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PROC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre


NUMÉRO 094 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 22 mars 2018

[Enregistrement électronique]

  (1110)  

[Traduction]

     La séance est ouverte.
    Bonjour et bienvenue à la 94e séance du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. Nous poursuivons aujourd’hui notre étude sur l’utilisation des langues autochtones dans les délibérations de la Chambre des communes.
    Néanmoins, je voudrais d'abord parler brièvement des travaux du Comité. Jeudi prochain, comme la Chambre suivra l'horaire du vendredi, ce qui nous ferait siéger pendant la période des questions, je suppose que nous voudrons peut-être reporter cette réunion. Quelqu’un s’y oppose-t-il?
     Des voix: Non.
    Le président: Deuxièmement, j’ai ici une lettre de M. Christopherson que je vais lire pour le compte rendu.
Je tenais simplement à vous adresser une brève note, à vous et à nos collègues du Comité, pour vous dire que j’ai beaucoup apprécié le temps que j’ai passé au Comité de la procédure et des affaires de la Chambre et que l’occasion de travailler avec un groupe de députés aussi passionnés et dévoués me manquera beaucoup. Je suis fier du travail que nous avons accompli, et bien que les membres du Comité n’étaient pas toujours d'accord, nous avons toujours fait de notre mieux pour trouver un terrain d’entente.
Le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre est vraiment un comité spécial et je sais que vous continuerez tous de faire un excellent travail au nom de tous les parlementaires et des Canadiens.
Je tiens à vous remercier tout particulièrement, Larry, pour votre excellent travail en tant que président. Il n’était pas facile de succéder à Joe Preston, mais vous avez été à la hauteur et vous contribuez largement au succès de notre comité. Et bien sûr, je tiens à remercier notre personnel et nos analystes dont le professionnalisme et les connaissances nous font toujours paraître plus intelligents que nous le sommes parfois.
Merci encore une fois et bonne chance au Comité pour ses travaux futurs.
Sincèrement,
David Christopherson, député

Centre Hamilton
    Le premier témoin d’aujourd’hui est Mme Georgina Jolibois, députée de Desnethé—Missinippi—Rivière Churchill. Mme Jolibois va faire sa déclaration d’ouverture en déné, et nous avons, encore une fois, pris des dispositions pour l’interprétation dans les deux langues officielles.
    Bienvenue à notre comité, madame Jolibois. Vous pouvez maintenant faire votre déclaration préliminaire. Merci beaucoup d’être venue. Mahsi cho.
     Merci. Je suis heureuse d’être ici.
    Ce matin, c’est une belle journée. Je suis heureuse d’être ici parmi vous. Je remercie le Comité de la Chambre. Merci de me permettre de parler ma langue. Je remercie les membres du Comité de m’avoir donné l’occasion de parler ma langue.
    Si je m'exprime ici dans ma langue, c’est que lorsque nous siégeons à la Chambre des communes, je n’ai pas le droit de parler ma langue dénée. Je parle anglais et je ne parle pas français.
    Ce dont je veux vous parler, c’est d’où je viens, de ma culture et de mon travail.
    Je suis née à La Loche, en Saskatchewan. Mes parents m’ont élevée dans ma culture dénée. C’est pourquoi je suis une Dénée.
    Je suis ici pour vous demander d'autoriser l'usage de la langue déné à la Chambre des communes. C’est pourquoi je suis ici. Je vous en suis très reconnaissante.
    Il m'est difficile de parler ma langue déné avec mes collègues libéraux ou le député Romeo Saganash.
    Lorsque je viens à Ottawa, je ne vis pas de la même façon que lorsque je retourne dans ma collectivité. J’ai été maire de La Loche pendant 12 ans. J’ai été là pendant longtemps pour aider la collectivité de La Loche. J’ai beaucoup travaillé pour ma collectivité.
    En 2015, je suis entrée en politique pour être députée de Desnethé—Missinippi—Rivière Churchill. J’ai été élue pour être ici aujourd’hui. Je suis membre de la communauté dénée de La Loche. À La Loche, ma collectivité, nous parlons le déné, nous vivons notre culture. Nous sommes entourés de médias, de télévision. Nous recevons la chaîne CBC depuis 1979. À part cela, il n’y avait rien. Nous avons appris Ô Canada en écoutant CBC.
    Dans le cadre de ma culture, mes grands-parents m’ont enseigné notre mode de vie traditionnel, c’est-à-dire à pêcher, à piéger des lapins, à poser un filet de pêche. Nous avons survécu grâce à cela. C’est notre source de nourriture.
    J’ai obtenu mon diplôme d’études secondaires, de 12e année, à La Loche. J’ai toujours parlé le déné avec mes camarades de classe. À l'âge adulte, j’ai appris l’anglais. Une fois mon diplôme d’études secondaires en poche, je suis allée à l’université. J’ai déménagé à Saskatoon. En vivant dans une grande ville, j’ai appris à parler davantage l’anglais. Je poursuis mon apprentissage de l'anglais, et je suis également fière de parler cette langue.

  (1115)  

     Là où je vis, il y a des gens qui parlent la langue crie, la langue michif et la langue dénée. Quand je retourne dans ma collectivité, nous parlons constamment la langue dénée. Il y a pas mal de gens qui parlent cette langue dans notre région, dans ce que nous appelons le nord de la Saskatchewan. Fond du Lac, Black Lake et Hatchet Lake sont des collectivités dénées. Patuanak, Dillon et Turnor Lake sont également des collectivités dénées.
     Il y a aussi des Dénés au Manitoba. En Alberta, il y a des Dénés qui vivent près de la Saskatchewan. Dans la région des Territoires du Nord-Ouest, il y a aussi des Dénés.
     C’est très important, et je suis heureuse que nous soyons réunis ici pour en parler — pas seulement moi, mais tous ensemble — avec des gens qui nous regardent, pour que les enfants nous comprennent et nous regardent, pour dire que c’est ce que nous avons fait, et aussi, en ce qui concerne le système d’éducation, pour dire que c’est ce que nous demandons et ce que nous faisons pour notre langue. C’est difficile.
    Ce que je veux dire, c’est que lorsque j’ai été élue députée, lorsque je me suis présentée, pour la première fois, aux élections à la Chambre des communes, les gens m'ont demandé de parler le déné à la Chambre des communes. C’est ce qu’ils m’ont dit. C’est pourquoi cela me tient toujours à coeur aujourd’hui. C’est parce que je suis maintenant une députée. Je le suis depuis peu de temps et je n'ai pas oublié que les électeurs m’ont demandé de parler le déné au Parlement.
    La personne qui parle la langue dénée est ici. Nous avons grandi ensemble dans la même collectivité. Nous parlons tous les deux le déné et l’anglais. La personne qui est assise ici comprend l’anglais, et elle se trouve bien loin de chez elle.
     Je suppose que beaucoup de gens connaissent les Dénés. Je ne serai pas la seule Dénée à la Chambre des communes. Il y a beaucoup de Dénés, de jeunes. S’ils veulent devenir députés à l’avenir, s’ils sont inscrits sur le bulletin de vote, ils pourraient gagner. C’est pour leur donner une chance que je fais cette demande. C’est pour l’avenir, pour que nos Dénés nous regardent et soient fiers de ce que nous faisons.
    Il arrive parfois que nous ne soyons pas tous d’accord. Nous sommes allés dans les établissements d’enseignement pour parler de la langue dénée. Si nous le faisons ensemble, ici au Canada, nous sommes nombreux — pas seulement les Dénés, mais aussi les gens qui parlent la langue crie. Il y a beaucoup d’Autochtones au Canada. Il y a beaucoup d’Autochtones dans les provinces, à Terre-Neuve et dans les Territoires du Nord-Ouest, ainsi qu’au Nunavut et au Yukon. Il y a aussi beaucoup d’Autochtones en Colombie-Britannique. Ils souhaitent tous parler leur langue et parler de leur langue au Canada.
     Je suis une députée et une citoyenne canadienne de La Loche, en Saskatchewan. Je me souviens de ce que mes grands-parents nous ont enseigné il y a longtemps et de ce qu’ils disaient. L’un d’eux était un chef.

  (1120)  

     Ils nous ont toujours dit de ne pas oublier que la langue que nous parlons définit qui nous sommes. Si vous avez l’occasion de parler le déné, vous parlez le déné. C’est pourquoi, au Canada... Je pourrai vous parler en anglais après cela.
    Si nous prenons un engagement, nous pourrons vraiment faire tout notre possible pour la jeune génération, et même pour les adultes. Nous pouvons leur parler pour leur dire d’avoir un esprit fort, un coeur fort, et de se rappeler d’où ils viennent. C’est ainsi que nous serons au Canada. Nous sommes ici ensemble, nous sommes fiers et nous travaillons ensemble.
    Les Autochtones parlent aussi la langue michif. Louis Riel pensait probablement la même chose. C'est l’occasion pour nous d’obtenir quelque chose. Les gens disent que pour obtenir quelque chose des élus, il faut le leur demander, mais je pense que nous pouvons faire cela ensemble.
    L’interprète vient de ma collectivité. Il est allé à l’école, et il n’y a pas que lui. Il y a beaucoup de gens dans notre collectivité qui peuvent parler et traduire le déné. Il y a Allan Adam et Cheryl Herman.
     Si nous joignons nos efforts, nous pouvons le faire ensemble, et c'est aussi dans votre intérêt. Je suis heureuse d’être ici avec vous. Je vais le répéter. Au Canada, je sais qu’il n’est pas facile de demander la possibilité de parler la langue des Dénés. Ce n’est pas seulement moi. Nous devons trouver une façon d'y arriver. C’est pourquoi je soulève la question aujourd’hui.
    Merci beaucoup. Je suis prête à répondre à vos questions.
    Meegwetch.
    Je souhaite également la bienvenue à Kennedy Stewart et à l’interprète de la langue dénée.
    Merci beaucoup. C’est un plaisir de vous accueillir. Cette deuxième journée marquera l'histoire de nos réunions.
    Nous allons veiller à ce que chaque parti ait au moins droit à un tour, mais pouvez-vous faire preuve de générosité en partageant votre temps de parole si d’autres membres de votre parti désirent intervenir?
    Allez-y, monsieur Graham.

