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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 024 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 6 octobre 2016

[Enregistrement électronique]

  (1305)  

[Français]

[Traduction]

     Bienvenue à l'étude en cours portant sur la situation des droits de la personne au Burundi.
    Aujourd'hui, nous recevons M. Sébastien Touzé. M. Touzé est membre du Comité contre la torture des Nations Unies. Je crois que notre président est sur le point d'arriver, alors nous allons discrètement changer de place lorsqu'il arrivera. Entretemps, nous allons laisser M. Touzé nous livrer sa déclaration liminaire.
    Monsieur, veuillez commencer. Quand vous aurez terminé, nous procéderons à une série de questions, comme notre comité a l'habitude de le faire.

[Français]

    Comme vous le savez, le Comité contre la torture, lors de sa dernière session aux mois de juillet et août derniers, a eu à examiner un rapport spécial établi par les autorités du Burundi concernant la mise en oeuvre de la convention contre la torture et, surtout, différentes violations alléguées imputables aux autorités du Burundi.
    Avant de vous faire état des éléments importants de l'examen du Burundi devant le Comité contre la torture, je souhaite revenir sur le contexte dans lequel s'est opéré l'examen du rapport spécial de cet État.
    Comme vous le savez, l'État du Burundi est partie à la Convention contre la torture depuis 1993. Il y a déjà eu l'examen d'un premier rapport en 2014. Depuis, la situation politique du Burundi a bien changé dans la mesure où, selon des informations transmises au Comité contre la torture, nous assistons depuis le début de 2015 à une rupture complète de l'État de droit et à la fin d'un processus qui avait été pourtant initié avec succès par l'accord d'Arusha du 28 août 2000.
    Cette rupture a été, à de multiples reprises, dénoncée par plusieurs organes et institutions des Nations unies. Lorsque le Comité contre la torture a décidé de se saisir de cette question, sa démarche s'inscrivait dans un contexte beaucoup plus large, sur lequel je souhaite revenir à titre préliminaire.
    Comme vous le savez, le Conseil de sécurité des Nations unies a eu l'occasion d'adopter plusieurs résolutions concernant la situation des droits de la personne au Burundi: une première résolution le 12 novembre 2015 et une deuxième en 2016. Très récemment, le 29 juillet 2016, le Conseil de sécurité, dans le cadre d'une résolution, a demandé à ce que soient envoyées des forces de police supplémentaires afin de surveiller les activités des autorités locales.
    Le Conseil des droits de l'homme des Nations unies a également adopté une résolution le 17 décembre 2015, établissant une commission d'enquête avec des experts indépendants pour documenter les violations et faire état de recommandations. Le rapport des experts a été remis le 20 septembre 2016, et ce rapport confirme d'ailleurs les différents éléments relevés par le Comité contre la torture, sur lesquels je reviendrai ultérieurement.
    En outre, le Conseil des droits de l'homme a adopté très récemment, le 30 septembre dernier, une résolution confirmant toutes les inquiétudes relevées par le Comité contre la torture et a exigé la mise en place immédiate d'une commission d'enquête internationale.
    Préalablement à cette action du Conseil des droits de l'homme, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme avait également établi un rapport le 17 juin 2016 faisant état d'une situation urgente et inquiétante, et a adopté une résolution instaurant et mettant en place un bureau du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme sur le terrain, qui a ouvert en janvier 2015.
    Comme vous le savez, la Cour pénale internationale est également saisie de cette question, tout comme l'Union africaine, qui a envoyé un certain nombre d'observateurs sur le terrain. D'autres institutions, notamment le Groupe de travail sur la détention arbitraire, ont également été alertées de la situation et ont adopté des textes précis.
    Au regard de tous ces éléments, le 16 novembre 2015, le Comité contre la torture a décidé de demander à l'État partie de venir présenter des informations concernant le suivi des observations finales de 2014. Par une note verbale du 30 novembre 2015, la mission permanente du Burundi a accepté de présenter ces informations sans délai. Elles ne sont jamais arrivées.
    Eu égard au contexte et aux difficultés que traverse le pays et compte tenu des inquiétudes partagées par les Nations unies sur la situation interne, le Comité contre la torture a donc, conformément à l'article 19 in fine de la Convention contre la torture, demandé aux autorités du Burundi de présenter un rapport spécial sur plusieurs points jugés urgents. Le rapport a tardé à arriver dans la mesure où il n'a été communiqué au Comité contre la torture que le 29 juin 2016. Ce rapport est très loin d'être satisfaisant: c'est une succession de généralités sans aucune pertinence et sans aucun lien avec les questions qui avaient pourtant été posées par le Comité contre la torture.

