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SECU Rapport du Comité

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Le racisme systémique au sein des services policiers au Canada

1.        Introduction

1.1      Mandat du Comité

Le 23 juin 2020, pendant la 1re session de la 43e législature, le Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes (le Comité) a adopté la motion suivante :

Que, conformément à l’article 108(2) du Règlement, le Comité entreprenne une étude du racisme systémique au sein des services policiers du Canada; et que le Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile ainsi que la Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada [GRC] soient invités à témoigner le mardi 23 juin 2020[1].

Avant la prorogation du Parlement le 18 août 2020, le Comité a tenu six réunions pendant la 1re session de la 43e législature. Puis, le 8 octobre 2020, après l’ouverture de la 2e session de la 43e législature, le Comité a adopté la motion suivante :

Que, conformément à l’article 108(2) du Règlement, le Comité entreprenne une étude du racisme systémique au sein des services policiers au Canada et particulièrement dans la GRC, et que les témoignages et les documents recueillis par le Comité durant la première session de la 43e législature au sujet de l’étude soient pris en considération par le Comité durant la session en cours; que le Comité fasse rapport de ses conclusions à la Chambre; et que, conformément à l’article 109 du Règlement, le Comité demande une réponse globale du Gouvernement[2].

Le 2 décembre 2020, l’hon. Michel Bastarache a témoigné devant le Comité pour répondre à des questions sur le rapport intitulé « Rêves brisés, vies brisées : Les effets dévastateurs du harcèlement sexuel sur les femmes au sein de la GRC[3] », qu’il a rédigé et qui constitue le rapport final sur la mise en œuvre de l’accord de règlement du recours collectif Merlo Davidson. Le 7 décembre 2020, le Comité a adopté la motion suivante :

Que les passages pertinents du rapport final sur la mise en œuvre de l’accord de règlement de Merlo Davidson et du témoignage de l’honorable Michel Bastarache du 2 décembre 2020 soient pris en considération pour le rapport du Comité sur le racisme systémique au sein des services policiers au Canada[4].

Pendant deux sessions de la même législature, soit de juin 2020 à mai 2021, le Comité a tenu 19 réunions dans le cadre de son étude, entendu 53 témoins et reçu 21 mémoires. Le Comité est reconnaissant envers ceux qui ont accepté de mettre à profit leur expertise en témoignant ou en présentant des mémoires sur ce sujet primordial.

Le Comité reconnaît que l’élimination du racisme et de la discrimination systémiques à l’égard des peuples autochtones par la police et le système judiciaire soit considérée comme une condition préalable essentielle et fondamentale de la réconciliation avec les peuples autochtones, en conformité avec la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

Le Comité espère que, grâce à l’adoption des recommandations contenues dans ce rapport et d’autres mesures, selon ce qui sera nécessaire pour atteindre les objectifs, le racisme systémique dans les services policiers et notre système de justice sera éliminé et que l’on sévisse contre les manifestations individuelles de racisme ainsi que les comportements racistes.

Le présent rapport porte sur l’examen du Comité sur le racisme systémique dans les services policiers au Canada. Il se divise en trois sections :

  • 1) introduction et contexte de l’étude;
  • 2) problèmes de racisme systémique dans les services policiers au Canada soulevés par les témoins et recommandations connexes;
  • 3) conclusion.

1.2      Contexte

Les services policiers jouent un rôle de premier plan dans la société canadienne, car ils sont chargés d’appliquer la loi, de protéger la collectivité et de maintenir la paix. Les policiers offrent des services de plus en plus diversifiés au Canada, agissant notamment à titre de responsables de l’application de la loi, de premiers répondants en cas de crise et de partenaires en prévention du crime dans les collectivités qu’ils servent. Des préoccupations sur le racisme systémique dans les services policiers canadiens et les appels à résoudre ce problème ont été soulevés tant par des collectivités canadiennes que par des services policiers. Le Comité a entendu des témoignages portant sur divers problèmes liés au racisme systémique dans les services policiers canadiens ainsi que des suggestions sur les moyens de les aborder et de les surmonter.

1.3      Définir et comprendre le racisme systémique

Le racisme systémique est un concept à la fois social et juridique qui évoque un type de racisme particulier présent dans les systèmes sociaux et reproduit par ceux-ci. Dans son témoignage, Alain Babineau, consultant en matière d’application de la loi, défenseur de la justice social et ancien membre de la GRC, a donné une explication très utile du racisme systémique, en citant le sénateur Murray Sinclair :

Le racisme systémique se produit lorsque le système lui-même est basé et fondé sur des croyances, des philosophies et des pensées racistes et qu’il a mis en place des politiques et des pratiques qui forcent littéralement même les personnes non racistes à agir de manière raciste[5].

