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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 086 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 23 novembre 2017

[Enregistrement électronique]

  (0845)  

[Traduction]

    Bonjour à tous. Il est 8 h 45, et nous devons commencer. Nous semblons avoir peu de témoins ce matin, alors, par défaut, Mme Gentile passera en premier.
    Nous savons que la sénatrice Pate sera en retard, et nous ne savons absolument pas où est M. Freeland. Cela dit, madame Gentile, vous avez 10 minutes pour présenter votre déclaration.
    Parfait. Merci de m'avoir invitée. Je m'appelle Savannah Gentile. Je suis la directrice, Mobilisation et affaires juridiques de l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry. Je tiens à vous remercier du temps que vous consacrez à ces enjeux très importants et urgents.
    Avant de pouvoir parler de la situation des personnes autochtones au sein du système correctionnel, j'estime qu'il est très important de fournir des renseignements contextuels sur ces enjeux. Je veux parler des traumatismes en établissement qui affligent les collectivités autochtones et, plus particulièrement, les femmes autochtones. Ces traumatismes commencent bien avant que les Autochtones commencent à purger une peine de ressort fédéral. Ils commencent avec les pensionnats, la rafle des années 1960 et la prise en charge, qui se poursuit encore aujourd'hui, des enfants autochtones par le système de protection de l'enfance.
    Je tiens à citer directement Cindy Blackstock, qui, selon moi, a dit quelque chose de très important. Ce mois-ci, elle a rappelé que, de nos jours, il y a plus d'enfants pris en charge qu'à l'époque où les pensionnats indiens battaient leur plein. Quels sont les motifs les plus courants de prise en charge? Ce sont des enjeux liés à la pauvreté.
    On ne devrait donc pas être étonné que 80 % des femmes qui sont criminalisées au pays le sont pour des infractions liées à la pauvreté. Les femmes et les filles autochtones sont surreprésentées à tous les niveaux du système correctionnel, dans les centres pour les jeunes et aux échelons provincial et fédéral. En fait, elles constituent actuellement les populations carcérales qui affichent la plus forte croissance au Canada.
    Une fois en prison, on constate une inégalité et une discrimination accrues, puisque les femmes autochtones sont aussi surreprésentées dans les unités à sécurité maximale et en isolement, où elles ont un accès limité à des programmes adaptés sur le plan culturel et à du soutien en santé mentale. À la lumière de l'engagement du gouvernement fédéral à l'égard de la réconciliation, de la trentième recommandation de la Commission de vérité et réconciliation, des faits que je viens d'énoncer et du nombre de rapports confirmant la nature systémique de ces problèmes, nos efforts, en tant que pays, doivent viser à sortir les femmes autochtones des prisons.
    Je sais que le mandat du Comité est d'examiner les programmes offerts au sein du système correctionnel, mais je veux parler rapidement de la raison pour laquelle de tels programmes ne font pas vraiment partie de la solution et font plutôt partie du problème. En fait, la notion d'égalité réelle exige qu'on fasse les choses différemment et qu'on sorte les femmes du système carcéral. En fait, ce dont on a besoin, c'est d'un important changement de paradigme, ce à quoi le SCC s'est fréquemment et manifestement opposé.
    Je veux parler des accords conclus en vertu de l'article 81. L'article 81 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition offre l'occasion aux collectivités autochtones de parrainer des prisonniers autochtones afin que ceux-ci purgent leur peine dans la collectivité. Il s'agit là d'une occasion de transférer les ressources grandement nécessaires des prisons vers les collectivités autochtones, qui en ont besoin.
    Cependant, même si l'article 81 existe depuis aussi longtemps que la LSCMLC, il est grandement sous-utilisé, et ce, pour un certain nombre de raisons, qui, en fait, ont été documentées en long et en large par le Bureau de l'enquêteur correctionnel dans le rapport intitulé Une question de spiritualité.
    Je veux parler rapidement d'une façon dont le SCC a empêché la réalisation de l'objectif de l'article 81 par la réaffectation de fonds consacrés à l'article 81, c'est-à-dire, en réaffectant des fonds qui devaient être consacrés à des accords conclus avec des collectivités à des interventions carcérales, comme les unités des Sentiers autochtones, qui existent actuellement dans bon nombre de prisons, dans cinq des installations régionales à l'échelle du pays, si je ne m'abuse.
    Encore une fois, cette réaffectation du financement est documentée par le Bureau de l'enquêteur correctionnel. Une bonne partie du financement qui devait être consacré aux accords conclus en vertu de l'article 81 ont été, à un moment donné, réaffectés par le SCC à des interventions en milieu carcéral, ce qui, en fait, va à l'encontre de l'objectif de l'article 81, qui visait à dissiper la préoccupation concernant le nombre grandissant d'Autochtones dans nos prisons. Évidemment, en réaffectant des fonds à des interventions en milieu carcéral, on n'atteint pas cet objectif.

  (0850)  

    L'un des principaux obstacles, en fait, à l'élaboration et au maintien d'accords conclus en vertu de l'article 81 est l'inégalité du financement et l'insécurité. Ces accords sont conclus en fonction de cycles de financement quinquennaux. La différence de financement entre les pavillons de ressourcement du SCC et les accords communautaires conclus en vertu de l'article 81 est assez importante. Cela entraîne un important roulement du personnel. En fait, on sait que les pavillons de ressourcement créés en vertu de l'article 81 sont devenus des lieux de formation pour le SCC.
    Un des autres obstacles importants créés par cette inégalité du financement concerne le caractère inadéquat de la prestation des programmes pour Autochtones dans les prisons. Encore une fois, c'est quelque chose qui est mentionné dans le rapport Une question de spiritualité. L'une des choses qu'on constate lorsqu'on regarde les accords actuels conclus en vertu de l'article 81 — il n'y en a pas beaucoup, surtout pour des femmes —, c'est la pression exercée dans le cadre de ces ententes par les compagnies d'assurance quant au besoin de suivre les procédures du SCC liées à la sécurité, des procédures que les organisations autochtones jugent contraires à leur approche de guérison traditionnelle.
    Lorsqu'on offre des programmes pour Autochtones dans un établissement du SCC, on est déjà... C'est un mauvais point de départ, parce qu'il s'agit d'une structure coloniale. Il faut le reconnaître. Les façons de faire et les pratiques autochtones ne peuvent pas être menées à terme au sein de ce genre de structure.
    Je suis une ancienne intervenante régionale. Durant un an, je me suis rendue régulièrement dans l'établissement Grand Valley pour femmes. Il y a là une unité des Sentiers autochtones. Je peux dire par expérience, puisque j'ai parlé à des femmes qui étaient là, que, à plus d'un égard, ces unités ne respectent pas la culture autochtone. Par exemple, les aînés travaillent à forfait pour le SCC, ce qui crée de la méfiance entre les femmes dans ces unités et les aînés.
    De plus, ces unités comptent un nombre limité de places pour les femmes autochtones, ce qui signifie qu'il y a un certain nombre d'entre elles qui n'y ont pas accès. En même temps, les permissions de sortir avec escorte, les PSAE, sont souvent limitées aux femmes qui participent à une intervention des Sentiers autochtones. Les autres femmes autochtones incarcérées ne peuvent pas bénéficier de ces occasions parce qu'elles n'ont pas obtenu une place ou parce qu'elles ont été rejetées d'une telle unité en raison d'un comportement causé par leur difficulté à gérer les traumatismes, ce à quoi ces unités sont justement censées servir. C'est une autre façon par laquelle le SCC a manqué à l'objectif des accords conclus en vertu de l'article 81.
    Je tiens tout simplement à rappeler que la notion d'égalité réelle exige l'utilisation d'une approche différente pour régler ces problèmes. Nous avons essayé de le faire en milieu carcéral pendant un certain nombre d'années. On a constaté une érosion des principes liés à la « création de choix » sur lesquels les installations régionales du pays ont été fondées. L'érosion a commencé avant même que tout ait été bien en place.
    L'absence d'accords conclus en vertu de l'article 81 et l'érosion des principes liés au rapport intitulé La création de choix explique le fait que le SCC n'est pas capable d'adopter facilement des approches fondées sur l'égalité réelle dans ses établissements. Ça n'arrivera pas. Il faut adopter une approche différente, une approche qui permet de sortir les femmes du système carcéral.

  (0855)  

    Merci, madame Gentile.
    Bienvenue, madame la sénatrice Pate et bienvenue, monsieur Freeland. Nous vous remercions de votre participation aux travaux du Comité.
    Monsieur Freeland, vous avez 10 minutes, s'il vous plaît.
    Merci. J'ai écrit certaines choses que je vais tout simplement vous lire.
    

« Les personnes autochtones dans le système correctionnel »
Je me suis répété ces mots, et ils résonnent encore à mes oreilles comme de vulgaires obscénités
Surtout, parce que je m'adresse ici à un organe colonial du gouvernement
Un gouvernement responsable d'avoir envoyé bon nombre des miens en prison
Parce que tout se passe en anglais, et pas en nakawemowin, la langue saulteux de mon peuple
Parce que je ne parle pas ma langue et que j'ai dû la réapprendre après qu'on me l'ait enlevée.
J'utilise la forme poétique, parce que c'est ainsi que j'ai appris à faire entendre ma voix

« Les personnes autochtones dans le système correctionnel »
Je prononce ces mots et j'ai l'impression de recevoir une gifle en plein visage
Je ne savais pas quoi penser lorsqu'on m'a invité à comparaître ici
Qu'est-ce que je dois dire?
Je me suis demandé ce que je pouvais bien vous dire que ces gens bardés de diplômes et des titres ne pourraient vous dire mieux que moi
Qu'est-ce que je dois dire?
Vous savez déjà tout ce que je pourrais vous raconter au sujet des statistiques, des faits
Au sujet du système qui, vous le savez très bien, ne fonctionne pas
Qu'est-ce que je peux vous dire
Sur les raisons pour lesquelles les miens sont plus nombreux en prison que tout autre segment de la population du pays
Qu'est-ce que je peux vous dire
Que vous n'avez pas déjà lu
Dans vos millions de rapports

La question a toujours été de savoir par où commencer
Comment commencer
Pas quoi dire

Lorsqu'on est Autochtone...
Lorsqu'on est Autochtone, dans ce pays, on est assuré d'avoir un membre de sa famille en prison
Lorsqu'on est Autochtone
C'est un fait
Lorsqu'on est Autochtone
C'est notre réalité lorsqu'on grandit dans ce pays

Et si on a la malchance d'être Autochtone et de se retrouver en prison
Alors on sait qu'on y sera jusqu'à la toute fin — j'en reparlerai plus tard —
Surtout dans les Prairies
Parce que
Dans les Prairies, nous savons que nous ne pourrons pas voir la lumière du jour avant d'avoir purgé toute notre peine sinon plus
Ceux qui sont condamnés à de courtes peines savent sans l'ombre d'un doute qu'ils seront là jusqu'à leur libération d'office
Ils savent qu'il est inutile de participer aux programmes, parce que, si on est Autochtone...
Non, ce n'est pas ce qu'il faut dire... Quand...
Quand on est Autochtone, participer à ces programmes ne veut rien dire
Rien aux yeux de la commission des libérations conditionnelles
Rien aux yeux de son agent de libération conditionnelle
Rien aux yeux de quiconque travaille pour le SCC
Ne veut rien dire rien du tout
Sinon la futilité et la mort de tout espoir
Et c'est là la mauvaise blague... Mais ce n'est peut-être pas une blague
Simplement la réalité officielle « non officielle »

Et nous savons aussi que c'est l'objectif
Nous savons que c'est l'objectif de nous envoyer là, en masse
Nous savons que c'est l'objectif de nous envoyer en prison, en taule
Nous savons que c'est l'objectif de nous y garder

Nous savons que c'est l'objectif du système correctionnel dans notre pays
La mission du système de justice, c'est de faire naître cet idéal de futilité chez les Autochtones
Le Service correctionnel du Canada a reçu le mandat
D'éliminer tout espoir dans l'esprit des Autochtones...

