

Pour moi, l'avenir souhaité est clair comme de l'eau de roche: les permis de pêche doivent être entre les mains des pêcheurs; les entreprises de pêche doivent profiter aux collectivités et créer des emplois pour les constructeurs de bateaux, les soudeurs, les charpentiers, les épiciers, les poissonniers et les charpentiers; les membres des équipages doivent pouvoir faire des études universitaires; et les restaurants et plusieurs autres entreprises doivent également bénéficier des retombées. En plus des avantages économiques qui découleraient de tout cela, je veux de nouveau faire partie d'une collectivité où des pêcheurs font du bénévolat dans le cadre de programmes scolaires et de voyages, où ils sont des entraîneurs sportifs et où ils participent à des concours de cuisine pour des organismes de bienfaisance. Lorsque nous prenons soin de nos collectivités, celles-ci prennent soin de nous[95].

A.  Intégration des objectifs socioéconomiques aux politiques

Chris Sporer a indiqué que le ministère des Pêches et des Océans avait fait un excellent travail en matière de conservation, principalement grâce aux « objectifs de conservation explicite[96] ». En ce qui concerne les aspects socioéconomiques, cependant, « [n]ous n'avions pas d'objectifs explicites à atteindre quant aux aspects sociaux et économiques, alors nous les avons délaissés ». Dan Edwards a également souligné qu’il fallait intégrer des principes socioéconomiques aux politiques de gestion des pêches et aux Plans de gestion intégrée des pêches (PGIP) :

Si nous poursuivons sur la voie actuelle, si nous ne changeons rien, nous n'aurons pas d'autre génération de pêcheurs compétents pour assurer la relève. Qui voudrait devenir pêcheur lorsque cela signifie travailler aussi dur, dans des conditions souvent très difficiles, pour un salaire de crève-faim, sans espoir que les choses s'améliorent? Ce n'est pas parce que la pêche n'est pas lucrative; c'est parce qu'une si grande partie de la richesse est capturée par quelqu'un sur la terre ferme qui détient un bout de papier. Cet échec en matière de gestion découle de décennies de négligence du facteur socioéconomique dans l'équation des politiques[97].

B.  Accès aux capitaux

1.  Commissions des prêts aux pêcheurs

Les témoins ont proposé différents modèles opérationnels novateurs pouvant permettre d’améliorer à la fois la viabilité économique des activités de pêche et la durabilité des pêches.  Christina Burridge a souligné que la Colombie-Britannique est la « seule province au Canada qui n'a pas de commission de crédit provincial ». Elle a ajouté ce qui suit :

L'Alaska en a deux, en fait. La Nouvelle-Écosse offre des programmes destinés tout particulièrement aux jeunes pêcheurs. Si l'on souhaite se procurer un permis de pêche au homard à, je ne sais pas, 1 million de dollars, en Nouvelle-Écosse, et que l'on réunit la mise de fonds qui est de 5 %, on peut emprunter presque tout le reste de cette somme[98].

Richard Williams a souligné que la « Commission du prêt agricole canadienne fournit des subventions généreuses, du crédit abordable et une formation en gestion d'entreprise pour les jeunes afin qu'ils puissent acquérir des exploitations agricoles et de l'équipement[99] ». Cependant, Duncan Cameron a indiqué que même si le coût élevé des permis constitue un obstacle à l’entrée, le plus grand problème demeure le faible rendement des investissements :

Peu importe le niveau d'endettement qu'assument les pêcheurs, ces derniers doivent être en mesure de rembourser la dette qu'ils contractent.  Dans la plupart des cas, nous ne sommes pas en mesure de le faire puisque nous sommes en concurrence avec des transformateurs, des détenteurs d'un grand nombre de contingents et des pays étrangers ayant un seuil de rendement du capital investi beaucoup plus faible que celui des pêcheurs dont la seule source de revenus est la pêche[100].

Une commission des prêts facilitant l’achat de permis pourrait donc amplifier les problèmes financiers des pêcheurs si le rendement sur le capital investi ne s’améliore pas. Duncan Cameron a reconnu que si le rendement s’améliore pour les pêcheurs, une commission des prêts serait un « excellent outil ».

Recommandation 7

Que Pêches et Océans Canada entame des discussions avec la province de la Colombie‑Britannique afin d’explorer la possibilité de mettre en place un modèle de commission des prêts visant à soutenir les pêcheurs qui souhaitent acheter des permis et/ou des quotas, procéder à l’entretien ou à la modernisation de bateaux existants ou en acheter de nouveaux.

2.  Banques de quotas et de permis

Le concept de banque de permis a également été proposé par certains témoins. Selon James Lawson, une telle banque faciliterait l’accès des Premières Nations à la pêche commerciale[101]. Richard Williams a indiqué que les banques de permis à but non lucratif, contrôlées par des pêcheurs ou des commissions communautaires, peuvent acheter des droits d’accès sur le marché libre et les offrir à des taux de location abordables aux pêcheurs actifs et aux nouveaux entrants[102]. Evelyn Pinkerton a également mentionné l’exemple du Cape Cod Fisheries Trust au Massachusetts, qui loue des quotas à des pêches à petite échelle à 50 % du prix de location sur le marché[103].