  (1125)  

    Merci d’être ici. Merci d’avoir porté cette question à notre attention comme vous l’avez fait. Je l’apprécie beaucoup.
    Comme je l’ai dit à notre collègue, M. Saganash, il y a deux jours, je crois, le droit de parole existe déjà, mais le plus important est le droit d’être compris. C'est, je pense, un droit que nous devons aborder, et notre étude est très importante à cet égard.
    Une chose que nous avons apprise et qui nous a tous étonnés, c’est qu’en cri, il n’y a pas de mot pour député. J’ai entendu dire dans l'interprétation que vous continuiez à dire « député » en déné. Y a-t-il un mot autre qu'anglais, en déné, pour désigner un député?
Mme Georgina Jolibois (Traduction de l'interprétation):
    La façon dont nous parlons et comprenons notre langue, la façon dont je vous parle en ce moment, c’est par observation. Parfois, c’est difficile à traduire. Lorsque nous parlons d'un « député », nous parlons de quelqu'un qui fait partie du gouvernement, des hautes instances gouvernementales ou d'une personne qui s’occupe de formalités administratives.
    [Note de la rédaction: difficultés techniques]
Mme Georgina Jolibois (Traduction de l'interprétation):
     [Note de la rédaction: difficultés techniques]
    L’une des particularités de notre système, c’est que lorsque mon micro est allumé, je n’entends plus l'interprétation. Je vais devoir m’assurer qu’il est bien éteint.
    Pouvez-vous me donner une idée de la population du pays dont la langue maternelle est le déné? Y a-t-il des chiffres?
Mme Georgina Jolibois (Traduction de l'interprétation):
    Dans ma collectivité de La Loche, je suis fier que nos enfants apprennent à parler anglais. C’est facile pour eux d’apprendre l’anglais, mais dans notre collectivité, les enfants qui sont dans la réserve parlent encore le déné. Dans les Territoires du Nord-Ouest, en Alberta et au Manitoba, il y a des Dénés. Ils parlent encore la langue dénée dans leurs communautés. Au moins 5 000 personnes parlent encore le déné dans cette région.
     Merci.
    Selon vous, quel est le processus que nous devons suivre? Quelles mesures sont nécessaires pour s’assurer que les langues qui doivent être parlées à la Chambre sont bien soutenues? Qu'envisagez-vous? Quelles idées avez-vous à proposer?
Mme Georgina Jolibois (Traduction de l'interprétation):
    Aujourd’hui, je suis la seule à parler le déné parmi les députés ici présents. Des gens sont là pour que nous puissions parler notre langue, la traduire, en parler. Je pense qu’il sera facile de parler nos langues à la Chambre des communes. Je pense qu’il sera facile de parler le déné au Parlement. En Saskatchewan, les Dénés peuvent être élus et parler ma langue. Nous l’avons déjà fait. Ce sera plus facile.
    D’après moi, les gens qui travaillent à la Chambre des communes vont voir ce que vous avez fait dans ce comité, les recherches sur le sujet. Ils examineront ce qui a déjà été accompli et diront: « C'est également réalisable à la Chambre des communes. »

  (1130)  

    En ce qui concerne les langues — parce qu’il y a beaucoup de langues autochtones au pays, pas trois ou quatre — qu’est-ce qui serait raisonnable? L'interprétation de n'importe quelle langue devrait-elle être disponible sur demande? À long terme, comment voyez-vous cela? Combien de langues devraient être disponibles, et comment devrions-nous procéder?
    Pour le moment, au début, jugez-vous raisonnable de devoir donner un préavis pour s'assurer qu’un interprète sera disponible quand vous interviendrez pendant la période des questions ou à tout autre moment, et l'interprétation devrait-elle être bidirectionnelle?
Mme Georgina Jolibois (Traduction de l'interprétation):
    Qu’entendez-vous par « bidirectionnelle »?
    À l’heure actuelle, nous avons une quatrième chaîne sur notre système d’écoute. Si vous passez au canal 4, il est écrit « Den » pour le déné, mais je ne crois pas que quelqu’un interprète dans l’autre sens en ce moment. C’est juste un exemple.
Mme Georgina Jolibois (Traduction de l'interprétation):
    Je suis ici, oui, mais il n'y a pas que moi. Il y a aussi la personne qui va m’interpréter. Nous devons demander ce service à l’avance et prendre les dispositions nécessaires pour que la personne qui va m’interpréter fasse le voyage de la Saskatchewan à Ottawa. À l’avenir, lors des élections de 2019, quiconque sera élu viendra au Parlement et il y aura peut-être un Déné ici. Il pourrait être difficile de parler le déné si la question de l'interprétation en déné n'est pas encore réglée. Néanmoins, ce sera peut-être plus facile à l'avenir grâce à la technologie, et pas seulement pour la langue dénée. Il y aura peut-être deux ou dix Dénés qui siégerons ici. À l’avenir, ce sera peut-être plus facile.
    Lorsque vous êtes arrivée comme députée, quelqu’un vous a-t-il demandé, lors des séances d'orientation, quelles langues vous parliez à part l’anglais et le français?
Mme Georgina Jolibois (Traduction de l'interprétation):
    Non. Personne ne m’a posé la question. Je parle anglais. C’est facile pour moi de parler anglais. Certains pensent que je ne parle que l’anglais. Lorsque j’en ai eu l’occasion, lorsque j’ai été élue, j’ai parlé le déné avec les néo-démocrates avec qui je travaille.
    Merci.
    Allez-y, monsieur Reid.
     Monsieur le président, cette fois-ci, est-ce un tour de sept minutes?
    Oui, mais partagez-le si nécessaire, car nous ne reviendrons peut-être pas à vous.
    Nous n’aurons peut-être pas un deuxième tour. Très bien, je vais essayer d’en tenir compte.
     Je tiens à dire que, même si je ne le savais pas à l’époque, ma première expérience avec la langue dénée remonte au milieu des années 1980 lorsque j’ai aidé à organiser ce qu’on appelle la conférence du Commonwealth étudiant. Des élèves du secondaire en provenance des quatre coins du pays sont venus en avion à Ottawa pour assister à une réunion simulée des chefs de gouvernement du Commonwealth. Nous avons accueilli quelques enfants de Fond du Lac pendant un certain temps. Je me souviens seulement que ces enfants étaient très gentils et que ce sont maintenant des gens d’âge mûr comme moi. Quoi qu’il en soit, c’était ma première expérience.
    J’aimerais commencer par quelques questions sur la compréhension de la langue. C'est en partie parce que je suis d'un naturel curieux. Bien sûr, il y a beaucoup de langues autochtones au Canada. Certaines ont un très petit nombre de locuteurs et sont considérées par l’UNESCO comme étant en danger. Il y a un classement pour déterminer si une langue donnée est en danger, allant de vulnérable à sérieusement en danger, en passant par gravement en danger. D’autres, me semble-t-il, sont dans une position telle que leur viabilité à long terme est très solide.
    J’aimerais savoir si vous pensez que la langue dénée est menacée ou si elle a de bonnes chances de survivre compte tenu de la démographie?
Mme Georgina Jolibois (Traduction de l'interprétation):
    Je vous dirais que j'éprouve de la fierté quand je retourne dans ma communauté du nord de la Saskatchewan, que ce soit à Fond du Lac, à Black Lake, à Hatchet Lake ou à La Loche, et dans les collectivités avoisinantes comme Dillon, Patuanak et Cold Lake, en Alberta. Les enfants, les adultes, tout le monde parle bien l'anglais. Nous parlons notre langue dans le Grand Nord, les gens écrivent dans leur langue, mais comment pouvons-nous préserver cela? Nous nous battons très fort pour cela.
    Quant à la façon dont j'envisage l'avenir, je pense que tant que nous vivrons, nous garderons notre langue vivante.

  (1135)  

    Désolé du retard. C’est à cause de l'interprétation.
    J’ai jeté un coup d'oeil sur les articles de Wikipedia. J’ai consulté Wikipedia et j’ai d’abord tapé « Dene language ». Cela m’a renvoyé à « Chipewyan ».
    Quelle est la distinction entre les Dénés et les Chipewyans?
Mme Georgina Jolibois (Traduction de l'interprétation):
    Je suis une personne dénée Tsuut’ina. Lorsque nous parlons de nous, nous disons que nous sommes des « Dénés Tsuut’ina ». Le peuple cri nous a donné le nom Chipewyan. Par le passé, là où vivaient les Dénés, ils portaient des chapeaux pointus. Cela vient de la façon dont nous étions habillés. Nous n’utilisons pas le mot « Chipewyan ». Nous parlons des Dénés.
    J’ai l’impression que cela s'est produit souvent au cours de l'histoire. Lorsque les Européens sont arrivés, ils ont demandé aux gens qu’ils avaient déjà rencontrés qui étaient ces autres gens là-bas, puis ils ont adopté le nom qui a été donné par un groupe de l’extérieur au sujet d’un autre groupe.
     On dirait bien que c’est ce qui s’est passé.
Mme Georgina Jolibois (Traduction de l'interprétation):
    Avec la venue des gens de la Compagnie de la Baie d’Hudson, des prêtres et des francophones, une partie de notre langue est en français. Nous avons adopté des mots français, par exemple pour le pain. Nous disons aussi « beaucoup ». C’est ainsi que nous avons appris notre langue. Les prêtres qui sont restés avec nous et qui ont vécu avec nous ont appris à parler le déné, et ils ont parlé avec nous.
     Ce n’est plus le cas. Lorsqu’ils viennent de leur pays, certains prêtres ou missionnaires utilisent leur première langue, puis ils apprennent à parler le déné. Le prêtre qui se trouve actuellement à La Loche parle la langue dénée. Notre évêque parle aussi le déné. Il offre également des services dans notre langue. Le personnel scolaire parle aussi le déné. C’est ainsi que nous parlons notre langue ensemble et que nous la comprenons.
     J’ai une dernière question. Je pense avoir utilisé tout le temps de parole de mon parti.
    J’ai une dernière question qui porte précisément sur la présence d’un interprète. Si j’en ai l’occasion, je vais poser la question suivante à notre prochain témoin.
     Je ne sais pas si c’est vrai pour les Dénés, mais certaines langues comprennent des dialectes différents qui sont, dans une certaine mesure, mutuellement compréhensibles, ou qui ne le sont pas. C’est vrai dans n’importe quelle langue — anglais, français, allemand. Je ne sais pas si c’est vrai pour les Dénés. Étant donné que vous avez été élue députée, si nous essayons de créer des installations d'interprétation, devrions-nous nous en remettre à vous pour trouver une équipe d'interprètes et déterminer qui pourra le mieux interpréter les délibérations parlementaires lorsque vous parlerez en langue dénée?
Mme Georgina Jolibois (Traduction de l'interprétation):
    Je pense que c’est facile, parce qu’il y a beaucoup de personnes qui peuvent parler notre langue dénée et l'interpréter pour nous. Il y en a une ici.
    Nous conservons notre langue en tenant à la parler. Nous parlons bien l’anglais et le déné, non seulement en Saskatchewan, mais aussi au Manitoba et dans les Territoires du Nord-Ouest. Je pense que c’est la même chose en Alberta.
    Pour répondre à votre question, nous comprenons deux dialectes, le dialecte « t » et le dialecte « k ». En tant que Dénée, j’utilise le dialecte « t ». Dans le Grand Nord, il y a un dialecte « k ». Lorsque nous disons « allons », nous utilisons le mot « t », et dans le Grand Nord, on utilise le dialecte « k ». Il y a des différences dans la façon de dire les mots en déné.

