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FAAE Rapport du Comité

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La situation des droits de la personne du peuple ouïghour Au Xinjiang, en Chine

Introduction

Les 20 et 21 juillet 2020, le Sous‑comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international (le Sous‑comité) de la Chambre des communes a organisé d’urgence des réunions, dont l’objectif était de comprendre les derniers développements concernant la situation critique des Ouïghours et des autres musulmans turciques dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang (le Xinjiang). Pendant ces deux journées, le Sous‑comité a recueilli 12 heures de témoignages; il a entendu des Ouïghours qui ont fui la région, d’anciens détenus, des proches de détenus, des représentants d’organisations non gouvernementales, des universitaires et des spécialistes des droits de la personne.

Le Sous‑comité a été très troublé par ce qu’il a entendus. En 2018, le Sous‑comité a aussi fait une étude sur le même sujet, après avoir appris que le gouvernement de la République populaire de Chine (RPC) plaçait de plus en plus de Ouïghours et des autres musulmans turciques dans ce qu’il appelle des camps de rééducation. Après avoir terminé son étude, le Sous‑comité a publié un communiqué de presse, dans lequel il a fait la mise en garde suivante :

si la communauté internationale ne condamne pas les violations des droits de la personne commises par le gouvernement de la Chine dans le Xinjiang, un précédent sera établi et ces méthodes seront adoptées par d’autres régimes. La complaisance est accentuée par le manque d’accès au Xinjiang, par l’absence de liberté de la presse et par le musellement et le harcèlement des Ouïghours qui vivent à l’étranger.

En ce moment, les violations des droits de la personne se poursuivent et elles semblent même s’être aggravées.

Plus précisément, le Sous‑comité a appris que le gouvernement de la RPC:

  • continue de détenir des Ouïghours et des autres musulmans turciques dans ce que des témoins ont appelé des camps de concentration, où des femmes et des filles subissent régulièrement des agressions sexuelles et d’autres formes de violence fondée sur le sexe;
  • sépare les enfants de leur famille et les envoie dans des écoles ou des orphelinats dirigés par l’État;
  • force les Ouïghours à travailler dans diverses usines situées dans le Xinjiang et d’autres régions de la Chine, dans le cadre de son initiative de « réduction de la pauvreté »;
  • utilise des mesures de surveillance invasives visant à opprimer les Ouïghours qui habitent dans le Xinjiang et à l’étranger;
  • a recours à des méthodes barbares pour réduire les taux de natalité des Ouïghours de le Xinjiang, y compris l’imposition de moyens de contraception intra‑utérins ainsi que la stérilisation et l’avortement forcés.

Certains témoins ont présenté ces mesures dans un contexte historique plus général, en mentionnant les répercussions actuelles, révélant ainsi que la situation est très inquiétante. Le Sous‑comité a appris que depuis des décennies, le gouvernement de la RPC persécute et impose des mesures répressives sur les Ouïghours et les autres musulmans turciques en tentant de contrôler le Xinjiang. Toutefois, au cours des dernières années, il est devenu de plus en plus urgent pour le gouvernement de la RPC de contrôler le Xinjiang, car il joue désormais un rôle plus important dans la poursuite des objectifs fiscaux et de politique étrangère de la Chine. En effet, le Xinjiang n’est pas uniquement une région riche en ressources, qui compte d’importants gisements pétroliers; elle longe également plusieurs pays que le gouvernement de la RPC juge importants, du point de vue stratégique, pour son programme « Une ceinture, une route » et de ses visées expansionnistes mondiales[1].

Si le gouvernement de la RPC considère les Ouïghours comme étant une menace pour son développement économique et sa prospérité, c’est en partie parce que ce peuple souhaite obtenir plus d’autonomie, ou d’indépendance, de la Chine. Certains témoins ont laissé entendre qu’après avoir échoué à assimiler les Ouïghours et d’autres musulmans turciques en ayant recours à des mesures et à des politiques de répression, le gouvernement de la RPC cherche maintenant à les éliminer de le Xinjiang.

Le Sous‑comité est du même avis que les témoins : le traitement réservé aux Ouïghours et aux autres musulmans turciques dans le Xinjiang constitue un génocide, un terme défini dans la Convention pour la prévention et la répression du crime du génocide de 1948 (la Convention sur le génocide). Le Sous-comité estime lui aussi qu’il importe de reconnaître que les mesures prises par le gouvernement constituent un génocide, car on confirme ainsi l’obligation de prendre des mesures pour prévenir un génocide, comme le prévoit l’article premier de la Convention sur le génocide.

Les violations des droits de la personne des Ouïghours et des autres musulmans turciques ne datent pas d’hier. De nombreux pays ont constaté la situation et exprimé leurs préoccupations quant aux persécutions continues ayant visé les Ouïghours et les autres musulmans turciques au cours des dernières années. Malgré cela, le gouvernement de la RPC a continué de violer systématiquement les droits de ces personnes. Nous devons agir et prendre des mesures pour mettre fin à ces atrocités avant qu’il soit trop tard. C’est pour ces raisons que le Sous‑comité présente 15 recommandations, et il est d’avis qu’elles doivent être immédiatement mises en œuvre par le gouvernement du Canada.

Le Sous-comité est conscient que le Canada ne peut pas agir seul. Il est essentiel que divers pays collaborent et coordonnent leurs efforts pour que le gouvernement de la RPC ressente pleinement les effets de ces recommandations. Toutefois, il faut du temps pour mettre en place une telle initiative. Le Sous-comité estime que les Ouïghours et les autres musulmans turciques attendent depuis trop longtemps que la communauté internationale agisse. Quelqu’un doit prendre les devants pour que des changements se produisent et que des vies soient sauvées.

Le présent rapport est divisé en trois chapitres. Le chapitre 1, Histoire du Xinjiang, trace brièvement l’historique des Ouïghours, y compris de leur présence dans le Xinjiang (qu’on appelait auparavant le Turkestan oriental), les mesures en constante évolution adoptées par le gouvernement de la RPC dans la région ainsi que le lien avec les efforts de plus en plus violents qu’il déploie pour réprimer les Ouïghours et les autres musulmans turciques. Le chapitre 2, Mécanismes de répression, explique les différentes mesures prises pour réprimer les Ouïghours et les autres musulmans turciques du Xinjiang. Le chapitre 3, Obligations internationales en cas d’atrocités à grande échelle, explique pourquoi le Sous‑comité est convaincu que le traitement réservé aux Ouïghours et aux autres musulmans turciques correspond à la définition de génocide contenue dans la Convention sur le génocide. Il examine également les obligations internationales du Canada aux termes de la Convention et aborde les crimes contre l’humanité dans le Xinjiang.

D’entrée de jeu, le Sous-comité tient à préciser que toutes les critiques formulées dans le présent rapport s’adressent au gouvernement de la Chine et non aux Chinois, que le Sous-comité appuie sans réserve et qui méritent de pouvoir exercer tous leurs droits fondamentaux inaliénables, comme le font tant d’autres personnes vivant dans des sociétés libres et démocratiques partout dans le monde.

Chapitre 1 — Histoire de Xinjiang

L’histoire des Ouïghours, qui vivent dans le Xinjiang depuis des millénaires, est très riche. Les témoins ont d’ailleurs informé le Sous-comité que ce peuple a un très grand attachement culturel et spirituel à son territoire. En effet, son identité est intimement liée à la région. Elise Anderson, agente principale de programme pour la recherche et la défense des droits du Uyghur Human Rights Project, a expliqué que pour les Ouïghours, « leur terre a une signification sacrée en tant que source de vie et de sens[2] ».

Le Sous-comité a appris que malgré cet attachement important, le gouvernement de la RPC est bien déterminé à diminuer la présence des Ouïghours dans le Xinjiang. Mehmet Tohti, directeur général du Uyghur Rights Advocacy Project, a signalé au Sous‑comité que « [l]a Chine veut éliminer les Ouïghours et prendre [leurs] terres ancestrales. Les Ouïghours veulent conserver leur territoire et leur identité nationale. Voilà la difficulté[3]. »

Bien que les efforts exceptionnels du gouvernement de la RPC pour contrôler les terres où vivent les Ouïghours ne retiennent l'attention de la communauté internationale que depuis quelques années, le Sous-comité a été informé que ce processus est en marche depuis des décennies. Le présent chapitre donne un aperçu historique de la région, expliquant entre autres comment elle a été façonnée par les Ouïghours et son importance pour la relation du gouvernement de la RPC avec les Ouïghours. Les données recueillies montrent que la répression des Ouïghours et des autres musulmans turciques précède les efforts déployés par le gouvernement de la RPC pour lutter contre le terrorisme dans la région et semble s’inscrire dans un projet plus vaste, dans le cadre duquel le gouvernement souhaite contrôler le Xinjiang pour servir ses intérêts en matière de politique intérieure et étrangère.

Qui sont les Ouïghours?

Les Ouïghours sont des musulmans turciques originaires de ce qu’on appelle maintenant la région autonome ouïghoure du Xinjiang, en Chine, où ils habitent toujours[4]. Ils se distinguent de la majorité de la population chinoise (les Hans) sur le plan ethnique, culturel, linguistique et religieux. L’identité ouïghoure est liée de près à l’histoire de la région, qu’on appelait auparavant le Turkestan oriental[5]. Les Ouïghours habitent la région depuis le VIe siècle au moins. Un empire ouïghour a existé entre 744-840 (le Khaganat ouïghour)[6].

Pendant les siècles qui ont suivi, la région a été dominée par divers empires de l’Asie centrale, notamment celui de la Mongolie[7]. Cela étant dit, les Ouïghours ont tout de même conservé leur identité et ont continué d’exercer une influence sur la région. Par exemple, les Ouïghours ont joué « un rôle central dans l’administration de l’Empire mongol, Genghis Khan adoptant même leur écriture[8] ». Même s’ils ont été envahis par divers empires, les Ouïghours ont établi une présence importante dans la région. À partir du milieu du XVIIe siècle jusqu’au début du XIXe siècle, les chercheurs utilisaient le terme « pays des Ouïghours du Turkestan » pour décrire la région[9].

Région autonome ouïghoure du Xinjiang

Depuis que la Chine a envahi et annexé le Turkestan oriental, en 1884, plusieurs conflits ont opposé les Ouïghours et les diverses administrations. Dans deux situations, pendant une brève période, les Ouïghours se sont démêlés de la gouvernance de la Chine et se sont rassemblés pour former la République du Turkestan oriental ((1933‑1934 et 1944‑1949)[10]. La République du Turkestan oriental :

représentait l’administration la plus conciliante pour la population musulmane locale de la région dans l’histoire moderne, y compris à ce jour … Les Ouïghours participaient désormais activement à la gouvernance de leur patrie et étaient reconnus comme étant des citoyens chinois essentiellement égaux aux Hans, qui représentent la majorité, et un débat public entre les politiciens ouïghours a permis d’aborder les mérites relatifs de l’indépendance et de l’autonomie pour la patrie ouïghoure[11].

Toutefois, en 1949, la République du Turkestan oriental a été « vaincu[e] par le Parti communiste chinois … et l’Armée populaire de libération avec l’aide de l’Union soviétique[12] ». Même si le peuple ouïghour n’a pas été en mesure d’établir un régime de gouvernance distinct depuis, le nationalisme ouïghour continue de définir les relations que ce peuple entretient aujourd’hui avec la Chine[13].

En 1955, le Xinjiang est devenu une région autonome. Cela dit, dès le départ, des mesures ont été mises en place pour opprimer et marginaliser les Ouïghours et les assimiler à la population chinoise[14]. Aujourd’hui, pour certains, même le nom attribué à la région est perçu comme un moyen d’assujettir la population, car le terme « Xinjiang », qui signifie « nouveau territoire » ou « nouvelle frontière », fait fi de la présence historique des Ouïghours dans cette région[15]. En outre, même si le gouvernement de la RPC prétend le contraire, l’emploi du mot « autonome » pour caractériser ce territoire est trompeur. Comme l’a expliqué Olga Alexeeva, sinologue et professeure d’histoire de la Chine contemporaine à l’Université du Québec à Montréal :

Cette autonomie est inscrite sur papier, ce qui permet à la Chine de dire qu’elle n’opprime pas les minorités et qu’elles sont autonomes, mais en réalité, tous les postes essentiels au sein de l’administration régionale sont occupés par les Chinois. Les cadres ouïghours sont des postes subalternes, et si les Ouïghours veulent faire carrière au sein de la fonction publique, ils doivent maîtriser parfaitement le mandarin, être membres du Parti communiste et renoncer ouvertement à la foi musulmane et à ses rites. C’est très particulier. Ce n’est pas du tout, malgré le nom, une région autonome, et elle ne pourra jamais l’être[16].