En effet, le Comité a été informé que même si de nombreux policiers servent leurs collectivités honorablement et avec professionnalisme et diligence, le racisme systémique est néanmoins présent dans les services policiers au Canada. Akwasi Owusu-Bempah, professeur adjoint au Département de sociologie de l’Université de Toronto, affirme que le racisme structurel et le racisme institutionnel sont des aspects du racisme systémique. Il a expliqué que le racisme structurel « décrit un système où les politiques, les pratiques institutionnelles, les représentations culturelles et d’autres normes fonctionnent de façons diverses qui, parfois, se renforcent mutuellement afin de perpétuer des inégalités raciales[6] ». En d’autres mots, cette forme de racisme est intégrée à la culture et est reproduite dans nos systèmes sociaux, économiques et politiques[7]. En revanche, M. Owusu-Bempah estime que le racisme institutionnel renvoie à « des politiques et des pratiques institutionnelles qui, volontairement ou non, produisent des résultats qui favorisent ou défavorisent systématiquement certains groupes par rapport à d’autres[8] ».

Des témoins ont également rapporté que le racisme systémique ne se limite pas aux services policiers, et est effectivement présent dans de nombreux aspects de la société canadienne. Ghislain Picard, chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador, a affirmé que le racisme systémique a une incidence sur la relation entre les peuples autochtones et l’appareil judiciaire canadien; selon lui, la discrimination systémique découle du passé colonial du Canada[9], une opinion partagée par beaucoup d’autres témoins qui ont décrit le rôle des services de police dans l’application du régime des pensionnats indiens, la prise en charge d’enfants pendant la rafle des années 1960, le massacre des chiens de traîneau des Inuits et d’autres cas de colonialisme. Comme l’a expliqué au Comité le vice-chef Terry Teegee, chef régional de l’Assemblée des Premières Nations de la Colombie-Britannique, en dakelh, la langue des Porteurs, le vocable « nilhchuk-un » est utilisé pour désigner la GRC. Interprété dans notre langue, ce terme signifie « ceux qui nous emmènent[10] ».

Myrna Lashley, professeure adjointe au Département de psychiatrie de l’Université McGill, a soutenu que le racisme systémique avait des racines historiques profondes ancrées dans le colonialisme. Elle a donné l’explication suivante :

Ce genre de racisme et de discrimination repose sur le principe de la suprématie blanche, qui se manifeste dans les pratiques et les politiques qui accordent des privilèges non mérités aux blancs en fonction de leur pigmentation, tout en refusant automatiquement ces mêmes privilèges aux Noirs, aux Autochtones et aux personnes de couleur[11].

Certains témoins ont fait valoir que le racisme systémique est une question de droit constitutionnel et de droits de la personne[12]. D’un point de vue juridique, lorsque les services policiers canadiens appliquent la loi ou offrent des services au public, ils sont assujettis au droit constitutionnel et aux droits de la personne. L’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés précise que « [l]a loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination[13] », y compris la discrimination fondée sur la race. De même, les lois provinciales en matière de droits de la personne et la Loi canadienne sur les droits de la personne interdisent la discrimination fondée sur la race lors de la prestation de services. Par conséquent, lorsque des services policiers canadiens appliquent la loi et offrent des services au public, les lois en matière de droits de la personne et la Constitution les obligent à offrir des services exempts de discrimination fondée sur la race[14].

Pour comprendre les répercussions du racisme systémique, il faut reconnaître son incidence inégale sur les divers groupes de personnes et la façon dont le racisme s’ajoute à d’autres formes de discrimination. Par exemple, plusieurs témoins ont souligné les répercussions uniques du racisme systémique sur les femmes autochtones, qui ne sont pas les mêmes que celles qui touchent les hommes autochtones, en partie parce que les femmes sont aussi victimes de sexisme.

De nombreux témoins ont affirmé qu’un effort concerté de la part de tous les Canadiens était nécessaire pour éliminer le racisme systémique. D’ailleurs, Fabrice Vil a décrit le racisme systémique comme une « crise multifactorielle », en ajoutant que « nous [en] sommes tous et toutes responsables[15] ». Des témoins aussi ont dit que les services policiers doivent collaborer avec les collectivités qu’ils servent pour mettre fin au racisme systémique. Bryan Larkin, chef de police du Service de police régionale de Waterloo, a affirmé que « la lutte contre le racisme exige une réponse concertée de toute la société, y compris vos services de police[16] ».

2.        Problèmes et recommandations

2.1      La responsabilisation, la surveillance et la transparence de la Gendarmerie royale du Canada

L’importance d’assurer la responsabilisation, la surveillance efficace et la transparence des services de police canadiens en adoptant des mesures pour éliminer le racisme systémique a été un thème récurrent des témoignages entendus par le Comité. On a fait valoir au Comité que les services de police doivent rendre des comptes à tous les membres des collectivités qu’ils servent[17].

Des témoins ont évoqué des préoccupations sur les ressources, les pouvoirs et la structure de la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la Gendarmerie royale du Canada (CCETP). Des témoins ont souligné le manque de responsabilisation interne au sein de la GRC en matière de racisme systémique, de discrimination et d’inconduite policière, tant en ce qui concerne les services offerts au public que les relations entre membres de la GRC.