  (1310)  

     Bref, ce rapport nous a posé une première difficulté: savoir comment appréhender les problèmes que nous avions évoqués de manière directe avec les autorités du Burundi, dans la mesure où ce rapport faisait d'ores et déjà état d'une mauvaise foi évidente.
    Cette mauvaise foi s'est d'ailleurs confirmée lors de la venue des autorités du Burundi. Lorsque la délégation est arrivée à Genève, le Comité contre la torture s'est retrouvé dans une situation totalement inédite et particulièrement inquiétante. En effet, les autorités du Burundi avaient délégué un certain nombre de personnalités, et la chef de la délégation était la ministre de la Justice du Burundi. Cette délégation s'est présentée au Comité contre la torture pour la première séance du dialogue que nous avons systématiquement avec les États et à l'occasion de laquelle nous faisons part, par l'entremise des deux rapporteurs, dont je faisais partie, des différents points sur lesquels nous souhaiterions obtenir des précisions de la part des autorités de l'État.
    Ils ont donc assisté à la première séance et ne sont jamais revenus. Nous avons reçu immédiatement le lendemain matin une lettre signée de la ministre de la Justice elle-même nous informant que la délégation ne se représenterait pas devant le Comité contre la torture pour deux raisons. La première raison état que le délai imparti était insuffisant pour répondre à l'ensemble des questions qui avaient été posées par les membres du Comité. La deuxième était que les informations sur lesquelles le Comité s'était fondé, selon la ministre de la Justice, étaient tout simplement fausses et ne provenaient que d'organisations non gouvernementales politisées.
    Alors, le Comité contre la torture s'est retrouvé dans une situation inédite. En effet, alors même que certains États refusent de venir devant le Comité, nous étions pour la première fois face à une situation dans laquelle un État vient, mais ne revient pas. Il nous a donc fallu décider comment appréhender ce premier problème, sachant que l'idée principale du Comité contre la torture était de ne pas rompre le dialogue avec les autorités du Burundi.
    Nous avons donc accordé aux autorités du Burundi 48 heures pour que celles-ci soumettent leurs observations par écrit, comme nous le faisons d'ailleurs pour la majorité des États qui n'ont pas eu la possibilité de répondre oralement.
    Évidemment, aucune réponse écrite n'a été adressée par les autorités du Burundi. Plus inquiétant, parallèlement, quatre avocats membres d'organisations non gouvernementales de protection des droits de la personne du Burundi qui étaient présents lors de la première réunion nous ont informé qu'ils venaient de faire l'objet d'une demande de radiation du Barreau de Bujumbura. Cette demande de radiation émanait directement de la ministre de la Justice, chef de la délégation du Burundi devant le Comité contre la torture.
    Le refus de se représenter devant le Comité contre la torture, ajouté à des représailles avérées, a paru suffisamment inquiétant pour que le Comité contre la torture actionne une procédure de suivi des représailles. Cela est d'ailleurs mentionné dans les observations finales que le Comité contre la torture a finalement adoptées sans réponse de l'État le 12 août 2016.
    Je vous livre les observations finales, du moins leurs éléments essentiels, étant entendu que je suis à la disposition des membres du Sous-comité des droits internationaux de la personne pour répondre à d'éventuelles questions et préciser certains points.
    Dans ses observations finales, le Comité contre la torture a relevé les points suivants.
    Il a marqué sa profonde préoccupation au regard des graves violations des droits de la personne commises au Burundi depuis avril 2015, dans le cadre de la répression du mouvement de protestation, qui est né de la décision du président Pierre Nkurunziza de se présenter pour un troisième mandat.
    Le Comité contre la torture a été particulièrement choqué de constater qu'il y avait un recours systématique aux exécutions extrajudiciaires et aux exécutions sommaires contre les opposants au régime.

  (1315)  