Et pour l'Autochtone au Canada
La prison n'est qu'une autre forme de génocide
Pour l'Autochtone au Canada
L'incarcération n'est qu'une autre forme de génocide
Pour l'Autochtone au Canada
La taule n'est qu'une autre forme de génocide
Pour l'Autochtone au Canada
La réhabilitation n'est qu'une autre forme de pensionnat

Vous nous retirez à nos familles, comme à l'époque des pensionnats
Vous nous éloignez de nos collectivités, tout comme vous nous avez donnés en adoption partout dans le monde durant la rafle des années 1960
Vous nous retirez de notre culture, tout comme vous avez interdit nos pratiques culturelles
Vous dictez à quelle culture nous avons accès en créant des lois qui dictent nos pratiques
Combien de culture, quand, où et avec qui, comme le faisaient les agents des Indiens

Vous faites miroiter l'espoir: si nous participons aux programmes, nous serons plus tôt en liberté
Vous faites miroiter la vie: si nous nous comportons bien, nous serons plus tôt en liberté
Vous faites miroiter que tous les prisonniers sont égaux
Vous faites miroiter la possibilité de tout recommencer à zéro
Vous faites miroiter qu'à notre sortie la vie sera meilleure que celle à laquelle on nous a arrachés
Vous faites miroiter des mensonges, toujours des mensonges

Dans ma jeunesse, je regardais ma vie en prison et je voulais quelque chose de différent
J'ai dit: « Je ne vais pas mourir ici »
J'ai dit: « Je ne vais pas finir comme ce vieil homme aux cheveux gris, brisé, voûté et usé »
« Ce n'est pas ici que je terminerai ma vie »
« Ce n'est pas ici que mon histoire prendra fin, que mon récit se terminera »

Quand j'étais jeune, je savais que j'étais mal en point
Quand j'étais jeune, je savais que j'avais besoin d'aide
Je savais que je n'allais jamais m'en sortir, sauf si je m'efforçais de changer
Je savais que, si je voulais partir, je ne voulais pas partir mal en point
Je savais que j'avais besoin d'aide et j'ai donc accepté l'aide qu'on m'offrait

Cette aide était inutile
Cette aide ne valait rien

J'ai participé au programme Éliminer les obstacles
J'ai participé aux interventions sur les compétences cognitives
J'ai participé aux interventions sur la gestion de la colère
J'ai participé aux interventions sur la maîtrise de la colère et des émotions
J'ai participé au programme sur le modèle ABC comme tant d'autres
La liste est longue pour les délinquants autochtones participant aux programmes
Offerts par le SCC et la commission des libérations conditionnelles, mais qui n'intéressent absolument personne

Alors pourquoi participer?
Parce que, si on ne participe pas, il n'y a vraiment aucun espoir
Lorsque j'ai demandé de participer au programme sur l'élimination des obstacles, on m'a dit que j'étais condamné à perpétuité, et ma demande a été refusée

Alors pourquoi participer?
Parce que, si on ne participe pas, il n'y a aucune chance
On m'a dit que je ne pourrais pas participer à des programmes avant d'être admissible à la semi-liberté

  (0900)  

    

Alors pourquoi essayer?
Parce que si nous n'essayons pas, nous ne pouvons pas nous mentir et espérer
On m'a dit que ceux qui purgent de courtes peines participent avant les condamnés à perpétuité

Pourquoi participer aux programmes?
Parce que nous avons encore l'illusion que ça compte
On m'a dit que je n'avais pas à m'occuper des programmes et que j'étais parfait comme ça
Que j'allais pouvoir participer à des programmes dans environ huit ans

Au début, nous, les détenus, croyons de façon viscérale le fantasme que, oui, ça compte
Que ça compte pour tous ceux qui sont de l'autre côté de la table
Mais ça ne compte pas
Ça ne compte pas

Ça ne compte pas, parce que la commission des libérations conditionnelles se fiche de nos programmes.
Ça ne compte pas, parce que la commission des libérations conditionnelles sait que nous sommes des Autochtones et que le système nous ramènera vite
On violera nos droits, et nous serons de retour
Ça ne compte pas, parce que le système a besoin de prisonniers pour continuer de fonctionner
Les Autochtones sont des cibles faciles, parce que tout le monde s'en fiche si nous sommes en prison
Parce que, si nous sommes tous emprisonnés, personne n'a à se sentir coupable d'avoir volé nos terres
Parce que, si nous sommes tous emprisonnés, personne n'a à se sentir mal au sujet des couvertures contaminées
Personne n'a à s'inquiéter de nos droits fonciers, de notre eau insalubre
Personne n'a à penser aux enfants de la rafle des années 1960 retirés à leur famille parce qu'ils étaient Autochtones
Personne n'a à s'inquiéter des pensionnats et des enfants agressés là-bas
Les enfants tués là-bas
Les enfants à qui on a arraché l'âme
Les enfants dont on a lessivé l'esprit avant de renvoyer les coquilles vides dans les réserves
C'est sans importance, car si nous sommes emprisonnés
Personne n'a à se sentir coupable de toutes les choses sacrées qui nous ont été enlevées
Peu importe si nous participons à des programmes, peu importe, parce que les criminels n'intéressent personne

Et c'est sans importance parce que
C'est ce que le système fait: il criminalise des générations entières de mon peuple
Et, par conséquent, aux yeux et dans le coeur de la société dominante non autochtone
Nous sommes sans valeur
Des criminels bons à rien que personne ne veut fréquenter
Ni même regarder
Des gens à qui personne ne veut donner un emploi
Ni donner une chance,
Des gens dont on ne respecte pas les droits, parce qu'à un moment donné
Nous sommes allés en prison
Ainsi, nous avons perdu, pour toujours, le droit d'appartenir à l'humanité
Le système est utilisé contre mon peuple comme une arme de génocide bien plus efficace que les pensionnats
Parce qu'il a convaincu le citoyen moyen que les Autochtones sont essentiellement des criminels
Parce que c'est le mensonge qu'on raconte aux gens de ce pays

Cela nous amène à l'accès aux services de santé mentale
Et tout ce que je peux dire, c'est ceci:
On ne nous donne pas accès, car les délinquants non autochtones ont priorité
Même dans la région des Prairies, où jusqu'à 75 % des détenus sont des Autochtones

En plus, d'entrée de jeu, il n'y a jamais assez de psychologues dans les prisons
Et c'est à eux que vous avez confié le bien-être psychologique des détenus:
Des gens surmenés et sous-qualifiés qui, dès le départ, sont voués à l'échec par le système
Voilà les gens qui fournissent ce que vous appelez les services de santé mentale
Et ils ne peuvent pas nous aider en prison
Parce qu'ils ne savent pas ce avec quoi nous devons composer
Parce qu'ils peuvent seulement imaginer l'horreur et les tourments que nous vivons chaque jour
Des préjudices causés principalement par le personnel carcéral, les gardiens qui ont tous nos droits entre leurs mains

Ils peuvent nous enlever ces droits, à tout moment, n'importe où
Ils peuvent littéralement nous mettre à nu en tout temps et ils peuvent tout nous refuser
Ils peuvent nous battre jusqu'à l'inconscience sur un coup de tête; les preuves et les motifs peuvent être inventés de toutes pièces, et ils le sont
Et ça arrive chaque jour en prison

Puis, il y a l'hostilité de 1 000 hommes ou plus qui vivent dans un espace confiné
Qui sont en colère d'être là
Qui ont du ressentiment en raison de leur incarcération
Qui ont grandi dans des foyers violents
Qui ont grandi entourés de parents et de modèles qui les ont laissés tomber
Qui ne leur ont pas enseigné à distinguer le bien et le mal

Puis, il y a les prisonniers autochtones qui ont très probablement été
Arrêtés simplement parce qu'ils étaient Autochtones
Accusés parce qu'ils étaient Autochtones
Et/ou qui ont grandi dans des contextes de violence parce que leurs parents et grands-parents sont des survivants des pensionnats

Qui sont devenus, pour cette raison, des modèles qui n'ont aucune idée de la façon des modèles de comportement positifs
Qui se sont plutôt sentis comme des étrangers dans leur propre maison
Leur propre collectivité
Parce qu'ils parlaient comme les Blancs
Parce qu'ils pensaient seulement comme les Blancs
Parce que c'est ce qu'on leur avait appris de force
Et les raclées qu'ils ont reçues leur ont appris à battre leurs enfants pour leur enseigner
À être des gens aimants à l'esprit sain

Et, ainsi, le cycle du génocide visant à éliminer les Autochtones
Renaît totalement, en prison
Et des générations d'Autochtones se sont retrouvées
À grandir dans des centres de détention pour les jeunes
Avant de passer aux prisons pour adultes
Où ils sont entourés de geôliers non autochtones
Où ils ont été séparés de leur culture, de leur peuple
Où ils sont forcés à vivre entourés de gens rancuniers
Furieux, frustrés, confus, plein d'amertume, de rage et de haine
Et
Sans accès à des ressources adéquates en santé mentale
Limités à des programmes périmés conçus par des travailleurs sociaux qui n'ont jamais été en prison
Des travailleurs sociaux qui avaient des citoyens en colère en tête au moment de concevoir ces programmes visant à éliminer les obstacles
Ces programmes sur les compétences cognitives, la maîtrise de la colère et une myriade d'autres programmes
Parce que, en prison, on a bien sûr le temps de compter à rebours à partir de 20 dans une situation hostile afin de maîtriser sa colère, ses émotions...
Non, en fait, on n'a pas le temps
Parce que, bien sûr, les situations abordées par ces programmes s'appliquent vraiment à la réalité carcérale...
Encore une fois, non, ce n'est pas le cas
Et si vous êtes un Autochtone dans les Prairies ou ailleurs au Canada
Vous vous retrouvez au bout de la file à attendre pour les services de santé mentale
Et à attendre très longtemps pour y avoir accès
Mais les prisonniers non autochtones y ont accès dès le début

  (0905)  

    

Je suis un peu frustré, car je sais tout ça pour l'avoir vécu
Mais, je ne suis plus amer au sujet de tout ça
Je ne suis plus tourmenté à ce sujet

Je m'en suis sorti par moi-même, et j'ai reçu une aide essentielle
Pas du SCC, non, le Service correctionnel du Canada a eu très peu à voir avec ma libération
Avec la personne que je suis devenu
J'ai plutôt réussi grâce à toute l'aide que j'ai eue de mes amis, ici.
Qui m'ont guidé, m'ont montré comment devenir humain
De plus, je n'étais pas l'un des Autochtones qui n'auraient jamais dû être arrêtés
Non, je suis coupable de mon crime, et dois vivre avec cette réalité, qui me suivra toujours de près

J'en tire une force lorsque la vie, ici, est difficile et déprimante, comme elle sait si bien l'être
La culpabilité et le besoin de mieux faire, d'être meilleur, d'être plus qu'un simple survivant