  (1140)  

    Merci beaucoup.
    Mahsi cho.
    C’est au tour de M. Stewart.
    Merci. Merci de votre exposé et merci de votre accueil.
    J’ai grandi dans une région rurale de la Nouvelle-Écosse, et jusqu’à l’âge de 14 ans, j’avais une sorte de concept de nation unique du Canada. On m’a dit que John A. Macdonald n’a pas réussi à avoir un gouvernement unitaire et que nous avons fait des compromis. Puis, dans le contexte du référendum sur la souveraineté-association et des pourparlers constitutionnels, en 1982, je me suis rangé à l'idée d'un Canada formé de deux nations.
    Ce n’est qu’en 1993, avec le lac Meech, lors de mon retour à l’université, que j’ai été initié à l’idée d’un Canada formé de trois nations, et je pense que je souscris entièrement à ce principe maintenant. Mes idées ont évolué et ce que vous nous présentez aujourd’hui représente concrètement le concept des trois nations du Canada.
    Par exemple, à la Chambre, nous disposons de l’interprétation en anglais et en français, ce qui renforce l’idée de deux nations, mais quand on parle d’un concept de trois nations — la troisième nation étant, bien sûr, constituée de nombreuses nations autochtones —, comment pouvons-nous répondre à cela? Comment pouvons-nous refléter ce concept dans nos institutions? C'est pourquoi ces discussions sont si importantes. C’est parce que c’est ce que nous faisons ici. Nous discutons de la façon d’avoir un Parlement où nous parlons de notre avenir et de la façon dont cela se refléterait dans nos activités quotidiennes.
    Je vous remercie donc vivement de l'expérience que nous faisons ici aujourd'hui. Cela nous permet de voir ce que nous pourrons accomplir, je l'espère, en tant que pays.
    J’ai une question pour vous. Comment voyez-vous les choses, et dans quelle mesure croyez-vous que nous obtiendrons une reconnaissance égale des fondateurs du Canada?
Mme Georgina Jolibois (Traduction de l'interprétation):
    Merci de me poser cette question. Je pense beaucoup à cela, à la façon dont je vais parler le déné à la Chambre des communes. Je suis une députée, et vous êtes également des députés. C’est différent quand je parle ma langue. Certaines personnes parlent anglais et français. D’où je viens, dans ma collectivité, nous considérons — étant donné la façon dont nous avons grandi en tant qu’Autochtones, en tant que peuple déné, en tant que peuple métis, en tant que gens qui vivent dans le Nord — que nous sommes le premier peuple. Nous avons grandi ici. Nous avons vécu ici.
    Lorsque vous parlez de trois nations, je vais vous dire ce que nous en pensons. Il devrait y avoir quatre nations, selon moi. Il y a des gens qui sont venus ici et qui vivent ici, des gens qui vont travailler ici. Lorsque nous disons « d’un océan à l’autre » de Terre-Neuve à la Colombie-Britannique, nous aidons les gens qui viennent ici, certains apprennent l’anglais et on leur accorde la citoyenneté canadienne pour leur donner la chance de vivre ici. Je considère qu’ils forment une troisième nation.
    Il y a beaucoup de Dénés et de Métis ici. Il serait difficile de tenir compte de nos origines. Lorsque nous parlons, nous disons « de nation à nation ». La façon dont je vois les choses, dont nous les voyons, c'est que pour le déné et la langue crie, nous sommes toujours relégués à l’arrière-plan. Dorénavant, assis ici, à l'avant, nous voulons travailler ensemble pour les jeunes. De quelle origine? C'est ce que disent les Autochtones, même ceux du Grand Nord. Même les Métis disent qu'il faut se battre pour cela. C’est ainsi que je vois les choses.

  (1145)  

    Excellent. Nous n’avons pas beaucoup de temps, mais je me demande s’il y a d’autres choses que vous n’avez peut-être pas encore pu dire, des choses auxquelles les questions vous ont fait penser, ou un sujet que vous n’avez peut-être pas pu aborder dans votre exposé préliminaire.
Mme Georgina Jolibois (Traduction de l'interprétation):
    Je vais le répéter. Les choses sont faciles de nos jours. En nous réunissant, en utilisant la technologie, nous avons beaucoup appris en en discutant quelque soit l'endroit où nous nous trouvions. Pour cette raison, en parlant le déné au Parlement et en créant un poste d’interprète — nous avons beaucoup d’argent pour cela... Beaucoup d’argent circule pour faire les choses ensemble, alors je pense que ce sera fait, mais nous devons prendre l'engagement mental de nous aider mutuellement. Si nous ne pensons pas de cette façon, je crois que nous ferons un pas en arrière.
    Nous parlons des droits constitutionnels en anglais. C’est ce que nous demandons.
    Y a-t-il d’autres questions de la part des membres du Comité?
    Je vous remercie beaucoup. J’aimerais aussi remercier votre interprète déné, Julius Park. Mahsi cho. Je pense que c’est une réunion très historique, la première que nous ayons eue en déné, interprétée sur la Colline du Parlement, et vous faites donc partie de l’histoire. Merci beaucoup. Je pense que vous sentez la bonne volonté du Comité pour aller de l’avant.
    Merci beaucoup. Je l’apprécie.
    Nous allons suspendre la séance pour changer d’interprète.

  (1145)  


  (1150)  

     Bonjour.
    Bienvenue à la 94e séance du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, au lendemain de l’anniversaire de notre obstruction.
    Pour ce qui est de l’horaire, les témoins que nous devions entendre jeudi prochain seront présents à notre première réunion après Pâques.
    Notre deuxième témoin d'aujourd’hui est M. Robert-Falcon Ouellette, député de Winnipeg-Centre, qui a vraiment lancé tout ce processus.
    Comme les membres du Comité s'en souviendront, la décision que le président a rendue le 20 juin 2017 répondait à sa question de privilège concernant l’utilisation des langues autochtones à la Chambre.
    Merci d’être ici, monsieur Ouellette, et d’avoir lancé ce processus. Je crois comprendre que vous allez faire votre déclaration préliminaire en langue crie. Comme lors de notre dernière réunion, nous avons organisé l'interprétation simultanée en cri.
    Merci beaucoup. C’est très intéressant et historique, et la parole est à vous.
M. Robert-Falcon Ouellette (Winnipeg-Centre, Lib.) (Traduction de l'interprétation):
     Bonjour, mes amis, ma grande famille. Je suis heureux de vous voir aujourd’hui.
    Nous avons perdu nos langues. Veuillez nous aider. J’ai fait un long parcours.
    Il y a longtemps, en hiver, je me suis promené sur les terres glacées. J’ai visité 41 collectivités des Premières Nations. J’ai rencontré tant de Cris, mes proches, les Dakotas, les Oji-Cris, les Ojibway des Plaines ou les Saulteaux, les Métis, les Français. Je les ai entendus, les gens, souhaiter à leurs enfants une vie florissante.
    Dans cette grande structure, vous avez de l’argent. Au début, on m’a dit que mon travail avait commencé pour tous les Canadiens. Nous devons tous travailler ensemble puisque le Canada a rédigé les promesses et le déroulement des processus.
    Nous sommes liés. Si les choses ne se sont pas bien passées, nous allons les changer. Aidez-moi. Aidez-moi à faire en sorte que nous nous respections mutuellement.
     Les traités sont une question de respect et de fraternité. Les peuples autochtones ont toujours eu des traités. Les Cris et les Pieds-Noirs ont conclu des traités en se servent de leur bon sens. Il ne devait pas y avoir de combats en hiver, car il faisait trop froid et il n’était pas bon de déplacer les femmes, les enfants et les personnes âgées de leur foyer pendant cette période.
    Si une tribu faisait la guerre, elle allait voir l’autre chef pour lui expliquer pourquoi elle faisait la guerre. Très souvent, les jeunes guerriers avaient trop d’énergie et dérangeaient tout le camp. Les vieux savaient que la meilleure solution était de les envoyer en guerre contre l’ennemi qu’ils connaissaient. Les deux chefs parlaient, et l’un d’eux obtenait un délai pour déplacer les femmes, les enfants et les personnes âgées. Cela fonctionnait pour eux, et plus tard, en temps de paix, ils en parlaient.
    Les histoires que nous racontons au sujet de la création, de Weysakechak, concernent des traités. Ces traités universels portent sur l’eau, la terre, l’air, le feu et, bien sûr, le Grand Esprit.
    Par exemple, lorsqu’un enfant naît, les eaux de la mère se rompent, ce qui indique que l’enfant va naître. Il reçoit ensuite sa première bouffée d’air précieux et sacré, et il est un être humain vivant. Il est ensuite enveloppé dans la peau et la fourrure chaudes d’un animal et bénéficie de la chaleur du feu et du lait vivifiant de sa mère. Bientôt, les autres enfants jouent avec lui, à l’extérieur, dans leur propre territoire, qui est le Canada.
    Lorsque le Créateur a fini de créer la terre, la mer et l’air, il a appelé toutes ses créatures pour leur demander quels dons elles souhaitaient recevoir. Il a ainsi conclu des traités avec toute la vie sur terre. De nombreuses créatures ont demandé de servir l’humanité, mais il les a averties que l’humanité serait le meilleur et le pire de toute la création. Elles ont accepté et compris ses avertissements. En remerciement de leur compréhension et de leurs sacrifices, elles ont obtenu une place dans l'au-delà. L'homme devait les honorer lors de cérémonies, ce que les peuples autochtones font encore aujourd’hui.
    C’est en raison de ces enseignements que nous respectons l’air, le feu et l’eau de façon sacrée. Ils sont inclus dans toutes nos prières et nos cérémonies. C’est une bonne façon de vivre.
    Nous avons tous nos langues, nos connaissances et nos cérémonies. En tant que peuples autochtones, nous respectons la terre et tous les enfants de ses citoyens à plumes, à fourrure, à écailles, à deux pattes, à quatre pattes et à ailes. Nous savons que l’humain est la seule créature qui viole continuellement les traités. Les autres n’ont jamais violé leur traité sacré avec nous.