     En outre, le Comité contre la torture a exprimé sa profonde inquiétude quant aux informations faisant état de la présence de nombreuses fosses communes sans qu'il y ait eu d'enquête menée par les autorités du Burundi. L'existence de ces fosses communes est avérée, elle a même été reconnue par des personnalités et des autorités locales, et pourtant, aucune action n'a été menée et aucune enquête n'a été ouverte pour faire la lumière sur cette situation.
    Le Comité contre la torture a également exprimé sa vive inquiétude concernant de nombreux cas de disparitions forcées documentés entre avril 2015 et avril 2016, et concernant la tendance à la hausse de ces disparitions, ce qui a d'ailleurs été souligné également par le secrétaire général des Nations unies.
    Le Comité contre la torture a également fait état de son inquiétude concernant les 651 cas de torture recensés entre avril 2015 et avril 2016 par le bureau du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme au Burundi. Nous avons également été informés d'une augmentation récente des cas de torture liés à la crise politique ainsi qu'à une forte utilisation de la force pour réprimer un certain nombre de manifestations.
     Le Comité contre la torture a également relevé avec préoccupation de nombreuses informations concordantes faisant état d'une implication systématique de la ligue des jeunes du parti au pouvoir, les Imbonerakure, dans de nombreuses situations de violation grave de la convention. Le Comité contre la torture s'est inquiété, en effet, d'informations concordantes révélant que ce groupe, les Imbonerakure, que l'on peut qualifier de milice, aurait été armé et entraîné par les autorités de l'État partie et interviendrait en liaison avec la police et les membres du Service national de renseignement dans les arrestations ainsi que de manière autonome dans des actes de répression, et ce, en totale impunité.
    Le Comité contre la torture a également été alarmé par des allégations nombreuses et concordantes d'actes de violence sexuelle contre des femmes utilisées comme armes de répression durant des manifestations ainsi que dans le cadre des fouilles et perquisitions menées par la police, les militaires et les Imbonerakure dans les quartiers dits contestataires de Bujumbura. Les faits qui nous ont été rapportés font d'ailleurs état d'une implication quasi systématique des Imbonerakure dans ces violences sexuelles.
    Nous avons également relevé, dans le cadre de nos observations finales, que la candidature du président à un troisième mandat avait remis en cause le partage du pouvoir sur une base politico-ethnique établi par l'accord de paix d'Arusha. De plus, nous avons été gravement préoccupés par des informations de sources des Nations unies dénonçant des déclarations de hauts responsables burundais ayant recours à une rhétorique génocidaire.
    Nous avons également été gravement préoccupés par les informations concordantes faisant état d'actes d'intimidation et d'agressions visant des défenseurs des droits de la personne et des journalistes, qui sont d'ailleurs souvent assimilés à des opposants politiques.
    Dans le prolongement de cette inquiétude générale, le Comité contre la torture a exprimé sa profonde préoccupation quant à la lettre de la ministre de la Justice du 29 juillet 2016 demandant, ainsi que je le disais tout à l'heure, à l'ordre des avocats de Bujumbura la sanction de radiation du Barreau à l'encontre de quatre avocats ayant participé aux dialogues avec le comité.
    Pour conclure mon bref exposé, je dirais que, au regard de l'ensemble des éléments mis en évidence dans les observations finales du Comité contre la torture et des développements ultérieurs, il est manifeste que la situation qui a cours au Burundi est particulièrement alarmante sur de nombreux plans. Sans vouloir ici hiérarchiser les questions essentielles, il apparaît néanmoins que le...

  (1320)  

[Traduction]

     Je m'excuse, mais pourrais-je vous demander de prendre la prochaine minute pour conclure votre exposé? Ensuite, lors de la période de questions, nous pourrons sonder certains de ces autres enjeux.

[Français]

    Bien entendu; j'allais conclure.
    Alors, je disais que le principal risque que nous voyons est lié au développement d'une rhétorique génocidaire qui implique de prendre des mesures immédiates de surveillance afin de prévenir la commission d'un tel crime par les autorités du Burundi. Les tensions ethniques sont évidentes et se trouvent d'ailleurs renforcées par le contexte régional, en particulier à travers les rapports de plus en plus tendus avec les autorités du Rwanda.
    En outre, je pense que la pression internationale doit désormais s'accentuer afin de convaincre les autorités du Burundi d'accepter les différentes mesures de surveillance et de suivi décidées dans le cadre onusien.
    Voilà les éléments que je souhaitais apporter à votre connaissance. Je me tiens maintenant à votre entière disposition pour répondre à vos questions.

[Traduction]

     Merci beaucoup de votre témoignage.
    Nous allons tout de suite passer à la première série de questions, en commençant par le député Sweet.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur Touzé.

[Traduction]

    Nous vous sommes reconnaissants pour tout ce que vous faites et nous sommes heureux de vous avoir parmi nous aujourd'hui.
    J'aimerais revenir sur la section du rapport qui parle des rapports sur l'existence de fosses communes. Il s'agit du paragraphe 44. Le rapport indique que le comité enquêtait sur des allégations de fosses communes, et qu'on a constaté, grâce aux satellites, que ces fosses existaient.
    Les Nations Unies disposent-elles des ressources nécessaires pour continuer à surveiller ces prétendues fosses communes afin que les enquêteurs puissent recueillir des preuves à cet égard lorsque les hostilités auront suffisamment diminué pour leur permettre d'aller sur place?

[Français]

    Pour l'instant, le problème est que les représentants de la commission qui va être nommée n'ont pas encore obtenu l'accord des autorités du Burundi pour se rendre sur le terrain. Or si ces autorités acceptent d'accueillir les membres de la commission d'enquête sur le territoire burundais, il est évident que ceux-ci pourront accéder aux fausses communes.
     Pour l'instant, aucune indication ne nous permet de croire que les autorités du Burundi ont permis aux représentants des Nations unies d'accéder aux fausses communes sur le terrain. Par contre, l'existence de ces dernières est avérée. Plusieurs rapports d'organisations non gouvernementales les mentionnent et les ont localisées. Il s'agit donc encore là d'une question qui mérite d'être creusée, en effet.

  (1325)  

[Traduction]

    Je présume que les preuves fournies par satellite sont le fait d'États membres sensibles au sort du pays. Ce que je voudrais savoir, c'est si ces États vont continuer à surveiller jusqu'à ce que ces représentants soient acceptés par le Burundi.

