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HESA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la santé


NUMÉRO 067 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 14 septembre 2017

[Enregistrement électronique]

(0835)

[Traduction]

    Je constate qu'il y a quorum et je déclare donc la séance ouverte. Il s'agit de la 67e réunion du Comité permanent de la santé. Nous réalisons notre étude sur le projet de loi C-45 au sujet du cannabis. Aujourd'hui, avec notre groupe de témoins, nous nous intéresserons à la prévention, au traitement et à la consommation à faible risque.
    Je souhaite la bienvenue à tous nos invités, qui participent, soit par vidéoconférence, soit en personne.
    À titre personnel, nous accueillons aujourd'hui Michael DeVillaer, professeur adjoint et analyste des politiques à l'Université McMaster ainsi que, par vidéoconférence, Mark Kleiman, professeur de politique publique au Marron Institute of Urban Management de l'Université de New York.
    Bienvenue.
    Nous accueillons aussi Mme Lynda Balneaves, infirmière autorisée et chercheuse sur le cannabis médical et non médical, et Karey Shuhendler, conseillère en politiques, Politiques, représentation et planification stratégique, de l'Association des infirmières et infirmiers du Canada, le Dr Serge Melanson, par vidéoconférence, de la Société médicale du Nouveau-Brunswick, et, par vidéoconférence, de Halifax, depuis Moncton le Dr Robert Strang, médecin hygiéniste en chef du ministère de la Santé et du Mieux-être de la Nouvelle-Écosse.
    Merci beaucoup. Nous allons commencer par des déclarations préliminaires de 10 minutes de chaque organisation; nous passerons aux questions des membres du Comité.
    Nous allons commencer par l'Association des infirmières et infirmiers du Canada, Mme Balneaves.
    Madame Shuhendler.
    Bonjour, monsieur le président, et bonjour aux membres du Comité. Je m'appelle Karey Shuhendler. Je suis infirmière autorisée et conseillère en politiques pour l'Association des infirmières et infirmiers du Canada, l'organisation professionnelle nationale représentant plus de 139 000 infirmières et infirmiers autorisés et infirmières et infirmiers praticiens.
    Je suis heureuse d'être ici aujourd'hui en compagnie de Mme Lynda Balneaves, infirmière autorisée et chercheuse sur le cannabis médical et non médical, qui pourra répondre à vos questions de nature plus technique.
    Mme Balneaves occupe actuellement le poste de professeure agrégée à la Rady Faculty of Health Sciences de l'école des soins infirmiers de l'Université du Manitoba. Elle est aussi chef de file des soins infirmiers dans les domaines de la prise de décisions communes en matière de traitement et des soins de santé complémentaires et intégrés. Elle a produit des articles et présenté des exposés sur des sujets liés au transfert des connaissances, à l'oncologie intégrative, à la prise de décisions en matière de traitement et au cannabis consommé à des fins thérapeutiques ou non thérapeutiques.
    D'entrée de jeu, je tiens à remercier le Comité d'étudier cet important enjeu et d'avoir invité l'AIIC à formuler ses recommandations. La légalisation du cannabis consommé à des fins non thérapeutiques aura une incidence sur la santé publique et, par conséquent, il faut adopter une approche préventive pour réduire les risques liés à la santé et les préjudices sociaux associés à la consommation de cannabis. L'AIIC se réjouit des travaux du gouvernement fédéral pour présenter le projet de loi C-45, qui encadrera le processus de légalisation et de réglementation ainsi que les restrictions en matière d'accès au cannabis consommé à des fins non thérapeutiques. L'AIIC soutient l'adoption du projet de loi et croit que la légalisation est une excellente option pour s'attaquer aux préjudices associés au cannabis.
    L'AIIC a récemment réalisé un sondage national auprès des infirmières et des infirmiers pour évaluer l'état de préparation à la légalisation, cerner les lacunes en matière de connaissances et les ressources nécessaires et obtenir des commentaires sur les articles du projet de loi C-45 qui sont liés à la portée des travaux de l'AIIC.
    Même si le sondage réalisé sur deux mois est encore accessible jusqu'à demain, les résultats préliminaires indiquent que la majeure partie des répondants du corps infirmier sont favorables à la décision du gouvernement de légaliser le cannabis et estiment que l'accent devrait être mis sur la prévention de l'accès et la prévention des préjudices connexes pour les jeunes grâce à une diversité de mécanismes, y compris des considérations liées à l'emballage, l'étiquetage, l'affichage, la promotion et la vente du cannabis et des accessoires connexes. La légalisation peut permettre la réglementation de la qualité, des doses et de la puissance, tout en réduisant au minimum les préjudices sociaux ainsi que les coûts de l'interdiction. De plus, la légalisation peut améliorer l'accès, ce qui permettra d'effectuer des recherches sur les éventuels préjudices et avantages médicaux du cannabis.
    En examinant le projet de loi, l'AIIC a été heureuse de constater l'approche modérée en matière de santé publique adoptée relativement à l'enjeu complexe qu'est la légalisation du cannabis. Dans sa version actuelle, le projet de loi C-45 favorise l'élimination des préjudices associés au modèle d'interdiction, tout en reconnaissant le besoin de protéger les populations vulnérables, y compris les jeunes. L'AIIC a formulé quatre recommandations d'amendement au projet de loi. Elles figurent toutes dans notre mémoire. Nous encourageons le Comité à inclure l'ensemble des recommandations de l'AIIC dans son rapport final, y compris celles liées à la vente et à la promotion du cannabis et des accessoires connexes ainsi que les considérations concernant la promotion et la consommation associée à l'alcool.
    Il ne faut pas traiter le cannabis de la même façon que l'alcool. Les préjudices liés à la consommation d'alcool et la politique actuelle en matière d'alcool peuvent parfois être banalisés, et cette politique ne devrait pas nécessairement servir de modèle pour la politique sur le cannabis simplement en raison du fait qu'elle existe déjà. De plus, le cannabis est différent dans la mesure où il est associé à des indications thérapeutiques et qu'il y a des formulations particulières utilisées à des fins thérapeutiques. Par conséquent, l'accès au cannabis thérapeutique ne doit pas être oublié dans le cadre du processus de légalisation. Même si ces autres recommandations ne sont pas au coeur de notre exposé d'aujourd'hui, nous serons heureuses de répondre à toutes vos questions sur l'ensemble des recommandations formulées dans notre mémoire.
    Ce matin, nous voulons mettre l'accent sur deux de nos quatre recommandations, notamment celles liées aux sanctions pénales à l'endroit des jeunes et à l'adoption d'une approche de santé publique globale dans le cadre de la légalisation du cannabis consommé à des fins non thérapeutiques.
    Notre première recommandation, qui concerne les sanctions pénales à l'endroit des jeunes, est liée précisément à l'article 8 et aux paragraphes connexes. Ces dispositions indiquent qu'un jeune, âgé de 12 à 18 ans, trouvé en possession d'une ou de plusieurs catégories de cannabis dont la quantité totale — qui peut être calculée conformément à l'annexe 3 — est équivalente à plus de 5 grammes de cannabis séché commet une infraction punissable par mise en accusation et encourt, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, une peine spécifique sous le régime de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.
    Non seulement un dossier criminel limite la capacité d'une personne à voyager dans certains pays, mais il entraîne aussi des préjudices sociaux considérables. Plus particulièrement, pour les jeunes, un casier judiciaire peut être un obstacle à des possibilités de bénévolat, ce qui constitue une condition dans de nombreux programmes d'études secondaires et peut être un facteur dans les décisions relatives aux bourses. Un casier judiciaire peut aussi limiter le choix de carrière et engendrer la pauvreté et de piètres résultats de santé. La légalisation du cannabis tout en maintenant les sanctions pénales à l'endroit des jeunes peut constituer un désavantage disproportionné pour les jeunes, particulièrement ceux qui appartiennent à des groupes marginalisés ou racialisés, pouvant en outre les priver de possibilités pour leur avancement équitable et leur contribution à la société.
    Puisque les faits démontrent que 21 % des jeunes âgés de 15 à 19 ans au Canada ont consommé du cannabis au cours de l'année précédente, le projet de loi pourrait avoir une incidence sur un grand nombre de jeunes. Des solutions de rechange à l'approche punitive traditionnelle pour lutter contre les crimes mineurs et la consommation de substances problématiques ont prouvé leur efficacité. Les exemples comme les tribunaux saisis des affaires de drogue, qui misent sur une approche de justice réparatrice, sont une solution de rechange aux processus judiciaires traditionnels. Ces modèles misent sur l'engagement et la responsabilisation totale des délinquants et aident à tenir compte d'un plus large éventail de facteurs contributifs, comme la pauvreté, la santé ou les enjeux de justice sociale qui peuvent avoir poussé la personne à commettre l'infraction d'entrée de jeu.
(0840)
    Prenons le cas d'un jeune de 15 ans qui a des problèmes de consommation de cannabis et qui est arrêté en possession de plus de 5 grammes réservés à son usage personnel. Il utilise du cannabis non thérapeutique pour s'automédicamenter en raison d'un problème non diagnostiqué d'anxiété et de dépression, qui est exacerbé par le stress associé au fait de vivre dans la pauvreté. Est-ce que la criminalisation de la possession et même l'imposition d'une amende importante aideront ce jeune ou serait-il mieux servi par un système de tribunaux des drogues axé sur une approche réparatrice, où il pourrait être tenu responsable de son propre processus de guérison tout en se voyant offrir des occasions d'avoir accès à des organisations de santé et de services sociaux pouvant s'attaquer aux causes profondes de sa pauvreté et lui offrir des services de traitement pour régler son problème de santé non diagnostiqué et son problème de toxicomanie?
    Dans cet esprit, l'AIIC recommande de ne pas imposer de sanction pénale aux jeunes qui sont en possession de cannabis. Elle recommande aussi au gouvernement d'avoir recours à la justice réparatrice à titre de principe directeur pour sanctionner la possession chez les jeunes. En outre, une telle dépénalisation élimine les répercussions actuelles et futures pour les jeunes en supprimant la disposition à l'article 8 et les paragraphes connexes du projet de loi sur le cannabis.
    Notre deuxième recommandation, c'est que le gouvernement investisse dans une approche de santé publique dans le dossier du cannabis, y compris grâce à un programme complet de sensibilisation publique. L'AIIC appuie fermement les recommandations présentées au groupe de travail fédéral relativement à la légalisation et la réglementation du cannabis selon lesquelles il faut apprendre des autres administrations, comme le Colorado et Washington et investir dans des programmes complets de santé publique et d'éducation, y compris des programmes liés à la consommation de cannabis et la conduite automobile, et ce, avant de procéder à la légalisation.
    Le Canada dépense chaque année plus d'un milliard de dollars pour assurer l'application des lois régissant la possession de cannabis et appréhende près de 60 000 Canadiens pour une possession simple, ce qui représente environ 3 % des arrestations. La légalisation devrait permettre de prévenir de graves préjudices sociaux et d'éliminer les coûts financiers associés à l'application de la loi dans le cadre du modèle actuel d'interdiction.
    Dans cet esprit, l'AIIC recommande que, après l'entrée en vigueur de la légalisation, le gouvernement utilise une partie des économies réalisées relativement aux coûts d'application de la loi et/ou les recettes fiscales associées à la vente de cannabis pour investir dans des initiatives susceptibles de produire des résultats de santé positifs et d'améliorer les résultats sociaux. De tels investissements pourraient inclure des outils, de la formation et des lignes directrices pour soutenir les programmes de sensibilisation publique, les stratégies de réduction des méfaits, les programmes de prévention et de traitement de la toxicomanie et des travaux de recherche pour mieux comprendre les méfaits associés à la consommation à des fins non thérapeutiques ainsi que les avantages potentiels de son utilisation à des fins médicales. On peut estimer les coûts de ces mesures en s'informant auprès des administrations où le cannabis a déjà été légalisé ou en examinant les résultats des campagnes de sensibilisation publique et des investissements actuels du gouvernement fédéral dans la sensibilisation publique associée à l'utilisation du tabac.
    Les infirmières et les infirmiers forment le plus grand groupe de fournisseurs de soins de santé du pays et sont souvent le premier point de contact d'une personne au sein du système de santé. Par conséquent, ils sont bien placés pour contribuer à l'élaboration et la prestation de ce genre de sensibilisation lié à la santé.
    Les résultats d'un sondage Nanos Research commandé par l'AIIC, en août, cette année — résultats que nous vous présenterons — révèlent que plus de neuf Canadiens sur dix sont favorables dans une certaine mesure à ce que le personnel infirmier éduque les Canadiens sur les risques associés à la consommation du cannabis à des fins non thérapeutiques.
    Les résultats préliminaires du sondage national de l'AIIC réalisés auprès du corps infirmier révèlent que 49 % des répondants ont indiqué qu'ils se sentaient à l'aise à l'idée d'amorcer une discussion ou de répondre aux préoccupations des patients sur les risques associés à la consommation de cannabis à des fins non thérapeutiques. À la lumière de ces résultats, l'AIIC est déterminée à fournir des ressources pédagogiques supplémentaires sur le cannabis consommé à des fins non médicales pour soutenir les infirmières et les infirmiers qui prennent soin des gens tout au long du continuum de soins.
    J'aimerais conclure en soulignant que la légalisation du cannabis est une excellente occasion de réduire les préjudices associés à la consommation du cannabis à des fins non thérapeutiques, mais il faut bien faire les choses. L'AIIC encourage le Comité à demander instamment au gouvernement fédéral d'intégrer toutes les recommandations qu'elle a formulées.
    Merci.
    Merci beaucoup de votre participation.
    Et maintenant, par vidéoconférence, nous passerons au Dr Serge Melanson, de la Société médicale du Nouveau-Brunswick.
(0845)
    Merci et bonjour. Je m'appelle Serge Melanson. Je suis médecin-chef et urgentologue à l'hôpital de Moncton, ici, au Nouveau-Brunswick. Je comparais aujourd'hui au nom de la Société médicale du Nouveau-Brunswick, une association professionnelle qui représente plus de 1 600 médecins du Nouveau-Brunswick.
    En tant qu'association professionnelle, nous estimons avoir un rôle clé à jouer dans la promotion de l'amélioration de la prestation des soins de santé au Nouveau-Brunswick. Nous avons ouvert la voie en réalisant diverses initiatives, comme la promotion de la prestation de soins de santé axée sur le travail d'équipe. Nous avons aussi réussi à faire la promotion d'initiatives sur les modes de vie sains et de changements stratégiques pour protéger les jeunes contre les dangers pour la santé comme le tabagisme et l'utilisation de lits de bronzage.
    Nous avons récemment lancé une campagne pour faire du Nouveau-Brunswick l'une des trois provinces les plus en santé du pays au cours des 10 prochaines années. Nous avons aussi travaillé en collaboration avec les écoles pour améliorer les choix alimentaires sains et nous avons fait la promotion de l'utilisation obligatoire des casques de ski pour prévenir les traumatismes crâniens.

[Français]

     Je remercie le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes de m'avoir invité à parler aujourd'hui des préoccupations de la Société médicale du Nouveau -Brunswick concernant la légalisation de la consommation récréative de la marijuana.
    En juin de cette année, notre organisation a publié un exposé de position sur la consommation de marijuana à des fins récréatives, qui comprenait des recommandations à l'intention du gouvernement du Nouveau-Brunswick sur un cadre approprié pour limiter les effets néfastes de l'usage de la marijuana sur les Néo-Brunswickois et Néo-Brunswickoises.
    De plus, nous cherchons à sensibiliser les gens aux questions de santé associées à la consommation de cannabis, et nous avons récemment lancé une compagne d'information du public sur l'usage de la marijuana.

[Traduction]

    Comme c'est le cas pour le tabac et l'alcool, la consommation de cannabis peut avoir des répercussions négatives sur la santé. Même si les Canadiens auront la possibilité de consommer de la marijuana légalement dans un peu moins d'un an, il est essentiel qu'ils comprennent bien les risques. Rendre le cannabis légal n'en rend pas la consommation sécuritaire. Nous comprenons que l'objectif de la légalisation et de la réglementation stricte du cannabis du gouvernement fédéral est de décriminaliser la consommation de la drogue et de réduire la vente illicite de la substance, mais nous croyons qu'il reste d'importantes préoccupations à dissiper associées aux particularités de la légalisation.
    Notre position sur la légalisation est conforme à celle de l'Association médicale canadienne, dont les recommandations s'appuient sur l'expérience canadienne en matière de réglementation de l'alcool et du tabac. Nous soutenons aussi les lignes directrices créées par le Centre de toxicomanie et de santé mentale en ce qui a trait à la consommation à faible risque du cannabis. L'un des enjeux qui sont particulièrement préoccupants, selon nous, dans cette discussion, du point de vue de la prévention et de la consommation à faible risque, c'est l'âge minimum proposé pour posséder et acheter légalement de la marijuana consommée à des fins récréatives. Nous croyons fortement que l'âge de 18 ans proposé dans le projet de loi C-45 envoie le mauvais message aux jeunes Canadiens, soit qu'ils peuvent consommer de la marijuana à cet âge de façon sécuritaire. Il y a des données scientifiques probantes claires selon lesquelles le cerveau d'un jeune adulte continue de se développer jusqu'à 25 ans et que la consommation de marijuana peut avoir des répercussions négatives sur le développement du cerveau. Même si, idéalement, nous aimerions que l'âge légal pour consommer de la marijuana à des fins récréatives soit établi à 25 ans au Canada, nous reconnaissons qu'il est peu probable que ce soit possible et que 21 ans est peut-être un âge minimal plus réaliste pour prévenir l'achat illicite de cannabis par les jeunes adultes.
    Au cours des 14 années durant lesquelles j'ai travaillé à l'urgence, à Moncton, j'ai vu de mes propres yeux une importante augmentation de la quantité de cannabis consommée et de ses répercussions négatives sur la santé chez les patients qui se présentent à l'urgence, que ce soit en tant que principale cause de leur problème médical, quelque chose ayant empiré une maladie chronique préexistante ou quelque chose n'étant peut-être pas lié à la raison pour laquelle ils se présentent à l'urgence. Je gère les effets de la consommation de cannabis à l'urgence dans un certain nombre de situations. Des patients peuvent avoir des effets inattendus parce que le cannabis a été mélangé avec des additifs chimiques dangereux. D'autres peuvent avoir un problème lié à la consommation de cannabis qu'on appelle le syndrome des vomissements cycliques ou une maladie mentale grave déclenchée par la consommation de cannabis. En outre, d'autres peuvent avoir de graves problèmes de santé comme une maladie pulmonaire chronique découlant directement de la consommation de cannabis.
    Je vois des patients qui ont consommé du cannabis, des adolescents et des jeunes adultes pour la plupart, qui ont par la suite leur premier épisode de psychose, de schizophrénie, de trouble bipolaire ou d'autres problèmes de santé mentale majeurs. Les adolescents et les jeunes adultes qui consomment du cannabis sont plus susceptibles de présenter ces problèmes de santé mentale s'ils continuent à consommer du cannabis. Certains jeunes pensent peut-être aussi que ces problèmes médicaux sont guérissables. La réalité, c'est qu'il s'agit de maladies chroniques. Les jeunes Canadiens prennent un risque important lorsqu'ils consomment du cannabis. Nous croyons qu'il y a un lien clair entre la consommation de cannabis et l'apparition de troubles psychotiques, parce que le cerveau de ces jeunes est encore en développement.
(0850)

[Français]

     Étant donné que nous savons que la consommation récréative de marijuana sera légalisée et que l'usage accru aura probablement des répercussions sur les soins de santé, il est important que les provinces et les territoires disposent des ressources adéquates pour y faire face.
    Si le Parlement adopte le projet de loi C-45, il incombera alors au gouvernement du Canada de veiller à ce que les provinces et les territoires soient équipés adéquatement pour réagir à la pression accrue exercée sur le système de soins de santé.
    De plus, le gouvernement canadien doit s'assurer que les provinces et les territoires ont les ressources qu'il faut pour mesurer de manière appropriée l'impact de la légalisation, afin d'être mieux à même d'adapter à la situation leurs efforts de sensibilisation et d'éducation, ainsi que leurs services d'intervention et de traitement au fil du temps. Des recherches sur la santé de la population seront nécessaires pour mesurer les effets néfastes de l'usage accru du cannabis sur nos collectivités et nos citoyens et citoyennes.

[Traduction]

    Il est aussi crucial que les gouvernements, à tous les échelons, investissent les ressources nécessaires pour soutenir une importante campagne d'éducation et de sensibilisation de façon continue. Si on veut offrir aux Canadiens le droit de consommer légalement du cannabis, il faut aussi leur offrir un accès facile à des renseignements clairs sur les risques associés à un tel choix.
    Pour conclure, je tiens à dire clairement que la décision du gouvernement du Canada de légaliser la consommation de cannabis doit être étayée par ces principes de précaution. Le gouvernement a la responsabilité fondamentale de protéger sa population. Il est particulièrement important, dans le cadre de la légalisation du cannabis, que le gouvernement s'assure qu'il assume ses responsabilités à l'égard de tous les Canadiens.

[Français]

    Je vous remercie.

[Traduction]

    Merci beaucoup, docteur. Je tiens à souligner que je vis en Nouvelle-Écosse, mais j'ai été traité pour un cancer dans votre hôpital il y a neuf ans, et le traitement a été un succès jusqu'à présent, en tout cas. J'ai reçu de très bons soins, et je voulais simplement vous en remercier.
    Nous allons maintenant passer au Dr Robert Strang, médecin hygiéniste en chef du ministère de la Santé et du Mieux-être de la Nouvelle-Écosse. Il participe par vidéoconférence, de Halifax.
    Bonjour aux membres du Comité. Je vous remercie de m'avoir invité à vous adresser la parole aujourd'hui. Je comparais au nom des médecins hygiénistes en chef des 13 provinces et territoires. Je présente un point de vue global sur la santé publique, pas les positions précises de certaines provinces ou de certains territoires.
    Ce matin, mes remarques porteront sur le sujet de la prévention, du traitement et de la consommation à faible risque, mais, par nécessité, je vais aussi parler d'autres sujets comme l'âge légal, l'étiquetage et l'emballage, sujets qui ont été abordés dans d'autres séances.
    J'ai présumé que, par prévention, vous vouliez parler de la prévention des préjudices pour la population et les particuliers relativement à la façon dont le cannabis est produit, distribué, vendu et consommé, la prévention ou, au moins, le fait de retarder le début de la consommation par les jeunes qui n'ont pas encore atteint l'âge légal et la prévention des préjudices auprès des populations pouvant être plus à risque.
    La prévention, ce n'est pas seulement le fait de fournir des renseignements et des enseignements sur les risques et les préjudices. Une éducation et du marketing social appropriés peuvent être efficaces, mais seulement si on les inclut dans une stratégie globale. Les décisions stratégiques liées à la façon dont le cannabis sera vendu, la façon dont on établira les prix, la façon dont les produits seront étiquetés et commercialisés et le niveau d'accessibilité et de disponibilité sont les éléments les plus cruciaux si on veut prévenir les préjudices pour la population, prévenir la consommation individuelle néfaste et réduire au minimum la consommation chez ceux qui n'ont pas encore atteint l'âge légal.
    Pour être plus précis, afin de miser sur la meilleure approche de prévention possible, nous formulons les recommandations suivantes:
    Le cannabis devrait être distribué et vendu grâce à des monopoles gouvernementaux dont l'objectif principal est de protéger la santé et la sécurité publiques et non la production de recettes.
    Comme le groupe de travail qui a conseillé le gouvernement fédéral l'a recommandé, on ne devrait pas vendre au même endroit des produits liés au cannabis, au tabac et à l'alcool.
    Au début, il faudra établir les prix afin de maximiser les achats sur le marché légal, mais, au fil du temps, il faudra utiliser le prix en tant qu'outil clé pour réduire la demande globale et encourager la consommation de produits moins néfastes, comme des produits contenant des concentrations moindres de THC et des produits qui ne se fument pas.
    Les activités de promotion des produits, comme la publicité, la commercialisation, les commandites et le placement de produits, y compris dans les contextes de vente au détail, doivent être interdites à l'échelon fédéral, interdiction qui sera complétée par des restrictions similaires à l'échelon provincial.
    L'emballage des produits devrait être neutre et inclure des mises en garde claires et percutantes au sujet du risque.
    Aux points de vente, les produits préemballés, comme des joints similaires à des cigarettes ne devraient pas être permis, puisque de tels produits peuvent faciliter la commercialisation, la promotion et l'idéalisation de la consommation de cannabis.
    Le nombre, l'emplacement et la densité des points de vente au détail, ainsi que les heures d'ouverture, doivent être définis avec soin pour que l'on puisse trouver un juste équilibre entre l'accès aux produits légaux — en tenant compte des permissions prévues dans le projet de loi actuel concernant la culture personnelle et les achats en ligne ou par la poste — et les objectifs de prévention.
    À plus long terme, un âge minimal établi à 21 ans serait préférable à 18 ou 19 ans pour tenter de trouver le juste équilibre entre attirer les jeunes adultes vers des sources d'approvisionnement légal et réduire la consommation par les jeunes âgés de moins de 18 ans. Je vais expliquer cette recommandation un peu plus en détail, parce que c'est un point qui est constamment soulevé.
    Nous savons qu'un des objectifs, c'est de pousser les gens à abandonner le marché illégal et à adopter le marché légal. De toute évidence, à court terme, le fait d'établir l'âge minimal à 19 ou 18 ans attirera les jeunes adultes vers le marché légal, mais si l'un de nos principaux objectifs est de réduire la consommation chez les jeunes qui ont moins de 18 ans, et ils resteront toujours trop jeunes, peu importe si on établit l'âge à 18 ans, s'ils veulent consommer du cannabis; ils devront l'obtenir d'une source illégale. Des données probantes claires liées au tabac et à l'alcool nous montrent qu'en établissant l'âge minimal à 21 ans plutôt que 18 ou 19 ans, au fil du temps, on pourrait mieux réussir à abaisser les taux de consommation de cannabis et, par conséquent, à éloigner ceux qui sont âgés de moins de 18 ans de tous les types de marchés du cannabis. Si l'un de nos objectifs principaux, c'est de mettre en place un ensemble d'éléments permettant de réduire la consommation du cannabis par ceux qui sont trop jeunes, il est de loin préférable d'opter pour 21 ans plutôt que 19 ans.
    Poursuivons. Le fait de fumer ou de vapoter du cannabis en public devrait, au minimum, être visé par l'approche actuellement imposée à ceux qui fument ou vapotent du tabac en public, pour prévenir toute banalisation supplémentaire de la consommation de cannabis et une nouvelle banalisation des comportements liés au tabagisme de façon générale.
(0855)
    L'approche utilisée pour intégrer des produits comestibles et d'autres produits concentrés et dérivés dans le marché légal doit être extrêmement prudente pour réduire au minimum la banalisation de la consommation de cannabis et protéger les enfants et les jeunes. En ce qui a trait aux produits comestibles, il faut indiquer clairement grâce à des exigences législatives que les produits qui contiennent du matériel végétal de plants de cannabis ainsi que des extraits et des ingrédients actifs ne sont pas des produits alimentaires.
    Puisqu'il est plus facile d'assouplir la réglementation que de la resserrer, les approches réglementaires initiales devraient privilégier un cadre plus restrictif. Des rajustements pourront être apportés au fil du temps à la lumière d'un contrôle exhaustif et de recherche. Il faudra affecter les ressources adéquates pour bien mettre en place de telles activités de contrôle et de recherche.
    Les programmes qui définissent les environnements sociaux et physiques pour soutenir la santé et le bien-être de façon générale, comme le fait de soutenir de saines grossesses, d'améliorer le développement de la petite enfance et de s'assurer d'offrir des logements et des revenus adéquats, sont tous des mesures importantes pour assurer la prévention primaire de la consommation de substances problématiques en général et seront des éléments importants pour prévenir la consommation problématique de cannabis.
    En plus du présent mémoire, je suis heureux de joindre un exposé de principes plus détaillé des médecins hygiénistes en chef des provinces et des territoires et du Réseau canadien pour la santé urbaine, un réseau qui réunit des médecins hygiénistes qui oeuvrent dans des centres urbains. Ce rapport plus détaillé a été fourni au Comité.
    En ce qui a trait au traitement, je n'ai pas d'expérience ni d'expertise dans le traitement des troubles liés à la consommation de cannabis, mais je peux dire qu'il n'y a pas d'approche en matière de traitement ni de thérapie conçue précisément pour un trouble associé à la consommation de cannabis. Il faut améliorer l'accès approprié au traitement pour les personnes qui ont un problème de consommation de cannabis aujourd'hui dans le cadre des efforts nécessaires pour améliorer les traitements et l'accès à ces traitements pour les personnes qui ont toutes une gamme de troubles liés à la toxicomanie. La question de savoir si le besoin pour des traitements augmentera ou diminuera dépendra vraiment des décisions prises et de la mise en oeuvre des politiques dont nous avons discuté précédemment.
    En ce qui concerne la consommation à faible risque, un ensemble mis à jour de lignes directrices sur la consommation de cannabis à faible risque, lignes directrices qui ont été élaborées par des experts canadiens, ont été publiées en juin, cette année. Ces lignes directrices ont été approuvées en principe par le Conseil des médecins hygiénistes en chef. En bref, ces lignes directrices recommandent que la façon la plus efficace de réduire les risques est l'abstention, que plus une personne commence tardivement à consommer du cannabis, moins élevés sont les risques de développer un usage qui pose des problèmes et d'avoir des répercussions néfastes sur la santé durant la vie. Les produits affichant une concentration élevée de THC sont aussi plus risqués, et il serait donc préférable d'utiliser des produits à faible concentration de THC. Les cannabinoïdes synthétiques, comme le shatter, exposent les consommateurs à des risques plus graves et plus aigus et devraient être évités.
    Pour protéger la santé des poumons, les modes d'absorption qui consistent à fumer ou qui misent sur la combustion de cannabis devraient être évités. De plus, il faut aussi éviter des méthodes comme l'inhalation profonde et le fait de retenir son souffle, des méthodes qui augmentent l'absorption des ingrédients psychoactifs. La consommation fréquente et intensive est associée au plus haut risque de préjudice, et il est donc recommandé aux gens de choisir une consommation occasionnelle, une seule fois par semaine ou durant la fin de semaine. Il est extrêmement important d'éviter de conduire après avoir consommé de l'alcool et/ou du cannabis.
    Les populations qui sont plus à risque de préjudice lié à la consommation de cannabis et qui devraient, par conséquent, éviter d'en consommer, sont les femmes enceintes, les personnes qui ont des antécédents ou des antécédents au sein de leur famille proche de psychose ou de problèmes de toxicomanie. La combinaison de comportements à risque, comme le fait de commencer à consommer jeune et une consommation fréquente est susceptible d'amplifier le risque. Ces lignes directrices sur la consommation à faible risque devraient être un élément clé des initiatives de sensibilisation et d'éducation publique liée à la légalisation du cannabis et devraient être intégrées dans l'étiquetage des produits en plus d'étayer les décisions stratégiques liées à la légalisation prises par les trois ordres de gouvernement.
    En ce qui a trait au projet de loi C-45, les médecins hygiénistes en chef des provinces et des territoires et le Réseau canadien pour la santé urbaine ont recommandé dans le document que je vous ai fourni que cette initiative soit encadrée par des buts et des objectifs liés à la santé publique enchâssés par écrit dans la loi. Nous avons été très heureux de voir l'orientation axée sur la santé publique adoptée par le gouvernement fédéral dans le cadre de cette initiative et la communication explicite d'objectifs en matière de santé publique, qui ont été codifiés dans l'article de l'objet de la loi, l'article proposé 7. Nous encourageons les provinces et les territoires à adopter une orientation similaire liée à la santé publique et à inclure explicitement des objectifs similaires dans leurs lois.
(0900)
    Pour terminer, nous suggérons de modifier le projet de loi pour remplacer le mot « illicite » par « illégal ». Le terme « illicite » est de nature stigmatisante, et puisque la réduction de la stigmatisation et de la discrimination sont des aspects importants de cette initiative, nous suggérons d'éviter d'utiliser le terme « illicite » lorsque c'est possible. Nous suggérons d'utiliser plutôt le terme « illégal », puisque c'est un terme simple, clair et sans ambiguïté qui renvoie au caractère légal de la possession de la substance en évitant la nature stigmatisante du mot « illicite ».
    Merci de votre temps et de m'avoir offert cette occasion. Je serai heureux de participer à la discussion.
    Merci beaucoup de votre contribution à notre rapport.
    Nous allons maintenant passer à Michael DeVillaer, professeur adjoint et analyste des politiques.
    Le greffier souligne que nous accueillons aussi M. Kleiman, professeur de politique publique au Marron Institute of Management de New York par vidéoconférence.
    Monsieur le président, honorables membres du Comité, le présent exposé s'appuie sur mes 40 années d'expérience dans la prévention et le traitement des problèmes liés à la toxicomanie. J'ai été conseiller, responsable du développement communautaire, enseignant et analyste de politiques. Je crois que je m'intéresse de façon générale aux politiques en matière de drogue, c'est-à-dire les politiques qui touchent l'alcool, le tabac et les produits pharmaceutiques, et c'est dans ce contexte que j'examine cette nouvelle industrie de la drogue que nous créons.
    Lorsqu'on pense à la prévention des problèmes liés à la drogue, on pense habituellement au fait de fournir aux gens des renseignements pour les aider à prendre des décisions éclairées. Un autre aspect nécessaire d'un programme efficace de prévention de la toxicomanie consiste à élaborer un cadre réglementaire pour étayer les pratiques au sein de l'industrie de la drogue. Il s'agit d'un aspect crucial de ce dont on parle lorsqu'il est question de réglementation stricte.
    L'alcool, le tabac, les produits pharmaceutiques et le cannabis ne sont pas des produits ordinaires. Chaque année, au Canada, l'alcool et le tabac à eux seuls sont associés à environ 40 000 décès prématurés, à 6,5 millions de jours d'hospitalisation et à un coût de plus de 30 milliards de dollars pour l'économie canadienne. Je tiens à rappeler qu'on parle ici de données annuelles. Les crises de l'alcool et du tabac nous suivent depuis longtemps, alors on ne les voit plus comme des crises. Malgré nos efforts de prévention et de traitement, les problèmes persistent année après année.
    Nous avons récemment assisté à l'émergence d'une nouvelle épidémie de toxicomanie. La crise des opioïdes a débuté après le lancement, par une entreprise pharmaceutique, d'une campagne de publicité dynamique et trompeuse pour un analgésique opioïde appelé oxycodone. La même entreprise propose maintenant le même médicament dans les pays en développement en fournissant les mêmes renseignements trompeurs. Durant la campagne de légalisation du cannabis consommé à des fins récréatives, les Canadiens ont été assurés à plusieurs reprises que la nouvelle industrie serait réglementée de façon stricte, comme les autres industries pharmaceutiques légales, et qu'on pourra ainsi mettre en place les mesures de protection nécessaires pour assurer la santé publique.
    Cinquante ans de données probantes sur les politiques internationales en matière de drogue nous disent que ce n'est pas aussi simple. Au sein de nos industries pharmaceutiques légales bien établies, nous constatons souvent des cas où il n'a pas été possible de trouver le juste et important équilibre entre les revenus de l'industrie et la protection de la santé publique. Cela entraîne d'énormes préjudices qui exercent des pressions sur nos collectivités, nos familles et nos programmes de traitement.
    La situation actuelle est la suivante: le pays compte trois industries de drogue légale réglementée et trois crises de santé publique. Selon les premières indications, l'industrie naissante du cannabis légal semble se diriger dans la même direction.
    Il est peut-être temps d'adopter une nouvelle approche. Bon nombre des décisions prises dans le cadre du projet de loi exigent qu'on trouve un juste équilibre; il faut parfois faire des choix, entre faciliter la réussite d'une nouvelle industrie de la drogue et protéger la santé publique. La logistique qui sous-tend la légalisation du cannabis, comme je suis sûr que tout le monde s'en rend compte maintenant, est extrêmement complexe. Les enjeux sont élevés, et les résultats, incertains, et la prudence est de mise. Par conséquent, j'espère que le Comité permanent de la santé attribuera la priorité à la protection de la santé publique et à la prévention des méfaits.
    Je vais vous fournir quatre suggestions précises pour y arriver.
    Le premier enjeu, c'est l'établissement d'un âge légal minimal pour consommer du cannabis. Les recherches montrent que les jeunes obtiennent du cannabis auprès des gens dans leur réseau social. C'est très important. Les réseaux sociaux des jeunes, disons, âgés de 15 à 17 ans, sont plus susceptibles d'inclure des jeunes de 18 ou 19 ans que d'inclure des jeunes de 21 ans. Par conséquent, à long terme, l'âge minimal de 18 ou 19 ans, comme on l'a entendu, permettra aux jeunes de 15 à 17 ans de se procurer plus facilement du cannabis que si l'âge minimal était établi à 21 ans.
(0905)
    Ma première recommandation, c'est que le gouvernement devrait privilégier la protection de la santé publique plutôt que la croissance du marché en faisant passer l'âge minimum à 21 ans.
    Le deuxième enjeu, c'est l'importance d'une interdiction complète de la publicité et des autres formes de promotion de produits. Les recherches révèlent que la publicité augmente la consommation d'une drogue et que l'augmentation de la consommation d'une drogue est associée à une augmentation des problèmes connexes. La publicité, même dans des limites strictes, augmentera la consommation de cannabis et les problèmes connexes.
    Ma deuxième recommandation, c'est que le gouvernement devrait choisir la protection de la santé publique plutôt que la croissance du marché en adoptant une loi interdisant toute forme de publicité de produits à base de cannabis.
    Le troisième enjeu, c'est l'importance d'un modèle ou d'options sans but lucratif pour l'approvisionnement en cannabis. Nous avons déjà trois industries pharmaceutiques légales, réglementées et à but lucratif, et nous n'avons pas réussi à protéger la santé publique. Nous pouvons réduire le risque de créer une quatrième industrie de la sorte en éliminant le motif du profit des ventes de cannabis. Une différence essentielle serait qu'un modèle de vente au détail sans but lucratif s'en tiendrait au marché actuel, sans faire de promotion des produits ou sans innover dans le but d'accroître la taille du marché.
    Ma troisième recommandation, c'est que le gouvernement devrait choisir la protection de la santé publique plutôt que la croissance du marché en limitant la vente au détail du cannabis à un organisme sans but lucratif axé sur une gouvernance visant à assurer la santé publique.
    Le quatrième enjeu, c'est l'importance de la justice sociale dans le contexte de la prévention et du traitement. D'ici à ce que le cannabis à usage récréatif soit disponible à grande échelle, ce qui exigera un certain temps bien après juin 2018, on s'attend à ce que les gens continuent à simplement refuser de consommer du cannabis à des fins récréatives. Il n'est pas réaliste de s'attendre à ce que ce soit le cas. Le nombre d'accusations pour possession simple de cannabis portées contre des Canadiens était de plus de 17 000 en 2016. Le fait d'augmenter le nombre de casiers judiciaires continuera d'avoir une incidence dévastatrice sur les déterminants sociaux de la santé des Canadiens visés, surtout des jeunes. L'interdiction pose aussi problème aux personnes qui ont une dépendance au cannabis et qui cherchent un traitement pour améliorer leur vie. Lorsque j'étais conseiller, je n'ai jamais rencontré un patient pour qui un casier judiciaire avait été avantageux. En fait, le casier judiciaire mine ses efforts.
    Ma quatrième recommandation, c'est que le gouvernement devrait immédiatement décriminaliser la possession de petites quantités de cannabis.
    Monsieur le président, voilà qui conclut ma déclaration préparée. Je vous remercie encore une fois de l'occasion que vous m'avez offerte. Je ferai de mon mieux pour répondre aux questions des membres du Comité.
(0910)
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer, par vidéoconférence, à Mark Kleiman, professeur de politique publique au Marron Institute de New York.
    Monsieur Kleiman, je vous cède la parole.

[Français]

[Traduction]

    C'est un grand honneur pour moi qu'on m'ait demandé de comparaître devant une instance aussi illustre dans le cadre d'un processus véritablement historique. Je m'intéresse aux politiques sur le cannabis depuis près de 40 ans maintenant. Ma firme a conseillé le Washington State Liquor Control Board lorsque ce dernier a mis en oeuvre la légalisation du cannabis dans l'État de Washington.
    Dans le cadre du présent processus, je vous prie de porter attention aux résultats, pas aux slogans. La justification de la légalisation du cannabis n'est pas liée à l'absence de risque, comme d'autres témoins l'ont dit ce matin. La raison qui sous-tend la légalisation, c'est l'incapacité de contrôler le marché illicite et les préjudices de ce marché illicite. C'est aussi lié au fait que beaucoup de personnes aimeraient consommer du cannabis et peuvent le faire, en fait, sans préjudice.
    On a tendance dans les débats sur les politiques publiques et les politiques elles-mêmes de passer d'un extrême à l'autre. Au moins aux États-Unis, nous sommes en voie de sauter d'un extrême à l'autre, où nous cessons de considérer le cannabis comme une plante diabolique pour commencer à le traiter comme une herbe sans danger. Malheureusement, la caractérisation est erronée dans les deux cas.
    Pour la plupart des drogues, la majeure partie des gens les consomment sans problème et, en fait, ils en tirent certains avantages. C'est la raison pour laquelle ils continuent de consommer. Une minorité finit par perdre contrôle de sa consommation et finit par consommer de façon problématique. Le tabac sous forme de cigarettes est une exception à la règle, c'est une situation où la plupart des utilisateurs en consomment de façon problématique.
    Cependant, cette minorité de grands consommateurs est responsable non seulement de presque tous les méfaits liés à la consommation des drogues, quelles qu'elles soient, mais aussi de la plus grande partie de la consommation des drogues en question. Je n'ai pas les chiffres pour le Canada, mais aux États-Unis, plus de la moitié de l'alcool est consommé dans le cadre de beuveries, même si la plupart des occasions de consommer de l'alcool ne mènent pas à l'intoxication et sont inoffensives. Au total, 80 % de l'alcool consommé aux États-Unis est consommé par des personnes qui consomment trop pour leur bien. Nous constatons des chiffres comparables pour ce qui est du cannabis.
    L'objectif de la légalisation, à mon avis, devrait être la disponibilité de cannabis pour ceux qui veulent en consommer de façon raisonnable, tout en réduisant au minimum le nombre de personnes qui finissent par avoir des problèmes. Par conséquent, on parle d'un accès sans excès. Comme d'autres témoins l'ont dit ce matin, il ne s'agit pas d'un objectif qui est atteint automatiquement grâce à un libre marché, parce que la même règle des 80-20 que celle qui fonde les préoccupations liées à la santé publique — comme je l'ai dit, 20 % des plus grands consommateurs s'infligent la plupart des dommages — est aussi à l'origine des préoccupations liées à la commercialisation.
    Si vous vendez une drogue dont certaines personnes deviennent dépendantes, ce sont vos meilleurs clients. Ce qui, du point de vue de la santé publique, est un diagnostic, est, du point de vue de la commercialisation, un objectif démographique cible. C'est tout aussi vrai pour British American Tobacco, pour l'Imperial Distillery que pour la Régie des alcools de l'Ontario. Si l'objectif est de maximiser les revenus, on misera sur la génération de grands utilisateurs, ce qui va précisément à l'encontre de l'objectif de santé publique qu'il faut tenter d'atteindre.
    Beaucoup pensent que nous devrions réglementer le cannabis comme on fait pour l'alcool, comme si la réglementation de l'alcool avait été un succès. Cette affirmation semble être fallacieuse dès qu'on la formule. Je crois qu'il serait plus sage, si on veut imiter un marché actuellement illicite, d'imiter le marché du tabac, ou, sans imposer une interdiction, le gouvernement fait des efforts marqués pour réduire au minimum toute consommation problématique. C'est un régime de politique que j'ai appelé la tolérance à contrecoeur. Selon moi, nous devrions tolérer à contrecoeur le cannabis, et ne pas en permettre la promotion.
(0915)
    Un aspect clé de la promotion ou du contrôle de la consommation excessive est le prix, encore une fois, comme d'autres l'ont souligné. Il est important de comprendre que la tendance naturelle du prix du cannabis en tant que produit légal est se rapprocher de zéro. Un joint est une petite quantité de matière végétale séchée dans un emballage. Le produit légal qui s'en approche le plus est un sachet de thé. Si on permet un libre marché du cannabis, le prix d'un joint aura tendance à rejoindre le prix d'un sachet de thé, et ce n'est pas là où on veut en venir. On note déjà au Colorado et à Washington des diminutions stables et rapides des prix dans les magasins légaux. Mes collègues Jon Caulkins, de Carnegie Mellon, et Steve Davenport, de la RAND Corporation, estiment que les prix légaux au Colorado et à Washington diminuent de 2 % par mois sans qu'un prix plancher ne pointe à l'horizon.
    La façon de contrecarrer cette tendance, si on n'adopte pas un monopole public, c'est par une taxation agressive. La taxation ne peut pas être fondée sur le prix de vente au détail, parce que puisque le prix de vente au détail a tendance à aller vers zéro, il en sera de même pour la taxe. La bonne façon de taxer le cannabis, du point de vue stratégique et du point de vue de la santé, c'est de taxer l'agent actif, le THC. Il faut imposer une taxe d'accise précise, pas une taxe ad valorem. La taxe doit être importante. Une taxe d'environ 50 $ par gramme de THC permettrait plus ou moins de maintenir les prix illicites actuels dans le nouveau marché licite, et il semble s'agir selon moi d'un objectif raisonnable.
    L'information est un autre aspect clé de toute politique de prévention où l'on tente de prévenir les problèmes de toxicomanie. Le fait de limiter les activités de commercialisation semble, selon moi, une idée très importante, pas seulement parce que la publicité en tant que telle attirerait de nouveaux utilisateurs — c'est son objectif —, mais parce que la présence de budgets de publicité influera sur le contenu rédactionnel des médias publicitaires. Il est frappant que, aux États-Unis, la première revue grand public à avertir les gens des dangers du tabagisme était le Reader's Digest. Ce n'est pas parce qu'il s'agissait d'une revue plus progressiste ou aventureuse intellectuellement, c'est parce que c'était la seule qui était soutenue par les abonnements des lecteurs, plutôt que par la publicité. Le fait de contrôler la commercialisation du cannabis aura un impact important sur la façon dont le cannabis est décrit dans le contenu rédactionnel.
    Chaque acheteur de cannabis doit interagir avec un vendeur, que ce soit quelqu'un qui prend sa commande au téléphone ou un commis dans un magasin. Le contact au point de vente est l'un des endroits où l'on peut s'assurer d'interagir avec chaque consommateur. Selon moi, il serait sage d'exiger que ces personnes suivent un cours de formation en pharmacologie et en prévention de la toxicomanie afin que les personnes, surtout les nouveaux consommateurs, n'obtiennent pas leurs premiers renseignements au sujet du cannabis de quelqu'un qui vend du cannabis pour gagner sa vie et est très souvent lui-même un grand consommateur. Ces préposés à la vente au détail devraient avoir une qualification professionnelle et une obligation professionnelle de prodiguer des conseils qui sont dans l'intérêt du consommateur, pas l'intérêt du propriétaire du magasin. Ils devraient ressembler plus à des pharmaciens qu'à des vendeurs de marchandises emballées.
    Il y a deux choses qu'on devrait peut-être encourager, tant au point de vente, que dans les renseignements financés publiquement. L'une est la notion de consommer sans se rendre à l'intoxication. La différence marquée entre le cannabis d'aujourd'hui et l'alcool d'aujourd'hui, c'est que la plupart des occasions de consommer de l'alcool ne mènent pas à l'intoxication. Ce n'est pas le cas du cannabis. « Se geler » est un synonyme courant de la consommation de cannabis. On pourrait peut-être présenter à la population la notion qu'une personne peut prendre une bouffée afin d'améliorer le goût des aliments ou le son de la musique ou encore le caractère plaisant d'une conversation plutôt que de faire de l'intoxication au cannabis l'activité principale à laquelle les gens s'adonnent. Je n'ai aucune raison de croire qu'une telle chose fonctionnerait, mais c'est quelque chose qu'on pourrait essayer.
(0920)
    L'autre chose sur laquelle j'aimerais qu'on mette l'accent, tant aux points de vente que dans les médias de masse, c'est l'importance de s'abstenir de consommer plus d'une substance à la fois. Il y a 40 ans, aux États-Unis, le cannabis, d'un côté, et l'alcool, de l'autre étaient quasiment aux antipodes sur la scène sociale. Ils représentaient des forces culturelles différentes. Maintenant, dans les sondages, on constate que les grands consommateurs de tabac, d'alcool et de cannabis forment la même population.
    La légalisation du cannabis pourrait permettre de substituer une drogue à une autre qui est plus dangereuse. Nous entreprenons des politiques pour encourager cette tendance bénéfique possible.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à la période de questions et commencerons par une série de sept minutes.
    Nous allons commencer, aujourd'hui, par M. Ayoub, qui sort tout juste d'un forum de discussion sur le cannabis.
    Exactement, monsieur le président.
    Je vais poser ma question en français. Je vous conseille de mettre vos écouteurs si vous avez besoin d'interprétation.