  (1155)  

    Le bon sens nous commande de prier pour la terre et pour tous ceux qui y habitent. Depuis plus d’un siècle, nous avons signé des traités entre nos différents peuples et pays. À l’origine, l’idée n’était pas l'asservissement, mais le respect.
    Les langues doivent être utilisées pour être utiles. Elles doivent être parlées par nos enfants à l’école, à la maison et dans le reste de la société. Nos langues doivent être diffusées à la télévision pour que nous puissions voir et comprendre le pourquoi et le comment, et voir ce qui se passe dans notre Parlement. Il est important d’avoir une langue.
    J’ai vu une affiche à l’entrée d’un cimetière au lac La Ronge, dans le Nord de la Saskatchewan. Elle disait: « Si nous n'avons pas pu vivre comme des frères, reposons ici comme des frères. »
    L’homme est représenté par le feu. Fait intéressant, les femmes sont représentées par l’eau. Avec un seul mot ou un seul regard, l'eau peut nous détruire ou nous élever. Personnellement, je préférerais être le frère des autres êtres humains que de mourir dans un déluge de préjugés, de jalousie, de colère et de peur.
    La langue peut transmettre le respect et la signification. Elle représente la culture et elle définit qui nous sommes, notre identité. C’est une question d’apprentissage, d’éducation et de savoir.
     L’aîné Winston Wuttunee m’a demandé de parler de l’importance de la langue et de son lien avec nos croyances. Il y a quatre éléments: l’eau, l’air, la terre et le feu. La langue est liée à ces quatre éléments. Si vous prenez un mot en cri et le décomposez, il y a d’autres significations dans ce mot.
    Prenons l’exemple de l’eau. L’eau, c’est la femme, la vie, le lien avec toute la création. C’est la beauté même.
    Prenons l’air. Il y a de l’air frais et de l’air sale. Tout cela a une incidence sur notre santé. C’est la vie, le souffle. Les animaux volent dans l’air. Nous avons besoin d’air pur pour être en bonne santé.
    Prenons la terre. Nous vivons et nous mourons. Lorsque nous mourons, nous devenons la terre, et la terre, ce sont nos parents. Elle nourrit les graminées. Elle nourrit le bison. Elle nous nourrit. C’est nous.
    Réfléchissez au feu. Le feu, c’est aussi la vie. Il nous garde au chaud — pour cuisiner, pour survivre. Il nettoie les terres. C'est aussi l'homme. Il fonctionne mieux avec l’eau.
    Prenons un mot de la langue crie, nikamoun, qui signifie « chanter ». Nika veut dire « devant » et moun veut dire « manger ». Nikamoun signifie donc « être nourri de chants ». Si vous poussez plus loin l'analyse, cela pourrait signifier « être nourri par celui qui est devant nous ». Cela pourrait aussi être le Créateur. En allant encore plus loin, cela veut dire « quiconque est devant nous nous nourrit ». C'est là que l'avidité pour l'argent devient notre mode de subsistance. C'est rapidement devenu un régime de famine pour nous tous, la nature et l’humanité aussi. Avons-nous la responsabilité et la capacité de réagir, d’apprendre et de nous sauver, nous-mêmes, nos enfants, notre humanité et notre monde?
    Sans la langue, quelles personnes sommes-nous? Nous devenons sans passé, incapables de comprendre les pensées du passé, incapables de comprendre nos ancêtres lors des cérémonies. Eux-mêmes sont incapables de nous comprendre quand nous ne pouvons pas communiquer dans notre langue.
    Notre Parlement moderne a un rôle à jouer pour aider les peuples autochtones. Vous pouvez renforcer la balance de la justice en veillant à ce que nos langues canadiennes, nos langues autochtones, ne deviennent pas des pièces de musée reléguées à l’arrière des tablettes anthropologiques sur la linguistique, mais qu’elles soient vivantes et adaptées à un monde moderne, en demeurant toujours liées spirituellement au passé.
    Je rêve du jour où l’État canadien, qui tente depuis trop longtemps d’ignorer ces langues et d'y mettre fin, fera partie du processus parlementaire visant à insuffler la vie dans nos langues communes.
    Tapwe. Merci beaucoup.

  (1200)  

     Merci de votre éloquence. C’est un moment historique, le début de ce processus.
    Nous allons maintenant passer à M. Graham.
    Merci.
    Monsieur Ouellette, merci d’être ici et d’avoir soulevé cette question à la Chambre. C’est entièrement grâce à vous que nous avons cette étude. Je veux m’assurer que cela figure très clairement au compte rendu.
    Cela dit, j’aimerais savoir comment vous avez procédé pour soulever une question de privilège. Pouvez-vous nous dire ce qui s’est passé, quelles mesures ont été prises, avec qui vous avez communiqué et comment nous en sommes arrivés là?
    Merci beaucoup.
    Le 4 mai, j’ai pris la parole à la Chambre des communes au sujet de l’article 31 du Règlement. Il s'agissait d'un enjeu important, puisque les femmes autochtones en Saskatchewan et au Manitoba étaient victimes de violence. Certaines ont été tuées et brûlés vives, transformées en torche humaine pendant une fête par des gens sans aucun respect pour les femmes. Afin d'avoir peut-être un impact plus profond — parce que beaucoup de politiciens vont aborder cette question, mais que parfois on ne prête pas attention à nos propos et que le message ne se rend pas à tout le monde —, je veux m'assurer que le message soit entendu par ceux qui ont le plus besoin de l'entendre, en particulier certains jeunes hommes, et j'ai donc décidé de m'adresser en cri.
    Quand j'ai rédigé le court discours d'une minute, je m'attendais à ce qu'il soit traduit à la Chambre, que je puisse bénéficier de la simple courtoisie de pouvoir m'exprimer pendant une minute dans cette langue afin que tous puissent comprendre ce que j'avais à dire. Malheureusement, les services d'interprétation et de traduction n'ont pas été en mesure d'offrir ce service, car conformément à la version en vigueur du Règlement, nous ne pouvons le faire. Je comprends, la bureaucratie a une façon de fonctionner et la bureaucratie est importante, mais en même temps, il importe que ce message soit diffusé.
    J'ai été consterné de constater que les autres députés ne pouvaient comprendre ce que je disais et que mes propos n'ont pas été consignés dans le hansard. J'ai souvent parlé en cri dans cette enceinte et il n'y a même pas une représentation fidèle de certains des discours. Il est simplement mentionné que le député s'est adressé en cri. J'ai peut-être parlé en cri pendant plus d'une minute — deux, trois ou quatre— et personne ne sait ce que j'ai dit.
    Quelques semaines plus tard, j’ai soulevé cette question de privilège auprès du Président. Je me suis entretenu avec des avocats et des personnes s'occupant de questions linguistiques partout au pays; ils m'ont parlé de certains des processus qu'ils avaient examinés et j'ai tenté de trouver ce qui avait un lien avec les peuples autochtones.
    Je crois qu’un de nos collègues a déjà parlé de l’article 35 de la Loi constitutionnelle selon lequel « Les droits existants — ancestraux ou issus de traités — des peuples autochtones du Canada sont reconnus et confirmés. »
    Une de mes amies, Karen Drake, a beaucoup écrit à ce sujet. Elle pense que ces langues sont visées par cette disposition. Certaines personnes ont même contesté la constitutionnalité, soutenant que non seulement le gouvernement fédéral a une obligation négative de ne pas étouffer les langues autochtones ou de simplement les ignorer, mais qu’il a une obligation positive de fournir les ressources nécessaires pour les revitaliser.
    Je pourrais peut-être continuer avec un autre article. Je ne veux pas prendre tout votre temps.

  (1205)  

    J'ai une autre question et après je céderai la parole à M. Simms qui a, lui aussi, des questions à poser.
    Dans le cadre de votre démarche, avez-vous offert de fournir un texte traduit à la cabine d'interprétation afin que les interprètes puissent lire vos propos au fur et à mesure?
    Bien sûr. J'ai remis une version en anglais, en français et en cri côte à côte dans un tableau pour en faciliter la lecture. Malheureusement, même s'il a été dit qu'à titre de député, nous sommes tous honorables, les responsables de ces services devaient avoir l'assurance — car il s'agit d'une organisation très professionnelle et qu'elle doit appliquer une norme fort élevée dans les services d'interprétation — que mes propos étaient fidèlement représentés. Ils devaient obtenir l'assurance que si j'avais dit quelque chose un peu différemment, ce serait consigné dans la version en anglais ou dans celle en français pour veiller à ce que ce soit conforme au langage parlementaire et que cela témoignait fidèlement de mes propos.
    Ils disaient que « l'intervenant a parlé en cri » est plus exact que ce vous avez vraiment dit.
    Des députés: Oh, oh!
    M. David de Burgh Graham: Merci.
    Avant de donner la parole à M. Simms et pour poursuivre dans la même veine, nous n'avons pas les quatre provinces parce qu'elles ne traduisent pas les documents, mais dans le hansard de l'une de ces provinces, il est écrit « traduction fournie par le député »; donc, si ce n'est pas exact, c'est votre problème. Les gens sauraient qu'il s'agit de votre traduction. Voilà comment les services ont réglé la question.
    La traduction figurant dans le hansard devrait être raisonnable, car elle se fait après-coup.
    Allez-y, monsieur Simms.
    Il faudrait en tenir compte dans notre Règlement, monsieur le président.
    Merci beaucoup, Robert. C'était très bien. J'ai apprécié. Vous avez été fidèle à vos habitudes, éloquent.
    Nous parlions justement de la Chambre, de la Cité parlementaire. Je veux parler de votre circonscription. J'ai posé la même question à M. Saganash lorsqu’il était ici. Il a en fait souligné quelque chose d'absolument étonnant, à savoir que le mot « député » n'existait pas en cri jusqu'à ce qu'il se présente en 2011. En traduction, c'est « quelqu'un qui représente ». Ce sont les mots utilisés, ce qui est, à mon avis, incroyable. J'aimerais que vous commentiez la situation de M. Saganash.
    De plus, comment communiquez-vous avec les membres de votre collectivité et de votre circonscription, dans les bulletins parlementaires et avec les médias sociaux? Comment vous y prenez-vous avec les langues?
    M. Saganash a soulevé un excellent point. Lorsque je suis arrivé ici, sur la Colline du Parlement, j’ai été confronté au fait que le mot « député » dans le dialecte de l’Ouest n'existait pas, de sorte qu’après avoir consulté certains aînés et certains linguistes universitaires, le terme otapapistamâkew a été choisi...