2.1.1   La réforme de la surveillance civile de la Gendarmerie royale du Canada

La CCETP est un organisme indépendant de surveillance civile des plaintes créé par le Parlement. Elle reçoit les plaintes déposées par le public au sujet de la conduite de membres de la GRC et assure la surveillance des enquêtes menées par la GRC sur ces plaintes. La CCETP peut aussi mener des examens systémiques et des enquêtes d’intérêt public sur la conduite de la GRC. Lors de son témoignage devant le Comité, la présidente de la CCETP, Michelaine Lahaie, a souligné les nombreux défis auxquels son organisation est confrontée dans l’exécution de son mandat.

Dans son témoignage et dans son mémoire, Mme Lahaie a déploré le fait que la commissaire de la GRC n’est pas tenue de fournir une réponse aux rapports de la CCETP dans un délai prévu par la loi. Lorsque la CCETP rédige un rapport à la suite d’une plainte ou d’une audience, un rapport intermédiaire contenant ses conclusions et recommandations est envoyé à la commissaire de la GRC. La commissaire de la GRC est ensuite tenue légalement de fournir à la présidente de la CCETP et au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile une réponse écrite qui fait état de toute mesure additionnelle qui a été ou qui sera prise relativement à la plainte. Si la commissaire choisit de s’écarter des conclusions ou des recommandations énoncées dans le rapport, elle doit motiver sa décision dans sa réponse[18]. Mme Lahaie s’est dite très préoccupée par l’absence de délais prévus par la loi quant aux réponses de la commissaire de la GRC aux rapports de la CCETP. Elle a ajouté que les réponses à un rapport intermédiaire prennent en moyenne 17 mois, et que la CCETP attend une réponse à l’un de ses rapports depuis plus de trois ans[19]. Elle a précisé que le fait de codifier dans la loi le calendrier établi dans le protocole d’entente entre la CCETP et la commissaire de la GRC favoriserait une responsabilisation accrue[20].

La deuxième préoccupation soulevée par Mme Lahaie concerne le manque de responsabilisation de la GRC lors de la mise en œuvre des recommandations formulées par la CCETP. Elle a proposé que le Comité impose à la commissaire de la GRC la production d’un rapport annuel sur l’état d’avancement des recommandations[21]. Selon elle, un tel mécanisme améliorerait la transparence de la réponse de la GRC au processus d’examen ainsi que sa responsabilisation.

D’autres témoins ont affirmé que la CCETP ne semble pas détenir le pouvoir d’apporter des changements. Julian Falconer, un avocat, a dit que la CCETP peut seulement formuler des recommandations et n’a pas le pouvoir d’imposer des sanctions ou d’exiger des changements au sein de la GRC, et ne peut donc pas assurer une surveillance efficace[22]. Kent Roach, professeur à la Faculté de droit de l’Université de Toronto, a affirmé que la CCETP est « sous-financé[e] et manque de moyens[23] » et que la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, qui régit la CCETP et la GRC, « a besoin d’être repensée en profondeur[24] » si l’on souhaite améliorer le système actuel. Pour sa part, le vice-chef Terry Teegee, chef régional de l’Assemblée des Premières Nations de la Colombie-Britannique, a proposé de réformer la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada afin d’accorder plus de pouvoir à la CCETP[25]. Allen Benson, directeur général de Native Counselling Services of Alberta, a suggéré d’établir des conséquences claires en cas d’inconduite policière, y compris le recours à une force excessive, le racisme et l’abus de pouvoir et a suggéré que la CCETP doit avoir les pouvoirs nécessaires pour imposer des sanctions ou des conséquences[26].

Une autre préoccupation soulevée par de nombreux témoins est le sous-financement et le manque de ressources de la CCETP pour s’acquitter de son important mandat[27]. Dans son mémoire présenté au Comité, la CCETP se dit préoccupée par le fait que le nombre de plaintes de citoyens concernant la conduite de la GRC a augmenté au cours des dernières années et qu’elle a dû y consacrer davantage de ressources[28]. Le financement accordé à la CCETP est nettement insuffisant, et son manque de ressources l’empêche de mener des examens sur des problèmes systémiques ou des enquêtes d’intérêt public. Le Comité a été informé que la CCETP doit être dotée des ressources nécessaires pour entreprendre cet important travail[29].