Recommandation 8

Que Pêches et Océans Canada, en ce qui concerne les pêches commerciales sur la côte Ouest, offre des incitatifs financiers pour favoriser la possession de permis par des pêcheurs indépendants, plutôt que par des sociétés, par des propriétaires étrangers ou par des propriétaires absents. Il pourrait notamment s’agir d’incitatifs fiscaux, d’un programme de partage des risques et des retombées, et/ou de la création de banques communautaires de permis et de quotas.

Recommandation 9

Que Pêches et Océans Canada crée un programme de prêts et de mentorat pour aider les pêcheurs indépendants à faire leur entrée dans l’industrie.

3.  Coopératives

Dave Moore a également indiqué que les coopératives représentaient une solution possible pour accroître l’accès au capital pour les pêcheurs et pour améliorer la viabilité économique de leurs activités, tout en réduisant leur dépendance envers les entreprises de transformation. Il a donné l’exemple de la coopérative River Select :

Nous travaillons toujours avec les entreprises de pêche, mais la relation s'est transformée. Aujourd'hui, les coopératives travaillent avec ceux qui transforment le poisson pour ajouter de la valeur à leurs prises. Tous ces producteurs régionaux sont capables de retrouver l'origine du poisson jusqu'à son lieu de pêche. La traçabilité devient surtout une affaire de conservation régionale : l'histoire du lieu de pêche et l'intendance de celui-ci ainsi qu'un moyen de protéger les pêcheurs[104].

Recommandation 10

Que Pêches et Océans Canada travaille avec le gouvernement de la Colombie‑Britannique pour élaborer des stratégies afin de favoriser la transformation de poisson à valeur ajoutée en Colombie-Britannique et la récupération des retombées de la transformation dans les collectivités adjacentes.

C.  Modèles internationaux

Selon Jim McIsaac, la plupart des cadres pour la pêche durable conçus avant 2012 sont presque exclusivement axés sur la durabilité écologique et ne tiennent pas suffisamment compte de la dimension humaine de la durabilité[105]. Afin de favoriser une meilleure intégration des divers objectifs en matière de pêche durable, le Réseau canadien de recherche sur la pêche (RCRP) a comparé les principaux cadres de pêche durable dans le monde en 2018 et a proposé le cadre d’évaluation globale des pêches[106]. Ce cadre du RCRP comprend des éléments socioéconomiques comme la viabilité économique, les moyens de subsistance durables, la répartition de l’accès et des retombées, les retombées économiques régionales pour la collectivité et les collectivités durables[107].

Plusieurs politiques internationales sur les pêches intégrant des éléments socioéconomiques ont été proposées par des témoins comme modèles pour une réforme des politiques en Colombie-Britannique. Les politiques de l’Alaska sur les pêches sont celles qui ont le plus souvent été citées. Selon Modestus Nobels, pêcheur à la retraite :

[L’Alaska applique] une politique rigoureuse de propriétaire-exploitant et de séparation des flottilles, et sa structure de gestion des pêcheries est réellement axée sur les collectivités et fait participer les membres de la collectivité et les pêcheurs locaux. C'est grâce à cela, ainsi qu'aux pêcheurs de la région que cette pêcherie fait preuve d'une aussi bonne intendance. Les pêcheurs sont réellement attachés aux poissons et à l'environnement, et ils les connaissent très bien. On ne peut pas en dire autant pour la plupart des propriétaires absents qui œuvrent dans les systèmes de CIT[108].

Rachel Donkersloot de l’Alaska Marine Conservation Council était du même avis :

Qu'est-ce qui fonctionne en Alaska? La disposition sur le propriétaire à bord est peut-être l'élément le plus important et le plus appuyé dans le cadre des pêches relevant de l'État d'Alaska. Des dispositions réglementaires exigent que les permis de pêche à accès limité ne soient détenus que par des particuliers, plutôt que par des sociétés ou d'autres entités. La location de permis est interdite sauf dans des cas d'urgence de nature médicale ou autre[109].

Elle a également indiqué que l’Alaska avait mis plusieurs éléments en place pour protéger les pêcheurs indépendants : des plafonds quant au nombre de quotas qu’un bateau peut obtenir et qu’une personne peut détenir; des restrictions quant aux personnes qui peuvent obtenir un quota; et une interdiction de louer des permis et d’embaucher des capitaines. Une autre caractéristique de la pêche au flétan et à la morue en Alaska : les quotas sont divisés en catégories selon la longueur du bateau[110].

Rachel Donkersloot a aussi décrit au Comité plusieurs programmes mis en œuvre en Alaska qui ont eu une incidence positive sur la durabilité sociale, notamment :

  • des quotas réservés qui servent de porte d’entrée dans l’industrie;
  • des quotas pour le développement communautaire qui servent à promouvoir le développement économique régional par l’entremise d’investissements dans l’industrie locale, la propriété de bateaux de pêche hauturière, les infrastructures et l’éducation;
  • des incitatifs financiers et des programmes de prêts;
  • des programmes de sensibilisation et d’apprentissage.