  (1210)  

    C'est totalement différent de ce qu'il nous a dit.
    Il s'agit d'une personne qui en représente d'autres ou qui parle en leur nom.
    D'accord. C'est le même concept.
    C'est le même concept, tout à fait. Otapapistamâkew, c'est un beau mot, mais la partie n'était pas gagnée d'avance. Même quand je suis arrivé sur place, j'ai voulu que ce titre soit affiché sur ma porte et j'ai passé beaucoup de temps, probablement près d'un  an, à discuter avec l'Administration de la Chambre des communes pour déterminer si j'avais le droit d'inscrire ainsi côte à côte — MP, député, otapapistamâkew, et je n'en ai pas le droit. Mes collaborateurs ont dû me retenir à deux mains pour ne pas m'emparer d'un marqueur et l'inscrire moi-même, mais je vais attendre l'issue du processus.
    Mes électeurs agissent toujours ainsi avec moi, alors allez-y.
    Dans ma circonscription, 22 % des électeurs sont Autochtones de diverses nations. Il y a les Oji-Cris, les Dakotas, les Métis michifs, les Métis français — de nombreux groupes différents de partout au Canada. Il y a aussi des Inuits, mais je représente également des Philippins. En général, nous travaillons en anglais.
    À mon avis, le problème que nous devons examiner, c’est que l’État a un certain rôle à jouer, et si le Parlement doit représenter les gens de notre pays et ce que nous sommes en notre qualité de Canadiens, et ce que nous voulons être, alors toutes les langues autochtones de notre pays devraient avoir la possibilité de se faire entendre à la Chambre à un moment donné, si un député l’exige.
    C'est important, parce que si les gens ne peuvent se voir dans les institutions de l'État, pourquoi alors voudraient-ils faire partie de cet État ou y participer? Des aînés me disent encore qu'ils ne sont pas des citoyens canadiens, car le droit de vote n'a été accordé aux peuples autochtones que dans les années 1960. Aujourd'hui encore, il est très difficile de convaincre beaucoup de membres des Premières Nations que l'État, le Canada, est là pour eux et que nous travaillons tous pour tout le monde, car ils n'y croient pas. Ils ne le voient pas.
    C’est pourquoi je dis que le Parlement a un rôle à jouer pour démontrer de façon très symbolique que nous sommes tous dans le même bateau.
    C'est au tour de M. Richards.
    Merci. Bienvenue.
    Pour ce qui est de votre question de privilège et de la façon dont elle a été soulevée, je sais évidemment sur quoi elle repose, mais en préparant cette question de privilège et en y réfléchissant et en prenant une décision à ce sujet, avez-vous communiqué avec les autres députés pour en discuter avant qu'elle ne soit soulevée ou après avec quiconque avant que la décision ne soit rendue par le Président? Pourriez-vous m’expliquer le genre de conversations ou de discussions que vous avez eues?
    Je me suis entretenu avec certains députés et avec des représentants du bureau du leader à la Chambre pour savoir comment je pourrais m'y prendre puisque je suis un nouveau député. J'aurais pu soumettre la question à un comité, mais de toute évidence, certains comités sont parfois très occupés. Je comprends que vous avez beaucoup de pain sur la planche. Auriez-vous le temps d'étudier la question? À quel moment aurais-je suffisamment d’appui?
    J’ai pensé qu’il était important que je soulève la question à la Chambre parce qu'à mon avis, pouvoir être compris est un privilège absolu. Si je prends la parole ici, je m’attends à être compris par les autres, par mes collègues députés, car autrement, cela annule ce que je dis. C’est comme si je n’étais même pas là. C’est comme un silence mort ou un trou noir de temps et de mots et personne ne comprend ce que je dis et vous ne pouvez débattre de mes propos, peu importe ce que sont nos idéologies ou les idées différentes que nous avons; cela ne servirait à rien. Il est important que je puisse être compris.
    J'ai appris que le Sénat le fait depuis quelques années, que d'autres assemblées législatives au Canada aussi et qu'il y en a eu d'autres dans l'histoire du Canada. En lisant les procédures parlementaires, on apprend qu’il y a une longue tradition sur la façon dont nous nous comportons dans notre assemblée législative, et si d’autres parlements peuvent le faire, comme l’Assemblée législative du Manitoba dans les années 1870, je ne comprends pas pourquoi c'est impossible, au Parlement canadien, qui a accès à une foule de ressources.
    Je ne réclame pas des milliards, voire même un million, de dollars. Je demande la présence de quelques interprètes quand il y a lieu et quand c'est nécessaire pour traduire.

  (1215)  

    Vous avez parlé du Sénat et du processus en place. À quel point connaissez-vous ce processus et le comprenez-vous? Est-ce le genre d’approche que vous souhaitiez à la Chambre des communes ou quelle est votre position à ce sujet?
    Le Sénat a recours à l'interprétation de temps en temps, au besoin. En fait, c’est le sénateur Charlie Watt — qui n'est pas tout à fait à la retraite ou peut-être l'est-il — qui s’est battu pour cela il y a une dizaine d’années. Il y a consacré beaucoup de ses propres ressources. L'un des problèmes concernait les dialectes. Nous parlons tous une langue un peu différente, et nous n’avons pas de structure d’État central. Comme nous le savons, les nations autochtones du Canada n’ont pas de structure centrale. Il n’y a pas de gouvernement autochtone central avec une Académie française que tout le monde peut consulter pour trouver le mot juste.

[Français]

     Comment doit-on parler la langue française? Cette institution détermine qu'on la parle de telle façon. On parle français. Le bon mot est « ordinateur », et pas « computer ».

[Traduction]

    Ils décident des mots. Ils décident du mot « député ». Le mot de M. Saganash et la façon de le prononcer sont peut-être mieux qu'otapapistamâkew. Nous devrions peut-être utiliser son mot ou peut-être que le mien est mieux, mais sans les ressources de l'État, sans un gouvernement central qui aide les gens, qui collabore et qui permet aux gens de se réunir et sans les spécialistes qui trouvent les termes, bien, ces langues vont s'éteindre. En fait, ici au Canada, les langues autochtones se meurent.
    J’ai entendu le témoin précédent dire qu'elles sont peut-être en danger. Elles sont toutes menacées. La langue crie est menacée. C'est l'une des langues les plus parlées dans les Prairies et les statistiques ne disent pas tout. À mon avis, Statistique Canada a tout faux parce que les gens ont beaucoup honte de ne pas parler leur langue. Je ne la parle pas très bien. J'ai très honte de cela. Mes parents ne me l'ont pas enseignée et mes grands-parents ont refusé de le faire, prétendant qu'elle n'était pas utile, que je n'en avais pas besoin et que cela viendrait avec son lot de problèmes.
    Beaucoup aussi s'interrogent. Qu'est-ce qui fait de moi un homme? Qu'est-ce qui fait de moi un homme autochtone? Quand j'assiste aux cérémonies et que je ne comprends absolument rien, qu'est-ce que cela me fait à l'intérieur? Je chante et je dois réfléchir au sens du mot. Si vous traduisez pour d'autres, on vous dit que vous prononcez mal les mots. Les ancêtres ne sont pas en mesure de comprendre ce que vous dites; vous réclamez leur aide, mais ils ne peuvent vous comprendre.
    Quant au rôle du Parlement — mon rêve en fait —, entendons-nous, nous ne sommes peut-être pas en mesure de sauver toutes les langues — soyons réalistes —, mais nous pouvons peut-être sauver l’inuktitut, peut-être le cri, peut-être le déné, peut-être l’anishinaabemowin, peut-être 4, 5 ou 10 langues. Il y en d'autres qui sont disparues depuis si longtemps que la société ne compte pas la masse critique des personnes qui les parlent pour offrir des services professionnels de traduction et d'interprétation qui seraient requis dans une grande institution comme le Parlement.
    C'est ce qui est nécessaire.
    Désolé, je ne veux pas abuser de votre temps.
    J’ai ici un collègue qui veut poser une question. Cela vous convient-il, monsieur le président? J’ai une autre question, mais serait-il acceptable de permettre à M. Reid...? Il faudra peut-être prévoir un peu plus de temps.
    D'accord. Bien sûr, allez-y.
    Je rêve du jour où une grand-mère autochtone pourra allumer la télévision à la maison sans avoir à regarder une émission en anglais avec ses petits-enfants dont elle essaie de s’occuper. Au lieu de cela, elle pourrait regarder CPAC et les grands débats du Parlement, parce qu’il y a de grands débats qui se déroulent tous les jours dans notre assemblée législative. Elle pourrait l’entendre en cri, l’entendre sur un canal en inuktitut, en déné, et suivre ces débats et être informée de ce qui se passe dans nos institutions publiques. Elle pourrait être fière du fait que ses petits-enfants puissent y entendre leur langue. Ils pourraient entendre les propos en arrière-plan et penser que cette langue est importante et qu'ils devraient essayer d'apprendre à la parler.

  (1220)  

    Oui.
    Je crois avoir une meilleure idée de votre position actuelle. Cela nous ramène à la question suivante que je voulais poser.
    Je sais que lorsque le Président a rendu sa décision, M. Saganash a indiqué — je crois que c’était à Radio-Canada — qu’il s’efforçait de négocier une solution. D'après votre intervention aujourd'hui, il semble que votre objectif soit différent de ce que j'avais cru comprendre et qu'il ne s'agit pas simplement d'avoir des services d'interprétation.
    Je vous ai interrogé au sujet du modèle du Sénat. Il s’agit en fait d’un objectif plus vaste, c’est-à-dire de veiller à préserver certaines langues et à en encourager l'utilisation ailleurs.
    Je veux simplement savoir si vous êtes au courant des négociations en cours auxquelles M. Saganash a fait allusion. Que savez-vous à ce sujet, et que pensez-vous de cela?
    Je n'en sais pas trop à ce sujet, mais je dirais que tout doit commencer modestement. Je ne peux pas m’attendre à ce que nous ayons demain un service d’interprétation et un service linguistique complet avec 10 linguistes cris qui comprendront chaque dialecte en un clin d'oeil, mais j'espère que nous allons bâtir quelque chose avec le temps. Je sais qu'il y a eu des députés autochtones du Parti conservateur qui sont cris et qu'il y en a eu au Parti libéral et même au NPD. J'espère qu’avec le temps, plus de députés autochtones seront élus et qu'une réalité s'installe. J'espère que plus nous utiliserons cette langue, plus il y aura de possibilités. Nous l'utilisons peut-être 1 % du temps, puis ce pourcentage passera à 5 et 10 %, et elle deviendra plus courante et nous nous y habituerons. Elle ne sera plus quelque chose d'exotique, de différent ou d'étrange et les gens penseront qu'il faudrait peut-être lui faire une place à l'écran, en ligne sur son propre petit canal. Ces choses cumulent avec le temps.
    J’espère que nous nous attarderons pour le faire correctement, pour jeter d’excellentes bases, parce que je veux vraiment sauver ces langues. Les langues autochtones sont en voie d'extinction. C'est la triste réalité.
    Je rencontre constamment des gens à mon bureau. Ils disent parler le cri, et je commence donc à leur parler en cri un peu. Ils ne peuvent soutenir une conversation et pourtant ils disent parler le cri. Ils veulent parler la langue et ils la comprennent. Les grands-parents peuvent la parler et la comprennent. Leurs enfants ne peuvent que la comprendre et nos enfants ne peuvent ni la comprendre ni la parler.
    Allez-y, monsieur Reid.
    Merci de votre indulgence, monsieur le président.
    Merci, monsieur le président, de votre indulgence.
    Portant comme vous le gilet, je me dois avant tout de vous dire à quel point je suis envieux de votre étonnant gilet.
    Il y a de cela très longtemps, il y a 25 ans, j’ai écrit un livre sur les langues au Canada. Il traitait des langues officielles pas des langues autochtones. L’une des choses dont je me suis persuadé, c’est que si les mesures gouvernementales ne sont d'aucune utilité ou presque pour aider les langues à survivre et prospérer, elles peuvent en revanche écraser une langue qui a de la vitalité. Les exemples ne manquent pas, à commencer par celui, évident pour moi, de la tentative de mon propre...
    Mes ancêtres, d'une lignée, viennent d’Irlande. On s'y efforce de sauvegarder le gaélique. On en a fait la langue officielle du pays et l'on continue de se débattre avec ce problème. C’est une histoire intéressante à examiner.
    Je livrerai à votre considération une de mes observations sur les langues. Elle vaut ce qu'elle vaut, mais il semblerait qu’une langue qui se subdivise en de nombreux dialectes secondaires semble avoir moins de capacité de survivre. Prenons, par exemple, en Europe, la quatrième langue officielle de la Suisse, le romanche. Le romanche se subdivise en trois dialectes, ce qui semble avoir grandement affaibli sa capacité de survivre. Ailleurs, on a essayé de rendre les langues plus homogènes, et au sein de la langue elle-même, cela suppose un certain compromis interne.
    Je me demande si le choix de cette deuxième voie contribuerait à la survie de la langue crie, qui, je crois, présente d’importantes distinctions internes. Je pose simplement cette question pour savoir ce que vous en pensez.