[Français]

     Monsieur le président, j'ai justement participé hier soir à une séance de discussion ouverte dans ma région. Plus de 150 personnes y étaient venues pour s'informer. Or les faits sont troublants. Avant de vous en faire part, je veux souligner que je suis très impressionné par le groupe que nous recevons ce matin. Il est formé de gens d'expérience issus de diverses sphères d'activité.
    Dans ma circonscription, Thérèse-De Blainville, qui est située au nord de Montréal, dans la région des Basses-Laurentides, 45 % des jeunes de 17 à 24 ans ont avoué avoir consommé du cannabis au cours de la dernière année. Or la moyenne québécoise est de 35 %. Dans le cas des jeunes de 11 à 17 ans, ce pourcentage est de 28 % alors que la moyenne québécoise est de 24,9 %.
    Hier, il ne s'agissait pas d'un cri d'alarme, mais j'ai dit qu'il était urgent d'agir. Ce matin, cette urgence s'avère plus forte encore. Malgré tout le respect que je dois à mes collègues d'en face, qui veulent retarder les choses, il est clair que toutes les approches adoptées au cours des 100 dernières années ont été un échec lamentable pour ce qui est de la prévention en matière de consommation de cannabis chez les jeunes. Les conséquences, dont on parle abondamment, sont graves. On souligne notamment que le cerveau se développe jusqu'à l'âge de 25 ans.
    Hier, on m'a fait part de certaines questions que vous avez également soulevées. Pour ma part, l'enjeu important n'est pas l'argent mais la prévention et la santé de nos jeunes. Or nous sommes en train de les inciter à se tourner vers le marché illicite, le crime organisé. Il s'agit de revendeurs non seulement de cannabis mais aussi d'autres drogues dont nous voulons encore moins que nos jeunes fassent l'expérience.
    La question de l'âge me préoccupe. Si l'on décide que, pour des raisons médicales, l'âge requis doit être de 25 ans, cela ne sera pas un problème. En effet, nous sommes tous d'accord pour dire que la consommation a des conséquences. Cependant, on semble oublier qu'à partir de 18 ans, on confie aux jeunes la responsabilité de voter pour des représentants tels que nous, qui adoptons des lois.
     Allons-nous leur dire qu'ils ont le droit de voter, mais qu'ils n'auront pas suffisamment de conscience sociale pour faire un choix, en toute connaissance de cause et pour leur propre santé, avant l'âge de 21 ans ou, dans d'autres cas, de 19 ans ou de 25 ans?
    Je ne comprends pas la logique de tout cela.
     Chaque province est autonome pour ce qui est du choix de l'âge. On établit une différence entre l'alcool et le cannabis, mais allons-nous le faire pour chacun des produits qui seront éventuellement sur le marché?
    Cela dit, j'aimerais bien entendre le point de vue des infirmières. J'ai beaucoup aimé l'intervention de M. De Villaer. J'étais presque entièrement d'accord avec vous, bien qu'un peu moins sur la question de l'âge. J'aimerais en savoir un peu plus sur ce genre de questions. Pour ce qui est du prix sur le marché, dans les rues, on parlait hier de 20 $ pour 3,5 grammes. Le prix est un facteur important. Si on propose des prix qui ne correspondent pas à ceux du marché, on ne changera rien.
     J'ai utilisé quatre minutes, mais je peux vous dire que la soirée d'hier a été très informative.
    J'aimerais entendre vos commentaires sur la question de l'âge, sur la logique qui l'entoure et sur les conséquences qui sont en cause.
(0925)

[Traduction]

    Merci de la question.
    L'Association des infirmières et infirmiers du Canada aborde la question de l'âge du point de vue de la réduction des méfaits. Nous estimons qu'il faut trouver un juste équilibre entre toutes les choses qui ont été abordées depuis plusieurs jours et qu'on a entendues.
    Nous reconnaissons que le développement du cerveau se poursuit jusqu'à 25 ans, selon les recherches, et qu'il y a des préjudices associés à la consommation de cannabis, mais, comme on vient tout juste de l'entendre et comme on l'a entendu le jour précédent, nous reconnaissons qu'établir un âge trop élevé pourrait faire en sorte que les personnes qui, au Canada, consomment le plus de cannabis soient plus exposées aux risques de préjudice sur le marché illicite. Cela inclut le crime que constitue l'achat de cannabis sur le marché illégal et les préjudices liés à un produit non réglementé dont on ne connaît pas la puissance et dont on ne sait rien de sa sécurité.
    Plutôt que de mettre l'accent sur l'âge, nous croyons vraiment qu'il faut mettre l'accent sur le besoin de sensibiliser tous les membres de la population, surtout les personnes vulnérables ou, éventuellement, les plus grands consommateurs, en renforçant l'éducation et en faisant intervenir tous les intervenants de façon à ce qu'on puisse avoir une conversation avec les jeunes, une conversation qui ne mise pas sur une approche paternaliste, afin qu'ils connaissent les préjudices et qu'ils puissent prendre une décision éclairée.
    J'aimerais ajouter quelque chose. Il est bien établi — les statistiques sont bien connues — que les jeunes Canadiens sont parmi les plus grands consommateurs de cannabis du monde. En augmentant l'âge, nous risquons peut-être de faire en sorte que la consommation de cannabis reste un comportement lié à la santé très « caché dans l'ombre ». Il faut que les jeunes puissent se présenter devant les professionnels de la santé pour parler de leur consommation, pour parler des problèmes connexes et pour obtenir des renseignements appropriés et être aiguillés vers des programmes de réduction des méfaits afin de régler leur problème de consommation.
    Il faut aussi pouvoir avoir un dialogue avec nos jeunes sur les préjudices potentiels, dont bon nombre ne sont pas connus par les jeunes. Nous avons vu des recherches qui donnent à penser que beaucoup de jeunes commencent à consommer du cannabis dans un contexte social. Ils considèrent le cannabis presque comme un lubrifiant social. Ils n'y associent pas de préjudice. Ils ne sont pas au courant des préjudices à long terme en ce qui a trait à leur carrière ou à leur réussite scolaire en plus des problèmes de développement cognitif et des problèmes liés à la santé mentale qui ont été soulevés par d'autres témoins aujourd'hui.
    Nous devons nous assurer que nous permettons ce dialogue et que nous respectons la capacité des jeunes de prendre des décisions au sujet de leur comportement en matière de santé.
    La seule chose que j'ajouterais, c'est que j'ai constaté qu'il y a quelque chose qu'on entend souvent et que je trouve un peu étrange. Nous entendons souvent le commentaire selon lequel il est plus facile pour les jeunes d'obtenir du cannabis que de l'alcool et du tabac. En réalité, les études disent exactement le contraire.
    Je parle plus précisément des sondages sur la consommation de drogues et la santé des élèves de l'Ontario que le Centre de toxicomanie et de santé mentale réalise actuellement. Ce sont des sondages qu'il réalise depuis 40 ans. Les responsables du Centre savent ce qu'ils font, ici. Leurs données révèlent que les mineurs déclarent qu'il est plus facile pour eux d'obtenir de l'alcool et du tabac que du cannabis. La raison, c'est que leurs pairs d'âge légal sont leurs fournisseurs. En d'autres mots, si vous avez 18 ans, vous pouvez obtenir de l'alcool et du tabac d'un jeune de 19 ans, mais vos pairs âgés de 19 ans n'ont pas un accès légal à du cannabis, alors ce n'est pas aussi facile.
    Je crois que c'est un élément important. Il faut vraiment regarder les données lorsque nous entendons des commentaires qui peuvent, soit enthousiasmer, soit inquiéter les gens. Je vais m'arrêter ici.
(0930)
    Votre temps est écoulé.
    Madame Gladu.
    Merci à tous les témoins d'être là aujourd'hui.
    Je suis d'accord avec ce que mon collègue de l'autre côté a dit, soit que les jeunes fument du cannabis. Que ce soit légal ou illégal, ils en fument, alors nous ne devrions pas être pressés de déterminer si c'est légal ou non. Ce que nous devrions faire, c'est de prévenir les méfaits.
    Nous avons entendu durant trois jours, cette semaine, un message constant, et c'est que l'éducation publique, la sensibilisation publique et des cours de formation à leur intention dans le cadre d'initiatives similaires aux efforts qui ont été déployés pour le tabac, afin de changer l'opinion publique et mettre en place une « tolérance à contrecoeur » sont essentiels si l'on veut pousser les jeunes à ne pas fumer du cannabis. J'aime l'expression. C'est définitivement ce dont on a besoin.
    Au cours des deux années qui se sont écoulées depuis que le gouvernement libéral a annoncé son intention de légaliser le cannabis, il n'y a eu aucune campagne de sensibilisation publique. C'est certes quelque chose qui doit être une priorité, mais nous avons constaté certaines poches d'excellence. Nous avons reçu hier des personnes qui ont préparé des cours de formation à l'intention des parents.
    Je crois savoir, docteur Melanson, vous qui êtes du Nouveau-Brunswick, que vous avez fait une certaine formation en sensibilisation publique. Pouvez-vous nous dire plus de choses sur votre expérience, à Moncton?
    Merci, madame Gladu.
    Mon expérience personnelle en tant qu'urgentologue au cours des 14 dernières années a été de constater l'augmentation exponentielle de la consommation de cannabis chez les patients qui se présentent à l'urgence.
    Question de souligner ce que vous avez dit sur la sensibilisation publique, l'une des choses que j'ai mentionnées dans ma déclaration, tantôt, c'est la notion d'une affection médicale qu'on commence maintenant à reconnaître et étudier. Ce qu'on appelle le syndrome d'hyperémèse, ou syndrome des vomissements cycliques. C'est une affectation qu'on remarque surtout chez des jeunes, des jeunes adultes, qui se présentent d'eux-mêmes à l'urgence après des jours de vomissements incontrôlables, ne sachant pas eux-mêmes quelle en est la cause. Après une importante batterie de tests médicaux, nous concluons qu'il n'y a rien qui ne va pas, d'un point de vue médical ou au niveau des organes, avec eux, puis nous commençons à les questionner de façon un peu plus approfondie sur leur consommation de cannabis et découvrons, très souvent, qu'ils consomment du cannabis de façon assez régulière. Eux-mêmes estiment souvent qu'ils sont bien informés au sujet des préjudices de cette drogue. Lorsque nous les sensibilisons au possible lien entre leur consommation de cannabis et le syndrome des vomissements cycliques, ils sont souvent très surpris. Lorsque nous leur fournissons des renseignements supplémentaires et du counseling sur la façon de s'abstenir de consommer du cannabis, nous voyons souvent cette affection débilitante disparaître essentiellement.
    Je crois que cela est très pertinent dans le contexte du point que vous avez soulevé, soit que même si les gens croient vraiment bien connaître les risques pour la santé associés au cannabis, on a besoin d'efforts plus ciblés pour fournir aux consommateurs de cette drogue des renseignements plus pertinents et plus importants.
    Très bien, merci.
    Pour revenir sur une des choses que vous avez dites, je dirais que la puissance est l'une des grandes préoccupations qui étaient soulevées. Le cannabis d'aujourd'hui est beaucoup plus puissant que dans le passé. Je crois que c'est la représentante de l'association des infirmières et infirmiers qui a dit vouloir constater un très bon contrôle sur la qualité, le dosage et la puissance obtenue par les gens.
    Une autre façon de protéger le public de choses qui ne sont pas bien contrôlées, c'est d'éliminer une des suggestions prévues dans le projet de loi C-45, soit le fait de permettre la culture à domicile. La culture à domicile n'est assortie d'absolument aucun contrôle de la qualité du produit, de la puissance et de toutes ces choses, et peut aussi faciliter l'accès des enfants.
    Est-ce que l'Association des infirmières et infirmiers du Canada aimerait commencer? Nous pourrons ensuite laisser les autres témoins formuler des commentaires quant à savoir si permettre la culture à domicile est une bonne idée.
(0935)
    Les risques associés au cannabis cultivé à la maison reflètent certains des risques qui ont été associés à l'accès à l'alcool, au tabac et aux produits pharmaceutiques à la maison. Encore une fois, on en revient vraiment au besoin de sensibiliser le public aux préjudices possibles du cannabis, particulièrement pour les enfants qui peuvent en consommer sans en connaître les risques.
    Cette situation souligne vraiment le besoin de créer une réglementation sur le cannabis autoproduit en ce qui a trait à la source des plants ou des graines qui sont utilisés, de façon à limiter la puissance, à limiter le nombre de plants et le matériel végétal qui se trouvent dans les maisons, en s'assurant qu'il y a des règlements sur l'entreposage, l'étiquetage et l'utilisation de ce produit sous une forme comestible qui, encore une fois, peut être plus attirante pour les enfants.
    Nous sommes favorables à une réglementation liée à l'entreposage et la production sécuritaires. Encore une fois, cela souligne le besoin d'avoir une conversation ouverte et sans jugement entre les parents et les enfants sur ce qu'est le cannabis, la façon dont on peut le consommer de façon sécuritaire et la raison pour laquelle il y a des limites liées à la consommation chez les gens âgés de moins de 18 ans.
    J'ai bien aimé qu'on fournisse les statistiques sur ce que l'alcool et le tabac nous coûtent: 40 000 décès, 6,5 millions de jours d'hospitalisation et 30 milliards de dollars par année. Dans le cadre de notre conversation, actuellement, nous avons dit qu'il faut légaliser la marijuana et la traiter de façon similaire à la façon dont on traite l'alcool et le tabac. Cependant, on se rend bien compte que, peut-être, ces dossiers ne sont pas des réussites, et que, peut-être nous ne devrions pas tenter de reproduire ce qu'on a fait dans ces cas. Nous devrions peut-être apprendre de ces situations et envisager d'augmenter l'âge.
    L'une des choses dont j'aimerais que nous parlions un peu plus longtemps, c'est cette idée d'une offre non fondée sur les profits. C'est quelque chose que nous avons entendu hier, de nos homologues du Québec.
    Je crois que c'est vous, monsieur DeVillaer, qui en avez parlé. De quelle façon cela pourrait-il fonctionner au Canada? Quelle forme cela pourrait-il prendre?
    C'est une très bonne question. Il y a des gens qui ont écrit à ce sujet.
    L'un des modèles populaires — et je crois que le groupe du Québec, si je ne m'abuse, y est très favorable —, c'est ce qu'on retrouve dans un certain nombre de pays européens où il y a de petites coopératives. Ce sont des coopératives exploitées par des consommateurs qui versent des salaires à leurs employés, mais il n'y a aucun motif d'accroître le nombre de membres, aucune raison de pousser les membres actuels à consommer plus, et ce sont des façons importantes de prévenir que la consommation devienne problématique.
    Je crois que les gens connaissent bien les coopératives. Il y a beaucoup de personnes dans les collectivités qui se joignent à une coopérative pour obtenir des légumes ou autre chose. C'est vraiment une extension de cette notion très simple.
    L'élément important qu'un tel modèle apporte... Tout ce qu'on veut, c'est de simplement servir le marché actuel, pas l'élargir. Nous savons en raison des décennies de recherches réalisées au sujet de l'alcool et du tabac, que plus on fait la promotion d'une drogue grâce à la publicité, plus cette drogue est utilisée et que plus on en facilite l'accès, plus elle est consommée. C'est de cette façon qu'on agrandit un marché. Le problème, ici, c'est que, à mesure que le marché grandit, le nombre de personnes qui ont des problèmes connexes augmente aussi. C'est la raison pour laquelle l'expansion du marché est importante.
    L'autre chose que j'aimerais dire très rapidement c'est que, encore une fois, nous avons eu beaucoup de difficulté à l'échelle internationale, pas seulement ici, au Canada, à réglementer les industries pharmaceutiques légales de façon à ce qu'elles obtiennent un juste équilibre entre la génération de revenu et la protection de la santé publique. C'est beaucoup plus difficile que peuvent bien le penser la plupart des gens.
    Monsieur Kleiman, vous semblez vouloir répondre.
    Si vous me permettez, pour ce qui est de la question de l'âge, c'est une question très difficile. Il ne fait aucun doute que les jeunes de 16 ans obtiennent ce dont ils ont besoin de jeunes âgés de 18 ans, et donc, établir l'âge minimal à 18 ans aura pour effet d'accroître la consommation chez les jeunes. Il est aussi vrai que les casiers judiciaires sont catastrophiques, mais des arrestations liées au cannabis sont beaucoup plus dangereuses que la plupart des types de consommation de cannabis.
    Voici un possible compromis. Dans les États américains qui appliquent vigoureusement leur loi contre la vente directe de détaillants à des personnes âgées de moins de 21 ans, on note des réductions de la consommation d'alcool à mesure que l'âge diminue, et une réduction du nombre de cas de conduite avec facultés affaiblies, à mesure que l'âge diminue. C'est donc une méthode qui semble efficace. Il n'est pas nécessaire d'associer une telle solution à la criminalisation de la possession ou de la consommation par les gens qui n'ont pas encore atteint l'âge légal. Si on applique la loi en visant le vendeur, plutôt qu'en criminalisant l'acheteur, je crois qu'on obtient la plupart des avantages liés à la restriction associée à l'âge, et ce, à relativement faible coût.
(0940)
    Très bien, merci.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Davies.
    Merci, monsieur le président, et merci à tous les témoins.
    Docteur Strang, je vais commencer par vous. Je veux vous citer le rapport final du Groupe de travail sur la légalisation et la réglementation du cannabis:
Les gouvernements du Canada, et de nombreuses autres organisations, devront travailler rapidement pour se préparer à la mise en œuvre du nouveau système. Ils devront renforcer ou développer leurs capacités dans de nombreux domaines liés à la production, à la distribution et à la vente au détail, au contrôle de la qualité et à l’application de la loi, ainsi qu’à la recherche et à la surveillance. Ce renforcement de la capacité nécessitera de nouvelles ressources (humaines et financières), des améliorations aux institutions existantes et la création de nouvelles institutions. Il faudra avoir en place tous les éléments pour assurer le bon fonctionnement du système.
    Certaines provinces affirment qu'elles auront de la difficulté à être totalement prêtes pour la légalisation du cannabis le 1er juillet. Vu que bon nombre des capacités que je viens de mentionner relèveront des provinces, la Nouvelle-Écosse a-t-elle des préoccupations à cet égard?
    Je tiens à souligner que je ne suis pas ici pour représenter la province de la Nouvelle-Écosse. Je suis ici en tant que représentant du Conseil des médecins hygiénistes en chef. Cependant, je peux vous dire que, comme beaucoup d'autres provinces, nous travaillons le plus dur et le plus rapidement possible pour gérer cette situation complexe.
    Mon dernier point, c'est que nous devons vraiment comprendre que la situation actuelle, soit le fait que le cannabis est illégal, mais qu'il est massivement consommé, se poursuivra. Si nous reportons la légalisation, cela ne réduira pas la consommation. On ne fera que maintenir le genre de zone grise que nous avons actuellement où les règles sont très nébuleuses.
    D'après moi, ce ne sera pas parfait, mais plus rapidement nous adoptons un cadre légal, en vertu duquel on pourra commencer à travailler sur les autres éléments, plus rapidement ont rendra la situation claire pour les Canadiens, claire pour le système de santé et claire pour les responsables de la justice pénale.
    Monsieur DeVillaer, vous avez recommandé au gouvernement canadien de décriminaliser immédiatement la possession de petites quantités de cannabis. Pourquoi?
    La première raison, c'est assurément le nombre — les dizaines de milliers — de Canadiens qui continuent d'avoir un casier judiciaire. Comme quelqu'un l'a déjà souligné, dans la grande majorité des cas, ces casiers judiciaires sont beaucoup plus préjudiciables que la consommation de cannabis. Ce type de décriminalisation peut se faire assez facilement, et c'est quelque chose qui a déjà été fait.
    Le Canada est en fait plutôt l'exception à la règle à cet égard. Il y a 32 pays — la dernière fois que j'ai vérifié — qui ont décriminalisé le cannabis, c'est-à-dire qui ont arrêté de donner des casiers judiciaires aux gens pour la simple possession de petites quantités de cannabis. Même aux États-Unis, dont on entend tellement parler... je crois qu'il y a actuellement sept ou huit États maintenant qui soit ont légalisé, soit sont en cours de légaliser le cannabis. Il y en a actuellement deux fois plus qui ont consciemment décidé de choisir la décriminalisation plutôt que la légalisation. C'est important.
    C'est quelque chose qu'il aurait fallu faire il y a très longtemps. J'aurais aimé que ce soit fait dès que la campagne a commencé. J'aurais aimé qu'on commence lorsque l'idée a été présentée devant la Chambre des communes par Murray Rankin, en juin dernier. Il y a une solution simple pour y arriver, et c'est la Loi sur le directeur des poursuites pénales. Cette loi pourrait être invoquée pour demander aux organismes d'application de la loi et aux procureurs de la Couronne d'arrêter de porter des accusations liées au cannabis et les retirer lorsque les accusations ont été portées.
(0945)
    Merci.
    Madame Shuhendler...
    Une seconde, monsieur Kleiman a...
    Je vais en venir à...
    Il veut répondre à cette question.
    D'accord. Rapidement, monsieur Kleiman.
    C'est une question au sujet de laquelle j'ai changé d'idée au fil du temps. Avant, je pensais que punir les consommateurs était une façon importante d'éliminer les marchés illicites, et si c'était vrai, je crois que j'y serais encore favorable. Je crois que les données probantes montrent maintenant qu'aucun pays n'a créé une menace suffisante à l'égard des consommateurs pour vraiment réduire de façon importante la consommation. Le principal impact des sanctions imposées aux consommateurs, se limite à l'effet punitif. Ce n'est pas seulement le cas pour le cannabis, ce l'est aussi pour les autres drogues que nous continuons de considérer comme tout à fait illégales. Je crois que la méthode consistant à punir les consommateurs de drogue est probablement une erreur et devrait être abandonnée.
    Merci. Je vais revenir à vous, monsieur, avec une autre question.
    Madame Shuhendler, si j'ai bien compris ce que vous avez dit, vous affirmez que l'approche axée sur la criminalisation du cannabis a des conséquences négatives. Est-ce exact? Est-ce que je vous ai bien comprise?
    Nous parlions précisément de la criminalisation des jeunes, mais oui.
    Est-ce que l'approche axée sur la criminalisation a des conséquences négatives sur les jeunes?
    Oui.
    Vous savez probablement que le projet de loi C-45 conserve une telle approche axée sur la criminalisation.
    Oui.
    Et on continuera à criminaliser des choses comme la possession de plus de 30 grammes et la culture de plus de quatre plants.
    Un jeune de 20 ans qui vend de la drogue à un jeune de 14 ans pourrait être condamné à un maximum de 14 ans de prison. Selon vous, est-ce que cette approche continuera d'avoir des conséquences négatives sur les jeunes?
    Je crois que c'est une excellente question.
    Je crois que, aux fins de notre mémoire et dans le cadre du sondage que nous avons réalisé auprès des infirmières et infirmiers partout au pays, nous voulions mettre l'accent sur le désavantage disproportionné que constitue la décriminalisation pour les jeunes. Nous n'avons pas approfondi davantage les excellents points que vous avez soulevés, qui l'ont été soulevés précédemment, il y a quelques jours, par ce groupe. Je crois qu'une approche axée sur la criminalisation peut être dangereuse. Le rôle des infirmières et des infirmiers dans ce dossier, c'est vraiment de s'efforcer d'offrir un endroit ouvert pour l'éducation, et, par conséquent, les efforts de légalisation sont assurément la bonne chose à faire.
    Merci.
    Dois-je dire Dr Kleiman ou M. Kleiman? Je ne sais pas.
    Monsieur, s'il vous plaît.
    D'accord. Monsieur Kleiman, je ne sais pas si je vous ai bien compris, mais je crois vous avoir entendu dire, au sujet de la politique fiscale, que vous recommandiez un prix de 50 $ par gramme. Est-ce que je vous ai bien entendu?
    Non, je suis désolé, je voulais dire 50 $ par gramme de THC. Pour du cannabis de puissance ordinaire aux États-Unis, qui renferme environ 20 % de THC actuellement, cela reviendrait à environ 10 $ par gramme, soit le prix du cannabis illicite aux États-Unis.
    Merci.
    L'objectif, c'est qu'il n'y ait pas une diminution des prix.
    Merci pour cette précision.
    Je vais revenir au Dr Strang.
    Je crois que vous avez mentionné que l'objectif lié à la santé publique sous-jacent du projet de loi C-45, c'est l'idée de retirer des produits du marché illicite — je crois que vous préférez le terme « illégal ». C'est exact?
    Oui, l'objectif c'est d'intégrer les gens dans un marché légal, mais un marché légal qui s'appuie sur des objectifs de santé publique et de sécurité publique, pas de profit.
    Le projet de loi ne le ferait pas pour les produits comestibles, les produits concentrés et les autres produits. En d'autres mots, le 1er juillet 2018, ces produits continueront d'être vendus sur le marché illégal sans réglementation quelconque concernant la qualité, l'emballage ou quoi que ce soit.
    Nous avons entendu des témoignages selon lesquels une proportion de 30 à 60 % des produits consommés par les personnes en Amérique du Nord se présentent sous forme de crème, ou de vaporisateur nasal, de teinture ou de produits comestibles d'un genre ou d'un autre.
    Croyez-vous que nous devrions agir rapidement afin d'intégrer ces produits dans le marché réglementé, exactement pour dissiper les préoccupations liées à la santé publique et la sécurité publique que vous avez mentionnées ou devrait-on laisser ces produits au marché illégal?
    Je ne suis pas en désaccord avec le besoin d'intégrer les produits comestibles, mais le monde des produits comestibles peut être très complexe, et je crois qu'il est approprié de procéder de façon progressive.
    La situation est déjà assez complexe actuellement, ce que vous savez probablement très bien, j'en suis sûr, à la lumière des audiences que vous avez tenues cette semaine. Nous devons régler certains des autres dossiers avant d'aborder la question très complexe des produits comestibles. Le contrôle de la consommation, l'identité des personnes qui en mangent, le milieu de travail, les écoles, etc. Tout ça devient très difficile, et il faudra y réfléchir beaucoup plus et mener une conversation stratégique beaucoup plus poussée.
    Merci beaucoup, monsieur Davies.
    Nous allons maintenant passer à Mme Sidhu.
(0950)
    Merci à vous tous d'être là et de nous fournir des renseignements de grande valeur.
    Ma question est destinée au Dr Melanson.
    Nous savons tous que, en 2015, le taux de consommation de cannabis le plus élevé au Canada était chez les jeunes, de 21 %. M. Kleiman a dit que d'immenses quantités de cannabis sont consommées, peu importe si le produit est légal ou non. Mon collègue a tenu une assemblée publique, hier, et mentionné le fait que 45 % des jeunes consomment actuellement. J'ai réalisé une table ronde dans ma circonscription, et le nombre de personnes qui consomment a doublé.
    Docteur Melanson, vous avez dit dans votre déclaration que vous avez eu un patient à l'urgence dont le cannabis avait été mélangé avec une autre drogue plus dangereuse. Tout ça met la vie de nos jeunes en danger.
    C'est la raison pour laquelle notre gouvernement, après une longue consultation auprès des organismes d'application de la loi, a présenté un projet de loi pour légaliser et réglementer strictement le cannabis et en limiter l'accès. Croyez-vous que cette approche est préférable au fait de laisser les jeunes prendre du cannabis mélangé avec d'autres choses? Qu'en pensez-vous?
    Madame Sidhu, merci de me poser cette importante question.
    Ma mention du cannabis mélangé avec autre chose était liée à mon expérience: actuellement, comme vous le savez, il n'y a pas de marché légal du cannabis. Je présume qu'il y aurait un certain avantage au fait que la substance soit contrôlée du point de vue de la sécurité, du point de vue des additifs qui y sont ajoutés ou non. J'imagine que cela suppose aussi que, une fois que la substance sera légalisée, le marché illicite disparaîtra complètement, ce qui n'arrivera peut-être pas.
    J'aimerais aussi souligner qu'il y a d'autres risques importants pour la santé des jeunes en particulier. Comme vous le savez déjà, la principale cause de décès chez les jeunes, ce sont les traumatismes. Nous savons que les traumatismes, que ce soit en raison d'un accident de la route ou d'un comportement à risque élevé, sont souvent associés à la consommation d'alcool ou de drogue illicite, y compris la marijuana. C'est là un autre genre de situation que j'ai souvent vu, malgré toutes les initiatives de sensibilisation publique en 2017 sur la consommation d'alcool et de drogue illicite et les comportements à risque élevé.
    Pour répondre à votre question, je crois qu'il pourrait y avoir des améliorations vu qu'on constate actuellement que des cannabinoïdes sont parfois mélangés à des agents toxiques plus puissants. Malheureusement, je ne crois pas qu'on éliminera tous les risques que courent les jeunes en ce qui a trait au genre de situations problématiques dans lesquelles ils peuvent se retrouver.
    Merci.
    Ma prochaine question est destinée à l'AIIC.
    Notre gouvernement a fait un investissement historique de 5 milliards de dollars tout au long de 2017 afin d'offrir un soutien en santé mentale à 500 000 jeunes Canadiens. Les ressources en santé mentale et les recherches connexes seront bénéfiques pour tous les Canadiens. De quelle façon ce domaine précis de financement et de recherche soutient-il l'objectif du gouvernement de protéger la santé des Canadiens et de réduire au minimum les préjudices du cannabis illicite?
    Merci de la question.
    La légalisation éliminera une bonne partie des préjudices du cannabis illicite. Pour ce qui est de votre question sur le financement en santé mentale, c'est un excellent investissement. Nous saluons l'investissement du gouvernement dans les services de santé mentale, parce que cet investissement est nécessaire. Il y a toujours place à l'amélioration, aussi, et, comme nous l'avons dit dans notre témoignage et dans notre mémoire, des investissements supplémentaires découlant des revenus tirés de la vente ou des économies liées à l'application de la loi devraient aussi être réaffectés à des programmes de santé mentale et des programmes de prévention et de traitement de la toxicomanie. Je crois que, même si 5 milliards de dollars est un excellent investissement qui reflète le fait qu'il faut offrir plus de services de santé mentale au Canada, on devrait utiliser des fonds supplémentaires découlant de la légalisation du cannabis pour investir dans le domaine de la santé mentale.
    J'aimerais ajouter quelque chose à titre informatif. Nous allons rencontrer des représentants des Instituts de recherche en santé du Canada, lundi, à Montréal. Il y aura là des chercheurs de partout au pays qui discuteront des priorités des IRSC dans le domaine de la recherche sur le cannabis et la consommation de cannabis à des fins non médicales au Canada. Par conséquent, il y aura probablement des fonds supplémentaires précis pour réaliser des recherches dans le cadre desquelles on se penchera sur les effets sociaux et liés à la santé de la consommation de cannabis à des fins non médicales après la légalisation.
(0955)
    Merci.
    Ma prochaine question est destinée encore une fois au Dr Melanson.
    Selon vous, quel est le rôle des professionnels de la santé, des éducateurs sans but lucratif, des organisations communautaires et des autres organisations non gouvernementales qui fournissent des services d'éducation publique pour les jeunes sur le cannabis? Je salue aussi les travaux que vous réalisez en matière d'éducation publique, surtout en ce qui a trait à une saine alimentation chez les jeunes. Qu'avez-vous à dire au sujet de l'éducation publique des jeunes relativement au cannabis?
    Encore une fois, l'important, c'est d'utiliser les outils auxquels les jeunes ont accès. Ici, au Nouveau-Brunswick, je représente la Société médicale du Nouveau-Brunswick —, nous utilisons des formats électroniques ainsi que des moyens traditionnels pour communiquer notre message aux jeunes selon lequel, malgré la légalisation du cannabis, la consommation de cette drogue reste risquée dans une certaine mesure. Comme d'autres témoins l'ont mentionné plusieurs fois, lorsque vient le temps de consommer de la marijuana légale, il faut pouvoir prendre une décision éclairée et comprendre tous les risques. C'est le message principal que nous avons communiqué aux citoyens du Nouveau-Brunswick jusqu'à présent.
    Je dirais aussi que, essentiellement, la campagne d'éducation devrait être durable et ne pas simplement tenir compte de ce qui se passe actuellement et qu'une stratégie globale entre les provinces et à l'échelle du pays devra probablement être adoptée, pour que l'on puisse s'assurer que le message que reçoivent nos jeunes en particulier est uniforme. Nous ne voulons pas communiquer des messages contradictoires.
    Merci.
    Ma prochaine question est destinée à M. DeVillaer.
    Monsieur DeVillaer, s'il vous plaît. Merci.
    Monsieur DeVillaer, le projet de loi C-45 propose une réglementation très stricte en ce qui a trait à l'étiquetage, à la publicité et à la commercialisation dès le début de la légalisation, tandis que l'alcool, les produits pharmaceutiques et les produits du tabac ont tous pénétré le marché légal en vertu d'une réglementation beaucoup plus assouplie.
    Croyez-vous que cette différence aura un impact sur notre capacité de protéger la santé publique?
    Je crois qu'il y a certains aspects positifs dans le projet de loi C-45 qui découlent du rapport du groupe de travail. Par exemple, on dirait qu'on permettra seulement la publicité des produits du cannabis dans les endroits fréquentés par des adultes. Cela inclura les points de vente au détail du cannabis, peut-être les points de vente au détail d'alcool, les casinos, peut-être dans le cadre de publicités avant des films pour adultes. Il y a un certain nombre de possibilités, ici.
    Je crois que cette approche présume que seuls les jeunes sont touchés par la publicité et la commercialisation, eh oui, nous devrions absolument faire tout en notre pouvoir pour nous assurer que les efforts de publicité et de commercialisation ne rejoignent pas les jeunes. C'est quelque chose que nous ne faisons toujours pas pour l'alcool, par exemple. La publicité pour des produits alcoolisés est partout actuellement, et il n'y a aucune façon de protéger les jeunes contre cette publicité.
    Les adultes seront tout de même exposés à la publicité, et il faut faire très attention de ne pas sous-estimer le pouvoir de cette industrie d'influer sur les comportements. N'oubliez pas, on parle ici de l'industrie qui, dans les années 1960, a convaincu tout le monde que fumer des feuilles séchées enroulées dans du papier allait accroître la réussite sur le plan romantique et permettre d'avoir de meilleures carrières sans aucun préjudice pour la santé. La moitié de la population adulte l'a cru. Je crois que nous en savons plus de nos jours qu'à cette époque, et cela aidera, mais les adultes restent très sensibles à la publicité. La publicité fonctionne.
    Les responsables de la santé publique le disent depuis longtemps, maintenant, et on voit que le message commence à avoir un impact. Nous voyons de réputés journalistes du domaine de la santé, comme André Picard, par exemple, écrire sur la façon dont l'alcool fait l'objet d'une promotion et d'une publicité extrêmement dynamiques. Même dans l'industrie de la publicité, Terry O'Reilly est une icône dans l'industrie de la publicité canadienne, il a récemment formulé certains commentaires dans le cadre de son émission sur la façon dont l'alcool cible de façon très marquée les femmes. Les données du CAMH montrent que la consommation d'alcool chez les femmes a augmenté au même niveau que la consommation des hommes.
    C'est la raison pour laquelle je propose qu'on fasse tout en notre pouvoir pour complètement interdire les publicités de toutes sortes. L'utilisation d'emballages neutres est très importante. Je suis heureux de voir qu'on en parle. En ce qui a trait aux points de vente au détail, l'une des choses que j'aimerais bien voir, c'est l'adoption d'une approche d'emballage neutre dans les points de vente au détail aussi, en raison du principe qu'un emballage de cannabis ou peu importe, comme c'est le cas des cigarettes, est une publicité. Chaque fois que quelqu'un le sort, c'est une publicité. Un emballage neutre réduit cet effet au minimum de façon importante, et j'aimerais qu'on fasse la même chose dans les points de vente au détail aussi.
(1000)
    Merci.
    Voilà qui termine notre série de sept minutes.
    Nous allons commencer une série de cinq minutes avec M. Webber.
    Merci aux témoins.
    Docteur Melanson, j'ai trouvé intéressante votre discussion sur le syndrome des vomissements cycliques et à la façon dont vous avez attribué ce problème à la consommation de marijuana. Cependant, les gens qui subissent une chimiothérapie et qui ont des problèmes de nausées ont tendance à consommer de la marijuana pour éliminer la nausée. C'est intéressant de constater que le cannabis a un effet X sur certaines personnes, et un effet Y sur d'autres. Avez-vous des commentaires à formuler à ce sujet?
    C'est une excellente question, monsieur Webber. Je crois que cela montre bien notre manque de compréhension de la valeur scientifique réelle du cannabis et, peut-être, de ses effets bénéfiques ou néfastes. C'est un point que vous avez très bien soulevé. Aussi, en tant que médecin en exercice, je rencontre souvent des patients qui me parlent de l'efficacité du cannabis pour réduire leurs problèmes de nausées. Cependant, durant le même quart de travail, je peux rencontrer une jeune personne aux prises avec un syndrome de vomissements cycliques.
    Pour être très honnête, la littérature médicale n'est pas très claire sur les raisons physiologiques qui sous-tendent tout ça, ce qui, selon moi, devrait nous faire réfléchir à la question de savoir s'il faut s'attendre à une consommation accrue du cannabis dans nos collectivités si nous ne comprenons pas totalement ses répercussions médicales ou liées à la santé. Je crois que la situation souligne vraiment l'importance du rôle que la recherche jouera à l'avenir dans le cadre de l'étude des effets non seulement du point de vue de la population, mais aussi du point de vue physiologique et médical. Il faut s'assurer d'en faire la promotion intense. Sinon, nous continuerons à avancer dans le noir, comme c'était le cas auparavant, quant aux vrais effets de cette substance sur la santé des gens.
    Merci de cette réponse. Je suis d'accord.
    Monsieur Kleiman, j'ai une question pour vous. Vous avez mentionné avoir participé de près au processus de légalisation de l'État de Washington. Est-ce l'État de Washington qui n'a pas permis la culture à domicile? C'est bien vrai?
    C'est exact. Washington permet la culture à domicile pour les personnes qui ont reçu une recommandation médicale, mais pas pour ceux qui veulent simplement en consommer à des fins non thérapeutiques. À cet égard, la situation est différente de celle du Colorado, qui permet la culture à domicile.
    C'est le Colorado qui permet la culture à domicile à des fins récréatives. Est-ce que...
    Oui. Les responsables ont eu un important problème lié au fait que des personnes qui veulent que du cannabis puisse être vendu à l'extérieur de l'État à l'aide d'une chaîne de personnes qui cultivent prétendument à la maison alors qu'il s'agit en fait d'une culture essentiellement illicite.
    J'étais très favorable à la culture à domicile au départ, en raison de la théorie selon laquelle on ne devrait pas pousser les gens à se tourner vers un marché si c'est quelque chose qu'ils peuvent faire eux-mêmes. Je crois que, finalement, les problèmes de réglementation liés à la culture à domicile étaient plus complexes que je ne le croyais au départ. Par conséquent, l'approche de Washington semble maintenant plus logique que celle adoptée au Colorado.
    Croyez-vous que le Colorado a adopté cette voie en raison des problèmes liés à l'élimination de la culture à domicile?
    Je sais qu'on veut limiter le nombre de plants. Un plant de cannabis peut donner un large éventail de productions, mais si on permet aux gens de cultiver six plants, c'est suffisant pour produire pas mal de cannabis aux fins d'exportation.
    Merci.
    J'aimerais aussi savoir ce que les autres pensent de la culture à domicile.
    Je vais commencer par Robert Strang. Que pensez-vous de la culture à domicile?
    Il me vient deux choses à l'esprit. La culture à domicile crée assurément un certain nombre de problèmes liés au fait qu'on continue de banaliser le cannabis comme étant totalement acceptable socialement. En Nouvelle-Écosse, nous avons eu des réunions avec des propriétaires d'immeubles à usage locatif, et ils ont un certain nombre de préoccupations importantes et bien réelles liées à leur point de vue en tant que propriétaires, sur la possibilité pour les locataires de cultiver du cannabis chez eux et sur les répercussions que cela peut avoir dans des immeubles à logements multiples. Cependant, je crois aussi qu'il faut être réaliste. Les gens vont faire pousser du cannabis qu'on dise que c'est légal ou non, et toute cette question devient un genre de problème lié à l'application de la loi. De façon générale, je crois qu'il serait préférable que le cannabis soit produit, acheté et vendu sur un marché légal bien réglementé de façon à réduire au minimum les autres sources.
(1005)
    Madame Balneaves.
    En ce qui a trait à la culture à domicile, j'aimerais vous faire part de certaines recherches. Nous avons réalisé un sondage national auprès des personnes qui consomment du cannabis à des fins médicales, et il se dégage une impression générale que les gens qui ont été exposés à l'auto-production préfèrent cette solution pour leur consommation thérapeutique parce que, déjà, ils peuvent contrôler le produit. Bon nombre d'entre eux sont d'assez bons botanistes amateurs, dans la mesure où ils ont créé un produit qui leur permet de composer avec les symptômes ou les problèmes de santé pour lesquels ils consomment. La culture à domicile leur permet aussi d'avoir facilement accès à leurs médicaments plutôt que d'avoir à attendre de recevoir le tout par la poste comme c'est le cas actuellement. Encore une fois, on revient au point que j'ai soulevé sur l'importance de réglementer la culture à domicile, afin d'en assurer la sûreté, non seulement pour les personnes dans la résidence, mais pour les voisins et pour la collectivité en général.
    J'aimerais aussi commenter rapidement votre observation au sujet du syndrome d'hyperémèse. Je tiens à souligner que le statut légal du cannabis a fait en sorte qu'il était très difficile, pour un chercheur, de pouvoir mener des recherches sur cette drogue. Afin de pouvoir mener des essais cliniques liés au cannabis, il faut parfois attendre jusqu'à deux ou trois ans afin d'obtenir une approbation de Santé Canada et d'enfin avoir accès à la substance en tant que telle. Beaucoup d'entre nous dans le milieu de la recherche ont très hâte à la légalisation, parce que, nous l'espérons, on pourra alors réaliser les recherches tellement nécessaires qu'il faut entreprendre.
    C'est intéressant.
    Votre temps est écoulé.
    Nous allons passer à M. Oliver.
    Merci de votre témoignage ce matin.
    Monsieur DeVillaer et docteur Melanson, je veux revenir à la question de l'âge minimal et au conseil que vous avez prodigué. Je comprends tout à fait le point de vue lié à la santé que vous avez adopté sur cette question ainsi que votre recommandation selon laquelle l'âge minimal devrait être 21 ans.
    Je veux vous fournir rapidement quelques renseignements contextuels, parce que vous parlez ici d'une loi fédérale et pas d'une loi provinciale. À l'échelon fédéral, la définition d'un jeune inclut les personnes âgées de 12 à 17 ans. Une personne de moins de 17 ans sera accusée et déclarée coupable en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, son nom ne sera pas divulgué, et le dossier serait scellé ou détruit après certains délais. À l'échelon fédéral, à partir de 18 ans, une personne est accusée en tant qu'adulte et, si elle est déclarée coupable, elle aura un casier judiciaire qui est du domaine public.
    Si nous acceptons votre conseil à l'échelon fédéral et que nous établissons l'âge minimal à 21 ans, alors les jeunes de 18, 19 et 20 ans pourraient faire l'objet d'accusations criminelles et pourraient avoir un casier judiciaire public. Je crois que l'objectif du projet de loi fédéral est de protéger les adultes contre une telle situation, et c'est la raison pour laquelle les personnes âgées de 18 ans et plus pourraient être légalement en possession d'une certaine quantité de cannabis. C'est un âge minimal, alors les provinces ou les territoires pourraient choisir un âge plus élevé. Les provinces et les territoires pourraient opter pour 21 ans, et, dans un tel cas, les jeunes âgés de 18, 19 et 20 ans arrêtés en possession de marijuana seraient accusés en vertu de lois provinciales. On parle d'une amende, d'une contravention ou d'une saisie. Il n'y aurait pas de casier judiciaire. Pensez à des contraventions ou des accusations liées aux permis d'alcool. Il semble s'agir selon moi d'une meilleure solution.
    Est-ce que votre conseil sur l'établissement de l'âge minimal à 21 ans concerne plutôt l'âge minimal établi à l'échelon provincial et territorial ou croyez-vous vraiment que les conséquences pour la santé des 18, 19 et 20 ans sont tellement extrêmes que ces personnes devraient faire l'objet d'accusations criminelles à l'échelon fédéral? Sachant cela, croyez-vous que votre conseil sur l'âge minimal fédéral reste correct et qu'il faudra avoir 21 ans avant de bénéficier de la légalisation?
    J'ai un certain nombre de choses à dire, monsieur Oliver.
    Pour ce qui est de votre affirmation selon laquelle la Société médicale du Nouveau-Brunswick et moi-même examinons cette question du point de vue des soins de santé, c'est essentiellement de ce point de vue que nous regardons la plupart des choses. Je prends cependant bonne note de ce que vous avez dit sur les ramifications légales.
    J'aimerais revenir sur un certain nombre des choses que vous avez dites; premièrement, selon moi, le scénario que vous avez présenté semble tout à fait raisonnable, tant que les administrations provinciales sont sur la même longueur d'onde et assument le même niveau de responsabilité lorsqu'elles appliquent leurs lois.
    Deuxièmement, en ce qui a trait à l'équilibre entre la criminalité et les risques associés aux soins de santé, nous avons entendu un certain nombre de témoins, ici, aujourd'hui, parler d'éventuels compromis qu'on pourrait trouver ou d'éventuelles options qui s'offrent à nous.
    Cependant, j'aimerais souligner que le groupe démographique dont vous avez parlé, les 12 à 17 ans, puis les 18 à 21 ans, malheureusement, ont aussi tendance à être les groupes chez qui on constate les tout premiers épisodes d'importants problèmes de santé mentale.
(1010)
    Je veux être clair sur la question démographique: la définition fédérale d'un jeune est de 12 à 17 ans. À partir de 18 ans, on parle d'adultes.
    D'accord. J'essaie simplement de souligner que ce groupe représente aussi, du point de vue de la santé, le groupe démographique au sein duquel on voit apparaître les premiers épisodes des graves problèmes de santé mentale. Je crois que la littérature médicale est très claire à ce sujet.
    Je comprends les conséquences pour la santé. Je reviens à votre conseil au Comité selon lequel il faudrait repousser l'âge limite de la légalisation à 21 ans plutôt que d'adopter le conseil de votre province du Nouveau-Brunswick ou de la province de l'Ontario. Je comprends les risques pour la santé, je crois que le Comité a entendu beaucoup de choses à ce sujet. J'essaie d'en venir directement à votre conseil. Voulez-vous que le Comité change l'âge minimal et l'établisse à 21 ans? Est-ce encore ce que vous conseillez, vu les conséquences associées aux accusations criminelles?
    Comme vous l'avez mentionné, oui. Nous croyons fortement à l'importance d'établir l'âge minimal à 21 ans et nous ne serions pas prêts à l'abaisser par crainte des répercussions sur la santé. Comme vous l'avez aussi souligné, on semble avoir des capacités juridiques de contourner la question de la criminalité, tant que les administrations locales et provinciales peuvent travailler en coopération pour y arriver.
    Selon moi, c'est en partie la raison pour laquelle j'ai soutenu la décriminalisation en tant que premier...
    J'ai une autre question. La décriminalisation ne règle rien au marché noir. Cette solution ne tient pas compte du droit d'autoriser ou de réglementer la production de marijuana. Cette solution laisse le pays dans une situation beaucoup plus difficile. Dans le cadre du projet de loi, il est question de légalisation, pas de décriminalisation.
    Oui, je comprends.
    Permettez-moi de préciser ma suggestion. Je ne suggère pas qu'on procède à la décriminalisation plutôt qu'à la légalisation. Je propose seulement la décriminalisation comme une première étape, qui offrirait ensuite beaucoup d'avantages pour rendre le processus de légalisation plus simple. Je dis qu'il faut décriminaliser tout de suite, et rendre les choses un peu plus simples, puis procéder à la légalisation comme on le fait déjà. Je crois qu'il y a une expression populaire dans le domaine de la médecine d'urgence: « d'abord, arrêter l'hémorragie ». L'hémorragie, dans le cadre de la réforme juridique liée au cannabis, ce sont tous ces jeunes dont l'avenir est compromis par des casiers judiciaires. Réglons ce problème, puis consacrons notre temps à la légalisation. Il n'y a pas d'urgence liée à la consommation de cannabis à des fins récréatives. Nous devrions prendre tout le temps dont nous avons besoin pour bien faire les choses.
    Merci de cette réponse.
    Votre temps est écoulé.
    Monsieur Carrie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'ai bien aimé les questions posées par mon collègue, M. Oliver. Cela m'amène à poser une question et je vais peut-être la poser au Dr Melanson. Pourquoi ne pas simplement décriminaliser le cannabis jusqu'à 21 ans, puis de le rendre légal pour tous ceux âgés de plus de 21 ans? Croyez-vous que ce pourrait être une solution? On pourrait en faire une infraction pouvant être passible d'une contravention, parce que personne ne veut voir un jeune accusé d'une infraction criminelle qui le suivra toute sa vie. De ce que j'ai entendu durant les témoignages, ce n'est peut-être même pas une solution pratique actuellement, mais pourquoi ne voudrions-nous pas tout simplement décriminaliser jusqu'à 21 ans, puis rendre le tout légal après 21 ans?
    Qu'en pensez-vous?
    Du point de vue juridique, je crois que ce que vous dites semble parfaitement raisonnable. Il faudrait s'assurer que le message qu'on communique aux jeunes, aux jeunes adultes et qu'on oublie aussi dans cette discussion, c'est qu'en établissant l'âge minimal, nous tenons aussi compte des ramifications légales, sans pour autant approuver la consommation avant cet âge. Je prends bonne note de votre point, et je crois que c'est une proposition à laquelle il vaut la peine de réfléchir.
    Je tiens à remercier les témoins d'aujourd'hui. Je suis un peu frustré, parce que les libéraux traitent ce dossier à la hâte. Je crois que vous êtes des témoins de qualité et j'aime entendre ce que vous avez à dire, parce qu'on parle ici d'une initiative transformationnelle. Nous nous rendons tous compte qu'il n'y a aucun autre pays qui a vraiment adopté cette voie. C'est une grande expérience. C'est complexe. Le son de cloche qu'on a entendu de la plupart des témoins, c'est que, même si les gens ont hâte que ce soit fait, le plus important, c'est de bien faire les choses. Nous prenons bonne note de ce que vous avez dit au sujet de la responsabilité du gouvernement à l'égard de la protection de ses citoyens, particulièrement les jeunes.
    Puisque le groupe de témoins actuel se penche sur la question de la prévention, du traitement et de la consommation à faible risque, je veux revenir à ce sujet, et c'est la raison pour laquelle je crois que je vais encore poser une question au Dr Melanson, puis, peut-être, au Dr Strang.
    Le gouvernement a eu deux ans pour investir dans des campagnes de publicité publiques pour accroître la sensibilisation au sujet du cannabis. Il a eu deux ans pour mettre en place un système permettant de recueillir de façon continue des données. Il a eu deux ans pour mettre en place des recherches. Il a eu deux ans pour déterminer de quelle façon offrir des traitements aux personnes qui ont des problèmes de toxicomanie. Il a eu la même période pour assurer l'éducation du public. Ce dont on veut s'assurer, c'est d'adopter la bonne approche afin de protéger les gens, particulièrement nos jeunes. Croyez-vous que le gouvernement a gaspillé deux ans durant lesquels il aurait pu accroître la sensibilisation sur cet enjeu et croyez-vous qu'attendre jusqu'après la légalisation est une approche erronée et non sécuritaire?
    Docteur Melanson, je vais commencer par vous. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
(1015)
    Encore merci, monsieur Carrie. Je suis d'accord avec certains [Note de la rédaction: difficultés techniques]
    Wow. Finalement un témoin qui est d'accord avec moi.
    Des voix: Ah, ah!
    Docteur Melanson, je ne sais pas si vous pouvez nous entendre ou non, mais nous avons perdu le signal. Vous nous entendez?
    Eh bien, docteur Strang, vous allez peut-être être en partie d'accord avec moi.
    Je suis l'un des hauts fonctionnaires de Nouvelle-Écosse membre du groupe de travail des hauts fonctionnaires FPT qui oeuvre depuis plus d'un an. Dès le début, nous avons souligné le besoin d'avoir une discussion très sérieuse avec les Canadiens sur le cannabis et les changements à venir en raison de la modification du statut légal du cannabis. Il reste assurément beaucoup de travail à faire dans ce dossier, et les choses ont progressé assez lentement. Je dois formuler un commentaire, cependant: nous passons beaucoup de temps à parler des campagnes d'éducation et de marketing social.
    Ces campagnes sont nécessaires, mais, franchement, et on a utilisé l'exemple du tabac, tantôt; nous n'en sommes pas arrivés aux niveaux actuels de consommation de tabac au Canada grâce à des campagnes d'éducation et de marketing social, en parlant aux gens des risques liés au tabac. Nous avons atteint ces niveaux parce que nous avons utilisé d'autres leviers politiques liés aux prix, en limitant de façon importante la publicité du tabac et en créant des endroits sans fumée, entre autres. Ce que je veux dire, c'est que même s'il faut mener des campagnes de marketing social et d'éducation — elles sont nécessaires —, si nous ne contrôlons pas vraiment l'accès et le prix, la publicité et toutes ces choses, alors toutes les campagnes de marketing social seront une perte d'argent.
    Je comprends ce que vous dites, parce que vous avez mentionné que nous avons besoin d'une stratégie globale, et c'est ce que je crois aussi. Il reste environ 290 jours si le premier ministre décide de tenir sa promesse. Selon moi, il semble que, avec le gouvernement fédéral actuel et malgré le projet de loi et les annonces faites, aucune des ressources requises ne s'est rendue dans les provinces et les territoires afin d'aider à mettre en place des activités de collecte de données, de recherche, de traitement et d'éducation, toutes des choses qui font partie d'une approche globale.
    J'aimerais peut-être demander...
    Je crois que nous allons retourner au Dr Melanson. Je vais lui demander de terminer sa réponse.
    S'il est là.
    Docteur Melanson, vous êtes de retour?
    Oui, je suis de retour. Désolé, il y a eu des difficultés techniques.
    Je serai très bref. Je voulais souligner que, selon notre expérience, ici, au Nouveau-Brunswick, comme vous l'avez mentionné dans votre question, les organisations médicales ont eu besoin d'assumer un rôle de leadership dans ce dossier au cours des dernières années, et j'espère que nos gouvernements locaux et le gouvernement fédéral vont vite rattraper leur retard par rapport aux travaux que nous tentons de faire en matière de sensibilisation du public. Nous devons le faire du point de vue du leadership, parce qu'il semble y avoir un vide en ce qui a trait au fait de communiquer plus tôt que tard avec les gens.
    À la lumière de cette approche, le groupe actuel, comme je l'ai dit, s'intéresse au traitement et à la prévention. Nous entendons constamment dire que, si un jeune âgé de 12 à 17 ans possède plus de 5 grammes, il peut faire l'objet d'accusations criminelles. Si un adulte possède 31 grammes, il peut faire l'objet d'accusations criminelles. J'aimerais poser la question à chaque témoin. Croyez-vous qu'il devrait y avoir une quantité qui est décriminalisée? Je vais commencer par les représentants des infirmières et infirmiers.
    Il faut répondre rapidement, ici. Le temps est écoulé, alors répondez brièvement.
    L'AIIC ne croit pas que la décriminalisation est une stratégie qui aidera à réduire les préjudices liés à la toxicomanie.
    Oui, je crois que 30 grammes est une quantité raisonnable, et que tout montant supérieur à 30 grammes devrait faire l'objet d'autre chose que la simple confiscation, mais pas d'un casier judiciaire.
    D'accord, il faut s'arrêter ici, monsieur Carrie.
    Nous allons passer à M. Eyolfson.
    Docteur Melanson, nous avons des antécédents professionnels communs. Je suis un urgentologue de Winnipeg en période de récupération. J'ai exercé la médecine pendant 17 ans là-bas.
    L'une des choses que vous avez dites au sujet du fait qu'il faut se préparer — et corrigez-moi si j'ai mal compris — c'est que vous avez prévu une augmentation de la consommation de cannabis après la légalisation.
(1020)
    Merci de la question, monsieur Eyolfson.
    D'après ce que j'ai compris des autres administrations qui ont décriminalisé ou légalisé le cannabis, ces endroits ont constaté une consommation déclarée accrue du cannabis. Et là quant à savoir si cela se traduit par une consommation réelle... Cependant, je crois que les données probantes soutiennent que les districts qui l'ont fait ont constaté une augmentation de la consommation déclarée de cannabis.
    La raison pour laquelle j'ai posé la question, c'est que nous avons reçu des témoins de Washington et du Colorado qui, en fait, ont dit le contraire. Ils ont dit qu'il y a eu une brève augmentation, mais qu'il s'agissait d'une augmentation passagère et que, particulièrement en ce qui a trait aux jeunes, la consommation chez les jeunes plusieurs mois après était redevenue stable et revenue aux niveaux précédents, ce qui est très près de la moyenne nationale. L'un de nos témoins du Colorado a laissé entendre que, selon les derniers chiffres, il y avait en fait eu une diminution d'environ 12 % de la consommation chez les jeunes depuis la légalisation.
    C'est intéressant. En fait, cela m'incite à réfléchir et à retourner voir mes propres références que, j'ai bien peur, je n'ai pas ici, mais je vais laisser les autres témoins qui ont, peut-être, un petit peu plus d'expérience et qui pourront peut-être aussi s'appuyer sur leur propre expérience dans d'autres administrations répondre à vos questions.
    Monsieur Kleiman, vous travaillez au sein du système américain; quelles sont les statistiques que vous connaissez, et plus particulièrement en ce qui a trait à la situation au Colorado et à Washington?
    Il faut préciser un certain nombre de choses, ici. Je suis désolé. Tant au Colorado qu'à Washington, les ventes de cannabis se faisaient ouvertement sous le couvert d'un usage thérapeutique avant même qu'on légalise officiellement la consommation à des fins non thérapeutiques. Lorsque le cannabis légal a été mis sur le marché partout, les prix dans les magasins « récréatifs » étaient beaucoup plus élevés que les prix dans les points de vente thérapeutiques. Par conséquent, les principaux consommateurs dans les premiers jours de la légalisation, tant à Washington qu'au Colorado, étaient des gens de l'extérieur de l'État et quelques personnes respectables qui ne voulaient pas aller voir un médecin pour obtenir une fausse recommandation médicale.
    La diminution de prix qu'on constate actuellement n'est pas reflétée dans les données qui sont citées. À l'échelle nationale, aux États-Unis, la consommation chez les adultes, la grande consommation de cannabis a explosé au cours des deux dernières décennies, de sorte qu'on est passé d'environ un million de personnes qui sont de grands consommateurs quotidiens à près de huit millions de personnes qui sont de grands consommateurs quotidiens, mais toute cette augmentation a été constatée chez des consommateurs adultes. Le nombre d'adolescents est resté absolument le même. Ce qui explique la stabilité de la consommation chez les adolescents suscite des questions intéressantes. Une hypothèse, c'est que la diminution de la consommation de tabac chez les adolescents, qui est corrélée avec la consommation de cannabis, tire la consommation du cannabis vers le bas en même temps.
    Je crois que la réponse, tant à Washington qu'au Colorado, c'est que si vous voulez connaître les répercussions de la légalisation, il est bien trop tôt pour le dire.
    Merci.
    Monsieur Kleiman, vous étiez préoccupé par la chute des prix du cannabis légal. Vous avez suggéré de miser sur une taxe élevée et d'accroître le prix du cannabis légal pour décourager la consommation. Est-ce que je vous ai mal compris ou est-ce ce que vous avez dit?
    C'est exact. Une taxe élevée équivalente dans le monopole étatique de vente au détail. Une solution de rechange, que d'autres ont suggérée, serait d'éliminer complètement la commercialisation et de permettre à des coopératives de faire le travail, et on pourrait ensuite réglementer ces prix.
    Oui.
    Pas plus tard qu'hier, un de nos témoins du Colorado et un témoin de Washington ont reconnu que leur prix a en fait chuté bien en deçà du prix du marché noir. En fait, ce qui se produit, c'est que la part du marché légal comparativement au marché noir diminue de façon constante. Selon les dernières données qui datent un peu, le marché légal au Colorado représente 70 % du marché. Ils font actuellement des calculs, mais notre témoin, hier, a laissé entendre que, probablement, près de 90 % du marché au Colorado est maintenant légal.
    Oui, si vous pensez au marché à l'intérieur de l'État. Je ne connais pas les chiffres pour le Colorado.
    Nous avons estimé qu'environ les deux tiers du marché était légal dans l'État de Washington. Il s'agit d'une part de plus en plus élevée du marché légal, ce à quoi il fallait s'attendre. À mesure que les prix du cannabis légal diminuent, le marché illicite disparaîtra. Ce n'est tout simplement pas possible de produire du cannabis de façon illicite à un prix pouvant concurrencer la production commerciale licite.
    Croyez-vous tout de même qu'il est mieux de taxer le cannabis et de maintenir les prix élevés? Ne serait-il pas préférable d'éliminer le marché illégal en maintenant les prix plus bas?
    Je crois qu'il faut que le prix légal soit un petit peu inférieur à ce qu'était le prix du cannabis illégal. Ce serait approprié pour éliminer le marché illégal.
    La chose qui n'a pas été mentionnée, ici, c'est la nécessité de l'application de la loi. On est actuellement aux prises avec ce qu'on pourrait appeler un marché d'évasion fiscale. Si vous imposez une taxe élevée mais que vous ne l'appliquez pas, alors il y aura des entrepreneurs qui se présenteront et vendront du cannabis non taxé tout comme ils vendent du tabac non taxé. Si on veut mettre en place des règles, il faut les appliquer. Selon moi, ce devrait être un des volets du processus de planification de cette politique. Les prix devraient être inférieurs aux prix du produit illicite, mais pas assez bas pour encourager une grande consommation.
(1025)
    Merci.
    Votre temps est écoulé.
    Monsieur Davies.
    Merci.
    Vous savez, nous en sommes à notre quatrième jour de réunion, et il devient évident qu'un des principaux sujets des témoignages et une des choses qui suscitent le plus l'intérêt des membres du Comité, c'est l'impact du cannabis et de la légalisation du cannabis sur les jeunes. Nous avons entendu dire que les Canadiens comptent parmi les plus grands consommateurs de cannabis du monde. Ils arrivent peut-être au deuxième rang. Nous avons entendu parler de l'impact sur leur santé et leurs perspectives professionnelles et de l'incidence de la légalisation et de la criminalisation sur eux. Nous avons entendu parler de développement du cerveau. On nous a aussi dit que, apparemment, ils ont des mythes et de mauvais renseignements au sujet du cannabis. Certaines personnes nous ont prodigué des conseils sur la façon de communiquer efficacement avec les jeunes au sujet du cannabis. Nous avons eu droit à des opinions différentes sur leur accès au cannabis et la question de savoir s'il est plus ou moins facile d'avoir accès à du cannabis qu'à de l'alcool. On nous a parlé de leurs attitudes à l'égard du cannabis, mais nous n'avons encore rencontré aucun jeune dans le cadre de nos réunions.
    Des millions de Canadiens consomment du cannabis et l'ont reconnu. Ils en consomment aujourd'hui, ils en ont consommé et ils continueront de le faire. Le directeur parlementaire du budget a estimé qu'entre 5 et 7 millions de Canadiens consommeront du cannabis une fois le projet de loi en vigueur et, bien sûr des millions de Canadiens, je crois, ont voté clairement durant les dernières élections pour la légalisation du cannabis, mais, encore là, nous n'avons rencontré aucun Canadien ordinaire dans le cadre de nos travaux.
    Il y a de grands producteurs de cannabis bien établis au Canada actuellement et qui sont responsables, depuis une décennie, si je ne m'abuse, de produire du cannabis pour le marché thérapeutique. Il y a des dispensaires un peu partout au pays, en Ontario et en Colombie-Britannique, et peut-être dans d'autres provinces, qui servent très activement le marché, et, en grande partie, ils l'ont fait pendant que les politiciens et les forces de l'ordre leur tournaient le dos doucement. Nous n'avons rencontré aucun producteur de cannabis ou responsable de dispensaires qui puissent nous parler de leur expérience au cours des 10 dernières années.
    Enfin, le projet de loi, c'est ce qu'on a entendu, semble aussi, à dessein, exclure les produits comestibles et les concentrés ainsi que les produits du cannabis qui ne se fument pas, malgré les préoccupations liées à la santé et malgré l'évidente contradiction associée au fait que l'objectif même du projet de loi, c'est de retirer les produits du marché illicite, d'éliminer la présence du crime organisé et de réglementer ces produits pour assurer la santé et la sécurité des Canadiens. Et malgré tout, nous n'avons rencontré aucun producteur de ces produits.
    Selon moi, ce sont des groupes d'intervenants très importants, et j'estime qu'il est important pour le Comité de les rencontrer s'il veut avoir accès au plus de données probantes possible sur le projet de loi. Par conséquent, chers collègues, je tiens à vous avertir que je vais présenter la motion suivante, qui sera débattue, plus tard, à un moment opportun durant la journée, parce que je veux donner à mes collègues l'occasion d'y réfléchir. La motion sera la suivante:
    « Que, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le Comité se réunisse deux jours de plus dans le cadre de l'étude du projet de loi C-45, Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d'autres lois, et que le président soit autorisé à coordonner la comparution d'un minimum de 32 témoins (huit par groupe d'intervenant), les ressources et la mise au rôle nécessaire pour ce faire conformément aux lignes directrices suivantes: 1) les témoins doivent représenter les groupes d'intervenants suivants dans quatre groupes de témoins de deux heures par jour: (i) producteurs et dispensaires canadiens autorisés; (ii) producteurs de produits de cannabis comestibles et d'autres formes de cannabis qui ne se fument pas; (iii) Canadiens ordinaires qui ont présenté un mémoire au Comité concernant le projet de loi C-45; (iv) jeunes Canadiens âgés de 15 à 24 ans; 2) que les témoins dans chaque groupe soient attribués comme suit: deux des libéraux, un des conservateurs et un du NPD; 3) qu'on demande aux témoins de préparer une déclaration de 10 minutes et qu'on invite les témoins à présenter leurs observations écrites avant la comparution; 4) que les réunions aient lieu avant le 30 septembre 2017. »
    Chers collègues, pour conclure, mon objectif ici n'est pas de retarder les audiences. Je comprends l'échéancier du gouvernement. Nous sommes le 14 septembre. Je crois que nous nous réunissons la semaine prochaine pour accueillir les ministres. Je veux donner au greffier, au président et aux partis le temps de présenter leurs témoins, mais je crois que prolonger ces audiences pour une autre semaine et demie afin de pouvoir rencontrer ces groupes importants est vraiment de mise.
(1030)
    Je vais conclure en disant que j'ai seulement entendu des personnes de 50 ou 60 ans parler de la façon dont il faut interagir avec les jeunes. Je crois que l'heure est venue de rencontrer des jeunes pour savoir ce qu'ils pensent du projet de loi.
    J'ai quelque chose à dire à ce sujet. D'ici la fin de la journée, demain, nous allons avoir rencontré, si je ne m'abuse, 96 témoins, et tout le monde a eu l'occasion de présenter des listes de témoins. Je n'essaie pas de minimiser ce que vous avez dit, ici, mais je veux qu'on comprenne bien que nous aurons rencontré 96 témoins à la fin de la journée, demain, et que nous avons tous eu l'occasion de présenter nos listes au début. Je crois que la première occasion que nous aurons d'examiner votre motion est mardi, alors j'ai bien hâte que vous la présentiez.
    En fait, monsieur le président, je ne veux pas qu'on en débatte maintenant, parce que je ne fais que vous informer, mais je crois que je peux présenter cette motion à tout moment. Cependant, je ne veux pas gêner le témoignage des témoins ou perturber le travail de mes collègues. Je veux donner à mes collègues l'occasion de réfléchir à cette possibilité. Cependant, j'aimerais souligner qu'aucune des catégories que j'ai mentionnées n'avait été cernée par le Comité comme étant des groupes de témoins possibles. Je crois qu'aucun des 96 témoins ne discutera avec des membres de ces groupes, et, de toute évidence, ce ne sont pas des catégories d'intervenants au sein desquels on nous avait suggéré de présenter des témoins.
    De toute façon, votre temps est écoulé, et je vous remercie du préavis.
    Madame Gladu.
    Oui, au sujet de cette motion, je n'ai pas participé à la présentation des témoins, alors je m'excuse, mais l'une des choses qui me préoccupent vraiment, c'est que toutes les provinces qui ont été invitées n'ont pas voulu venir. Nous n'avons rencontré aucun représentant provincial, et bon nombre des provinces ne se sont pas encore dotées de plans bien définis. J'ose imaginer que nous aurions voulu découvrir ce qui, selon eux, manque dans le projet de loi. Je suis extrêmement préoccupée par ce manque. J'aimerais bien qu'on ajoute cette catégorie à la liste des intervenants demandés par M. Davies.
    L'autre chose, c'est que, même si je sais qu'il y aura un groupe qui se penchera sur la question de la sécurité au travail, il n'y a vraiment aucune entreprise oeuvrant dans un secteur dangereux et qui veut mettre en place certaines mesures qui a comparu. Ce groupe était aussi sur ma liste des personnes qu'il serait opportun de rencontrer, tout comme des représentants d'autres pays. J'ai déjà visité Amsterdam et, croyez-moi, il se fume beaucoup de cannabis là-bas. J'aurais bien aimé savoir ce qu'ils ont fait ou quelque chose du genre.
    Nous avons invité quasiment toutes les provinces, mais seulement une a accepté de venir, ce qui nous a surpris.
    Nous pouvons les obliger, je crois.
    Je veux conclure la réunion.
    Est-ce quelqu'un a...?
    J'aimerais dire quelque chose très rapidement. J'ai réalisé des recherches qualitatives dans le cadre desquelles j'ai interviewé des personnes, comme mon étudiante au doctorat, Rielle Capler, d'un peu partout au Canada au sujet de leur consommation de cannabis à des fins thérapeutiques et de leurs expériences en matière d'accès. Je sais que ce n'est peut-être pas lié à 100 % à ce dont il est question ici, mais nous croyons que beaucoup de personnes qui consomment du cannabis non thérapeutique le consomment en fait à des fins médicales. J'ai parlé à ces Canadiens, qui ont dit que, dans un premier temps, ils veulent sortir la consommation de cannabis de l'ombre et pouvoir en parler avec des professionnels de la santé qui savent ce dont ils parlent et qui ne portent pas de jugement. Ils sont ouverts à ce qu'on les éduque au sujet des risques et des avantages du cannabis. Ils voudraient avoir un accès raisonnable au cannabis dans leur collectivité et par l'intermédiaire de leur professionnel de la santé. Ils veulent pouvoir choisir le cannabis qu'ils consomment, je parle ici des souches, des produits, du mode d'administration et des points d'accès. Ils veulent que leurs expériences liées au cannabis et leurs croyances soient respectées, et ils ont tous reconnu la stigmatisation associée à la consommation de cannabis, qui nuit incroyablement à la tenue de conversations ouvertes sur leur consommation.
    Merci beaucoup.
    Je tiens vraiment à remercier les témoins d'aujourd'hui. Nous avons rencontré d'excellents témoins jusqu'à présent, mais vous nous avez fourni beaucoup de nouveaux renseignements et de nouveaux points de vue. Nous serons reconnaissants de différentes visions et des propositions que vous nous avez soumises, et nous en tiendrons bien compte. Encore une fois, je vous remercie beaucoup d'avoir participé.
    Mesdames et messieurs les membres du Comité, je tiens à vous dire que je viens d'être informé que notre collègue, Arnold Chan, est décédé. Je voulais que vous le sachiez. Il souffrait depuis très longtemps, et il est décédé la nuit dernière.
(1035)
    Pourrions-nous avoir une minute de silence, peut-être à notre retour?
    Nous prendrons une minute à notre retour, à 10 h 45.
    Encore une fois, merci beaucoup.
(1035)