Des témoins ont aussi signifié au Comité que le système de plainte de la CCETP est extrêmement complexe et très peu convivial, et donc inaccessible pour certaines personnes qui auraient pu vouloir déposer une plainte[30]. Ces préoccupations ont été reprises par Mme Lahaie, qui a précisé que la CCETP avait demandé à des Autochtones de diverses collectivités pourquoi ils n’utilisaient pas le système de plainte. La CCETP avait alors appris que beaucoup d’entre eux ignoraient l’existence du système ou ne lui faisaient pas confiance. Elle estimait que le système peut être « excessivement bureaucratique et enchevêtré[31] ». En effet, des préoccupations sur le manque de confiance envers les mécanismes de plainte contre la police ont aussi été soulevées par Jocelyn Formsma, directrice exécutive de l’Association nationale des centres d’amitié, qui a mentionné que ces structures sont « en grande partie inaccessibles[32] ». Elle a ajouté ceci :

Les personnes qui subissent, par exemple, de la violence policière ou étatique sont des personnes très vulnérables, et elles ont souvent été très déshumanisées. Il existe de nombreux facteurs de confiance qui déterminent si ces personnes auront la conviction que le recours qu’elles entreprennent aura le résultat escompté[33].

Mme Lahaie a expliqué que la CCETP avait pris des mesures pour rendre le processus de plainte plus accessible au public, notamment en offrant les formulaires de plainte traduits en plusieurs langues, y compris en inuktitut[34], en simplifiant le formulaire et en s’assurant que des employés sont disponibles pour répondre aux appels téléphoniques des plaignants et les aider tout au long du processus[35]. Toutefois, elle a reconnu que « la Commission doit encore en faire davantage pour assurer une plus grande accessibilité, confiance et transparence dans le processus de traitement des plaintes[36] ». Elle a d’ailleurs mentionné que la tenue de consultations avec les collectivités autochtones et racialisées afin de « cerner les obstacles systémiques[37] » constituait une importante prochaine étape.

Des témoins ont signalé au Comité que les organismes indépendants d’examen des plaintes et de surveillance doivent refléter la diversité des collectivités qu’ils servent. En effet, des témoins ont affirmé qu’il est crucial que les structures de surveillance et d’examen des plaintes comptent des membres des collectivités autochtones et racialisées parmi leurs décideurs et leurs enquêteurs[38]. Des témoins ont aussi proposé de nommer des membres des collectivités autochtones et du Nord à la CCETP[39]. Le Comité a été informé que la CCETP avait actuellement un comité interne sur la diversité et l’équité et que son effectif était assez diversifié, mais n’avait pas une représentation autochtone suffisante[40]. Mme Lahaie a affirmé que la nomination de membres autochtones et racialisés serait bénéfique pour la CCETP[41].

2.1.2   La discipline et la responsabilisation interne au sein de la Gendarmerie royale du Canada

Plusieurs témoins ont affirmé au Comité que la responsabilisation interne et la discipline au sein de la GRC et des autres services de police étaient primordiales pour maintenir la confiance du public envers les services policiers. La responsabilisation est essentielle tant pour les services offerts au public par les membres de la GRC que pour les interactions entre les membres.

En ce qui concerne la prestation de service au public, les membres de la GRC ont des responsabilités juridiquement contraignantes à titre de membres du service de police et doivent respecter un code de déontologie[42]. Lorsque des membres de la GRC font preuve d’inconduite, ils peuvent être assujettis à un processus disciplinaire, comme le prévoient les mécanismes de responsabilisation internes du service de police. Viviane Michel, présidente de Femmes autochtone du Québec inc., a affirmé que la responsabilisation par l’application de mesures disciplinaires pourrait contribuer à prévenir le racisme systémique et l’inconduite, comme la brutalité policière et le profilage racial[43]. Cependant, des préoccupations ont été soulevées quant à la transparence du processus disciplinaire de la GRC. Christian Leuprecht, professeur au Département de sciences politiques du Collège militaire royal du Canada, a recommandé d’exiger que la GRC rende publiques toutes ses décisions disciplinaires[44]. Comme l’a avancé Kanika Samuels-Wortley, professeure adjointe à l’Université Carleton, il faut que le processus disciplinaire visant les policiers fautifs soit transparent si l’on veut que les membres de la collectivité sachent que l’on tient compte de leurs préoccupations à ce sujet[45].

Le Comité a entendu des témoignages sur l’utilisation de caméras corporelles comme outil permettant d’améliorer la responsabilisation des policiers. Certains témoins ont appuyé l’utilisation de cette technologie pour assurer une transparence dans les interactions des policiers avec le public. Par exemple, le vice-chef Teegee a recommandé d’augmenter l’utilisation des caméras corporelles dans les collectivités des Premières Nations, de même que l’accès aux enregistrements vidéo[46]. Les témoins Kanika Samuels-Wortley, Robyn Maynard et Fabrice Vil se sont dits préoccupés que les résultats des recherches qui appuient l’utilisation de ces caméras sont tout au plus mitigés, alors que certaines appuient leur utilisation, et d’autres non[47].