La BC Seafood Alliance a souligné ce qui suit :

Les États-Unis s’apprêtent également à adopter la Young Fishermen’s Development Act (Loi sur le développement des jeunes pêcheurs) afin de créer un programme de subventions concurrentiel qui offrira des ressources tangibles aux jeunes générations d’Américains qui entrent et progressent dans l’industrie de la pêche[111].

Richard Williams a énuméré les solutions mises en œuvre dans d’autres administrations qui pourraient guider le ministère des Pêches et des Océans dans la mise en place d’un nouveau régime de permis à quotas sur la côte Ouest[112] :

  • En Europe, des commissions d’échange de permis ont été créées pour permettre l’achat et la vente des permis à des prix réglementés en fonction d’une juste valeur du marché au sein d’un contexte de séparation des flottilles et de propriétaires-exploitants.
  • Des processus d’enchères inversées ont été utilisées dans certaines administrations pour mettre sur pied des transferts de permis sans alimenter l’inflation des prix. Plus de 10 % des permis de pêche au homard au Nouveau‑Brunswick ont été retirés sur une période de cinq ou six ans lorsque l’Union des pêcheurs des Maritimes a invité les propriétaires-exploitants à présenter des soumissions sur leurs prix de vente, pour ensuite accepter les soumissions les plus basses.
  • Les programmes de garantie de prêts et d’autres services financiers permettent aux nouveaux pêcheurs entrants d’avoir accès à des capitaux abordables. Des organisations gouvernementales locales et des organisations de l'industrie dans le Maine, en Alaska, en Islande et en Norvège rendent disponibles, sans frais, de petites attributions de quotas ou de casiers à homards afin de permettre à des jeunes de se lancer dans le secteur des pêches.

En outre, Rachel Donkersloot a parlé du programme de recrutement de la Norvège, qui « permet aux pêcheurs âgés de moins de 30 ans de demander un quota de recrutement sans frais. Le quota de recrutement ne peut pas être vendu et facilite l'entrée dans le secteur fermé de la pêche en Norvège[113]. »

Evelyn Pinkerton a renseigné le Comité sur le modèle d’octroi de permis pour la pêche au homard dans l’État du Maine. Le permis de pêche au homard est « loué par l'État du Maine aux pêcheurs. Lorsqu'un pêcheur prend sa retraite, le permis retourne à l'État. Ensuite, l'État l'élimine, s'il pense qu'un trop grand nombre de permis ont été délivrés, ou bien il l'attribue à une autre personne en attente d'un permis[114]. »

Recommandation 11

Que Pêches et Océans Canada, en ce qui concerne les pêches commerciales sur la côte Ouest, mette en place un processus ouvert d’enchères publiques pour permettre aux pêcheurs de louer des permis et des quotas.

Recommandation 12

Que Pêches et Océans Canada, en ce qui concerne les pêches commerciales sur la côte Ouest, crée une commission d’échange de permis pour permettre l’échange de permis entre les titulaires.

D.  La transition vers un nouveau cadre

La plupart des témoins qui ont comparu devant le Comité ont recommandé un plan de transition pour passer des actuelles politiques qui régissent les permis à quotas à un cadre de gestion qui améliorerait la viabilité économique des activités de pêche, qui se traduirait par une meilleure répartition des retombées économiques et qui permettrait d’assurer la pérennité des pêches et des collectivités côtières. La majorité des témoins soutenaient la mise en place de politiques de propriétaire-exploitant et de séparation des flottilles à la fin de la période de transition, mais le Comité souligne que d’autres témoins, comme la BC Seafood Alliance et Robert Morley[115], n’appuyaient pas de telles mesures. La BC Seafood Alliance a toutefois reconnu que « le MPO doit trouver un équilibre en utilisant des approches qui tiennent compte des conséquences socioéconomiques tout en complétant les mesures efficaces de conservation et écologiques déjà en place[116] ».

1.  Consultation

Plusieurs comités et sous-comités consultatifs ont été mis sur pied pour prodiguer des conseils sur la gestion des pêches au ministère des Pêches et des Océans. Dans les pêches du poisson de fond, par exemple, ces organes consultatifs comprennent le Conseil consultatif du flétan, le Conseil consultatif sur le poisson de fond pêché au chalut, le Comité consultatif de la pêche à la morue charbonnière, le sous-comité sur les poissons pêchés à la ligne et à l’hameçon, le caucus industriel des pêcheurs de poissons des mers et le Conseil consultatif intégré sur le poisson de fond. Selon Joy Thorkelson, toutefois, le point de vue des pêcheurs actifs n’est pas assez entendu parce que « le ministère des Pêches et des Océans de la région du Pacifique mène des consultations auprès de moins en moins de pêcheurs actifs. Il consulte les détenteurs de contingents et de permis qui sont, de plus en plus souvent, des personnes qui ne participent pas aux activités de pêche[117]. »

Fraser MacDonald a ajouté ceci :

Je pense que, en général, on ne peut participer à ces conseils en tant que membre votant que si l'on détient un permis. La grande majorité des pêcheurs actifs sur nos côtes sont des skippers embauchés par les propriétaires des bateaux, ou bien des gens comme moi, qui ont un bateau, mais qui louent leur permis. Pour avoir une voix au sein des conseils consultatifs, il faut détenir un permis. C'est le seul moyen de devenir membre[118].