(1050)
    Nous poursuivons notre réunion numéro 67.
    À la fin de notre dernière séance, nous avons appris que notre collègue, M. Arnold Chan, était décédé. Nous allons observer un moment de silence par égard pour Arnold et en son souvenir. Il s'est battu longtemps et est décédé la nuit dernière. Arnold n'a jamais arrêté. Il a travaillé jusqu'à la dernière minute. Il n'a jamais ralenti la cadence. Il était toujours présent. Il s'est bien battu.
    [On observe un moment de silence.]
    Le président: Nous voilà de retour à la réunion no 67. Nous étudions le projet de loi C-45. Je souhaite la bienvenue à nos invités et témoins. Nous sommes heureux que vous soyez là. Je crois que nous en sommes à environ 80 témoins jusqu'à présent. Tous les témoins ont été incroyables. Ils nous ont fourni d'excellents renseignements, des renseignements contextuels et des expériences.
    Je vais maintenant présenter les témoins qui sont ici aujourd'hui. Nous accueillons Trina Fraser, associée à Brazeau Seller LP, Brenda Baxter, directrice générale de la Direction du milieu de travail du Programme du travail, Eric Advokaat, directeur principal, Santé et sécurité au travail, de la Direction du milieu de travail, du ministère de l'Emploi et du Développement social, et Norm Keith, associé de Fasken Martineau.
    Merci beaucoup.
    Voici comment nous procédons: chaque organisation peut présenter une déclaration préliminaire de 10 minutes, puis nous passerons ensuite aux questions. Nous allons commencer par Trina Fraser.
(1055)
    Madame Baxter va commencer, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.
    D'accord.

[Français]

    Monsieur le président et membres du Comité, je suis très heureuse de comparaître devant vous afin de discuter de sécurité dans les milieux de travail.
    Je suis accompagnée de mon collègue, M. Eric Advokaat, directeur principal de Santé et sécurité au travail.

[Traduction]

    Au Canada, la question du travail, y compris la sécurité au travail, est une responsabilité partagée entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. Depuis maintenant plus d'un siècle, le Programme du travail protège les droits et le bien-être des travailleurs et des employeurs dans les secteurs sous réglementation fédérale, ce qui représente environ 8 % de la main-d'oeuvre canadienne. Cela inclut la création et le maintien de milieux de travail sains et sécuritaires.

[Français]

    Dans le cadre de son mandat, le Programme du travail est également responsable de l'application et de l'administration de la Loi sur la santé des non-fumeurs.

[Traduction]

    Promulguée en 1989, la Loi sur la santé des non-fumeurs et le Règlement sur la santé des non-fumeurs vise à protéger les non-fumeurs de la fumée secondaire dans les milieux de travail sous réglementation fédérale, c'est-à-dire les entreprises privées relevant de la compétence fédérale, les sociétés d'État fédérales, les organismes fédéraux désignés, la Gendarmerie royale du Canada, la fonction publique fédérale, le Parlement, ainsi que certains modes de transport, comme les navires, les trains et les aéronefs.
    L'administration de la Loi sur la santé des non-fumeurs est une responsabilité conjointe du ministre de l'Emploi, du Développement de la main-d'oeuvre et du Travail et du ministre des Transports. Le premier est responsable de l'application de la loi dans les milieux de travail sous réglementation fédérale, et le deuxième, de son application auprès des transporteurs publics de ressort fédéral.
    Il revient en outre au ministre de l'Emploi, du Développement de la main-d'oeuvre et du Travail de nommer des inspecteurs qui s'occupent de la mise en application de la loi. En cas d'infraction à la Loi sur la santé des non-fumeurs, les amendes varient de 1 000 à 10 000 $ pour les employeurs et de 50 à 1 000 $ pour les particuliers.
    Depuis 2007, au cours des 10 dernières années, il y a eu en tout 39 plaintes déposées en vertu de la Loi sur la santé des non-fumeurs, pour une moyenne de 2 par année au cours des 5 dernières années. Cela représente 1 % des plaintes liées à la santé et à la sécurité associées à seulement une partie du Code canadien du travail. Il y a très peu de plaintes déposées en vertu de cette loi.

[Français]

     À ce jour, aucune poursuite judiciaire n'a été intentée en vertu de la Loi sur la santé des non-fumeurs.

[Traduction]

    Depuis l'adoption de la Loi sur la santé des non-fumeurs et le Règlement sur la santé des non-fumeurs en 1989, l'opinion publique a grandement évolué à l'égard du tabagisme et de la fumée secondaire.
    À la lumière des preuves scientifiques sur les dangers de la fumée secondaire, le Règlement sur la santé des non-fumeurs a d'ailleurs été modifié en 2007 afin de supprimer les dispositions qui autorisaient la désignation de fumoirs ou de zones fumeurs dans les milieux de travail sous réglementation fédérale. Depuis ce temps, il est interdit à tout le monde y compris aux employés et au public de fumer dans un lieu de travail sous réglementation fédérale ainsi qu'à bord de certains moyens de transport, à l'exception des zones fumeurs d'accès très restreint, comme les logements ou les véhicules motorisés auxquels une seule personne a accès pendant un quart de travail.
(1100)

[Français]

    Plus récemment, de nouvelles modifications à la Loi sur la santé des non-fumeurs ont été proposées dans le projet de loi S-5, Loi modifiant la Loi sur le tabac, la Loi sur la santé des non-fumeurs et d’autres lois en conséquence.

[Traduction]