En sortant, j'ai appris certaines choses au sujet du système
Sur la façon de réussir, ici
J'ai appris qu'on voit le monde comme on l'a vu la dernière fois qu'on l'a vu
Si vous êtes entré en prison à 18 ans
Alors, vous verrez à nouveau le monde à travers la mémoire et les yeux de celui que vous étiez à 18 ans
Mais vous le verrez aussi à travers l'esprit et les yeux de la personne de 35 ans qui sort de prison
Et, d'une façon ou d'une autre, ces deux perceptions doivent être harmonisées: il faut trouver un équilibre

Personne n'en parle
Parce que personne ne le sait

J'ai appris que j'avais un trouble de stress post-traumatique
Et c'est aussi le cas, dans une certaine mesure, de tous ceux qui sortent de prison
Ça tient au fait d'être toujours sur les nerfs, toujours aux aguets, d'attendre que quelque chose se passe

Personne n'en parle
Parce que personne ne le sait

À une époque, il y avait un système en place pour les condamnés à perpétuité, ceux coupables de meurtre, en vue de leur libération
Le programme s'appelait Option vie, et il faut l'offrir à nouveau
Option vie fournissait un emploi à une centaine de condamnés à perpétuité en libération conditionnelle
Leur travail était d'aider les condamnés à perpétuité à réussir leur réinsertion sociale
Les condamnés à perpétuité ont des compétences uniques pour aider d'autres condamnés à perpétuité à sortir de prison
Parce qu'ils savent exactement ce que vivent ceux qui sont libérés
Ce qu'un nouveau libéré conditionnel vivra
Ce programme de réadaptation et de réinsertion était beaucoup plus utile que tout le reste

Et que dire des condamnés à perpétuité?
Pourquoi devrait-on leur permettre d'occuper un emploi?
Pourquoi devrait-on les mettre dans une telle position de confiance?
Pourquoi devraient-ils avoir un tel pouvoir et, parfois, une telle autonomie?
Parce que, contrairement à tous les autres prisonniers, ils ont fait l'objet de tests psychologiques pendant des années
Des années où ils ont prouvé à maintes reprises qu'ils avaient changé
Des années où ils ont fait l'objet de rapports et d'évaluations sur chaque aspect de leur vie carcérale
Avant qu'on leur donne même une occasion de commencer leur réinsertion sociale
Ils doivent suivre des programmes
Ils doivent aussi les réussir
Ils doivent être des prisonniers modèles
Ils doivent être des modèles de comportement
Ils doivent prouver encore et encore, dans chaque situation, qu'ils ne commettront plus de crime
Les détenus qui purgent de courtes peines n'ont rien à faire et ils finissent simplement par sortir
De plus, pour un Autochtone qui purge une courte peine, participer à des programmes ne changera rien
Il restera tout de même en prison jusqu'à sa libération d'office
Seuls les condamnés à perpétuité doivent prouver qu'ils ont vraiment changé

Et le changement, c'est bien ce dont il s'agit
Alors prétendons un moment que les programmes fonctionnent et qu'ils ont une réelle valeur parce qu'ils sont pertinents
Si tel était le cas
Il faudrait plus de personnes qualifiées au sein du système pour les offrir
Des gens vraiment qualifiés qui en seraient responsables
Ces programmes doivent être créés pour les prisonniers
Pour les aider à composer avec des situations liées au milieu carcéral

Et pour les prisonniers autochtones, cela signifie qu'il faut des programmes appropriés du point de vue culturel
Pas simplement ajouter des dessins de plumes et de roue de médecine dans les cahiers d'exercices
Je parle de programmes appropriés sur le plan culturel dans le contexte social:
Des programmes inuits pour les Inuits, des programmes métis pour les Métis et des programmes des Premières Nations pour les membres des Premières Nations
Et ces programmes doivent être enseignés par les leurs

Il ne faut pas seulement des agents de programmes autochtones non plus
Il faut que des guérisseurs accompagnent ces intervenants autochtones
Il faut des aînés, que ce soient des aînés métis, inuits ou des Premières Nations
La voix et la personne qui enseigne le bon chemin possèdent un pouvoir
Ces programmes doivent être offerts à tous les prisonniers autochtones dès le départ
On ne gagne rien à attendre

Les condamnés à perpétuité autochtones doivent participer à un programme Option-Vie qui leur est destiné:
un programme métis pour les Métis, inuit pour les Inuits et autochtone pour les Autochtones
Et des aînés doivent participer à tous ces programmes
Les collectivités elles-mêmes doivent participer à ces programmes

Si on offre un programme à l'intention des prisonniers autochtones au sujet d'une vie saine et de relations saines
Alors il faut que ces relations participent
Les épouses et les époux, les petits-amis et les petites-amies, les adolescents et les enfants
Parce que tout commence au début, avec les enfants, l'enfant que le prisonnier était autrefois

Si on crée un pavillon de ressourcement pour prisonniers autochtones, alors il faut laisser la collectivité le gérer:
Des programmes autochtones pour les Autochtones et offerts par des Autochtones
Il faut fournir à la collectivité la formation nécessaire pour bien faire son travail, avec efficacité et efficience

  (0910)  

    

Les aînés doivent être des aînés de la communauté
Cela signifie qu'un groupe d'Autochtones a reconnu que cette personne était un aîné
Ce qui signifie que le SCC doit absolument arrêter de nommer
Des aînés lui-même
Vous n'avez aucun droit de le faire
Le SCC n'a aucun droit de le faire
Il s'agit là d'une appropriation spirituelle et d'une forme de violence psychologique

La communauté vous dira qui est un aîné: la communauté

La société autochtone a été construite de cette façon
La philosophie autochtone est établie de cette façon
Chacun de nos actes passés, présents et à venir fait intervenir la communauté
Et les relations de notre cercle de vie

Parce que nous sommes tous connectés par le territoire
Parce que nous sommes tous liés, en esprit

    Merci, monsieur Freeland.
    Madame la sénatrice Pate.
    Merci. Je vais prendre une minute, le temps d'assimiler tout cela.
    Vous m'excuserez, mais comme vous le savez, je reviens tout juste de l'endodontiste pour un traitement de canal. Je vais faire mon possible pour ne pas saliver sur les documents et pour bien articuler.
    Je tiens d'abord à reconnaître que nous sommes sur le territoire non cédé du peuple algonquin.
    J'ai passé le plus clair des quatre dernières décennies dans des prisons pour y aider des jeunes, puis des hommes, et finalement, au cours des 25 ou 26 dernières années, des femmes. Cependant — et c'est un point de la plus haute importance —, contrairement à M. Freeland, je pouvais en sortir sans problème. Les impacts de la colonisation sur les peuples autochtones dans notre pays sont criants. Je crois que M. Freeland est parvenu à exprimer très succinctement la grande complexité du problème, alors je ne vais pas chercher à le reformuler.
    J'aimerais commencer par discuter un peu des possibilités dans le cadre législatif actuel ainsi que celles qui s'offrent à votre comité et aux comités sénatoriaux qui se penchent sur le sujet. Il est important de souligner que la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition a été adoptée sous l'égide d'un programme législatif axé sur les droits de la personne. Cette loi sur les droits de la personne, comme on la percevait, comprenait des dispositions dont le but principal était — si vous consultez le hansard pour la Chambre et le Sénat — la désincarcération, notamment celle des Autochtones. De façon générale, le but était de réduire le nombre de détenus dans les prisons. Tout cela a commencé avec le rapport Daubney, qui a mené à l'élaboration de la LSCMLC. Dès le départ, de l'article 4 jusqu'à la fin, le but était de faire sortir les gens de prison.
    Je veux parler de certains articles, non seulement du fait qu'ils sont sous-utilisés, mais également du fait qu'ils ont été élaborés en fonction d'orientations stratégiques du Service correctionnel du Canada qui restreignent grandement l'intention du législateur dans ces dispositions.
    Je parle en particulier de l'article 29. Cet article concerne le transfèrement de détenus à un hôpital ou à un autre type d'établissement. Il vise particulièrement les détenus ayant des problèmes de santé physique, mais peut aussi s'appliquer — et cela s'est vu — aux détenus atteints de problèmes de santé mentale. Le Service correctionnel du Canada a déjà conclu des ententes d'échange de services avec l'ensemble des provinces et des territoires. Cependant, ces ententes concernent surtout les soins pour les problèmes de santé physique émergents. Il doit aussi y avoir des ententes en place pour les soins de santé mentale.
    La première chose que répondrait le SCC si vous lui posez la question, c'est qu'il a essayé de mettre cela en place, mais que les services communautaires ne sont pas adéquats pour cela. C'est en partie vrai, mais aussi en partie faux.
    J'ai communiqué avec certains fournisseurs de services de santé qui avaient également discuté avec le Service correctionnel du Canada, et, selon eux, le blocage se trouve du côté du gouvernement fédéral, tandis que le Service correctionnel du Canada va jeter le blâme sur les provinces et les territoires.
    Je ne prétends pas savoir exactement où se trouve le noeud du problème. Toutefois, je suis certaine que les ressources présentement utilisées pour garder les gens incarcérés pourraient être investies au niveau provincial et territorial pour fournir des services de soins de santé mentale. J'irais même jusqu'à dire que cela serait bénéfique autant pour les détenus actuels et futurs que pour l'ensemble de la collectivité.
    Il y a aussi l'article 76, qui prévoit que le Service correctionnel du Canada doit offrir, dès qu'un délinquant est admis à un établissement carcéral... laissez-moi simplement souligner ce qui est dit dans le chapitre 5 du dernier rapport du vérificateur général du Canada qui a été publié cette semaine. Le SCC est censé élaborer des plans de libération dans la collectivité de façon à ce que tout ce qui se passe relativement aux détenus dans l'établissement carcéral contribue, au bout du compte, à sa réinsertion sociale en toute sécurité dans la collectivité, autant pour le délinquant que pour la population.
    L'article 77 prévoit aussi que le Service correctionnel du Canada doit consulter les organisations féminines ainsi que toute personne ayant l'expertise appropriée et les faire participer au processus. Cela s'explique par l'admission massive de femmes dans le système carcéral au moment où la loi entrait en vigueur. C'est une réalité qui se poursuit même aujourd'hui. Je suis sûre que Mme Gentile a déjà abordé le sujet. À dire vrai, la population carcérale dont la croissance est la plus rapide actuellement, c'est celle des femmes, en particulier les femmes autochtones et les femmes atteintes de problèmes de santé mentale. Malgré tout, la mise en oeuvre complète de l'article 77 tarde toujours.
    Le même principe est prévu à l'article 80 pour les collectivités autochtones. Le Service est censé consulter les collectivités autochtones et demander leur participation.
    Ensuite viennent les articles 81 et 84. Je crois qu'on vous en a déjà parlé un peu. L'article 81 prévoit qu'un détenu peut purger sa peine dans la collectivité. L'article 84 prévoit que les détenus, en particulier les détenus autochtones, peuvent obtenir la libération conditionnelle dans une collectivité.