En ce qui concerne la responsabilisation à l’égard du racisme systémique et de la discrimination entre les agents de la GRC, de nombreux témoins ont affirmé que la responsabilisation interne est insuffisante. Dans un mémoire présenté au Comité, M. Leuprecht explique qu’il y a un manque de responsabilisation chez les dirigeants. Il souligne que la commissaire de la GRC a le choix de demander ou non l’avis du conseil consultatif civil, chargé de donner des conseils éclairés sur la gestion et l’administration de la GRC, mais qu’elle n’est pas tenu de suivre ces conseils[48]. Il ajoute qu’il n’y a « aucune transparence[49] » dans ce processus. De plus, il affirme qu’il faut responsabiliser les cadres intermédiaires de la GRC qui sont informés de cas de harcèlement et de discrimination et qui ne prennent pas les mesures nécessaires pour que les employés qui relèvent d’eux soient tenus responsables de leurs gestes[50].

Alain Babineau, a soutenu que les mécanismes internes visant à éliminer la discrimination et le racisme systémiques ont été « totalement inefficaces[51] », y compris les processus de plaintes pour harcèlement et de griefs. M. Babineau et l’hon. Michel Bastarache ont tous les deux laissé entendre que la GRC ne semble pas capable d’éliminer la discrimination systémique au sein de son organisation[52], ce qui laisse croire que des changements doivent être imposés et supervisés par une entité externe.

Par conséquent, le Comité recommande ce qui suit :

Recommandation 1

Que le gouvernement du Canada précise et renforce le mandat, l’indépendance et l’efficacité de la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la Gendarmerie royale du Canada (CCETP) en prenant les mesures suivantes :

  • augmenter le financement annuel afin de garantir des ressources adéquates, tant pour l’examen des plaintes et que pour les examens systémiques;
  • modifier la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada afin de :
    • permettre à la CCETP, lorsqu’elle mène une enquête sur la Gendarmerie royale du Canada (GRC) qui laisse croire qu’une conduite criminelle est en cause, de transmettre le dossier à l’instance appropriée chargée de mener des enquêtes criminelles sur la conduite des policiers ou de recommander aux autorités pertinentes de porter des accusations;
    • présenter un projet de loi prescrivant un délai de réponse pour le commissaire de la GRC aux rapports de la CCETP en codifiant le calendrier prévu à l’annexe A du Protocole d’entente entre la CCETP et la GRC;
    • exiger que le commissaire de la GRC présente chaque année un rapport au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile décrivant les mesures prises pour mettre en œuvre les recommandations de la CCETP, et exiger que ce rapport soit déposé au Parlement;
    • exiger que la CCETP publie ses conclusions et ses recommandations, ou un résumé de celles-ci, concernant toutes les plaintes, d’une manière qui protègerait l’identité du plaignant.

Recommandation 2

Que le gouvernement du Canada rende le processus d’examen de la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la Gendarmerie royale du Canada plus accessible et transparent en prenant les mesures suivantes :

  • réformer le processus de plainte à la CCETP pour le rendre plus convivial;
  • s’assurer que le processus d’examen indépendant soit expliqué en détail et mis à la disposition du public, y compris la date à laquelle la CCETP a terminé son rapport périodique et les dates auxquelles la GRC a commencé et terminé l’examen du rapport;
  • rendre la progression d’examen et les rapports connexes transparents et accessibles à tous, à quelques exceptions près; et
  • préciser ouvertement les conditions de toutes les exceptions à la transparence et à l’accessibilité.

Recommandation 3

Que le gouvernement du Canada fasse en sorte que le processus d’examen de la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la Gendarmerie royale du Canada favorise la participation significative et engagée des Autochtones et que la GRC soit tenue responsable de comportements fautifs, négligents, imprudents ou discriminatoires à l’égard d’Autochtones en obligeant la CCETP à :

  • consulter des groupes autochtones locaux, en cas de plainte ou d’examen systémique concernant des Autochtones;
  • intégrer des enquêteurs et des décideurs autochtones au sein de son organisation; et
  • s’assurer que des enquêteurs autochtones sont impliqués lorsqu’une plainte concerne un Autochtone.

Recommandation 4

Que le gouvernement du Canada nomme des Autochtones, des Noirs, des personnes racialisées et des habitants du Nord à la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la Gendarmerie royale du Canada, ainsi que dans des enquêtes et des postes de cadre supérieur au sein de l’organisation.

Recommandation5

Que le gouvernement du Canada exige que la Gendarmerie royale du Canada mette en œuvre une formation continue et des politiques disciplinaires efficaces à l’égard de ses agents afin de prévenir le recours excessif à la force, le racisme systémique et le profilage racial, et exige que la GRC rende publiques toutes ses décisions disciplinaires.

Recommandation 6

Que le gouvernement du Canada, en collaboration avec la Gendarmerie royale du Canada, impose aux gestionnaires de tous les niveaux l’obligation de signaler les plaintes de harcèlement interne et d’y donner suite, en prévoyant des conséquences pertinentes et clairement définies en cas d’omission, et qu’il offre les mesures de soutien nécessaire, y compris un soutien en santé mentale, aux agents qui déposent une plainte.

Recommandation 7

Que la Gendarmerie royale du Canada présente au Parlement chaque année pendant trois ans un rapport sur les progrès relatifs à la mise en œuvre des recommandations contenues dans le présent rapport.