    La Loi proposée sur le tabac et les produits de vapotage, le projet de loi S-5, aurait pour effet de modifier la Loi sur la santé des non-fumeurs afin d'interdire l'usage des produits du tabac et des produits de vapotage dans les milieux de travail sous réglementation fédérale, de même qu'à bord de certains moyens de transport. De plus, le groupe de travail sur la légalisation et la réglementation du cannabis a recommandé aux administrations fédérale, provinciales et territoriales d'étendre les limites actuelles relatives à l'usage du tabac dans les lieux publics pour englober la consommation des produits du cannabis. C'est pourquoi le projet de loi C-45 propose d'apporter les modifications correspondantes à la Loi sur la santé des non-fumeurs.
    Le projet de loi C-45 propose par ailleurs de modifier la définition de « usage du tabac » dans la Loi sur la santé des non-fumeurs pour inclure l'usage du cannabis. Il reviendrait aux gouvernements provinciaux ou territoriaux de décider s'ils interdisent l'usage et le vapotage de tabac et de cannabis dans les espaces publics non réglementés par le gouvernement fédéral. Si le Parlement adopte ces deux projets de loi, l'usage et le vapotage de tabac et de cannabis seront alors réglementés par la Loi sur la santé des non-fumeurs dans l'ensemble des milieux de travail sous réglementation fédérale, de même qu'à bord de certains moyens de transport, comme les trains, les avions et les bateaux qui traversent des frontières provinciales ou internationales.
    Les modifications que nous proposons contribueraient à protéger la santé et la sécurité au travail des employés qui relèvent de la compétence fédérale.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à Me Keith, pour 10 minutes.
    Dans un bref instant, je vais formuler à votre intention cinq recommandations de changements à apporter au projet de loi. J'ai conseillé et représenté des employeurs et des associations d'employeurs sur cet enjeu pendant de nombreuses années et j'ai écrit un livre sur le sujet de l'alcool et des drogues en milieu de travail. Je crois que ces changements sont essentiels si, en fait, on légalise bien la marijuana consommée à des fins récréatives le 1er juillet 2018, comme le projet de loi le propose. Essentiellement, à l'heure actuelle, il n'y a aucun cadre législatif en place ou proposé qui sera nécessaire pour que l'on puisse s'assurer que cette modification n'entraînera pas de blessure, d'accident et de décès.
    Je vais vous fournir un peu de renseignements contextuels. Tout est dans le mémoire, et les notes de bas de page sont là pour prouver les faits que je vous fournirai.
    Au Canada, en 2015, soit la dernière année pour laquelle des données sont disponibles, il y a eu plus de 232 000 accidents entraînant une perte de temps et 852 décès. Il y environ un peu moins de 3 000 décès liés à des accidents de la route chaque année au Canada. Nous savons en raison de l'expérience au Colorado que, du moins durant la première année complète suivant la légalisation du cannabis consommé à des fins récréatives, le nombre de décès dans le cadre d'accidents de la route, y compris des travailleurs des transports, a augmenté de 225 %. Il a plus que doublé. Sans l'ajout d'un cadre législatif rigoureux, ce qui n'est pas encore proposé dans le projet de loi, cette modification qui a pour effet de légaliser la consommation de marijuana à des fins récréatives au Canada provoquera des tragédies.
    Les autres statistiques qui préoccupent les employeurs sont les suivantes: 93 % des entreprises composent actuellement avec des cas quelconques de toxicomanie de leurs travailleurs. Il s'agit d'un problème grave et important. Plus de 38 % des demandes d'indemnisation présentées par des travailleurs sont liées à la consommation excessive d'alcool ou de drogue. Le risque qu'un travailleur se blesse — encore une fois, les notes de bas de page font état des documents de référence qui le prouvent — est 2,7 fois plus élevé lorsqu'il consomme de l'alcool ou de la drogue. La supposition dans mon mémoire, c'est que la légalisation de la marijuana consommée à des fins récréatives non seulement augmentera l'acceptation sociale et le niveau de consommation, mais exacerbera aussi ce que mes clients constatent déjà, soit une consommation accrue puisque la légalisation est imminente.
    Les tribunaux, et en fait le juge en chef, lorsqu'il faisait valoir son point de vue dans l'affaire Irving Pulp & Paper, nous a laissé entendre, à moi et à l'autre avocat dans ce dossier sur les alcootests aléatoires, que l'Assemblée législative et le Parlement sont les meilleurs endroits pour créer un cadre complet plutôt que de traiter ces dossiers au cas par cas, devant les tribunaux et devant des arbitres. Laissez-moi maintenant vous fournir — et, je le répète, j'espère que le mémoire a été fourni aux membres du Comité — les cinq recommandations qui figurent dans notre mémoire et que nous vous demandons de prendre en considération. Ces recommandations visent essentiellement à assurer la sécurité des lieux de travail, des travailleurs et des membres du public qui interagissent avec les travailleurs.
    Premièrement, le Code canadien du travail, évidemment, vise seulement un nombre limité de travailleurs, environ 8 ou 9 %, mais il y a une obligation qui figure dans toutes les autres lois provinciales, et c'est l'obligation de protéger la santé et la sécurité des travailleurs. Les travailleurs ont aussi des devoirs, mais notre première recommandation, c'est de reconnaître la réalité actuelle et reconnaître qu'elle sera exacerbée par la légalisation de la marijuana. Il n'y a absolument rien qui empêche un travailleur d'arriver au travail sous l'effet du cannabis ou d'une autre drogue, alors la première recommandation consiste à interdire à tous les travailleurs d'entrer au travail après avoir consommé du cannabis ou d'autres drogues sans avoir obtenu une autorisation médicale et après avoir consulté l'employeur. Il s'agit d'une suggestion logique qui, selon nous, devrait être prise en considération.
    Deuxièmement, on discute et on débat des postes critiques pour la sécurité sans avoir établi une définition juridique de ce terme. Un poste critique pour la sécurité inclut évidemment le pilote qui nous amène dans les nuages et doit être sobre, le camionneur qui chemine sur une route internationale ou interprovinciale, et qui est donc visé par la réglementation fédérale, ou peut-être un opérateur de grue-tour qui relève de la réglementation provinciale. La notion de poste critique pour la sécurité n'a pas encore été définie dans le Code canadien du travail. Il faut le faire, parce que certaines choses en découleront. Il faut faire l'objet d'un examen plus minutieux et d'une surveillance réglementaire accrue des postes critiques pour la sécurité. Notre deuxième recommandation est donc de définir le terme « poste critique pour la sécurité ».
(1105)
    Troisièmement, nous faisons valoir qu'il doit y avoir une obligation positive en vertu de laquelle tous les travailleurs, superviseurs et gestionnaires qui se sont vu légalement prescrire de la marijuana thérapeutique pour composer avec une affection médicale — ou d'autres médicaments — de déclarer cette situation à l'employeur s'ils sont des titulaires de postes critiques pour la sécurité. Il doit y avoir un lien entre la divulgation, la transparence et — je vais l'expliquer plus tard — la protection de ces travailleurs afin que l'on puisse s'assurer qu'ils ne font pas l'objet d'une discrimination injuste.
    Quatrièmement, — il s'agit probablement de la chose la plus controversée que je vais recommander —, c'est l'idée de permettre des tests de dépistage aléatoires des travailleurs, tant pour le cannabis que pour les autres drogues, s'ils occupent un poste critique pour la sécurité. La loi, comme vous le savez, n'a pas été établie en vertu du leadership du Parlement, mais par les tribunaux, de façon réactive, à la suite d'analyses au cas par cas.
    La décision la plus récente sur les tests de dépistage d'alcool et de drogues est l'affaire Irving Pulp & Paper. Je suis intervenu dans ce dossier. C'est à moment-là que le juge en chef m'a demandé s'il ne serait pas préférable que l'assemblée législative assume un leadership dans ce dossier pour mettre en place un cadre législatif plutôt que d'avoir à réagir au cas par cas. Je n'ai pas pu être en désaccord avec celui qui est maintenant l'ancien juge en chef. Mais la Cour a fini par trancher que le dépistage aléatoire d'alcool, alors qu'il y a un seuil juridique très clair prévu dans le Code criminel dans le cas de la conduite avec facultés affaiblies, n'était pas permis dans une usine dangereuse de pâtes et papier du Nouveau-Brunswick à trois coins de rue d'une école publique, parce qu'il n'y avait pas suffisamment des personnes en état d'ébriété qui causent des accidents. Essentiellement, c'est le point de vue de l'employeur sur la décision, dans l'affaire Irving Pulp &  Paper. C'est troublant.
    Cependant, la décision Irving Pulp & Paper affirme qu'on peut tester une personne qui cause un accident, après l'accident, ou si l'employeur détermine que la personne a les facultés affaiblies au travail. Pourquoi faut-il attendre? Pourquoi ne pouvons-nous pas, comme on le fait dans les programmes de sobriété au volant, durant le temps des Fêtes, utiliser un moyen de dissuasion et un processus de détection au moyen de tests aléatoires en milieu de travail? La suggestion concerne seulement les postes critiques pour la sécurité, alors ce n'est pas une mesure qui ratisse trop large.
    Enfin, pour compléter ce que je viens de dire et l'obligation redditionnelle, nous recommandons de modifier le Code canadien du travail pour exiger des travailleurs qu'ils déclarent d'eux-mêmes le fait qu'ils prennent légalement des drogues. Il s'agit d'une disposition liée aux mesures d'adaptation. Certains pourraient dire qu'il y a des précédents sous-entendus liés à l'obligation de prendre des mesures d'adaptation, et c'est vrai, une telle jurisprudence existe.
    Je crois qu'un cadre législatif complet pourrait donner clairement aux employeurs et aux syndicats l'obligation légale de prendre des mesures d'adaptation pour les travailleurs qui déclarent avoir un problème de dépendance ou de toxicomanie; cela est aussi conforme au cadre des postes critiques pour la sécurité. Si l'employé déclare de lui-même qu'il a un problème, il est protégé. Il aura sa sécurité d'emploi, on l'aidera, espérons-le, en l'aiguillant vers un programme de réadaptation constructif.
    Je crois que cette exigence, comme on peut le voir dans l'arrêt Elk Valley Coal, la décision de la Cour suprême sur le devoir de prendre des mesures d'adaptation, devrait être que la personne doit déclarer d'elle-même avoir un problème avant de causer un accident, parce que, après un accident, l'employeur doit avoir le droit d'invoquer la responsabilité du travailleur.
    Pour conclure, j'espère que ces cinq recommandations seront prises en considération pour créer un cadre législatif complet sur la sécurité au travail, un cadre qui sera juste pour les travailleurs, qui protégera les travailleurs d'eux-mêmes et des autres travailleurs et qui réduira les risques juridiques qu'on fait injustement courir aux employeurs lorsque, en fait, on les blâme parce qu'ils ne se sont pas assurés qu'un travailleur arrivait au travail sobre et qu'il travaillait de façon sécuritaire.
    Il est évident que le projet de loi est controversé: il est controversé de légaliser la marijuana consommée à des fins récréatives. Je ne veux pas me prononcer sur ce sujet, puisqu'il s'agit d'une expérience sociale très complexe, mais si le gouvernement va de l'avant, nous espérons que vous tiendrez bien compte des enjeux liés à la sécurité au travail et des recommandations que nous vous avons formulées.
    Merci.
(1110)
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à Me Fraser.
    Monsieur le président et membres du Comité, merci de m'accueillir ici aujourd'hui.
    Je vais aborder le sujet de notre groupe, la sécurité en milieu de travail, d'un point de vue différent, du point de vue des employés, et plus précisément du point de vue d'un groupe précis d'employés, soit les milliers de travailleurs de partout au pays qui oeuvrent actuellement dans l'industrie illicite du cannabis.
    On estime que plus de 13 000 personnes en Colombie-Britannique seulement participent à l'industrie du cannabis illicite et y travaillent. On estime qu'ils empochent en salaire plus de 600 millions de dollars. Évidemment, il s'agit seulement d'une estimation. Nous n'avons pas de statistiques fiables, mais je crois qu'on peut dire sans se tromper que, à l'échelle du pays, on parle de dizaines de milliers de travailleurs qui participent à la culture, à la transformation et à la vente du cannabis illicite. La sécurité de ces travailleurs est menacée d'un certain nombre de façons. Dans le secteur de la vente au détail, les travailleurs de dispensaires font face à des menaces à leur sécurité personnelle en raison du risque de vol par effraction. Les dispensaires sont une proie facile pour les voleurs en raison de l'argent comptant qu'on y trouve et en raison du fait que les voleurs savent qu'il y a de bonnes chances que le vol ne sera même pas déclaré aux forces de l'ordre. Il peut y avoir des risques environnementaux liés au fait de travailler dans une installation de culture ou un laboratoire non réglementé et, bien sûr, la liberté personnelle de ces travailleurs est menacée par le risque de poursuites criminelles.
    Je suis ici aujourd'hui pour vous dire qu'il est possible d'atténuer les risques auxquels sont confrontés ces travailleurs tout en faisant simultanément la promotion des objectifs de la légalisation, tandis qu'on fournira à ces travailleurs une occasion valable de participer au marché légal. On peut y arriver en codifiant dans le projet de loi et la réglementation liée au projet de loi une tolérance pour les candidats dont on sait parfaitement qu'ils ont participé préalablement au marché illicite.
    Le paragraphe 62(7) du projet de loi C-45 prévoit que le ministre peut refuser de délivrer un permis de production si le demandeur a contrevenu, au cours des 10 dernières années, à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, la LRDS. Cette interdiction, à elle seule, exclut quiconque a été déclaré coupable de production, de trafic ou même de possession de cannabis au cours des 10 dernières années. Le projet de loi prévoit aussi que des motifs supplémentaires de refus peuvent être établis par réglementation.
    Nous ne savons pas encore à quoi la réglementation ressemblera, mais nous pouvons regarder l'actuel Règlement sur l'accès au cannabis à des fins médicales, le RACFM, pour nous faire une idée. À l'article 36 du RACFM, il est indiqué que non seulement les ministres doivent refuser de délivrer une licence de producteur lorsqu'il y a eu infraction à la LRDS au cours des 10 années précédentes, mais le ministre doit aussi refuser de le faire lorsque les organisations d'application de la loi ont fourni des renseignements qui donnent des motifs raisonnables de croire que le demandeur a participé au détournement d'une substance désignée vers un marché illicite. L'utilisation du thème « motif raisonnable », ici, est importante, parce que cela signifie qu'une déclaration de culpabilité n'est pas nécessaire. Il n'est même pas nécessaire que des chefs d'accusation aient été portés. Un simple soupçon raisonnable est suffisant pour entraîner le refus d'une demande.
    De plus, le RACFM prévoit que tous les directeurs et dirigeants d'un producteur autorisé ainsi que certains employés clés doivent obtenir une habilitation de sécurité. L'article 67 du projet de loi C-45 parle aussi d'habilitation de sécurité; il semble donc que cette notion sera incluse dans la Loi sur le cannabis et, encore une fois, au titre de l'article 112 du RACFM, de simples motifs raisonnables de soupçonner qu'un demandeur a participé au détournement d'une substance contrôlée vers un marché illicite est un facteur dont le ministre doit tenir compte lorsqu'il détermine d'octroyer une habilitation de sécurité.
    Il est évident que le RACRFM contient un cadre qui, essentiellement, empêche les participants de l'ancien marché illicite du cannabis d'obtenir un permis pour produire du cannabis thérapeutique tout en les empêchant d'occuper de nombreux postes importants auprès d'un producteur autorisé. Cela crée aussi un effet paralysant sur les producteurs autorisés qui hésiteront avant d'embaucher des personnes ayant déjà été déclarées coupables d'infractions liées au cannabis, et il semble bien qu'on s'en aille dans la même direction avec le projet de loi C-45.
    On peut opposer cette approche à celle qui est adoptée aux États-Unis. Des huit États américains qui autorisent la production de cannabis à des fins récréatives, sept ont une loi qui contient ce que j'appellerais des dispositions d'amnistie au sujet des déclarations de culpabilité préalables liées à des infractions associées au cannabis. Le Massachusetts, le Nevada et le Colorado refusent de délivrer des permis à des personnes ayant des condamnations criminelles, mais ils excluent expressément certaines infractions liées à la marijuana de cette règle. L'Oregon, le Maine et Washington excluent certaines déclarations de culpabilité liées à la marijuana complètement dans le cadre du processus d'octroi d'un permis. Le libellé de la réglementation californienne est le plus inclusif. Il prévoit qu'une déclaration de culpabilité préalable pour la possession, la vente, la fabrication ou la culture d'une substance contrôlée, si aucun mineur n'est impliqué, ne doit pas être l'unique motif pour rejeter une demande de permis. Au moins 11 États qui ont légalisé le cannabis thérapeutique ont aussi mis en place certaines formes de disposition d'amnistie dans leur loi.
(1115)
    Je soutiens que c'est la direction que nous devons prendre au Canada aussi. Nous devons tenir compte et débattre des paramètres d'une participation préalable acceptable au marché illicite. Bon nombre de ces personnes aimeraient saisir l'occasion d'oeuvrer en toute légalité. Elles respecteraient la réglementation. Bien sûr, certains choisiraient de continuer à oeuvrer hors du cadre légal, afin de ne pas être accablés par la réglementation gouvernementale, ainsi soit-il. On s'occupera d'eux du côté des infractions et de l'application de la loi, mais on devrait offrir l'occasion aux gens de se conformer et de participer.
    À tout le moins, de simples infractions pour possession ne devraient pas interdire la participation au marché légal, mais selon moi, nous devrions aller plus loin que ça, parce que les entrepreneurs du cannabis auxquels je fais référence produisent et vendent des produits du cannabis, et ils seraient donc encore exclus. Nous avons besoin d'une approche plus nuancée dans le dossier de la délivrance de permis et au moment de déterminer à qui il faut refuser un permis. Par exemple, nous pouvons exclure les personnes déclarées coupables d'infraction faisant intervenir des jeunes. Nous pouvons exclure ceux qui ont des liens établis avec le crime organisé. Nous pouvons aussi exclure les personnes déclarées coupables d'infractions liées à des armes à feu, à la violence ou à des substances contrôlées autres que le cannabis. Nous pouvons définir des paramètres raisonnables qui excluent ceux qui sont susceptibles d'être une menace pour la santé et la sécurité publique, tout en fournissant l'occasion de participer à ceux qui ne constituent pas une telle menace.
    Je suis une avocate d'affaires. Je conseille l'industrie du cannabis thérapeutique depuis la privatisation, il y a trois ans et demi grâce au RMFM. J'ai vu les limites du système, mais j'ai aussi vu le potentiel de cette industrie. Les producteurs autorisés actuels ne sont pas contre une industrie inclusive. Ce qu'ils veulent, c'est que tout le monde soit sur un pied d'égalité et soit assujetti aux mêmes règles. Sachez que je ne vous suggère pas ça parce que je suis une militante procannabis et je ne dis pas non plus que les participants sur le marché illicite ont, en quelque sorte, gagné leur droit de participer pour récompenser leur désobéissance civile. Je le suggère parce que je crois que c'est la seule façon dont la légalisation fonctionnera vraiment. Les objectifs énoncés dans le projet de loi incluent la réduction du marché illicite, et on tente d'y arriver en imposant des sanctions criminelles aux personnes qui oeuvrent à l'extérieur du cadre légal, mais cette approche, à elle-même, ne fonctionnera pas. Nous le savons, parce que ça n'a pas fonctionné dans le passé. Ceux qui sont exclus continueront d'oeuvrer hors du cadre légal. Une meilleure approche serait de concevoir un cadre de légalisation qui permet l'inclusion des anciens participants du marché illicite. De cette façon, on renforcera l'objectif lié à la santé et à la sécurité publique en assujettissant ces personnes à la surveillance et à la réglementation gouvernementales. On augmentera aussi ainsi les revenus fiscaux, puisque ces personnes déclareront leur revenu et paieront de l'impôt. Cette mesure permettra à l'industrie légale de bénéficier de toutes les connaissances possédées par ces personnes et protégera ces personnes en leur permettant de travailler dans un environnement sécuritaire et réglementé, sans risque de sanctions criminelles. Si nous ne réussissons pas à créer une industrie du cannabis inclusive, le marché noir s'en portera mieux et, si c'est le cas, les mineurs continueront d'avoir facilement accès à du cannabis, l'objectif lié à la santé et la sécurité publique qui consiste à limiter l'accès aux produits du cannabis non réglementé sera compromis, et nous continuerons d'imposer un fardeau inutile au système de justice pénale.
    J'ajouterais aussi qu'une réelle occasion d'assurer la transition vers le marché légal exige des règlements qui ne sont pas tellement contraignants que, concrètement, ils excluent les petits exploitants. En fait, le Groupe de travail sur la légalisation et la réglementation du cannabis a recommandé au gouvernement d'encourager la diversité du marché en créant un espace pour les petits producteurs. En ce qui a trait au RACFM, ce que je constate, c'est que le coût de la conformité, en particulier en ce qui a trait aux exigences liées à la sécurité, est un réel obstacle pour les petits producteurs, et une réelle occasion de transition exige aussi d'élargir la portée des produits du cannabis pour inclure les produits comestibles et d'autres produits dérivés. C'est ce que le marché veut et demande, et c'est ce qu'il faudra offrir pour assurer la transition des producteurs actuels de ces produits dérivés vers le marché légal.
    Merci.
(1120)
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à notre première série de questions, qui dure sept minutes. Les questions seront posées en anglais et en français, et l'équipement d'interprétation est juste ici, si vous en avez besoin.
    Nous allons commencer par M. McKinnon.
    Maître Keith, vous avez dit qu'il n'y a pas de cadre juridique pour prévenir les blessures et les décès accidentels. Je suis sûr que vous savez que le projet de loi C-46, dont l'étude commence la semaine prochaine, aborde de façon approfondie les infractions liées à la conduite avec facultés affaiblies et fournit de nouveaux outils de détection et de dépistage. Ces choses ne font-elles pas partie du cadre juridique que vous demandez?
    Selon moi, monsieur, non. Le projet de loi complémentaire semble présumer que c'est seulement les membres du public qui peuvent être blessés ou tués par quelqu'un sous l'influence du cannabis. Le projet de loi fait fi de tous les travailleurs canadiens qui se rendent au travail chaque jour, surtout ceux qui occupent des postes critiques pour la sécurité ou des postes qui y sont rattachés.
    Puisqu'il n'y a pas encore de seuil pour mesurer les facultés affaiblies par le cannabis et que la technologie évoluera peut-être, il est difficile de toujours convaincre les gens qu'on peut effectuer des tests aléatoires en milieu de travail qui donnent des résultats concrets, mais la TTC l'a fait. Les tribunaux ont maintenu le programme de test aléatoire de dépistage d'alcool et de drogue de la TTC, mais les procédures se poursuivent, et elles pourraient se poursuivre pendant de nombreuses années. S'il faut se rendre jusqu'à la Cour suprême du Canada, il faudra peut-être attendre encore 10 ans.
    Les intervenants en milieu de travail ont besoin d'un cadre, et si c'est un projet de loi fédéral qui entraîne la légalisation du cannabis consommé à des fins récréatives, il serait seulement logique que, même si la compétence fédérale ne s'étend pas à tous les milieux de travail, le gouvernement fédéral assure aussi un leadership relativement aux risques graves pour la sécurité. Je pourrais vous ennuyer avec un exemple après l'autre. Il y a trois dossiers qui m'occupent actuellement devant les tribunaux, des cas où une personne est décédée parce qu'elle avait les facultés affaiblies. Dans tous les cas, c'est l'employeur qui est blâmé.
    Il faut procéder à un examen plus rigoureux, et je vous suggère d'apporter des modifications au Code canadien du travail liées précisément à la sécurité au travail. Pour ce qui est de l'aspect du projet de loi lié à ce qui se passe sur les routes, il s'attache aux questions de sécurité publique, dans une certaine mesure, et un petit peu, indirectement, à la sécurité au travail des travailleurs du secteur des transports, mais personne ne veut se promener près d'un chantier de construction où une grue à tour est installée et où un travailleur ne fait l'objet d'aucun dépistage et n'a pas à s'inquiéter du fait qu'il ne respecte pas le système en étant défoncé au travail et en échappant une benne à béton sur la tête de quelqu'un.
    C'est une pensée terrible, et ce sont des situations dont je m'occupe plus souvent que je l'aimerais dans le cadre de ma pratique. Si on se contente de dire que, en vertu de la clause d'obligation générale visant les employeurs, il faut trouver une façon de bien faire les choses, alors que les tribunaux ne permettent généralement pas les tests aléatoires, je crois qu'on passe à côté du fait qu'il y a déjà une augmentation de la consommation et de l'acceptation, surtout dans l'industrie de la construction en Ontario. Cette situation sera encore plus prévalente lorsque la consommation sera légale et que l'acceptation sociale augmentera. Je ne crois pas que le projet de loi actuel permet de dissiper les préoccupations que j'ai soulevées.
    Je comprends ce que vous dites au sujet des préoccupations pour la sécurité au travail. Il n'y a rien dans ce projet de loi qui légalise le fait d'avoir les facultés affaiblies. Dans chaque cas, où il est illégal d'utiliser une pièce d'équipement, une machine ou un véhicule avec les facultés affaiblies, le droit existant demeure inchangé.
    Je me demande pourquoi vous avez besoin de protection supplémentaire ou de pouvoirs supplémentaires qui n'existent pas déjà. Que faites-vous des gens qui arrivent au travail avec les facultés affaiblies en raison d'un médicament sur ordonnance, d'un manque de sommeil ou de la consommation d'alcool?
    Je ne crois pas que toutes ces choses peuvent, en toute justice, être comparées au fait d'être sous l'effet du cannabis, mais un employeur a une obligation générale, comme je l'ai mentionné dans mon mémoire, au titre du Code canadien du travail et de chaque loi provinciale, d'offrir un milieu de travail sécuritaire à tous les travailleurs. C'est parfait, et c'est ce qu'on fait depuis longtemps.
    Si on n'a pas les outils de dissuasion et de détection nécessaires, c'est un peu comme mettre des panneaux indicateurs de vitesse sur la 401 pour préciser une limite maximale sans appliquer les règles. Il faudrait arrêter les gens après un accident, une blessure ou un décès, et on pourrait alors accuser les gens; il y aura donc dans une certaine mesure une forme d'application de la loi, mais il n'y a pas d'application de la loi proactive, comme il faut le faire sur nos routes, et c'est la même chose, ici. On a besoin de meilleurs outils proactifs en raison de la probabilité d'une consommation et d'une acceptation sociale accrues du cannabis, et ce genre d'outils, selon moi, pourrait raisonnablement et justement inclure des tests aléatoires, la plus controversée des suggestions.
    Les États-Unis le font. L'Europe le fait aussi. Même chose dans l'Extrême-Orient. Nous ne sommes pas en phase avec la plupart des démocraties libérales modernes en nous inquiétant trop des répercussions et des préoccupations liées à la protection de la vie privée. Ce sont des préoccupations qu'on peut et qu'il faut respecter dans tout système de dépistage approuvé par voie législative, et il ne faut pas permettre un système législatif qui permettrait de tester des employés pour les malmener ou utiliser les résultats avec des arrière-pensées.
    Je ne vois pas pourquoi les cinq suggestions que j'ai formulées ne sont pas essentiellement tout simplement logiques si on vise une société plus tolérante en ce qui a trait aux drogues et qui choisit la voie de la légalisation, ce qui, semble-t-il, est sur le point de se produire. Voilà ce que j'avais à dire de plus à ce sujet.
(1125)
    Je ne dirais pas qu'il s'agit d'une tolérance aux drogues, mais plutôt la reconnaissance que les sanctions criminelles ne fonctionnent pas pour contrôler les drogues et les marchés.
    Cependant, je reste un peu confus. Je suis d'accord lorsque vous dites que, assurément, le Code du travail doit aborder quelques-uns de ces enjeux, dans une certaine mesure. Les gens qui conduisent un chariot élévateur, des camions et ainsi de suite, dans des zones de construction sont déjà assujettis à des limites. Ils seraient visés par le projet de loi C-46, non?
    Avec tout le respect que je vous dois, s'ils se trouvent sur une propriété privée, ils ne seront pas visés.
    Conduire un véhicule motorisé avec les facultés affaiblies est illégal peu importe où cela se produit.
    Mais ce ne le sera pas... Tout ce que je dis, c'est que, d'un point de vue concret, il n'y aura pas d'avantage ni d'effet.
    D'accord.
    L'obligation restera l'obligation générale de l'employeur d'assurer la sécurité en milieu de travail. Si un employeur croit que quelqu'un a les facultés affaiblies, doit-il appeler les policiers pour qu'ils viennent en milieu de travail et faire le travail pour lui? L'organisme de réglementation du travail, qu'il soit fédéral ou provincial, interviendra. Il y aura un grief du syndicat. L'affaire se retrouvera devant les tribunaux pendant des années.
    Tout ce que ma suggestion sous-entend, c'est qu'il faut un cadre législatif fondé sur le gros bon sens, qui affirme l'importance de la sécurité et de la sobriété des travailleurs et qui prévoit des outils pour y arriver.
    Je ne crois pas que l'objectif que vous formulez est différent du mien, mais je ne crois pas que le projet de loi complémentaire, le projet de loi C-46, prend en considération les suggestions que nous avons formulées au sujet des modifications à apporter au Code canadien du travail.
    Votre temps est écoulé.
    Monsieur Carrie.
    Encore une fois, vous êtes d'excellents invités. J'aurais aimé avoir plus de temps avec vous.
    J'aimerais commencer par Me Keith.
    Je suis d'Oshawa, et il y a dans mon coin beaucoup de syndicats, beaucoup de travailleurs. J'étais heureux de vous entendre dire ce que vous avez dit, parce que vous vous faites l'écho de ce que me disent les syndicats aussi.
    Il y a un certain nombre d'autres choses dont ces gens m'ont parlé et que vous n'avez pas incluses. Ce sont des choses, comme des tests sanguins, la collecte d'ADN, à qui reviendrait la gestion des coûts et qui payerait pour assurer la conformité.
    Il y a de nouvelles technologies. J'imagine qu'il y a d'autres technologies pour l'alcool qu'on pourrait intégrer directement sur l'équipement lourd. Une personne doit souffler dans un tube, et la machine fonctionne. Si ces nouvelles technologies voient le jour, encore une fois, qui payera? En ce qui a trait à la collecte de données, qui sera propriétaire? Il y a beaucoup de questions liées à ce projet de loi. Vous avez seulement souligné certaines des insuffisances.
    Vous avez très justement souligné que c'est une expérience sociale complexe, mais c'est aussi un processus de mise en oeuvre d'une politique publique mal réfléchie. Je crois que, en accueillant des témoins, ici, aujourd'hui... c'est important de pouvoir regarder la situation et de dire que la responsabilité du gouvernement, c'est d'assurer la santé et la sécurité des Canadiens. Le présent groupe de témoins est le seul, si je ne m'abuse, qui se penche précisément sur les travailleurs.
    Je vais vous poser quelques questions. Nous savons que, si quelqu'un fume du cannabis durant la fin de semaine, il peut encore avoir des traces dans son système pendant des jours. Nous avons entendu dire que l'effet peut être cumulatif, même des semaines plus tard. Est-ce que cette situation sera problématique si les tests obligatoires deviennent la norme en milieu de travail? Encore une fois, qui définira la notion de facultés affaiblies? Vous avez mentionné des niveaux dans le sang. Il y a beaucoup d'incohérence à ce sujet.
    Ne sera-t-il pas difficile de punir ou de réprimander des employés qui ont du cannabis dans leur système parce qu'ils ont fait quelque chose de tout à fait légal durant la fin de semaine ou le soir dans l'intimité de leur foyer? Pouvez-vous nous prodiguer certains conseils sur la façon dont il faudrait gérer cette situation?
(1130)
    Je ne suis pas un médecin et je n'en joue même pas un à la télévision, mais j'ai beaucoup lu sur cette question.
    J'encourage le Comité à regarder l'injonction de l'honorable juge Frank Marrocco sur la politique de la TTC concernant l'« aptitude au travail ». Essentiellement, ce qu'il fait, c'est qu'il prend le consensus d'experts médicaux du monde entier sur l'affaiblissement des facultés causé par le cannabis. Il trouve ensuite une moyenne statistique qui fait consensus quant au niveau de THC — le tétrahydrocannabinol, l'ingrédient psychoactif en jeu dans la marijuana et le hachisch —, puis double cette moyenne. On détermine ensuite que tout ce qui est inférieur au seuil est considéré comme un résultat négatif, et tout ce qui est supérieur, comme un résultat positif.
    Pour protéger et atténuer les préoccupations des travailleurs et des leaders syndicaux liées à la vie privée, les résultats ne sont pas communiqués à l'employeur. C'est la norme pour tous les tests réalisés au Canada, si limités soient-ils.
    Puis, les résultats sont passés en revue par un médecin examinateur et parfois il y a une explication légitime ou une autorisation médicale — en bon français, une ordonnance — et il y a une conversation entre le travailleur et l'examinateur médical ou le médecin. C'est seulement après la réalisation de l'évaluation que, pour protéger la vie privée et les intérêts personnels médicaux du travailleur, on peut déclarer un résultat positif à l'employeur.
    Si l'employeur obtient un résultat positif, le travailleur — en compagnie d'un représentant syndical, s'il est syndiqué — a l'occasion de dire ou de déclarer de lui-même qu'il a une dépendance ou une toxicomanie. S'il emprunte cette voie, les lois sur les droits de la personne de partout au pays exigent que l'employeur traite son problème comme une invalidité et prenne des mesures d'adaptation dans la mesure où il ne subit pas ainsi de contrainte excessive. Ce sont des mots juridiques compliqués pour dire qu'on l'envoie en réhabilitation. S'il se rétablit et qu'il reste sobre, il peut revenir.
    C'est quelque chose qui se passe souvent actuellement. Le problème, cependant, c'est qu'il n'y a pas de détection ni d'effet dissuasif en raison de l'incapacité de mener des tests aléatoires, ce qui est la règle, établie par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Irving, lequel est contesté par la TTC.
    Toutes les procédures...
    Qui assume tous ces coûts?
    J'ai parlé au chef de la sécurité de la TTC, et, si j'ai bien compris, l'employeur assume tous les coûts du programme; c'est donc vous et moi, les usagers de la TTC, si nous vivons à Toronto. C'est le public.
    D'accord.
    Vous avez mentionné les postes critiques pour la sécurité, mais j'ai entendu des préoccupations au sujet des personnes qui conduisent des chariots élévateurs, des taxis et des autobus scolaires. Ce que mon collègue disait au sujet de l'intoxication, c'est que, dans le cas de l'alcool, les alcootests ne sont pas chers et permettent d'obtenir un résultat très rapidement, mais dans le cas du cannabis, actuellement, il n'y a pas vraiment de cadre concret. Même les épreuves par écouvillonnage dont le résultat est oui ou non permettent seulement de dire s'il y a présence de THC dans le sang. Il faut ensuite faire un test sanguin pour connaître les niveaux d'intoxication.
    Je me demandais alors qu'est-ce qui allait être fait différemment dans les milieux de travail, surtout ceux où on utilise de la machinerie lourde? Que feront-ils différemment pour assurer la sécurité des employés?
    Beaucoup de statistiques, qui viennent principalement des États-Unis, indiquent que dès qu'on met en place un programme de dépistage aléatoire d'alcool, la consommation diminue de plus de 50 %. Le fait de permettre les tests réduira le risque pour tout le monde, un point c'est tout, mais ensuite il y a le problème de la personne qui est testée. Est-ce que c'est l'employeur qui payera? De façon générale, c'est ce qui arrive, s'il le désire.
    Les employeurs devraient-ils avoir le droit de tester tout le monde? À notre avis, non, il faut seulement le faire dans le cas des titulaires de postes critiques pour la sécurité, en d'autres mots, des postes où le titulaire, comme un conducteur d'autobus de la TTC ou un pilote d'avion, peut se blesser gravement et blesser aussi les autres et le grand public.
    Le cas de Sunwing, qui a été très médiatisé, en est un qui est troublant, parce qu'il a fallu que ce soit les agents de bord qui dénoncent un pilote ivre et inapte qui, sinon, ne faisait pas l'objet de tests. Aucun de nous ne veut s'imaginer prendre un avion s'il ne fait pas confiance à l'équipage.
    Pour ce qui est du mécanisme, je crois que c'est un choix qui reviendra aux employeurs, lorsqu'ils oeuvrent dans des milieux de travail dangereux où il y a des postes critiques pour la sécurité. Les employeurs, cependant, choisiront probablement d'investir et d'assumer les coûts, en raison du coût des blessures dans le cadre des régimes d'indemnisation des accidentés du travail, de l'impératif moral, de la perte d'un bon travailleur, mais, avant tout, du risque de poursuite.
    Je ne sais pas si vous connaissez le cas de Metron Construction. Quatre travailleurs sont morts, dont trois avec les facultés très affaiblies par le THC, la veille de Noël, en 2009. L'employeur a été puni par un juge de première instance et s'est vu imposer une amende de 200 000 $. Il a aussi été puni parce qu'il n'a pas empêché les travailleurs d'être défoncés au travail. C'est ce que la Cour d'appel a dit. C'est l'une des trois raisons dans le cas de Metron. Je vous ai fourni la citation.
    En d'autres mots, un employeur qui n'empêche pas ses travailleurs de venir travailler avec les facultés affaiblies et de menacer la sécurité court un réel risque financier. Cela fait partie de la motivation d'un bon employeur. Il veut prendre soin de ses travailleurs. Il a à coeur le public et il ne veut pas causer de préjudice. Cependant, les employeurs ont aussi à coeur leurs résultats financiers: ce n'est pas bon pour les affaires lorsque des travailleurs viennent au travail sous l'effet du cannabis ou d'autres drogues et causent des accidents, des blessures ou encore pire.
(1135)
    Au Canada aujourd'hui, cependant, pouvez-vous me forcer à vous donner un échantillon de sang?
    Non. La Cour suprême du Canada a dit que, sauf dans des circonstances extrêmement rares, on ne peut pas le faire, ou pas tant que la législation ne sera pas modifiée. Cependant, je ne crois pas que ce soit l'argument principal lié aux tests. Les gens sont un peu obsédés par les tests, surtout du côté des syndicats. Le point principal c'est de dissuader, de décourager, de dire: « Nous ne voulons pas que vous veniez au travail sous l'effet de quoi que ce soit, et, soit dit en passant, vous pouvez faire l'objet de tests aléatoires. Vous ne savez pas quand le test aura lieu, alors ne prenez rien. S'il vous plaît, ne consommez pas. »
    Mais c'est comme les panneaux indicateurs de vitesse sur la 401 ou la 403 ou peu importe où on conduit au Canada, ce n'est pas assez. Il faut savoir qu'il y a un agent de police avec un radar qui peut nous arrêter aléatoirement et dire: « Ralentissez. Arrêtez. Voici votre rappel: s'il vous plaît, payez la contravention. »
    Votre temps est écoulé.
    Monsieur Davies.
    Merci aux témoins d'être là.
    Maître Keith, les tribunaux n'ont-ils pas interdit les régimes de tests aléatoires, même pour les postes critiques pour la sécurité parce qu'ils ont déterminé que de tels tests violaient des droits constitutionnels des Canadiens?
    Non. Essentiellement, la décision dans l'affaire Irving Pulp & Paper précisait que l'employeur avait deux choix s'il voulait réaliser des tests aléatoires. On parle ici seulement d'un cas où il est question de tests aléatoires de dépistage de l'alcool. L'employeur pouvait consulter le syndicat et obtenir son accord... et le syndicat a dit non. Je reviendrai sur ce point. D'après ce que je sais du dossier, c'était un manque malheureux de leadership syndical. On a dit que, si on n'obtenait pas l'accord du syndicat, alors il fallait pouvoir prouver que le test allait être lié raisonnablement au risque associé au milieu de travail précis.
    Chez Irving, je crois qu'il y a eu 3 accidents causés par des personnes qui ont consommé de l'alcool sur une période de 5 ou 6 ans. Ce n'était pas assez. Dans le cas de Suncor, en Alberta — dont la décision sera bientôt communiquée par la Cour d'appel de l'Alberta —, il y a eu 3 décès et 8 accidents sur une période de 10 ans. Le conseil d'arbitrage a dit que ce n'était pas assez.
    Ce que les tribunaux disent, c'est que, selon les intérêts en matière de protection de la vie privée des syndicats... C'est vague, la position s'appuie un peu sur l'article 8 de la Charte, mais puisqu'il ne s'agit pas d'une suspension d'une action, un cas employeur contre employé, ce n'est pas, selon moi, un enjeu constitutionnel. Il a été dit qu'il fallait plus de données probantes, plus d'accidents, plus de dommages aux biens et possiblement plus de morts avant qu'on puisse mettre en oeuvre unilatéralement ce genre de mesures. Il y a une excellente opinion dissidente formulée par un juge de la Cour d'appel de l'Alberta qui a dit que cette décision était pure folie. Que ça ne tenait pas debout. Pourquoi faut-il attendre de compter les travailleurs qui meurent et qui se blessent avant de protéger tous les travailleurs?
    Cependant, encore une fois, c'était une opinion dissidente. La majorité n'était pas d'accord.
    Vous avez raison.
    Je crois que vous avez dit que le problème, c'est que l'employeur ne pouvait pas produire suffisamment d'éléments de preuve pour établir un lien rationnel entre les tests et leur objectif.
    C'est ce que dit la décision.
    Cette décision est fondée sur une preuve volumineuse et des exposés complets, jusqu'à la Cour suprême du Canada.
    Oui.
    Vous devez savoir où je m'en vais avec ma prochaine question, parce que, bien sûr, la Charte s'applique seulement aux acteurs gouvernementaux, et on parlait ici d'employeurs du secteur privé. Passons à la question de la protection de la vie privée. En tant que parlementaires, nous tentons de trouver un juste équilibre, ici, mais c'est aussi notre rôle de protéger et de chérir les droits bien établis des Canadiens en matière de vie privée. Comme vous l'avez souligné, c'était aussi un enjeu dans le dossier, soit le fait que, avant que l'employeur puisse prélever aléatoirement des fluides corporels d'une personne, il devait y avoir... En fait, il revient à l'employeur d'établir qu'il y a un motif suffisant pour procéder ainsi. Franchement, les employeurs au Canada n'ont pas été en mesure d'établir ce fait de façon continue, du moins selon la Cour suprême du Canada.
    Je crois que mon collègue vous a posé une question sur les problèmes liés à la distinction entre des facultés actuellement affaiblies et une consommation passée, ce qui est, si j'ai bien compris, un enjeu propre au cannabis. Dans le cas de l'alcool, c'est un peu différent, parce qu'on peut obtenir une lecture du taux d'alcoolémie qui est une mesure fiable du niveau auquel les facultés sont actuellement affaiblies.
    N'est-il pas vrai, maître Keith, que, dans le cas du cannabis, on mesure le...? Je ne me rappelle plus le terme...
(1140)
    Le THC.
    En fait, la substance est fractionnée et le THC demeure dans le sang, alors on ne peut pas vraiment obtenir une mesure efficace du niveau d'effet actuel pour le distinguer de celui d'une consommation préalable. Quelqu'un pourrait fumer un joint durant la fin de semaine, arriver au travail le lundi matin, se faire tester et qu'est-ce qu'on apprendrait?
    Je ne suis pas un expert du domaine médical. La technologie de dépistage à l'aide des liquides oraux est plus avancée que ce que vous venez de mentionner comme méthode. Assurément, le THC, selon la quantité qu'on consomme, peut rester dans le sang pendant 21 jours. C'est évident. La règle générale commune, c'est qu'on peut dormir pour se remettre d'une gueule de bois causée par la consommation de cannabis. Des médecins m'ont dit que c'est généralement le cas, mais pas toujours. Mais on consomme rarement du cannabis sans alcool ou d'autres drogues. M. Stewart, qui a eu un accident chez Elk Valley Coal, avait dû fumer quelques joints de marijuana avant d'arriver au travail, avait-il dit, parce qu'il voulait atténuer les effets de la cocaïne. Ces choses vont souvent ensemble.
    C'est un enjeu complexe. En ce qui a trait à la politique de la TTC, je ne suis pas ici pour défendre la TTC, et je ne suis pas ici en tant que l'avocat qui la représente, mais, dans le cadre de son programme, on prend deux échantillons, un pour protéger la vie privée, et l'autre, pour la fiabilité, tout comme les tests de dépistage de la consommation de drogue dans...
    [Inaudible] facultés affaiblies.
    Exactement. Je vais en parler. Désolé, je n'en viens pas à l'essentiel aussi rapidement que je le voudrais.
    J'ai peu de temps, alors je veux pouvoir poser d'autres questions.
    Les tests de dépistage à l'aide de liquides oraux peuvent mesurer le niveau actuel d'affaiblissement des capacités. C'est ce que j'ai cru comprendre.
    Je vois.
    Maître Fraser, vous avez bien décrit les dangers des conséquences négatives liées au fait que les produits du cannabis restent illégaux. Si j'ai bien compris votre témoignage, vous suggérez que cette mesure s'applique aux produits comestibles, aux concentrés et aux autres produits qu'on ne peut pas fumer. Puisque le Colorado, Washington et l'Alaska ont tous les trois établi des régimes efficaces de réglementation de ces produits, y a-t-il, selon vous, des raisons pour lesquelles le projet de loi qui est devant le Parlement ne pourrait pas être modifié pour inclure les produits comestibles et les concentrés, s'il y avait une réglementation appropriée en ce qui a trait à l'emballage, l'étiquetage, la concentration, etc., comme on l'a fait au Colorado?
    Ce devrait être le cas.
    D'après ce que j'ai compris, c'est l'intention, et c'est plus une question de temps que quoi que ce soit d'autre qui explique pourquoi ces produits ne sont pas déjà inclus. Ma préoccupation, c'est que de dépenser des millions de dollars pour faire appliquer la loi ne réglera pas le problème du marché noir et des dispensaires déjà en place. Il faut se demander pourquoi ils existent. Ils existent pour un certain nombre de raisons. Ils fournissent un meilleur accès à des produits du cannabis à des gens qui les veulent ou qui en ont besoin et ils fournissent un type et une gamme de produits que les gens veulent.
    En limitant les produits du cannabis légal au cannabis séché et à l'huile de cannabis, nous laissons de côté un large éventail de produits pour lesquels il y a clairement une demande, demande à laquelle le gouvernement ne pourra pas répondre grâce à des modes légaux. Les gens vont continuer à obtenir ces produits et à y avoir accès par des voies illégales. La légalisation doit inclure un plus large éventail de produits. Oui, les préoccupations liées à la consommation par les enfants ou à des surdoses accidentelles peuvent toutes être réglées grâce à un emballage et un étiquetage prudents et une réglementation liée aux types de produits. Il faut commencer à travailler là-dessus immédiatement.
    D'accord. Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à M. Ayoub.

[Français]

     Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Ma question est en français, si vous avez besoin de votre oreillette.

[Français]

    Monsieur Keith, vous dites que le projet de loi semble être une expérience controversée, mais à mon avis, plusieurs de vos recommandations le sont tout autant.
    Vous parlez de gros bon sens. J'aimerais savoir si vous avez formulé ces recommandations après que nous ayons commencé nos discussions sur la légalisation du cannabis ou si elles existaient bien avant pour plusieurs substances, dont le cannabis.

[Traduction]

    Je ne sais pas si elles ont été — surtout les cinq, ensemble — présentées à un comité parlementaire fédéral ou à un comité législatif provincial. La controverse alimente la controverse, alors peut-être — pour calmer les craintes de nombreux employeurs, et ils sont très inquiets, quant à la capacité de gérer les risques associés à la légalisation du cannabis consommé à des fins récréatives — ce serait le moment opportun d'apporter ces modifications, qui, bien sûr, visent non seulement le cannabis, mais aussi les autres drogues.
    Le Canada, comme vous le savez, affiche l'un des plus hauts niveaux de consommation de cannabis du monde, voire le plus élevé. Ce serait peut-être une bonne idée de se demander pourquoi, mais ce n'est pas pour cette raison que nous sommes ici. Lorsqu'on regarde la situation actuelle, et qu'on réfléchit à l'augmentation prévue du niveau d'acceptation sociale et de consommation et à son effet sur les milieux de travail, il est important de se doter d'un cadre législatif. Le cadre ne réglera pas tous les problèmes, il n'empêchera pas tous les accidents et il n'arrêtera pas toutes les poursuites, mais ce sera une bonne façon d'atténuer ces trois problèmes.
(1145)

[Français]

    Je vous remercie de votre réponse.
     Voici ce que je veux dire quand je parle de controverse. Arrêtons-nous à votre première recommandation de modification au Code du travail. Il est question d'interdiction à tous les travailleurs. J'ai beaucoup de difficulté à comprendre cette idée d'interdire cela à tout le monde.
    On parle de cannabis, mais que signifie « facultés affaiblies au travail »? Quelles autres drogues légales et médicaments légaux sont accessibles sur les tablettes des pharmacies et que les gens prennent sans prescription et sans déclaration? Comment fait-on présentement pour sécuriser l'ensemble des travailleurs et les employeurs face à des situations actuelles qui, selon moi, sont dangereuses à divers degrés?
    Adopter une réglementation qui ratisse très large pour se prémunir de quelques effets extrêmement nocifs est un peu comme tuer une mouche avec un marteau, si je peux me permettre cette analogie. Par ailleurs, on cherche la sécurité de tout le monde, évidemment.
    Comment vous situez-vous relativement à cette extrême?

[Traduction]

    Pour ce qui est de la première recommandation, il s'agit simplement d'intégrer un énoncé stratégique selon lequel les travailleurs ne doivent pas venir au travail sous l'effet du cannabis ou d'autres drogues sans avoir obtenu une autorisation médicale ou une ordonnance, ce qui répond à l'une de vos questions, et sans avoir obtenu l'approbation de l'employeur.
    Assurément, dans les postes non critiques pour la société, on s'en fait moins au sujet de l'impact sur la sécurité. La consommation peut avoir une incidence sur la productivité, et je suis sûr que c'est le cas, mais c'est un autre problème, un problème avec lequel les employeurs doivent composer. Je crois que ce qui sous-tend la première recommandation, c'est qu'il s'agit davantage d'un énoncé symbolique pour rappeler aux employeurs et aux travailleurs que ce n'est pas une bonne idée de se présenter au travail lorsqu'on n'est pas sobre, mais s'ils sont sous l'effet d'un médicament sous ordonnance, il n'y a pas de problème. Ils devraient simplement se présenter discrètement au service des RH. Les responsables de ce service devront garder cette information confidentielle, mais si la personne a un genre de réaction médicale, au moins ils seront au courant. Beaucoup d'employeurs ont une politique qui reflète ce que je suggère, mais ce n'est bien sûr pas enchâssé dans la loi.
    Je ne crois pas que la préoccupation liée à la santé et au bien-être que la suggestion représente pour les travailleurs et leur sécurité soit assimilable à une massue; c'est davantage un filet délicat pour attraper les mouches et les remettre en liberté.