Recommandation 13

Que Pêches et Océans Canada revoie la composition des comités consultatifs pour garantir une représentation équitable des pêcheurs, des transformateurs et des titulaires de quotas.

Recommandation 14

Que Pêches et Océans Canada élabore un nouveau cadre stratégique par l’entremise d’un processus de mobilisation authentique et transparent avec l’ensemble des intervenants clés :

  • des pêcheurs actifs (ou, lorsqu’elles existent, les organisations qui les représentent) dans toutes les pêches et flottilles, ce qui comprend les propriétaires-exploitants, les exploitants qui ne sont pas propriétaires et les membres d’équipage;
  • des pêcheurs commerciaux des Premières Nations (ou, lorsqu’elles existent, les organisations qui les représentent);
  • les organisations représentant les titulaires de permis et de quotas qui ne sont pas des pêcheurs actifs, ce qui comprend les entreprises de transformation du poisson;
  • les organisations qui représentent les Premières Nations détenant des permis et des quotas pour des pêches commerciales;
  • le ministre responsable des pêches au gouvernement de la Colombie‑Britannique;
  • des experts de la politique sur les pêches provenant d’institutions universitaires et d’organisations non gouvernementales;
  • des représentants de gouvernements municipaux et d’organismes s’occupant du développement économique, de la santé et de la culture dans les collectivités côtières.

2.  Une solution conçue en Colombie-Britannique

Christina Burridge a fait remarquer que « toute nouvelle mesure de gestion ayant une incidence sur la répartition des bénéfices et des risques associés aux pêches doit être élaborée en collaboration avec les intervenants du milieu de la pêche commerciale de la Colombie‑Britannique de façon à garantir qu'elle ne nuira pas à la conservation et à la stabilité économique[119] ». Fraser MacDonald a reconnu que les permis à quotas représentaient actuellement des revenus de retraite et des actifs d’investissement importants pour de nombreux titulaires de quotas. Il a également indiqué ce qui suit :

Sur le long terme, il nous faut trouver un terrain d'entente et dresser une vision pour les 10 prochaines années pour ensuite élaborer et mettre en œuvre des politiques réfléchies nous permettant de la réaliser. J'entrevois pour l'avenir de la Colombie-Britannique un secteur viable de la pêche composé de pêcheurs et de transformateurs de poisson. Il y aurait lieu de dresser les futurs échéanciers de manière à laisser le temps aux investisseurs et aux pêcheurs en voie de partir à la retraite de vendre leurs actifs et s'assurer une retraite digne[120].

Selon Peter de Greef, comme chaque pêche présente ses propres particularités, une « solution conçue en Colombie-Britannique, élaborée par les parties intéressées de l'industrie par l'entremise de nos processus consultatifs et comportant des objectifs socioéconomiques précis est la meilleure façon de procéder. Chaque pêche comporte ses propres défis, alors il est préférable de continuer de consulter chacune individuellement[121]. »

3.  Vers un partage équitable des risques et des retombées

Les témoins ont décrit au Comité différentes versions d’un plan de transition idéal vers un régime de permis à quotas plus équitable, mais leurs plans avaient plusieurs points en commun :

  • un plan précis pour chaque pêche élaboré en partenariat avec le ministère des Pêches et des Océans, les Premières Nations, les titulaires de permis à quotas, les entreprises de transformation et les pêcheurs actifs;
  • une vision de l’avenir de chaque pêche après la période de transition;
  • des ententes exécutoires de « juste part » reposant sur les pourcentages de parts après dépenses doivent être mises en place entre les pêcheurs actifs et les titulaires de permis à quotas pendant la période de transition;
  • un registre public et transparent des titulaires de permis à quotas permettant d’évaluer la situation socioéconomique de chaque pêche;
  • des échéanciers pour l’atteinte de chaque objectif du plan de transition d’une pêche, ainsi que des rapports d’étape annuels.

Richard Williams a recommandé que l’échéancier pour passer à un nouveau régime de permis à quotas s’inspire de ce que la PIFPCAC a fait. Il a indiqué que la PIFPCAC « a établi une échéance ferme après sept ans; après ce délai, tous les permis devaient se retrouver entre les mains des propriétaires-exploitants actifs. Cela visait à fournir assez de temps à la plupart des détenteurs d'accords de fiducie pour qu'ils puissent s'en départir sans subir de grandes pertes financières[122]. »

Recommandation 15

Que le ministre des Pêches et des Océans, en ce qui concerne les pêches commerciales sur la côte Ouest, crée une commission indépendante chargée :