2.2      La structure et la gouvernance de la Gendarmerie royale du Canada et des autres services de police

2.2.1   La modernisation structurelle et culturelle des services de police canadiens

Plusieurs témoins se disent convaincus que pour s’attaquer au racisme systémique dans les services policiers canadiens, il fallait impérativement revoir leur structure et leur gouvernance. À ce sujet, des chefs de police ont décrit au Comité les réformes structurelles et systémiques actuellement en cours dans leurs services de police. Ils ont également décrit les principes qui motivent leurs tentatives pour lutter contre le racisme systémique par l’entremise de réformes internes. Par exemple, Nishan Duraiappah, chef de la Police régionale de Peel, a affirmé ceci :

Avec un groupe de volontaires, j’apporte des changements audacieux et véritables. Nous comprenons qu’il nous faut faire preuve d’un véritable désir de mettre en œuvre des changements qui permettront d’éliminer le racisme systémique, sans crainte de l’échec. C’est pour cela qu’à la police régionale de Peel, je me suis engagé à passer d’un modèle traditionnel d’application de la loi à un modèle axé sur les droits de la personne qui tienne compte du bien‑être public.
J’adopte et je mets en œuvre un ensemble de principes en vertu d’un cadre de changements systémiques. J’ai entrepris un examen des systèmes de toutes nos directives et politiques afin de favoriser la diversité, l’équité et l’inclusion. Je suis en train de favoriser chez mes policiers un leadership, formel et informel, afin qu’ils soient prêts à lutter contre le racisme sous ses diverses formes, de façon critique et courageuse, peu importe les situations dans lesquelles ils se heurteront à ce problème[53].

De plus, Dale McFee, chef du Service de police d’Edmonton, a expliqué qu’à mesure que les services de police s’efforcent de lutter contre le racisme systémique, leurs structures opérationnelles et organisationnelles doivent être abordées sous un nouvel angle. Il a ajouté que des partenariats avec les membres de la collectivité, les fournisseurs de services et le milieu universitaire étaient essentiels pour s’assurer que les changements apportés aux politiques et aux procédures s’appuient sur des données probantes[54].

Cependant, le chef Duraiappah a reconnu que ce ne sont pas tous les services de police qui s’engagent dans les efforts de réformes[55]. Des témoins, y compris Kent Roach, Christian Leuprecht et Julian Falconer, ont informé le Comité que certains services policiers, y compris la GRC, sont de nature paramilitaire[56] et qu’une surveillance civile pourrait être nécessaire pour mettre en œuvre les réformes requises[57]. En effet, Christian Leuprecht a affirmé ceci :

[L]es dirigeants seuls ne peuvent pas régler le problème. Les recherches en sociologie politique menées pendant plus de 40 ans montrent que les bureaucraties se reproduisent. En même temps, elles reproduisent aussi leur culture institutionnelle et leurs problèmes[58].

2.2.2   La structure et la gouvernance de la Gendarmerie royale du Canada : recours à des civils et professionnalisation

Le Comité a appris que le modèle de direction et de gestion de la GRC n’a pas changé depuis des décennies[59]. Plusieurs témoins ont soutenu que la GRC doit être réformée pour inclure une influence et une gouvernance provenant de civils[60]. Par exemple, M. Leuprecht a expliqué que les postes de la haute direction et de gestionnaires de la GRC devraient être confiés à des civils, et que les policiers devraient diriger les opérations sans être aux commandes de l’ensemble de l’organisation[61]. Il a ajouté que les domaines comme les politiques, les communications, les ressources humaines et les finances sont des domaines spécialisés dans lesquels les policiers n’ont aucun avantage comparatif par rapport aux civils[62], et que le recours aux civils a l’avantage accessoire de rendre les organisations policières plus diversifiées et plus représentatives des collectivités qu’elles servent, car les membres de collectivités racialisées ou autochtones sont réticentes à rejoindre les rangs des services policiers en tant que membres assermentés[63]. Il a aussi proposé de conférer à la GRC le statut d’employeur distinct du gouvernement dans le cadre de la restructuration de l’organisation[64].

En outre, plusieurs témoins ont rapporté la nécessité de transformer la structure de la GRC pour la faire passer d’un modèle paramilitaire à un modèle professionnel. Par exemple, M. Leuprecht a avancé que « la formation devrait être différente[65] » et que « [l]e cadre et le cheminement de carrière et de perfectionnement professionnel des agents doit être distinct[66] ». De même, M. Roach a proposé d’abandonner le modèle paramilitaire du maintien de l’ordre et d’évoluer vers « un modèle professionnel et instruit[67] ». Des préoccupations particulières ont été soulevées sur la structure de la formation offerte par la GRC, où toutes les recrues doivent suivre une formation de base à l’École de la GRC, appelée Division Dépôt, située à Regina, en Saskatchewan. Le Comité a été informé que la Division Dépôt offre aussi de la formation à d’autres services policiers, dont une formation de base à certains services de police autochtones, qui est suivie d’une formation dans la collectivité[68]. M. Roach a laissé entendre que la formation à la Division Dépôt peut rendre la GRC moins « souple[69] » et spécialisée, car elle n’est pas en mesure de s’adapter à la multitude de services offerts par des policiers dans les diverses collectivités servies[70]. De même, M. Leuprecht a affirmé ceci :

[L]a Division Dépôt […] socialise une certaine mentalité de commandement et de contrôle. Si on commençait par refondre complètement le programme d’études et le régime de formation à la Division Dépôt, je crois que cela aurait également un effet de transformation[71].