Depuis des décennies, les conflits entre les Ouïghours et le gouvernement de la RPC ont suivi une tendance similaire : les Ouïghours ont affirmé leur identité et attiré l’attention sur les injustices dont ils étaient victimes en commettant des actes de désobéissance civile ou de violence, et le gouvernement, lui, est intervenu avec force[17]. Même si les mesures de représailles ont été étudiées de près et dénoncées par la communauté internationale, les attaques du 11 septembre 2001 contre le World Trade Center et la « guerre au terrorisme » qui en a découlé ont offert à la Chine l’ouverture nécessaire pour changer son discours et dépeindre les Ouïghours comme étant des terroristes[18]. Mme Alexeeva a expliqué ce qui suit :

Après le 11 septembre 2001, quand la communauté internationale s’est engagée dans la lutte contre le terrorisme islamiste international, la Chine a très habilement présenté ce qu’elle faisait au Xinjiang comme faisant partie de la lutte internationale contre le terrorisme. Elle a instrumentalisé les activités de la communauté internationale pour couvrir en quelque sorte ce qu’elle était en train de faire au Xinjiang.
La communauté internationale était tellement concentrée sur la lutte antiterroriste islamiste qu’elle a un peu loupé ce qui s’est passé[19].

À mesure que le gouvernement de la RPC a continué d’intensifier la répression dans le Xinjiang, le mécontentement des Ouïghours s’est accru, jusqu’à ce qu’ils organisent de grandes manifestations dans la capitale de la région, Urumqi, en 2009[20]. L’intervention du gouvernement a été si musclée que l’événement a marqué un changement important dans la relation[21]. Dans un mémoire présenté au Sous-comité, l’organisation Campagne pour les Ouïghours a indiqué qu’on peut comparer ce qui s’est passé alors au massacre de la place Tiananmen, qui a attiré l’attention du monde entier en 1989[22].

L’ancien ambassadeur du Canada en RPC, Guy Saint‑Jacques, a indiqué que les événements survenus en 2009 à Urumqi ont constitué un point tournant dans l’approche adoptée par le gouvernement de la RPC envers les Ouïghours dans le Xinjiang et intensifié encore plus les mesures de répression[23]. Au cours des années qui ont suivi, de violentes attaques ont été perpétrées par les Ouïghours contre les Hans, et le gouvernement a répliqué en adoptant des mesures de représailles rigoureuses. M. Saint‑Jacques a déclaré ce qui suit :

à partir de 2013, la Chine a fait face à une vague d’attentats sans précédent sur son territoire. Parmi les plus importantes attaques, on retient entre autres l’attentat suicide à la voiture piégée du 28 octobre 2013, qui a eu lieu sur la place Tiananmen, à Pékin, et qui a fait 2 morts et 40 blessés, ainsi que l’attaque au couteau perpétrée en mars 2014 à la gare de Kunming, qui a fait une trentaine de morts. Il y avait donc un problème de terrorisme que le président Xi Jinping voulait régler. Il a alors invoqué une menace grave à la stabilité sociale, de façon à imposer des mesures sécuritaires extrêmement strictes au Xinjiang, notamment l’installation de caméras, l’établissement de points de contrôle, la fermeture et la destruction de mosquées, l’interdiction du port de la barbe ou du voile, des contrôles étroits sur les déplacements, et ainsi de suite[24].

Même si les témoins n’approuvaient pas les attaques violentes perpétrées par les Ouïghours, certains ont souligné que les conditions dans le Xinjiang étaient si mauvaises que la colère des Ouïghours et des musulmans turciques ne cessait de croître. Parmi ces conditions, mentionnons les politiques visant à réprimer et à marginaliser les Ouïghours et les autres musulmans turciques, l’absence de recours judiciaires ou d’autres mécanismes leur permettant d’exprimer leur mécontentement ainsi que des mesures de représailles disproportionnées en réaction aux actes de désobéissance civile[25]. Comme l’a décrit Mme Alexeeva :

Ce contexte politique très grave, très tendu et très particulier place les Ouïghours dans une impasse. Il nourrit le terreau du ressentiment et de la haine à l’égard des autorités de Pékin et des Chinois, plus généralement. À mon avis, la dureté de la répression ne pourrait que propulser de jeunes militants, frustrés par cette injustice incroyable, dans une logique plus violente. Par conséquent, on ne peut qu’imaginer qu’à long terme, cette politique pourra mener à un conflit[26].

Même si les mesures de répression dans le Xinjiang s’intensifient depuis les années 1990, certains témoins ont souligné qu’elles se sont accrues de façon marquée depuis que Xi Jinping est devenu le président de la RPC, en 2013[27]. Les témoins ont également mentionné que la surveillance effectuée par l’État a beaucoup augmenté lorsque Chen Quanguo a été nommé secrétaire général du Parti communiste chinois (PCC) au Xinjiang, en août 2016[28].

Les Ouïghours sont victimes de répression, de discrimination, d’injustices et d’abus depuis des décennies. Toutefois, comme les prochaines sections l’indiquent, les plus récents efforts sans précédent déployés pour assimiler, réprimer et contrôler cette population ne peuvent pas uniquement être attribués à la menace posée par le nationalisme ouïghour et le terrorisme[29].

Raisons pour lesquelles le Xinjiang est importante pour la Chine

Le Xinjiang est l’une des régions les plus vastes de la Chine : elle représente « environ un sixième de la superficie totale de la Chine, soit une superficie de 1,83 million de km²[30] ». Elle est peu peuplée et les Ouïghours représentent environ la moitié de sa population. Elle longe la Russie, le Kazakhstan, l’Inde, le Tibet, le Pakistan, l’Afghanistan, le Tadjikistan, le Kirghizistan et la Mongolie[31]. Certains pays longeant le Xinjiang ont fait partie d’un réseau commercial important sur le plan historique, qui reliait l’Asie de l’Est et l’Asie du Sud‑Est à l’Asie du Sud, la Perse, la péninsule arabique, l’Afrique de l’Est et le sud de l’Europe par diverses routes terrestres. Pendant des siècles, la Chine a joué un rôle important au sein de ce réseau. En plus d’élargir le réseau et d’ajouter des routes, elle a également fourni de la soie à l’échelle du réseau, une matière qui avait une très grande valeur à l’époque. En fait, la soie était si présente à l’échelle du réseau que les routes commerciales ont fini par être appelées la « route de la soie ».

Alors que ces activités sur la route de la soie ont cessé il y a des centaines d’années, elle semble avoir inspiré le président Xi Jinping dans la création de son programme « Une ceinture, une route », étant donné qu’elle offrait un accès facile aux produits chinois sur les marchés mondiaux. Mis en œuvre en 2013, le programme « Une ceinture, une route » est :

un plan exhaustif de construction d’infrastructures terrestres et maritimes qui vise à placer la Chine au cœur du commerce international. Le réseau prévu englobera six corridors commerciaux et comprendra des installations portuaires, des autoroutes, des chemins de fer, des pipelines et des réseaux de fibre optique. Ces projets permettront à la Chine d’obtenir les ressources brutes dont elle a besoin et faciliteront l’accès de ses produits aux marchés[32].

Depuis sa mise en œuvre, le programme « Une ceinture, une route » oriente une bonne partie des politiques intérieures et des relations internationales de la Chine. Olsi Jazexhi, professeur et journaliste, a informé le Sous-comité que « tout le parti, l’État et les gens travaillaient à la réalisation du grand projet de Xi Jinping, qui consiste à construire une ceinture et une route[33] ». S’il en est ainsi, c’est parce que le programme « Une ceinture, une route » fera partie de l’héritage légué par le président Xi Jinping. Comme l’a mentionné Mme Alexeeva, il s’agit d’un « projet cher à Xi Jinping. En fait, on pourrait dire que c’est son plus grand projet[34]. »

Le Xinjiang joue un rôle clé dans le programme « Une ceinture, une route »[35]. En fait, tant au sens propre qu’au sens figuré, il est « située stratégiquement au cœur » du projet[36]. Deux des trois routes terrestres (la route du milieu et la route du sud) qui relient la Chine à d’autres pays passent par le Xinjiang. La route du milieu reliera Pékin à l’Afghanistan, au Kazakhstan, à la Hongrie et à Paris, tandis que la route du sud reliera le pays au Pakistan, à l’Iran, à l’Iraq, à la Turquie, à l’Italie et à l’Espagne. Le Xinjiang est également la porte d’entrée du corridor économique Chine‑Pakistan.

En plus d’offrir à la Chine un accès physique aux marchés étrangers, le Xinjiang est également riche en ressources. Il contient d’importants gisements de pétrole, de gaz, de charbon et d’uranium ainsi que de grandes réserves de métaux et de minerai, incluant l’or, le cuivre et le jade[37]. Le Xinjiang fait aussi preuve d’un climat idéal pour la culture du coton. Selon Amy Lehr, directrice de l’Initiative en faveur des droits humains du Center for Strategic and International Studies, le Xinjiang « produit environ 20 % du coton mondial, et elle est la troisième région productrice de cachemire en importance en Chine. La Chine est le plus grand producteur de cachemire du monde[38]. »

Contrôle de la région et tensions historiques

Puisque le Xinjiang joue un rôle déterminant dans le programme « Une ceinture, une route » et qu’elle est maintenant étroitement liée à l’héritage de Xi Jinping, le gouvernement de la RPC perçoit désormais l’instabilité dans la région comme une menace à la sécurité nationale[39]. Comme l’a expliqué Mme Alexeeva :

Ce qui inquiète donc Pékin aujourd’hui, c’est que la région est instable et que ce projet peut être compromis. Toutes sortes de troubles peuvent remettre en question la fiabilité de ce projet et la délivrance du gaz et du pétrole vers la Chine, mais aussi la mise en exploitation des ressources du gaz et du pétrole sur le territoire du Xinjiang lui‑même. Le centre de coordination du projet de la nouvelle route de la soie devrait être situé à Urumqi, la capitale du Xinjiang. C’est donc en quelque sorte une vitrine du projet de route vers les pays d’Asie centrale, le Pakistan et l’Afghanistan. Alors, si tout va mal dans cette région, cela ne peut pas être une vitrine du projet[40].

Comme nous l’expliquons dans le prochain chapitre, l’amplification récente des mesures et des politiques de répression montre que le gouvernement de la RPC ne reculera devant rien pour contrôler la région et pourrait même aller jusqu’à éliminer les Ouïghours. M. Tohti a fait écho à ce sentiment lorsqu’il a déclaré ce qui suit au Sous-comité : « Je tiens à vous rappeler que le prix payé par les Ouïghours est le plus élevé parce qu’ils sont perçus par la Chine comme un obstacle à son plan d’expansion par l’entremise de l’initiative de la route de la soie[41]. »

Chapitre 2 — Mécanismes de répression

Des témoins ont informé le Sous-comité que le gouvernement de la RPC a imposé diverses mesures aux Ouïghours et à d’autres musulmans turciques. Entre autres, il les a confinés dans des camps de concentration, a mis en place des mesures de surveillance généralisées, a imposé le travail forcé et a pris diverses mesures pour limiter la croissance de la population. Dans le présent chapitre, il sera question des mesures de répression mises en œuvre par le gouvernement de la RPC dans le Xinjiang et de leurs répercussions sur les Ouïghours et les autres musulmans turciques de la région et se trouvant à l’étranger. Il y sera également question de l’effet amplificateur de la COVID‑19 sur ces populations, plus particulièrement dans les camps de concentration et les usines, où bon nombre d’entre eux sont forcés de travailler.