[Français]

    Nous avons également consulté les preuves satellitaires, qui nous ont été transmises par le bureau du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme sur le terrain. Le problème est que, pour l'instant, l'accès direct aux fausses communes n'est pas envisageable sans l'accord des autorités du Burundi. Il est évident que la lumière doit être faite sur leur existence et leur importance. En effet, les données indiquent qu'il y a presque 600 personnes dans certaines fausses. Ces données nous ont été transmises par des organisations non gouvernementales. Quoi qu'il en soit, pour l'instant, nous ne sommes pas en mesure de vérifier sur le terrain l'existence et l'importance de ces fausses communes.

[Traduction]

    J'ai appris récemment grâce aux médias sociaux que le gouvernement avait eu des propos très sévères à l'égard de tous ceux qui expriment la moindre opposition à son endroit, et ce, même de l'extérieur du pays. La Commission africaine des droits de l'homme et des peuples semble indiquer que l'élément déclencheur a été le fait que le président se soit porté candidat pour un troisième mandat, mais que ce n'est pas la cause de la situation actuelle. Selon elle, la cause serait une certaine tradition de violence et d'impunité, ainsi que le taux de chômage élevé chez les jeunes, la domination réelle ou perçue qu'exerce le parti au pouvoir sur les institutions gouvernementales, la montée de la corruption et le piètre état du filet social.
    Êtes-vous d'accord avec ces affirmations?

[Français]

    Le constat que nous avons fait met clairement en lumière la responsabilité du président actuel quant à la situation dans laquelle se trouve le Burundi. Sa décision de se présenter pour un troisième mandat est en totale contradiction avec l'accord d'Arusha pour la paix, qui avait réussi à maintenir un équilibre ethnique au sein des institutions du Burundi.
     Je ne crois pas que les facteurs évoqués soient à l'origine de la situation du pays. Ce sont des facteurs aggravants, mais la décision du président est le facteur déclencheur de la situation actuelle. C'est cette décision qui a entraîné une vive protestation de la part des citoyens du Burundi. Nous avons d'ailleurs vu très rapidement, après cette décision, des manifestations s'organiser dans différents quartiers de Bujumbura et être fortement réprimées par les autorités du Burundi. Autrement dit, tout a débuté par cette décision.

[Traduction]

     Ma dernière question concerne Gervais Niyongabo. M. Niyongabo était le président du parti Fedes-Sangira, un parti de l'opposition, et l'un des seuls chefs de l'opposition qui a pu travailler à l'intérieur du Burundi. Le 28 septembre, dans le sud du pays, il a été jeté en prison. Sait-on quoi que ce soit sur l'endroit où il se trouve actuellement ou sur l'endroit où il a été détenu?

[Français]

     Cela faisait partie des questions que nous avons posées à la délégation du Burundi lorsqu'elle est venue à Genève. Nous n'avons aucune indication quant à l'endroit où il se trouve. En fait, nous ne savons même pas s'il est encore en vie. Malheureusement, nous n'avons obtenu aucune réponse à nos questions.

[Traduction]

    Merci.
    Je cède maintenant la parole au député Tabbara.

  (1330)  

    Monsieur Touzé, merci d'être ici aujourd'hui. Sachez que votre témoignage est grandement apprécié, ainsi que tout le travail que vous faites dans cette région.
     Au nombre des recommandations du Comité des Nations Unies contre la torture, on rapporte la tenue d'enquêtes indépendantes et la nécessité de veiller à ce que les responsables soient poursuivis et punis. Le Bureau du procureur de la Cour pénale internationale mène un examen préliminaire sur la situation au Burundi, et une commission d'enquête des Nations Unies au Burundi a été créée.
    Croyez-vous que ces intervenants seront en mesure de travailler sur le terrain? D'après ce que vous savez, les travaux sur le terrain sont-ils hautement problématiques à l'heure actuelle? Dans votre exposé, vous avez dit que le gouvernement burundais était réticent à... quelque forme de dialogue que ce soit avec la communauté internationale.

[Français]

    La difficulté sera, non pas de maintenir, mais de renouer le dialogue avec les autorités du Burundi. Celles-ci avaient accepté la venue des trois experts indépendants, qui ont remis leur rapport le 20 septembre 2016. Ces trois experts ont pu se rendre sur le terrain, mais le rapport qu'ils ont remis au Conseil des droits de l'homme est vraiment très accablant. Dans une certaine mesure, il a entraîné la résolution qui a été adoptée récemment mais pour laquelle la participation a été très faible. En effet, iI n'y a eu que 16 voix favorables et 21 abstentions.
    Il est évident que tous ces éléments font état d'une rupture du dialogue avec les autorités du Burundi. Nous n'entretenons pas de contact constant avec ces autorités. La première étape sera donc de renouer le dialogue avec elles, puis de les convaincre d'accepter que la commission d'enquête demandée par le Conseil des droits de l'homme se rende sur le terrain et vérifie les informations dont nous disposons.
    Je crois qu'il ne faut pas se leurrer: nous sommes effectivement face à un État qui refuse de dialoguer et qui est dans le déni le plus complet. Ce qui s'est passé à Genève l'été dernier en est la preuve incontestable. Aucune des violations dont nous avons fait état et qui étaient fondées sur des informations que nous avions croisées n'a été admise par les autorités du Burundi. Elles refusent en bloc toutes les accusations dont elles font l'objet et considèrent qu'il y a un complot international contre elles.
     Nous sommes donc dans une impasse, et il est vrai que le dialogue diplomatique doit reprendre pour que des experts de l'Organisation des Nations unies ou de l'Union africaine puissent se rendre sur le terrain pour établir la véracité des faits rapportés à diverses occasions à l'échelle internationale.