L’hon. Michel Bastarache a décrit la formation offerte à la Division Dépôt comme étant une « formation paramilitaire[72] » et a soutenu que les réclamantes à qui il a parlé dans le cadre du recours collectif Merlo Davidson contre la GRC pour harcèlement sexuel et discrimination fondée sur le sexe ou l’orientation sexuelle ont dit avoir été victimes d’abus sexuel, de harcèlement et de discrimination pendant leur formation de base à la Division Dépôt[73]. Les réclamantes ont affirmé que la formation offerte à la Division Dépôt était pire que celle des autres écoles de formation des policiers au Canada, parce que le programme est conçu pour démolir une personne et la reconstruire plutôt que de miser sur ses attributs pour en faire le meilleur agent possible[74].

Des témoins ont aussi fait des suggestions pour résoudre les problèmes liés à la structure actuelle de formation de la GRC. Dans un mémoire envoyé au Comité, l’Assemblée des Premières Nations propose notamment de réformer la formation offerte par la GRC pour la faire passer d’une « force paramilitaire formée isolément[75] » à une formation dans la communauté où les agents de la GRC travailleront. Des témoins ont aussi proposé la création d’un Collège national de police pour s’assurer que la GRC et les autres services policiers reçoivent une formation spécialisée, professionnelle et fondée sur des données probantes. Le sénateur Vernon White, ancien commissaire adjoint de la GRC, a notamment décrit le modèle du College of Policing du Royaume-Uni, un organisme professionnel qui « vise à offrir à ceux qui travaillent dans les services de police les compétences et les connaissances nécessaires pour prévenir la criminalité, protéger le public et gagner la confiance du public[76] ». Il a souligné que le College of Policing mise sur la diffusion de connaissances par l’entremise de la recherche, de l’acquisition de preuves sur ce qui fonctionne, de l’éducation, de l’appui au perfectionnement professionnel et de l’établissement de normes en matière de service de police fondées sur les meilleures données disponibles[77].

Des témoins ont informé le Comité qu’en plus des questions de formation et du recours aux civils, ils estiment que la GRC ne répond pas adéquatement aux besoins des collectivités lorsqu’elle fournit des services de police contractuels. Par exemple, Mme Samuels-Wortley a expliqué que les services de police doivent mieux connaître les besoins de leur milieu, parce que chaque collectivité a ses propres problèmes et préoccupations. Par conséquent, la GRC pourrait ne pas avoir la capacité de maintenir l’ordre dans des collectivités dont elle ne connaît pas les préoccupations[78]. D’ailleurs, M. Roach a soutenu que la GRC ne devrait pas reposer sur un modèle de gouvernance descendante lorsqu’elle offre des services de police contractuelle, et a affirmé que des structures de gouvernance locale sont nécessaires pour exercer un contrôle sur les services policiers[79].

2.2.3   Le soutien de la professionnalisation et de la spécialisation des services de police autochtones

Le gouvernement fédéral, par l’entremise du Programme des services de police des Premières Nations, veille à ce que les services de police autochtones disposent du soutien et des ressources nécessaires pour fonctionner. Le Comité a appris que les services de police autochtones ont un modèle unique de maintien de l’ordre adapté aux collectivités qu’ils servent[80]. Cependant, le chef Dwayne Zacharie, président de l’Association des chefs de police des Premières Nations, a dit au Comité qu’il a parfois l’impression que les agents autochtones sont « traités comme des citoyens de seconde zone dans le domaine de la police[81] », parce que les services de police des Premières Nations n’ont pas accès à beaucoup de formation, y compris la formation avancée.

De plus, le Comité a été informé que certaines collectivités autochtones mettaient sur pied de nouvelles structures novatrices de services policiers pour combler l’écart entre les membres de la communauté et les services de police. Par exemple, Doris Bill, chef de la Première Nation de Kwanlin Dün, a parlé du programme des « agents de sécurité communautaire[82] » créé dans sa collectivité. Il s’agit d’un programme novateur conçu pour renforcer les liens entre les membres de la collectivité et les agents de la GRC qui sont chargés de leur offrir des services[83]. Des Autochtones et des membres de la collectivité formés pour devenir des agents de sécurité communautaire repèrent les conflits et les désamorcent et offrent des services adaptés à la culture[84]. Le programme ne remplace pas les services de police traditionnels; il contribue à résoudre les conflits et permet aux policiers de se concentrer sur d’autres tâches. La chef Bill a expliqué que comme les agents de sécurité communautaire sont issus de la communauté, les gens les connaissent et leur font confiance :

Leurs racines sont chez nous et ils ont des liens ici. Nos gens savent qu’ils peuvent s’adresser à eux et leur faire confiance. Les agents de sécurité communautaire travaillent aux côtés des agents de la GRC, et ils assurent la liaison entre ces agents et la communauté qu’ils servent[85].