[Français]

     Je suis d'accord là-dessus.
     Si vous allez en France, vous pourrez constater que la langue d'oc existe toujours. C'est un genre de dialecte, mais c'est une langue différente, qui comporte beaucoup de mots français. Or il est extrêmement difficile d'assurer la survie même de cette langue.

[Traduction]

    Vous avez raison, c’est très difficile, mais je pense qu’un État centralisé comme le nôtre, une fédération, a ceci de bien qu’il dispose des ressources pour réunir les linguistes chargés de recenser les termes communs.
    Le Parlement a ceci de bien que l'on y traite de tout. On y débat de tout. De transport, de sécurité. Ou encore de santé. Ces termes existent-ils toujours? Sont-ils toujours les mêmes? Si ce n’est pas le cas, les gens, les experts, se verront obligés de se réunir quelque part et décider du terme que nous voulons utiliser. Après quoi, c'est au système d’éducation, avec les services aux Autochtones, de s’assurer que ces mots sont transmis aux collectivités et aux écoles et que les enseignants des écoles les utilisent.
    Ensuite, si on sait qu’il y a de l’emploi pour les interprètes, les universités ont la possibilité de former des gens selon les normes professionnelles pour offrir ces services. J’avais un programme à l’Université du Manitoba. J’étais directeur de programme dans le cadre des programmes axés sur les Autochtones, en tant que professeur d’université, et l’un de nos certificats, en combinaison avec le Collège de la rivière Rouge, portait sur les langues autochtones, mais nous n'avons pas pu gérer le programme faute d'avoir des débouchés à offrir aux gens, parce qu’il n’y avait pas de besoin. Nous n’avons pas besoin du cri.
    Je pense néanmoins que s’il existait un débouché, on verrait sans doute des gens se mettre à utiliser cette langue et devenir des défenseurs, des guerriers de la langue, et aller en faire la promotion et l’utiliser tous les jours, à la maison et dans leur lieu de travail. Nous savons tous ce que le Québec a fait dans les années 1960. C’était assez incroyable. On y est passé de...

  (1225)  

[Français]

     On ne parlait pas français sur l'île de Montréal. Beaucoup de gens n'aiment pas la loi 101, mais celle-ci a quand même forcé l'État et les sociétés à considérer que parler français était important.
    J'ai vécu 13 ans à Québec, et je comprends la mentalité. La langue structure nos pensées. C'est incroyable. Quand je parle français, je pense complètement différemment que lorsque je parle anglais ou cri. C'est extrêmement fascinant. Si nous perdons les langues autochtones, nous ne les retrouverons jamais.
     Les mots peuvent décrire des choses importantes. Une fleur, à un certain moment de l'année, peut être différente, alors que techniquement c'est la même fleur, mais le mot pour la désigner variera selon le moment de l'année. Les éléments qui la composent peuvent être utiles à un médecin à certain moment de l'année, mais pas à d'autres. Nous perdrions toutes ces connaissances des aînés, car les jeunes ne comprennent pas tous ces mots.
    Il faut que quelqu'un fasse quelque chose, mais personne ne fait rien. C'est pour cette raison que c'est historique.

[Traduction]

     C’est historique parce que la possibilité se présente de faire quelque chose que personne d’autre n’a fait auparavant. On parle toujours de l’importance de la langue, mais personne ne prend de mesures concrètes dans notre pays. Il y a très peu de ressources. Tout le monde dit: « Eh bien, vous savez, on publiera peut-être un petit livre pour enfants par-ci, par-là, avec quelques mots en cri et quelques mots en français et en anglais, pour que les gens comprennent peut-être ce qui se passe », mais ce n’est pas suffisant. Nous avons besoin de l’État. Nous avons besoin des instruments de l’État pour aider, parce que c’est une façon importante et symbolique de soutenir ces langues et d'assurer la survie de certaines. Toutes ne survivront pas, pourquoi se leurrer? mais au moins quelques-unes le feront, d'où votre importance.

[Français]

    Je vous remercie.

[Traduction]

    Allez-y, monsieur Stewart.
    Merci beaucoup, monsieur Ouellette. Vous me donnez abondante matière à réflexion, sur ma propre identité notamment.
    Je suis Canadien. Je crois en l’égalité intrinsèque, et cela se reflète, je pense, dans notre constitution, mais vous me faites prendre conscience du fait que j’ai toujours pensé que les langues autochtones sont votre langue. Maintenant, je pense que c’est ma langue; simplement, je ne la parle pas. Comme c’est ma langue et que je ne la parle pas, je devrais peut-être essayer de la protéger.
    En cela réside la valeur de ce que vous faites ici. Vous donnez aux Canadiens l’occasion de réfléchir à ce qu’ils sont, à ce que cela signifie d’être Canadiens, au fait que les Canadiens sont des gens qui parlent les langues autochtones et qu'ils sont partie prenante à cette discussion. L’État devrait refléter cela, parce que c’est là sa fonction. Sa conduite lui est dictée par la Constitution. Par la volonté des citoyens. Je pense que vous avez raison et j’appuie pleinement ce que vous faites ici, comme je l’ai dit à M. Saganash également.
    J’appuie l’investissement dans ce domaine et j’aime beaucoup votre idée d’une chaîne CPAC. Je la regarderais probablement parce qu’en tant que Canadien, j’aimerais apprendre cette langue qui est la mienne, mais que simplement je ne parle pas.
    Vous avez parlé de vos aînés qui ne se sentent pas canadiens. Ils ne savent pas qu’ils ont inventé un mot pour député maintenant parce que vous les représentez. Je pense que c’est ce que le Canada devra vouloir dire à l’avenir si nous voulons aller de l’avant.
    Pourriez-vous nous en dire davantage sur les premières mesures que nous devons prendre en vue de la réalisation de ce que vous avez dit être votre rêve?

  (1230)  

    Vous devez bien sûr présenter un rapport pour faire une recommandation à la Chambre. L'important c’est ça.
    Ensuite, vous devez le mettre aux voix sous la forme d'une motion à la Chambre, comme en 1956, lorsqu’il a été décidé d’avoir la traduction simultanée ou interprétation en français et en anglais au Parlement, et veiller à ce que, lorsque nous siégeons dans la nouvelle Chambre de l’édifice de l’Ouest, la Chambre du peuple, les services d’interprétation y soient offerts.
    Ensuite, les services d’interprétation doivent se mettre au travail pour réunir des linguistes spécialistes du cri, par exemple, de la Saskatchewan, de l’Alberta, du Manitoba, du Nord de l’Ontario et même du Québec, chargés d'établir une terminologie commune. Si quelqu’un décide de dire « soins de santé », par quoi le rendre?

[Français]

     Qu'est-ce qu'un député?

[Traduction]

     Comment le dire? Comment l’écrire? Au moyen du système syllabique ou d'autre chose? À eux de trouver une solution. C’est, je pense, la première étape, et nous devons prendre le temps de bien faire les choses.
    Que pensez-vous de l'idée d’essayer d'abord avec une seule langue? Un peu comme un projet pilote pour voir s'il est possible d'avancer? Cela vous paraît acceptable ou trop offensant pour les autres?
    Eh bien, je ne sais pas s’il y a... Je suis sûr que j’aurai un tas de courriels et de textes de personnes qui parlent diverses langues, mais prenez la langue michif, la langue métisse, il reste très peu de personnes qui la parlent. Une poignée. Ses jours sont comptés, avec ses 500 locuteurs. Beaucoup sont très âgés. Je ne suis pas certain qu’ils aient le temps. Certains auront peut-être le temps de trouver des termes.
    Je pense qu'il nous faut commencer à tracer la voie avec quelques langues — trois ou quatre peut-être. Je suggère le cri, l'inuktitut, le déné et l'anishinaabemowin ou l'ojibwa, terme couramment utilisé pour décrire l'anishinaabemowin, pour frayer la voie.
    Par la suite, à mesure qu’un plus grand nombre de députés seront élus, les gens auront envie de participer au processus politique, d'entendre leur voix et d'entendre leur langue au Parlement. On en viendra à se dire: « Il nous faut un porte-parole des Salish au Parlement. On veut y entendre parler la langue salish. Peut-être devrions-nous participer au processus politique et faire élire l’un des nôtres comme député des conservateurs, du NPD, du Parti vert, des libéraux — à vous de choisir. »
    Merci.
    Vous envisagez un projet pilote avec quatre langues?
    Je propose quatre, oui.
    Quelle serait alors la première étape à suivre? Je sais que vous avez commencé à en parler, mais vous pourriez peut-être nous en dire un peu plus.
    Eh bien, je pense qu’il faudrait réunir un groupe de linguistes pour établir la terminologie. Puis, faire quelques essais pour voir ce que ça donne et si ça répond à un besoin.
    De toute évidence, nous avons une sorte d'essai en cours ici. J’ai essayé de faire quelque chose ici aujourd’hui. J’ai parlé en français et en anglais, et j’ai veillé à ce que ce monsieur fasse la traduction en cri en même temps, et j'ai écouté la traduction du français en anglais, puis en cri, en cherchant le moyen de coordonner cela. C'est ce qui devra démarrer à un moment donné, ou qui pourrait démarrer.
    C’est à vous de décider. De toute évidence, je ne veux pas présumer de votre...
    Puis-je vous poser une autre question?
    Vous dites que nous devons peut-être nous limiter à quatre langues pour commencer. On pourrait commencer par une certaine procédure, comme l’article 31 du Règlement, et faire l'essai tout au long de celle-ci, ou diriez-vous que nous devons faire un essai beaucoup plus large d'interprétation...?
    Si quelqu’un veut prendre la parole en cri, je pense que le discours devrait être fourni un peu à l'avance. Il faudrait prévoir une réunion entre l'orateur et certains interprètes et peut-être un linguiste autour de questions telles que: « Quels sont les termes que vous aimeriez utiliser? Qu’est-ce qui convient si je dis cela et que j’en parle ensuite? Que pourriez-vous dire? Comprenez-vous ce que je veux dire? » Et donner aux gens un délai approprié pour tenir ces discussions, parce que c’est tout nouveau et que cela n’a jamais été fait, et prendre le temps de bien faire les choses.