[Traduction]

    Dans votre témoignage, vous avez parlé des quatre avocats qui prenaient une part active à la société civile et qui rapportaient les gestes de torture et les crimes contre l’humanité. Pouvez revenir brièvement là-dessus et faire le point sur ce qui s’est passé?

[Français]

     Bien sûr.
    Nous avons rencontré ces quatre avocats lorsqu'ils sont venus à Genève. Ils étaient là lors de l'audition des autorités du Burundi, car ils avaient participé à l'élaboration du rapport ou du contre-rapport d'un collectif d'organisations non gouvernementales avec lesquelles ils travaillaient.
    Vous savez comment fonctionne le Comité contre la torture. Des informations lui sont directement transmises par le bureau des Nations unies sur le terrain et par différents organes des Nations unies intéressés de la région. Ensuite, la société civile, par l'entremise des organisations non gouvernementales locales ou internationales, fait remonter au Comité contre la torture des rapports faisant état de violations dont nous n'aurions peut-être pas connaissance. Nous vérifions ces informations et nous rencontrons les organisations non gouvernementales avant de rencontrer l'État concerné.
    Lorsque nous avons rencontré ces organisations non gouvernementales, qui formaient une coalition chapeautée par l'Organisation mondiale contre la torture, nous avons pu entendre l'argumentation des avocats. Ils étaient ensuite présents lorsque la délégation du Burundi a été accueillie par le Comité contre la torture. Le jour où le Comité a constaté l'absence de la délégation, les quatre avocats ont fait l'objet d'une procédure de radiation du Barreau de Bujumbura.
    La ministre de la Justice a argumenté que les quatre avocats auraient intenté à la sécurité nationale. Autrement dit, le seul argument était que ces avocats avaient participé à différentes manifestations, menaçant ainsi la sécurité intérieure, et que, de ce fait, ils faisaient l'objet de procédures et de poursuites pénales. Elle demandait donc que ces quatre avocats soient radiés du Barreau de Bujumbura.
    Les quatre avocats nous ont saisi de cela le 5 août 2016. Comme le prévoit la Convention contre la torture, les victimes de représailles peuvent en saisir le Comité contre la torture. Celui-ci informe alors les autorités de l'État afin d'obtenir des précisions sur les faits qui ont été portés à sa connaissance par ces victimes de représailles. Nous avons donc procédé sans délai et informé la mission du Burundi à Genève. Nous avons reçu cette réponse très lapidaire:
Le Gouvernement du Burundi est également consterné par l'attitude du Comité qui défend contre vents et marées des personnes qui, eu égard à la loi pénale burundaise, sont des prévenus dans une procédure pénale régulière en citant la présomption d'innocence avant même que le Comité ait préalablement eu à vérifier leurs fausses et mal intentionnées allégations de représailles.
    Ces quatre avocats ne sont pas sur le territoire du Burundi; ils ont dû fuir Bujumbura. Certains se trouvent en République démocratique du Congo, d'autres au Rwanda, et l'un d'entre eux, sauf erreur de ma part, se trouve actuellement à Bruxelles.
    À la suite de la saisine de la part de ces quatre avocats, plusieurs Barreaux se sont inquiétés: le Barreau de Genève, le Barreau de Paris, le Barreau de Londres et le Barreau de Bruxelles. Bref, nous avons reçu plusieurs manifestations de désapprobation à l'égard des autorités du Burundi émanant des confrères avocats de ces quatre victimes de représailles.

  (1335)  

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Madame Hardcastle.
    Ma question concerne les avantages que procurerait la tenue d’une commission d’enquête. Quels seraient les avantages de cela? Étant donné que le Burundi se montre peu ouvert à une coopération pour la tenue d’une commission d’enquête et que nous avons déjà des preuves, pourquoi avons-nous besoin de cette commission? Avez-vous aujourd’hui des preuves qui pourraient être admises par un quelconque tribunal apte à intenter des poursuites, ou devons-nous absolument suivre tout ce processus? Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?