  • D’élaborer un concept pour mettre en place un système de « juste part » permettant de répartir équitablement les recettes tirées de la pêche d’espèces individuelles entre le titulaire de quotas/de permis, le transformateur et le pêcheur, en se basant sur le prix de vente moyen obtenu par le transformateur sur une période de trois mois.
  • De collaborer avec Pêches et Océans Canada afin d’explorer la possibilité de fixer des limites quant à la quantité de quotas ou de permis pour une espèce donnée qui peuvent être détenus par un individu ou une entité donnée et de s’assurer que de vastes consultations sont menées.
  • De concevoir une politique de rachat auprès des pêcheurs qui cherchent à quitter l’industrie et d’accorder la priorité aux nouveaux pêcheurs et aux pêcheurs indépendants pour la vente de quotas et de permis, par l’entremise d’un programme pour étudiants/de mentorat/d’apprentissage, comme cela a été fait avec succès dans d’autres régions du pays et dans d’autres administrations (Maine, Alaska, Norvège) qui ont témoigné devant le Comité.
  • De préparer un concept, par l’entremise de vastes consultations, pouvant permettre aux pêches de la côte Ouest de passer à un modèle propriétaire‑exploitant « conçu en Colombie-Britannique ».

Recommandation 16

Qu’un groupe de travail présidé par un haut fonctionnaire de l’administration centrale nationale de Pêches et Océans Canada et composé de représentants de l’administration centrale nationale et de la région du Pacifique s’occupe de l’élaboration du nouveau cadre stratégique.

Recommandation 17

Que le ministre des Pêches et des Océans ordonne au Ministère d’élaborer un cadre de mise en œuvre pour la transition, assortis d’échéanciers et d’approches progressives semblables à ceux de la politique sur la préservation de l’indépendance de la flottille de pêche côtière dans l’Atlantique canadien, mais qui conviennent à des flottilles et/ou à des pêches particulières.

Recommandation 18

Que les stratégies de transition tiennent compte des recommandations, des besoins, des droits et des capacités des Premières Nations, ainsi que du cadre de réconciliation.

Recommandation 19

Que le ministre des Pêches et des Océans prenne des mesures immédiates pour réglementer les coûts de location des permis à quotas afin de permettre un bon rendement pour les propriétaires de bateaux et des revenus adéquats pour les pêcheurs pendant la période de transition au modèle propriétaire-exploitant. De telles mesures devraient se poursuivre après la période de transition pour s’assurer que les membres d’équipage touchent un salaire juste dans le cadre du nouveau régime.

Recommandation 20

Que Pêches et Océans Canada élabore un plan pour mettre en œuvre son régime de gestion des pêches, qui compte cinq objectifs, notamment des résultats en matière de conservation; le respect des obligations juridiques; la promotion de la stabilité et de la viabilité économique des activités de pêche; le soutien de la répartition équitable des retombées; et la facilitation de la collecte des données nécessaires à des fins d'administration, d'application des lois et de planification.

CONCLUSION

 

Les témoins ont décrit les défis urgents qui nuisent au rendement des pêches commerciales sur la côte Ouest. Ces défis sont notamment les suivants : la répartition inégale des risques et des retombées; les problèmes d’accès pour les nouveaux venus dans l’industrie; et le manque de disponibilité et de transparence concernant la propriété des permis à quotas et les données socioéconomiques.

Tout au long de l’étude, le Comité a été frappé par la solide volonté des pêcheurs, particulièrement des jeunes pêcheurs, de poursuivre leur carrière et les traditions familiales, et de contribuer à bâtir des collectivités côtières dynamiques sur le plan économique, social et culturel, et ce, malgré les nombreux obstacles auxquels l’industrie est confrontée. Le Comité tient à souligner leur profond engagement envers les pêches et les collectivités côtières du Canada.

Du point de vue écologique, les pêches de la côte Ouest semblent atteindre les objectifs du ministère des Pêches et des Océans. Le Comité estime toutefois que le ministère des Pêches et des Océans n’a pas pleinement atteint les cinq objectifs de son cadre de gestion des pêches, particulièrement en ce qui concerne la répartition équitable des retombées, la viabilité économique des activités de pêche, et la collecte et l’analyse de données. Le Comité estime que les pêches commerciales sur la côte Ouest ne répondent pas aux attentes et accusent un retard par rapport aux pêches de la côte Est et par rapport à d’autres pêches dans le monde en ce qui concerne les avantages que les pêcheurs actifs et les collectivités côtières en tirent. Selon le Comité, on devrait évaluer la vitalité d’une pêche en examinant ses retombées économiques et communautaires, au même titre que sa santé écologique.

Comme le statu quo n’est pas viable économiquement et socialement, le Comité exhorte le ministère des Pêches et des Océans à faciliter, à favoriser et à mettre en œuvre les initiatives de changement locales, pour chaque pêche, qui ont su rallier la majorité des participants à cette pêche. Le Comité est convaincu qu’une transition réussie vers un régime de permis à quotas plus équitable doit passer par une solution « conçue en Colombie-Britannique » et doit être appuyée par l’ensemble des intervenants, y compris les propriétaires de bateaux/titulaires de permis, les pêcheurs actifs, les transformateurs et les collectivités côtières autochtones et non autochtones.


[1]              Projet de loi C-68, Loi modifiant la Loi sur les pêches et d’autres lois en conséquence, 1re session, 42e législature.