  (0915)  

    Un examen de ces politiques révélerait, manifestement, qu'elles ont été beaucoup plus prohibitives que ce qui est prévu dans la Loi. Conformément aux politiques, seuls les détenus ayant une cote de sécurité minimale... je crois que Mme Claire Carefoot, qui dirige la Maison de ressourcement Buffalo Sage, est venue témoigner plus tôt cette semaine. Selon elle, nous avons besoin d'un plus grand nombre d'établissements de ce genre. Je vous recommande d'examiner la loi ainsi que l'intention du législateur et de reconnaître que la mise en oeuvre incomplète de ces dispositions tient en partie au fait, à mon avis, que très peu de collectivités autochtones au cours des deux dernières décennies — cela fait 25 ans que la loi a été adoptée — étaient au courant de ces dispositions. De toute façon, même celles qui l'étaient se sont fait dire qu'elles devaient construire des établissements si elles voulaient que les dispositions soient mises en oeuvre.
    Cela est faux en vertu de la loi, mais véridique en fonction des décisions d'ordre stratégique. Dans les faits, quiconque, peu importe la cote de sécurité, y compris M. Freeland quand il était incarcéré, aurait pu purger sa peine dans la collectivité si cette dernière avait représenté au ministre de la Sécurité publique une demande d'accord en vertu de l'article 81. Un accord aurait pu être conclu, et des ressources, préparées, afin de répondre aux besoins de personnes comme M. Freeland — et il l'a expliqué avec éloquence — s'il avait désiré s'engager dans ce processus. Mais ce n'est pas de cette façon dont cela est expliqué aux collectivités autochtones, et la politique n'a pas été élaborée en conséquence.
    Il y a quelque chose que Mme Carefoot ne vous a pas dit. Quand le deuxième pavillon de ressourcement pour femmes au Canada a ouvert ses portes, aucune femme autochtone n'y était admissible, à l'époque. Aucune d'entre elles n'avait une cote de sécurité adéquate. Aucune n'avait accès à ce genre de programme. À dire vrai, il a fallu attendre un reclassement pour que des femmes autochtones puissent y être admises. Les politiques du système correctionnel, à différents niveaux, ont fait obstacle à l'objectif tout à fait louable d'ouvrir un nouvel établissement de ce genre en empêchant les femmes qui auraient dû y être admissibles d'y aller.
    Je veux souligner la pertinence des sections du rapport du vérificateur général qui traitent du fait que le système de classement correctionnel causait des difficultés depuis le début relativement à la façon dont les détenus pouvaient accéder aux programmes. Nous savons, grâce au plus récent rapport de l'enquêteur correctionnel, que plus de la moitié des femmes au niveau de sécurité maximale sont des femmes autochtones.
    Cela s'inscrit d'emblée dans leur parcours de vie. Comme M. Freeland l'a expliqué, cela est en partie causé par les facteurs statiques qui minent la vie de la plupart des personnes autochtones. Si vous vous rappelez, il a fallu attendre 1990 pour que quelqu'un, le juge Cawsey de l'Alberta, entreprenne un examen du nombre d'hommes — il ne s'est pas attardé aux femmes — qui sont passés dans le système de justice pénale. Il a conclu que 90 % des hommes autochtones après l'âge de 30 ans avaient un casier judiciaire. C'est une surreprésentation massive.
    D'autres problèmes qui ont été relevés sont l'absence de processus appropriés pour les griefs et les plaintes, un manque définitif d'accès à la justice et une supervision défaillante. En 2004 et en 2005, le Service correctionnel du Canada a embauché quelqu'un afin d'examiner les procédures relatives aux cotes de sécurité, en particulier en ce qui concernait les femmes. Le Service a embauché une femme du nom de Moira Law, qui s'est penchée sur la question pendant un an. Sa recommandation a été que toutes les détenues soient classées au niveau de sécurité minimale à leur admission. Elle est arrivée à cette conclusion après avoir consulté des membres du personnel, des détenues et des personnes de l'extérieur, y compris l'enquêteur correctionnel. Sa recommandation n'a jamais été adoptée. Et pourtant, en réaction au rapport du vérificateur général, le Service correctionnel du Canada dit qu'il compte entreprendre un examen, malgré le fait qu'il dispose déjà d'études excellentes dont les recommandations n'ont jamais été mises en oeuvre.
    Je sais que mon temps touche à sa fin, et c'est pourquoi je vais conclure en proposant qu'un comité de la Chambre — votre comité, selon toute logique — et le comité sénatorial entreprennent au moins une fois par année de mener un examen de surveillance conjoint. L'enquêteur correctionnel rend des comptes au ministre de la Sécurité publique, et le rapport est ensuite déposé au Parlement. Nous avons besoin d'un contrôle judiciaire, mais, entretemps, afin de veiller à ce que les mécanismes prévus par la loi et l'intention du législateur soient respectés et mis en oeuvre, je propose d'élaborer un mécanisme où un comité multipartite de la Chambre et du Sénat examinerait ces contrôles une fois par année.

  (0920)  

    Je suis prête à répondre à vos questions.
    Merci, sénatrice Pate.
    Madame Damoff, vous avez sept minutes.
    Je veux remercier nos trois témoins d'être ici aujourd'hui.
    Je veux d'abord féliciter et remercier les sociétés Elizabeth Fry du travail qu'elles accomplissent depuis des décennies pour les femmes dans le système correctionnel. Vous ne recevez pas assez de gratitude pour votre travail. Vous améliorez grandement la vie de ces femmes, et on le souligne bien trop peu, alors merci.
    Monsieur Freeland, merci de nous avoir raconté votre histoire. Je voyais à quel point cela était difficile pour vous. Merci.
    Sénatrice Pate, je sais que vous êtes une ardente défenseure de cette cause, et que vous l'étiez bien avant votre arrivée au Sénat.
    À mon avis, notre objectif ici est de trouver des solutions. Sénatrice Pate, vous nous avez déjà donné quelques pistes.
    L'un d'entre vous — je crois que c'était vous, madame Gentile, a mentionné quelque chose à propos d'aînés qui travaillent à contrat. Je me demandais si vous pouviez nous en dire plus. Si ce système ne fonctionne pas, que devrions-nous faire pour les aînés qui travaillent dans le système correctionnel?
    Je crois que Neal, à mes côtés, serait mieux placé que moi pour répondre à cette question.
    D'accord.
    Je vous cède la parole, Neal, si vous le voulez.
    Au départ, les aînés dans le système carcéral étaient de véritables aînés dans la collectivité qui étaient payés par le SCC pour aider, en leur qualité d'aîné, les détenus, autant les hommes que les femmes. Vers le début des années 2000, je crois, la politique ou la situation a changé à l'intérieur du SCC, et le Service correctionnel du Canada a cessé de demander l'aide des aînés. À la place, leurs rôles ont été assimilés à des postes. Pourvu que vous soyez une personne autochtone, peu importe votre âge, vous pouvez être embauché par le SCC à titre d'aîné et être rémunéré pour ce travail.
    C'est loin d'être comment les peuples autochtones, les Métis, les Inuits et les Premières Nations choisissent ou reconnaissent leurs aînés. Les aînés sont des membres de la collectivité qui connaissent les enseignements, les remèdes, les histoires, la langue et, dans la plupart des cas, ils ont des années, sinon des décennies, d'expérience au sein de la collectivité comme conseiller spirituel, comme guérisseur, parfois comme gardien du calumet, comme chef de cérémonie de la suerie...

  (0925)  

    Pardon, aviez-vous terminé?
    Pour ainsi dire.
    Entre autres choses, notre gouvernement a investi énormément de fonds dans le dernier budget pour les agents de développement auprès de la collectivité afin de favoriser la collaboration avec elle. Je crois qu'il faudrait que les collectivités visées soient autant dans les réserves que dans les milieux urbains. Ce n'est pas tout le monde qui veut retourner dans les réserves. Parfois, la personne en question peut en être partie depuis très longtemps.
    Je me demandais si vous aviez des commentaires à faire sur l'impact de ces investissements, et s'il fallait les augmenter.
    Allez-y, madame la sénatrice.
    Vendredi, j'étais à l'Établissement de la vallée du Fraser pour femmes afin de rencontrer un certain nombre de femmes qui purgent une peine d'emprisonnement à vie et les aînés. Il y avait un rassemblement.
    Les aînés nous ont rappelé qu'il y a trois éléments principaux dont tout le monde a besoin pour s'en sortir et réussir. L'un d'eux, c'est une communauté de soutien. Je pense que c'est vrai. Nous avons tous besoin d'une communauté de soutien. Un autre, c'est d'avoir quelque chose à faire qui est utile, et avec un peu de chance, c'est quelque chose pour quoi vous pouvez aussi être rémunéré; si vous n'êtes pas payé pour cela, vous avez besoin d'un certain revenu. Un autre élément est un logement sécuritaire et stable.
    C'était un élément. Un certain nombre des aînés... En fait, les premiers aînés qui allaient dans les prisons lorsque j'y travaillais n'étaient pas payés. Ils venaient de collectivités, parce que des membres de leur collectivité étaient en prison, et les interventions étaient si efficaces que, en fait, comme Neal l'a dit, les services correctionnels ont vu l'avantage pour les prisonniers autochtones en particulier, mais aussi pour d'autres prisonniers. Souvent, la fraternité et la sororité accueillaient d'autres personnes.
    Même alors, ces aînés ont dit que ce dont ils avaient vraiment besoin, c'était de pouvoir faire sortir les gens, les ramener dans leur collectivité. Récemment, j'ai eu quelques discussions avec certaines collectivités qui ont dit que les accords conclus en vertu de l'article 81 et de l'article 84 pourraient fonctionner mieux si nous pouvions aussi prendre des gens d'autres collectivités de façon à faire le pont pour leur permettre de retourner dans leur propre collectivité. Je serais intéressée à connaître le point de vue de Neal sur cette question.
    L'exemple utilisé était une collectivité où quelqu'un purgeait une peine d'emprisonnement à vie parce qu'il avait été impliqué dans le décès d'un autre membre de la collectivité. Les membres de la collectivité ont ressenti le besoin de travailler avec cette personne, mais ils n'étaient pas prêts à le voir réintégrer la collectivité. Ils négociaient avec une autre collectivité pour savoir si la personne pourrait être libérée conditionnellement — c'était en réalité une collectivité urbaine bénéficiant d'un soutien autochtone du centre d'amitié — puis subir une transition.
    Cela m'a fait penser que nous n'avions pas bien réfléchi à toutes les options et les possibilités concernant la façon de le faire, comme M. Freeland l'a dit, mais une partie du problème provient des services correctionnels, des prisons, et non pas de la collectivité dans...
    Nous avons entendu cela de la part des agents de libération conditionnelle. Les services correctionnels ne vont pas dans les collectivités pour essayer de travailler avec des gens afin de les faire venir et travailler dans...
    J'ai quelques questions rapides. Nous avons entendu dire qu'il devrait y avoir un sous-commissaire pour les délinquants autochtones. Nous avons entendu dire que les enquêteurs correctionnels réclament cela depuis 10 ans. Avez-vous un oui ou un non par rapport à cela?
    C'est difficile pour moi de dire oui ou non. Je dirais que, si nous avions à choisir entre cela ou la mise en oeuvre de l'appel à l'action numéro 30 de la Commission de vérité et réconciliation, j'irais avec le numéro 30, soit lancer les stratégies de désincarcération.
    D'accord.
    S'il faut un sous-commissaire pour le faire, d'accord. Je ne pense pas que cela soit nécessaire, cependant.
    Y a-t-il d'autres commentaires en 30 secondes?
    Je suis d'accord.
    Merci.
    Monsieur Paul-Hus.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leurs témoignages.
    La situation est assez complexe. Nous avons eu plusieurs rencontres à ce sujet jusqu'à présent. Le Comité a pour objectif premier de connaître les conditions d'incarcération des Autochtones et d'évaluer si la population autochtone est surreprésentée comparativement à d'autres groupes.
    Essentiellement, c'est le problème de la criminalité qui revient le plus souvent. La raison pour laquelle une personne est envoyée en prison, c'est parce qu'elle a commis un crime.
    N'étant pas un expert en matière d'affaires autochtones, j'aimerais poser la question suivante: les communautés autochtones reconnaissent-elles le Code criminel du Canada?
    Madame Pate, pouvez-vous répondre à cette question?