Camps de concentration

En 2018, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale des Nations Unies a indiqué qu’il était « alarmé » par les allégations selon lesquelles jusqu’à un million de Ouïghours et d’autres membres de minorités musulmanes étaient détenus arbitrairement et endoctrinés dans des « camps de rééducation », au Xinjiang[42]. Le Sous‑comité a fait écho à ces préoccupations dans son étude de 2018 sur la question, soulignant l’agrandissement continu des installations de détention, le nombre important de détenus ainsi que le surpeuplement et les conditions non hygiéniques dans les camps[43].

Même si la communauté internationale surveille la situation, le régime continue d’avoir recours aux camps : le Sous-comité a été informé que les autorités du Xinjiang ont détenu, depuis 2017, environ deux millions de Ouïghours et d’autres musulmans turciques[44]. Nombreux sont ceux ayant indiqué que ces camps, qui sont censés faire de la rééducation, sont en fait des camps de concentration. Certains témoins ont mentionné que ces camps sont « le plus grand régime d’incarcération d’une minorité depuis l’Holocauste[45] ».

Conditions dans les camps de concentration

Des témoins ont fait part au Sous-comité des conditions inhumaines dans les camps de concentration et des mesures de répression qui y sont appliquées. Les détenus n’ont pas le droit de pratiquer leur religion ou de parler leur langue[46]. M. Jazexhi, qui a visité les camps, a par exemple déclaré que les autorités « enfermaient de force [les Ouïghours et d’autres musulmans turciques] dans ces camps de concentration, les forçant à manger du porc — ce qui est haram selon la religion islamique —, leur interdisant de pratiquer leur religion, leur foi et leurs croyances, les empêchant de parler leur langue et les forçant à adopter la culture chinoise[47] ». Les détenus doivent aussi apprendre le mandarin et faire l’éloge du PCC et du président chinois, Xi Jinping[48]. Certains témoins ont même fait état d’une possibilité horrifiante, soit celle qu’on prélève les organes des Ouïghours[49].

Violence sexuelle

De nombreux survivants des camps de concentration, plus particulièrement des femmes, ont déclaré que les sévices physiques, psychologiques et sexuels étaient courants[50]. Sayragul Sauytbay, qui est d’origine ethnique kazakhe, est activiste de la minorité du Turkestan oriental et récipiendaire du prix International Women of Courage 2020. Elle fait partie des survivants qui ont raconté leur histoire au Sous-comité. Mme Sauytbay a travaillé dans le Xinjiang comme médecin, enseignante et directrice d’une école, et elle a été envoyée dans un camp de concentration, où elle a été forcée d’enseigner le chinois[51]. Elle a mentionné que les détenues étaient violées « quotidiennement » par les travailleurs du camp[52]. Le Sous-comité a appris que cette forme de violence fondée sur le sexe est utilisée pour opprimer les femmes ouïghoures et les forcer à se conformer aux idéaux du gouvernement de la RPC. Mme Sauytbay a relaté un incident particulièrement troublant :

Cette fois-là, ils ont emmené 200 détenues dans la cour principale et ils ont choisi une jeune fille d’environ 20 ans. Ils l’ont forcée à accepter la culpabilité pour une chose qu’elle n’avait jamais faite. Elle pleurait et disait qu’elle était coupable, même si ce n’était pas vrai. Elle a accepté le blâme devant 200 prisonnières. Ensuite, les gardes chinois ont commencé à la violer à tour de rôle devant ces 200 détenues. Ils se sont mis en ligne et l’ont violée l’un après l’autre devant tout le monde.
Si l’une de ces 200 personnes montrait de la douleur ou une émotion sur son visage ou dans son regard, ou laissait transparaître une hésitation ou une émotion négative, ils disaient que cette personne n’avait pas changé, qu’elle n’était pas devenue normale. Ils la faisaient sortir du groupe et commençaient à la torturer parce qu’elle n’avait pas changé.
Après avoir assisté à cela, nous devions accepter la situation et louanger le parti. C’est l’un des exemples dont j’ai été témoin[53].

Gulbahar Jelilova, une activiste des droits des Ouïghours, est une autre survivante des camps de concentration ayant eu le courage de partager son histoire. Mme Jelilova, qui est d’origine ouïghoure, était citoyenne et résidente du Kazakhstan lorsqu’elle a été arrêtée, alors qu’elle voyageait dans le Xinjiang; elle a été accusée de commettre « des actes terroristes[54] ». Après avoir refusé d’accepter les accusations portées contre elle, Mme Jelilova a été détenue à la prison Sankan. Pendant sa détention, on lui a fait subir d’autres sévices. Par exemple, elle a été harcelée sexuellement par un garde, a été forcée d’avaler des pilules non identifiées, n’a pas eu accès à de l’eau courante pendant des mois, a dû rester assise sur une chaise pendant 24 heures sans nourriture et a été battue et électrocutée. Mme Jelilova nous a fait part de l’angoisse et du désespoir qu’elle ressentait trop souvent : « Je les suppliais de me tuer pour éviter la torture, lorsqu’ils me mettaient une cagoule noire sur la tête et qu’ils m’amenaient pour me violer, me torturer, je les suppliais de me tuer[55]. »

Imposition de mesures de contraception

Des femmes ayant survécu aux camps de concentration ont informé le Sous-comité que l’un des actes de violence extrême visant les femmes et les filles était l’imposition de diverses formes de contraception. Par exemple, une survivante a expliqué qu’on lui avait injecté une substance inconnue qui a causé l’arrêt de son cycle menstruel[56]. Mme Jelilova nous a fait part de son expérience personnelle et de ses observations :

Le but était de mettre fin au cycle menstruel des filles. Si nous avions faim, nous ne le sentions pas, et nous ne sentions plus la douleur. Nous ne sentions donc plus rien après les procédures. Je ne me rappelais pas de mes propres enfants. J’étais perdue[57].

Le Sous-comité a été informé que les efforts déployés pour limiter la croissance de la population ouïghoure à l’aide de ces méthodes de contraception invasives ne se limitaient pas uniquement aux camps de concentration. Par conséquent, cet aspect sera abordé plus en détail ci‑dessous, dans la section « Contrôle de la population ».

COVID-19

Les camps de concentration, comme tous les espaces restreints, sont susceptibles d’accélérer la propagation de maladies et de virus, comme la COVID‑19; par conséquent, les Ouïghours et les autres musulmans turciques sont plus à risque de les contracter. Malgré cela, Kanji a indiqué que les activités dans les camps se sont poursuivies tout au long de la pandémie, même si de nombreux établissements ont fermé leurs portes pour freiner la propagation du virus[58].

Le Sous-comité est extrêmement préoccupé par le fait que le gouvernement de la RPC continue d’avoir recours aux camps de concentration, qui répriment et déshumanisent les Ouïghours et les autres musulmans turciques du Xinjiang. Par conséquent :

Recommandation 1

Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada, en collaboration avec ses alliés internationaux, condamne l’utilisation, par le gouvernement de la République populaire de Chine, de camps de concentration pour détenir injustement des Ouïghours et d’autres musulmans turciques.

Recommandation 2

Le Sous-comité recommande qu’Affaires mondiales Canada coordonne une campagne internationale exhortant le gouvernement de la République populaire de Chine à libérer immédiatement les Ouïghours et les autres musulmans turciques injustement détenus dans ses camps de concentration.

Recommandation 3

Le Sous-comité recommande qu’Affaires mondiales Canada coordonne une action concertée à l’échelle internationale en vue d’exercer des pressions sur le gouvernement de la République populaire de Chine pour qu’il accorde un plein accès au Xinjiang à des observateurs indépendants afin qu’ils évaluent la situation des Ouïghours et des autres musulmans turciques.

Séparation des enfants de leur famille

Certains témoins ont informé le Sous-comité que les enfants de Ouïghours et d’autres musulmans turciques sont retirés de leur domicile et placés dans des écoles ou des orphelinats gérés par l’État dans le but de les assimiler. Même si cette situation se produit surtout lorsque les parents sont détenus dans des camps de concentration, il arrive fréquemment que ces enfants soient retirés à leurs parents lorsque la cellule familiale est encore intacte[59]. Mme Kanji a mentionné au Sous‑comité que près d’un demi‑million d’enfants sont séparés de leur famille en raison de ce que Mme Asat a appelé « l’enlèvement d’enfants ouïghours sanctionné par l’État[60] ». Selon Mme Asat, la séparation des enfants de leur famille est un volet important des efforts déployés par le gouvernement de la RPC pour détruire la culture des Ouïghours et des autres musulmans turciques :

Ce n’est pas le genre de gouvernement dont on puisse être sûr qu’il élèvera ces enfants dans les valeurs souhaitées par leurs parents. Ce qui arrive souvent, c’est que ces enfants, dès leur plus jeune âge, sont soumis à un endoctrinement politique qui les prive de leur langue et de leur culture, et ils n’ont plus aucun lien avec l’identité de leur peuple.
En fait, on essaie d’élever ces enfants dans un contexte complètement différent, très étranger à leur culture. Cela me brise vraiment le cœur, parce que c’est aussi, à mon avis, une façon très efficace de détruire la culture, de détruire la population, parce que ces enfants ne deviendront pas des Ouïghours. Ce genre de pratique fait tristement partie de l’histoire de beaucoup de pays, mais, en Chine, c’est en ce moment même que cela se passe[61].

Travail forcé

En 2018, le gouvernement de la RPC a mise en œuvre une initiative de « réduction de la pauvreté », qui visait à « faire passer les minorités de leurs villages ruraux traditionnels au travail en usine[62] ». Tout comme les autres efforts déployés pour contrôler les Ouïghours et d’autres musulmans turciques, la politique a été appliquée avec force et a eu pour effet de marginaliser la population. De nombreux Ouïghours et autres musulmans turciques sont séparés de leur domicile ou retirés des camps de concentration et envoyés dans des usines.

Mme Lehr a expliqué que l’efficacité du programme réside entre autres dans le fait que les fonctionnaires locaux doivent respecter des quotas de transfert vers des postes de travail en usine, ce qui crée une pression énorme pour eux; ils transfèrent alors des Ouïghours et d’autres musulmans turciques (surtout ceux des régions rurales), parfois en ayant recours à la force[63].

Mme Anderson a déclaré que ces mesures font elles aussi partie de la stratégie déployée par le gouvernement de la RPC pour contrôler la région[64]. Puisque la majorité des usines où sont envoyés les Ouïghours et d’autres musulmans turciques sont situées à l’extérieur du Xinjiang, les transferts contribuent à réduire la population dans la région. Elle a également ajouté que toutes ces mesures visent à aider le gouvernement à prendre le contrôle du Xinjiang « à des fins d’extraction des ressources et de commerce international[65] ».

Le Sous‑comité a appris qu’en plus d’être forcés à travailler dans des usines pour de piètres salaires, les Ouïghours sont aux prises avec des conditions de travail insoutenables. Mme Lehr a décrit le travail effectué dans ces usines comme suit :

Nous avons appris que ces gens travaillaient sans être payés ou encore recevaient pour une année de travail un salaire équivalent à une paie mensuelle. Ces gens étaient sous surveillance constante et vivaient dans des dortoirs avec des gardiens. Chaque jour, ils devaient monter à bord d’autobus accompagnés de gardiens jusqu’aux usines. Il y avait également de la surveillance aux usines et des dispositifs de sécurité. Les gens n’avaient aucune idée quand cela prendrait fin ni comment. Tous leurs appareils étaient surveillés[66].

Le Sous-comité a également été troublé d’apprendre que le gouvernement de la RPC n’est pas la seule entité à bénéficier du travail forcé des Ouïghours et d’autres musulmans turciques. Certains témoins ont mentionné que les produits fabriqués par les Ouïghours sont intégrés aux chaînes d’approvisionnement mondiales, incluant celle des entreprises occidentales qui vendent des produits partout dans le monde, et aussi au Canada. Mme Asat a expliqué que « [n]os entreprises profitent, sans le savoir ou en toute connaissance de cause, du travail forcé des Ouïghours, et nous, comme consommateurs, sommes complices de l’utilisation de ces produits[67] ». Elle a même mentionné que certains des masques de protection vendus en Amérique du Nord, qui sont fortement en demande en raison de la pandémie de COVID‑19, sont issus du travail forcé des Ouïghours[68].