[2]              Daniele Lafrance et Thai Nguyen, Résumé législatif du projet de loi C-68 : Loi modifiant la Loi sur les pêches et d’autres lois en conséquence, Bibliothèque du Parlement, 19 juin 2018.

[3]              Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes, Projet de loi C-68, Loi modifiant la Loi sur les pêches et d’autres lois en conséquence, 1re session, 42e législature.

[4]              Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes, Procès-verbal, 5 juin 2018.

[5]              Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes, Réglementation des pêches sur la côte Ouest, 1re session, 42e législature.

[6]              Loi sur les pêches, L.R.C., 1985, ch. F-14.

[7]              Règlement de pêche du Pacifique, 1993, DORS/93-54.

[8]              Elson v. Canada (Attorney General), 2019 FCA 27. [en anglais seulement]

[9]              Ministère des Pêches et des Océans, « Emplois liés à la pêche par industrie et par province, 2014-2016 », Pêche et l'économie canadienne.

[12]            G.S. Gislason & Associates Ltd., The BC Fishing Industry – Labour market Information, produit pour la BC Seafood Alliance, janvier 2013. [en anglais seulement]

[13]            Ministère des Pêches et des Océans, « Statistiques sur la flottille de pêche du pacifique, 1985 - 2017, d’après la longueur hors tout », Info Embarcations.

[14]            Rebecca Reid, directrice régionale, région pacifique, ministère des Pêches et des Océans, Témoignages, 30 janvier 2019.

[15]            Conseil canadien des pêcheurs professionnels, « Étude d’information sur le marché du travail dans le secteur des pêches – Consultations en Colombie‑Britannique », Mémoire, février 2019.

[16]            J.R. Beddington, D.J. Agnew et C.W. Clark, « Current Problems in the Management of Marine Fisheries », Science, vol. 316, no 5832, 22 juin 2007. [en anglais seulement]

[18]            E. Pinkerton et coll., « Atlantic and Pacific halibut co-management initiatives by Canadian fishermen’s organizations », Fish and Fisheries, vol. 19, no 6, 15 août 2018. [en anglais seulement]

[19]            R. Sumaila, « How to Make Individual Transferable Quotas Work Economically, Socially, and Environmentally », Oxford Research Encyclopedia of Environmental Science, novembre 2018. [en anglais seulement]

[20]            E. Pinkerton et D.N. Edwards, « The elephant in the room: The hidden costs of leasing individual transferrable fishing quotas », Marine Policy, vol. 33, no 4, 2009. [en anglais seulement]

[21]            G.R. Munro et coll., « Impacts des droits de récolte dans les pêcheries canadiennes du Pacifique », Série analyses statistiques et économiques – Analyse économique, nos 1-3, ministère des Pêches et des Océans, 2009.

[22]            G.R. Munro et coll., « Impacts des droits de récolte dans les pêcheries canadiennes du Pacifique », Série analyses statistiques et économiques – Analyse économique, nos 1-3, ministère des Pêches et des Océans, 2009.

[23]            G.R. Munro et coll., « Impacts des droits de récolte dans les pêcheries canadiennes du Pacifique », Série analyses statistiques et économiques – Analyse économique, nos 1-3, ministère des Pêches et des Océans, 2009.

[24]            R. Sumaila, « How to Make Individual Transferable Quotas Work Economically, Socially, and Environmentally », Oxford Research Encyclopedia of Environmental Science, novembre 2018. [en anglais seulement]

[25]            B. Turris, « A rejoinder to E. Prinkerton et al., the elephant in the room: The hidden costs of leasing individual transferable fishing quotas », Marine Policy, vol. 34, no 3, mai 2010. [en anglais seulement]

[26]            G.S. Gislason & Associates Ltd., Employment Impacts of ITQ Fisheries in Pacific Canada, produit pour le ministère des Pêches et des Océans, mars 2008. [en anglais seulement]

[27]            G.S. Gislason & Associates Ltd., Employment Impacts of ITQ Fisheries in Pacific Canada, produit pour le ministère des Pêches et des Océans, mars 2008. [en anglais seulement]

[31]            Bureau du vérificateur général du Canada, « Une étude de la gestion des pêches pour en assurer la durabilité », chapitre 4, Rapport du commissaire à l’environnement et au développement durable, décembre 2011.

[33]            Chambre des communes, Pour des océans en bonne santé et des collectivités côtières dynamiques : renforcement du processus de création des zones de protection marine en vertu de la Loi sur les océans, rapport 14 du Comité permanent des pêches et des océans, 1re session, 42e législature, 11 juin 2018.

[34]            Robert L. Stephenson et coll., « Integrating diverse objectives for sustainable fisheries in Canada », Canadian Journal of Fisheries and Aquatic Sciences, 30 mai 2018. [en anglais seulement]

[35]            Chambre des communes, Comité permanent des pêches et des océans, Rapport : La côte Ouest, 1re session, 36e législature, octobre 1998.

[36]            Sénat, Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, La privatisation et les permis à quotas dans les pêches canadiennes, 1re session, 36e législature, décembre 1998.