[Français]

     Bien sûr.
    Je crois que le Conseil des droits de l'homme des Nations unies, dans l'adoption de cette résolution et dans la mise en place de cette commission, poursuit en réalité un objectif qui est complémentaire de la saisine de la Cour pénale internationale. Il y a ici deux logiques: une logique judiciaire et une logique onusienne avec un versant plus diplomatique. Dans cette demande de commission d'enquête, il faut plutôt voir une tentative de faire coopérer les autorités du Burundi avec les organes des Nations unies.
    Comme vous le savez, en juillet dernier, le Conseil de sécurité a adopté une résolution demandant l'envoi de 156 membres des forces de police, afin de pouvoir établir une surveillance des actes des autorités policières de Bujumbura. Or cet envoi de forces de police complémentaires a été explicitement et catégoriquement refusé par les autorités du Burundi.
    L'établissement d'une commission d'enquête aurait ainsi pour objet de convaincre, dans un premier temps, les autorités de Bujumbura de coopérer. Je crois qu'il faut y voir ici plus un signe vers la coopération qu'un signe pour l'établissement de preuves ou pour vérifier la véracité d'un certain nombre de faits.
    Il est vrai que la commission, lorsqu'elle sera nommée, va devoir enquêter sur le terrain avec l'accord des autorités de Bujumbura et établir si, oui ou non, toutes les informations qui ont été jusqu'alors transmises aux différents organes des Nations unies sont conformes à la réalité.
     Je dirais qu'il y a deux voies qui sont ici suivies de manière parallèle: la voie judiciaire, avec la saisine du procureur de la Cour pénale internationale qui a une enquête préliminaire en cours, et la voie diplomatique et politique qui doit permettre un rétablissement de la coopération avec les autorités du Burundi.
    C'est, en ce sens, la demande qui avait été présentée par le Comité contre la torture à la fin de son examen et dans ses observations finales. Il ne faut pas oublier que le principal atout des conventions, du moins des mécanismes institués pour surveiller la mise en oeuvre des traités, est la coopération des États. Sans cette coopération, on ne peut pas avoir véritablement un suivi et un dialogue permanents permettant de vérifier la mise en oeuvre et le respect de ces conventions.

  (1340)  

[Traduction]

    Lorsque vous parlez d’une augmentation des pressions internationales, en quoi cela consiste-t-il? En gardant à l’esprit ce que notre comité peut faire et les recommandations qu’il pourrait formuler, dites-nous à quelles sortes de pressions vous faites allusion.

[Français]

     Je pense que les résultats de l'adoption de la résolution démontrent que la pression doit passer d'abord par la voie onusienne. En effet, on constate encore qu'un grand nombre d'États n'ont pas pris la mesure de la gravité de la situation sur ce territoire.
     On a l'impression que le Burundi n'intéresse pas beaucoup les États membres de l'Organisation des nations unies et encore moins les États d'Afrique. Lorsque vous regardez les chiffres et les différents détails de l'adoption de la résolution, vous constatez que la résolution a été adoptée en grande partie grâce au vote des États européens. Elle n'a pas été adoptée grâce aux votes des États africains, qui se sont tout simplement abstenus, comme l'ont fait d'ailleurs la Russie et la Chine.
     Il y a donc ici un premier point: la pression internationale, pour la définir, doit d'abord passer par une alerte générale sur le plan multilatéral. Je pense qu'il faut encore travailler dans le cadre de l'Organisation des nations unies pour convaincre les États de la gravité de la situation.
    Ensuite, je pense qu'il y a également un pas important à faire pour que les relations bilatérales avec le Burundi puissent servir de moyen de pression sur les autorités de Bujumbura. On a vu l'Union européenne adopter des sanctions. Plusieurs États ont suivi et ont mis un terme à certaines coopérations en matière économique. Bref, il y a là une pression qui doit être accentuée.
    Lorsque nous avons pris connaissance de l'ensemble des éléments qui nous ont été rapportés au moment d'entamer l'examen du Burundi, nous avons été effarés de constater que, plusieurs dizaines d'années auparavant, nous étions dans la même situation au Rwanda. Nous voulons à tout prix éviter que cette crise ne prenne une tournure que nous connaissons et que nous avons pu constater trop malheureusement dans le cadre du Rwanda. Autrement dit, il y a ici tous les indices. Ils sont confirmés. Nous sommes dans une situation qui va au-delà de ce que nous pouvons constater dans le discours de certains États membres du Conseil des droits de l'homme.
     Je crois que tous les États de la communauté internationale doivent exercer une pression manifeste sur ceux qui n'ont pas encore pris conscience de la gravité de la situation.
    Une formule a été utilisée par un membre du Secrétariat des Nations unies sur le terrain. En effet, il a dit que même le mal, ils le font mal. Je ne sais pas si cela se traduit en anglais, mais, en tout cas, même la violation, ils la font mal.

  (1345)  

[Traduction]

     Merci.
    Le prochain questionneur est le député Miller.