Certains témoins ont réclamé le boycottage des produits qui pourraient être issus du travail forcé effectué par ces groupes opprimés[69]. Le Sous-comité a été informé que le Canada devrait adopter une politique selon laquelle on présume, jusqu’à preuve du contraire, que c’est le cas, qui visera les entreprises importantes des produits du Xinjiang ou d’autres régions de la Chine où le travail forcé est monnaie courante. Une telle politique exigerait que les entreprises qui importent des produits prouvent que ceux‑ci ne sont pas issus du travail forcé[70]. D’autres témoins ont également exhorté le gouvernement du Canada à élargir le rôle de l’ombudsman canadien de la responsabilité sociale[71] ou à mettre en place une loi exigeant des entreprises qu’elles fassent preuve de diligence raisonnable et dressent des rapports à cet égard[72]. Mme Lehr a également recommandé que le gouvernement du Canada examine ses pratiques d’approvisionnement en ce qui concerne les produits susceptibles d’être issus du travail forcé des Ouïghours, tant dans le Xinjiang que dans d’autres régions de la Chine[73].

COVID-19

Mme Mahmut a mentionné que le régime a recours aux Ouïghours pour remplacer les travailleurs qui ont été envoyés chez eux en raison de la pandémie afin de ne pas perdre d’argent[74]. Mme Asat a mentionné que selon des reportages, la Chine aurait fait appel au travail forcé des Ouïghours pendant la pandémie pour poursuivre la production de masques qui sont très en demande partout dans le monde[75]. Mme Kanji est même allée jusqu’à dire que la pandémie de COVID‑19 pourrait être utilisée par le gouvernement de la RPC pour l’aider à atteindre son objectif ultime, en l’occurrence l’éradication de la population ouïghoure[76].

Le Sous-comité s’inquiète du fait que le Canada et des Canadiens pourraient, sans le vouloir, acheter des produits issus du travail forcé des Ouïghours et d’autres musulmans turciques. Par conséquent :

Recommandation 4

Le Sous-comité recommande qu’Affaires mondiales Canada améliore ses mécanismes de contrôle des importations afin de garantir que des produits issus du travail forcé ne soient pas vendus sur les marchés canadiens. Entre autres, de lourdes sanctions devraient être imposées aux particuliers et aux entreprises qui tirent profit du travail forcé.

Recommandation 5

Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada renforce le mandat de l’ombudsman canadien de la responsabilité sociale pour qu’il ait le pouvoir de mener des enquêtes indépendantes et d’obliger les entreprises et leurs dirigeants à produire des documents et à témoigner et qu’il dispose des ressources nécessaires pour faire enquête sur les violations présumées des droits de la personne.

Recommandation 6

Le Sous-comité recommande que le ministère de la Justice élabore une loi exigeant des entreprises qu’elles fassent preuve de diligence raisonnable en matière de droits de la personne, qui les obligera à respecter les normes internationales les plus récentes en matière de droits de la personne dans le cadre de leurs activités et des chaînes d’approvisionnement internationales et soient tenues responsables des torts attribuables à leurs activités.

Surveillance par l’État

Plusieurs témoins ont déclaré que le gouvernement de la RPC s’est activement employé à mettre en œuvre des stratégies de surveillance dans le Xinjiang, transformant la région en un « État policier[77] ». Comme l’a expliqué Mme Sauytbay : « [L]e Turkestan oriental est devenu une grande prison. Tout ce qui est dit, partout, et tout ce qui se fait, 24 heures sur 24, est enregistré, et tout et tous sont surveillés dans le Turkestan oriental[78]. » Mme Lehr a signalé au Sous-comité que le niveau de contrôle et de surveillance imposé par l’État aux Ouïghours et à d’autres musulmans turciques est sans précédent, déclarant ceci : « Nous n’avons jamais vu un tel contrôle et une telle surveillance étatiques dans l’histoire du monde[79]. » Les témoins ont décrit un exemple troublant de surveillance : ils ont indiqué qu’on demande à des Chinois Han de surveiller individuellement et directement des femmes ouïghoures[80]. Mme Kanji a expliqué qu’il « existe des programmes du gouvernement pour que les dirigeants chinois Han s’installent dans les maisons des Ouïghours au Xinjiang, voire dorment dans les chambres des femmes musulmanes dont les maris sont détenus dans les camps de concentration[81] ».

En plus d’instaurer de telles mesures de surveillance personnelle, deux stratégies de surveillance d’ensemble semble avoir été mis en œuvre: un régime de maintien de l’ordre omniprésent et le recours accru aux technologies de surveillance.

Régime de maintien de l’ordre omniprésent

Dans le résumé des témoignages qu’il a publié en décembre 2018, le Sous-comité a insisté sur l’existence de patrouilles de police ou de points de contrôle dans le sud du Xinjiang, dominée par les Ouïghours, mentionnant qu’ils sont présents « à presque tous les carrefours, à l’entrée des immeubles d’appartements et des magasins, dans les centres commerciaux et aux arrêts d’autobus[82] ». Mme Smith Finley a effectué des recherches sur les Ouïghours dans le Xinjiang et s’est souvent rendue dans la région, où elle a établi des contacts. Mme Finley a indiqué qu’elle a « observé des “commissariats de proximité” préfabriqués toutes les quelques centaines de mètres dans toute la ville : des structures grises de deux ou trois étages avec des portes barricadées, un drapeau de la RPC et des lumières clignotantes. Il y avait également des postes de police mobiles stationnés au bord des routes[83]. » À ces postes, les policiers inspectaient les cartes d’identité, les passeports et les téléphones cellulaires. Le Sous‑comité a souligné que les postes sont surtout situés dans les quartiers ouïghours et que les Ouïghours sont surveillés beaucoup plus attentivement que les autres[84].

Technologies de surveillance

Le gouvernement de la RPC emploie des technologies de surveillance perfectionnées pour réprimer les Ouïghours et d’autres musulmans turciques et « contrôler et restreindre tous les aspects » de leur vie[85]. Irene Turpie, de l’organisation Canadians in Support of Refugees in Dire Need, a informé le Sous-comité de ce qui suit : « Les foules sont surveillées au moyen de caméras de reconnaissance faciale; toutes les communications sont interceptées et inspectées au moyen de programmes d’intelligence artificielle; et les personnes sont fichées, comptabilisées et suivies au moyen de bases de données génétiques, d’empreintes digitales et d’empreintes vocales[86]. »

M. Zenz a indiqué que certaines technologies de surveillance employées ont été élaborées avec l’aide d’entreprises et d’établissements de recherche occidentaux. Il a souligné que même si les entreprises chinoises sont impliquées dans le Xinjiang, les entreprises occidentales « fournissent directement des technologies de sécurité et de surveillance qui permettent à l’État policier de fonctionner[87] ». Par conséquent, des témoins ont proposé de nommer les entreprises qui sont complices de la situation et fournissent de l’équipement de surveillance aux entreprises chinoises, qui l’utilisent pour réprimer les Ouïghours et d’autres musulmans turciques; ils ont également suggéré d’imposer des sanctions à ces entreprises[88]. Mme Lehr a aussi mentionné que des capitaux canadiens et américains sont investis dans des entreprises chinoises qui participent à la surveillance dans le Xinjiang[89]. Le Sous-comité convient que des entreprises canadiennes ne devraient pas participer au développement de technologies de surveillance utilisées pour réprimer les Ouïghours et d’autres musulmans turciques dans le Xinjiang, ni investir dans ces activités.

Effets paralysants de la surveillance des Ouïghours dans le Xinjiang et à l’étranger

Le Sous-comité a appris que les mesures de répression imposées par le gouvernement de la RPC ont eu des effets paralysants dans le Xinjiang, où les Ouïghours et d’autres musulmans turciques vivent dans la crainte d’être persécutés. Certains évitent les membres de leur famille, leurs amis, leurs connaissances et les lieux publics, en partie en raison du au recours à des stratégies de surveillance pour dissuader ces groupes d’afficher leur identité culturelle[90]. Qui plus est, les mesures de surveillance intrusives s’accompagnent « d'arrestations arbitraires, de fouilles d’habitations [et] de confiscations de passeports[91] ».

Dans son mémoire au Sous-comité, Mme Finley a communiqué les renseignements suivants, qui illustrent bien l’effet paralysant de la surveillance de l’État et la crainte de persécution dans le Xinjiang :

En 2018, la peur extrême d’être envoyé dans un camp d’internement signifiait que presque aucun de mes amis ouïg[h]ours de longue date et des personnes interrogées à Urum[q]i ne voulait me rencontrer – la fréquentation d’étrangers était l’une des raisons qui rendaient un ouïg[h]our « indigne de confiance » et admissible à l’internement. J’ai rencontré un ami, G — un commerçant de rue — pendant seulement 3 minutes le 30 juin 2018. G n’avait jamais répondu à mes textos ni à mes appels, alors je suis allée à son lieu de travail extérieur à la tombée de la nuit. Un « poste de police pratique » a été construit à 20 mètres à droite du restaurant à l’extérieur duquel il a travaillé. Je me suis approchée tranquillement par‑derrière, j’ai placé ma main sur son épaule et j’ai demandé calmement si cela lui poserait un problème que je reste pour parler. D’abord, G a répondu : « Il est trop dangereux de vous voir maintenant, mais je ne peux pas m’empêcher de vouloir vous voir. » (en souriant). Puis son sourire s’est effacé, et il a dit : « Beaucoup de mes camarades ont été enlevés », confirmant qu’il voulait dire [à l’]« école » (l’euphémisme local pour les camps d’internement). Il a déclaré qu’il n’avait pas répondu à mes appels téléphoniques (passés depuis un téléphone portable enregistré à l’étranger, car les cartes SIM chinoises locales sont désormais interdites aux touristes étrangers) car « si je l’avais fait, je ne serais pas là maintenant ». Je lui ai demandé de rester en sécurité et [je suis partie][92].

L’État n’effectue pas uniquement de la surveillance dans le Xinjiang ou en Chine. Dans son rapport de 2018, le Sous-comité a abordé la question du harcèlement que le gouvernement de la RPC fait subir aux Ouïghours et à d’autres musulmans turciques à l’étranger, et il a indiqué que même ceux qui vivent à l’étranger ne réussissent pas à échapper aux tactiques de surveillance[93]. Mme Kanji a confirmé que l’État continue de s’immiscer dans la vie de ces personnes à l’étranger, déclarant qu’il « surveille attentivement les villages, les résidences, les chambres à coucher, les téléphones cellulaires et même l’ADN des Ouïghours grâce à la collecte massive de données biométriques, allant même jusqu’à cibler des Ouïghours vivant au Canada et ailleurs[94] ». Mme Mahmut a mentionné que les Ouïghours qui se trouvent au Canada craignent toujours d’être sous la surveillance de l’ambassade de la Chine et a réclamé qu’on assure la protection des Ouïghours vivant au Canada[95]. Des témoins ont également signalé qu’ils ont été victimes d’intimidation dans divers pays, comme le Kazakhstan et la Turquie, ainsi que dans de nombreux pays occidentaux[96]. Jewher Ilham, une auteure et militante pour les droits des Ouïghours qui habite aux États‑Unis, a raconté son expérience relative à la surveillance exercée par l’État chinois :

Je crois que mon portable et mon cellulaire sont constamment surveillés par le gouvernement chinois. Il y a quelques années, j’ai été invitée à un mariage ouïghour. Comme mes conversations étaient sur écoute, la police chinoise savait que j’allais assister à ce mariage parce que nous en avions parlé au téléphone. Les jeunes mariés ont été avertis de ne pas inviter des personnes comme moi à leur mariage.
De plus, mes conversations et celles de ma famille sont surveillées depuis longtemps, y compris sur mon ordinateur. Je vois très souvent la caméra s’allumer et la souris bouger toute seule. Chaque fois que je vérifie l’adresse IP de la personne qui a regardé mes courriels, je constate que c’est une adresse chinoise. Je ne crois pas être la seule dans cette situation; cela arrive à beaucoup d’autres personnes qui vivent aux États‑Unis et au Canada[97].