  (0930)  

    Je vous remercie de votre question, mais je vais y répondre en anglais.

[Traduction]

    Absolument, le Code criminel est reconnu, mais la loi est une théorie, et le fait de savoir qui est considéré comme un criminel dépend grandement de la personne qui a le pouvoir de le faire. Plus une personne est mise à la disposition et connue de l'État, plus elle est susceptible d'être aussi criminalisée.
    Lorsque j'enseignais à la faculté de droit, je parlais du fait que nous avons une Charte des droits et libertés qui garantit l'égalité, mais qui ne réalise jamais vraiment cette égalité réelle. Puis, nous avons un Code criminel qui est censé s'appliquer de façon égale. Il y a une vieille citation d'Anatole France — je ne peux pas me la rappeler exactement — qui dit que ni les riches ni les pauvres n'ont le droit de dormir sous les ponts ou de voler de la nourriture. Je pense que cela résume les questions dont nous parlons et pourquoi j'ai mentionné les appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation et du besoin d'égalité réelle. C'est beaucoup plus facile pour certaines personnes, si elles ont des problèmes de santé mentale ou ont parfois une bonne raison de ne pas faire confiance à la police lorsqu'elles n'ont pas été protégées... Nous savons, selon l'enquête sur les femmes autochtones disparues et assassinées...

[Français]

     Il n'en reste pas moins que, essentiellement, un acte criminel, qu'il soit commis par un Autochtone, un Blanc ou un Asiatique, demeure un acte criminel. Lorsqu'il y a un jugement...

[Traduction]

    Mais ce ne sont pas toutes les infractions criminelles qui font l'objet de poursuites. Ce ne sont pas toutes les infractions criminelles qui sont signalées et font l'objet de poursuites ni tous les gens qui sont criminalisés...

[Français]

    Ce que je veux dire, c'est que, à partir du moment où une accusation est portée contre un Autochtone, ce dernier est envoyé en prison. Il s'agit d'une question complexe. Mme Gentile a parlé de la structure coloniale. D'après ce que j'ai compris des témoignages, l'ensemble du système carcéral n'est pas adapté aux communautés autochtones, qui ne l'admettent pas ni ne le reconnaissent. Je me demande ce que nous pouvons faire à cet égard.
    Nous disons vouloir que les Autochtones aient un traitement différent. Que pouvons-nous faire? Si nous n'avions pas eu un système colonial, et s'il n'y avait pas eu de Britanniques ou de Français à l'époque, comment les Autochtones traiteraient les criminels dans leur communauté? Présentement, nous tournons en rond et nous finissons toujours par revenir au même point. Si les colonisateurs n'étaient pas venus ici il y a 400 ans, comment traiterait-on cela?

[Traduction]

    À mon avis, une des choses que vous avez vous-même implicitement laissé entendre, c'est que nous devons examiner aussi d'autres mesures. Comme nous le savons, des provinces et des territoires différents examinent des choses comme le revenu de subsistance garanti. De nombreuses personnes sont en prison parce qu'elles sont pauvres et qu'elles essaient de négocier la pauvreté. Il y a en prison de nombreuses personnes qui réagissent à la violence commise contre elles, qui se représentent elles-mêmes et ne peuvent se payer un avocat ou qui n'ont pas été protégées et qui ont été essentiellement déléguées pour se protéger elles-mêmes.

[Français]

    Je suis d'accord avec vous, madame la sénatrice.
    Service correctionnel Canada a un travail à faire, mais pour ce qui gravite autour du système correctionnel, c'est-à-dire l'avant et l'après, nous voulons savoir si Service correctionnel Canada peut faire autre chose. Le gouvernement peut bien investir des millions de dollars, cela ne change rien au fait que le problème se situe peut-être avant l'entrée ou à la sortie.
    Le but de notre étude, c'est de savoir s'il y a autres choses à faire, bien que plusieurs choses se font déjà pour les Autochtones.

[Traduction]

    Tout à fait.
    En 2010, le directeur parlementaire du budget a dit qu'il en coûtait 348 000 $ pour garder une femme dans une prison à sécurité minimale ou moyenne au pays. Si cet argent était investi de différentes façons dans la collectivité, tout à fait, nous verrions des choses très différentes.
    Je pense que le frère de Kinew James, la femme qui est décédée sous responsabilité fédérale en 2015, a dit les choses de façon plus succincte que j'aurais pu le faire. C'est une femme autochtone qui est morte d'une crise cardiaque, en partie parce qu'elle avait des problèmes de santé mentale, et l'hypothèse était qu'elle essayait simplement d'attirer l'attention lorsqu'elle demandait en réalité de l'aide. Elle est morte d'une crise cardiaque. Son frère a dit qu'il y avait énormément de ressources accessibles pour recourir à plus de moyens de sécurité à l'égard de sa soeur, pour la mettre en isolement, pour la mettre sous contrainte ou pour la transférer d'un bout à l'autre du pays, mais lorsqu'elle a voulu suivre un cours à l'université ou même au secondaire, ou lorsqu'elle a voulu faire quelque chose pour tenter de s'aider elle-même à s'en sortir et à améliorer sa situation, il y avait toute une longue politique interminable et une description pour exposer pourquoi cela ne pourrait être fait ou pourquoi cela a pris autant de temps. Je pense que c'est ce que nous devons fondamentalement changer. Ce sont des décisions stratégiques qui concernent la façon dont nous décidons de dépenser rapidement de l'argent et de ne pas dépenser rapidement de l'argent.
    Bien franchement, une partie de la raison pour laquelle je pense qu'on n'a pas abordé cela, c'est que cela va exiger des changements et supposer des investissements qui vont traverser la période de la durée des élections. Cela ne peut pas se passer entre une élection et la suivante, donc tous les partis — et nous tous — devons investir pour nous assurer que nous faisons certaines des choses recommandées par la Commission de vérité et réconciliation, la Commission royale, le vérificateur général ou le directeur parlementaire du budget. Autrement, nous allons continuer d'essayer d'utiliser les réponses courtes qui seront inévitablement davantage axées sur la sécurité, et pas nécessairement sur l'investissement dans les gens.

  (0935)  

[Français]

     Je vous remercie.
    Merci, monsieur Paul-Hus.
    Monsieur Dubé, vous disposez de sept minutes.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à tous d'être ici.
    J'aimerais entendre quiconque d'entre vous souhaite commenter la façon dont nous sélectionnons le type d'établissement dans lequel une personne va être placée — à sécurité moyenne, minimale ou maximale. L'impression que j'ai depuis que nous avons entendu des témoins, c'est que le processus ne fonctionne pas et que c'est pourquoi nous voyons la surreprésentation de délinquants autochtones dans des prisons à sécurité maximale. Cela touche les programmes qui sont offerts et leur disponibilité. On a dit à quel point une personne peut accéder rapidement à certains types de programmes, le moment où ils sont accessibles et l'endroit où ils le sont et à qui ils s'adressent. J'aimerais entendre vos réflexions à ce sujet, les répercussions que cela a et ce que nous pourrions faire pour régler le problème.
    Vous savez peut-être qu'il y a en ce moment un cas devant la Cour suprême du Canada concernant tout le système de classification, qui est vraiment fondamental, comme l'a dit M. Freeland, au moment de déterminer qui obtient l'accès à quels programmes et selon quels niveaux de sécurité dès le départ. Nous savons que, en 2003, la Commission canadienne des droits de la personne l'a jugé discriminatoire en fonction du sexe, de la race et du handicap. Il touchait de façon disproportionnée les femmes, celles qui sont racialisées, particulièrement les prisonnières autochtones, et celles qui ont des problèmes de santé mentale invalidants. C'est ce qui a mené à l'examen par Moira Law, lequel a été abandonné par le service correctionnel.
    Ce processus est encore en place, et, en fait, un homme appelé M. Ewert a traduit le Service correctionnel du Canada en justice. Nous attendons en ce moment une décision de la Cour suprême du Canada. Les Sociétés Elizabeth Fry et l'Association des femmes autochtones du Canada, ainsi qu'un certain nombre d'autres groupes, sont intervenus dans une affaire judiciaire pour attirer l'attention sur le fait que nous devons fondamentalement repenser la façon dont nous classifions les gens et dont ils obtiennent accès à des programmes.
    La plupart des Autochtones, en raison de toutes les choses dont M. Freeland a déjà parlé, sont plus susceptibles d'être classifiés selon un niveau de sécurité supérieur dès le départ en fonction de facteurs qu'ils ne peuvent changer. Vous ne pouvez changer l'endroit d'où vous venez ni vos antécédents familiaux. Vous ne pouvez changer ces choses. Vous finissez donc avec une série de choses très précises qui peuvent être changées, et c'est ce qui est évalué. Puis, c'est perçu à travers les yeux ou les oreilles ou l'interprétation de personnes qui ne sont pas nécessairement bien qualifiées dans ce domaine. Comme nous l'avons vu dans le plus récent rapport du vérificateur général, 37 % des classifications des niveaux de sécurité, même après qu'elles ont été attribuées, sont changées vers le haut, particulièrement chez les femmes et les femmes autochtones. La cote augmente. C'est comme si une certaine personne décide soudainement que, même si le prisonnier provient dans les faits d'un établissement à sécurité minimale, il devrait vraiment se trouver dans un établissement à sécurité moyenne. Le caractère arbitraire de cela est...
    J'aimerais entendre le point de vue d'autres personnes également, mais ma compréhension de cette statistique, c'est que ce sont souvent des cas où des problèmes de santé mentale sont en jeu.