  (1235)  

    D’accord. Merci.
    Il me reste un peu de temps? D’accord.
    J’aimerais assister au premier discours. Si vous nous donnez un peu de marge, nous pouvons tous venir et écouter, ce qui serait formidable — et répondre, je l’espère.
    Oui, l'article 31 du Règlement semble intéressant.
    D’accord. Vous proposez un essai sur l’article 31 du Règlement avec présentation préalable d’un discours sur un projet de loi du gouvernement ou quelque chose du genre. Vous pourriez dire: « Je parlerai de ceci la semaine prochaine », ou quelque chose du genre.
    Avez-vous d’autres suggestions à faire sur le plan pratique?
    Je pense qu’il faut donner un certain... Le système actuel du Sénat me semble bon, le préavis de 48 heures. Bien sûr, les services d’interprétation doivent encore dresser une liste des interprètes autorisés qui peuvent offrir ce service et qui sont disponibles pour l’offrir.
    On veut aussi que le service soit efficace en termes de coût. C’est bien de faire venir des gens de différentes régions du pays par avion pour quelques instants, mais cela doit se faire au moindre coût pour le Trésor public. Ce n’est pas...
    Nous pourrions peut-être avoir une période de questions lorsque nous utiliserons toutes les langues autochtones pour poser au premier ministre une question — qu’il connaît bien à l’avance, bien sûr.
    Un jour, peut-être. Sait-on jamais. Ce pourrait être très intéressant. Pousser le rêve plus loin encore.
    Merci beaucoup.
    Comme vous l’avez dit, c’est différent dans différentes langues. Les gens de l’Arctique ont toutes sortes de mots différents pour « neige » en inuktitut. Ce n’est pas une procédure simple, mais vous avez ouvert une discussion très importante pour notre pays, et nous vous en sommes très reconnaissants.
    Nous apprécions également votre interprète, Darren Okemaysim. Mahsi cho. Meegwetch.
    Il représente la Première Nation de Beardy et d’Okemasis, et l’Université des Premières Nations de la Saskatchewan.
    Il vient de la Première Nation de Beardy et d’Okemasis et de l’Université des Premières Nations. Excellent. Merci d’être ici en cette journée historique. Meegwetch.
    [Le député s’exprime en cri]
    Avez-vous des observations finales?
    J’apprécie tout simplement tout ce que vous faites.
    Je dois dire que vous ne vous attendiez probablement pas à traiter de cette question au comité de la procédure et je m’en excuse. Je remercie le Président d’essayer de défricher la voie. Vous savez que j’aurais pu faire beaucoup de choses. J’aurais pu contester la décision du Président de la Chambre et tenter de forcer la tenue d’un vote à la Chambre, ce qui aurait été du meilleur effet et aurait peut-être brûlé bien des ponts du même coup.
    Je vous suis très reconnaissant du travail que vous accomplissez pour faire de notre pays un endroit très inclusif et meilleur pour nous tous.
    Merci beaucoup.
    [Le député s’exprime en cri]
    Et réconcilié.
     Merci. Nous allons suspendre la séance pendant une minute pour permettre aux nouveaux témoins de s’installer.

  (1235)  


  (1240)  

[Français]

     Bonjour et bienvenue. Nous reprenons la 94e séance du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. Cet après-midi, nous allons étudier le projet de loi C-377, Loi visant à changer le nom de la circonscription électorale de Châteauguay—Lacolle. Mme Brenda Shanahan, qui parraine le projet de loi et qui est la députée de Châteauguay—Lacolle, est présente aujourd'hui.
     Je vous remercie d'être parmi nous. Après votre présentation, il y aura une période de questions à laquelle participeront les membres du Comité. Par la suite, le Comité fera l'étude, article par article, du projet de loi.
     Je cède maintenant la parole à Mme Shanahan, qui va nous livrer sa présentation.
    Je vous remercie, monsieur le président.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Permettez-moi simplement de dire qu’en tant que députée élue pour la première fois, j’ai eu l’honneur de siéger officiellement à — je faisais le compte — quatre comités jusqu’à maintenant, y compris celui que je préside actuellement, mais c’est la première fois que je comparais à titre de témoin. C’est vraiment un plaisir. Merci beaucoup.
    Bien sûr, il s’agit de mon projet de loi d’initiative parlementaire, le projet de loi C-377, Loi visant à changer le nom de la circonscription électorale de Châteauguay—Lacolle pour... eh bien, vous le saurez bientôt. Nous ménagerons le suspense pour l'instant.

[Français]

    Ce jour marque une étape importante de la première démarche que j'ai entreprise à la suite de mon élection, à savoir changer le nom de notre circonscription de Châteauguay—Lacolle pour lui donner celui de Châteauguay—Les Jardins-de-Napierville. C'est une démarche que j'ai entreprise à la demande de mes concitoyens.
    La raison qui a motivé cette initiative est que le nom de Châteauguay—Lacolle est inexact. Si vous consultez la carte géographique de notre circonscription, qui se trouve devant vous, vous verrez Châteauguay. Vous verrez aussi au sud, à la frontière, que la municipalité de Lacolle se trouve à l'extérieur de la circonscription de Châteauguay—Lacolle.
     J'ai une hypothèse quant à la raison pour laquelle la commission a choisi ce nom à l'époque. Il reste que pour les gens demeurant à Saint-Bernard-de-Lacolle, qui est une tout autre municipalité, il y a une différence importante entre Lacolle et Saint-Bernard-de-Lacolle. C'est la municipalité de Saint-Bernard-de-Lacolle qui est située sur notre territoire. Cette municipalité a sa propre histoire, ses propres institutions et sa propre raison d'être.
    Avant même mon entrée en fonction, les résidants de Saint-Bernard-de-Lacolle m'ont fait part de cette préoccupation, et je me suis engagée à faire les démarches nécessaires pour y répondre. Ce n'est pas facile quand on est nouveau en politique, étant donné qu'on ne connaît pas tout le système. J'ai néanmoins fait mes recherches. C'est dans cet esprit que j'ai l'honneur de présenter mon projet de loi d'initiative parlementaire à l'étape de l'étude en comité.
    Comme s'il ne suffisait pas que le nom « Lacolle » soit utilisé à tort pour désigner Saint-Bernard-de-Lacolle, nous avons remarqué à plusieurs reprises qu'encore aujourd'hui, chez les citoyens des deux circonscriptions, le nom Châteauguay—Lacolle portait à confusion. Cet état de choses est à l'origine d'erreurs de compréhension chez certains intervenants. Divers acteurs, dont les médias nationaux, confondent souvent les noms « Saint-Bernard-de-Lacolle » et « Lacolle ». Cela s'explique surtout par le fait que la douane de Lacolle, qui est le point de passage vers les États-Unis le plus achalandé au Québec, est située dans les limites de Saint-Bernard-de-Lacolle, et non de Lacolle.
    Bon nombre de résidants de Saint-Bernard-de-Lacolle m'ont fait part de leur insatisfaction concernant le nom Châteauguay—Lacolle. Il atteint leur fierté de leur municipalité et nuit à leur sentiment d'appartenance. Nous pouvons tous les comprendre.
    Après plusieurs discussions et réflexions avec des citoyens ainsi qu'avec des intervenants de la région, le nom Châteauguay—Les Jardins-de-Napierville est apparu comme un choix logique et significatif, et ce, pour plusieurs raisons.
     Premièrement, la municipalité régionale de comté des Jardins-de-Napierville regroupe 9 de nos 15 municipalités. Il y a en effet 15 municipalités dans ma circonscription, dont 9 se trouvent dans la MRC des Jardins-de-Napierville.
    Deuxièmement, tous les citoyens pourraient se reconnaître dans le nom de Châteauguay—Les Jardins-de-Napierville car les résidants de Châteauguay et des cinq municipalités environnantes, qui sont situées au nord-ouest de la circonscription, peuvent s'identifier à la région du Grand Châteauguay. Les municipalités de Mercier, de Léry et de Saint-Isidore se trouvent dans le regroupement du Grand Châteauguay.
    Troisièmement, la MRC des Jardins-de-Napierville est la première région en importance au Québec pour la production maraîchère. Les légumes — la laitue, les carottes et les oignons de toutes sortes, par exemple — y sont très bons. Cela lui donne une certaine notoriété.

  (1245)  

    Finalement, le nom « Châteauguay—Les Jardins-de-Napierville » représente bien le caractère semi-urbain et semi-rural de notre circonscription.
    Je dois rappeler que je parraine ce projet de loi au nom de mes concitoyens. Une pétition demandant à la Chambre des communes de donner à notre circonscription le nouveau nom de « Châteauguay—Les Jardins-de-Napierville » circule d'ailleurs présentement dans la région. Bien sûr, les gens se réjouissent du fait que je travaille déjà à ce projet.
    La pétition compte déjà plusieurs centaines de signatures, notamment celle des maires de Napierville, de Saint-Cyprien-de-Napierville et des municipalités avoisinantes.
    En leur qualité d’élus, ces maires sont heureux de soutenir ma démarche au nom de leurs concitoyens, tout comme mes collègues des circonscriptions voisines, M. Jean Rioux, qui est député de Saint-Jean et qui est d'ailleurs heureux que Lacolle soit dans sa circonscription; Mme Anne Minh-Thu Quach, qui est députée de Salaberry—Suroît; et mon collègue Jean-Claude Poissant, qui est député de La Prairie.
    Tel que consigné dans mon projet de loi, Châteauguay—Lacolle a été créée en 2013 à la suite du redécoupage électoral qui est entré en vigueur lors de la dissolution de la 41e législature, en 2015. La circonscription actuelle a été formée à partir des anciennes circonscriptions de Châteauguay—Saint-Constant et de Beauharnois—Salaberry.
    Ceux qui étaient présents lors de la dernière législature connaissent et comprennent peut-être le système beaucoup mieux que moi. Cela dit, il semble qu’une erreur ait été commise à la Commission de délimitation des circonscriptions électorales fédérales pour la province de Québec lors du choix du nom de la nouvelle circonscription. Le fait que Lacolle se situait déjà dans la circonscription de Saint-Jean lors du redécoupage précédent n'a probablement pas été relevé.