Omerbek Ali, un activiste des droits des Ouïghours et survivant des camps de concentration, s’est adressé au Comité à partir des Pays‑Bas. Il a parlé de la persécution qu’il a vécue, qui l’a amené à immigrer au Kazakhstan, et de son arrestation lorsqu’il est retourné au Xinjiang pour un voyage d’affaires[98]. Depuis qu’il a été libéré, il dénonce le traitement réservé aux Ouïghours au Xinjiang. Même si le fait de s’exprimer sur le sujet le met en danger, il continue de raconter courageusement son histoire :

Comme je l’ai indiqué, je n’ai pas peur de mourir, mais depuis mon départ du Kazakhstan, en 2017, et depuis la première entrevue que j’ai accordée aux médias, je suis constamment harcelé et menacé de mort; j’ai reçu des menaces de mort. Même quand j’ai voyagé au Japon, en République tchèque, en Belgique, en Suède ou en Suisse, j’ai été constamment harcelé. J’ai reçu des appels téléphoniques de harcèlement. Je n’ai quand même pas peur de mourir, je vais traverser cette épreuve[99].

Kamila Talendibaevai, une militante pour les droits des Ouïghours, a raconté au Sous‑comité l’histoire de son mari, Huseyin Celil, qui devrait servir d’avertissement à tous. M. Celil, un Ouïghour qui a fui la Chine et est devenu un citoyen canadien avec les membres de sa famille, en 2001, a été arbitrairement arrêté en 2006, alors qu’il visitait sa famille en Ouzbékistan. Il a par la suite été expulsé en Chine et condamné à la prison à vie. Mme Talendibaevai n’a pas eu de contact avec son mari depuis 14 ans. Pendant ce temps, malgré les efforts diplomatiques déployés par le Canada, M. Celil n’a pas eu droit à une visite consulaire puisque le gouvernement de la RPC ne reconnaît pas sa citoyenneté canadienne[100]. Chris MacLeod, avocat et partenaire fondateur, Cambridge LLP, et conseiller juridique de M. Celil, ainsi qu’Alex Neve, secrétaire général d’Amnistie internationale Canada, ont demandé la nomination d’un envoyé spécial pour demander la libération de M. Celil[101]. À l’appui de cette demande, M. MacLeod a donné les exemples de Michael Kapoustin et de Maher Arar, qui ont tous deux étés libérés à la suite de la nomination d’un envoyé spécial[102].

Le Sous-comité reconnaît que les Ouïghours s’exposent à d’immenses risques et font d’énormes sacrifices lorsqu’ils s’expriment publiquement sur les horreurs qu’ils ont vécues, eux et les membres de leur famille. Bon nombre de ceux qui ont eu la chance de fuir sont maintenant apatrides et il est impossible pour eux de trouver un asile permanent. Par conséquent :

Recommandation 7

Le Sous-comité recommande qu’Affaires mondiales Canada entreprenne un examen des technologies et des équipements canadiens exportés en Chine pour mieux comprendre comment ils sont employés par les utilisateurs finaux de ce pays. À la suite de cet examen, le gouvernement du Canada devrait mettre en œuvre des mesures pour garantir que les particuliers, les entreprises et les organismes publics du Canada ne fournissent pas de renseignements ou de technologies pouvant être utilisés pour appuyer des violations des droits fondamentaux de la personne.

Recommandation 8

Le Sous-comité recommande que Sécurité publique Canada fasse un suivi systématique du harcèlement que font subir les autorités chinoises aux Ouïghours et à d’autres musulmans turciques vivant au Canada, ainsi qu’aux personnes et aux groupes qui militent pour eux. Le Sous-comité exhorte également le gouvernement du Canada à imposer des sanctions en cas de tentatives visant à réprimer la liberté d’expression au Canada et à continuer d’aborder le problème avec les officiels du gouvernement de la République populaire de Chine.

Recommandation 9

Le Sous-comité recommande qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada ait recours aux programmes existants s’adressant aux réfugiés et crée une catégorie spéciale pour accélérer l’entrée au pays des Ouïghours et d’autres musulmans turciques, surtout ceux qui militent pour les droits de la personne et ont besoin de protection parce qu’ils fuient la persécution au Xinjiang et ailleurs. L’Agence des services frontaliers du Canada devrait suspendre le renvoi des Ouïghours et d’autres musulmans turciques vers la Chine ou d’autres États où ils risquent d’être expulsés.

Recommandation 10

Le Sous-comité recommande qu’Affaires mondiales Canada utilise tous les outils à sa disposition pour obtenir la libération de Huseyin Celil, y compris, sans s’y limiter, la création d’un poste d’envoyé spécial dont la tâche consisterait précisément à demander sa libération et son retour.

Contrôle de la population

Le Sous-comité a été consterné d’apprendre que la situation des Ouïghours et des autres musulmans turciques semble avoir empiré depuis sa dernière étude sur la question en 2018. Non seulement le gouvernement de la RPC n’a fait aucun effort pour mettre un frein aux violations des droits de la personne, mais en fait il a intensifié ses activités de répression envers ces populations vulnérables et a mis en œuvre de nouvelles stratégies pour accélérer leur déclin et leur éventuelle élimination. Le gouvernement de la RPC a notamment pris des mesures afin de freiner la croissance de cette population, telles que la pose forcée de stérilets (accompagnée de contrôles trimestriels pour vérifier qu’ils sont toujours en place) et des chirurgies de stérilisation forcées[103].

Le Sous-comité a appris que le gouvernement de la RPC continue de chercher à inhiber la croissance de la population et qu’il modifie ses politiques en conséquence. Des documents montrent qu’en 2019, les autorités du Xinjiang espéraient soumettre plus de 80 % des femmes en âge de procréer dans les quatre préfectures du sud à majorité ouïghoure à des mesures de régulation des naissances efficaces à long terme (soit la stérilisation ou la pose d’un stérilet)[104]. M. Zenz a indiqué que « [l]es documents de planification familiale de deux comtés ouïghours montrent des cibles précises pour la stérilisation massive des femmes, indiquant respectivement que 14 % et 34 % de toutes les femmes en âge de procréer en milieu rural seront soumises à la stérilisation par ligature des trompes[105] ». Pour atteindre ces cibles, les autorités du Xinjiang ont mis en place des incitatifs pour encourager les Ouïghoures à subir des interventions de stérilisation. M. Zenz a mentionné que « la commission de la santé du Xinjiang a prévu 260 millions de yuans chinois, ou 50 millions de dollars canadiens, en 2019 et 2020, pour financer des chirurgies gratuites de prévention des naissances[106] ». Il a ajouté que les autorités du Xinjiang avaient aussi prévu quelque 291 millions de dollars canadiens pour récompenser financièrement les femmes qui choisissent « volontairement » d’avoir un stérilet ou de se faire stériliser, même si elles ont légalement le droit d’avoir plus d’enfants en vertu de la politique chinoise régissant le nombre d’enfants qu’une femme peut avoir[107].

Pour garantir le respect des politiques de régulation des naissances, le gouvernement de la RPC impose des mesures de dissuasion draconiennes. Par exemple, M. Zenz a signalé que les époux étaient souvent placés dans des camps de concentration si leur partenaire ne respectait les règles en matière de régulation des naissances[108].

Il est troublant de constater que les efforts pour freiner la croissance démographique chez les Ouïghours et les autres musulmans turciques du Xinjiang ont atteint leur objectif. Entre 2015 et 2018, le taux de croissance de la population a chuté de 84 % dans les zones à majorité ouïghoure du Xinjiang. Au cours de la même période, « on estime à deux millions le nombre de migrants chinois han qui ont quitté d’autres régions de la Chine pour s’installer au Xinjiang, attirés par des offres d’emploi lucratives, des logements gratuits et des terres gratuites[109] ». En 2019, les taux de natalité dans les régions où l’on trouve un nombre important de minorités ethniques ont encore diminué entre 30 % à 56 %[110].

Quelques dernières réflexions

Les données présentées par les témoins montrent clairement que les atrocités commises contre les Ouïghours et les autres musulmans turciques du Xinjiang non seulement se poursuivent, mais s’intensifient. Ces mesures répressives consistent entre autres à placer les Ouïghours et les autres musulmans turciques dans des camps de concentration, à recourir au travail forcé, à soumettre la population à une surveillance invasive, à imposer des mesures de régulation des naissances et à faire courir aux minorités ethniques un grand risque de contracter la COVID‑19, tout en utilisant le travail forcé de ces personnes pour profiter de la pandémie mondiale. Ces violations des droits fondamentaux de la personne ne peuvent rester sans réponse et exigent une intervention ferme de la part du Canada et de la communauté internationale.

Chapitre 3 — Obligations internationales en cas d’atrocités à grande échelle

Les deux premiers chapitres de ce rapport ont contribué à faire entendre la voix des Ouïghours et des autres musulmans turciques en expliquant le contexte et l’histoire de leur asservissement et en mettant de nouveau en lumière les atrocités qui sont commises actuellement dans le Xinjiang. Le présent chapitre vient compléter le rapport en classant les crimes décrits au chapitre 2 et en discutant des réponses à prendre. Les différents actes décrits au chapitre 2 sont clairement inhumains et méritent la condamnation de la communauté internationale. Ces crimes sont commis dans le cadre d’une attaque à grande échelle contre un peuple, une attaque qui est planifiée et exécutée de manière méthodique par un État. Pour cette raison, ils sont classés dans une catégorie réservée aux crimes les plus graves de l’humanité.

Le présent chapitre explique pourquoi les actes de persécution perpétrés par le gouvernement de la RPC à l’encontre des Ouïghours et des autres musulmans turciques du Xinjiang constituent un crime de génocide et précise les obligations qui en découlent pour les États. Il examine également les crimes contre l’humanité commis et ce que certains témoins considèrent comme la « responsabilité de protéger » du Canada.

Génocide

En réponse aux atrocités commises pendant la Seconde Guerre mondiale, la communauté internationale s’est engagée à ne « plus jamais » permettre qu’un génocide se produise. C’est pourquoi, le 9 décembre 1948, l’Assemblée générale des Nations Unies (ONU) a adopté la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, soit le premier traité sur les droits de la personne qu’elle ait adopté[111]. Le Canada a signé la Convention le 28 novembre 1949 et l’a ratifiée le 3 septembre 1952.

Le crime de génocide est défini comme suit à l’article II de la Convention :

Dans la présente Convention, le génocide s’entend de l’un quelconque des actes ci‑après, commis dans l’intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :
  • Meurtre de membres du groupe;
  • Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe;
  • Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle;
  • Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe;
  • Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe[112].

Un génocide est donc commis si un ou plusieurs des cinq actes sont perpétrés, dans l’intention indiquée, contre un groupe national, ethnique, racial ou religieux[113]. Cette définition est largement acceptée en droit international, comme le montre son inclusion dans les documents fondateurs de divers tribunaux pénaux internationaux, notamment le Statut de Rome de la Cour pénale internationale[114] (Statut de Rome) et les statuts du Tribunal pénal international pour le Rwanda[115] (TPIR) et du Tribunal pénal international pour l’ex‑Yougoslavie[116] (TPIY).

Les prochaines sections décrivent les différentes composantes du crime de génocide et les appliquent aux actes perpétrés par le gouvernement chinois contre les Ouïghours et les autres musulmans turciques au Xinjiang. Il est d’abord question des groupes protégés par la Convention sur le génocide, puis de l’« intention » requise ou du but exprès qui sous‑tend le comportement en question.

Les Ouïghours : un groupe protégé en vertu de la Convention sur le génocide

Il n’y a pas de définition des groupes protégés dans la Convention sur le génocide, et il n’y en a pas non plus dans les statuts des différents tribunaux pénaux internationaux. C’est donc la jurisprudence qui a contribué à a précisé la composition des différents groupes, plus particulièrement la décision Le procureur c. Akayesu[117] rendue en 1998 par la Chambre de première instance du TPIR. Si l’on tient compte de la description et de l’historique des Ouïghours qui se trouvent au chapitre 1, la définition de « groupe ethnique » donnée par le tribunal de première instance est celle qui correspond le plus aux Ouïghours en tant que groupe. Tout simplement, le tribunal a dit que le terme « groupe ethnique qualifie généralement un groupe dont les membres partagent une langue ou une culture commune[118] ». Le chapitre 1 du présent rapport explique que les Ouïghours ont leur propre langue, leur propre caractère ethnique, culturel et religieux et ont un lien culturel et spirituel avec le Xinjiang. D’ailleurs, le gouvernement chinois lui‑même reconnaît que les Ouïghours forment l’un des « 56 groupes ethniques dont la présence a été recensée et confirmée par le gouvernement central[119] ». Pour ces raisons, le Sous-comité estime que les Ouïghours, en tant que groupe ethnique, forment un groupe protégé en vertu de la Convention sur le génocide.