[Français]

    Merci, professeur Touzé, de votre témoignage.
    Je veux vous donner l'occasion de poursuivre vos explications parce que je pense que c'est très important.
     Beaucoup d'experts ont demandé aux Nations unies d'invoquer le chapitre VII de la Charte des Nations Unies, qui est une arme, un outil très grave. On parle d'une intervention de nature militaire.
     Avant de passer à cette étape, que reste-t-il à faire sur le plan international? Vous avez parlé de coopération, mais il n'y en a pas. Vous avez utilisé les mots « déni total ». Quels sont les instruments, quels sont les outils à la disposition des États-nations pour renforcer d'une façon multilatérale ce qu'on a constaté, évidemment, dans tous les rapports et toutes les interventions faits auprès de l'État du Burundi pour ne pas en arriver à un recours au chapitre VII? On est rendu à un point où il faut prendre une décision sans l'aval de la Russie, de la Chine et, surtout, des États africains du voisinage. Que reste-t-il à faire, selon vous?
     Il y a une voie qui a été empruntée avec plus ou moins de succès, mais on constate qu'il y a eu quelques résultats. Je parle ici de celle de l'action régionale. Je pense qu'il faut convaincre l'Union africaine d'agir de manière un peu plus pressante sur les autorités du Burundi pour les convaincre de coopérer. Je crois que c'est au niveau régional que, dans un premier temps, cela pourra prendre une tournure un peu plus aisée que dans le cadre universel.
    Ensuite, il est évident que nous sommes dans une situation où, si cette voix régionale échoue, les moyens qui sont à la disposition des différentes institutions des Nations unies seront limités. Nous avons pu le constater nous-mêmes dans le cadre du Comité contre la torture. Nous avons pu en faire état également dans le cadre du Comité de l'ONU pour l'élimination de la discrimination raciale. Nos moyens sont particulièrement limités.
    Néanmoins, on assiste quand même ici, dans le cas du Burundi, à un précédent qui marque une liaison particulièrement importante entre le Secrétariat général des Nations unies, le Conseil des droits de l'homme, le Commissaire aux droits de l'homme, les différents comités onusiens et plusieurs organisations régionales. Il faut donc poursuivre la pression à cet égard.
    Je suis tout à fait d'accord avec vous, à savoir que le rapport, à son chapitre VII représente une solution qui, pour le moment, ne doit pas être envisagée immédiatement, d'autant plus qu'elle n'aurait que peu de chances d'aboutir eu regard à la position de la Russie et de la Chine. Il faut donc ici continuer. Comme je le disais précédemment, il faut aussi accentuer la pression par la voie bilatérale. Il est manifeste que le Burundi entretient des liens avec un certain nombre d'États et je pense qu'il faut désormais aller vers ces États pour les convaincre de faire pression sur les autorités du Burundi.
    Vous connaissez tous les moyens de l'Organisation des Nations unies face à ce type de situation. Ils sont, non pas limités, mais du moins ils dépendent, dans une large mesure, d'un ralliement complet des États de la région afin que le problème puisse être suffisamment pris en compte.
    Merci.

[Traduction]

    Députée Khalid.
    Merci beaucoup de votre témoignage d'aujourd'hui.
    Cette étude au grand complet nous a ouvert les yeux sur ce qui se passe dans le monde ainsi que sur la détresse et l’impuissance que peuvent ressentir les victimes de tortures et de violations des droits de la personne. D’après votre témoignage et ceux d’autres personnes qui sont venues nous parler de cela, je crois que, sans la coopération du principal intéressé, il n’y a pas grand-chose en fin de compte que la communauté internationale peut faire pour inciter un État donné à mettre son système de justice au diapason des normes internationales.
    Selon vous, quelles sont les choses bien précises que pourrait faire le Canada? Y a-t-il des sanctions qui pourraient être imposées? Croyez-vous qu’un financement pourrait être offert pour consolider concrètement ces relations bilatérales et pour inciter les États voisins du Burundi à s’investir dans la recherche d’une issue?

  (1350)  

[Français]