[Français]

    Cela dépend de la perspective, monsieur Keith.
    Abordons la question de la légalisation. Présentement, des gens, de bonne foi, vont dévoiler qu'ils sont utilisateurs de cannabis. Je dis « de bonne foi », parce qu'il y a quand même un danger à révéler cette information, surtout à un employeur au cours d'une entrevue pour un nouvel emploi. Les gens sont certainement réticents à dévoiler cela, je peux le confirmer.
    Nous avons quand même des statistiques qui indiquent un certain usage. En légalisant le cannabis, ne pensez-vous pas que les gens seront plus enclins à parler de leur consommation? Ce sera comme dire qu'on prend de l'aspirine, des médicaments ou tout autre produit légal pour lequel il n'y a plus la controverse de l'illégalité.
    Au lieu d'adopter une loi très contraignante, cela pourrait-il éclairer et, peut-être même, rassurer de façon plus simple les employeurs qui pourront avoir une discussion beaucoup plus ouverte avec les employés et profiter des effets et des normes présentes pour contrer les effets négatifs de toutes sortes de médicaments?
    Je vous laisse répondre.
(1150)

[Traduction]

    Je vais axer davantage ma réponse sur le mandat lié à la sécurité au travail, si vous me le permettez.
    Je crois que le fait de mettre l'accent sur les postes critiques pour la sécurité et sur plus d'information et d'éventuels tests, vise, encore une fois, à assurer le bien-être et la sécurité des travailleurs. En général, les employeurs restent neutres en ce qui a trait aux politiques ou à la légalité d'une substance, y compris le cannabis. Ce dont ils ont besoin et ce qu'ils veulent savoir, c'est que les travailleurs qui arrivent au travail sont sobres, qu'ils peuvent travailler de façon sécuritaire et qu'ils ne blesseront pas personne d'autre et qu'ils ne blesseront pas des membres du grand public. C'est l'objectif principal des modifications proposées au Code canadien du travail.
    L'autre aspect de votre question est, selon moi, un peu plus général que le mandat que j'ai, aujourd'hui. Je crois qu'il n'y a pas beaucoup de stigmatisation sur le terrain, que vous acceptiez cette réalité ou non, liée au fait d'obtenir une autorisation médicale pour consommer de la marijuana. C'est quelque chose qui est possible depuis 2000. Lorsque les gens ont besoin de traitements pour une blessure liée au travail, c'est financé à même les fonds des commissions des accidents du travail. En fait, on en parle librement et ouvertement.
    La question de la légalité ou de l'illégalité n'est pas au centre des inquiétudes et des préoccupations. Ce qui prime, c'est l'effet que cela aura sur la sécurité en milieu de travail et le fait que c'est seulement l'employeur qui est blâmé lorsqu'il y a un accident découlant des facultés affaiblies d'un travailleur,
    Le temps est écoulé.
    Voilà qui met fin à la première série.
    Nous allons maintenant passer à une série de cinq minutes en commençant par Mme Gladu.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous nos témoins.
    Maître Keith, je crois que vous avez souligné une réelle lacune dans le projet de loi qui fera en sorte que les travailleurs et les employeurs ne seront pas bien protégés lorsque la marijuana sera légalisée. Je le dis parce que je crois avoir une certaine expérience dans ce domaine. J'ai été directrice de l'ingénierie et de la construction chez Suncor. Nous voulions mettre en place une politique de tolérance zéro en matière de drogue.
    Je vis dans une collectivité relativement petite. Il y a là beaucoup de gens de métier, et nous savons très bien quels gens de métier consomment de la marijuana de façon chronique. Nous ne pouvions rien faire à leur sujet au travail ni réaliser une quelconque évaluation. Il n'y avait pas de test aléatoire permis, tout comme les tests obligatoires n'étaient pas permis, ce que j'opposerais à certaines des pratiques exemplaires qu'on voit ailleurs.
    J'ai travaillé aux États-Unis, pour Dow Chemical, Shell, ExxonMobil et un certain nombre d'organisations. Non seulement ils font des tests aléatoires, qui génèrent les résultats dont vous avez parlé en ce qui a trait à la réduction de la consommation, mais, très souvent, il y a aussi un examen de santé obligatoire dans le cadre duquel on procède à des tests de dépistage du cannabis avant que la personne puisse mettre les pieds sur le chantier de construction.
    Je crois qu'il y a des exemples qui existent. J'aimerais bien qu'on ajoute quelque chose dans le projet de loi à cet égard.
    Si nous décidons que nous allons permettre les tests, alors, je me demande quels seront les coûts qui seront imposés aux organisations. Chez Suncor, si quelqu'un utilisait un médicament sur ordonnance, il avait l'obligation de le dire au personnel infirmier. Nous avions une infirmière ou un infirmier en service qui pouvait réaliser un test sanguin, mais, si une telle mesure n'est pas possible, de quelle façon va-t-on mettre ces ressources en place?
    Je crois que l'autre préoccupation est liée aux données que vous avez mentionnées sur la CSPAAT, soit que 38 % des incidents sont liés à ce problème. C'est un très grand nombre de réclamations qui sont refusées. Lorsque le cannabis sera légal, et il y a beaucoup de controverse quant à savoir si une personne est vraiment sous l'effet du cannabis ou non et ce que la technologie permet de faire, je crains que cela n'entraîne une augmentation du nombre de demandes présentées à la CSPAAT.
    Pouvez-vous nous parler un peu plus de l'incidence sur les ressources pour les entreprises?
    Les amendements que nous proposons d'apporter au Code canadien du travail ont pour but, selon moi, d'autoriser les employeurs à faire subir, au hasard, un test de dépistage à leurs employés qui occupent un poste critique pour la sécurité. Encore une fois, on veut cela surtout à des fins de dissuasion et, dans une moindre mesure, à des fins de détection. En outre, cela suppose des coûts, comme vous l'avez dit.
    Je doute que tous les employeurs se réjouissent à l'idée de dépenser de l'argent pour cela. Ils vont probablement vouloir partager le coût, et ils pourront essayer, si leurs employés sont syndiqués, en négociant cela dans la convention collective. Mais il est peu probable, selon moi, qu'ils trouvent un terrain d'entente.
    J'imagine que les petites entreprises avec peu de ressources seront probablement hésitantes, mais je me dis que la plupart des employeurs, en particulier lorsqu'il s'agit d'emplois dangereux ou de postes critiques pour la sécurité, comprennent que la prévention des accidents est également un énorme fardeau sur le plan juridique ainsi que sur le plan économique. Ça me rappelle le vieux dicton « vaut mieux prévenir que guérir ». Je crois que la plupart des employeurs — même si je ne peux pas m'exprimer en leur nom collectif ou au nom d'aucun d'entre eux en particulier — accueilleront probablement volontiers ces frais additionnels s'il leur était permis par la loi de faire ce genre de choses.
    Ce qui est troublant pour les employeurs — et j'ai entendu le même son de cloche de la part d'un grand nombre d'employeurs et d'associations patronales —, c'est que même si nous avons de bons arguments en faveur des tests de dépistage aléatoires, en particulier vu la décision du tribunal relativement à ce qui s'est passé avec la TTC, personne ne veut passer les 8 à 10 prochaines années à débattre devant les tribunaux, et c'est ce qui risque d'arriver. C'est pourquoi nous avons besoin d'un cadre législatif, même s'il s'agit d'un encadrement restrictif et équitable, avec des dispositions intégrées visant à protéger la vie privée. C'est exactement ça... J'aimerais que le Comité prenne en considération la décision du tribunal relativement à la TTC. La politique de la TTC a été très clairement définie et judicieusement approuvée, même si un appel a été interjeté contre la décision.
    Qui peut dire comment tout cela va finir sur le plan juridique? Fondamentalement, ce qu'on doit se demander, c'est combien de nouveaux accidents vont être provoqués par des gens travaillant dans un lieu de travail dangereux? Jusqu'à quel point la société peut tolérer de sacrifier un peu de sa vie privée si cela peut prévenir un grand nombre d'accidents de travail?
    J'ai aussi un autre argument. Je ne l'ai pas abordé plus tôt, mais cela concerne votre question à propos des coûts. Simplement, même si l'employeur assume la totalité des frais, il demeure un problème fondamental dont les dirigeants syndicaux ont fait fi dans une grande mesure. Je parle du fait que les syndicats, autant à l'échelon fédéral que provincial, ont, selon la loi, le devoir de représenter équitablement tous les travailleurs syndiqués, et pas seulement les consommateurs de drogues. Et devinez justement qui sont les employés qui subissent des blessures ou qui perdent la vie? Ce sont des travailleurs syndiqués, à cause de travailleurs syndiqués. Il y a un manque de leadership de la part des dirigeants syndicaux; ils disent qu'ils ont des comptes à rendre à tous, mais ce n'est pas le cas. Ils devraient encourager l'idée de réduire la consommation de drogues ou d'alcool en milieu de travail. Si les tests s'avèrent des moyens de dissuasion efficaces, on devrait travailler avec les employeurs pour renforcer cette méthode.
    Comme nous l'avons recommandé, un bon départ serait d'encadrer cela dans la loi de façon à ce que les employeurs puissent le faire.
(1155)
    Merci beaucoup.
    La parole va maintenant à Mme Sidhu.
    Ma question s'adresse à Mme Baxter.
    Selon vous, les employés devraient avertir leur employeur lorsqu'ils prennent un médicament sur ordonnance. D'après vous, comment pourrait-on mettre cela en oeuvre sans porter atteinte aux droits des travailleurs? Ne croyez-vous pas qu'on viole les droits des travailleurs si on exige que les employés qui ont une ordonnance pour du cannabis le divulguent à leur employeur?
    Vous avez tout à fait raison. Je pense que la réglementation au Canada relative à la sécurité et à la santé au travail a été élaborée de façon à trouver un juste milieu entre les responsabilités des employeurs et les droits des employés. Je ne sais pas qui a recommandé que les employés devraient être obligés de divulguer quels médicaments d'ordonnance ils prennent à leur employeur.
    D'abord et avant tout, les gens peuvent avoir les facultés affaiblies par diverses substances et à cause de toutes sortes de circonstances. La fatigue peut affaiblir les facultés. Au travail, les employeurs et les employés doivent travailler ensemble pour repérer les dangers dans le milieu de travail. La réglementation nous fournit la flexibilité dont nous avons besoin pour comprendre comment fonctionnent différents milieux de travail et différents types de travail. Les mesures qui sont prises dans n'importe quel milieu de travail prévoient que les employeurs et les employés vont déployer des efforts conjointement.
    Relativement à tout ce qui concerne les tests de dépistage, etc. en milieu de travail, comme on l'a déjà mentionné, on peut se référer à la jurisprudence sur le sujet, et il y a des mesures qui doivent être appliquées préalablement à n'importe quel genre de test. On cherche toujours un équilibre entre la protection des droits de la personne et de la vie privée et la sécurité en milieu de travail.
    Merci.
    Maître Fraser, quels programmes ou quels services de soutien devraient être mis en place pour les employés qui consomment du cannabis à des fins médicales et qui souffrent peut-être de dépendance, qui en consomment excessivement?
    Je crois que Me Keith a déjà effleuré le sujet. Évidemment, l'employeur doit s'adapter aux besoins de ses employés, à moins que cela n'entraîne des contraintes excessives. S'il n'y a aucun amendement apporté à ce projet de loi, les employeurs devront se rabattre sur leurs propres politiques pour encadrer leurs employés.
    Je crois qu'il sera intéressant de voir comment va évoluer le concept de contraintes excessives. Je crois que les employeurs ont un peu de difficulté présentement à, disons, déterminer clairement à quel moment une contrainte devient excessive. Je crois que tous les employeurs préféreraient avoir un milieu de travail sans fumée, mais selon la jurisprudence, un employeur doit s'adapter aux besoins d'un employé qui a besoin de consommer du cannabis à des fins médicales. La gamme de produits dérivés du cannabis thérapeutique que peuvent se procurer les employés est également en train d'évoluer et de s'agrandir. Aujourd'hui, il existe de l'huile de cannabis en vaporisateur sublingual. Il y a également de la poudre de cannabis sous forme de comprimé. Avec le temps, je crois que nous allons continuer de voir de plus en plus de produits apparaître.
    Cet exemple montre comment les employeurs vont devoir suivre l'évolution de l'industrie pour y adapter leurs politiques visant les employés.
(1200)
    Maître Keith, le Centre canadien d'hygiène et de sécurité au travail a publié un article traitant du groupe de travail fédéral sur la légalisation et la réglementation du cannabis, et en particulier de la sécurité en milieu de travail. L'article mentionne que les tests de dépistage en milieu de travail vont à l'encontre des lois fédérales et provinciales sur les droits de la personne.
    Pourquoi selon vous le gouvernement fédéral devrait-il empiéter sur l'autorité des provinces, alors que les lois relatives à la sécurité au travail et les politiques de tolérance zéro en milieu de travail visent les mêmes buts?
    En vertu de la Loi constitutionnelle de 1867, le gouvernement fédéral a compétence en matière de droit pénal et a aussi compétence constitutionnelle à l'égard des lieux de travail sous responsabilité fédérale. Mes recommandations s'appliquent à ces lieux de travail sous responsabilité fédérale. Compte tenu de la juge en chef dans l'affaire Irving, je crois également, vu le manque de leadership et d'encadrement juridique, qu'il est absolument nécessaire que ce même gouvernement qui a ouvert la voie s'arrange pour ériger une barrière autour du précipice dans lequel risquent de tomber les gens, même s'il ne s'agit que de 8 ou 9 % des employés au Canada, qui décident de s'aventure sur ce sentier, si vous comprenez l'image.
    Le gouvernement fédéral va aussi fournir aux provinces le leadership dont elles ont besoin, en particulier les petites provinces qui ne disposent pas des ressources du gouvernement fédéral pour examiner de façon approfondie l'incidence sur la santé et la sécurité.
    Aucun tribunal n'a conclu qu'un travailleur a le droit reconnu par la loi de se présenter au travail avec les facultés affaiblies, d'agir comme si de rien n'était, de causer des préjudices à lui-même ou à autrui ou même de tuer un membre du public. Selon moi, dire que le gouvernement fédéral ne devrait pas fournir de cadre juridique à l'égard de la consommation du cannabis dans diverses situations, c'est être insouciant.
    Vous avez mentionné l'affaire du pilote de Sunwing. Je crois que cela concernait le droit en matière de transport. Devrions-nous tout de même intervenir à coup de lois fédérales, même si l'affaire du pilote de Sunwing a déjà réglé cette question judiciaire?
    Malheureusement, le coeur du problème, c'est qu'il n'y a pas eu de test de dépistage. Si j'ai bien compris tous les détails de l'affaire, ce sont les collègues du pilote qui ont dû le maîtriser. Ce n'est pas que l'employeur leur a donné la permission. L'employeur n'était pas obligé, en vertu de la loi, de prendre des mesures pour dissuader ses employés de consommer ou de leur faire subir des tests de dépistage. Je trouve cela troublant.
    Votre temps est écoulé.
    C'est au tour de Mme Gladu.
    Maître Keith, avez-vous pu participer à la consultation gouvernementale qui a précédé la rédaction du projet de loi?
    Non, ni personnellement, ni par l'intermédiaire d'une des organisations que je représente.
    Cela explique pourquoi la question est passée entre les mailles du filet.
    Ma prochaine question s'adresse à Me Fraser. Vous avez dit, relativement aux permis de distribution ou de production de cannabis, qu'il ne faudrait pas écarter les gens qui ont été condamnés pour des infractions au criminel dans le passé. Vous ai-je bien compris?
    L'un des objectifs du projet de loi est de mettre un terme au marché noir. Je ne vois pas pourquoi on voudrait faire appel à des personnes qui ont violé la loi dans le passé, puisque nous essayons de nous débarrasser du marché noir. Pouvez-vous approfondir votre pensée?
    J'imagine que c'est une approche pratique. Ces gens ne vont pas simplement disparaître, et il est clair qu'ils sont prêts à mettre leur liberté personnelle en jeu. Certains d'entre eux le font par opportunisme, évidemment, mais il y en a d'autres qui croient fermement aux bienfaits de cette plante. Si on ne leur fournit pas la possibilité de se conformer à la loi et de participer au marché légal, ils vont continuer leurs activités illicites.
    C'est naïf de croire qu'il suffit de donner de l'argent aux autorités policières pour éliminer l'industrie illégale. Vous réussirez peut-être à l'affaiblir, mais je ne crois pas qu'il soit possible, peu importe les moyens utilisés, de l'éliminer complètement. Ce que je veux dire, c'est qu'il y a une grande partie du marché noir qui existe actuellement qui est en faveur de la réglementation et de la légalisation; elle attend seulement l'occasion de se conformer à la loi, pourvu qu'on lui en donne l'occasion.
(1205)
    Prenons les pratiques exemplaires en vigueur dans l'État de Washington, par exemple. D'après les témoignages que nous avons entendus, c'est là qu'on a le mieux réussi à déloger le marché noir. L'État a utilisé pour le cannabis à des fins récréatives les fournisseurs qu'il utilisait déjà, et qui se conformaient déjà aux règles, pour le cannabis à des fins médicales.
    Croyez-vous que cette approche serait préférable à l'autre en ce qui nous concerne?
    C'est essentiellement ce qui est prévu. D'après ce que je comprends, l'approvisionnement en cannabis à des fins récréatives sera fourni par les producteurs autorisés existants qui produisent du cannabis à des fins médicales. Les demandes continueront à être traitées, et les dossiers continueront d'être tenus. Ça ne va pas s'arrêter. Mais nous allons devoir examiner le processus décisionnel pour l'octroi des permis. Il est clair que 58 producteurs autorisés, ce n'est pas assez. Il faut que le processus se poursuive.
    Si on regarde le libellé actuel du Règlement sur l'accès au cannabis à des fins médicales et celui du projet de loi, on voit que le processus décisionnel exclut essentiellement toute une catégorie de personnes. On pense essentiellement à court terme, et je crois que cela ne peut faire autrement que de vous causer des frustrations, parce que le marché noir va survivre.
    Savez-vous si l'État de Washington accepte les personnes qui ont été reconnues coupables d'une infraction criminelle?
    Je vais devoir faire quelques recherches pour trouver la formulation exacte, mais je suis sûre qu'on tolère les infractions antérieures liées au cannabis.
    Pouvez-vous nous envoyer cela, à moi ou au greffier? Je serais très intéressée de voir ce qu'on a fait à Washington.
    Sans problème.
    Ma prochaine question s'adresse à Mme Baxter, à propos du projet de loi S-5. Relativement au projet de loi S-5 et au vapotage, on se demande quels termes employer avec le cannabis. Avez-vous des préoccupations en ce qui concerne les lignes directrices sur la puissance ou d'autres choses connexes qu'on devrait élaborer?
    Je crois qu'il serait plus approprié de poser cette question à Santé Canada, puisque le ministère s'intéresse justement à cette question en particulier.
    D'accord, très bien.
    J'ai une autre question pour Me Keith.
    C'est toujours épineux de discuter des droits d'une personne par rapport aux droits d'autrui, par exemple le droit au respect de la vie privée par rapport à mon droit d'être en sécurité au travail. Comment pouvons-nous résoudre ce genre de problème? Vous allez obliger les gens à subir des tests de dépistage aléatoires. J'en ai passé — c'est loin d'être contraignant —, mais pour certaines personnes, c'est une atteinte à la vie privée, et cela entre en conflit avec son droit d'être en sécurité au travail.
    Une façon, et c'est ainsi que nous procédons actuellement, consiste à régler chaque cas individuellement devant les tribunaux. Cela engendre beaucoup de frais, prend beaucoup de temps et, avec tout le respect que je dois au Comité, cela reflète un laisser-aller en matière de leadership législatif.
    Je crois qu'un encadrement législatif de base doit être mis en place. Il est évident que les gens ont droit à leur vie privée, mais jusqu'à quel point? Est-ce que mon droit à la vie privée va jusqu'à mériter de mettre en danger la vie de quelqu'un d'autre, son moyen de subsistance ou ses biens? De façon générale, il est convenu que la réponse est « non », et c'est, en résumé, ce que le juge Marrocco a conclu dans l'injonction de la TTC. Entre la vie privée et l'intérêt public relatif à la sécurité des travailleurs, et en particulier la sécurité du public, le droit de faire subir un test de dépistage à ses employés l'emporte, parce qu'il s'agit d'un moyen de dissuasion et de détection qui permet de s'attaquer au problème.
    Je ne veux pas que les tests de dépistage soient tout ce que vous reteniez de mon témoignage. Ce ne sera jamais une solution miracle, mais cela fait partie des outils dont disposent les employeurs pour assumer leurs responsabilités; je crois que tout le monde, j'espère, serait d'accord pour dire que nous ne voulons pas que les travailleurs, en particulier ceux qui occupent des postes critiques pour la sécurité, puissent aller travailler avec les facultés affaiblies et se blesser ou blessent les autres. J'ai déjà été témoin de ce genre de choses, et, malheureusement, ce n'est pas demain la veille que ça va s'arrêter. Nous devons déployer davantage d'efforts en matière de prévention, et c'est un moyen qui pourrait contribuer à cette fin.
    Merci beaucoup.
    La parole va à M. Oliver
    Merci à tous de nous avoir présenté vos témoignages.
    Madame Baxter, dans le passé, j'ai travaillé dans des hôpitaux où il était interdit de fumer dans l'hôpital ou aux alentours. Quand je vivais à Oakville, il y avait très peu de fumée secondaire dans les bars, sur les terrasses, etc., et j'ai été très surpris de voir à quel point j'ai été personnellement exposé à la fumée secondaire quand j'ai commencé à travailler à Ottawa.
    Une chose qui m'embête particulièrement, ce sont les attroupements de fumeurs qui se tiennent juste à l'extérieur des immeubles. Les fumeurs ne sont-ils pas censés se tenir à neuf ou dix mètres des portes pour fumer? Est-ce qu'on va bientôt voir un tas de fumeurs de cannabis se mêler aux fumeurs de tabac?
(1210)
    Je suis en faveur de l'objectif de la Loi sur la santé des non-fumeurs, c'est-à-dire de protéger les non-fumeurs de la fumée secondaire, et on a surtout axé les efforts sur l'intérieur des immeubles ou sur les divers modes de...
    Ne sont-ils pas obligés de se tenir à une certaine distance des portes, comme les portes principales des édifices publics?
    Cela n'est pas prévu dans la Loi sur la santé des non-fumeurs. C'est davantage dans les règlements aux échelons municipal et provincial qu'on déterminerait la distance à respecter dans les lieux publics.
    Personnellement, je serais très en faveur d'une distance de neuf à dix mètres afin que nous, les non-fumeurs, ne soyons pas exposés à la fumée secondaire, peu importe s'il s'agit de tabac ou de cannabis.
    Je sais que les règles ou la réglementation en Ontario prévoient d'interdire la consommation de marijuana à des fins récréatives dans les lieux publics, mais je ne crois pas que les règles provinciales s'appliquent aux édifices fédéraux. Ce que je comprends, c'est que si je me promène sur la rue Wellington, près des édifices qui appartiennent à la ville, je ne pourrai pas consommer de cannabis, mais dès que j'arrive à l'édifice de la Confédération, qui appartient au gouvernement fédéral, je vais pouvoir m'allumer un joint. Donc, ne risque-t-on pas de voir un attroupement de fumeurs? J'ai peur que cela nuise à l'image d'Ottawa si les gens qui visitent notre ville voient que les gens fument ouvertement du cannabis devant le Parlement.
    Comme je l'ai mentionné, la Loi sur la santé des non-fumeurs concerne surtout les endroits clos, et ce que vous dites dépasse ce qui est prévu dans la loi. Je crois que le Comité devrait s'intéresser à la question. Il pourrait étudier...
    Mais en tant qu'employé, je dois quand même passer par là, n'est-ce pas?
    Je crois que le Comité devrait étudier quelle serait la loi appropriée pour encadrer cela. Le ministre du Travail et la Loi sur la santé des non-fumeurs régissent ce qui se passe dans les lieux de travail, où s'arrête le lieu de travail et où commence l'espace public. Donc, il faut se demander quelles dispositions législatives doivent encadrer cela.
    Quand j'étais directeur d'hôpital, la conclusion à laquelle nous sommes arrivés est que tout ce qui appartenait à l'hôpital faisait partie du lieu de travail, et il était interdit d'y fumer. C'est devenu un endroit beaucoup plus sain après que nous ayons pris cette décision. Je vous serais reconnaissant d'en parler au Comité. Je crois que c'est quelque chose qu'on devrait étudier.
    Mon autre question s'adresse à Me Keith.
    Actuellement, le droit encadre tout ce qui se fait. Conformément à la Politique de la Commission canadienne des droits de la personne à l'égard des tests de dépistage d'alcool et de drogues, dans la mesure où les employés savent que les tests de dépistage font partie de leurs conditions d'emploi, il est permis de leur faire subir des tests de dépistage d'alcool aléatoires si l'employé occupe un poste critique pour la sécurité.
    Cela ne devrait-il pas s'appliquer également à la marijuana? Sous réserve que les employés en soient informés préalablement, l'employeur ne devrait-il pas avoir le droit de faire ce que vous recommandez dans vos cinq recommandations?
    Je ne suis pas certain que la position de la Commission canadienne des droits de la personne soit juste, si on la compare à celle de la Cour suprême dans l'arrêt Irving. Aux fins de la question, je vais tenir pour acquis qu'elle l'est. Le cas échéant, vous avez la moitié du chemin de fait, mais je crois que l'encadrement juridique doit être parachevé tout de même .
    Les lois ne servent pas uniquement à tenir les gens responsables de leurs actes; elles servent aussi de lignes directrices qui reflètent ce qui est acceptable en société. C'est pourquoi je suis fortement en faveur de viser plus qu'une simple règle ou un amendement et de mettre en place un cadre qui va décrire clairement nos attentes.
    D'accord.
    En passant, une bonne façon de déterminer si quelque chose est régi par le Code canadien du travail est de se demander si une personne qui trébuche et qui fait une chute peut présenter une demande d'indemnisation des accidentés du travail au gouvernement fédéral. Le gouvernement a compétence en ce qui concerne la fumée secondaire partout où une personne peut présenter ce genre de demande ou lorsque le gouvernement fédéral a l'autorité de faire appliquer les lois en matière de sécurité à d'autres fins.
    Je n'ai plus de questions. Merci.
    Monsieur Davies, vous êtes le dernier.
    Maître Fraser, j'aimerais approfondir un peu notre problème de temps, cette idée que nous n'avons pas assez de temps pour ajouter les produits comestibles au projet de loi. Il me semble que tout ce que nous aurions à faire ce serait de... L'annexe 4 indique les catégories de cannabis qu'une personne autorisée peut vendre, soit le cannabis séché, l'huile de cannabis, le cannabis frais, les plantes de cannabis et les graines provenant d'une plante de cannabis. Ne suffirait-il pas d'ajouter les produits comestibles et le cannabis sous forme de concentrés à cette annexe, puis de permettre au ministre d'adopter les règlements appropriés pour en régir chaque composante; c'est, dans l'ensemble, ce qui est prévu dans ce projet de loi.
    Vu la façon dont le projet de loi est construit, je ne crois pas qu'il soit particulièrement difficile de le modifier.
    Avez-vous des commentaires à faire par rapport à cela? J'aurais ensuite une autre question pour vous sur le sujet.
(1215)
    Je suis d'accord avec vous. Les amendements à apporter au projet de loi afin de faire ce que vous dites seraient minimes. Encore une fois, je ne suis pas tenue au courant de ce qui se passe par rapport à la rédaction de la réglementation, mais d'après ce que j'ai entendu des divers fonctionnaires gouvernementaux qui ont abordé le sujet, il semble qu'on manque de temps pour préparer la réglementation nécessaire concernant l'emballage et l'étiquetage pour ce genre de produits.
    Creusons un peu plus loin. J'ai avec moi le dernier rapport du groupe de travail, le rapport McLellan, qui a été publié il y a presque un an, le 30 novembre 2016. Le gouvernement s'en est inspiré pour éclairer ses décisions quant au projet de loi, et, bien sûr, le groupe de travail avait fait le tour de la question à propos des produits comestibles et des concentrés de cannabis et avait recommandé, pour toutes les mêmes raisons que celles que j'ai mentionnées plus tôt, de les ajouter au projet de loi.
    Encore, puisque Washington, l'Alaska et le Colorado l'ont déjà fait... À dire vrai, on nous a dit qu'il y avait certains problèmes au début quand le Colorado a légalisé les produits comestibles — l'État a dû composer avec certains problèmes —, mais il est revenu à la case départ et il les a corrigés. N'avons-nous pas déjà un ensemble de dispositions réglementaires sur les produits comestibles venant du Colorado qui sont déjà toutes prêtes à être adoptées?
    Je crois que oui. Nous pouvons tirer des leçons de ce que le Colorado a fait afin d'éviter de reproduire les mêmes erreurs et de tirer parti de ce qui a déjà été fait. Je suis d'accord avec vous.
    Merci.
    Maître Keith, si on regarde le tableau dans son ensemble, une fois que le projet de loi sera adopté, les Canadiens pourront consommer du cannabis en toute légalité. Ne croyez-vous pas que votre proposition relative aux tests de dépistage aléatoires au travail ira à l'encontre de cela? Croyez-vous qu'il serait possible d'instaurer un régime qui n'aura aucune incidence négative sur le travail, l'emploi ou les moyens de subsistance des Canadiens qui s'adonnent à une activité légale la fin de semaine, même s'ils occupent des postes critiques pour la sécurité? Croyez-vous qu'il serait possible de mettre en place quelque chose qui permettrait à un grutier de fumer un joint le samedi soir sans avoir peur de perdre son emploi?
    Bien sûr, il y a deux façons de répondre à la question. On peut encadrer cela dans la loi, ou on peut dire que les droits de la personne l'emportent s'il s'agit d'une personne handicapée ou d'un toxicomane.
    C'est difficile à dire; ce sont deux réponses très différentes à cette question. Dans l'éventualité où une personne subit un test de dépistage d'alcool ou de drogues et que les résultats sont positifs, la réaction habituelle des syndicats au Canada est de conseiller à la personne de dire qu'elle a un problème de dépendance. La personne se dépêche de trouver un intervenant en toxicomanie pour confirmer qu'elle a un problème, et automatiquement, son emploi est sauf — que tout cela soit vrai ou non —, parce que vous avez une incapacité qui vous assure d'être protégée en vertu des lois sur les droits de la personne. Que ce soit pour le cannabis, la cocaïne ou l'alcool, vous êtes déjà protégé en vertu de la loi.
    Oublions un instant ce que les syndicats ou les toxicomanes peuvent raconter. Je veux savoir ce qui arrive aux Canadiens ordinaires qui fument un joint la fin de semaine, ce qui sera tout à fait légal en vertu de cette loi.
    Oui.
    Ce que je veux savoir, c'est si vous recommandez au Comité qu'il faudrait, d'une façon ou d'une autre, mettre en place une règle ou une réglementation selon laquelle les gens pourront s'adonner à ce genre d'activité légale dans leurs temps libres sans craindre pour leur emploi, même s'ils occupent des postes critiques pour la sécurité.
    Bien entendu, cela ne fait pas partie de mes cinq recommandations. Ce que j'ai recommandé, c'est que si une personne occupe un poste critique pour la sécurité et que ses résultats à un test de dépistage aléatoire pour le cannabis ou une autre drogue sont positifs, alors il faudrait mener une enquête pour déterminer si elle a une prescription ou un trouble médical pour laquelle elle doit prendre un médicament d'ordonnance. Entretemps, on retirerait la personne de son poste critique pour la sécurité afin qu'elle ne blesse ni les autres ni elle-même, le temps que la question soit réglée de façon appropriée.
    Disons qu'une personne consomme et se présente au travail avec les facultés affaiblies, même s'il s'agit d'une substance légale... Monteriez-vous à bord d'un avion dont le pilote a les facultés affaiblies?
    Non, absolument pas.
    C'est la question à laquelle vous et tous les Canadiens...
    Personne n'essaie de dire que...
    ... devez répondre, et c'est pourquoi j'ai recommandé de l'encadrer...
    Il n’est pas question des facultés affaiblies sur le moment, et c’est là où je veux en venir. Présentement, en vertu des lois en vigueur, la seule façon de se défendre est de dire qu’il s’agit d’un besoin médical, mais la loi va bientôt changer. Il sera bientôt parfaitement légal de fumer du cannabis la fin de semaine. Encore une fois, un employeur n’a pas le droit de savoir ce que font ses employés dans leurs temps libres, en autant qu’ils ne se présentent pas au travail avec les facultés affaiblies.
    Le problème avec les tests de dépistage aléatoires, c'est ce qui va arriver aux personnes si les résultats sont positifs.
(1220)
    Non, vous faites fausse route. La politique de la TTC, que j’ai déjà mentionnée, traite de cette question. Il y a consensus dans la communauté médicale à l’égard des facultés affaiblies. Ils ont doublé la moyenne du niveau et ont déterminé le seuil correspondant à un résultat négatif. Donc, si une personne fume un joint à une fête un samedi soir, puis va travailler le vendredi, les résultats du test seraient négatifs. Le test détecterait la présence de la drogue, mais sans dépasser le seuil où les résultats seraient jugés positifs. En d’autres mots, les résultats seraient négatifs. Le test de dépistage sert à déterminer si une personne a les facultés affaiblies, et c’est ce que nous voulons, je crois, afin de veiller à la sécurité du public.
    C'est tout le temps que vous aviez. Voilà ce qui met fin à cette partie de la séance.
    Monsieur le président, j'invoque le Règlement.
    Il nous reste presque une demi-heure, je me demandais si les membres seraient intéressés à une autre période de questions.
    Il nous faudrait le consentement unanime de tous les membres, selon les règles.
    Le Comité décide-t-il à l'unanimité de poursuivre avec une nouvelle période de quatre questions?
    Oui.
    Est-ce que c'est unanime?
    Bien sûr.
    D'accord, c'est unanime.
    Qui veut poser la première question de ce côté-ci?
    Monsieur McKinnon, j'ai l'impression que vous avez une question à poser.
    Je suis un peu pris au dépourvu.
    Je crois que je vais m'adresser à nouveau à Me Keith; nous avons eu des discussions très intéressantes.
    Je comprends vos arguments en ce qui concerne la nécessité d’examiner ce qui est prévu dans le Code du travail, mais il me reste des doutes en ce qui concerne les cas que j’ai mentionnés relativement aux opérateurs de véhicules motorisés. Vous avez dit que les employeurs ne veulent pas appeler la police lorsqu’ils soupçonnent qu’un employé a les facultés affaiblies, mais comme vous l’avez dit, il y a des vies en jeu; on joue avec la santé des gens.
    Si un opérateur de véhicule moteur a les facultés affaiblies, alors il enfreint la loi. C'est un acte criminel, fondamentalement, n'est-ce pas? Pourquoi l'employeur serait-il réticent à le signaler à la police, dans ce cas?
    C'est un scénario hypothétique.
    Laissez-moi vous répondre, en partie, avec un exemple. J’ai un client qui est entrepreneur de coffrage. C’est le plus gros entrepreneur de coffrage de la province de l’Ontario, et il estime qu’entre 45 et 55 % de ses employés consomment du cannabis illégalement à l’heure actuelle. Il n’a aucun moyen de le vérifier. Il y a eu quelques cas de congédiement parce que les gens fumaient ouvertement pendant leur pause cigarette. Voilà ce qui arrive présentement.
    Les gens s'allument un joint pendant leur pause cigarette sur le chantier de construction parce que ce n'est pas interdit et parce qu'ils sont à l'air libre. Pour eux, fumer du cannabis est comparable à fumer la cigarette, mais le fait est que cela affaiblit les facultés différemment. C'est un peu comme s'ils décidaient de sortir la bière pendant leur pause cigarette. Je crois que c'est plus approprié, comme métaphore ou comme comparaison.
    Les employeurs ne veulent pas être mêlés aux enquêtes criminelles liées au travail. Ils ne veulent pas que leurs employés se blessent. Tout ce qu'ils veulent, c'est que leurs employés se présentent au travail à jeun, qu'ils soient en mesure de faire leur travail de façon productive et sécuritaire.
    L'intention qui sous-tend l'encadrement législatif est... je n'arrête pas de citer l'ancien juge en chef, parce que je crois que les tribunaux en ont assez du fait qu'il n'y a ni leadership ni loi pour trancher cette question épineuse et trouver un juste milieu entre ce dont nous avons discuté précédemment, les droits relatifs au respect de la vie privée et le droit des travailleurs de travailler en toute sécurité.
    La réalité, c'est que les services de police ne sont pas suffisants pour surveiller tous ceux qui vont fumer ou consommer de la cocaïne ou boire de l'alcool et mettre d'autres personnes en danger. Certains consomment des substances légales, d'autres, des substances illicites.
    Ce n'est pas tant une question de légalité ici... mais il est vrai que la légalisation du cannabis aura pour effet d'augmenter son acceptabilité sociale et son utilisation, ce qui entraîne un risque plus grand pour les travailleurs et leurs collègues qui occupent des postes critiques pour la sécurité. L'intention qui sous-tend l'encadrement juridique que j'ai recommandé est de veiller, par l'intermédiaire de mesures de protection nouvelles ou améliorées, à la sécurité des gens au travail et à la sécurité du public tout en protégeant le droit au respect à la vie privée des travailleurs.
    Les employeurs ne veulent tout simplement pas des problèmes qu'entraînerait la tenue d'une enquête criminelle sur le lieu de travail. Ils vont résister. Je donne des conseils aux employeurs depuis longtemps, et il semble que ce soit un thème récurrent, peu importe l'industrie ou l'endroit où ils se trouvent au Canada.
(1225)
    Le cannabis thérapeutique existe depuis une décennie maintenant. Ce genre de problème n'existe-t-il pas déjà, ou est-ce quelque chose de nouveau? Avons-nous le même problème avec le régime du cannabis à des fins médicales?
    C’est une très bonne question et un très bon point de comparaison. Il y a deux types de conseils que je donne aux employeurs qui me posent des questions à propos des employés qui ont une ordonnance pour du cannabis à des fins médicales, ou cannabis thérapeutique. Premièrement, si le régime d’avantages sociaux est à la charge de l’employeur, alors ce dernier devrait être au courant de la situation et de ses obligations juridiques en vertu des lois relatives à la santé et à la sécurité, c'est-à-dire de ne pas confier à l’employé un poste critique pour la sécurité, sauf si l’employé est apte à occuper un tel poste selon l’avis d’un médecin.
    Dans ce cas, nous envoyons une lettre au médecin qui a prescrit le cannabis thérapeutique à l’employé — ou alors, l’employeur s’en charge — pour lui demander « L'employé occupe ce poste, et voici les risques. En tant que médecin, croyez-vous qu'il y ait la moindre possibilité que l'employé ait les facultés affaiblies? » La plupart du temps, le médecin répond en disant « Oui, cet employé ne doit pas occuper un poste critique pour la sécurité ».
    Ce n'est pas difficile. Les choses se corsent quand un employé qui occupe peut-être un poste critique pour la sécurité refuse de parler parce qu'il a peur de perdre son emploi. Dans ce cas, l'employeur découvre la vérité seulement lorsqu'il y a un accident, lorsqu'une personne est blessée ou décède au travail.
    Le fait est que l'employé n'est pas tenu pour responsable, parce qu'il a une ordonnance. Cependant, l'employé a aussi la responsabilité de ne pas venir au travail s'il présente un risque pour la sécurité. C'est pourquoi notre première recommandation est d'interdire formellement aux travailleurs de se présenter au travail avec les facultés affaiblies par le cannabis ou d'autres drogues, à moins que l'employé ait divulgué qu'il consommait à des fins médicales et qu'il y soit autorisé. De cette façon, l'employé et son médecin partagent la responsabilité de déterminer si l'employé risque d'avoir les facultés affaiblies et de mettre en danger les autres au travail.
    Allez-y, monsieur Carrie.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je veux continuer un peu avec Me Keith.
    D'abord, j'ai été très surpris d'apprendre que le gouvernement n'avait pas déployé d'efforts adéquats afin de consulter les intervenants qui représentent les travailleurs dans le domaine de la santé et de la sécurité. Vu la très grande importance du sujet, je me demande qui d'autre on a ignoré, si vous-même n'avez pas été consulté.
     Malgré tout, je ne perds pas espoir. Un député libéral s’est dit préoccupé des effets que la fumée secondaire du cannabis pouvait avoir sur sa santé et sa sécurité et des distances à respecter pour fumer. J’espère que le gouvernement prendra ces questions en considération lorsqu’il essaiera de faire adopter ce projet de loi. Il ne faut pas se précipiter avec ce genre de choses. Il faut que la santé et la sécurité des Canadiens soient une priorité.
    Nous allons voir si vous avez la force de vos convictions, parce que vous avez soulevé des points plutôt controversés dans vos recommandations. C'est une bonne chose, je crois, parce qu'il faut en discuter. J'aimerais surtout creuser un peu plus du côté des tests sanguins et des tests de dépistage obligatoires.
    Croyez-vous que les tests de dépistage aléatoires et obligatoires deviendront chose commune dans le milieu de travail? Nous savons qu’un agent de police qui arrête quelqu’un sur le bord de la route peut décider de prélever un échantillon de salive et, lorsque c'est nécessaire, aller avec la personne à l’hôpital ou au laboratoire pour lui faire subir un test sanguin afin d’avoir des preuves convaincantes devant un tribunal.
    Ce que j'aimerais savoir, c'est ce dont le gouvernement aurait besoin dans l'éventualité où cela deviendrait habituel. Quels changements devrait-on apporter à la loi?
    C'est quelque chose qu'on prend de plus en plus au sérieux. Le projet de loi connexe au projet de loi C-45, le projet de loi C-46, concerne l'encadrement de la sécurité publique, en particulier la sécurité touchant les véhicules autorisés. Nous pourrons régler ce genre de problèmes si nous développons de nouvelles technologies et si la loi reflète adéquatement les préoccupations des organismes d'application de la loi.
    La plupart des Canadiens semblent se préoccuper davantage de la sécurité routière que de la sécurité au travail. Mon domaine d'expertise si j'en ai, concerne davantage la sécurité au travail. C'est un sujet de préoccupation important, parce qu'il me semble que nous accorderons davantage d'importance aux gens sur la route qu'aux travailleurs.
    Je crois que la loi devrait prévoir certaines nouvelles mesures proactives en ce qui concerne les tests de dépistage. Les dispositions restrictives et l’objectif du cadre législatif que je recommande d’appliquer constituent, je l’espère, un juste milieu entre le respect de la vie privée des travailleurs et la nécessité de leur trouver de l’aide s’ils vont travailler avec les facultés affaiblies. Cependant, le risque de préjudice pour un travailleur qui occupe un poste dangereux ou pour un voyageur est le même ou est encore plus grand — lorsque des risques concernent également la sécurité du public et la sécurité au travail — que celui auquel s’exposent les voyageurs routiers.
    Selon les statistiques, pour chaque personne décédée sur la route, il y a un cas de décès au travail. Malgré tout, il semble qu'on accorde moins d'importance au risque de décès au travail. C'est pour cette raison que j'ai surtout mis l'accent là-dessus.
(1230)
    Mon collègue a une question complémentaire à poser.
    Je ne sais pas combien de temps j'ai, mais je suis curieux, maître Fraser. Je trouve tous les exposés intéressants, particulièrement le vôtre. Vous avez parlé des dizaines de milliers de personnes qui participent actuellement à l'industrie du cannabis illicite et avez recommandé d'offrir aux personnes qui ont été déclarées coupables d'infractions mineures une amnistie dans le projet de loi afin de leur permettre de présenter une demande de permis.
    Cela me fait penser aux personnes qui n'ont peut-être de casier judiciaire, mais qui sont affiliées à des groupes comme les Hells Angels. Ces personnes sont peut-être connues des policiers, même si elles n'ont jamais été condamnées au criminel. Il ne me plaît pas de permettre à ces personnes d'obtenir un permis pour qu'elles puissent éventuellement produire. Ce que vous dites, toutefois, c'est que ces personnes devraient avoir la possibilité de présenter une demande et de faire entendre leur cause en toute objectivité, c'est bien ça?
    Non, pas du tout.
    D'accord.
    C'est l'inverse. J'ai mentionné que ce serait un exemple de motif d'exclusion au droit à la participation, ce que je recommande. À dire vrai, il y a déjà un certain nombre de motifs pour lesquels un permis peut être refusé en vertu du Règlement sur l'accès au cannabis à des fins médicales, et l'affiliation à un groupe du crime organisé est l'un de ces motifs.
    C'est logique.
    D'accord.
    C'est un motif séparé, dissocié et distinct de la participation au commerce de la drogue illicite. Il est clair que ce motif d'exclusion devrait être conservé et appliqué à l'avenir. Ce que je disais plus tôt concernait la participation au marché illicite lui-même, indépendamment de tout autre facteur.
    Merci.
    Monsieur Davies.
    Merci.
    Maître Keith, savez-vous quel est le pourcentage de cas de décès au travail annuellement qui ont été causés par un employé avec les facultés affaiblies?
    Non, mais c'est une très bonne question. L'Association des commissions des accidents du travail du Canada dispose des données les plus fiables concernant la plupart — sauf quelques exceptions — des accidents et des décès en milieu de travail. Elle mesure un certain nombre de choses en fonction de certains critères, mais le nombre de décès liés à l'alcool ou à la drogue n'en fait pas partie.
    En Ontario, il y a une politique en vigueur — c'est bien une politique, pas une loi ni un règlement — selon laquelle le coroner en chef doit procéder à un test de dépistage d'alcool ou de drogues pour chaque cas de décès au travail. La plupart du temps, c'est de cette façon qu'on apprend quelle substance l'employé avait prise; sans cela, le public et les employeurs n'en seraient jamais informés.
    Donc, est-ce qu'on connaît les chiffres dans cette province? Si on procède à un test de dépistage lorsqu'il y a un cas de décès, on doit être au courant du pourcentage.
    Oui, c'est le cas.
    Alors, quel est ce pourcentage?
    On estime que c'est entre 38 et 40 %, selon ce qui est signalé par le coroner.
    C'est triste. C'est tragique.
    Il y a une corrélation à établir entre la présence d'une substance et le décès, mais ce n'est pas nécessairement la cause du décès. Ai-je raison?
    C'est exact.
    C'est toujours complexe d'analyser un lien de causalité.
    J'aimerais savoir quelle définition on devrait, selon vous, associer à un poste critique pour la sécurité. Prenons les ingénieurs: il y en a qui construisent des ponts. Si un ingénieur se trompe dans un calcul important, cela nuit à l'intégrité structurelle du pont. Le même principe s'applique pour les architectes. En Grande-Bretagne, un incendie a coûté la vie à 80 personnes parce que quelqu'un a décidé de ne pas utiliser de revêtement ignifuge dans l'édifice en question. Les médecins doivent prendre des décisions de vie ou de mort, et les chirurgiens doivent opérer des gens. Les policiers ont des armes à feu.
    Je m'interroge, puisque tous ces postes me semblent critiques pour la sécurité. Croyez-vous que ces groupes devraient être compris dans votre proposition pour les tests de dépistage aléatoires?
    Par diplomatie, je ne peux pas mentionner les avocats.
    Très bonne idée de ne pas les mentionner.
    Les employeurs dans divers secteurs au Canada et dans le monde ont leurs propres politiques pour définir ce qu'est un poste critique pour la sécurité. Le problème, c'est que différents groupes d'intérêt et différentes industries devront prendre une approche différente pour définir ce qu'est un « poste critique pour la sécurité ».
    Pendant ce temps, les tribunaux et les médiateurs réclament du gouvernement qu'il fasse preuve de leadership et qu'il encadre ce terme dans la loi. Ça n'a pas à être un terme immuable ni englobant. Il peut s'appliquer ou non aux ingénieurs qui conçoivent des édifices avec un revêtement pour assurer la sécurité du public, le genre de chose qui est critique pour la sécurité.
    Je crois qu'en l'absence de toute définition dans la loi ou de cadre assorti d'une définition qui permet de déterminer, bien sûr, quand on peut faire subir un test de dépistage à une personne... Nous ne voulons pas que tout le monde doive subir un test de dépistage. Il faut simplement faire ce qui est logique. Autrement, ce que vous faites, c'est laisser cela entre les mains de n'importe qui, et nous allons crouler sous les litiges.
    Ce que je dis va vraiment à l'encontre des intérêts des avocats. Vous allez réduire le nombre de litiges, ce qui n'est pas une mauvaise chose pour la société, selon moi, je crois.
(1235)
    Madame Baxter, aviez-vous quelque chose à ajouter?
    Je voulais dire qu'il y a déjà, dans une certaine mesure, une définition d'un poste critique pour la sécurité qui est établie dans la jurisprudence. Je cite:
Un poste critique sur le plan de la sécurité est un poste qui comporterait des risques importants de blessure pour l’employé, des tiers ou l’environnement si le titulaire de ce poste avait, au travail, les facultés affaiblies par l’alcool ou des drogues.
    Ce que vous devez prendre en considération, c'est que chaque milieu de travail est différent: vous avez des grosses entreprises, des petites entreprises, des moyennes entreprises, et les employés peuvent être syndiqués ou non. Si on va à l'essentiel, pour déterminer ce qu'est un poste critique pour la sécurité, il faut qu'il y ait un dialogue entre l'employeur et les employés pour déterminer quels risques supposent le travail. C'est le principe fondateur des régimes de santé et de sécurité au travail au Canada. Ce faisant, vous arriverez à définir une partie des postes critiques pour la sécurité ainsi que les mesures qui doivent être prises pour réduire ou atténuer les risques en milieu de travail.
    Vous ne pouvez pas élaborer une définition unique pour tous les milieux de travail; ça ne fonctionne pas. Il faut laisser une certaine souplesse, une certaine capacité d'adaptation afin de réagir aux éventualités dans différents lieux de travail, en fonction de la taille et du type d'occupation.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Oliver.
    Aux fins du compte rendu, je voulais apporter quelques petites corrections relativement à certains commentaires faits par mon collègue, monsieur Carrie.
    Le groupe de travail sur la légalisation et la réglementation du cannabis a parcouru le Canada. Je crois qu'il a passé cinq ou six mois à étudier la question. Des gens de tous les horizons, de toutes les professions et de toutes les régions lui ont envoyé 20 000 documents. D'après ce que nous avons entendu sur la question, le groupe s'est intéressé en particulier aux gens occupant des postes critiques pour la sécurité, par exemple les personnes dans les domaines des soins de santé, de l'application de la loi, du transport, de la construction et de l'extraction des ressources naturelles. On lui a parlé des difficultés que les employeurs éprouvent à fournir des mesures d'adaptation raisonnables pour les employés qui consomment du cannabis à des fins médicales. Les groupes d'employeurs ont réclamé que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux fournissent une plus grande orientation quant à l'usage et au dépistage appropriés des drogues en milieu de travail.
    Donc, je crois que le gouvernement a déjà mené un processus de consultation exhaustif, par l'intermédiaire du groupe de travail, relativement aux domaines abordés dans le témoignage de Me Keith et d'autres témoins que nous avons reçus aujourd'hui.
    Encore une fois, ce dont il est question à l'heure actuelle, c'est la mise en oeuvre.
    J'imagine que c'est la question que je vous pose, maître Keith. Le groupe de travail a écouté les préoccupations des employeurs, et nous, les vôtres... Comme je vous l'ai déjà dit, nous pouvons déjà nous appuyer sur la jurisprudence, et il semble qu'il y ait déjà des autorisations en place pour permettre aux employeurs de faire subir à un employé qui occupe un poste critique pour la sécurité un test de dépistage de drogues, pourvu qu'il soit averti à l'avance; c'est ce genre de choses qui est mis en oeuvre. Vous avez dit que c'est chose faite, du moins jusqu'à un certain point.
    En ce qui concerne la mise en oeuvre, vous avez dit qu'il devrait y avoir des dispositions explicites pour cela dans le Code du travail. Y a-t-il autre chose que vous voudriez ajouter à vos cinq recommandations?
    Dans le rapport McLennan, à la page 36, il est écrit: « Les groupes d’employeurs ont demandé que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux fournissent plus de directives sur les politiques appropriées en matière d’usage de drogues et de dépistage des drogues en milieu de travail. »
    Il me semble que cette demande ne date pas d'hier.
    C'est vrai.
    Le but n'est pas seulement de permettre aux employeurs de démasquer ceux qui consomment de la drogue ou qui boivent de l'alcool au travail; ce qu'on veut, c'est que les travailleurs travaillent en toute sécurité. En l'absence de toute définition d'un poste critique pour la sécurité émanant des gouvernements fédéral ou provinciaux, il revient aux employeurs et aux employés de définir entre eux ce que c'est, ce qui mène, au bout du compte, à des litiges. Littéralement, il y a des centaines de cas par année parce que les gens ne s'entendent pas pour dire qu'un poste donné est critique ou non pour la sécurité. Une définition dans la loi ne réglerait pas tout, mais elle fournirait l'orientation dont nous avons besoin.
    Donc, recommandez-vous au Comité d'examiner les cinq principes que vous avez proposés dans le cadre de son étude article par article du projet de loi C-45 et de l'ensemble des amendements et des annexes que nous pourrions décider d'apporter ou d'ajouter?
(1240)
    Oui, en résumé, c'est ce que je recommande.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous arrivons au terme de la présente séance du comité de la justice sur la sécurité au travail; du moins j'avais l'impression de siéger pour un comité de la justice.
    Le Comité de la santé sera de retour cet après-midi avec un autre groupe de témoins. Il sera question des collectivités autochtones.
    Je tiens à remercier chaleureusement nos témoins. Nous avons appris beaucoup de choses grâce à vous, et nous vous remercions du temps que vous avez pris pour partager avec nous vos connaissances et votre expertise.
    Nous suspendons nos travaux jusqu'à 13 h 45.
(1240)