L’intention spécifique de commettre un génocide

Pour qu’un génocide soit considéré comme ayant eu lieu, l’un des cinq actes énumérés à l’article II de la Convention sur le génocide doit avoir été commis dans l’intention de détruire un groupe protégé en tout ou en partie. Comme les déclarations explicites des États de leur intention de détruire un groupe sont rares, c’est en examinant le contexte de la persécution et les faits sur le terrain que l’on peut déterminer l’« intention spécifique » de commettre un génocide. Cet examen s’étend aux politiques mises en place par l’auteur du présumé génocide, à l’infrastructure créée dans l’optique de perpétrer un génocide et le caractère systématique des atrocités[120]. Le Sous-comité croit fermement que l’on peut déduire l’intention de commettre un génocide des relations passées entre le gouvernement de la RPC et les Ouïghours et autres musulmans turciques et des actes de persécution méthodique présentés au chapitre 2 du présent rapport.

Contexte historique et persécution méthodique

Dans le chapitre 1, on explique que les mesures prises pour réprimer et marginaliser les Ouïghours et autres musulmans turciques ainsi que pour les assimiler à la population chinoise remontent au moment où la Chine a commencé à exercer sa domination au Xinjiang. On précise aussi que la persécution de ces groupes s’est amplifiée lorsque la région a gagné de l’importance stratégique pour le gouvernement de la RPC.

Le chapitre 2 décrit les différentes formes de persécution exercées à l’endroit des Ouïghours et autres musulmans turciques. Les témoignages ont révélé que l’ensemble des mesures prises contre ces groupes sont interreliées et font partie d’un vaste plan. Mme Asat, par exemple, a déclaré que le gouvernement de la RPC « est en train de mettre en œuvre un programme systématique à plusieurs volets, avancé sur le plan technologique, visant à détruire l’ensemble des Ouïghours[121] », et Mme Kanji a affirmé que les camps de concentration ne constituent « qu’une composante d’un projet de bien plus grande envergure[122] ».

Dans la même veine, Mme Kanji a signalé que lorsque

[l’]on voit ces efforts tout à fait délibérés pour transformer le peuple ouïghour en peuple chinois Han, à la fois par le déplacement intentionnel de colons au Xinjiang et par des manœuvres biologiques d’assimilation, je crois que nous avons là des signaux très clairs d’une intention de commettre un génocide, selon la définition de la Convention pour la prévention et la répression du génocide[123].

Les témoins ont insisté sur le fait que la persécution des Ouïghours et des autres musulmans turciques par le gouvernement de la RPC, en particulier lorsqu’elle est considérée dans son contexte historique, son ampleur et son application systématique, démontre clairement l’intention de commettre un génocide. Par ailleurs, le Sous-comité a appris que les représentants chinois avaient également fait des déclarations confirmant cette intention. Soulignant qu’il importe de porter attention aux propos des représentants chinois, Mme Kanji a noté que « [p]our ce qui est de la question de l’intention, quand des fonctionnaires décrivent l’islam comme un "virus idéologique", une "tumeur maligne incurable" et une "mauvaise herbe" envahissant les "cultures", les efforts d’éradication sont une conséquence logique[124] ».

Conformité à la définition de génocide

Compte tenu du contexte et des témoignages reçus durant ses audiences en 2018 et en 2020, le Sous-comité est persuadé que les actes commis par le gouvernement de la RPC au Xinjiang à l’endroit des Ouïghours et autres musulmans turciques constituent un génocide aux termes de la Convention sur le génocide. Le Sous-comité est d’accord avec l’analyse concise de Mme Kanji :

L’un ou l’autre de ces actes [article II de la Convention sur le génocide], lorsqu’il est posé dans l’intention de détruire un peuple en tant que peuple « en tout ou en partie », se qualifie de génocide lorsqu’il est commis dans le but génocidaire requis.
Dans le cas des Ouïghours, toutefois, des preuves montrent que ces cinq actes ont été commis, des rapports faisant état de morts dans des camps de concentration; de tortures comme l’électrocution et la noyade simulée; de jeûne forcé et d’exposition aux maladies, y compris au coronavirus, dans des camps de concentration et de travail forcé; d’une campagne de stérilisation, dans le cadre de laquelle 80 % des nouveaux dispositifs de régulation des naissances intra‑utérins ont été installés dans la région chinoise du Xinjiang, où habite pourtant moins de 2 % de la population chinoise; et de la séparation de près d’un demi‑million d’enfants de leurs familles et de leurs communautés[125].

Elle a déclaré également que la violence sexuelle contre les femmes ouïghoures devrait aussi être reconnue comme un acte de génocide conformément à la jurisprudence du TPIR[126].

Puisqu’il est question de la plus grande détention de minorités religieuses depuis la Seconde Guerre mondiale[127] et que les données montrent que la situation des Ouïghours et autres musulmans turciques au Xinjiang « va en rempirant[128] », il est grand temps de prendre des mesures décisives. Pour souligner l’engagement du Canada à prévenir toute nouvelle persécution des Ouïghours et des autres musulmans turciques, il est important pour commencer de reconnaître que ces atrocités constituent un génocide. Comme on l’explique plus loin, ce simple geste envoie non seulement un message très clair au gouvernement de la RPC et à la communauté internationale, mais il concrétise également les obligations et les responsabilités du Canada en vertu de la Convention sur le génocide.

Déclarations

Les témoins ont été clairs : les actes perpétrés par les autorités chinoises à l’endroit des Ouïghours et autres musulmans turciques constituent un génocide[129]. Irwin Cotler, président fondateur du Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne, a déclaré que la gravité de l’acte « nous oblige tous » à dénoncer publiquement un génocide lorsqu’il se produit, affirmant aussi que le Parlement du Canada doit assumer « un rôle distinct » à cet égard[130]. M. Cotler a souligné qu’en 2018, le Parlement canadien avait rapidement dénoncé la persécution des Rohingyas au Myanmar à titre de génocide[131]. Il ajouté que, tout comme dans le cas des Rohingyas, « [n]ous devrions être le premier Parlement à définir comme génocide ce qui arrive aux Ouïghours[132] ». Faisant référence au génocide des Rohingyas et au génocide Rwandais, Mme Kanji a signalé que certains États tardent à dénoncer publiquement un génocide parce qu’ils craignent de déclencher leurs devoirs d’agir[133]. D’autres témoins ont insisté sur le fait qu’il est important pour le Canada de faire une déclaration officielle, précisant que ce geste pourrait amener d’autres pays à en faire de même et à accroître les pressions exercées sur les autorités chinoises[134].

Le Sous-comité a publié une déclaration sur la situation des Ouïghours le 21 octobre 2020 et a tenu une conférence de presse sur le sujet le 12 novembre 2020. Dans les deux cas, il a déclaré que les incidents décrits dans son rapport constituaient un génocide. Le 22 octobre 2020, en réponse à la déclaration du Sous-comité, le porte‑parole du ministère des Affaires étrangères de la Chine, Zhao Lijian, a déclaré que le Canada devrait « dénoncer les préjugés idéologiques, cesser de s’ingérer dans les affaires internes de la Chine sous le prétexte de questions relatives au Xinjiang, faire preuve de prudence dans ses paroles et gestes, et éviter de nuire davantage aux relations entre la Chine et le Canada[135] ».

Le Sous-comité est conscient que certaines de ses recommandations risquent de provoquer des récriminations de la part du gouvernement de la RPC. Il est toutefois d’accord avec les propos d’Errol P. Mendes, professeur de droit et président de la Commission internationale de juristes Canada :

le Canada, en tant que société de droit, ne peut pas trahir ses engagements fondamentaux. Il ne peut pas désavouer ses promesses souvent répétées de promotion et de protection des droits universels de la personne, enchâssés dans le principe du « plus jamais ». Nous ne pouvons pas être vus comme de simples spectateurs des derniers crimes internationaux qui sont, encore une fois, commis et qui correspondent à la définition de crime contre l’humanité, de crime de guerre, de torture et de génocide[136].

Pour ces raisons,

Recommandation 11

Le Sous-comité recommande que la Chambre des communes adopte une motion afin de reconnaître que la persécution des Ouïghours et des autres musulmans turciques au Xinjiang par le gouvernement de la République populaire de Chine constitue un génocide.

Recommandation 12

Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada déclare que l’oppression par le gouvernement de la République populaire de Chine des Ouïghours et des autres musulmans turciques au Xinjiang constitue un génocide. Par conséquent, le gouvernement du Canada devrait également condamner le gouvernement de la République populaire de Chine pour sa persécution méthodique et systématique des Ouïghours et autres musulmans turciques au Xinjiang.

Obligations des États de prendre des mesures pour prévenir le génocide

Comme son titre au long l’indique, la Convention sur la prévention et la répression du crime de génocide établit non seulement l’obligation de punir les auteurs d’un génocide, mais prévoit aussi le devoir de prévenir. L’article premier décrit cette obligation :

Les Parties contractantes confirment que le génocide, qu’il soit commis en temps de paix ou en temps de guerre, est un crime du droit des gens, qu’elles s’engagent à prévenir et à punir[137].

Les témoins ont discuté des conditions dans lesquelles l’obligation d’un État de prendre des mesures pour prévenir un génocide est déclenchée en vertu de la Convention ainsi que de la mesure dans laquelle les États doivent agir.

Comme l’a fait remarquer Mme Kanji, la Cour internationale de Justice a étudié en 2007 la question des circonstances dans lesquelles les Parties ont l’obligation de prévenir un génocide en vertu de la Convention sur le génocide. Dans Bosnie‑Herzégovine c. Serbie‑et‑Monténégro, la Cour a déterminé que :

l’obligation de prévention et le devoir d’agir qui en est le corollaire prennent naissance, pour un État, au moment où celui-ci a connaissance, ou devrait normalement avoir connaissance, de l’existence d’un risque sérieux de commission d’un génocide. Dès cet instant, l’État est tenu, s’il dispose de moyens susceptibles d’avoir un effet dissuasif à l’égard des personnes soupçonnées de préparer un génocide, ou dont on peut raisonnablement craindre qu’ils nourrissent l’intention spécifique (dolus specialis), de mettre en œuvre ces moyens, selon les circonstances[138].

Mme Kanji a expliqué au Sous-comité que les États sont donc tenus de prendre des mesures de prévention d’un génocide en présence de conditions objectives laissant présager qu’un génocide risque de se produire : « dès qu’on peut constater les signes d’un risque sérieux, l’obligation de prévenir est déclenchée[139] ». Dans le cas des Ouïghours et autres musulmans turciques, elle a déclaré que le « seuil de risque grave est dépassé depuis belle lurette[140] ». Elle a noté, à l’appui de cette déclaration, que « [p]ratiquement tous » les signaux d’alarme établis par le Bureau de la prévention du génocide de l’ONU sont présents au Xinjiang[141]. Le Sous-comité est d’accord avec l’analyse de Mme Kanji : les récits détaillés des plans à l’endroit des Ouïghours et autres musulmans turciques et des actes de persécution envers ces groupes montrent que la situation a progressé au‑delà du critère selon lequel « un génocide risque fortement de se produire » et déclenche l’obligation de prévention des États.

Bien que la Convention sur le génocide établisse explicitement que les États membres doivent prendre des mesures préventives en cas de génocide, elle laisse le type d’intervention à leur discrétion[142]. L’article VIII de la Convention prévoit qu’un État « peut saisir les organes compétents de l’Organisation des Nations Unies afin que ceux‑ci prennent, conformément à la Charte des Nations Unies, les mesures qu’ils jugent appropriées pour la prévention et la répression des actes de génocide[143] ». Pour le reste, les réponses requises par la Convention sur le génocide doivent être proportionnelles à la capacité d’agir d’un État. En d’autres termes, si un État a les moyens de prendre des mesures qui auront un effet restrictif sur les personnes soupçonnées de préparer ou de perpétrer un génocide, il est tenu de le faire[144]. En ce qui a trait aux mesures nécessaires subséquentes, Mme Kanji a expliqué que « tous les États ne disposent pas du même pouvoir pour arrêter un génocide », mais que tous doivent faire preuve de « diligence raisonnable », c’est-à-dire que les États doivent déterminer s’ils ont pris « toutes les mesures concrètes en leur pouvoir pour prévenir un génocide ou réprimer un génocide déjà engagé[145] ».