  (0940)  

    C'est exact. Presque la totalité d'entre elles sont placées en isolement. Une prison pour femmes comporte plusieurs niveaux, et vous avez donc en réalité un niveau à sécurité maximale à l'intérieur.
    J'encouragerais le présent Comité, s'il n'a pas déjà décidé de le faire, d'aller dans les prisons. Je suis sûre que vous savez tous que les juges et les parlementaires ont un droit d'accès aux prisons. Comme Louise Arbour nous l'a rappelé à un si grand nombre d'entre nous il y a un an et demi, quiconque d'entre nous prend des décisions à ce sujet, que ce soit le présent projet de loi que vous étudiez, ou des études, ne devrait prendre des décisions... les juges ne devraient pas envoyer des gens en prison, et les parlementaires ne devraient pas prendre des décisions au sujet de lois s'ils ne savent pas où les gens s'en vont. Les visites ne peuvent vous donner tout cela, mais le fait de rendre visite à des personnes comme M. Freeland et à d'autres qui sont toujours à l'intérieur et de les rencontrer peut vous donner une certaine idée. Si vous n'avez pas déjà décidé de le faire, je vous encourage à le faire. Je serai heureuse de vous aider.
    Le temps file, mais peut-être que d'autres aimeraient parler de ce sujet.
    J'aimerais inviter l'un ou l'autre d'entre vous à assurer la coordination avec les Sociétés Elizabeth Fry. Nous avons des représentants régionaux partout au pays qui vont dans les prisons régulièrement. Un des obstacles majeurs pour ce qui est de comprendre ce qui se passe à l'intérieur, lorsque vous faites une visite en tant que parlementaires ou que n'importe qui d'autre, c'est l'absence de confiance. Heureusement, en tant que représentants régionaux qui faisons des visites régulières, nous avons renforcé cette confiance au cours d'un certain nombre d'années, et les femmes communiquent plus librement avec nous. Nous accueillons toutes ces invitations et nous serions heureux d'en assurer la coordination.
    De même, je vous dirais d'inviter les gens d'Option vie à se joindre à vous.
    Option Vie n'existe plus.
    Non. Rick et...
    Désolé, excusez-moi de vous interrompre. Si je peux me permettre, j'ai une dernière question que j'aimerais poser avec le temps qu'il me reste.
    Monsieur Freeland, je pense que vous avez fait des commentaires sur les « générations perdues », c'est le terme que vous avez utilisé, et le fait de passer à des prisons pour adultes. Je me préoccupe tout particulièrement de cet élément, parce qu'il semble que si de jeunes délinquants... nous parlons, disons de 18 à 35 ans. Je ne connais pas la tranche d'âge officielle.
    C'est de 12 à 18 ans.
    Pour quelqu'un qui a plus de 18 ans, mais qui demeure à vos yeux relativement jeune, dans un pénitencier fédéral, devrions-nous avoir des programmes particuliers conçus pour ces jeunes gens, de sorte qu'ils ne sortent pas des prisons, deviennent des récidivistes et retournent en prison, puis perpétuent essentiellement ce cycle?
    Ce sont les Autochtones qui, en réalité, ont créé cette justice réparatrice. La société coloniale l'a adoptée et l'a intégrée dans le système correctionnel.
    Les Autochtones ont longtemps cru que si les jeunes commettent des crimes contre la collectivité, la collectivité devrait s'en occuper. Ces crimes devraient être réglés par la collectivité, et la guérison se ferait au sein de celle-ci. Les collectivités autochtones ont réglé ce problème de toutes sortes de façons.
    Selon la gravité du crime, on pourrait avoir pensé à quelque chose d'aussi simple que d'amener la personne à travailler pour l'autre famille, à subvenir aux besoins de cette famille et à redonner à cette famille. De la nourriture, un refuge, toutes ces choses en feraient partie.
    Pour des crimes plus graves, les gens seraient exilés pendant une brève période. La collectivité s'occuperait d'eux, mais ils vivraient à l'extérieur de celle-ci, apprenant comment s'occuper de nouveau d'eux-mêmes. Ils tiendraient des discussions avec les aînés pour apprendre à réintégrer leurs croyances spirituelles avant de revenir dans la collectivité.
    L'Odawa Native Friendship Centre a une forme de programme de justice réparatrice pour les adultes qui finissent en prison. C'est en réalité le programme de justice communautaire. Ce que cela signifie, c'est que plutôt que de purger une peine, avant d'être condamnés, ils suivent le programme de justice communautaire. Ils sont vus par un cercle d'aînés et de membres de la collectivité qui décident de la meilleure façon de gérer la situation, et ces personnes font ce qui est recommandé. Puis, leur peine est commuée ou annulée entièrement.

  (0945)  

    Merci, monsieur Freeland.
    Madame Dabrusin, vous avez sept minutes.
    Merci à vous tous. J'ai trouvé vraiment utile d'entendre l'ensemble de vos témoignages au sujet de vos expériences et de vos connaissances.
    J'ai toute une série de questions.
    J'aimerais commencer par vous, sénatrice Pate; c'est quelque chose que vous avez soulevé.
    Vous avez parlé de surveillance et de l'élaboration d'un système de surveillance assuré par un comité parlementaire et sénatorial. J'ai une série de questions à ce sujet. La première est la suivante: à quoi ressemblerait le système de surveillance ultime? Vous avez dit que vous préféreriez que ce ne soit pas un organe du Sénat ou du Parlement, que ce soit une instance judiciaire. D'abord et avant tout, à quoi cela ressemblerait-il?
    Ce n'est pas une réflexion originale, je dois dire. Louise Arbour est arrivée avec cette idée après avoir examiné ce qui s'est passé à la Prison des femmes en 1994, après qu'une série d'incidents l'ont amenée à tenir une enquête. Elle a recommandé que, dans des situations où le traitement d'un prisonnier équivaut à la mauvaise gestion d'une peine, où une personne finit essentiellement en isolement, accumulant plus de peines ou étant maltraitée des façons que M. Freeland a décrites, en fait, ce n'est pas ce que le ou la juge a envisagé lorsqu'il ou elle a condamné cette personne à la prison. Donc, peu importe le lieu où ces types d'allégations sont faites, il devrait y avoir un mécanisme qui permet à des personnes de retourner devant les tribunaux pour que leur peine soit réévaluée. Particulièrement lorsqu'une personne a passé... Elle examinait un cas où des femmes avaient passé plus d'un an en isolement, par exemple, puis elles avaient été déshabillées, enchaînées et tout le reste.
    En ce qui concerne le type de surveillance judiciaire, à mon avis, j'appuierais ce que Louise Arbour a recommandé. Cela signifierait qu'un juge aurait aussi le pouvoir de réduire une peine ou de mettre fin à une peine et de reconnaître que le but de la peine n'était pas de punir continuellement une personne. C'est une mesure. Pour ce qui est de ce à quoi je pensais, comme cela n'a pas été mis en oeuvre à ce jour, si le présent comité souhaite le recommander, je pense qu'il y aurait au moins un certain appui au Sénat.
    Une autre mesure serait d'avoir le genre de responsabilisation où vous pourriez faire quelques visites et réellement voir ce qui se passe, puis avoir une entité responsable de demander des comptes régulièrement, pas seulement par l'entremise du vérificateur général et de l'enquêteur correctionnel, mais par rapport à l'ensemble de ces mesures, que ce soit des classifications de sécurité, un système de grief robuste, des programmes, la mise en liberté, ou que des gens soient libérés aux dates prévues.
    Durant l'enquête, on a aussi abordé des choses comme le fait de récompenser des gens pour les choses positives qu'ils font. Un meilleur taux de libération pour un directeur d'établissement serait une chose positive; un meilleur accès aux programmes, des placements à l'extérieur, des mises en liberté sous condition, des accords conclus en vertu de l'article 81 et des accords conclus en vertu de l'article 84 seraient des mécanismes permettant de consigner la réussite d'une personne en tant qu'agent de libération conditionnelle ou que directeur d'établissement. Je pense que le contraire est vrai. Nous avons créé un système qui est devenu de plus en plus réfractaire au risque. Je dis « nous », parce que c'est un enjeu collectif. C'est devenu de plus en plus répressif. Et si vous examinez même le modèle qui devait être en place dans le cas des prisons des femmes, vous verrez que ces prisons devaient être axées sur la collectivité. Au départ, on avait très peu d'espace pour les programmes, en raison de la présomption selon laquelle les gens iraient dans la collectivité pour obtenir des programmes, et des groupes communautaires viendraient seulement travailler avec les personnes qui ne pourraient pas entrer dans la collectivité en raison de leur peine.
    Par exemple, si vous alliez à Truro, vous verriez que c'était une des premières à être construites. Le gymnase est situé tout juste devant la porte principale, en raison de la présomption selon laquelle les membres de la collectivité viendraient participer à des événements. Cela ne s'est pratiquement jamais produit. Mais votre comité pourrait y aller, se réunir là-bas et tenir une réunion publique, par exemple, parce que le gymnase est construit de cette façon. Tout le reste des installations se trouvent maintenant derrière des barbelés à lames, des caméras et des appareils de sécurité, mais ce n'était pas l'intention.
    Bon nombre d'entre nous reconnaissent qu'une partie de la raison pour laquelle on a accru la sécurité, c'était que, alors que se tenait la commission Arbour, on plaçait des gens dans ces prisons lorsqu'elles n'étaient pas prêtes, et les gens s'enfuyaient. On les a tous trouvés. Ils sont tous retournés. Certains d'entre eux se sont rendus. Certains sont juste allés à la maison. Il n'y a pas eu de risque accru pour la société, mais c'est devenu une justification pour l'augmentation continue au chapitre de la sécurité.
    Merci.
    J'ai maintenant une version papier, plutôt que d'avoir à me reporter tout le temps à mon téléphone pour voir les appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation. Un de ceux auxquels je voulais faire référence, c'était l'appel à l'action numéro 36.
    Monsieur Freeland, cela semble aborder un peu quelque chose que vous avez mentionné. L'appel à l'action numéro 36 dit ceci:
Nous demandons aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux de travailler avec les collectivités autochtones pour offrir des services culturellement adaptés aux détenus en ce qui concerne, notamment, la toxicomanie, la famille et la violence familiale de même que les difficultés auxquelles fait face une personne lorsqu'elle tente de surmonter les séquelles de la violence sexuelle.
    Il y a une légère dichotomie. Nous avons deux enjeux. L'un d'eux, c'est de mettre l'accent moins sur les programmes et davantage sur la désincarcération, et cela me tient à coeur. Comme nous parlons de l'élément des programmes... vous aviez parlé de rallier la communauté pour qu'elle fasse partie des programmes, si je comprends bien. Je me demande si vous pourriez en parler un peu plus.

  (0950)  