(1350)
    Reprenons les travaux. Nous en sommes à la 67e séance du Comité permanent de la santé. Nous accueillons notre troisième groupe de témoins aujourd'hui. Il sera question des collectivités autochtones.
    J'ai bien hâte de commencer. Je suis sûr que nous allons avoir des exposés intéressants, et que nous apprendrons beaucoup de choses.
    Nous accueillons aujourd'hui Clara Morin Dal Col, ministre de la Santé, Wenda Watteyne, conseillère principale en matière de politiques, et Eduardo Vides, conseiller principal en politiques de santé. Ils représentent le Ralliement national des Métis.
    Nous accueillons également Isadore Day, chef régional de l'Ontario, qui représente les chefs de l'Ontario.
    Je vais demander au Ralliement national des Métis de commencer. Vous avez 10 minutes pour votre déclaration préliminaire. Ensuite, ce sera au tour du chef Day, puis nous allons passer à la période de questions.
    Madame Dal Col.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de nous avoir invités à participer à la séance d'aujourd'hui. Je m'adresse à vous ici en tant que ministre de la Santé du Ralliement national des Métis. Je suis également la présidente de la Métis Nation British Columbia. Je suis heureuse d'être ici aujourd'hui pour exposer le point de vue de la nation métisse sur le projet de loi C-45.
    En guise de contexte, les Métis sont un peuple autochtone distinct, conformément à l'article 35 de la Constitution. La nation métisse a développé au cours de l'histoire sa propre identité collective, sa propre langue, sa propre culture, son propre mode de vie et sa propre autonomie gouvernementale dans le Nord-Ouest historique avant l'expansion vers l'ouest qui a suivi l'établissement de la Confédération. Aujourd'hui, la nation métisse est toujours un peuple autochtone distinct, et nous voulons défendre notre droit à l'autodétermination et à l'autonomie gouvernementale au sein du Canada.
    Le Ralliement national des Métis est dirigé par cinq organisations membres. Il s’agit de la Métis Nation British Columbia, la Métis Nation of Alberta, la Métis Nation of Saskatchewan, la Fédération des Métis du Manitoba et la Métis Nation of Ontario. Les organisations dirigeantes du Ralliement, par l’intermédiaire de leurs membres et de leurs représentants élus démocratiquement aux échelons locaux, régionaux et provinciaux, ont le mandat et l’autorité de représenter les gens qui appartiennent à la nation métisse.
    Environ un tiers des Autochtones du Canada s'identifient comme Métis. Selon le recensement de 2011, plus de 450 000 personnes se sont déclarées métisses, et près de 85 % d'entre elles vivaient dans les provinces de l'Ouest et en Ontario. Plus de 70 % des Métis vivent en centres urbains, et les plus grandes proportions vivent à Winnipeg, à Edmonton, à Vancouver, à Calgary, à Saskatoon et à Toronto.
    J'aimerais vous parler sommairement de l'état de santé général de la population métisse. Dans ce contexte, les Métis adoptent une approche fondée sur les « déterminants sociaux de la santé ». Tout est interrelié, c'est-à-dire que les sphères s'influencent mutuellement.
    Par exemple, les événements historiques et actuels comme l'affaire des pensionnats et des externats, la rafle des années 1960, le racisme, la perte de la sécurité familiale, l'affaiblissement de l'unité et de l'intégrité de la collectivité et la disparition de notre culture et de notre langue ont un impact persistant sur la santé et le bien-être des Métis.
    Les Métis sont vulnérables aux maladies chroniques et aux troubles de santé mentale. Je parle entre autres de la dépression, de l'anxiété, de la toxicomanie et de la douleur chronique, y compris la souffrance émotionnelle. Par exemple, nous savons, à la lumière de l'étude sur la santé et l'accès aux soins de santé des Métis qui a été menée au Manitoba en 2010, que les taux de dépression, d'anxiété et de toxicomanie étaient statistiquement plus élevés chez les Métis que dans la population en général.
    Le groupe de travail fédéral sur la légalisation et la réglementation du cannabis a abordé la question des risques pour les populations vulnérables. Compte tenu de l'état de santé de la population métisse en général, nous sommes une population vulnérable. Pour cette raison, il est important que nous participions aux travaux à venir en tant que partenaire égal.
    J'aimerais aussi saisir l'occasion de féliciter le premier ministre du Canada d'avoir signé l'Accord entre le Canada et la Nation des Métis en avril dernier. Cet engagement confirme la relation nation à nation et gouvernement à gouvernement entre le Canada et la nation métisse. En vertu de l'Accord, nous nous sommes engagés conjointement à travailler pour atteindre une gamme d'objectifs prioritaires, dont la santé et le bien-être des Métis.
    Je vais maintenant aborder plus précisément le sujet du projet de loi. Le Ralliement national des Métis appuie l'objet du projet de loi C-45, y compris l'intention de protéger la santé des jeunes en limitant leur accès au cannabis, en réduisant les incitatifs de consommer du cannabis, en allégeant le fardeau qui pèse sur le système de justice pénale et en améliorant les programmes de sensibilisation du public à l'égard des risques pour la santé associés à la consommation de cannabis.
    Malheureusement, nous n'avons pas eu l'occasion de consulter les membres de nos collectivités ni de leur parler relativement au projet de loi et à son cadre réglementaire. Il y a hors de tout doute un certain nombre d'aspects importants qui touchent la nation métisse, par exemple les impacts éventuels de la légalisation de la marijuana sur la santé et le bien-être, sur le système juridique et le système correctionnel ainsi que sur la croissance économique.
    Le Ralliement national des Métis a donc quatre recommandations à vous proposer pour faire en sorte que la nation métisse participe convenablement à la mise en oeuvre.
    Recommandation un: le gouvernement du Canada doit s'assurer que la nation métisse participe concrètement à l'élaboration et à la mise en oeuvre du cadre réglementaire entourant le cannabis.
(1355)
    Le groupe de travail a avisé le gouvernement du Canada qu’il faudra du temps pour mettre en œuvre un cadre réglementaire convenable; les gouvernements vont devoir régler un certain nombre de problèmes relativement à leurs capacités et à leurs infrastructures, à la surveillance, à la coordination et à la communication. Selon le groupe de travail, les gouvernements fédéral, provinciaux, municipaux et autochtones vont devoir collaborer, échanger renseignements et données et coordonner leurs efforts pour mettre en place et surveiller le nouveau système. Les organisations qui ont témoigné devant le Comité reconnaissent l’importance de consulter les collectivités autochtones lorsqu’il est question de lois, de mesures préventives et d’interventions, dans le but de respecter les conditions et les exigences culturelles locales. Nous soutenons ces recommandations.
    Recommandation deux: que le gouvernement du Canada fournisse à la nation métisse des ressources qui lui permettront de réduire au minimum les méfaits du cannabis sur la population métisse.
    Le Ralliement national des Métis souscrit à l’opinion du groupe de travail sur la légalisation et la réglementation du cannabis, soit qu’on devrait adopter une approche en matière de santé publique visant à promouvoir la santé et à réduire les méfaits. De cette façon, on ne fait pas fi des risques liés à la consommation de cannabis, comme les impacts défavorables sur le développement des jeunes. Il est impératif de fournir des ressources aux gouvernements métis afin d’atténuer les méfaits liés à la consommation du cannabis. La nation métisse est disposée à travailler avec tous les ordres de gouvernement sur les activités visant à promouvoir la santé et à élaborer les approches de réduction des méfaits dans la population métisse. Le gouvernement fédéral devrait fournir aux gouvernements métis un soutien financier afin de lui permettre d’entreprendre cette tâche.
    Recommandation trois: que le gouvernement du Canada fournisse du soutien financier afin de soutenir les activités de prévention, d'éducation et de traitement, en particulier pour les jeunes Métis. La nation métisse se préoccupe tout particulièrement de la santé et du bien-être de ses jeunes.
    Nous savons que la légalisation du cannabis aura un impact sur les Métis, en particulier les jeunes, et la population métisse est une population jeune. Selon Statistique Canada, 41 % de la population métisse est âgée de moins de 25 ans. Dans la population non autochtone, ce taux est de 30 %. Un grand nombre des jeunes Métis sont déjà aux prises avec des problèmes de toxicomanie et de dépendance. Nous savons, grâce à une étude sur les Métis menée par la McCreary Centre Society en Colombie-Britannique en 2013 qu'environ la moitié, 48 %, des jeunes Métis ont déjà consommé de la marijuana. Parmi ceux qui en avaient déjà consommé, 23 % en avaient consommé pendant six jours ou plus le mois précédent. De ces 48 %, 30 % étaient de sexe masculin et 18 %, de sexe féminin.
    Nous voulons nous assurer que les Métis, y compris les enfants et les jeunes, aient accès à de l’information qui leur permettra de prendre des décisions éclairées. Nous voulons également veiller à ce que les enfants et les jeunes métis aient accès à des moyens de prévention, des programmes de sensibilisation et des traitements qui soient adaptés à eux. À cet égard, nous adhérons à l’avis du groupe de travail selon lequel les gouvernements devraient s’engager à utiliser les recettes tirées de la réglementation du cannabis afin de financer en partie la prévention. Les gouvernements métis devraient également recevoir du financement afin qu’ils puissent répondre à ce genre de besoins.
    Dans l'objectif de réduire au minimum les méfaits, nous aimerions que l'âge minimum prévu par la loi soit fixé à 19 ans, ce qui s'aligne sur l'âge minimum pour consommer de l'alcool dans la plupart des provinces.
    Recommandation 4: que le gouvernement du Canada travaille avec la nation métisse afin de faire appliquer les mesures relatives à la sécurité et à la protection du public. La nation métisse appuie les recommandations du groupe de travail selon lesquelles le gouvernement fédéral doit assumer un rôle de leadership afin de veiller à ce que tous les ordres de gouvernement, y compris les gouvernements métis, disposent de capacités adéquates avant la mise en oeuvre de la réglementation; qu’il élabore et coordonne des activités de recherche et de surveillance à l’échelle nationale, y compris des activités de ce type visant la population métisse en particulier; qu’il mette en place un système pour la surveillance qui soit inclusif à l'endroit des Métis; qu’il demande la participation des gouvernements autochtones, y compris les gouvernements métis, afin de cerner des façons dont ceux-ci pourront participer au marché du cannabis; et qu’il collabore avec les collectivités autochtones, y compris les collectivités métisses, afin de mettre au point une communication ciblée et adaptée à la culture.
    Plus précisément, des ressources devraient être affectées à la mise en place d'une campagne de sensibilisation publique qui utilise des données scientifiques et axées spécialement sur la population métisse. Les Métis sont des experts en ce qui concerne leur propre santé et leurs propres besoins en matière de santé, et ils devraient assumer une grande part de responsabilité en ce qui concerne l'éducation du public.
    La nation métisse souhaite être un partenaire égal dans l’élaboration et la mise en œuvre des aspects liés à la réglementation et améliorer autant que possible l’aide offerte aux Métis du Canada. La nation métisse s’engage à travailler avec tous les ordres de gouvernement afin de veiller à ce que la légalisation et la réglementation du cannabis se fassent avec rigueur et en toute sécurité. Les gouvernements métis ont la capacité de vraiment toucher le peuple et les collectivités métisses, d’une façon qui serait impossible pour les autres gouvernements. Nous sommes enthousiastes à l’idée de contribuer aux travaux à venir.
    Laissez-moi vous remercier à nouveau de nous avoir invités à témoigner devant le Comité. Nous répondrons à toutes vos questions avec plaisir.
    Marsi.
(1400)
    Merci de votre exposé.
    La parole va maintenant au chef Day, chef régional de l'Ontario. Vous avez 10 minutes pour votre déclaration préliminaire.
    Avant de commencer, j'aimerais offrir mes condoléances à la famille, aux collègues et aux amis du député Arnold Chan, qui est décédé ce matin. Je suis sûr qu'il manquera beaucoup à ses collègues du caucus libéral de l'Ontario et aux autres députés fédéraux, lui et sa contribution avisée au processus démocratique du Parlement. Personnellement, j'ai connu Arnold Chan il y a 15 ans, lorsqu'il travaillait avec Dalton McGuinty et dans le secteur privé. C'était un homme intègre, et il nous manquera énormément. À nouveau, mes condoléances.
    Je veux également souligner que nous nous trouvons en territoire algonquin non cédé. Je suis ici aujourd'hui en ma qualité de chef régional de l'Ontario. Je suis également le président national du Comité des chefs sur la santé de l'Assemblée des Premières Nations.
    Comme nous le savons tous, le projet de loi C-45, la Loi concernant le cannabis, prévoit de fournir aux Canadiens un accès légal au cannabis et de contrôler et de réglementer la production, la distribution et la vente de cannabis. La loi a pour objectif de restreindre l’accès des jeunes au cannabis, de protéger la santé et la sécurité du public par l’intermédiaire d’exigences rigoureuses quant à la qualité et à l’innocuité du produit et d’affaiblir les activités criminelles par l’imposition de sanctions pénales sévères à ceux qui dérogent du cadre légal. Un autre objectif de la loi est de soulager le système de justice pénale des affaires liées au cannabis.
    La semaine dernière, le Comité a reçu les représentants des services de police qui ont déclaré qu’ils ne seront pas prêts à faire appliquer le projet de loi C-45 lorsque la loi entrera en vigueur le 1er juillet 2018. Le même son de cloche a été entendu dans un grand nombre de provinces, de territoires et de collectivités. Il est juste de dire que les Premières Nations ne sont pas non plus prêtes à composer avec les impacts découlant du projet de loi C-45. À dire vrai, vu l'importance énorme que la légalisation aura sur les Premières Nations et tous les Canadiens, nous ne sommes toujours pas en mesure de déterminer l'ensemble des conséquences ainsi que la façon dont nous pourrons y réagir.
    À ce stade de mon exposé, je vais probablement devoir poser un grand nombre de questions au Comité, puisqu'il y a un certain nombre de questions qui sont toujours sans réponse, comme vous le savez.
    Premièrement, le Canada est-il au courant actuellement de tous les impacts du cannabis? Il semble que nous serons perdants dans tous les cas dans cette situation, et cela reflète bien où nous en sommes à l'égard de la préparation. La vérité, c'est que nous sommes confrontés à une tâche colossale, vu la complexité générale du processus. Par exemple, il faut tenir compte des lois environnementales et chercher à obtenir la coopération des collectivités afin de pouvoir prendre des décisions pertinentes sur n'importe quelle modification législative. Par sa nature, c'est quelque chose de très complexe.
    L'Assemblée des Premières Nations n'a pas encore pris de position en ce qui concerne le cannabis. Il a été proposé de tenir un sommet national des Premières Nations sur le cannabis très prochainement.
    En Ontario, il est vrai que les Premières Nations participent beaucoup au plan de la province pour mettre en place une Régie du cannabis de l'Ontario d'ici le 1er juillet 2018. Vendredi dernier, le gouvernement de l'Ontario a annoncé ses projets à l'égard du cannabis. La procureure générale et le ministre des Finances en avaient informé à l'avance les chefs de l'Ontario. Au cours des prochains mois, nous prévoyons établir une relation de travail bilatérale afin de concevoir ensemble une loi sur le contrôle du cannabis en Ontario. Une réunion avec la ministre d'AANC est prévue le 2 octobre, juste avant la réunion des premiers ministres. Soyez assurés qu'il s'agira d'un des principaux sujets de discussion.
    Jusqu'ici, les réunions que nous avons eues avec l'Ontario se sont passées dans le respect et étaient surtout axées sur les difficultés et les problèmes réels auxquels font face les Premières Nations relativement à la vente au détail et à la distribution prochaines du cannabis. Il y a un grand nombre de problèmes qui vont devoir être réglés, et nous allons devoir examiner beaucoup de possibilités. D'abord, comment les collectivités des Premières Nations vont-elles réglementer la vente et la consommation de cannabis à l'échelle locale? Certaines de nos collectivités vont peut-être vouloir essayer de mener des activités conjointes avec le gouvernement concernant le cannabis. Il va falloir que le gouvernement fédéral se prononce là-dessus.
    Ce que je veux dire, c’est que les provinces et les territoires vont avoir des questions à poser et des problèmes à régler. Comme vous le savez, contrairement à nos frères et nos sœurs de la nation métisse, nous sommes visés par un régime foncier très précis en vertu de la Loi sur les Indiens. Certaines collectivités vont peut-être vouloir interdire la vente et la consommation de cannabis, à l’instar des collectivités prohibitionnistes qui interdisent les boissons alcoolisées, vu certaines dispositions déjà contestées de la Loi sur les Indiens.
    Contrairement à nos frères et nos sœurs métis, nous allons devoir affronter, encore une fois, des problèmes directement liés aux régimes fonciers. Vous n’avez qu’à penser aux problèmes que nous avons déjà dans certaines provinces en ce qui concerne le tabac. Ce que je dis ne s’applique qu’à l’Ontario, mais nous avons passé des années à essayer de régler ce genre de problèmes dans les collectivités.
(1405)
    Tout projet de loi doit être suffisamment flexible pour permettre aux collectivités des Premières Nations de se développer en harmonie avec leurs propres valeurs collectives et culturelles, par exemple le fait d’interdire le cannabis à des fins récréatives pendant les événements et les cérémonies communautaires. Nous accordons une très grande importance à nos protocoles et à nos cérémonies, et dans une large mesure, le cannabis ne fait pas partie de ces cérémonies et de ces protocoles communautaires. Donc, que pouvons-nous faire? De quelle façon pourra-t-on s’assurer que notre autorité administrative est intacte si les collectivités peuvent décréter leurs propres lois là-dessus?
    Je demeure toutefois optimiste que les Premières Nations vont être avantagées directement par les recettes générées par ces entreprises. Même si, historiquement, les Premières Nations de l’Ontario ont été négligées dans le partage des revenus tirés des ressources avec la province de l’Ontario, cette nouvelle industrie nous offre l’occasion de tourner la page et d’examiner des possibilités novatrices qui s’offrent à nous quant au partage des recettes. Nous devrons seulement éviter les embûches qui se dressent sur notre chemin.
    Malgré tout, le projet de loi C-45 soulève de grandes préoccupations chez les Premières Nations de l'Ontario et dans l'ensemble du pays en ce qui a trait à la santé et à la sécurité de notre peuple. Selon le Programme national de lutte contre l'abus de l'alcool et des drogues chez les Autochtones, le cannabis se classe au deuxième rang après l'alcool parmi les substances les plus utilisées, suivi de la cocaïne et des opioïdes. Même en 2003, il était estimé qu'il faudrait 33 millions de dollars de plus par année pour traiter la toxicomanie et l'alcoolisme chez les Premières Nations de l'Ontario. Voilà ce que donnent des décennies de sous-financement.
    Que va-t-il se passer lorsque le cannabis sera légalisé et que notre peuple y aura accès facilement? Nous savons qu’il y aura une augmentation des besoins en ce qui concerne le traitement de la toxicomanie. Nous savons également qu’il faudra renforcer les services de police. Quand les États du Colorado et de Washington ont légalisé la vente de cannabis en 2013, cela a eu un impact défavorable sur les tribus autochtones aux États-Unis. Vous devriez étudier cet aspect. Les produits du cannabis étaient vendus illégalement dans les réserves, aussi loin que le Nouveau-Mexique, l’Arizona, le Dakota du Nord et le Dakota du Sud. Les vendeurs ciblaient surtout les jeunes Amérindiens.
    Je vais citer un article du Denver Post daté du 25 juillet 2014:
[...] les chefs de tribu défendent héroïquement une cause perdante, à mesure que certains produits du cannabis, des produits comestibles, des liquides, des cartouches pour cigarettes électroniques ainsi que d'autres types de produits qui sont vendus légalement dans certains États comme le Colorado et Washington sont accessibles aux jeunes.
    Comment ferons-nous en sorte que cela n'arrive pas au Canada? Par exemple, les services de police dans les Premières Nations souffrent d'un manque persistant de financement et de personnel. Au cours des dernières décennies, les chefs de l'Ontario ont adopté au bas mot 43 résolutions réclamant davantage de fonds pour les services de police dans les collectivités des Premières Nations.
    Je vais citer une partie de notre exposé de position, « Strategy for a Safer Ontario », datant de mai 2017:
Le Programme des services de police des Premières Nations du gouvernement fédéral ne répond pas aux besoins des Premières Nations en matière de services de police en Ontario, et ses préjugés archaïques posent un risque pour la sécurité des agents et des citoyens des collectivités des Premières Nations.
    La Loi sur les services policiers de l’Ontario prévoit un cadre général pour la prestation de services de police dans la province de l’Ontario. Cependant, les services de police dans les Premières Nations ne jouissent pas de la même protection que les autres services de police de la province, puisqu’il n’y a aucune loi équivalente pour eux en particulier. Nous continuons d’avoir besoin de financement stable et durable pour améliorer la prestation des services de police au sein des Premières Nations. Nous avons besoin de fonds pour renforcer notre capacité de veiller à la sécurité des agents qui répondent à des appels dans les collectivités des Premières Nations, de mettre en place des services spécialisés et de nous assurer que les services de police dans les Premières Nations ont accès à des locaux et à une infrastructure appropriés.
    Nous avons aussi besoin d’offrir une formation plus poussée que la formation de première ligne à nos agents de police; il s’agit d’une nécessité pour les services de police dans notre collectivité. La formation devrait comprendre de la sensibilisation aux différences culturelles, autant pour les agents autochtones et non autochtones, afin qu’ils soient au courant des normes culturelles dans les collectivités des Premières Nations. La formation devrait également être axée sur les services sociaux, y compris les façons de réagir aux cas de toxicomanie et d’autres problèmes sociaux courants dans les collectivités des Premières Nations.
    Pour conclure mes citations, j'aimerais mettre en relief le fait que les chefs des organisations policières fédérales que vous avez reçus récemment vous ont dit qu'ils ne seront pas prêts à la date prévue, alors je vous laisse imaginer ce qui reste à faire pour les Premières Nations. Nous allons être pris complètement au dépourvu si on ne fait rien, si on n'examine rien.
(1410)
    Du point de vue du développement économique à ce jour, les ententes de répartition des revenus tirés des ressources ont été en grande partie laissées aux gouvernements provinciaux relativement aux ressources géologiques et environnementales, comme les ressources minières et forestières et l'hydroélectricité. Le projet de loi a complètement négligé toute possibilité précise pour les Premières Nations de participer de façon significative aux conséquences de ce nouveau marché ou de disposer de ressources leur permettant de réagir adéquatement à ces conséquences.
    L'article 60 du projet de loi C-45prévoit que le procureur général du Canada peut conclure une entente avec le gouvernement d'une province ou avec toute autorité provinciale, municipale ou locale concernant le partage des amendes et des frais qui sont recueillis relativement aux poursuites concernant des infractions et aux fins de l'indemnisation, de l'administration et de l'application du projet de loi.
    Si le gouvernement du Canada est sérieux au sujet de sa détermination à établir une relation de gouvernement à gouvernement, les Premières Nations doivent être incluses dans cet article afin qu'elles puissent réagir adéquatement aux conséquences du projet de loi à l'intérieur et autour des collectivités autochtones. Cette relation pourrait comprendre le fait de soutenir les intervenants d'urgence autochtones, comme les policiers, les ambulanciers et les pompiers, qui seront touchés par la fabrication et par les ventes dans cette nouvelle industrie. La conclusion d'une entente de répartition avec les Premières Nations garantirait des interventions d'urgence de qualité afin de promouvoir la sécurité communautaire, qui est un facteur important de l'autonomie gouvernementale.
    Même si certaines nations autochtones pourraient ne pas être disposées à prendre part à l'industrie, ce qui est leur prérogative, d'autres voudront le faire en tant que partenaire important, voire eux-mêmes en tant que seuls propriétaires des entreprises connexes. Selon l'alinéa 6.1a), le ministre peut prévoir des catégories de demandes de licences et de permis. Les Premières Nations devraient être une catégorie distincte, et un nombre désigné de licences et de permis devrait être associé à leur catégorie. Le projet de loi permet au ministre de révoquer les licences si la société est constituée, formée ou organisée à l'étranger.
    Au moment où le procureur général continue de travailler sur les lois fédérales qui ont une incidence sur la capacité des Premières Nations de s'autogouverner, un plus grand nombre de ces nations commenceront à affirmer leur souveraineté et leurs compétences. Cela pourrait comprendre l'autoréglementation à l'égard du cannabis, mais aussi à l'égard des permis d'exploitation et de la constitution en société.
    Pour l'instant, laissez-moi simplement formuler une observation et une suggestion très rapides. En ce qui concerne la taxation de la province de l'Ontario, nous savons avec certitude que, sous les régimes provinciaux et territoriaux, pour ce qui est de la vente au détail et de la distribution, il s'agira d'un élément important. Ces taxes feront partie de l'essentiel. Nous estimons qu'il est très important d'examiner ce qui s'est passé en Ontario.
    Nous voudrons certainement étudier la question de la taxation, et nous savons que la seule façon de le faire dans le contexte de la taxe de vente harmonisée du Canada, c'est dans le cadre d'une EIGCF. Les négociations ont été intensives, en Ontario. Le projet de loi et les décideurs compétents devraient étudier cette question de très près, car la taxation va devenir un problème.
(1415)
    Achevez-vous votre intervention? Nous avons dépassé le temps dont nous disposions, et nous voulons en arriver aux questions.
    Il me reste probablement environ encore deux minutes.
    Allez-y.
    Il est toujours important d'être conscient des changements à venir dans la façon dont les lois coloniales incluent les conséquences sur la capacité des Premières Nations de générer des recettes afin de gouverner adéquatement leurs nations.
    En conclusion, il y a beaucoup de questions sans réponse au sujet de la façon dont la vente légale de cannabis touchera les Premières Nations. Voilà pourquoi l'APN demande la tenue d'un sommet national sur le cannabis. Comment nos collectivités en profiteront-elles du point de vue des possibilités économiques et du partage des recettes? Comment notre peuple sera-t-il touché du point de vue de la santé et de la sécurité et combien de fonds le gouvernement fédéral mettra-t-il de côté pour les Premières Nations en ce qui a trait à l'éducation, surtout pour nos jeunes — sur les conséquences du cannabis? Comment utiliserons-nous les nombreux millions de dollars générés pour traiter le problème constant de la dépendance au cannabis?
    Lors de l'Assemblée générale de l'APN tenue en juillet, à Regina, le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, a dit aux chefs que le budget actuel ne prévoyait tout simplement aucuns fonds pour financer adéquatement les services de police autochtones. Le Canada doit faire du financement des services de police des Premières Nations sa principale priorité. Avant l'entrée en vigueur du projet de loi C-45, l'an prochain, nos collectivités devront disposer de ressources appropriées en santé, en sécurité publique et dans les services de police.
    Laissez-moi le répéter: il semble y avoir plus de questions que de réponses. Les Premières Nations — et, je pourrais dire, les responsables fédéraux, provinciaux et territoriaux — restent ainsi dans un état compromis menant à l'accélération de l'échéancier relatif au projet de loi.
    À cette fin, en guise de conclusion, la question que j'adresse au Comité est la suivante: qui va payer pour les conséquences d'un projet de loi mis en oeuvre de façon hâtive et forcée?
    Merci, et je répondrai avec plaisir aux questions.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer à notre première série de questions. Ce seront des questions et des réponses de sept minutes, et nous allons commencer par M. Eyolfson.
    Merci, monsieur le président, et merci à tous de votre présence.
    L'une des choses dont nous sommes au courant a été soulevée par un certain nombre de personnes lors d'une séance de discussion ouverte que j'ai tenue sur le sujet du cannabis il y a deux ou trois semaines. Cela ressemble également à une expérience menée aux États-Unis: le fait que beaucoup de nos lois qui régissent actuellement les drogues — la criminalisation des drogues, y compris le cannabis — touchent particulièrement des groupes qui sont déjà surreprésentés dans le système judiciaire pénal et qui sont déjà en butte à la pauvreté et à d'autres problèmes. Au Canada, cela comprend nos populations autochtones.
    Je pose cette question à tout le monde ici présent. Estimez-vous que notre stratégie de criminalisation actuelle est injuste ou qu'elle cible ouvertement des groupes autochtones? Diriez-vous qu'ils sont surreprésentés parmi les personnes qui sont défavorisées par cette stratégie?
    Monsieur Day, je vais commencer par vous.
(1420)
    Au sujet de la question de la surreprésentation — que ce soit dans les organismes de protection de la jeunesse, dans le système de justice pénale, et ainsi de suite —, nous voyons parfois la société régler les problèmes superficiels. Nous savons avec certitude que, en ce qui concerne la dépendance, elle n'est en soi qu'un problème superficiel.
    Mon amie et collègue, à côté de moi, a abordé les déterminants sociaux de la santé. Dans ma déclaration, j'ai évoqué la question du besoin de disposer de fonds et de services de police efficaces. Du point de vue des systèmes en général, nous savons avec certitude qu'il y a des problèmes plus profonds, et les enjeux touchant le cannabis et la criminalisation au cours des dernières décennies ont seulement témoigné du fait qu'il existe des problèmes plus profonds.
    Là où je veux en venir, c'est qu'il faudra que l'on procède à un examen de ce qui est au cœur des problèmes de dépendance au sein de la collectivité. Nous pouvons gaspiller plein d'argent à cet égard, mais si nous ne réglons pas les problèmes de base à l'intérieur de nos collectivités autochtones, nous allons toujours injecter de l'argent là où il ne sera pas utilisé le mieux possible.
    L'une des choses que nous avons entendues dans les témoignages, et je l'ai constaté dans le cadre de ma propre expérience en tant que médecin également, c'est qu'il y a une corrélation entre la maladie mentale et la dépendance à la drogue. Nous savons que de nombreuses personnes atteintes de maladie mentale font ensuite l'expérience de drogues, se soignent par elles-mêmes au moyen de drogues et, par conséquent, deviennent dépendantes. Cette situation cause ses propres problèmes; elle rend également le traitement de la maladie mentale sous-jacente plus difficile. Cela devient un peu comme un cercle vicieux dans lequel tombent des personnes de toutes les populations, pas seulement les Autochtones.
    En ce qui concerne la population autochtone, le gouvernement du Canada a pris d'importants engagements à l'égard du financement de la santé mentale au cours des prochaines années, pour les non-Autochtones ainsi que pour les Autochtones. Actuellement, une partie de cet engagement signifie qu'une somme s'élevant à près de 120 millions de dollars sera injectée dans la santé mentale pour les Autochtones au cours des cinq prochaines années.
    Croyez-vous que ce financement aidera à éliminer la source de l'un des problèmes qui amènent les membres de groupes autochtones dans des situations problématiques liées à la drogue? Encore une fois, je vais permettre à tous les témoins du groupe de répondre à cette question.
    Madame Morin Dal Col.
    Je vous remercie d'avoir posé cette question, et je suis heureuse que vous ayez changé pour le terme « Autochtones » et que vous n'utilisiez pas seulement le terme « Premières Nations ».
    Oui. C'était une erreur de ma part.
    Merci beaucoup.
    La santé mentale est un gros problème. Nous avons hâte de travailler avec le gouvernement fédéral sur le financement destiné aux Métis, chose qu'ils n'ont jamais reçue auparavant. La consommation de drogue, les problèmes de santé mentale au sein de nos collectivités métisses et le suicide chez les jeunes dans toutes nos collectivités sont d'énormes problèmes pour nous. Voilà pourquoi il est très important pour nous de disposer de ressources financières afin que nous puissions offrir de meilleurs soins à nos Métis dans ces collectivités et dans nos centres urbains. Ce sont d'énormes problèmes pour nous.
    La question du cannabis n'est qu'une partie de ce problème parce que, comme vous l'avez dit, la santé mentale et la dépendance à la drogue sont un gros problème pour les Métis et pour tous les Autochtones.
    Oui, monsieur.
    Pouvez-vous simplement me poser la question en une phrase, que je puisse y répondre directement?
    Nous prenons l'engagement d'améliorer grandement le financement destiné à la santé mentale. Pensez-vous qu'il contribuera à régler ce problème, en empêchant certaines des personnes des collectivités autochtones d'être exposées aux drogues et de devenir dépendantes à ces drogues?
    C'est une très bonne question. Je veux faire la distinction, dans ce cas-ci, entre les Autochtones et les Premières Nations. C'est une distinction importante, comme l'a déclaré mon amie et collègue assise à côté de moi. Je dois affirmer qu'en ce qui concerne la santé des Premières Nations, à Santé Canada, il y a la Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits. Il existe un programme qui porte précisément sur les Premières Nations. La majeure partie des problèmes de suicide et des problèmes sociaux qui ont circulé dans les médias sont largement axés sur les collectivités des Premières Nations.
    Un fil commun sous-tend certains des principaux problèmes, c'est-à-dire la compétence et la gouvernance en matière de santé. Laissez-moi l'aborder précisément. Il sera très important que le Comité reconnaisse les problèmes et les conséquences du cannabis sur les gouvernements des Premières Nations. À mesure que les administrations et la gouvernance en matière de santé des Premières Nations prendront de l'ampleur, vous constaterez que les collectivités et les territoires qui ont la mainmise sur la gouvernance — qui exercent un contrôle et un pouvoir au sein de leur collectivité et à l'intérieur de leur circonscription et pour leurs citoyens — sont en mesure d'obtenir de meilleurs résultats en santé.
    Je viens tout juste de visiter une collectivité de la nation crie de Samson appelée Hobbema. Elle compte quatre communautés qui disposent d'un système de santé: un modèle intégré, où on a la mainmise sur sa gouvernance et on entretient une relation directe avec le Canada.
    Là où je veux en venir, c'est que ce n'est pas que l'argent qui entre et le service qui est fourni qui compte; il s'agira en fin de compte de la gouvernance et du pouvoir de ces collectivités autochtones de jouer un rôle actif et d'assumer une responsabilité à l'égard du règlement des problèmes de dépendance au sein de la collectivité.
(1425)
    Le temps est écoulé. Nous allons passer à Mme Gladu.
    Merci, monsieur le président. Merci à nos témoins. En fait, vous savez peut-être que Gladu est un nom métis. Mes filles sont toutes deux des Métisses non inscrites. C'est un honneur de vous accueillir ici aujourd'hui et d'entendre votre témoignage.
    Ma première question va s'adresser à vous, chef Day. Vous avez mentionné la situation relative au tabac en Ontario, que je connais assez bien, car c'est toute une affaire dans ma circonscription. Évidemment, la taxe sera un élément de discussion, puisqu'il s'agit d'un avantage financier.
    Comment nous voyez-vous régler ce problème dans l'avenir?
    Je n'aborderai pas la question du tabac dans ce contexte, parce que ce n'est pas à cela que je faisais allusion dans le contexte de la taxe. Ce que j'ai mentionné, c'était l'instrument appelé EIGCF, c'est-à-dire l'entente conclue entre le Canada et l'Ontario relativement à la taxe de vente harmonisée et à l'exemption de la taxe au point de vente pour les Premières Nations de l'Ontario. Je dirai cela.
    Toutefois, vous avez mentionné la question du tabac, et je l'ai fait également, alors laissez-moi établir la comparaison. La comparaison doit concerner le fait d'avoir à régler ce problème de taxe, à un moment donné, en ce qui a trait au cannabis. Nous savons que c'est là-dessus que va s'appuyer l'administration de la province. C'est ainsi qu'elle va générer des recettes, maintenir cette nouvelle infrastructure et appliquer cette loi en Ontario.
    Je suis là pour affirmer que je ne peux parler que pour l'Ontario, mais nous voudrons assurément aborder cette question. Je ne peux pas faire de suppositions. Je ne peux formuler de conclusions initiales quant à l'aspect que cela prendra. J'avise tout simplement le Comité qu'il va devoir s'attaquer à cette question.
    Je mentionnerai en guise d'exemple qu'en Ontario, nous avons été en mesure de le faire grâce à l'EIGCF, et, lorsqu'un dialogue et des négociations de gouvernement à gouvernement à gouvernement ont lieu, de bonnes choses peuvent se produire. Nous allons devoir nous y attaquer avec de la bonne volonté, un bon état d'esprit et une volonté de reconnaître la souveraineté et les droits des Premières Nations à l'égard de l'exemption fiscale.
    Tout à fait. En outre, je suis vraiment d'accord avec vos commentaires au sujet de la façon dont le projet de loi est présenté à la hâte d'une façon plutôt irresponsable. Il reste 289 jours, et les policiers ont affirmé qu'ils ne sont pas prêts. Nombre des provinces n'ont pas établi de plan, et vous avez indiqué qu'il manque de préparation au sein des Premières Nations et de groupes autochtones également.
    Je suis très préoccupée parce que, quand je songe à l'expérience du Colorado et à ce qui s'est passé là-bas, je crains que nous puissions voir certaines des mêmes conséquences. L'une des choses qui étaient troublantes, au Colorado, c'était le fait que dans le cas de 16 % des suicides de jeunes âgés de 10 à 19 ans, la consommation de cannabis était présente.
    Selon vous, combien de temps faudra-t-il pour que les éléments soient en place afin que vous puissiez mettre en œuvre adéquatement le projet de loi?
(1430)
    Nous estimons qu'il est présenté à la hâte. C'est quelque chose qui va prendre du temps, à l'échelon provincial, et même aux frontières: que va-t-il arriver quand une personne voudra traverser la frontière pour entrer aux États-Unis? Il y a beaucoup de questions que nous devons régler, et nous avons vraiment l'impression que le projet de loi est présenté à la hâte. Il nous faut du temps pour consulter nos collectivités, chose que nous n'avons pas eu l'occasion de faire, le manque de financement étant une raison. Nous avons besoin d'avoir la possibilité de tenir ce dialogue avec nos Métis.
    Merci.
    Nous avons entendu un témoignage selon lequel, à la frontière, comme le cannabis est illégal à l'échelon fédéral, aux États-Unis, si on vous demandait si vous fumez de la marijuana et que vous répondez par l'affirmative, on vous refuserait l'entrée dans le pays. Voilà ce que nous savons aujourd'hui.
    Je ne sais pas si l'un ou l'autre d'entre vous avez de l'expérience en droit, mais nous avons eu une conversation dans le cadre d'un témoignage présenté plus tôt, où nous parlions des provinces ou des territoires qui ne voulaient pas mettre en œuvre le projet de loi sur le cannabis: ils voulaient l'interdire. Il a été dit que ce ne serait pas permis parce que, d'un point de vue judiciaire, cela ferait obstacle à l'intention du gouvernement fédéral. Je ne sais pas s'il y a une exemption pour les nations souveraines autochtones ou pas. Savez-vous quoi que ce soit au sujet de cette question?
    Je sais que la préoccupation tient à la vitesse à laquelle chemine le projet de loi. Ce que nous entendons dire, c'est que, si jamais une province ou un territoire n'est pas prêt, des dispensaires fédéraux en ligne seront accessibles, et ils feront l'objet d'une réglementation qui leur est propre.
    Cette situation va devenir problématique pour les Premières Nations. Je ne peux pas parler pour les provinces et les territoires, mais, en ce qui concerne les Premières Nations, nous devons certainement nous assurer que toute partie du projet de loi qui pourrait nous toucher — qui pourrait être modifiée en raison des terres relevant de notre compétence, de notre souveraineté et du pouvoir des administrations autochtones — va faire partie d'une discussion distincte. Je ne pense pas que le nombre de jours et de semaines qui restent sera adéquat pour que cette question puisse être réglée. Il y aura des concessions majeures, et je crains qu'il puisse y avoir des contestations judiciaires, dans l'avenir, si le gouvernement fédéral ne règle pas cette question de façon appropriée.
    Les problèmes de dépendance que nous observons sont en hausse partout au pays, et nous avons parlé du fait qu'ils existent chez vous également. Quelles ressources sont actuellement accessibles en ce qui a trait au traitement? De combien de plus pensez-vous que vous auriez besoin afin de régler les problèmes qui devraient survenir, comme cela a été le cas dans d'autres administrations qui ont mis en œuvre la légalisation?
    Nous n'avons pas de financement propre aux Métis. Tout prend la forme de financement de la santé provinciale et de l'argent qui est envoyé aux provinces. En Colombie-Britannique, nous avons 204 Premières Nations, alors les Métis sont tout en bas de cette liste. Nous encourageons toujours le gouvernement fédéral à prendre des mesures pour inclure les Métis. Nous n'avons aucun financement propre aux Métis en Colombie-Britannique, et il y en a très peu dans les autres provinces.
    Il s'agit également d'une énorme lacune.
    Merci. Je pense que c'est tout le temps dont je disposais.
    Monsieur Davies, sept minutes.
    Merci de votre présence à vous tous.
    Chef Day, l'Assemblée des Premières Nations a-t-elle été consultée par le gouvernement fédéral concernant la rédaction du projet de loi?
    À notre connaissance, non, pas dans une grande mesure. Il y a eu des notifications minimales, mais il n'y a clairement pas eu de mobilisation significative.
    Laissez-moi préciser les choses. Une façon dont le gouvernement fédéral a tenté d'intervenir et de prendre la parole au sujet de cette question, c'est du point de vue de la santé. En tant que président du comité des chefs sur la santé, j'ai été informé deux ou trois fois du fait que le gouvernement fédéral s'était adressé à nous, mais quand il a entamé cette discussion, beaucoup d'autres mandats étaient rattachés au dialogue. Il ne s'agit tout simplement pas d'une façon ciblée ou juste de commencer une mobilisation significative.
    Laissez-moi vous dire un extrait du rapport du groupe de travail — le rapport McLellan —, qui a été publié à l'automne 2016:
Les gouvernements du Canada, et de nombreuses autres organisations, devront travailler rapidement pour se préparer à la mise en œuvre du nouveau système. Ils devront renforcer ou développer leurs capacités dans de nombreux domaines liés à la production, à la distribution et à la vente au détail, au contrôle de la qualité et à l'application de la loi, ainsi qu'à la recherche et à la surveillance. Ce renforcement de la capacité nécessitera de nouvelles ressources (humaines et financières), l'amélioration aux institutions existantes et la création de nouvelles institutions. Il faudra avoir en place tous les éléments pour assurer le bon fonctionnement du système.
    Le groupe de travail a recommandé « au gouvernement fédéral de … jouer un rôle de leadership pour veiller à ce que la capacité soit développée parmi tous les ordres de gouvernement avant le lancement du régime réglementaire ».
    En ce qui concerne les gouvernements des Premières Nations ou des Autochtones du Canada, le gouvernement fédéral travaille-t-il avec vous de nation à nation afin de renforcer ces capacités?
(1435)
    Non, il ne le fait pas et, encore une fois, ce sera vraiment crucial. Je demanderais au Comité de visualiser notre situation actuelle en tant que l'Assemblée des Premières Nations. Le premiere ministreet d'autres ministères responsables nous ont donné de nombreuses assurances sur un certain nombre de questions.
    Actuellement, il y a la réunion des premiers ministres qui se tiendra le 3 octobre, l'examen des lois et des politiques, et nous avons une table financière. Il s'agit de trois tables cruciales où l'APN vient tout juste de commencer à travailler de manière significative. C'est très difficile.
    Si on tente d'étudier le projet de loi sur le cannabis du point de vue, disons, des lois environnementales qui font actuellement l'objet d'un examen au pays, le processus d'examen, de mobilisation et de détermination de là où des capacités s'imposent doit être mené bien à l'avance. Le processus législatif, les capacités et les processus adoptés dans un commun accord relativement à la façon dont nous allons nous unir et travailler ensemble pour obtenir un résultat collectif seront les défis à relever. Cela ne se produit tout simplement pas avec le gouvernement actuel.
    Nous avons entendu beaucoup de témoignages au sujet du besoin d'éducation, visant surtout les jeunes. Le gouvernement fédéral travaille-t-il avec l'assemblée — ou avec tout groupe de Premières Nations autochtones — à l'élaboration de documents éducatifs particuliers et ciblés, en collaboration avec des Autochtones et des Premières Nations de façon à contribuer au déploiement, le1er juillet de l'an prochain, ou bien vous a-t-il donné de l'argent pour le faire?
    Non.
    Pardonnez-moi si vous avez déjà parlé de cette question, mais je ne suis pas certain de comprendre exactement. Dans quelle mesure la consommation de cannabis est-elle prévalente au sein des Premières Nations, en général, et chez les jeunes?
    En ce moment, il y a deux raisons pour lesquelles les gens consomment du cannabis. L'une est à des fins récréatives, et l'autre, des fins thérapeutiques, alors la santé et l'aspect social. Les chiffres sont flagrants. Il y a manifestement plus de consommation au sein des collectivités autochtones. Pourquoi? C'est en raison des problèmes sociaux et hérités au sein de nos collectivités. Les taux de dépendance et de suicide sont manifestement plus élevés. De ce point de vue, les taux de dépendance et de consommation de cannabis vont être plus élevés.
    Une autre chose que nous constatons, c'est qu'un plus grand nombre de personnes veulent abandonner les opiacés. Elles veulent trouver un meilleur moyen de gérer la douleur liée au cancer. Nous constatons que les gens affirment qu'ils vont seulement utiliser le cannabis pour calmer la douleur, parce que cela fonctionne. Il s'agit d'une réalité. Le problème qui se pose tient au fait qu'aucune étude n'a encore été effectuée pour corroborer, en fait, l'efficacité de ces substances. Nous avons un problème parce qu'actuellement, nous faisons face à des personnes qui ont des ordonnances de cannabis médical. Elles ne sont actuellement pas protégées au titre des SSNA, alors que les anciens combattants du pays bénéficient d'une protection dans le cadre de ce programme. Il y a des éléments très contradictoires en jeu, et nous estimons que ce problème doit être réglé.
    Je n'arrête pas d'employer le terme « Première Nation autochtone ». Corrigez-moi si je ne l'utilise pas dans le bon sens, chef Day.
    Lorsque vous présentez au gouvernement des demandes de remboursement pour du cannabis prescrit en tant que médicament, il ne vous paie pas, mais il paie pour les anciens combattants?
    C'est exact.
(1440)
    Nous avons déjà entendu dire... et nous savons tous que les Autochtones sont représentés de façon disproportionnée dans les systèmes judiciaire et carcéral canadiens. Comment la criminalisation du cannabis a-t-elle contribué à cette situation, précisément?
    On peut simplement présumer que certaines de ces déclarations de culpabilité par procédure sommaire, les problèmes de dépendance continuels de nos jeunes et le fait d'être accusé de manquements et de possession de marijuana ont occasionné de nombreux problèmes au sein de nos collectivités. Comme les programmes policiers ne sont pas financés adéquatement, la formation sur les services de police communautaires n'est pas donnée. On paie les coûts élevés du système judiciaire dans nos collectivités. Il y a des situations en région éloignée, où si une personne se fait prendre avec de la marijuana et accuser d'une infraction, cette accusation est laissée en suspens parce que le tribunal ne tient des audiences qu'à telle fréquence.
    Les répercussions du cannabis dans nos collectivités sont bien plus grandes. Ces simples petits exemples devraient donner fortement à penser au Comité que les conséquences du cannabis sur les Premières Nations doivent être étudiées de façon très approfondie.
    Votre temps est écoulé.
    Monsieur McKinnon.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais peut-être commencer par répondre un petit peu à certaines de vos préoccupations au sujet du financement. Je remarque que, en ce qui concerne le fait d'aider à mettre en oeuvre le projet de loi C-46, les provinces et les territoires peuvent accéder à une somme allant jusqu'à 81 millions de dollars pour l'achat de dispositifs de dépistage de drogues par voie orale et la formation qui s'y rattache ainsi que pour la formation destinée au personnel sur le terrain, pour se procurer l'expertise en matière de test de sobriété et de reconnaissance des drogues, et ainsi de suite.
     Les provinces et les territoires seront responsables de répartir ce financement entre les forces de police municipales et autochtones de leur territoire. Au-delà de cela, je pense que les préoccupations liées au financement tiennent aux régimes de taxation et de partage et vont certainement au-delà de la portée du projet de loi. Selon moi, ce sont des volets que vous seriez mieux avisé de soumettre à la nouvelle ministre des Relations Couronne-Autochtones et de la ministre des Services aux Autochtones.
    Pour ce qui est des préoccupations concernant le fait que nous soyons pressés... je l'ai entendu dire d'un certain nombre de sources, bien entendu, mais, d'après mon expérience en gestion de projet, il importe d'établir des dates cibles. Si on n'en établit pas, les choses ne font que s'éterniser. Il est important d'avoir des dates en vue desquelles travailler, et j'ai constaté que cela aide les gens à mettre les ressources en place afin de tenter de respecter ces délais. Je pense qu'ils seront difficiles à respecter, mais, selon moi, nous devons faire de notre mieux pour y arriver.
    Pour ce qui est d'être prêt, quels aspects sont les plus préoccupants, à vos yeux? Selon vous, quels aspects du projet de loi vont être les plus difficiles à réaliser pour vous?
    Je pense que, cette année, ce n'est que l'échéancier; nous ne sommes qu'à des semaines de l'entrée en vigueur du projet de loi. Le gouvernement fédéral a déjà commencé du mauvais pied. Nos collectivités ne sont tout simplement pas prêtes.
    Beaucoup d'éducation doit être dispensée à l'échelon communautaire ainsi que du point de vue de la mobilisation des dirigeants locaux. Par exemple, des régions visées par des traités auront un pouvoir et des intérêts à l'intérieur de leur région en ce qui a trait à la négociation des permis et des licences. Ce sont toutes des choses que le projet de loi sert à appuyer et dont il contribue à l'accélération. Je pense que la littératie relative au projet de loi sera le premier vrai défi à relever. Évidemment, l'argument que vous avez formulé au sujet du fait que nous devons régler cette question avec la ministre d'AANC va également être un élément problématique. À nos yeux, si le Comité pense déjà de cette façon et se dit que nous allons être renvoyés au ministère responsable d'AANC et que nous ne ferons pas directement affaire avec les ministères responsables dans le contexte de ce nouveau projet de loi, de gouvernement à gouvernement, alors, nous allons avoir des problèmes.
    En ce qui concerne l'avenir, dans le cas du travail bilatéral qui va être nécessaire à l'intérieur des régions, avec l'Assemblée des Premières Nations et sur le terrain avec les Premières Nations en particulier, tout le volet de la relation, la façon dont le projet de loi reconnaît les droits et les pouvoirs légaux des administrations autochtones, en sera un auquel, selon moi, vous allez devoir vous attaquer. Pour que nous puissions faire cela, nous devons nous organiser pour que ce dialogue ait lieu de gouvernement à gouvernement.
(1445)
    Ma suggestion de parler avec la ministre des Relations Couronne-Autochtones est fondamentalement due au fait que le Comité a été investi de la responsabilité d'étudier le projet de loi.
    Oui.
    Selon moi, certains des autres éléments dont vous parlez vont bien au-delà de la portée du projet de loi. Il est certain que j'accueillerais favorablement vos suggestions précises quant à la façon dont nous pourrions améliorer le projet de loi en fonction de vos besoins.
    Je vais vous faire une suggestion. Mettez-le directement à l'avant-plan de l'examen des lois et des politiques auquel procèdent actuellement l'APN et le Cabinet du premier ministre. Je pense que c'est un projet de loi qui va toucher nos collectivités. Il devrait figurer sur la liste des lois et des politiques censées faire l'objet d'un examen. Il vaut mieux le faire s'il est à l'étape initiale, plutôt qu'une fois que le projet de loi est déjà entré en vigueur.
    Le Ralliement des Métis voudrait-il aborder ces questions?
    Je pense qu'une partie du mémoire qu'a présenté le Ralliement national des Métis reflète les recommandations que le groupe de travail a formulées concernant la collaboration entre gouvernements. Il nous faut améliorer la coordination. À ce jour, aucune entente bilatérale n'a été conclue entre la nation métisse et le gouvernement du Canada, du moins, pas de façon significative.
    Je veux signaler le fait qu'il est très clair que les gouvernements provinciaux ont pas mal de compétences au chapitre de la réglementation. Si vous me permettez de répondre à l'une des questions qui ont été soulevées plus tôt concernant l'accès à des services de soutien en santé mentale, je voudrais donner un exemple.
    Assez récemment, tous les gouvernements provinciaux — comme vous le savez — ont mis la dernière main à des accords fédéraux-provinciaux sur la santé. Il y avait là un financement considérable destiné à la santé mentale, ainsi qu'aux soins à domicile et communautaires. Je crois qu'une somme d'environ 11 milliards de dollars sur 10 ans devait être injectée dans ces secteurs. Une préoccupation constante pour la nation métisse tient au fait que, lorsque des ressources fédérales sont transférées aux gouvernements provinciaux et territoriaux, cela ne veut pas toujours dire qu'il y aura un quelconque degré de collaboration avec les collectivités métisses ou d'investissement dans ces collectivités. Nous nous attendons à ce que ce soit probablement le cas en ce qui concerne la santé mentale. À ce que je sache, le gouvernement fédéral ne fournit aucun financement directement à la nation métisse pour la santé mentale.
    C'est bien souvent le cas, alors je veux affirmer que le degré de coordination entre les trois ordres de gouvernement est extrêmement important. Il s'agit d'une vaste recommandation, mais je pense qu'elle compte parmi les plus importantes et fondamentales, de notre point de vue. Voilà pourquoi nous avons répété les mêmes recommandations qui étaient logiques à nos yeux et que le groupe de travail a formulées.
    Voilà qui met fin à notre série de questions de sept minutes. Nous allons passer à notre deuxième série de questions de cinq minutes, en commençant par M. Carrie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    En outre, je veux remercier le groupe de témoins de sa présence aujourd'hui, mais, encore une fois, le fait que nous passions une si courte période avec vous exacerbe ma frustration. J'ai beaucoup de questions, mais je n'aurai le temps que d'en poser quelques-unes.
    Je songe aux 289 jours. Nous avons eu l'avantage de voir le Colorado et Washington emprunter cette voie avant nous, et ils ont affirmé que, pour réussir, avant d'arriver à la date de mise en oeuvre, il faut avoir une éducation appropriée — ou, autrement dit, dans votre cas, une éducation très importante qui soit adaptée à la culture —, des mesures de prévention et une collecte de données. Vous devriez être en train de travailler sur les données de base, puis déterminer comment recueillir ces données dans l'avenir. Concernant le traitement, vous devriez savoir comment amener, surtout nos jeunes, à recevoir un traitement, et il y a aussi la recherche.
    Ce que j'ai trouvé très troublant de votre témoignage, c'est qu'il semble que le gouvernement fédéral n'ait fait appel à aucun autre ordre de gouvernement afin de mettre ces éléments en place, et il nous reste 289 jours. Selon moi, quand nous voyons certains des députés libéraux critiquer d'autres ordres de gouvernement et organismes d'application de la loi parce qu'ils ne sont pas encore prêts, ils ont eu deux ans pour mettre cela en place... Je suis très préoccupé, mais, encore une fois, j'ai beaucoup de questions à poser, et je voudrais vous parler probablement de certains des éléments difficiles et controversés.
    Chef Day, vous avez soulevé quelque chose qu'aucun autre témoin n'a soulevé au sujet de l'autonomie et de la situation unique de certaines de vos collectivités. Vous avez évoqué cette idée de communautés prohibitionnistes. Je me demandais si vous pouviez en expliquer un peu la justification, mais aussi, comme je n'aurai probablement pas le temps de vous poser une autre question, peut-être que vous pouvez intégrer ce prochain volet qui, selon moi, est très important, car le projet de loi ne prévoit manifestement pas l'autonomie nécessaire dont vous avez besoin. Si vous pouviez ajouter un élément au projet de loi, que voudriez-vous voir?
    Ce sont deux choses. Premièrement, pourriez-vous me parler de la controverse... au sujet des communautés prohibitionnistes? Personne n'a abordé cette question. Je veux vous entendre à ce sujet. En outre, que voudriez-vous voir? Parce que, si on doit faire les choses de cette façon... nous voulons produire le meilleur projet de loi possible afin de protéger la santé et la sécurité de nos enfants. Ce que nous avons appris du Colorado et de Washington — et le chef Day avait raison à ce sujet —, c'est que le crime organisé ciblait les jeunes. Nous voulons nous assurer que le projet de loi est le meilleur que nous puissions obtenir. Là-dessus, je vais me taire et vous laisser prendre la parole, chef Day.
(1450)
    En ce qui concerne la question de l'autonomie, je pense que le gouvernement fédéral a bien fait de déplacer la ministre Jane Philpott vers AANC. Elle et moi avons très bien travaillé ensemble au cours des deux ou trois dernières années, et c'est pourquoi nous avons vu certains investissements en dehors du cycle budgétaire. Nous avons vu du très bon travail sortir de son cabinet, et je suis très heureux d'avoir eu la possibilité de travailler avec elle.
    Pour ce qui est de la transformation au chapitre de la santé chez les Premières Nations, regardez ce qui s'est passé sur ce plan au cours de la dernière année —plus ou moins — concernant l'Accord sur la santé au Canada. Le gouvernement fédéral a dû faire affaire et négocier précisément avec les régions de partout au pays. Le Manitoba a été le dernier bastion, mais, enfin, un accord a été conclu. Dans le cas des Premières Nations, nous exerçons des pressions en vue de transformer le domaine de la santé, car nous avons des problèmes d'autonomie. Nous avons des problèmes liés à la gouvernance en matière de santé, des problèmes de capacité et des problèmes systémiques.
    Pour répondre à votre question, ce que je voudrais voir dans le projet de loi dans l'avenir, c'est que le programme de transformation de la santé des Premières Nations fasse l'objet d'une reconnaissance considérable et que des éléments du projet de loi s'appuient sur le principe selon lequel il y a une crise de la santé chez les Premières Nations, qu'elle sévit depuis des décennies et qu'il faudra des années au gouvernement fédéral et aux Premières Nations pour corriger cette situation. Pour les Premières Nations, la transformation au chapitre de la santé va être un exercice bien plus profond, et je pense que le projet de loi doit le reconnaître.
    Pourriez-vous formuler un commentaire sur les communautés prohibitionnistes?
    L'élément des communautés prohibitionnistes est là. Dans bien des cas, il y est pour une bonne raison. Si on ne dispose pas d'un système de soins de santé approprié, de programmes sociaux appropriés ou d'infrastructures, ajouter de l'alcool dans une collectivité, c'est comme mettre de l'huile sur le feu. Dans bien des cas, comme vous le savez, ce n'est pas en raison des aspects moraux... Je veux l'affirmer clairement. Il ne s'agit pas d'un enjeu moral. Il est question du droit de la personne à la santé. Les Premières Nations n'ont pas accès aux droits de la personne à la santé d'une manière substantielle au sein de nos collectivités. Par conséquent, l'alcool et la drogue empirent la situation. Les membres des collectivités disent: « Comme nous en avons la capacité, nous voulons une communauté prohibitionniste, car nous ne voulons plus que notre collectivité souffre. »
    Le gouvernement fédéral peut-il vous forcer à le faire, en raison de ces commandes par la poste...? On a dit que, si vous n'êtes pas prêt, il y aura des commandes par la poste. Que pensez-vous de cette situation?
    C'est une zone grise sur le plan des compétences. Voilà pourquoi nous devons étudier de très près l'élément de la transformation au chapitre de la santé chez les Premières Nations, et c'est pourquoi nous avons besoin d'une relation bilatérale. Le Comité pourrait recommander fortement que tout travail préparatoire ou tout renforcement préalable des capacités soit effectué. Nous nous tournons vers le Comité afin d'obtenir du soutien à cet égard.
    Pouvons-nous entendre un commentaire de la part du Ralliement des Métis?
    Du point de vue de la nation métisse, je pense que l'une des choses qui seraient énormément avantageuses, c'est la reconnaissance explicite de la nation métisse, et peut-être d'autres ordres de gouvernement des Premières Nations et des Inuits également. Leur reconnaissance explicite et leur inclusion dans le projet de loi seraient une étape importante qui définira la façon dont nous travaillons avec le gouvernement du Canada et offrira peut-être une plus grande garantie que les ressources seront fournies et que nous allons travailler en collaboration. Je pense que la reconnaissance procure beaucoup plus d'assurance et définit une façon dont nous pouvons travailler ensemble, au lieu d'être un ajout après coup ou qu'il n'y ait tout simplement pas de consultations et de mobilisation adéquates. Selon moi, il s'agirait d'une vraie force.
(1455)
    C'est tout. Merci beaucoup.
    Monsieur Ayoub.
    Merci, monsieur le président.