Par conséquent,

Recommandation 13

Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada appuie la demande de l’ambassadeur du Canada auprès du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies en vue de la collecte d’information et de la tenue d’une enquête sur la persécution, par le gouvernement de la République populaire de Chine, des Ouïghours et autres musulmans turciques au Xinjiang.

Recommandation 14

Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada demande la mise en place d’un mécanisme onusien impartial et indépendant pour surveiller la situation des droits de la personne des Ouïghours et autres musulmans turciques au Xinjiang et en faire rapport.

Crimes contre l’humanité

Non seulement préoccupés par les actes constituant un génocide, les témoins ont signalé que des crimes contre l’humanité étaient commis au Xinjiang. M. Neve a insisté sur l’importance d’enquêter sur les crimes contre l’humanité en même temps que sur le génocide :

[N]ous sommes en présence de crimes contre l’humanité de grande ampleur. Même à ce seuil, le Canada et la communauté internationale ont l’obligation d’agir à tous les niveaux. Qu’il s’agisse ou non d’un génocide, le débat se poursuit, mais rien ne devrait nous empêcher de prendre des mesures énergiques, significatives et beaucoup plus vigoureuses que celles que nous avons vues jusqu’à maintenant[146].

Par ailleurs, il serait plus précis de qualifier certains actes de persécution des Ouïghours et autres musulmans turciques perpétrés par le gouvernement chinois de crimes contre l’humanité, commis parallèlement à des actes de génocide. Pour ces raisons, le rapport traite également des crimes contre l’humanité qui ont cours.

Contrairement au crime de génocide, qui est inscrit dans la Convention sur le génocide, le droit international coutumier en matière de crimes contre l’humanité n’a pas été codifié dans un traité distinct. L’article 7 du Statut de Rome traduit toutefois le dernier consensus sur ce que la communauté internationale entend par crimes contre l’humanité[147] :

Aux fins du présent Statut, on entend par crime contre l’humanité l’un quelconque des actes ci‑après lorsqu’il est commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque :
  • Meurtre;
  • Extermination;
  • Réduction en esclavage;
  • Déportation ou transfert forcé de population;
  • Emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique en violation des dispositions fondamentales du droit international;
  • Torture;
  • Viol, esclavage sexuel, prostitution forcée, grossesse forcée, stérilisation forcée ou toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable;
  • Persécution de tout groupe ou de toute collectivité identifiable pour des motifs d’ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste au sens du paragraphe 3, ou en fonction d’autres critères universellement reconnus comme inadmissibles en droit international, en corrélation avec tout acte visé dans le présent paragraphe ou tout crime relevant de la compétence de la Cour;
  • Disparitions forcées de personnes;
  • Crime d’apartheid;
  • Autres actes inhumains de caractère analogue causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé physique ou mentale[148].

Les crimes contre l’humanité représentent donc un vaste ensemble d’actes commis dans le cadre d’un plan ou d’une politique de persécution à grande échelle contre une population civile.

Connaissance de cause et attaque généralisée et systématique

Comme l’a fait remarquer Mme Anderson, le crime de génocide et les crimes contre l’humanité sont « deux concepts juridiques distincts[149] ». Même si certains des actes liés à ces crimes sont les mêmes, Mme Lehr a indiqué qu’une intention spécifique n’est nécessaire dans le cas des crimes contre l’humanité comme c’est le cas pour le génocide. Elle a expliqué que dans le cas de crimes contre l’humanité, l’auteur doit avoir connaissance qu’un ou plusieurs des actes prohibés ont été commis dans le cadre d’« attaques généralisées et concertées contre une population civile[150] ».

Les témoins ont clairement établi le caractère généralisé et systématique des persécutions des Ouïghours et autres musulmans turciques aux mains du gouvernement de la RPC. L’ampleur des différentes formes de persécution ne fait aucun doute : 1.8 millions d’Ouïghours et autres musulmans turciques ont été placés dans des camps de concentration depuis 2017[151], un million de représentants du PCC se sont fait héberger de force dans des foyers ouïghours[152], et il ne faut pas oublier le vaste programme de stérilisation des femmes[153]. La planification nécessaire est la preuve du caractère systématique de ces actes : mise en place d’une surveillance généralisée, construction de camps de concentration et déplacement des gens aux fins de travail forcé. Les témoins ont aussi parlé du caractère systématique des différentes formes de persécution. Par exemple, M. Zenz a soutenu que les mesures de prévention des naissances s’inscrivaient dans une « politique d’État systématique[154] », et Mme Turpie a signalé que « des rapports crédibles et répétés font état d’une répression systématique et généralisée du peuple ouïghour[155] ».

Actes prohibés

Le chapitre 2 du présent rapport dresse une liste détaillée des actes commis par le gouvernement de la RPC qui sont prohibés à l’article 7 du Statut de Rome, entre autres le viol de femmes dans des camps de concentration, la torture de prisonniers, la détention illicite de personnes dans des conditions inhumaines, la stérilisation forcée, les disparitions forcées, la persécution fondée sur l’ethnie, la séparation des familles et le travail forcé. Comme on l’a déjà expliqué, tous ces actes sont commis délibérément dans le cadre d’un plan ciblant les Ouïghours et autres musulmans turciques.

M. Cotler a déclaré qu’il était important de « révéler ces crimes contre l’humanité et les exposer au grand jour » et de « prendre des mesures pour obtenir justice pour les victimes et pour responsabiliser les auteurs des violations des droits de la personne[156] ». Pour sa part, M. Mendes a affirmé que le Canada ne peut pas rester silencieux ou inactif devant « des crimes contre l’humanité de plus en plus graves[157] ». Le Sous-comité est d’accord. En plus d’être convaincu que les gestes posés par le gouvernement de la RPC au Xinjiang constituent un génocide, le Sous-comité est persuadé, à la lumière des témoignages entendus au cours des audiences tenues en 2018 et 2020, que des crimes contre l’humanité ont été perpétrés.

Responsabilité de protéger

Encourageant le Canada à agir en réponse aux actes de génocide et aux crimes contre l’humanité décrits précédemment, certains témoins ont évoqué « la responsabilité de protéger ». M. Cotler a décrit le concept en ces termes :

[S]i, dans un pays, nous sommes témoins de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et, Dieu nous en préserve, de l’impensable qu’est le génocide, et si le gouvernement de ce pays ne veut pas ou ne peut pas agir ou, pire encore, est l’auteur de ces crimes, voire d’un génocide, la communauté internationale a la responsabilité d’intervenir et d’agir pour prévenir, punir et sanctionner ces crimes de guerre, ces crimes contre l’humanité et ce génocide[158].

Des témoins ont souligné le rôle du Canada en tant qu’« architecte » de ce principe[159]. En 2001, la Commission internationale de l’intervention et de la souveraineté des États (CIISE), une commission spéciale créée par le gouvernement du Canada, a produit un rapport sur le sujet, la principale prémisse étant la suivante : lorsque des États ne sont pas aptes ou disposés à « protéger leurs propres citoyens contre les catastrophes qu’il est possible de prévenir – meurtres à grande échelle, viols systématiques, famine…cette responsabilité doit être assumée par l’ensemble de la communauté des États[160] ».

MM. Cotler et Mendes ont aussi signalé qu’en 2005, l’ambassadeur du Canada auprès des Nations Unies a joué un rôle dans l’adoption à l’unanimité de la responsabilité de protéger par l’Assemblée générale des Nations Unies[161]. La résolution adoptée évoque la responsabilité collective et le devoir d’agir des États au moyen d’interventions diplomatiques ou militaires, et ce par l’intermédiaire des Nations Unies[162]. M. Neve a néanmoins encouragé le Sous-comité à mettre l’accent sur des mesures de prévention, comme les sanctions, les interventions multilatérales ou les « mesures de justice et de reddition de comptes[163] ». M. Mendes était d’accord, précisant que l’on pourrait travailler de concert avec d’autres pays pour, entre autres, imposer des sanctions ou encore collaborer avec nos alliés pour déterminer ce qui pourrait pénaliser la Chine pour qu’elle cesse la persécution des Ouïghours et autres musulmans turciques[164].

De nombreux témoins ont réclamé des sanctions. Certains ont mentionné la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus (Loi de Sergueï Magnitski), laquelle, selon eux, pourrait être utilisée pour imposer des sanctions contre les autorités au Xinjiang ou des représentants du gouvernement de la RPC[165]. Selon l’architecte original des sanctions Magnitski, William Browder, directeur de la Global Magnitsky Justice Campaign, ce cadre a pour grand avantage de permettre la prise de sanctions ciblées et donc d’éviter les dommages collatéraux[166]. Autrement dit, les sanctions ciblées touchent les auteurs des violations des droits de la personne sans avoir de répercussions sur la population chinoise en général.

Par conséquent,

Recommandation 15

Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada impose, en vertu de la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus, des sanctions ciblées à l’endroit des représentants ayant commis de graves violations des droits de la personne contre les Ouïghours et autres musulmans turciques au Xinjiang. Le gouvernement du Canada devrait également encourager ses alliés internationaux et d’autres pays aux vues semblables à imposer des sanctions semblables.

Compte tenu des obligations du Canada au titre de la Convention sur le génocide et de son rôle dans l’élaboration de la responsabilité de protéger, le Sous-comité demande au gouvernement canadien de prendre au sérieux ses recommandations. Il s’attend d’ailleurs à ce que le gouvernement fédéral donne suite sans tarder à ses recommandations et lui présente une mise à jour concernant leur mise en œuvre.

Conclusion

Le Sous-comité a entendu des témoignages de personnes crédibles au sujet des moyens extraordinaires utilisés par le gouvernement de la RPC pour persécuter et réprimer les Ouïghours et autres musulmans turciques au Xinjiang. Voici des exemples de mesures employées:

  • surveillance constante de l’État;
  • interdiction de pratiquer sa religion et destruction de symboles religieux;
  • détention illicite dans des camps de concentration ou autres formes graves de privation de la liberté;
  • travail forcé;
  • disparitions forcées;
  • séparation des familles;
  • régulation des naissances et stérilisation forcées.

Compte tenu de l’envergure de la campagne de répression et des relations passées entre le gouvernement de la RPC et les Ouïghours et autres musulmans turciques, le Sous‑comité n’a aucun doute que ces mesures d’oppression, mises ensemble, constituent un génocide. En plus de correspondre de toute évidence à certains des actes énoncés dans la Convention sur le génocide, ces mesures montrent que le gouvernement de la RPC a l’intention d’éliminer les Ouïghours.

Les atrocités commises ont un effet désastreux sur les Ouïghours et autres musulmans turciques. Le gouvernement exerce une surveillance étroite et a impitoyablement recours à la détention illicite, ce qui a un effet paralysant. Les Ouïghours et autres musulmans turciques ne peuvent pas pratiquer leur religion publiquement et ont peur de leurs voisins et amis. Ils vivent dans la crainte constante d’être placés arbitrairement dans un camp de concentration ou d’être forcés de travailler dans une usine à l’extérieur du Xinjiang, loin de leurs familles. À tout cela s’ajoute la peur de se faire enlever leurs enfants et de les voir placés dans des écoles ou orphelinats dirigés par l’État.

Les mesures de régulation des naissances ont l’effet escompté, freinant les taux de naissance des populations ouïghoures et des autres groupes musulmans turciques. Si l’on ajoute les politiques qui encouragent les Chinois Han à s’installer au Xinjiang, il est difficile d’imaginer un avenir pour les Ouïghours et autres musulmans turciques sur leurs terres ancestrales.

Malgré l’attention portée à la situation par la communauté internationale, le gouvernement de la RPC ne montre aucun signe de remords et ne semble pas vouloir ralentir. Il faut agir maintenant, sinon il sera trop tard. Le Sous-comité demande au gouvernement du Canada de jouer un rôle de premier plan en dénonçant le génocide perpétré par le gouvernement de la RPC, en imposant des sanctions et en ralliant la communauté internationale afin de mettre fin à ces atrocités. Il rappelle au gouvernement du Canada que l’un des engagements pris par le Canada lorsqu’il a ratifié la Convention sur le génocide était d’agir afin de prévenir un génocide. Le Sous-comité est fermement convaincu que ses recommandations sont un bon point de départ en vue du respect, par le gouvernement canadien, de ses obligations internationales.