    Tout programme qui s'occupe d'un délinquant autochtone en ce moment, s'il s'agissait de briser des barrières ou de compétences cognitives, cela concerne juste ce détenu, ce condamné. De plus, c'est vous qui faites partie du programme. Je pense que si vous voulez changer la personne, vous allez avoir besoin de la collectivité. La collectivité élève les personnes. Dans notre collectivité, c'est la façon dont c'est fait. Je pense que chaque fois que vous amenez des aînés autochtones, les Autochtones écoutent. Que ce soit des hommes ou des femmes. Si vous faites participer leur famille, leur mère, leur père, leurs frères et leurs soeurs, vous créez une unité familiale qui fonctionne au même niveau. S'ils ont tous entrepris de briser les barrières ensemble, la mère et le père, le frère et la soeur, les enfants savent ce que cela signifie; à chaque étape, cette personne a pour elle le système de soutien déjà en place qui sait ce par quoi elle a passé, ce à quoi on s'attend d'elle, ce qu'elle a appris et les outils qui lui permettent de traiter avec elle tout comme elle le fait, donc le détenu a les outils, et sa famille les a également.
    Merci, madame Dabrusin et monsieur Freeland.
    Monsieur Motz.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos trois témoins d'être ici aujourd'hui.
    Je veux d'emblée faire une déclaration, puis j'ai quelques questions particulières liées à certains programmes existants.
    Madame Gentile, vous avez dit qu'on devrait mettre l'accent sur le fait de faire sortir les femmes autochtones des prisons, et je proposerais qu'on s'assure plutôt que les femmes et tous les Autochtones ne finissent pas par être en conflit avec le système de justice en premier lieu.
    Cela dit, nous avons entendu plus tôt un témoin qui a laissé entendre que sa bande reçoit des fonds plus que suffisants du gouvernement fédéral. Le problème, c'est que l'argent reste entre les mains du chef et du conseil; il ne sert pas à des programmes sur la réserve. Les programmes et les occasions existent.
    Selon toutes vos expériences, le Programme d'aide préscolaire aux Autochtones dans les collectivités urbaines et nordiques est-il efficace?
    Je crois comprendre que le Programme d'aide préscolaire aux Autochtones s'occupe des enfants d'âge préscolaire. Ai-je raison?
    Oui. Il met principalement l'accent sur les jeunes afin qu'ils s'habituent à leur culture.
    Je n'ai pas d'expérience à ce chapitre, désolé.
    C'est correct.
    Si je peux simplement commenter votre déclaration précédente au sujet du financement, les services de protection de l'enfance dans les réserves reçoivent, en moyenne, 38 % moins de financement qu'ailleurs, et il existe donc des écarts en matière de financement auxquels on doit réagir.
    Je ne me lancerai pas dans un débat sur cette question particulière. Ma circonscription englobe la plus grande réserve au Canada, et je passe beaucoup de temps avec ses membres. Ils sont devenus d'excellents amis. J'entends parler de beaucoup de choses qui fonctionnent et qui ne fonctionnent assurément pas. Une des choses qu'ils disent très clairement — non pas le chef et le conseil, mais de nombreuses personnes qui ont vécu les choses dont nous avons entendu parler dans le cadre du Comité —, c'est que nous avons besoin des programmes qui peuvent être accessibles; toutefois, les fonds du gouvernement fédéral qui arrivent à cette réserve pour ces programmes sont détournés ailleurs.
    Qu'en est-il de la Stratégie de formation pour les compétences et l'emploi destinée aux Autochtones? Ce programme existe depuis un certain temps. Fonctionne-t-il? Nous avons entendu dire de façon répétée par des témoins que... J'ai toujours insisté sur le fait que, une fois qu'ils ont un conflit avec le système de justice, il semble manifestement y avoir un certain préjudice systémique, et nous devons travailler là-dessus. Nous comprenons cela, mais j'ai toujours insisté sur la façon dont nous pouvons empêcher des gens d'entrer en conflit dès le départ.
    Nous avons entendu dire de façon répétée qu'il y a des enjeux liés à la pauvreté, des enjeux liés à l'éducation, beaucoup d'enjeux. La Stratégie de formation pour les compétences et l'emploi destinée aux Autochtones existe depuis un certain temps, et je me demande seulement si, selon votre expérience, elle est efficace.

  (0955)  

    Tout dépend du lieu, du moment et des personnes, absolument. Ce sont...
    Quand vous dites « des personnes », vous parlez des responsables de l'exécution?
    Oui, et de toutes les personnes qui y participent.
    Dans des collectivités où, et je reviens en particulier à ce que disait M. Freeland, les aînés ont été consultés et ont pu réellement participer à la mise en oeuvre des initiatives dans la collectivité, que ces initiatives soient axées sur la justice, la petite enfance ou l'interdiction de l'alcool, ce sont là que, selon mon expérience, les initiatives ont été le plus efficaces.
    Plus tôt, cette année, je suis allée en Nouvelle-Zélande pour rencontrer des gens. J'ai constaté qu'un certain nombre de collectivités maories ont fait une chose, entre autres, et je sais que certaines des collectivités autochtones d'ici s'y intéressent, elles ont pris les ressources qui étaient auparavant consacrées aux problèmes de justice pénale pour les consacrer par exemple aux services de soutien de l'éducation de la petite enfance. Elles ont constaté une énorme différence au chapitre du taux de jeunes qui ont, ou devrais-je dire, qui n'ont pas de démêlés avec la justice pénale et qui font naître l'espoir.
    C'est exactement le même message que nous avons entendu de la bouche des jeunes de notre pays, que nous avons rencontrés dans le Nord il y a quelques semaines, le sénateur Sinclair, la sénatrice Boniface et moi-même. Ils veulent qu'on investisse de la même manière dans les aînés et leurs collectivités, de façon qu'ils aient accès à de meilleurs débouchés.
    M. Dubé a posé tantôt une question sur les jeunes dans le système. Il y a une chose entre autres que vous devriez savoir, et c'est l'une des raisons pour lesquelles nous larguons les jeunes dans le système des adultes: nous avons changé le système des jeunes en 1984, en supprimant la possibilité pour les jeunes de voir leur casier disparaître lorsqu'ils auront purgé leur peine en tant que jeunes. Cela peut sembler mineur pour certaines personnes et sembler important pour d'autres, mais c'était un problème majeur parce que de nombreux jeunes, comme nous le savons, changent de comportement en vieillissant. Les jeunes devraient pouvoir recommencer à neuf... Ils pourraient faire de nouveaux choix. La plupart de ces jeunes, comme vous le savez, étant donné votre carrière précédente, ne poursuivraient pas dans la même voie.
    Donc, nous avons également créé des systèmes qui, en fait, débouchent presque inévitablement sur le système de justice pénale pour les adultes, et c'est un autre facteur. Les jeunes qui sont au départ les plus marginalisés sont aussi les plus susceptibles d'aboutir dans ce système eux aussi.
    Merci, monsieur Motz.
    Nos témoins ont de la difficulté à respecter l'heure.
    Monsieur Fragiskatos.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à vous tous de vous être présentés ici aujourd'hui.
    J'aimerais m'informer au sujet des approches appropriées sur le plan de la culture. Je crois que c'est M. Freeland qui a utilisé cette expression. J'aimerais l'utiliser pour en arriver à la question des rapports Gladue, pour parler de leur utilité, de leur potentiel, de la mesure dans laquelle vous pensez qu'ils sont efficaces, honnêtement, au moment de régler une partie des injustices que vous avez observées. Je ne pose la question à personne en particulier.
    Selon ce que je sais des rapports Gladue, un article récent disait je crois que dans 80 % des cas, environ, les tribunaux n'en tiennent pas compte. La plupart du temps, les rapports Gladue ne sont pas rédigés par une personne qui aurait reçu une formation en la matière. Ils sont toujours rédigés par les mêmes agents de libération conditionnelle. Un rapport Gladue n'est rédigé qu'après qu'une personne a été reconnue coupable d'un crime, a reçu sa sentence et a été emprisonnée. Je pensais que ces rapports devaient être rédigés après l'arrestation, mais avant le prononcé de la sentence ou l'emprisonnement. Il faudrait que cela se passe ainsi si l'on veut qu'ils soient efficaces.

  (1000)  

    Madame Pate.
    J'ai essayé partout où je suis allée et je vais l'essayer encore ici. J'aimerais que l'on cesse de parler des « rapports Gladue ». Jamie Gladue n'a jamais bénéficié de cette disposition, et, en fait, cette disposition a servi à cacher le racisme et la misogynie dont elle a été victime. Mais c'est une autre histoire, nous en parlerons un autre jour.
    L'alinéa 718(2)e) du Code criminel, la disposition qui nous intéresse, est à l'origine de ce qui a donné l'idée des rapports Gladue. Cet alinéa a été conçu pour la même raison que la LSCMLC l'a été. Il s'agissait en partie d'adopter un principe de détermination de la peine ne visant pas uniquement les Autochtones, mais visant surtout les Autochtones, dans l'objectif de réduire le nombre d'Autochtones qui allaient en prison. Actuellement, il ne concerne pas seulement les juges qui déterminent la peine. Les agents de police qui envisagent de porter des accusations contre quelqu'un sont eux aussi censés en tenir compte. Les agents de libération conditionnelle qui doivent déterminer les programmes à offrir à une personne et les possibilités de libération conditionnelle de cette personne sont eux aussi censés en tenir compte. Aujourd'hui, tous les intervenants du système sont censés en tenir compte. Les dispositions du Code criminel prévoient cependant que, lorsqu'une personne a elle-même vécu toutes sortes de difficultés, il faudrait mettre en oeuvre un modèle axé sur le renforcement des compétences, non pas sur les lacunes. Il y a de très bons rapports Gladue qui décrivent toutes les choses que nous devrions faire différemment, mais qui, dans le fond, ne font que dresser la liste de toutes les lacunes qu'une personne a pu connaître dans sa vie et de toutes les choses horribles qu'elle a vécues, mais ils ne prescrivent pas nécessairement le remède, la façon dont nous pourrions empêcher ces personnes de se retrouver dans le système ni non plus la façon dont nous pouvons les en sortir.
    Je crois que nous devrions notamment nous pencher sur l'alinéa 718(2)e) en nous demandant quelle était l'intention des législateurs. Cette disposition a été conçue dans le but de réduire concrètement le nombre des détenus et de nous encourager à chercher ensemble des moyens de renforcer des compétences, qu'il s'agisse des programmes de classification, des programmes de sécurité ou de la détermination de la peine en nous attachant aux lacunes.
    Si nous choisissons un modèle axé sur les lacunes, nous prenons un besoin, par exemple le logement, ou l'enjeu de la violence sexuelle, et nous déclarons qu'il crée en fait un risque. Nous exprimons ce risque en facteur, et il sert à la détermination de la peine d'emprisonnement. Disons que nous choisissons au contraire un modèle axé sur les capacités. C'est un modèle qui a été utilisé au Canada à quelques reprises, pour des jeunes et pour des femmes, et j'aimerais le voir utilisé plus souvent, pour des hommes, aussi. Nous disons en fait que, si le problème principal tient au fait que vous avez été victime de violence sexuelle et que vous avez réagi en faisant vous-même des victimes, si vous le faites essentiellement pour vous protéger — et que la violence devient également pour vous un instrument —, si vous n'avez pas d'endroit où vivre, nous devrions alors chercher à former autour de vous un cercle de soutiens. Nous ne devrions pas vous emprisonner afin de vous punir pour ce que vous avez fait; nous devrions vous entourer de mesures de soutien en nous attendant à ce que certaines personnes travaillent avec vous et vous offrent un modèle des comportements que nous voudrions vous voir adopter. Cela exige beaucoup plus de travail, mais c'est de loin bien plus productif, car les coûts humains, sociaux et financiers sont de manière générale moins élevés.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Fragiskatos.
    Monsieur MacKenzie.
    Je remercie les témoins d'être venus ici aujourd'hui.
    Monsieur Freeland, j'ai beaucoup aimé le portrait que vous avez brossé de votre vie et de la société. Nous avons entendu parler, et vous l'avez illustré probablement aussi bien que quiconque, du rôle des aînés et de ce qu'il signifie vraiment pour les gens de votre collectivité. Vous avez dit que le problème des aînés dans le système carcéral tient en partie au fait que c'est le système qui choisit les aînés et que cela va à l'encontre de votre façon de faire, ce que je comprends. C'est certainement logique.
    Que pouvons-nous espérer? Comment pourrions-nous amener les aînés à s'engager davantage dans la collectivité avant que les jeunes ne commencent à avoir des démêlés avec la justice? La société pourrait-elle faire quelque chose de plus pour améliorer la situation?
    Cesser d'arracher les enfants autochtones à leur famille. Les enfants autochtones qui sont aujourd'hui confiés aux services à l'enfance et à la famille sont plus nombreux que ceux qui ont été victimes de la rafle des années 1960. Ces enfants ne pourront jamais communiquer avec des aînés autochtones.