[Français]

     Je vous remercie de vous être déplacés. Il est très important pour nous de vous écouter. Comme tous les autres intervenants, vous soulevez des points très intéressants.
    Tout d'abord, j'aimerais que vous nous fassiez part de ce que vous pensez de vos relations avec le gouvernement fédéral depuis deux ans relativement à la santé, particulièrement, et aux communications avec le gouvernement fédéral depuis le changement de gouvernement.
     Comment qualifiez-vous ces relations? Selon vous, les relations ont-elles été croissantes, ouvertes, fermées ou en progression?

[Traduction]

    Concernant notre relation avec le gouvernement actuel ou notre impression à ce sujet, j'aborderai précisément le dossier de la santé, car il s'agit d'un enjeu à plusieurs facettes. Le cannabis est légal. C'est social...
    Je veux connaître la situation dans son ensemble.
    Le chef Isadore Day: La situation dans son ensemble?
    M. Ramez Ayoub: Je veux connaître la situation, voir quelle est la relation, maintenant.
    Notre relation est à la croisée des chemins, actuellement. Nous savons que le gouvernement fédéral a pris des engagements importants. La table a été mise, si on veut, mais nous n'avons pas encore fait l'expérience d'un repas complet de la part du gouvernement fédéral. Il est vraiment important de reconnaître que le temps presse. On ne peut pas nous laisser poireauter en nous offrant des engagements à l'égard de certaines choses sans nous accorder les ressources nécessaires et nous donner la possibilité de contribuer à façonner le processus en amont, et pas seulement en cours de route. Nos problèmes sont très profonds. Dans nos collectivités, nous avons la capacité de savoir quels sont nos problèmes. Souvent, le gouvernement fédéral va de l'avant avec, disons, un examen des lois et des politiques qui va essentiellement modeler et changer le processus, mais nous ne sommes pas à l'avant-plan.
    Nous comprenons, monsieur, que nous ne faisons pas partie de la famille fédérale, mais nous sommes les voisins d'à côté, et nous sommes là depuis toujours. Nous devrions participer à toutes les parties du processus, à l'avant-plan. Par exemple, dans le cadre de l'établissement du projet de loi, nous avons besoin de disposer des ressources nécessaires. Il nous faut la capacité de contribuer à modeler la façon dont l'ébauche du projet de loi sera rédigée, que le projet de loi soit élaboré conjointement. Je pense que le gouvernement fédéral commence à...
    Je ne dispose que de cinq minutes, alors si vous pouviez en arriver à la réponse...
    Je pense que le gouvernement fédéral y est presque, mais qu'il reste du travail à faire.
    Merci.
    Peut-être que les Métis pourraient répondre, maintenant.
    Je mentionnerai de nouveau l'accord que nous avons signé avec le gouvernement fédéral. Nous travaillons vraiment bien avec le gouvernement actuel, avec croissance et ouverture, surtout après la décision Daniels et l'engagement pris concernant le fait de travailler de nation à nation, de gouvernement à gouvernement, et du point de vue de la relation entre le Canada et la nation métisse au titre de ce nouvel accord. Nous nous sommes engagés de concert à promouvoir un éventail de priorités pour les Métis, ce que nous n'avions jamais eu auparavant.
    Donc, cela fonctionne très bien pour nous, pour ce qui est de faire avancer beaucoup de ces initiatives, surtout en matière de santé.

[Français]

     Vos réponses, notamment celles de M. Day, nous indiquent qu'il y a beaucoup de travail à faire, même si les relations vont bien du côté des Métis.
    Par ailleurs, la situation ne peut pas changer du tout au tout du jour au lendemain. Il y a beaucoup de travail à faire. Le temps est un facteur important, et nous ne pouvons pas racheter ce qui ne s'est pas fait dans le passé. Nous ne pouvons qu'aller vers l'avant et faire des changements en vue de l'avenir.
    Dans le cas qui nous intéresse, celui de la santé, le cannabis est un aspect et une pierre angulaire d'une législation qui changera. Les aspects de la communication, du partage de l'information, de l'aide et de l'accompagnement sont importants.
    De votre côté, quels ont été vos efforts pour communiquer avec votre population? On parle d'assemblées publiques locales, j'en ai moi-même fait. On parle d'argent et d'aide financière, mais consulter les gens ne m'a pas coûté beaucoup d'argent. En tant que député, j'ai pu faire des assemblées publiques locales et je peux en faire d'autres, c'est assez simple.
     Nous sommes capables d'entendre notre population, de connaître ses préoccupations et de s'en occuper. J'aimerais savoir ce que vous avez fait de votre côté, au cours des deux dernières années, sachant que la légalisation du cannabis allait arriver.
(1500)

[Traduction]

    Merci, monsieur. Je répondrai très rapidement.
    Nous avons fait du travail. Je dois dire que, d'un côté, il s'agit d'une question juste, et que, de l'autre côté, c'est un faux-fuyant. On a besoin de ressources pour vraiment approfondir les enjeux touchant le cannabis et ses conséquences. Si vous viviez dans l'une de nos collectivités du Nord pendant deux semaines, je pense que vous auriez une opinion très différente de la capacité de tenir des consultations.
    Je n'ai aucune opinion, et je ne porte aucun jugement. Je veux seulement connaître les faits.
    D'accord.
    C'était mon premier point. Deuxièmement, nous avons la Thunderbird Partnership Foundation. Je vais laisser le document au Comité. Cette fondation a déjà commencé à présenter certains des éléments de discussion initiaux et des questions. Il y a des questions, ici: « 8. Considérations clés pour les collectivités autochtones ». Je ne les lirai pas aux fins du compte rendu, mais elles sont là.
    Nous avons la capacité de commencer ce travail, mais il s'agit d'une discussion bien plus profonde qui requiert des ressources et une collaboration avec le gouvernement fédéral.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à M. Webber.
    Merci, monsieur le président.
    Merci de votre présence. Je suis heureux que vous ayez été inclus dans le cadre de la présente étude du Comité de la santé. Je suis un peu déçu que vous ayez l'impression de ne pas avoir été inclus dans les délibérations du groupe de travail.
    Une chose que je veux dire, toutefois, c'est qu'en tant que personne qui a été ministre des relations avec les Autochtones de l'Alberta pendant un certain nombre d'années, j'ai eu l'honneur et le plaisir de travailler avec vos collectivités autochtones et avec vos collectivités métisses. Je peux vous dire que je sais à quels défis font face vos deux communautés. Je souhaite et j'espère que l'avenir sera plus radieux pour les collectivités autochtones, y compris celles des Inuits, qui ne sont pas représentées ici aujourd'hui et qui n'ont probablement pas été représentées lors des audiences du groupe de travail non plus... je ne sais pas.
    Quoi qu'il en soit, une question qui n'a pas encore été soulevée aujourd'hui, c'est l'inclusion dans le projet de loi de la possibilité pour les Canadiens de cultiver jusqu'à quatre plants chez eux. Quelles sont vos réflexions à ce sujet, et comment cette possibilité influera-t-elle sur vos collectivités?
    Je vais commencer par le chef Day.
    Je vais m'en tenir à une réponse très franche. Encore une fois, il y a un problème lié au régime foncier/à la propriété des terres en ce qui a trait à la Loi sur les Indiens. Cela fera l'objet d'une étude très précise, d'un dialogue exploratoire particulier avec les Premières Nations parce que, comme vous le savez, elles sont maintenant en train d'élaborer leurs propres constitutions, par exemple. Du point de vue juridique, il y aura un ensemble de problèmes très différent que vous devrez régler en même temps que les autres. Nos collectivités voudront présenter cette information.
    Encore une fois, en ce qui concerne le membre précédent du Comité, concernant la question de sortir et de tenir une discussion, il y a des problèmes bien plus profonds sur lesquels il faut se pencher. La question que vous soulevez en fait partie.
    La communauté de la nation métisse...?
    C'est une question à laquelle il m'est difficile de répondre. Nous n'avons pas tenu un grand nombre de consultations sur la question des quatre plants.
    Comme vous le savez, nos collectivités sont très diverses partout dans notre nation. Nous avons une mobilisation communautaire. Je voyage à l'intérieur de la province et partout dans notre nation, et nous communiquons avec nos collectivités; toutefois, c'est le financement de l'éducation et des communications que nous n'avons pas. Oui, nous parlons aux gens individuellement, mais il peut être très difficile de se rendre dans toutes les collectivités, et il est également difficile pour les gens de voyager depuis le Nord de l'Alberta jusqu'à Edmonton.
    Nous faisons face à des problèmes, mais nous n'avons pas abordé celui-là, alors je ne peux pas vraiment répondre à cette question sur les quatre plants.
    Vous avez tous deux des préoccupations à l'égard du fait de ne pas être prêts d'ici l'échéance du 1er juillet. Vous avez mentionné un certain nombre de problèmes relativement à ce qui doit être fait avant que vous soyez prêts. Bien entendu, le financement compte pour une grande partie de ce problème, mais si le gouvernement fournit ces fonds — il est bon pour dépenser de l'argent, pour fournir des fonds... s'il le fait, sera-t-il possible pour vous d'être prêts d'ici la date du 1er juillet? Ou bien avez-vous une date précise concernant le moment où vous pensez être prêts pour l'entrée en vigueur du nouveau projet de loi?
(1505)
    Je vais parler du point de vue de la séquence de nos assemblées. Nos Premières Nations tiennent des assemblées presque échelonnées. Par exemple, nous avons deux assemblées majeures, puis nous tenons des assemblées spéciales des chefs et des assemblées annuelles. La prochaine assemblée majeure de l'APN aura lieu en décembre. Nous allons nous précipiter et serons pressés d'aborder la question de la légalisation du cannabis. La prochaine ne se tiendra pas avant que le projet de loi ait été adopté, alors oui, nous avons besoin des ressources.
    Ensuite, le problème qui se pose tiendra au fait que nous n'avons pas été pris en compte dans le processus décisionnel, même dans nos propres assemblées en tant que Premières Nations, alors il s'agira d'un point de friction majeur. Je pense que c'en est un qui va donner à penser au Comité qu'il devrait recommander au gouvernement fédéral de réévaluer cette échéance, car les Premières Nations ne seront tout simplement pas prêtes, dans le contexte de nos circonscriptions; nous ne pourrons diriger les choses et prendre des décisions dans le cadre de ces assemblées, où nous adressons une rétroaction officielle au gouvernement fédéral.
    Et au sein de la communauté métisse?
    Eh bien, c'est un délai ambitieux, mais nous estimons que beaucoup de choses doivent être faites, plus particulièrement si nous pensons au rôle de la nation métisse au chapitre de la promotion de la santé. Ce sont des choses à l'égard desquelles nous pouvons prendre des mesures dès maintenant. Les gouvernements métis ont établi leur infrastructure. Ils disposent de réseaux et d'infrastructures leur permettant de travailler auprès des citoyens et des collectivités. Ce sont des éléments sur lesquels nous pourrions commencer à travailler dès maintenant, mais nous considérons cela comme un partenariat à long terme, surtout en ce qui concerne les examens quinquennaux, les examens législatifs.
    Il s'agit d'une occasion de renforcer notre recommandation concernant des investissements dans la recherche et la surveillance. Bien entendu, la surveillance est quelque chose qu'on voudrait voir maintenu sur une longue période.
    Je ne sais pas si c'est utile.
    Merci.
    Nous passons maintenant à Mme Sidhu.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous de votre présence et de vos précieux exposés.
    Je veux seulement déclarer officiellement qu'ITK a été invité à se joindre à nous aujourd'hui.
    Madame Col, je lisais votre déclaration, et je suis tombée sur des données selon lesquelles les taux d'incidents liés à l'automutilation chez les filles métisses étaient passés de 27 à 36 % de 2008 à 2013. Ce sont évidemment des chiffres troublants. Pouvez-vous nous parler du besoin d'instiller une forte identité culturelle chez les jeunes Autochtones afin de lutter contre les problèmes de santé mentale et de toxicomanie? Si le taux de suicide est très élevé, ne pensez-vous pas qu'il faille faire quelque chose?
    Il faut assurément faire quelque chose concernant le suicide. Nous savons que nous avons des problèmes d'alcool et de drogues au sein de toutes nos collectivités, comme je l'ai mentionné plus tôt, ainsi que dans les régions urbaines. Comme vous pouvez le constater, certaines de ces données datent d'il y a 10 ans. Nous savons que les taux de suicide sont extrêmement élevés au sein de nos collectivités. Le projet de loi va assurément avoir un effet sur ces collectivités. Les taux augmentent tout le temps, comparativement aux populations non autochtones.
    J'espère avoir répondu à cette question.
    Au moment où nous procéderons à l'étude minutieuse du projet de loi, nous allons entrer encore plus dans les détails. Y a-t-il quoi que ce soit qui relève de la compétence du gouvernement fédéral qui, selon vous, pourrait être ajouté au profit des collectivités autochtones? Les jeunes consomment déjà du cannabis. Les chiffres sont très élevés. Il s'agissait de l'une de nos promesses de campagne, et nous faisons très attention en présentant le projet de loi. Les jeunes consomment beaucoup de cannabis. Les chiffres sont là. Quelles sont vos réflexions sur le projet de loi à venir? N'a-t-il pas d'incidence sur ces jeunes du fait qu'il n'est strictement question que de la légalisation.
(1510)
    Le volet de l'éducation est très important afin que la prévention commence auprès des jeunes des collectivités lorsqu'ils sont le plus jeune possible. J'ai abordé plus tôt les communications et l'éducation. À mes yeux, il importe que l'on commence le plus jeune possible en ce qui concerne l'éducation afin de tenter de faire diminuer ces chiffres. Actuellement, tout nous ramène à la santé mentale. Il y a de nombreux problèmes sous-jacents. À nos yeux, ce serait l'éducation...
    Afin de réduire ce chiffre... Nous entendons dire que nous sommes pressés. Voilà pourquoi nous prenons cette mesure. Pouvez-vous nous donner des détails à ce sujet? Pensez-vous que cette mesure n'est pas bien?
    Qu'on est pressé...?
    J'entends dire que le gouvernement fédéral est pressé. Pensez-vous que ce n'est pas le bon moment pour prendre les mesures?
    Je ne dis pas que ce n'est pas le bon moment. C'est la façon dont nous l'abordons, pour mettre en place le projet de loi, et quels sont nos besoins en tant que Métis partout dans notre patrie. Il s'agit d'obtenir la communication. Il y a un échéancier, et je suis certaine que nous pouvons travailler en fonction de cet échéancier. Le délai sera très serré pour nous. Nous travaillons sur la communication au sein de nos collectivités — si je réponds correctement à la question, sur ce sujet —, mais il sera très difficile pour nous de continuer à travailler là-dessus.
    Chef Day, voulez-vous dire quelque chose?
    Oui. La distinction, dans ce cas-ci — encore une fois — c'est que la communauté métisse est absorbée par la population en général. Il n'y a pas de régime foncier. Il n'y a pas de traités. Il n'y a pas de questions à régler au titre de la Loi sur les Indiens. Une grande part de notre problème tient à cette loi. Il faudra qu'il y ait, pour nous... Ma réponse sera que, non, c'est trop vite. Nous ne sommes pas prêts. Nous ne serons tout simplement pas prêts.
    Je pense qu'il est vraiment important pour le gouvernement fédéral et le Comité de formuler avec force la suggestion selon laquelle nous devons comprendre quelles sont les conséquences. Voilà le thème de mon exposé, les conséquences sur la santé publique. Nous devons nous pencher sur la prévention. Nous devons également examiner l'application de la loi et, de façon générale, les conséquences socioéconomiques dans la stratégie à l'avenir. Ce travail de premier plan n'a tout simplement pas été effectué dans le contexte des Premières Nations du Canada, pour régler les problèmes systémiques liés à la Loi sur les Indiens et à l'héritage des pensionnats indiens.
    Le temps est écoulé.
    Monsieur Davies.
    Chef Day, nous savons que le gouvernement fédéral a décidé de déléguer les questions touchant la distribution aux provinces. Je me demande seulement qui déterminera les méthodes de distribution sur les terres des bandes ou dans les réserves.
    Les Premières Nations disent que ce seront des Premières Nations. C'est cela le problème actuellement. Par exemple, comme je suis le chef régional de l'Ontario, je ne possède pas les types de pouvoirs délégués dont jouit la province. Je suis simplement un porte-parole sur des questions que j'ai pour mandat d'aborder, c'est-à-dire...
    Toutes les Premières Nations ont leurs propres pouvoirs, leurs propres compétences. Au bout du compte, ces problèmes et ces préoccupations majeurs relativement à la compétence des Premières Nations n'ont pas encore été abordés officiellement.
    Il y a beaucoup de travail à faire pour que l'on puisse comprendre les choses dans l'optique de notre travail dans la province. Le gouvernement provincial tente maintenant de déployer des efforts afin de respecter l'échéancier, et il ne veut tout simplement pas... En Ontario, on n'aime pas avoir affaire à des contraintes de temps non plus, mais on sait qu'on doit faire quelque chose. Alors...
    Je suis désolé. Je vais tenter de comprendre.
    Le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux comprennent-ils clairement que ce seront les Premières Nations qui détermineront comment se fera la distribution sur les terres des bandes et dans les réserves?
    Oui, c'est exact. On n'en a pas encore discuté dans une grande mesure. On va faire des compromis pendant un certain temps jusqu'à ce que la situation soit réglée. Il n'y a pas encore de compréhension mutuelle. Ce problème n'a pas encore été réglé.
    Il nous reste 10 mois avant la légalisation, et toute la question de savoir si le cannabis va se trouver dans les magasins de vente au détail, dans les dispensaires ou être distribué par l'intermédiaire d'un certain genre de société de bande ou d'organisme économique... Rien de cela n'a été... Le travail là-dessus n'a pas encore vraiment commencé.
(1515)
    Non, il n'a pas commencé. Si vous regardez le continuum de la mise en œuvre d'un tel projet de loi, vous avez non seulement les politiques, la réglementation, l'assurance de la qualité, ces types de normes, mais vous avez aussi la capacité ou l'incapacité de faire appliquer les lois. N'est-ce pas?
    Vous avez deviné où j'allais en venir ensuite, c'est-à-dire à l'application de la loi. Qui sera responsable de faire appliquer le projet de loi C-45 dans les réserves et sur les terres des bandes?
    Je pense qu'il est extrêmement irresponsable de la part du gouvernement fédéral de ne pas être en mesure de répondre à cette question au sein du Comité maintenant. Il s'agit de l'une des questions en suspens que nous nous posons et qui va vraiment déterminer si nous affirmons être prêts ou pas.
    Je dois vous dire que la plupart des collectivités sont actuellement très nerveuses au sujet, en fait, de leur incapacité de faire appliquer leurs propres lois ou même les lois fédérales-provinciales en ce qui a trait au cannabis médical et récréatif.
    Nous avons entendu un certain nombre de personnes témoigner au sujet des préjudices que provoque la criminalisation, en particulier pour les jeunes, pour les groupes marginalisés, pour les gens de couleur et, bien entendu, pour les collectivités autochtones également. On a demandé que le gouvernement, le ministre de la Justice, plus particulièrement, donne pour consigne aux procureurs fédéraux de cesser de poursuivre les gens pour des actes de possession simple dès maintenant. S'agit-il d'une demande que vous favoriseriez et appuieriez?
    J'appuierais cette demande, oui, la mise en garde étant qu'il faut qu'un plan soit établi pour que l'on puisse faire face aux conséquences de cette décriminalisation.
    Nous savons certainement que le changement culturel au Canada a lieu maintenant. Nous sentons l'odeur de la marijuana lorsque nous marchons dans les rues de nos centres urbains, maintenant. Qu'est-ce que cela fait à la famille? Qu'est-ce que cela fait aux collectivités? Nous savons que, une fois que la légalisation sera officielle, il y aura des changements majeurs dans nos collectivités. Le gouvernement fédéral devra en tenir compte dorénavant.
    Enfin, connaissez-vous des producteurs autochtones? Y a-t-il des personnes dans le monde des Premières Nations qui voient cela peut-être comme un potentiel de développement économique pour les Premières Nations?
    Oui, il y en a. Je dois l'affirmer clairement. Je n'ai pas le pouvoir de vous donner de renseignements quant à l'endroit où ils se trouvent, mais ils existent.
    Nos collectivités autochtones sont entrepreneuriales. Elles savent quels sont leurs droits en matière de souveraineté, et elles se préparent certainement à profiter de débouchés économiques. On m'a dit que les entreprises et les collectivités des Premières Nations vont vouloir prendre la place qu'il leur revient dans cette nouvelle industrie.
    Merci, chef.
    Voilà qui met fin à notre période officielle. Je veux remercier...
    Je vous demande pardon, madame Gladu. Allez-y.
    Avons-nous le temps pour une autre série de questions? Je ne pense pas que nous finissions avant 15 h 45.
    Je voudrais obtenir un consentement unanime à l'égard de ma proposition de tenir une autre série de questions.
    Avons-nous un consentement unanime à l'égard d'une autre série de questions de cinq minutes? Oui.
    Madame Sidhu.
    Chef Day, le fait que les Autochtones canadiens sont surreprésentés partout dans le système de justice pénale est connu. Selon vous, en quoi le recours à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents pourrait-il contribuer à avantager les jeunes Autochtones? Le projet de loi comprend également une option d'imposition de contraventions pour les infractions mineures commises par des adultes. Voyez-vous un avantage semblable pour la communauté autochtone?
    Je pense bien. Selon moi, cela va pousser le gouvernement fédéral à examiner encore une fois les systèmes de justice communautaire. Les solutions qu'il faudra trouver ne seront pas de nature universelle. Il sera très important que les gouvernements fédéral et provinciaux reconnaissent que les programmes de justice communautaire de chaque région auront besoin d'une attention et d'un investissement appropriés. Une région — la province de l'Alberta, disons — pourrait avoir une relation de travail différente avec les Premières Nations, et ces programmes pourraient être de nature différente.
    En Ontario, nous étudions continuellement des moyens d’améliorer notre relation avec le gouvernement de la province, mais encore une fois, je dirai que la situation va toujours se résumer aux types d’investissements qui sont effectués dans les services de police communautaires. La sécurité communautaire sera toujours notre cible, mais l’amélioration et le renforcement de ces capacités à l’échelon de la collectivité exigeront que nous participions à toute modification du projet de loi qui encourage le fait d’aller au-delà de la réaction à la dépendance et aux jeunes devant les tribunaux et dans le système pénal… pour passer à ceux qui vont au-delà de cela et qui obtiennent des services de santé mentale appropriés et des programmes de prévention appropriés.
    Oui, je pense que des modifications devraient être apportées. Selon moi, il devrait s'agir d'une grande priorité dont le Comité devrait tenir compte.
(1520)
    Madame Gladu.
    Merci, monsieur le président. Ma question s'adresse à la nation métisse.
    Je souhaitais entendre... quand vous parliez des statistiques concernant l'âge, du fait que 41 % des Métis ont moins de 25 ans. Nous avons eu ici beaucoup de discussions au sujet de ce qui devrait être l'âge légal. Nous avons entendu le témoignage de l'Association médicale canadienne et d'un bon nombre de médecins, selon lesquels toutes les personnes de moins de 25 ans qui consomment du cannabis présentent un risque accru de schizophrénie, de troubles psychotiques, de dépression... un certain nombre de problèmes de santé mentale. Je souhaite connaître votre point de vue sur l'âge légal pour fumer et posséder du cannabis.
    Quand nous étions en train d'étudier cette question, nous avons abordé le même problème. La situation est différente en Colombie-Britannique et en Ontario. Voilà pourquoi nous en sommes arrivés à un âge légal de 19 ans pour le consentement. Il s'agit de l'âge légal pour consommer de l'alcool, alors c'est pourquoi nous avons choisi l'âge de 19 ans. Si nous allons à 25... D'un point de vue réaliste, ces personnes vont fumer du cannabis de toute manière, alors nous avons pensé que 19 ans était un bon âge.
    Plus tôt, une question a été posée au sujet de la possession. Nous devons nous pencher sur la mesure dans laquelle il est nécessaire de faire la distinction entre la consommation de drogues provenant du domaine criminel et de celles du marché illégal. Il y a beaucoup de questions sur lesquelles nous devons nous pencher.
    Oui, en ce qui concerne la possession dans le cas d'enfants âgés de 12 à 17 ans, le projet de loi recommande qu'ils puissent posséder jusqu'à cinq grammes. Une conversation a eu lieu au sujet du fait qu'ils devraient ou non faire l'objet d'accusations criminelles si la quantité en leur possession est supérieure à cela, s'il devrait s'agir d'une infraction punissable au moyen d'une contravention, ou bien s'il devrait peut-être y avoir une éducation obligatoire et un suivi médical. Avez-vous une opinion? Je vous demanderais tous si vous avez un point de vue à communiquer.
    Je pense qu'il doit y avoir cette éducation et ce suivi médical. Encore une fois, à nos yeux, le volet de l'éducation est vraiment important, ainsi que la communication. Vous savez, si une personne fait l'objet d'une accusation criminelle à un jeune âge, cette accusation va lui coller à la peau pendant longtemps. Je sais que beaucoup de collectivités aiment bien régler ces affaires à l'intérieur de leur communauté également. À nos yeux, ce volet de l'éducation et de la santé serait la façon d'aller de l'avant à cet égard.
    Allez-y, chef Day.
    Très rapidement, vous savez, les conséquences réglementaires du projet de loi sur nos collectivités vont être énormes. Nous avons quotidiennement affaire à une longue liste d'enjeux stratégiques et législatifs. Celle-ci va être énorme parce que ce n'est pas que la santé, pas que l'économie, dont il est question; il y a aussi la dimension sociale. Je dirais que le fardeau des conséquences sociales de la consommation de cannabis, les niveaux d'âge et les dispositions du projet de loi vont devoir être abordés au sein de nos collectivités très rapidement. Comme il reste 289 jours, je n'arrive même pas à imaginer que nous puissions être prêts à accepter un projet de loi du gouvernement fédéral d'ici cette date.
    Très bien.
    Les producteurs de chanvre étaient là, et ils ont demandé d'être exemptés du projet de loi. Ils nous ont demandé de les ajouter à l'annexe. Y aurait-il des préoccupations de la part de vos collectivités si nous faisions cela?
(1525)
    Je n'ai aucun commentaire à ce sujet. Je n'y ai pas réfléchi.
    D'accord.
    Ma dernière question, dans ce cas, porte sur l'emballage. Évidemment, le but du volet de l'emballage du projet de loi est de tenter de s'assurer que l'emballage n'est pas attrayant et qu'il ne va pas attirer les jeunes et ce genre de choses. Y a-t-il des considérations culturelles que nous devrions inclure dans la réglementation sur l'emballage?
    Nous n'avons même pas encore étudié la question de l'emballage. Je veux dire... regardez les cigarettes. Il n'y a pas d'emballage, et elles sont toutes derrière des portes. Alors, nous n'avons même pas étudié le volet de l'emballage du projet de loi pour l'instant.
    Dans le cas des Premières Nations, encore une fois, je pense que l’effort global déployé dans la stratégie de contrôle du tabac et ce qu’a fait le gouvernement fédéral relativement à l’emballage est fondé sur la prévention. Nous ne voulons assurément pas que des gens tombent malades en raison du cannabis. Si nous utilisons l’emballage comme moyen de prévenir la maladie et ses conséquences, alors je pense que nous sommes favorables à cela.
    Mais il y a aussi l’autre côté de la médaille: les intérêts propriétaires et les droits des Premières Nations. Elles vont toujours attendre et tenter de trouver, dans le cadre de leurs discussions avec les gouvernements fédéral et provinciaux, les droits et les intérêts propriétaires de leurs gens d’affaires. Les choses sont différentes dans nos collectivités autochtones. Regardez l’industrie de la cigarette. Nous avons observé des progrès accélérés dans cette industrie, en Ontario, qui profitent aux collectivités. Il est certain qu’on examine la stratégie de marque et l’emballage, et il s’agit d’un intérêt propriétaire et de quelque chose qui va maintenant devoir être protégé également.
    Allez-y, monsieur Davies.
    Je m'adresse à vous tous; je pense que vous n'êtes pas encore conscients des produits fiscaux tirés du cannabis, mais je pense que, selon nos hypothèses, des fonds importants découleront de cette source de revenu. Je me demande seulement comment les recettes seront réparties et vers quoi vous voudriez voir ces recettes orientées.
    Évidemment, il faudra toujours tenir compte des intérêts des secteurs public et privé. Nos nations doivent trouver des moyens de participer afin d’aider à soutenir les collectivités. L’un des moyens évidents sera dans le domaine de la santé, peut-être en éducation, mais il s’agira de s’assurer qu’il y a une empreinte et des perspectives économiques dans nos collectivités; ce sera vraiment la clé.
    Laissez-moi aborder la question de l’exemption des taxes. Encore une fois, je ferai valoir auprès du Comité qu’il faut qu’une discussion immédiate ait lieu, pas seulement à l’échelon provincial, mais aussi à l’échelon fédéral, en ce qui concerne l’exemption fiscale ainsi que les instruments qui devront être étudiés pour que l'on puisse s’assurer que l’harmonisation pourra se produire. Encore une fois, j’utiliserai simplement l’exemple de l’exemption de la TVH et de la TVP en Ontario. Les Premières Nations sont exemptées du paiement de la taxe de vente provinciale. Cette question sera abordée. Il s’agira d’une attente constante de la part de nos collectivités autochtones. Comment pouvons-nous aller au-delà de cela? Encore une fois, ce sont là mes commentaires.
    Madame Dal Col.
    En tant que Métis, nous payons des taxes, alors je voudrais voir une partie de l'argent de ces taxes revenir à la nation métisse et à nos gens pour — comme je n'arrête pas de le dire — l'éducation, la prévention, les ressources en santé et les centres de traitement. Nous allons avoir besoin de toutes ces choses, et je voudrais voir une partie de l'argent des taxes que nous payons revenir aux Métis.
    Merci, monsieur le président.
    Voilà qui conclut notre séance.
    Au nom du Comité, je veux dire que vous avez présenté un exposé formidable. Nous avons assisté à plus de 80 exposés, mais vous avez tout de même apporté de nouveaux faits et de nouvelles questions à la discussion, et nous vous en sommes très reconnaissants. Je pense que vous avez fait de l'excellent travail pour présenter vos enjeux. Je veux vous remercier tous de votre temps, de l'effort que vous avez investi dans ce travail et de la réflexion que vous y avez apportée également.
    Voilà qui met fin à la séance, et nous allons maintenant suspendre nos travaux jusqu'à 15 h 45.
    Merci.
(1525)