[37]            Sénat, Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, Nouveau cadre stratégique en évolution du Canada pour la gestion des pêches et des océans, 1re session, 38e législature, mai 2005.

[38]            Rebecca Reid, directrice régionale, région pacifique, ministère des Pêches et des Océans, Témoignages, 30 janvier 2019.

[39]            Rebecca Reid, directrice régionale, région pacifique, ministère des Pêches et des Océans, Témoignages, 30 janvier 2019.

[40]            Rebecca Reid, directrice régionale, région pacifique, ministère des Pêches et des Océans, Témoignages, 30 janvier 2019.

[41]            Rebecca Reid, directrice régionale, région pacifique, ministère des Pêches et des Océans, Témoignages, 30 janvier 2019.

[42]            Richard Williams, directeur de recherche, Conseil canadien des pêcheurs professionnels, Mémoire, 20 février 2019.

[43]            Richard Williams, directeur de recherche, Conseil canadien des pêcheurs professionnels, Mémoire, 20 février 2019.

[44]            Rebecca Reid, directrice régionale, région pacifique, ministère des Pêches et des Océans, Témoignages, 30 janvier 2019.

[45]            Christina Burridge, directrice exécutive, BC Seafood Alliance, Témoignages, 4 février 2019.

[46]            Dan Edwards, pêcheur, Témoignages, 5 février 2019.

[47]            Duncan Cameron, pêcheur, Témoignages, 5 février 2019.

[48]            Ministère des Pêches et des Océans, Rapport d'évaluation de l'Initiative des pêches commerciales intégrées du Pacifique (IPCIP), mars 2016.

[49]            Rebecca Reid, directrice régionale, région pacifique, ministère des Pêches et des Océans, Témoignages, 30 janvier 2019.

[50]            Chef Christopher Cook Jr., pêcheur, tribu Nimpkish, nation Kwakwaka’wakw, Témoignages, 4 février 2019.

[51]            James Lawson, pêcheur, Témoignages, 6 février 2019.

[52]            Arthur Black Sr., propriétaire, Marlson Industries Ltd., Témoignages, 6 février 2019.

[53]            Fraser MacDonald, pêcheur, Mémoire, 28 février 2019.

[54]            Evelyn Pinkerton, professeure, École de gestion des ressources et de l'environnement, Université Simon Fraser, Témoignages, 20 février 2019.

[55]            Evelyn Pinkerton, professeure, École de gestion des ressources et de l'environnement, Université Simon Fraser, Témoignages, 20 février 2019.

[56]            Rebecca Reid, directrice régionale, région pacifique, ministère des Pêches et des Océans, Témoignages, 30 janvier 2019.

[57]            Jennifer Silver, professeure associée, Université de Guelph, à titre personnel, Témoignages, 5 février 2019.

[58]            Fraser MacDonald, pêcheur, Mémoire, 28 février 2019.

[59]            Fraser MacDonald, pêcheur, Témoignages, 5 février 2019.

[60]            Dan Edwards, pêcheur, Témoignages, 5 février 2019.

[61]            Jennifer Silver, professeure associée, Université de Guelph, à titre personnel, Témoignages, 5 février 2019.

[62]            Tasha Sutcliffe, vice-présidente, Programmes, Ecotrust Canada, Témoignages, 20 février 2019.

[63]            Andrew Thomson, directeur régional, Gestion des pêches, ministère des Pêches et des Océans, Témoignages, 30 janvier 2019.

[64]            Tasha Sutcliffe, vice-présidente, Programmes, Ecotrust Canada, Témoignages, 20 février 2019.

[65]            Jim McIsaac, pêcheur, Témoignages, 20 février 2019.

[66]            Tasha Sutcliffe, vice-présidente, Programmes, Ecotrust Canada, Témoignages, 20 février 2019.

[67]            Jennifer Silver, professeure associée, Université de Guelph, à titre personnel, Témoignages, 5 février 2019.

[68]            David Boyes, pêcheur, Mémoire, 15 février 2019.

[69]            Fraser MacDonald, pêcheur, Mémoire, 28 février 2019.

[70]            John Nishidate, directeur général, Grand Hale Marine Products Co., Ltd., Témoignages, 4 février 2019.

[71]            John Nishidate, directeur général, Grand Hale Marine Products Co., Ltd., Témoignages, 4 février 2019.

[72]            Fraser MacDonald, pêcheur, Témoignages, 5 février 2019.

[73]            John Nishidate, directeur général, Grand Hale Marine Products Co., Ltd., Témoignages, 4 février 2019.

[74]            Tasha Sutcliffe, vice-présidente, Programmes, Ecotrust Canada, Témoignages, 20 février 2019.

[75]            Rebecca Reid, directrice régionale, région pacifique, ministère des Pêches et des Océans, Témoignages, 30 janvier 2019.

[76]            David MacKay, pêcheur, Témoignages, 5 février 2019.

[77]            Joy Thorkelson, présidente, United Fishermen and Allied Workers' Union – Unifor, Témoignages, 5 février 2019.

[78]            Ross Antilla, pêcheur, Témoignages, 5 février 2019.

[79]            Fraser MacDonald, pêcheur, Témoignages, 5 février 2019.