  (1005)  

    Cela concerne la famille. C'est ce que je me demande. Comment pouvons-nous amener les aînés à être présents dans la famille avant que les enfants en soient retirés de façon qu'il ne soit plus nécessaire, plus autant nécessaire, de les retirer de la...?
    Le problème, ce n'est pas que les enfants sont retirés de leur famille lorsqu'ils sont âgés de cinq ans ou de deux ans; le problème, c'est qu'ils en sont retirés dès leur naissance. Vous êtes autochtone, et on vous prend votre enfant parce que vous êtes autochtone. Les services à l'enfance et à la famille n'attendent qu'une seule chose, que votre enfant naisse, pour vous le retirer.
    Mais c'est en gros un enjeu de compétence provinciale, non?
    C'est un enjeu sociétal.
    Comment pouvons-nous régler le problème? Comment pouvons-nous amener les aînés à participer, avant même la naissance, si c'est bien là le problème?
    Il faut aborder les aînés de la bonne façon. Il faut leur demander... Voyez-vous, quand j'ai besoin de l'aide d'un aîné, je lui apporte du tabac, parce que c'est ainsi qu'il faut faire les choses. Si je veux qu'un aîné s'investisse dans la famille de Kim, parce qu'elle va avoir des enfants, je lui apporte du tabac et je lui demande son aide. Mais toutes les familles ne font pas cela chaque fois qu'un enfant naît. Il n'y a pas d'aînés pour chacune des familles. Nous n'avons tout simplement plus les aînés dont nous aurions besoin à cause des pensionnats, à cause de la rafle des années 1960, à cause du placement constant de nos enfants. Il faut trouver un moyen de mettre de l'avant les enseignements, la langue et les remèdes dans l'ensemble de la société pour les Autochtones. Je crois...
    J'aimerais que l'on écoute M. Freeland, car j'estime qu'il peut répondre à un grand nombre de nos questions.
    Est-ce que les aînés se proposent? Comment reconnaissez-vous un aîné?
    Les aînés ne se proposent pas nécessairement, comme on l'entend au sens traditionnel, comme un prêtre catholique romain; un aîné ne va pas à l'école pour apprendre à devenir un aîné. Il y a certains prêtres qui, de toute évidence, savent dans leur for intérieur qu'ils vont devenir prêtres, et c'est ainsi qu'ils vivent leur vie. Il y a des Autochtones qui savent qu'ils vont s'engager dans un cheminement spirituel ou dans celui de la médecine, et ils y travaillent. Et il y en a d'autres qui vivent leur vie de cette façon particulière, et la collectivité reconnaît que ce sont des gens compatissants, respectueux, qui vivent conformément aux enseignements des sept grands-pères et aux enseignements de la roue de médecine, qui vivent pour la collectivité et qui font tout pour la collectivité. Alors, la collectivité les reconnaît et lui dit ceci: « Sais-tu quoi? Nous nous adresserons à toi, parce que tu as toujours été présent pour nous et tu nous as toujours aidés. »
    Un aîné, ce n'est pas nécessairement quelqu'un qui a décidé de devenir un aîné. Aucun des aînés que je connais ne s'appelle lui-même un aîné, parce que ce n'est pas un titre. Cela n'a rien de prestigieux. C'est une responsabilité, c'est un fardeau. C'est quelque chose qui nous est imposé et que nous devons vivre, parce que nous n'avons pas réellement d'autre choix. On est un aîné, et c'est tout. On l'a toujours été, on grandit en le devenant.
    Merci, monsieur MacKenzie.
    Merci, monsieur Freeland.
    Madame Damoff.
    Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?
    Le président: Vous avez cinq minutes.
    Mme Damoff: Merci.
    Monsieur Freeland, vous avez parlé à deux ou trois reprises de faire intervenir les familles. Quand j'ai parlé aux agents de libération conditionnelle, ils m'ont dit entre autres que de nombreux délinquants autochtones se retrouvaient à leur sortie devant un problème, l'absence de structures familiales. Quand un Blanc privilégié sort de prison, son oncle Fred va lui donner un emploi. Il va demeurer chez son frère. Il dispose de tout un système de soutien. Un délinquant autochtone qui sort de prison va se retrouver dans un refuge pour itinérants, dans un grand centre urbain.
    Que pouvez-vous faire si vous ne pouvez pas faire intervenir la famille, en raison d'un traumatisme générationnel ou d'une autre raison quelconque? Si vous avez de la difficulté à répondre, je veux bien que quelqu'un d'autre réponde.

  (1010)  

    Je crois que vous touchez un point sensible: les délinquants autochtones sont mis en liberté dans des centres urbains. Si vous les retirez de la réserve, si c'est d'une réserve qu'ils viennent, s'ils entrent dans le système de justice pénale après avoir quitté la réserve et qu'ils ne sont pas remis en liberté dans leur collectivité natale, ils ne pourront pas alors compter sur leur collectivité natale.
    Et qu'en est-il de ceux qui viennent d'un centre urbain? Ils s'y sont installés pour aller à l'école ou à l'école secondaire, ils sont restés là, ils n'ont plus de collectivité à laquelle retourner. Je crois que c'est l'un des problèmes que le Service correctionnel tentait de régler en donnant un peu d'argent aux agents de développement communautaire.
    La sénatrice Pate a parlé de trouver le moyen d'envoyer les délinquants là où ils pourraient apprendre leur culture, après quoi ils pourraient peut-être réintégrer leur collectivité. On a tout simplement l'impression qu'il y a un vide, lorsque ces délinquants sortent de prison.
    Ça se peut. Je peux parler d'Ottawa, parce que je viens de là. Il y a, à Ottawa, le Centre d'amitié autochtone Odawa. Il y a la Métis Nation of Ontario. Il y a l'ITK. Il y a le Centre Wabano. Il y a, à Ottawa, des ressources en santé mentale. Il y a aussi l'Association des femmes autochtones du Canada. Il y a l'APN. Il y a le CPA. Il y a beaucoup de ressources autochtones pour les délinquants qui y sont remis en liberté. Les organismes communautaires comme Odawa offrent tout un lot de programmes s'appuyant sur la collectivité et servant à la collectivité.
    Est-ce qu'il serait sensé que le Service correctionnel collabore avec ce genre d'organisations pour tenter de fournir aux gens qui sortent de prison ce type de soutiens?
    Oui.
    Madame la sénatrice Pate, vous avez parlé de récompenser les directeurs de prison. Quand je parle aux intervenants du système, ils disent être préoccupés — nous avons entendu d'autres témoignages sur le sujet — par le fait que, par exemple, certains programmes étaient offerts aux délinquants sexuels. Il existait un certain nombre de programmes, mais, pour réduire les coûts, ils ont tous été fondus en un seul.
    Les programmes en eux-mêmes ne sont peut-être pas efficaces pour les gens qui se trouvent dans le système, et récompenser les gens qui terminent un programme qui ne va pas les aider... Monsieur Freeland, je crois que vous en avez parlé aussi, des programmes qui ne... Vous avez mentionné la nécessité de nous assurer d'offrir également des programmes adaptés à la culture. J'aimerais que vous nous en disiez plus. J'aimerais aussi faire une mise en garde sur les programmes qu'il faut suivre même s'ils ne seront pas efficaces.
    Je commencerais en disant d'abord et avant tout que tout lien qu'on peut établir dès le départ avec la collectivité, dès le premier jour de la peine... Si vous n'avez pas réussi à empêcher quelqu'un d'aboutir en prison, il est vraiment important d'établir dès le premier jour des liens avec la collectivité. C'est le modèle qui avait été dégagé par le groupe de travail sur les femmes détenues sous responsabilité fédérale, à la fin des années 1980 ou au début des années 1990. Il avait été retenu parce qu'il était fondé. Je crois que nous choisissons trop souvent des avenues qui semblent généralement les plus économiques, alors qu'en fait, si nous pensions un peu plus à long terme, au-delà de quelques années, nous constaterions que nos choix ont des coûts énormes sur les plans humain, social et financier. Je crois que c'est ainsi que les choses se sont passées, quand on parle des programmes du Service correctionnel du Canada et des efforts pour que tout se passe à l'intérieur.
    Comme l'a dit M. Freeland, on peut établir bien des liens avec la collectivité. En fait, pendant l'étude de la Commission canadienne des droits de la personne, nous avons examiné entre autres modèles celui d'une personne qui vivrait une myriade de problèmes, peu importe leur nature, peu importe les ressources que ces problèmes supposent, et qui aurait son mot à dire quant à la personne avec qui elle collaborerait, un aîné ou un thérapeute en particulier.
    Cela n'est pas arrivé souvent, selon mon expérience, mais quand c'est arrivé, tout le monde s'exclamait: « C'est extraordinaire. » J'assistais justement vendredi dernier à une audience de libération conditionnelle où j'ai entendu exactement ces mots-là. Les gens disaient que la personne en question avait réagi de façon extraordinaire au thérapeute venu de l'extérieur. Ce n'était pas extraordinaire pour ceux d'entre nous qui connaissent le système depuis très longtemps; c'était absolument prévisible.
    Nous devons constamment chercher à l'extérieur, et si la personne ne peut pas aller à l'extérieur, peu importe la raison, nous devons faire entrer la collectivité. Mais, en effet, l'approche à l'emporte-pièce de ces programmes s'est révélée essentiellement inefficace. Ce n'est pas que les compétences enseignées ne sont pas bonnes, mais il serait préférable d'enseigner des compétences pratiques, des aptitudes à la vie quotidienne.
    J'aimerais seulement...

  (1015)  

    Mais avant, vous avez largement dépassé les cinq minutes de Mme Damoff.
    M. Dubé disposera des trois dernières minutes, alors vous pourrez répondre avec intelligence et compétence à l'une des questions de M. Dubé...
    Ma question ne sera pas intelligente. Elle sera bien plate, car j'aimerais tout simplement que vous terminiez ce que vous disiez.
    Merci.
    Je répondrai à une question qui a été posée plus tôt, au sujet de ce que la province ou le territoire pourrait faire en amont. Nous pourrions élaborer des normes nationales, car celles qui existent ont été passablement vidées de leur substance au fil du temps. Voilà une chose.
    De plus, quand nous parlons des Autochtones, en particulier ceux qui sont visés par la Loi sur les Indiens, il faut penser à la façon dont nous affectons les ressources. Nous dépensons beaucoup d'argent quand nous arrachons les gens à leur foyer. On prévoit toutes sortes de ressources pour les services de protection de l'enfance et les familles d'accueil, mais presque rien pour les enfants qui sont restés au sein de leur famille, pour aider la famille à régler les problèmes que pourraient avoir ces enfants, peu importe la nature de ces problèmes.
    Je vous encouragerais, quand vous examinerez ces enjeux à long terme, à réfléchir à la façon dont nous pourrions affecter ces ressources aux familles, pour qu'elles puissent garder leurs enfants. C'est effarant le nombre de gens que je connais et que j'ai côtoyés pendant des années dont les parents, lorsqu'ils étaient jeunes, cherchaient par tous les moyens à les aider, parce qu'ils avaient un problème d'apprentissage ou un problème de comportement, peu importe. Quoi qu'il en soit, dès qu'ils mettaient le pied dans un foyer d'accueil, une horde de professionnels était apparemment mise à leur service, ce qui n'était pas toujours positif. Le fait que ces ressources ne soient pas offertes à la famille, dès le départ, est une vraie farce, et nous devrions tous nous efforcer de changer cet état de choses.
    Merci.
    Je dois remercier chacun de vous de votre témoignage de ce matin, et je remercie en particulier M. Freeland de la puissance de son expérience de vie. Nous n'entendons pas ça souvent, en comité. Un merci tout particulier de votre contribution.
    Sur ce, mesdames et messieurs, je suspends la séance, et nous poursuivrons à huis clos.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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