(1600)
    Nous reprenons notre séance numéro 67 du Comité permanent de la santé. Nous étudions le projet de loi C-45 sur le cannabis. Notre groupe de témoins de cet après-midi va discuter de l'étiquetage et de l'emballage.
    Nos témoins d'aujourd'hui sont M. David Hammond, professeur, École de santé publique et de systèmes de santé, Université de Waterloo, par vidéoconférence.
    Nous accueillons M. Mike Hammoud, président de l'Atlantic Convenience Stores Association, ainsi que Melodie Tilson, directrice de politiques, et Pippa Beck, analyste principale en matière de politiques, de l'Association pour les droits des non-fumeurs.
    Chaque organisation présentera une déclaration préliminaire de 10 minutes, puis nous ouvrirons la période réservée aux questions des membres.
    Nous allons commencer par M. Hammond, pour 10 minutes.
    Je suis un scientifique et, depuis près de 20 ans, je mène des recherches sur l’incidence des avertissements en matière de santé et de l’étiquetage des produits et sur l’effet de la stratégie de marque et du marketing dans les domaines du tabac, des aliments et, plus récemment, du cannabis. Je veux préciser que je n’accepte aucun financement de l’industrie et que je ne représente aucune organisation qui milite pour ou contre la légalisation du cannabis. J’ai également été conseiller à l’Organisation mondiale de la Santé et au sein d’organismes réglementaires de partout dans le monde, et j’ai été témoin expert dans des litiges relatifs au tabac, notamment au nom du gouvernement du Canada.
    Je voudrais me concentrer sur les conséquences en santé publique de trois aspects. Le premier, ce sont les contraintes liées à la stratégie de marque et à l'emballage; le deuxième, ce sont les avertissements relatifs à la santé; et le troisième, c'est l'étiquetage des produits.
    De tous les aspects abordés dans le projet de loi, le marketing et la promotion peuvent avoir l'incidence la plus directe sur qui consomme du cannabis, quels types de produits sont consommés et pour quelle raison. Les contraintes relatives au marketing proposées dans le projet de loi sont en grande partie inspirées de celles qui s'appliquent aux produits du tabac au Canada. Comme la loi qui régit le tabac, la loi sur le cannabis cherche à établir un équilibre entre le fait de permettre aux renseignements sur le produit d'atteindre les consommateurs adultes tout en interdisant un marketing qui encourage la consommation, surtout chez les jeunes.
    Bien entendu, la question consiste à déterminer comment établir cet équilibre et comment y arriver, et je voudrais aborder plusieurs leçons tirées de notre expérience en ce qui a trait au marketing du tabac sur de nombreuses décennies.
    La première leçon, c'est que la stratégie de marque a la plus grande incidence sur les jeunes, que le projet de loi cherche à protéger.
    La deuxième, c'est que des contraintes limitées en matière de marketing ont une efficacité limitée. Quand la plupart des formes traditionnelles de publicité du tabac étaient interdites, les dépenses en marketing n'ont pas cessé. Elles sont simplement passées à d'autres voies, y compris l'emballage et l'environnement de vente au détail. Voilà pourquoi le Canada et d'autres pays mettent en œuvre ce que nous appelons l'emballage normalisé ou neutre des produits du tabac, qui retire les logos et les images de marque des paquets, mais qui permet aux renseignements sur le produit d'être affichés.
    L’emballage neutre est une mesure de santé publique efficace. Non seulement elle réduit l’attrait promotionnel pour les jeunes, mais elle améliore également l’impact des avertissements concernant la santé. Si le gouvernement cherche à atteindre ces objectifs sans mettre en oeuvre l’emballage neutre, il se retrouverait avec la responsabilité de contrôler des milliers d’emballages afin de s’assurer que l’image de la marque n’augmente pas l’attrait chez les jeunes ou ne fait pas la promotion d’un style de vie positif. Il s’agit d’une tâche incroyablement exigeante en ressources et difficile qui s’est avérée inefficace dans le cas des produits du tabac et qui le serait presque certainement dans celui des produits du cannabis.
    La troisième leçon tirée du tabac, c’est que, une fois que le marketing et la promotion sont permis, il est très difficile de revenir en arrière au moyen d’un règlement ou d’une nouvelle loi. N’oubliez pas qu’il a fallu 50 ans et de multiples contestations juridiques avant que le Canada obtienne les contraintes actuellement imposées relativement au marketing du tabac. Il est bien plus difficile de limiter le marketing après qu’il a été permis que d’assouplir les contraintes, et, une fois que la promotion et le marketing sont permis, leurs effets peuvent persister longtemps après leur retrait. En bref, il est très difficile de renvoyer le génie dans la bouteille.
    La quatrième leçon, c’est que le retrait de la stratégie de marque n’encourage ni les ventes illégales ni la contrebande. Un témoignage présenté au Comité plus tôt cette semaine a laissé entendre que la limitation de la stratégie de marque du cannabis ferait en sorte qu’il serait plus difficile pour les consommateurs de faire la distinction entre les produits illégaux et légaux. Ce n’est tout simplement pas exact. Les produits du cannabis obtenus par l’intermédiaire de points de vente au détail légaux se distingueront clairement par des avertissements relatifs à la santé et d’autres exigences en matière d’étiquetage. Il n’est tout simplement pas crédible que l’on associe une stratégie de marque réduite à un avantage pour les produits illégaux. Le même argument a été formulé par les entreprises de tabac pour s’opposer aux lois sur l’emballage neutre, et ces arguments ont été réfutés dans de multiples décisions judiciaires. En général, si le gouvernement souhaite prévenir la publicité et la promotion concernant un style de vie auprès des jeunes, le projet de loi devrait comprendre l’emballage neutre.
    Les avertissements sur la santé sont un autre élément essentiel de la politique relative à l’étiquetage. La question est la suivante: quel aspect devraient prendre les avertissements concernant le cannabis? Qu’est-ce que le Canada veut dire au sujet des risques? Le fait de conduire avec les facultés affaiblies par la drogue est-il vraiment très risqué? Est-ce vraiment préjudiciable pour un bébé lorsque sa mère consomme du cannabis pendant qu’elle est enceinte? La plupart des Canadiens ne sont pas certains des risques potentiels de ces produits, et ils veulent obtenir cette information.
    Les avertissements sur la santé sont la façon la plus rentable et autosuffisante de communiquer avec les Canadiens au sujet du cannabis. Les avertissements concernant le cannabis devraient-ils ressembler à ceux qui figurent sur les paquets de cigarettes? Eh bien, s’ils ne leur ressemblent pas, ils devraient au moins comprendre les mêmes éléments de base que les avertissements efficaces. C’est-à-dire qu’ils devraient être gros, utiliser de la couleur et comprendre des images. Les gros avertissements illustrés sont le moyen le plus efficace de joindre les enfants et les jeunes ainsi que les membres les plus vulnérables de notre société, qui sont peu alphabétisés.
(1605)
    Les avertissements ne sont pas seulement une question de faire peur aux consommateurs au sujet d’un produit. Il s’agit de les informer, mais ils donnent également la possibilité d’offrir du soutien aux personnes qui en ont besoin et en cas de dépendance. Au Canada, tous les paquets de cigarettes comprennent un numéro de ligne d’aide téléphonique et l’adresse d’un site Web pour aider les Canadiens à abandonner le tabagisme. Nous avons évalué ces éléments, et ils fonctionnent bien. J’exhorterais le gouvernement à afficher les mêmes services sur les emballages de cannabis afin de témoigner de son engagement à l’égard de la réduction de la dépendance.
    Enfin, je voudrais aborder brièvement l’étiquetage concernant le contenu et la dose du produit. Je pense qu’il y a un fort consensus selon lequel les taux de THC devraient être affichés sur les emballages, mais nous ne pouvons pas simplement compter sur le fait de présenter des chiffres aux consommateurs. Combien de personnes dans la salle aujourd'hui comprennent intuitivement ce que signifient 50 milligrammes de THC? Est-ce que c’est un peu? Est-ce que c’est beaucoup? Qu’est-ce que cela veut dire du point de vue des divers produits ou des voies d’administration?
    N’oubliez pas que le Canada est sur le point de commencer à utiliser ce que nous appelons les étiquettes de feux de circulation ou symboles élevé/faible sur les emballages d’aliments. Nous allons faire cela parce que c’est plus facile à comprendre et à utiliser pour les consommateurs. Les mêmes principes devraient s’appliquer à l’étiquetage du cannabis. Si c'est assez important d’utiliser des symboles pour la soupe en conserve et les boissons sucrées, c’est assez important pour les produits du cannabis.
    Je ferai valoir que l’étiquetage du THC et de la dose devrait également se refléter dans l’emballage. Lorsque les produits comestibles finiront par être vendus sur notre marché, chaque dose devrait être emballée individuellement. Songez aux morceaux de gomme qui sont emballés à l’intérieur du grand emballage, ou à ces petites barres de chocolat d’Halloween que nous distribuons, qui, encore une fois, sont vendues dans un emballage plus gros.
    Pour conclure, en général, les conséquences du cannabis sur la santé publique seront en grande partie déterminées non seulement par le fait qu’il est devenu légal, mais aussi par la façon dont il est réglementé sur le marché légal. On devrait accorder la priorité dans le projet à des contraintes complètes relativement au marketing et à la promotion, et il devrait comprendre l’emballage neutre. De gros avertissements clairs sur la santé qui utilisent des images fourniront aux gouvernements un moyen efficient et très rentable de communiquer avec les consommateurs. Ces avertissements devraient également être utilisés pour soutenir les Canadiens qui ont besoin d’aide en raison d’une dépendance.
    La réglementation devrait également tenir compte des leçons tirées de Washington, du Colorado et d'autres États qui ont légalisé le cannabis afin que l'on puisse s'assurer que les normes relatives à l'étiquetage des produits comestibles et de diverses formes de cannabis sont efficaces. Ensemble, ces mesures témoigneront de l'engagement du gouvernement à veiller à ce que la légalisation du cannabis soit avantageuse pour la santé publique.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à Mike Hammoud, président de l'Atlantic Convenience Stores Association. Bienvenue.
    Bon après-midi. Je m’appelle Mike Hammoud et je suis président de l’Atlantic Convenience Stores Association, l’ACSA. Au nom de l’ACSA, je remercie le Comité permanent de la santé de nous avoir invités ici aujourd’hui à parler de l’étiquetage et de l’emballage du cannabis vendu au détail, dans la mesure où ce sujet se rapporte au projet de loi C-45.
    Dans le contexte de mon exposé d’aujourd’hui, je crois comprendre que la Loi a pour objectifs d’empêcher les mineurs d’accéder au cannabis, de protéger la santé et la sécurité publiques en établissant de rigoureuses exigences quant à l’innocuité et à la qualité des produits et de décourager l’activité criminelle en imposant de lourdes pénalités à quiconque exerce des activités en dehors du cadre défini par la Loi. Nous croyons aussi comprendre que la Loi a pour but de réduire le fardeau que les violations des règles relatives au cannabis imposent au système de justice pénale.
    Plus précisément, l’accent est mis aujourd’hui sur l’étiquetage et l’emballage des produits réglementés du cannabis vendus au détail. À cette fin, je crois que notre expérience dans le secteur de la vente des produits du tabac au détail revêt une pertinence considérable par rapport aux questions que vous étudiez.
    Je vais pour commencer vous donner quelques renseignements sur l’ACSA, sur ses membres et sur ses collaborateurs. Ensuite, je m’attarderai aux questions concernant expressément l’étiquetage et l’emballage des produits réglementés du cannabis vendus au détail et sur notre expérience relative à l’emballage et à l’étiquetage des produits du tabac.
    L’Atlantic Convenience Stores Association a été fondée en 2009 en tant qu’entité commerciale sans but lucratif pour promouvoir la vente au détail responsable dans les dépanneurs et pour représenter les intérêts économiques de ses membres. Aujourd’hui, plus des deux tiers des dépanneurs du Canada atlantique ont adhéré à l’ACSA.
    En collaboration avec l’Association canadienne des dépanneurs en alimentation, la Western Convenience Stores Association, l’Ontario Convenience Stores Association, l’Association québécoise des dépanneurs en alimentation et l’Association nationale des distributeurs aux petites surfaces alimentaires, nous possédons une expérience considérable de la vente au détail dans les dépanneurs et une bonne connaissance de ce secteur.
    Les dépanneurs sont fortement réglementés, qu’il s’agisse de points de vente de billets de loterie, de services alimentaires, de commerces de boissons alcooliques là où il y en a, ou, en particulier, de magasins de produits du tabac. En ce qui concerne la vente de tabac au détail, nous avons vécu d’énormes changements au fil des années et nous avons collaboré avec les organismes de réglementation de notre secteur pour atteindre ce que nous croyons être deux grands objectifs : réduire au minimum la consommation de tabac chez les mineurs et freiner la distribution endémique de tabac illégal.
    Cela dit, mesdames et messieurs, je suis convaincu que nous pouvons vous apporter des points de vue pertinents dans le cadre de vos délibérations. Passons donc à l’étiquetage et à l’emballage du cannabis vendu au détail et réglementé par le gouvernement fédéral ou les provinces.
    À l’heure actuelle, un projet de loi — le projet de loi S-5 — a été déposé qui assujettirait les produits du tabac vendus au Canada à l’emballage banalisé. Comme il a déjà été dit, cette loi éliminerait les marques de produits, c’est-à-dire les marques de commerce, les logos individuels, les éléments de graphisme et les couleurs qui différencient les produits les uns des autres. Avec un emballage générique normalisé, seul le nom imprimé dans une police de caractères petite, simple et normalisée identifierait le produit. À l’intérieur, tout le reste serait semblable.
    À cet égard, le catalyseur a été la loi australienne sur l’emballage banalisé qui est entrée en vigueur à la fin de 2012. Cependant, cet exemple — et d’autres également — montre que l’emballage banalisé ne produit pas les résultats escomptés. Dans le cas de l’Australie, la réalité est la suivante: un examen de toutes les données publiques pertinentes et fiables, après cinq ans, aboutit à la même conclusion, à savoir que la prévalence du tabagisme en Australie n’a pas diminué sensiblement du point de vue statistique. Dans le contexte australien de l’emballage banalisé, il s’est produit un changement dynamique dans la répartition des parts du marché entre les produits du tabac licites et les produits illicites, la consommation de ces derniers allant en augmentant.
    Y a-t-il une corrélation entre l’emballage banalisé et la consommation illicite? Nos collègues australiens estiment, et nous abondons dans le même sens, que l’emballage banalisé favorise une tendance à rechercher le prix le plus bas, qui devient alors le principal motif de l’acheteur. Or, quand le prix devient le principal motif de l’acheteur, cela ouvre la porte aux achats illicites que le consommateur peut faire à une fraction du prix du produit vendu légalement.
    Au Canada, nous estimons que les produits illicites représentent environ 20 % de la consommation globale de cigarettes, la part du marché illicite se situant à au moins 33 % du marché en Ontario. En fin de compte, aux yeux de nombreux consommateurs de tabac, l’étiquetage et l’emballage importent peu, comparativement à l’accès aux cigarettes bon marché. Pourquoi en serait-il autrement des ventes de cannabis au détail?
    Nous savons que de nombreuses cigarettes illégales sont vendues sans marque de commerce, en vrac dans des sacs de polyéthylène. Cependant, il convient de souligner que l’emballage banalisé favorise la distribution et la vente accrues de cigarettes emballées contrefaites ou d’imitation, tout simplement parce qu’il est d’autant plus facile aux producteurs illégaux de reproduire l’emballage en question. Pensez-vous que le fumeur ordinaire saura faire la différence? C’est peu probable.
(1610)
    Plus récemment, soit le 1er janvier de cette année, l’emballage banalisé du tabac est devenu obligatoire en France, et les défenseurs de cette solution ont fait valoir que c’était une arme décisive contre le tabagisme. Beaucoup ont été surpris et choqués en apprenant qu’au cours du premier trimestre de 2017, les ventes de cigarettes en France avaient augmenté de 7 % par rapport à la même période en 2016. Le ministère français de la Santé a minimisé l’importance de cette augmentation en affirmant que l’emballage banalisé n’influerait pas sur les habitudes des fumeurs invétérés, qu’il visait principalement les jeunes et que son incidence ne serait apparente qu’à moyen ou à long terme. Bref, un défenseur de l’emballage banalisé affirme que celui-ci n’aura aucun effet sur les fumeurs « endurcis » et qu’il vise plutôt le groupe démographique que composent les jeunes.
    Examinons cette situation dans le contexte canadien. Dès 2003, le Canada a adopté des règles rigoureuses touchant la commercialisation du tabac; ces règles interdisent d’annoncer ou de promouvoir le tabac, des témoignages en faveur du tabac, des accessoires et de tout autre article lié au tabac dont on pourrait dire qu’il présente un attrait aux yeux des jeunes. Aujourd’hui, les points de vente doivent obligatoirement ranger les produits du tabac dans des armoires verrouillées, ou les dissimuler derrière un écran pour qu’ils ne soient pas visibles.
    Parallèlement, la grande majorité des détaillants font preuve de vigilance pour repérer les acheteurs mineurs, en appliquant la pratique très répandue consistant à demander aux acheteurs éventuels une pièce d’identité prouvant leur âge. Notre secteur est très fier d’être un partenaire responsable et diligent du gouvernement lorsqu’il s’agit de contrôler la vente de produits tels que le tabac que les mineurs n’ont pas le droit d’acheter. Les programmes de formation tels que « Pièce d’identité — C’est la loi » concrétisent un engagement à aider les détaillants et leur personnel à respecter les plus hautes normes de professionnalisme et d’éthique et à favoriser la santé et la sécurité publiques. En réalité, les mineurs au Canada sont aujourd’hui très peu exposés à l’emballage et à l’étiquetage des cigarettes. Selon nous, les conséquences involontaires de l’emballage banalisé, par exemple la recherche du prix le plus bas par les consommateurs, ou l’augmentation éventuelle des ventes de cigarettes de contrebande, sont beaucoup plus grandes que tout avantage perçu.
    Au Canada, le taux de consommation du cannabis est deux fois plus élevé que le taux de tabagisme chez les jeunes, ce qui est remarquable. Selon Santé Canada, le taux national de tabagisme chez les jeunes était de 10 % en 2015, tandis que leur taux de consommation du cannabis atteignait 21 %. L’emballage banalisé ne serait pas un outil efficace pour atteindre un objectif que nous partageons tous, à savoir des taux négligeables de tabagisme et de consommation de cannabis chez les jeunes. Nous pensons que, si les gouvernements veulent vraiment réduire le tabagisme ou la consommation de cannabis, il y a encore beaucoup à faire dans des domaines tels que l’éducation et l’abandon du tabagisme.
    Les propriétaires de dépanneur croient que les initiatives existantes visant la vente de tabac au détail au Canada peuvent être reproduites efficacement pour la vente de cannabis au détail, sans que l’on doive recourir à la banalisation de l’emballage et de l’étiquetage, dont la valeur et l’effet sont douteux. Et, comme dans le cas du tabac, le secteur, les groupes militant contre le cannabis, les organismes fournissant des soins de santé et les gouvernements doivent travailler ensemble pour réduire au minimum le nombre de jeunes et d’adultes qui consomment du cannabis.
    En conclusion, nous recommandons au Comité d’autoriser l’application de la marque sur les emballages de cannabis vendu au détail, et ce, pour deux raisons importantes: premièrement, pour réduire la capacité des criminels de confectionner et de distribuer des produits de contrebande, et deuxièmement, pour réduire au minimum l’effet du prix le plus bas en éduquant les consommateurs licites et en leur permettant de prendre des décisions éclairées sur les choix qu’ils font quand ils achètent des produits.
    Merci.
(1615)
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à l'Association pour les droits des non-fumeurs.
    Madame Tilson, vous avez 10 minutes.
    Merci, monsieur le président. Bon après-midi aux honorables membres du Comité. Merci de nous donner l'occasion de nous adresser à vous aujourd'hui.
    Comme vous l'avez entendu, je m'appelle Melodie Tilson et je suis directrice des politiques à l'Association pour les droits des non-fumeurs. Je suis accompagnée de Pippa Beck, analyste principale en matière de politiques. Nous avons ensemble plus de 40 ans d'expérience relativement au contrôle du tabac.
    Notre organisme, l'Association pour les droits des non-fumeurs, est au premier plan des réformes visant le tabac au Canada depuis sa création en 1974; il mène des campagnes touchant la loi réglementant les produits du tabac et la loi qui lui a succédé, la Loi sur le tabac, du gouvernement fédéral et aussi pour un emballage neutre depuis 1994 — ce n'est donc pas l'Australie qui a donné en 2012 le coup d'envoi de l'adoption d'un emballage neutre par tous les États du monde, y compris le Canada; je tenais à corriger cette information erronée — et aussi pour que l'on ajoute aux emballages des messages relatifs à la santé soutenus par des images, une première mondiale, et les exemples sont nombreux.
    Nous vous demandons donc de tenir compte de notre vaste expérience touchant une réglementation efficace d'un produit nocif qui crée l'accoutumance, un produit que l'on fume, lorsque vous étudierez les enjeux d'une réglementation appropriée du cannabis et, en particulier, de l'emballage et de l'étiquetage de ces produits.
    Laissez-moi vous dire pour commencer que nous sommes ravis que le gouvernement ait reconnu l'importance d'adopter une approche axée sur la santé publique au moment de réglementer le cannabis. Une telle approche donne la priorité aux mesures visant la conservation et l'amélioration de la santé par la réduction des méfaits associés à la consommation du cannabis. Toutefois, si la vente de la drogue vise à générer des profits, la santé publique est menacée. Ne vous y trompez pas.
    Nous avons bien vu, dans le cas de l'industrie du tabac, ce qu'un secteur non réglementé est prêt à faire pour réaliser des profits. Les grands fabricants de tabac sont un vecteur de maladies, et leurs activités et comportements sont la cause d'une épidémie tout à fait évitable contre laquelle nous luttons toujours aujourd'hui. La légalisation du cannabis doit être imperméable aux intérêts commerciaux, à défaut de quoi le Canada pourrait se retrouver aux prises avec la nouvelle incarnation des grands fabricants de tabac, de grands fabricants de cannabis. De fait, les administrations qui ont déjà légalisé le cannabis ont recueilli des indications selon lesquelles ce risque est bien réel.
    Le gouvernement fédéral a la possibilité de tirer des leçons de la triste histoire du tabac et d'établir dès le départ, pour le commerce du cannabis, un cadre légal solide ou, du moins, plus solide.
    Donc, que suppose l'adoption d'une approche visant la santé publique quand il est question de la réglementation du cannabis? Nous sommes tout à fait d'accord avec les objectifs du gouvernement, soit d'empêcher les jeunes d'avoir accès au cannabis et protéger la santé et la sécurité publiques en établissant de rigoureuses exigences touchant ce produit. Soulignons que l'expansion du secteur et du marché du cannabis ne devrait pas faire partie des buts.
    Étant donné l'objectif de votre comité, je vais consacrer la plupart de mes remarques aux questions touchant l'emballage. Avant de commencer, cependant, j'aimerais attirer l'attention sur quelques autres aspects de la réglementation du cannabis où il serait souhaitable de mettre à profit les leçons tirées du contrôle du tabac.
    Si l'on veut empêcher les jeunes d'avoir accès au cannabis, nous allons devoir y consacrer des ressources adéquates pour faire respecter l'interdiction de vente à des mineurs et imposer, dans le cas de non-respect, des pénalités suffisamment élevées pour qu'elles aient un effet dissuasif.
    Pour protéger la santé publique, il faudra des mesures ciblant la fumée secondaire du cannabis. Il faudra donc inclure dans toutes les lois fédérales et provinciales sur les milieux sans fumée des dispositions relatives à la fumée du cannabis, comme l'a recommandé la Société canadienne du cancer et d'autres témoins qui ont comparu devant votre comité.
    Enfin, il est essentiel d'assurer une bonne éducation du public en ce qui concerne non seulement les risques liés à la consommation, mais également les risques liés à la fumée secondaire et les risques relatifs. Le public comprend très mal le fait que la fumée, c'est de la fumée, et que le plus grand risque tient à l'inhalation de la fumée, que ce soit de la fumée de tabac ou de cannabis, ou encore le fait que le vapotage est beaucoup moins dangereux pour la santé que le tabagisme.
    L'une des raisons qui expliquent que le Canada a réussi à faire baisser le taux de tabagisme tient aux initiatives à multiples volets que nous appliquons depuis des décennies dans le but d'ôter au tabac et aux produits du tabac leur caractère normal, puisque nous voulons que le tabagisme ne soit plus considéré comme un comportement normal en société. Cette évolution des normes sociales est indissociable des sévères restrictions imposées sur la publicité et la promotion du tabac.
    Le Groupe de travail sur la légalisation et la réglementation du cannabis a formulé la conclusion suivante, avec raison, dans un document de discussion:
Étant donné que les activités de commercialisation, de publicité et de promotion de la marijuana ne serviraient qu'à « normaliser » sa présence dans la société et encourageraient et augmenteraient sa consommation, il est proposé de les limiter formellement afin d'empêcher la consommation de marijuana à grande échelle et d'atténuer les méfaits qui y sont associés.
    Dans son rapport final, le Groupe de travail recommande que l'on impose des restrictions exhaustives à la publicité et à la promotion des produits du cannabis et que l'on exige un emballage neutre.
    Notre organisme est favorable à une interdiction complète de la promotion du cannabis, en permettant cependant une publicité informative dans les commerces interdits aux mineurs. Puisque l'emballage est une des principales formes de promotion, l'Association pour les droits des non-fumeurs est tout à fait en faveur de l'exigence que les produits du cannabis ne soient vendus que dans des emballages neutres.
    Cette recommandation touchant l'emballage neutre est fondée sur un grand ensemble de solides recherches, y compris des recherches sur les produits de consommation et des documents internes des producteurs de tabac.
(1620)
    On a réalisé plus d'une centaine d'études, dans au moins 10 pays, ce qui comprend les 25 études empiriques menées en Australie depuis que le pays a adopté l'emballage neutre et normalisé, il y a cinq ans et il y a aussi l'expérience des administrations qui ont déjà légalisé le cannabis.
    J'aimerais vous donner quelques exemples d'emballages du cannabis qui sont utilisés dans les pays où le produit est légal, mais où l'emballage n'est pas vraiment réglementé.
    Comme vous le voyez, la gamme des consommateurs visés est assez large; il y a des jeunes, comme cela ressort clairement de ces exemples, de jeunes adultes, mais aussi des consommateurs adultes plus avertis. Ce n'est pas étonnant que l'on dise qu'un produit est seulement un produit. La marque, c'est l'emballage. Si tous les autres moyens de promotion sont inaccessibles, il n'est pas étonnant que l'emballage devienne le véhicule de promotion le plus important. Les fabricants de cigarettes ont compris dès les années 1970 que le jour allait venir où ils ne pourraient assurer la promotion de leur produit que par le truchement de son emballage.
    Voici un extrait d'un document de l'entreprise British American Tobacco qui date de 1979:
[Traduction] Dans l'éventualité d'une interdiction complète [de la publicité], l'aspect visuel des paquets... revêt une énorme importance. [...] il faudra donc entreprendre des recherches poussées pour déterminer les symboles, les motifs, les couleurs, les éléments graphiques et toutes les autres caractéristiques de marque qui se révéleront les plus efficaces. L'objectif, c'est que les paquets puissent en eux-mêmes véhiculer tout le message associé au produit. 
    Les études de marché nous ont permis de réunir des éléments de preuve solides selon lesquels un emballage efficace entraîne une augmentation des ventes. Par exemple, lorsque les cafétérias scolaires ont commencé à vendre le lait dans des contenants en plastique plutôt que dans les contenants de carton traditionnels avec bec verseur que nous connaissons tous, les ventes ont fait un bond de 24 %. Les élèves affirmaient que le lait avait meilleur goût et, du jour au lendemain, c'était une boisson à la mode.
    La forme et la couleur sont deux éléments de la conception qui influent énormément sur l'image de marque et sur l'efficacité de l'emballage. C'est par la couleur de l'emballage qu'un cigarettier cible des sous-groupes spécifiques de la population.
    Le paquet de cigarettes Vogue Super Slims que voici est de couleur pastel à l'extérieur comme à l'intérieur. C'est un des meilleurs exemples qui soit d'une marque qui cible les jeunes femmes. Le nom de la marque, Vogue Super Slims, exploite clairement les préoccupations des jeunes femmes quant à leur image corporelle, « Slims » voulant dire « minces ». Notons également que c'est un petit paquet. Plusieurs études ont prouvé que les consommateurs avaient l'impression que les cigarettes vendues dans de petits paquets étaient moins nocives que celles vendues dans un paquet ordinaire. Les fabricants de tabac jouent en outre avec les dimensions du paquet pour déjouer les objectifs des messages relatifs à la santé imposés par le gouvernement, qui occupent un bon espace sur les paquets. Comme vous pouvez le voir, sur un paquet de si petite taille, l'image n'a pour ainsi dire aucun impact et le texte est illisible, en comparaison avec l'image et le texte d'un paquet à étui coulissant ordinaire.
    Puisqu'ils ne peuvent plus mettre à profit des éléments d'emballage pour promouvoir leurs ventes, les fabricants de tabac ont dû se faire plus créatifs quant à la marque et aux noms de la gamme de produits, et ils choisissent des noms qui connotent un style de vie auquel les gens aspirent, un risque réduit ou de fausses caractéristiques. Par exemple, les noms de marque LD Club Night et Peter Stuyvesant New York Blend évoquent tous les deux l'image d'un style de vie urbain et branché.
    Nous nous inquiétons de la possibilité que, si le Canada n'impose pas de restriction, les fabricants de produits du tabac procéderont de la même manière. Une rapide recherche sur Internet révèle quelques noms évocateurs, par exemple Suicide Girls, Pura Vida Health et Everyone Does it.
    Les recherches de plus en plus nombreuses sur l'emballage neutre et normalisé du tabac révèlent que cet emballage réduit la capacité de créer et de communiquer grâce à un paquet une image de marque, augmente l'efficacité des messages relatifs à la santé, réduit les possibilités de tromperie liées au paquet et, au bout du compte, entraîne une réduction du tabagisme. En fait, la prévalence du tabagisme en Australie, malgré ce que mon collègue a dit, atteint un creux historique, d'après une évaluation indépendante selon laquelle la réforme de la réglementation des emballages explique le quart de la diminution totale des taux de tabagisme observés au cours des trois années qui ont suivi la mise en oeuvre de cette réglementation.
    Puisque le gouvernement a déclaré qu'il avait l'intention d'adopter une approche axée sur la santé publique au moment de réglementer le cannabis, dans le but de réduire les méfaits, il serait justifié d'interdire totalement la promotion, de contrôler strictement les noms de marque et d'exiger que les produits du cannabis soient vendus dans des emballages neutres, sans aucun élément de promotion, allégation en matière de santé ou un quelconque énoncé faux ou prêtant à confusion. Les emballages de produits du cannabis ne devraient afficher que des informations essentielles.
    Pour terminer, nous voudrions que la légalisation et la réglementation des ventes de cannabis au Canada s'accompagnent d'un cadre de santé publique. Nous croyons que les mesures que nous avons proposées seront très efficaces et protégeront encore davantage les intérêts de la santé publique.
(1625)
    Comme l'a dit M. Hammond, « il est [beaucoup] plus facile d'assouplir la réglementation » visant la publicité, la promotion et l'emballage après coup, si c'est justifié, plutôt que d'essayer de serrer la bride à un marché florissant et à un secteur puissant.
    Merci. Nous allons répondre avec plaisir à vos questions.
    Merci; nous allons donc commencer une série de questions de sept minutes, et c'est évidemment le tour de M. Oliver.
    Je ne sais pas pourquoi, mais je vous remercie.
    Monsieur Hammoud, j'ai une petite question. Est-ce que l'association des dépanneurs ou les dépanneurs eux-mêmes reçoivent un financement direct des fabricants de tabac?
    Je suis désolé, pourriez-vous répéter la question?
    Est-ce que les dépanneurs ou leurs associations reçoivent un financement direct quelconque des fabricants de tabac?
    Si nous recevons du financement...? Nous sommes financés par les membres, tout comme Coca-Cola payerait son abonnement, tout comme...
    Recevez-vous un financement direct de l'industrie du tabac?
    Oui, mais vous présentez les choses comme s'ils étaient les seuls à nous donner du financement.
    Non, je vous le demandais, tout simplement.
    M. Mike Hammoud: D'accord.
    M. John Oliver: À l'heure actuelle, je crois que le tabac compte pour environ 40 % des ventes des dépanneurs.
    Si vous excluez l'essence et les services alimentaires...?
    Oui.
    Oui.
    D'accord. Donc, si nous voulions amener les gens à abandonner le tabac au moyen d'emballages neutres, cela aurait une incidence assez importante sur les affaires de vos dépanneurs?
(1630)
    Abandonner les emballages neutres...?
    Si nous cherchons à amener les gens à moins consommer de cigarettes ou à abandonner le tabac, et que nous utilisions pour cela des emballages neutres, cela aurait une très...
    Cela n'aurait aucune incidence.
    Cela aurait une incidence financière négative pour vous.
    Cela n'aurait aucune incidence financière sur nos affaires.
    Vous pourriez perdre jusqu'à 40 % de vos recettes, par commerce, et cela n'aurait aucune incidence sur vos affaires?
    Je ne vois pas comment vous en arrivez à dire que nos ventes diminueraient de 40 %. Pensez-vous que les gens cesseront du jour au lendemain de fumer à cause des emballages neutres?
    D'accord. Restons-en là.
    Cela n'a aucun sens.
    J'aimerais revenir sur la question des emballages neutres, c'est sur cela que mes questions se concentrent. Il y a quand même une bonne partie du projet de loi qui concerne l'emballage neutre, et au bout du compte, notre travail consiste à examiner le projet de loi et à prendre en considération les conseils que nous donnent des témoins comme vous. Avez-vous pris connaissance de la section 2, qui traite de la promotion, de la marque et du point de vente?
    La plupart des dispositions ont trait à l'interdiction de la communication ou de la publicité au sujet d'un produit lorsqu'elle « pourrait être attrayante pour les jeunes, […] au moyen d’attestations ou de témoignages, quelle que soit la façon dont ils sont exposés ou communiqués […], au moyen de la représentation d’une personne, d’un personnage ou d’un animal, réel ou fictif […] par leur présentation, ou celle de l’un de leurs éléments de marque, d’une manière qui les associe à une façon de vivre — comme une façon de vivre intégrant notamment du prestige, des loisirs, de l’enthousiasme, de la vitalité, du risque ou de l’audace — ou qui évoque une émotion […], positive ou négative, à l’égard d’une façon de vivre »
    Est-ce que cela fait l'affaire, selon vous? On permet quand même d'associer l'image de marque à certains produits, tout en interdisant réellement tout ce qui pourrait se révéler attrayant, surtout pour les jeunes. Est-ce suffisant?
    Ma question s'adresse à vous tous, monsieur Hammond, madame Tilson ou madame Beck.
    Je peux répondre, si vous le voulez.
    Je dirais qu'il y a déjà eu au Canada des restrictions semblables sur la mise en marché du tabac, avant que l'on envisage des emballages neutres. Le problème, et j'en ai parlé dans mon exposé, c'est que la responsabilité en incombait au gouvernement.
    Je ne crois pas que quiconque parmi nous sache combien de produits vont être mis sur le marché, mais j'imagine qu'il y en aura des milliers. Le problème qui se posera, c'est que le gouvernement aura à ce moment-là la responsabilité de contrôler l'image d'une marque particulière ou un logo particulier pour savoir si les jeunes les jugent attrayants; il devra donc prendre des mesures rétroactives, et cela est très difficile à faire pour un gouvernement.
    Tout ce qu'il faut faire si vous cherchez un certain nombre de paquets sur Google...
    Je ne dispose que de sept minutes. Pensez-vous que nous devrions être encore plus restrictifs, demander qu'il n'y ait aucune couleur, aucune marque...?
    Oui. C'est ce que l'on obtient avec des emballages neutres. Ils assurent la protection que nous cherchons à obtenir avec des mots.
    D'accord. Merci.
    Puis-je ajouter rapidement quelque chose? Les restrictions actuelles sont lamentablement inadéquates, dans le cas du tabac. Comme M. Hammond l'a dit, c'est ce que...
    Je voudrais savoir... Nous allons réexaminer le projet de loi, et je n'ai pas besoin de réponse au sujet du marché du tabac. Je parle de la loi en elle-même. Êtes-vous...
    Le libellé est le même que dans la Loi sur le tabac actuellement en vigueur. Et si elle ne fonctionne pas, c'est parce que Santé Canada lui-même répugne à faire respecter les politiques. Au Canada, les messages graphiques doivent occuper 75 % de l'espace d'un paquet, et voilà le genre de paquet que les fabricants de tabac mettent sur le marché.
    D'accord. Le projet de loi S-5, dans ce cas-là, qui a trait je crois aux produits du tabac et aux emballages neutres, interdirait le recours à des couleurs pour composer une marque de produit du tabac — pour mettre une marque en valeur —, et vous aimeriez mieux que l'on supprime les couleurs, que l'on supprime la marque... vous voudriez que l'on ajoute cela aux dispositions actuelles. C'est juste?
    Des phrases claires, de façon qu'il n'y ait aucun logo, aucun élément associé à l'image de marque, seulement un nom de marque.
    Pas de couleur, seulement...
    Juste le nom de la marque et les informations nécessaires.
    D'accord
    Concernant les renseignements nécessaires, je sais qu'il s'agit des avertissements relatifs à la santé, et je suis tout à fait d'accord. C'est dangereux... Cette semaine, nous avons entendu de nombreux témoignages au sujet des risques de la marijuana pour les jeunes, en particulier, mais pour tout le monde aussi. En même temps, je viens de jeter un coup d'oeil sur le guide de la marijuana du Colorado. Les gens qui désirent consommer de la marijuana — des adultes — des gens qui prennent en toute connaissance de cause la décision d'en consommer, une fois que c'est légal — ce guide les aide à trouver les variétés qui conviennent le mieux s'ils désirent avoir plus d'énergie, dormir mieux, contrôler la douleur, réduire leur anxiété, et connaître la teneur en THC, en CBD, en CBN et en CBG. Je ne sais pas exactement de quoi il s'agit, mais j'imagine que ces substances sont importantes pour qui veut savoir quels seront les effets d'une variété de marijuana ou d'une autre.
    Seriez-vous d'accord pour que ces renseignements soient fournis aux consommateurs, de façon qu'ils puissent savoir quelle est la teneur en THC, en CBD, en CBN et en CBG d'un certain produit?
    Ma question s'adresse à M. Hammond ou à Mme Tilson.
(1635)
    Je crois qu'il est tout à fait approprié d'indiquer sur l'étiquette quelle est la teneur en THC et en certains cannabinoïdes, en tant qu'éléments et il existe une mine d'information sur l'usage et sur les différentes variétés. Il n'est pas nécessaire que le fabricant ou que le gouvernement les communique. Les consommateurs les communiqueront eux-mêmes, puisqu'il existe des périodiques, toutes sortes de choses comme cela. Mais, dans l'absolu, je crois qu'il est raisonnable d'inclure des choses comme la teneur en THC. Comme je l'ai déjà dit, vous devez trouver un moyen efficace de le faire.
    Je me demandais comment on peut savoir ce qui se trouve dans un produit, étant donné les différentes quantités, s'il n'y a pas d'identificateur de la marque? Madame Tilson, madame Beck, pourriez-vous dire quelque chose à ce sujet?
    À notre avis, en plus du nom de la marque, l'emballage devrait indiquer la variété de cannabis, la teneur en THC et en CBD, le volume de produit que l'emballage contient, les renseignements de base sur le fabricant et, bien sûr, un avertissement relatif à la santé et les autres informations que le gouvernement impose.
    En somme, on ôte la couleur du nom de marque, voilà ce que nous faisons. C'est cela que nous devrions ajouter au projet de loi.
    Cela va bien plus loin que la couleur. On parle aussi de police de caractères de fantaisie. On parle de la forme et des dimensions du paquet, de son mécanisme d'ouverture; toutes ces caractéristiques qui constituent l'image de marque. Il ne s'agit pas seulement de couleur. Il y a dans le document utilisé pour la consultation du gouvernement une liste de restrictions très complète qui a trait aux emballages neutres; je vous le recommande.
    Il n'y a pas de formulation précise dans le projet de loi S-5. Elles se retrouveront dans le règlement.
    Merci.
    Votre temps est écoulé.
    Monsieur Webber.
    Madame Tilson, où avez-vous pris les articles que vous nous avez montrés?
    Ces paquets sont tous vendus au Canada.
    Il s'agit de toute évidence de cannabis illicite ou de... cigarettes.
    Il s'agit de ces deux choses-là. Toutes ces cigarettes sont vendues sur le marché légal. Je les ai apportées pour vous montrer comment les intervenants de ce secteur arrivent à contourner les restrictions sur l'emballage qu'ils disent pourtant être très sévères, aussi à titre d'argument en faveur d'un emballage neutre et normalisé. Si l'on ne fait pas respecter une exigence absolument stricte, le secteur continuera à innover et à trouver des moyens d'attirer les jeunes en induisant les consommateurs en erreur quant au risque que présente le produit. Rien ne permet de penser que le secteur du cannabis ne procéderait pas de la même manière.
    Je vois sur celui-là ce qui semble être une feuille de cannabis, sur le devant. Est-ce qu'il s'agit de tabac?
    Non, ce sont des images que nous avons prises sur Internet. Ces produits sont vendus aux États-Unis, dans les États qui n'ont pas adopté de règles strictes touchant l'emballage et l'étiquetage.
    Pouvons-nous les faire circuler?
    Oui.
    Est-ce qu'il s'agit de tabac ou de cannabis?
    Ça, c'est du cannabis, et ça, du tabac. Je suis désolée de la confusion.
    Mike Hammoud, vous avez dit qu'à votre avis, il fallait permettre les images de marque parce qu'il est plus difficile pour le monde interlope de les copier et de les contrefaire. Est-ce que c'est la principale raison pour laquelle vous pensez qu'il faut permettre les images de marque? Je sais que vous avez dit que les emballages génériques n'étaient pas un outil efficace et qu'il fallait permettre les images de marque. Est-ce que c'est parce que...
    Quand quelque chose est facile à fabriquer... Je sais que nous nous comparons aux autres pays du monde, mais le cas du Canada est unique, puisque nous affichons un des taux les plus élevés du monde quant à la contrebande de produits du tabac, nous avons acquis de l'expérience dans le domaine de la vente du tabac... J'ai moi-même vendu pendant plus de 30 ans des produits du tabac dans mes dépanneurs. Mes frères et moi, ainsi que mes parents, travaillons dans ce domaine depuis environ 40 ans. J'ai l'expérience de la vente du tabac. Je sais quels changements notre secteur a connus au cours des 40 dernières années. Nous comptons aujourd'hui bien moins de fumeurs qu'il y a 10 ans, et nous avons obtenu ce résultat en collaborant avec les gouvernements et en agissant.
    L'interdiction frappant l'étalage des produits a obligé les commerces de détail à prendre des mesures fastidieuses, mais nous n'avons observé aucune différence quant aux ventes de tabac, et je crois qu'on peut difficilement dire autre chose, à moins de travailler dans ce secteur. Le seul résultat de cette interdiction, c'est le préjudice causé aux détaillants qui ont dû fournir des efforts supplémentaires pour trouver les moyens de respecter cette exigence. Si l'on parle d'emballages neutres, cela veut dire, selon nous, que le gouvernement veut que les gens abandonnent un produit illicite pour se procurer plutôt un produit licite, alors il faudrait qu'ils puissent distinguer les produits licites des autres.
(1640)
    Oui.
    Si vous voulez que le produit ait l'air illégal, vous devriez le laisser dans l'illégalité. Quelle est la différence? Il devrait être possible de mettre un produit sur le marché et d'avoir des assurances quant à sa qualité; il faudrait aussi prendre des mesures pour que ce produit soit visiblement légal. Voilà pourquoi il est là.
    Nous comptons déjà au pays plus de 50 usines de production de tabac.
    Certainement.
    Et elles vendent leurs produits illégalement. Ne croyez pas un seul instant que, dès le moment où vous présenterez un paquet normalisé... pensez-y un instant. Vous allez présenter un paquet normalisé que tout le monde pourra facilement reproduire. Qu'est-ce qui empêcherait les gens de copier le produit? Et si vous procédez de la même manière qu'avec le projet de loi S-5, vous dites que ce qui se trouve dans le paquet n'aura pas besoin d'être étiqueté non plus.
    Alors, comment allez-vous distinguer, dans le contenu du paquet, ce qui est légal de ce qui est illégal, si l'emballage est neutre? Ça n'a aucun sens.
    Madame Beck.
    Comme je l'ai déjà dit, l'emballage du cannabis, comme nous le réclamons dans le cas du tabac, sera neutre et normalisé, mais nous ne voulons pas dire par là que le cannabis sera vendu dans des sacs, comme sur le marché illicite. L'emballage posséderait les caractéristiques dont nous avons parlé. Il est important en outre de souligner qu'on y apposera un timbre de taxation doté de caractéristiques visibles et secrètes, et qu'il en sera de même pour le cannabis; ainsi, les consommateurs pourront savoir de quoi il est question puisqu'ils verront le timbre de taxation.
    J'aimerais aussi vous faire savoir que des études ont été réalisées en Australie après l'adoption des emballages neutres et normalisés. Notre collègue a affirmé que cet emballage était une source de confusion et que cela ralentissait les affaires des détaillants; pourtant, des études ont été faites sur cette question, et les détaillants sont des gens intelligents; ils ont pu très rapidement s'adapter aux changements. L'expérience australienne a été très positive, et un bon volume de données probantes étaye ces déclarations.
    J'aimerais faire un dernier commentaire au sujet du marché noir de l'Australie. Toutes les données probantes crédibles qui ont été réunies montrent qu'il n'y a pas eu d'augmentation de la contrebande. Les seules sources qui affirment qu'il y a eu une augmentation dans ce marché sont des sources financées par l'industrie du tabac; je pense en particulier aux rapports de KPMG, qui sont assortis d'une mise en garde disant que le rapport ne doit être utilisé à aucune autre fin que celle prévue par le bailleur de fonds, étant donné que le mandat donné était si étroit qu'il était impossible de tirer des conclusions générales.
    D'accord.
    Vous avez parlé des noms de marque. Quand vous utilisez cette expression, pensez-vous au nom du producteur inscrit sur le paquet? Que voulez-vous dire par nom de marque? Parlez-vous du producteur ou du nom particulier qu'il a donné à un produit? Je ne sais pas de quoi vous parlez.
    Il y a le fabricant, Imperial Tobacco dans le cas des produits du tabac, et le nom de marque, Player's. Il y aurait donc le nom du fabricant, dans le cas du cannabis...