[1]              SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Mehmet Tohti, directeur général, Uyghur Rights Advocacy Project); SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Olsi Jazexhi, professeur d’histoire et journaliste, à titre personnel).

[2]              SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Elise Anderson, agente principale de programme pour la recherche et la défense des droits, Uyghur Human Rights Project).

[3]              SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Tohti).

[4]              SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Jacob Kovalio, professeur agrégé, Université Carleton, à titre personnel); SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Sayragul Sauytbay, activiste de la minorité du Turkestan oriental et récipiendaire du prix International Women of Courage 2020, à titre personnel).

[5]              SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Tohti); SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Anderson).

[6]              Mémoire : Gouvernement en exil du Turkestan oriental.

[7]              Ibid.

[8]              Ibid.

[9]              Ibid.

[11]            Sean R. Roberts, « Colonialism, 1759-2001 », The War on Uyghurs: China’s Internal Campaign against a Muslim Minority, 2020, p. 41. [traduction]

[12]            Mémoire : Soutien international aux Ouïghours.

[13]                  SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Olga Alexeeva, sinologue et professeure d’histoire de la Chine contemporaine, Université du Québec à Montréal, à titre personnel).

[14]            Ibid.; Mémoire : Gouvernement en exil du Turkestan oriental.

[15]            Mémoire : Campagne pour les Ouïghours; et Mémoire : Gouvernement en exil du Turkestan oriental.

[16]            SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Alexeeva).

[17]            Mémoire : Gouvernement en exil du Turkestan oriental; Mémoire : Campagne pour les Ouïghours; SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Guy Saint-Jacques, consultant et ancien ambassadeur du Canada en République populaire de Chine, à titre personnel).

[18]            SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Alexeeva); Mémoire : Campagne pour les Ouïghours.

[19]            SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Alexeeva).

[20]            SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Saint-Jacques).

[21]            Mémoire : Campagne pour les Ouïghours; SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Saint-Jacques).

[22]            Mémoire : Campagne pour les Ouïghours.

[23]            SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Saint-Jacques).

[24]            Ibid.

[25]            Ibid; SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Alexeeva).

[26]            SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Alexeeva).

[27]            SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Omerbek Ali, activiste des droits des Ouïgours, à titre personnel); SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Saint-Jacques); SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Kovalio).

[28]            Ibid.

[29]            SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Alexeeva).

[30]            Mémoire : Soutien international aux Ouïghours.

[31]            Ibid.

[32]            Service canadien du renseignement de sécurité, Repenser la sécurité : La Chine à l’ère de la rivalité stratégique, mai 2018, p. 63.

[33]            SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Jazexhi).

[34]            SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Alexeeva).

[35]            SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Raziya Mahmut, vice‑présidente, International Support for Uyghurs).

[36]            SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Kovalio).

[37]            Mémoire : Soutien international aux Ouïghours.

[38]            SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Amy Lehr, directrice, Initiative en faveur des droits humains, Center for Strategic and International Studies).

[39]            SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Tohti); SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Alexeeva); Anna Hayes, « Interwoven ‘Destinies’: The Significance of Xinjiang to the China Dream, the Belt and Road Initiative, and the Xi Jinping Legacy », Journal of Contemporary China, vol. 29, no 121, 2020, p. 31.

[40]            SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Alexeeva).

[41]            SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Tohti).

[42]            Comité des Nations Unies pour l'élimination de la discrimination raciale, Observations finales concernant les rapports de la Chine (y compris Hong Kong (Chine) et Macao (Chine)) valant quatorzième à dix-septième rapports périodiques, doc. de l'ONU CERD/C/CHN/CO/14-17, 19 septembre 2018, p.8.

[44]            SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Adrian Zenz, agrégé supérieur de recherches en études chinoises, Victims of Communism Memorial Foundation); SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Mahmut); SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Kovalio); SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Alex Neve, secrétaire général, Amnistie internationale Canada); SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (l’honorable Irwin Cotler, président fondateur, Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne).

[45]            SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Zenz); SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Azeezah Kanji, professeur de droit et journaliste, à titre personnel); SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Lehr).

[46]            SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Jazexhi).

[47]            Ibid.

[48]            SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Ali); SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Lehr).

[49]            SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (l’honorable David Kilgour, à titre personnel); SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Mahmut); SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Tohti); SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Irene Turpie, Canadians in Support of Refugees in Dire Need); SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Ali).

[50]            SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Sauytbay); SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Ali); SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Gulbahar Jelilova, activiste des droits des Ouïghours, à titre personnel).

[51]            SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Sauytbay).

[52]            Ibid.

[53]            Ibid.

[54]            SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Jelilova).

[55]            Ibid.

[56]            Ibid.

[57]            Ibid.

[58]            SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Kanji).

[59]            SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020, (Mahmut); SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Zenz); SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Turpie); SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Ali); SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Lehr); SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Zenz).

[60]            SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Kanji); SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Rayhan Asat, président, American Turkic International Lawyers Association).

[61]            SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Asat).

[62]            SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Lehr).

[63]            Ibid.

[64]            SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Anderson).

[65]            Ibid.

[66]            SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Lehr).

[67]            SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Asat).

[68]            Ibid.

[69]            SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Mahmut); SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Jewher Ilham, auteure et militante pour les droits humains, à titre personnel); SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Jelilova).

[70]            SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Tohti); SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Errol P. Mendes, professeur de droit et président de la Commission internationale des juristes Canada).

[71]            SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Lehr).

[72]            SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Mendes).

[73]            SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Lehr).

[74]            SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Mahmut).

[75]            SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Asat).

[76]            SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Kanji).

[77]            SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Zenz); SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Mahmut); SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Kanji).

[78]            SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Sauytbay).

[79]            SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Lehr).

[80]            SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Asat).

[81]            SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Kanji).

[83]            Mémoire : Joanne Smith Finley.

[85]            SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Turpie).

[86]            Ibid.

[87]            SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Zenz).

[88]            Ibid.; SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Lehr); SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Anderson).

[89]            SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Lehr).

[90]            SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Alexeeva).

[91]            Ibid.

[92]            Mémoire : Joanne Smith Finley.

[94]            SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Kanji).

[95]            SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Mahmut).

[96]            Ibid.; SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Jelilova); SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Ali).

[97]            SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Ilham).

[98]            SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Ali).

[99]            Ibid.

[100]          SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Kamila Talendibaevai, militante des droits des Ouïghours, à titre personnel).

[101]          SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Chris MacLeod, avocat et partenaire fondateur, Cambridge LLP, à titre personnel); SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Neve).

[102]          SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (MacLeod).

[103]          SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Zenz); SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Turpie); SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Jelilova).

[104]          SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Zenz).

[105]          Ibid.

[106]          Ibid.

[107]          Ibid.

[108]          Ibid.

[109]          Ibid.

[110]          Ibid.

[111]          Adoption de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, UN Doc. A/RES/260(III), décembre 1948.

[112]          Assemblée générale des Nations Unies, Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, 9 décembre 1948, Nations Unies [Convention sur le génocide], 9 décembre 1948, Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 78, p. 277, art. II.

[113]          SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Kanji).

[114]          Statut de Rome de la Cour pénale internationale [Statut de Rome], (2002) 2187 UNTS 90, Art. 6. La Chine n’est pas partie au Statut de Rome.

[117]          Le procureur c. Akayesu (affaire no ICTR-96-4-T), jugement du Tribunal international pénal pour le Rwanda, 2 septembre 1998, paragr. 512.

[118]          Ibid., 513.

[119]          Bureau de l'information du Conseil des affaires de la République Populaire de Chine, National Minorities Policy and Its Practice in China, Mission permanente de la République populaire de Chine auprès de l’Office des Nations Unies à Genève et des autres organisations internationales en Suisse, septembre 1999. [traduction]

[120]          Le procureur c. Akayesu, paragr. 523.

[121]          SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Asat).

[122]          SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Kanji).

[123]          Ibid.

[124]          Ibid.

[125]          Ibid.

[126]          Ibid.

[127]          SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Lehr).

[128]          SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Zenz).

[129]          Ibid.; SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Tohti); SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Asat); SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Cotler); Mémoire : Campaign for Ouïghours, 31 juillet 2020, p. 8; Mémoire : Uyghur Rights Project, juillet 2020; Mémoire :Soutien international aux Ouïghours, juillet 2020; Mémoire :East Turkistan Government in Exile, août 2020; Mémoire :Jurat Hamid, 11 août 2020.

[130]          SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Cotler).

[131]          Ibid.; Le Canada a reconnu que les crimes commis à l’endroit des Rohingyas constituaient un génocide en adoptant une motion à la Chambre des communes en septembre 2018. Chambre des communes, Journaux, 20 septembre 2018.

[132]          SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Cotler).

[133]          SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Kanji).

[134]          SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Asat); SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Tohti).

[135]          Ministère des Affaires étrangères de la République populaire de Chine, Foreign Ministry Spokesperson Zhao Lijian's Regular Press Conference on October 22, 2020 [traduction].

[136]          SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Mendes).

[137]          Convention sur le génocide, p. 281, art. I.

[138]          Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et Monténégro) [2007] CIJ 2, paragr. 431. [Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide]]

[139]          SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Kanji).

[140]          Ibid.

[141]          Ibid. Le cadre auquel Mme Kanji fait référence contient des outils analytiques servant à évaluer le risque d’atrocités criminelles, y compris une liste de 14 facteurs. Parmi ceux-ci, elle a mentionné des antécédents de violations graves du droit international des droits de la personne et du droit humanitaire; des motivations ou incitations; la capacité de commettre des atrocités; des circonstances propices ou actions préparatoires ainsi que des tensions entre groupes ou pratiques discriminatoires à l’encontre de groupes protégés. Nations Unies, Cadre d'analyse des atrocités criminelles : Outil de prévention, 2014.

[143]          Convention sur le génocide, p. 283, art. VIII.

[145]          SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Kanji).

[146]          SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Neve).

[147]          Le paragraphe 6(4) de la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre du Canada (L.C. 2000, ch. 24) précise ce qui suit : « ll est entendu que, pour l’application du présent article, les crimes visés aux articles 6 [génocide] et 7 [crimes contre l’humanité] et au paragraphe 2 de l’article 8 [crimes de guerre] du Statut de Rome sont, au 17 juillet 1998, des crimes selon le droit international coutumier, et qu’ils peuvent l’être avant cette date, sans que soit limitée ou entravée de quelque manière que ce soit l’application des règles de droit international existantes ou en formation. »

[148]          Statut de Rome, art. 7.

[149]          SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Anderson).

[150]          SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Lehr).

[151]          SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Zenz).

[152]          SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Turpie).

[153]          SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Zenz).

[154]          Ibid.

[155]          SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Turpie).

[156]          SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Cotler).

[157]          SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Mendes).

[158]          SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Cotler).

[159]          SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Mendes).

[160]          Commission internationale de l’intervention et de la souveraineté des États, La responsabilité de protéger, décembre 2001, p. VIII.

[161]          SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Mendes); SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020 (Cotler).

[162]          Assemblée générale des Nations Unies, Résolution adoptée par l’Assemblée générale le 16 septembre 2005: Document final du Sommet mondial de 2005, UN Doc. A/RES/60/1, 24 octobre 2005.

[163]          SDIR, Témoignages, 20 juillet 2020, 1345 (Neve).

[164]          SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (Mendes).

[165]          La Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus (loi de Sergueï Magnitski) du Canada prévoit l’imposition de sanctions, comme le gel d’actifs et l’interdiction de mener des opérations, à l’endroit d’étrangers qui, de l’avis du gouverneur en conseil, sont responsables ou complices de graves violations des droits de la personne ou de corruption grave. Les personnes visées, sauf si elles sont résidentes permanentes du Canada, sont également rendues interdites de territoires en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

[166]          SDIR, Témoignages, 21 juillet 2020 (William Browder, directeur, Global Magnitsky Justice Campaign).