     Comme je le dis depuis tout à l'heure, le premier point sur lequel il faut travailler est le maintien du dialogue avec les autorités du Burundi. Il ne faut pas les isoler, mais plutôt travailler de concert avec elles pour leur faire prendre conscience de l'inquiétude de la communauté internationale.
    Si le Canada devait intervenir dans le cadre de cette action, comme je le dis depuis tout à l'heure, je pense qu'il devrait le faire par la voie bilatérale, par le biais du dialogue diplomatique. Il convient ici de maintenir ce lien. Ce qui manque un peu dans le cadre du Burundi, c'est justement des États qui, d'une manière objective, vont alimenter un dialogue diplomatique avec les autorités sans qu'il ne soit question de se voiler la face. Il faut impérativement faire état de l'inquiétude de la communauté internationale et proposer aux autorités du Burundi de travailler avec elles pour trouver les moyens de coopérer avec l'Organisation des Nations unies.
    Je crois que l'enjeu va au-delà de la seule relation diplomatique entre deux États. On parle ici, vous l'avez bien dit tout à l'heure, de vies humaines, de personnes qui sont torturées, exécutées, de femmes violées chaque jour sur le territoire du Burundi et de personnes qui fuient en masse ce territoire. En effet, nous avons pu constater un exode assez massif vers le Rwanda, en particulier de Tutsis qui, persécutés sur le territoire du Burundi, n'avaient d'autre choix que de le fuir.
    Je crois qu'il faut parler de manière très claire avec les autorités du Burundi, de manière directe et agir de manière à les convaincre. Je crois qu'il faut arriver à persuader les autorités du Burundi du bien-fondé de la communauté internationale et de l'action de celle-ci. Je crois qu'il ne faut pas confronter les autorités de Bujumbura ni s'y opposer complètement parce que c'est le meilleur moyen de les faire braquer et d'aboutir à une réfutation complète de la situation.
    Donc, je crois qu'il faut maintenir ce dialogue diplomatique, accroître également le réseau diplomatique autour du Burundi pour permettre d'accentuer ces pressions. Quand on parle de pressions, on a toujours l'idée selon laquelle c'est une pression par la force ou par des moyens économiques, sauf que l'on sait que toute mesure économique aura de toutes façons des répercutions sur les populations. Je crois qu'il faut quand même prévenir cela. Il faut donc véritablement exercer une pression positive avec des moyens qui soient également positifs, maintenir le dialogue et rétablir la discussion avec le Burundi.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Je crois que nous avons encore le temps pour une question rapide du député Anderson.
    Il se peut que ce soit davantage une observation assortie d'une question.
    J’ai écouté votre témoignage. D’autres témoins avant vous nous ont parlé de l’impunité au Burundi, et pas seulement en ce qui concerne la situation actuelle, mais à d’autres occasions également. Je me demande tout simplement — et vous avez dit un mot là-dessus — comment il se fait que des pays puissent traiter les Nations Unies et ses organismes internationaux avec un tel mépris. Le Burundi siège encore au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. Pour autant que je sache, il n’y a pas eu de pression. Nous soumettons des rapports. Nous mettons des commissions sur pied. Ils affectent des forces policières et se contentent de dire qu’ils ne sont pas intéressés, et c’est tout. Bien sûr, nous ruons un peu dans les brancards, mais cela ne va pas plus loin. L’Union africaine compte 54 membres, les Nations Unies en compte 193. Pourtant, elles ne semblent pas en mesure d’exercer suffisamment de pression sur ces pays pour les inciter à modifier leur comportement et à adhérer à leur propre constitution.
     Pourquoi ces organismes internationaux sont-ils si peu efficaces lorsqu'il s'agit de ces questions?

[Français]

     Je crois qu'elles sont impuissantes à ce point parce que toute la logique onusienne repose sur le respect strict de la souveraineté de l'État. Je ne vous apprendrai rien en vous disant qu'un État ne peut pas voir un autre État s'ingérer dans les affaires intérieures d'un autre État. Or, dans le cadre onusien, c'est exactement la même chose.
     Dans le cas présent, je pense que la situation est symptomatique. En effet, le Burundi sort d'un conflit, et dans le cadre de la résolution de ce conflit, il a établi des bases permettant de ne pas revenir à une telle situation. Pour ce faire, il a défini un partage ethnique des responsabilités sur son territoire.
     Le problème est que ce partage ethnique, tel qu'il a été pensé dans le cadre des accords d'Arusha, ne correspond pas forcément à la réalité actuelle. Il est totalement remis en cause par le président actuel. Autrement dit, le président actuel constate que la majorité n'est pas tutsie mais hutue, et que le pouvoir doit alors revenir à la majorité en place. Il demande donc qu'on le laisse tranquille pour pour qu'il puisse déterminer librement qui doit gouverner son pays et de quelle façon. Pour le Burundi, c'est une situation strictement interne qui ne concerne pas la communauté internationale et qui ne relève absolument pas des conventions internationales. C'est le facteur qui bloque.
    Les autorités du Burundi et les responsables politiques se demandent quelle est la raison d'être de cette pression extérieure, qu'ils ne comprennent pas, et des agissements de comités onusiens qui n'ont aucune légitimité à leur avis. Cela nous a été dit. Ils ne voient pas pourquoi il faudrait écouter les opposants politiques plutôt que la majorité au pouvoir.
    Bref, il y a là un aveuglement complet. Le président a décidé que son gouvernement et ses institutions devaient fonctionner de cette manière. Il en va de même pour la remise en cause des accords d'Arusha.
     Pourquoi se présente-t-il pour un troisième mandat alors que les accords l'interdisent? C'est tout simplement parce qu'il veut gérer le pays comme il l'entend, sans avoir à tenir compte des pressions de la communauté internationale.

  (1355)  

[Traduction]

     Professeur Touzé, merci beaucoup de vous être joint à nous aujourd'hui, et du témoignage que vous avez livré au Sous-comité des droits internationaux de la personne. Vous propos ont été très instructifs. Nous savons que vous nous êtes parvenu de très loin. Merci de vous être joints à nous ce soir, et veuillez agréer les salutations du Sous-comité.

[Français]

    Je vous remercie.

[Traduction]

    Nous allons passer à huis clos pour un court intermède de deux minutes. Il n'y a qu'une ou deux activités du Comité dont nous devons discuter. Nous ferons très vite.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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