[80]            Fraser MacDonald, pêcheur, Témoignages, 5 février 2019.

[81]            Melanie Sonnenberg, présidente, Fédération des pêcheurs indépendants du Canada, Témoignages, 6 février 2019.

[82]            Joy Thorkelson, présidente, United Fishermen and Allied Workers' Union – Unifor, Témoignages, 5 février 2019.

[83]            Carl Allen, pêcheur, Témoignages, 6 février 2019.

[84]            Carl Allen, pêcheur, Témoignages, 6 février 2019.

[85]            Analisa Blake, gestionnaire de projet, Santé publique, Vancouver Island Health Authority, Mémoire, 20 février 2019. [en anglais seulement, traduction]

[86]            BC Seafood Alliance, Mémoire, 4 février 2019.

[87]            Tasha Sutcliffe, vice-présidente, Programmes, Ecotrust Canada, Témoignages, 20 février 2019.

[88]            BC Seafood Alliance, Mémoire, 4 février 2019.

[89]            Andrew Thomson, directeur régional, Gestion des pêches, ministère des Pêches et des Océans, Témoignages, 30 janvier 2019.

[90]            Cailyn Siider, pêcheuse, Témoignages, 20 février 2019.

[91]            Cailyn Siider, pêcheuse, Témoignages, 20 février 2019.

[92]            Chambre des communes, Comité permanent des pêches et des océans, Rapport sur les critères régissant la longueur et la délivrance de permis des navires commerciaux au Canada atlantique – viser des critères équitables pour les pêcheurs de tout le Canada atlantique, rapport 16, 1re session, 42e législature, juin 2018.

[93]            Rebecca Reid, directrice régionale, region pacifique, ministère des Pêches et des Océans, Témoignages, 30 janvier 2019.

[94]            Rebecca Reid, directrice régionale, région pacifique, ministère des Pêches et des Océans, Témoignages, 30 janvier 2019.

[95]            Duncan Cameron, pêcheur, Témoignages, 5 février 2019.

[96]            Chris Sporer, directeur exécutif, Pacific Halibut Management Association, Témoignages, 4 février 2019.

[97]            Dan Edwards, pêcheur, Témoignages, 5 février 2019.

[98]            Christina Burridge, directrice exécutive, BC Seafood Alliance, Témoignages, 4 février 2019.

[99]            Richard Williams, directeur de recherche, Conseil canadien des pêcheurs professionnels, Témoignages, 20 février 2019.

[100]          Duncan Cameron, pêcheur, Témoignages, 5 février 2019.

[101]          James Lawson, pêcheur, Témoignages, 6 février 2019.

[102]          Richard Williams, directeur de recherche, Conseil canadien des pêcheurs professionnels, Témoignages, 20 février 2019.

[103]          Evelyn Pinkerton, professeure, École de gestion des ressources et de l’environnement, Simon Fraser University, Témoignages, 20 février 2019.

[104]          Dave Moore, pêcheur, Témoignages, 6 février 2019.

[105]          Jim McIsaac, à titre personnel, Témoignages, 20 février 2019.

[106]          Réseau canadien de recherche sur la pêche, À propos du réseau.

[107]          Robert L. Stephenson et al., « Evaluating and Implementing Social-Ecological Systems: A Comprehensive Approach to Sustainable Fisheries », Fish and Fisheries, vol. 19, no 5, 26 avril 2018.

[108]          Modestus Nobels, pêcheur, Témoignages, 5 février 2019.

[109]          Rachel Donkersloot, directrice, Programme de secteurs riverains florissants, Alaska Marine Conservation Council, Témoignages, 30 janvier 2019.

[110]          Rachel Donkersloot, directrice, Programme de secteurs riverains florissants, Alaska Marine Conservation Council, Témoignages, 30 janvier 2019.

[111]          BC Seafood Alliance, Mémoire, 4 février 2019.

[112]          Richard Williams, directeur de recherche, Conseil canadien des pêcheurs professionnels, Témoignages, 20 février 2019.

[113]          Rachel Donkersloot, directrice, Programme des secteurs riverains florissants, Alaska Marine Conservation Council, Témoignages, 30 janvier 2019.

[114]          Evelyn Pinkerton, professeure, École de gestion des ressources et de l’environnement, Simon Fraser University, Témoignages, 20 février 2019.

[115]          Robert Morley, Mémoire, 7 mars 2019.

[116]          BC Seafood Alliance, Mémoire, 4 février 2019.

[117]          Joy Thorkelson, présidente, United Fishermen and Allied Workers' Union – Unifor, Témoignages, 5 février 2019.

[118]          Fraser MacDonald, pêcheur, Témoignages, 5 février 2019.

[119]          Christina Burridge, directrice exécutive, BC Seafood Alliance, Témoignages, 4 février 2019.

[120]          Fraser MacDonald, pêcheur, Témoignages, 5 février 2019.

[121]          Peter de Greef, pêcheur, Témoignages, 5 février 2019.

[122]          Richard Williams, directeur de recherche, Conseil canadien des pêcheurs professionnels, Témoignages, 20 février 2019.