[Traduction]

     J'en viens à la partie plus technique. J'ai expliqué au Comité pour quelles raisons je demande le changement de nom de ma circonscription. Permettez-moi de vous donner un aperçu des modalités de changement de nom des circonscriptions fédérales et des critères à respecter en la matière.
    Tout d’abord, compte tenu de la pratique qui consiste à revoir les limites des circonscriptions électorales tous les 10 ans à la suite d’un nouveau recensement national, Élections Canada fournit aux 10 commissions provinciales de délimitation des circonscriptions électorales des lignes directrices sur les bonnes pratiques et les conventions d'affectation de nom.
    Bien qu'Élections Canada adopte tout changement de nom voté par le Parlement, il lui faut tenir compte de considérations pratiques et techniques, comme la capacité limitée des bases de données. Ainsi, les noms de circonscription ne doivent pas dépasser 50 caractères. Cela surprendra peut-être mes collègues, parce que nous avons certainement des noms assez intéressants et longs. Pour autant qu'ils comptent 50 caractères ou moins — traits d’union, tirets et espaces compris —, cela répond au critère. C’est pour qu'on puisse les insérer dans des bases de données, des cartes et ainsi de suite.
    J’ai le plaisir de vous signaler que « Chateauguay—Les Jardins-de-Napierville » compte 38 caractères, traits d’union, tirets et espaces compris.
    De plus, les noms choisis pour les circonscriptions doivent refléter le caractère du Canada et être clairs et sans ambiguïté, et je crois que ces critères sont respectés dans le projet de loi, puisque les noms désignent une municipalité et une région de la MRC.
    Il faut aussi faire une distinction, dans l’orthographe des noms, entre les traits d’union et les tirets. Les premiers servent à lier les parties des noms géographiques, tandis que les tirets servent à unir deux noms géographiques distincts ou davantage. Cette convention a été respectée, on utilise un tiret pour séparer « Châteauguay » et « Les Jardins-de-Napierville », et les traits d’union dans « Les Jardins-de-Napierville ».
    Sur la carte, on voit que Châteauguay et Les Jardins-de-Napierville sont deux dénominations géographiques qui correspondent presque entièrement au territoire et également à la lecture de la carte de gauche à droite. C’est par souci de simplicité et de clarté et pour respecter les emplacements géographiques.
    De plus, le nom d’une circonscription électorale doit être unique, ce qui veut dire que ses composantes ne peuvent être utilisées qu’une seule fois, ce qui est effectivement le cas pour les éléments des deux noms en question.
    Les lignes directrices énoncent aussi des caractéristiques négatives à éviter, ce dont tient compte également le nom que nous avons choisi. Par exemple, le nom d’une circonscription doit être clair tant en anglais qu'en français et, dans la mesure du possible, être acceptable sans traduction dans l’autre langue officielle, afin d'éviter les dénominations multiples en traduction.

  (1250)  

     L’autre caractéristique à éviter est l’utilisation de points cardinaux, comme est ou ouest. Vous vous direz peut-être: « Il me semble que nous avons des noms qui les utilisent », quoi qu'il en soit, je vous rappelle que le dernier mot sur les changements de nom revient au Parlement. Les lignes directrices disent qu’il faut l’éviter, la traduction en étant malaisée.
    Enfin, il convient d'éviter l'emploi des noms des provinces, de noms de personnes et de noms imprécis ou inventés à partir de sources non géographiques.
    Je pense avoir abordé tous les arguments pertinents relatifs à la demande de changement de nom présentée dans mon projet de loi d’initiative parlementaire, le projet de loi C-377, et avoir montré que le nouveau nom est conforme aux lignes directrices établies par Élections Canada.
    Je suis honorée que mes électeurs me confient la tâche de redresser une erreur. Je suis convaincue que tous mes collègues appuieront le projet de loi pour l'adoption de notre nouveau nom, Chateauguay—Les Jardins-de-Napierville.
     C'est avec grand plaisir que je répondrai maintenant à vos questions. Merci.

[Français]

     Je vous remercie.
    Je vais accorder trois minutes à chaque parti.

[Traduction]

    J’espère qu’ils n’utiliseront pas tout ce temps.
    Allez-y, monsieur Graham.
    Merci, Brenda.
    Ma circonscription compte beaucoup plus de 50 caractères, mais le titre est plus court. De plus, je suis sûr que nous sommes tous, hormis quelques uns, d’accord pour dire que le nouveau projet de loi C-377 est bien meilleur que l’ancien.
    J’ai deux ou trois petites questions.
    Qui était votre prédécesseur et pourquoi n’y a-t-il pas eu d'opposition au changement de nom à ce moment-là?
    Lors du dernier redécoupage, je travaillais pour le député de Bonavista—Gander—Grand Falls—Windsor, qui se trouve peut-être dans la salle à ce moment-ci. On voulait changer le nom de Bay d’Espoir—Central—Notre Dame, qui en français est Bay d’Espoir—Central—Notre Dame, ce qui est une autre histoire. Nous avons présenté la demande au comité à l’époque — c’était le comité de la procédure, je crois — et le nom a été modifié.
    Pourquoi ne l’a-t-on pas fait lors du changement initial en 2013? Le savez-vous?
    Nous avons fait nos recherches. Tout est disponible, bien sûr. Les rapports de la commission sont disponibles en ligne, ainsi que certaines des discussions qui ont eu lieu au Parlement.
    Il y a deux choses. Ma nouvelle circonscription a été créée à partir de deux autres. Le rapport initial de la Commission pour le Québec suggérait d'adopter le nom de Châteauguay—Lacolle. Il l’indique dans la liste avec tous les autres changements de nom, sans autre commentaire. Le deuxième rapport toutefois couvre effectivement les interventions, les consultations et les commentaires du public et des députés au sujet des changements. Il énumère également en détail toutes les suggestions qui ont été faites. Il en accepte certaines et en rejette d’autres.
    Prenons l’exemple de la circonscription voisine de la mienne. À l’origine, la commission avait recommandé « Salaberry ». Il est clair que le député à l’époque... ou des consultations ont eu lieu ou des citoyens ont pris la parole et on a changé le nom pour Salaberry—Suroît. Je ne sais pas pour quelles raisons, mais c’est un exemple.
    Cependant, dans le cas de Châteauguay—Lacolle, il n’y a aucune trace d'intervention.

  (1255)  

    D’accord.
    Il vous reste 45 secondes.
    Ça va. Je peux en faire usage.
    Vous avez mentionné en avoir discuté avec vos maires. Y a-t-il eu opposition? Quelqu’un dans votre circonscription qui dise que c’est une idée exécrable?
    Absolument pas. Bien sûr, les gens ont lancé quelques idées, comme toutes les municipalités. Tout le monde s’est dit: « Eh bien, ce devrait être Châteauguay—Saint-Urbain », et ainsi de suite. C’était et cela reste un excellent sujet de conversation.
    Le premier maire avec qui j’en ai parlé était Jacques Délisle, le maire de Napierville à l’époque. Il suggérait Châteauguay—Les Jardins-de-Napierville. Je sondais les gens de la région, mais avant qu'une tendance ne se dessine, voici qu'il meurt soudainement, dans la fleur de l'âge. Il est mort en jouant au basketball. Parce que Jacques avait suggéré le nom, les gens l’aimaient. Cela a vraiment renforcé ce choix de nom.
    Merci. Mon temps de parole est épuisé.
    Quel était son nom?
    Jacques Délisle est le maire qui est décédé.
    Merci.
    C’est au tour de M. Nater.
    Merci, monsieur le président, et merci à vous aussi, madame Shanahan, d’être parmi nous.
    Je me demande simplement ce qui vous a poussé à aller de l’avant avec ce projet de loi, plutôt que votre motion originale M-125 sur la littératie financière. Je crois savoir que vous avez de l'expérience dans le secteur bancaire et le travail social. Il pouvait sembler logique d’aller de l’avant avec la littératie financière, surtout si l’on tient compte du processus parallèle en cours avec les leaders à la Chambre concernant une motion de consentement unanime visant à modifier le nom de plusieurs circonscriptions.
    Est-ce que quelqu’un vous a encouragé à renoncer à cette motion sur la littératie financière pour défendre celle-ci? Je me demande simplement pourquoi cette décision a été prise.
     C’est une excellente question, parce que, bien sûr, j’ai dû y réfléchir longtemps.
    Tout d’abord, vous devez vous informer sur la façon de présenter un projet de loi d’initiative parlementaire et sur la loterie, où vous en êtes dans la loterie et combien de temps cela prend. J'ai le numéro 86. Est-ce que cela veut dire que je ne me présenterai que dans 3 ans ou dans 86 jours? Je n'en avais aucune idée.
    J’ai dû assimiler cela. Naturellement, cela fait des années que je travaille sur un sujet comme la littératie financière, alors j’avais beaucoup d’idées sur ce que je voulais faire là-bas, mais il y a eu cette chose qui était plus qu’une demande, c’était de réparer cette erreur. C’est vraiment ce que mes électeurs me disaient.

[Français]

    Il fallait changer cela. Ils me demandaient ce qui se passait à Ottawa et soulignaient que Lacolle était à côté.

[Traduction]

    Je pense que nous pouvons tous comprendre. C’est comme dire que Lacolle est le poste frontalier. C’est comme dire que si vous avez une circonscription qui s’appelle Pearson, vous vivez à l’aéroport Pearson. Ce n’est pas le cas.
    J’ai donc trouvé cela convaincant. J’ai fait mes recherches. Comment s'y prendre pour faire cela? C’est le genre de choses que j’ai apprises. Oui, cela pourrait se faire sous forme de projet de loi omnibus et j’en ai appris davantage sur les projets de loi omnibus. Apparemment, les gens n’aiment pas les utiliser. Pour moi, c’est un outil. Quel que soit l’outil, je dis que c’est bien, mais mes électeurs continuaient de me presser, et j’en apprenais davantage sur le fonctionnement du Parlement. Le temps continuait de passer. Le calendrier me préoccupait. Je commençais à voir comment marchent les choses, ce qui peut les retarder. D’autres priorités peuvent surgir. Nous n’aurions pas pu respecter l'échéance qui m'avait été plus ou moins fixée, de janvier 2019 pour la sanction royale, de sorte que le nom soit en vigueur pour les élections de 2019.
    J’ai dû prendre une décision très difficile, mais je pense que tout le monde ici le comprendrait. Quel objectif poursuivre? Votre propre objectif personnel ou celui que vos concitoyens vous assignent? J’ai dû prendre cette décision.
    Il y a d’autres façons de travailler sur la littératie financière, et je continue bien sûr de le faire.
    Je ne vois aucune raison pour que cette mesure ne soit pas adoptée par la Chambre. Avez-vous un parrain au Sénat lorsqu’elle arrive au Sénat?
    Je ne sais pas ce que je peux dire à ce sujet. J’ai certainement parlé aux sénateurs. Au Québec, nous avons des sénateurs qui sont en fait attribués à différentes régions, alors naturellement, cela suscite un intérêt.
    C’est au tour de M. Stewart.
    Je n’ai pas grand-chose à dire, sauf que manifestement vous apprenez vite, parce que votre exposé est excellent. Je pense que cela devrait être adopté. Cela me semble logique. Je vous félicite pour votre exposé réussi.
    Merci beaucoup, monsieur Stewart.
    Le Comité est-il prêt pour l’étude article par article?
    L’article 1 est-il adopté?
    (L’article 1 est adopté)
    Le président: Le titre est-il adopté?
    Des voix: D’accord.
    Le président: Le projet de loi est-il adopté?
    Des voix:D’accord.
    Le président: Le président doit-il faire rapport du projet de loi?
    Des voix:D'accord.
    Le président: Félicitations.
    La séance est levée.
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