Elle a souligné que le programme a produit des résultats positifs, tout en permettant d’économiser du temps et de l’argent, et que les « les appels ont beaucoup diminué depuis le début du programme[86] ». Il offre à la communauté l’occasion de régler elle-même ses problèmes, sans avoir à dépendre de la GRC[87].

Toutefois, la chef Bill a aussi évoqué des problèmes de financement. Le programme est financé par le gouvernement fédéral, le gouvernement du Yukon et la Première Nation. Puisqu’il s’agit d’une initiative communautaire et non d’un organisme d’application de la loi, il ne s’inscrit pas dans des programmes de financement particuliers[88].

En somme, le Comité a entendu des propositions relativement à la modernisation de la structure et de la gouvernance de la GRC, à sa professionnalisation, au recours à des civils et à l’augmentation des mesures de soutien pour favoriser la professionnalisation et la spécialisation des services de police autochtones.

Par conséquent, le Comité recommande ce qui suit :

Recommandation 8

Que la Gendarmerie royale du Canada passe d’un modèle paramilitaire à un modèle de service policier avec surveillance civile, avec l’aide d’un nouveau conseil national de surveillance ayant pour mandat législatif d’effectuer cette transition et d’apporter les changements nécessaires pour que les politiques, les usages, les procédures et les opérations soient exempts de préjugés et de discrimination systémiques et que les actes individuels de discrimination et de racisme ne soient pas tolérés.

Recommandation 9

Que le gouvernement du Canada crée, en consultation avec les Autochtones, les Noirs, et les autres personnes racialisées, un Collège national de police afin d’offrir la préparation, la formation et l’éducation nécessaires à un service policier moderne, professionnel et impartial, notamment :

  • des cours de formation continue, de professionnalisation et de spécialisation;
  • de la formation appropriée pour les recrues de la GRC et les autres policiers intéressés en matière de culture et de diversité;
  • des cours obligatoires en gestion de crise et en psychologie.

Recommandation 10

Que le gouvernement du Canada envisage de mettre fin aux services policiers contractuels au sein de la Gendarmerie royale du Canada, et que le gouvernement du Canada collabore avec les provinces, les territoires et les municipalités qui souhaitent établir leur propre service policier provincial et territorial.

Recommandation 11

Que le gouvernement du Canada accorde du financement à toutes les collectivités autochtones qui souhaitent mettre en place le programme des agents de sécurité communautaire, fondé sur le modèle de la Première Nation de Kwanlin Dün.

2.3      La prestation de services policiers dans les collectivités autochtones et le programme des services de police des premières nations

2.3.1   Le racisme systémique à l’égard des peuples autochtones dans les services de police et le colonialisme

Le Comité a entendu le témoignage d’organisations représentant des Premières Nations, des Inuits et des Métis, de chefs de communautés autochtones et de fournisseurs de services de police des Premières Nations au sujet du rôle qu’ont joué les services policiers, y compris la GRC, dans l’histoire du colonialisme au Canada et de ses répercussions traumatisantes sur les communautés autochtones et leurs habitants.

Le vice-chef Teegee a d’ailleurs affirmé ceci :

Pendant de nombreuses années, depuis le début de la colonisation, les forces de police ont servi à arracher nos peuples de leurs terres. Plus récemment, avec l’adoption de la politique des pensionnats, beaucoup de nos enfants ont été arrachés à leur foyer et emmenés dans des pensionnats.
Dans ma langue, le dakelh, la langue des Porteurs, nous utilisons le vocable nilhchuk-un pour désigner la GRC. Interprété dans notre langue, ce terme signifie « ceux qui nous emmènent », car essentiellement, c’est la GRC qui a emmené nos enfants. À bien des égards, c’est ainsi que nous percevons encore la GRC[89].

En ce qui concerne l’expérience de sa communauté, la chef de la Première Nation des Kwanlin Dün, Doris Bill, a avoué que les citoyens continuaient de« se méfi[er] fortement de la police[90] », car, pour eux, faire affaire avec la police rappelait les traumatismes causés par les pensionnats, la rafle des années 1960 et les déplacements forcés, sans parler de la négligence des services de police dans les dossiers de femmes et de filles autochtones disparues et assassinées[91]. Comme l’a décrit le chef Ghislain Picard, chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador, « c’est la police qui a enlevé nos enfants pour les emmener de force dans les pensionnats. C’est la police qui a empêché nos peuples de participer à leurs cérémonies et de pratiquer leur spiritualité[92] ». En plus de brosser un tableau des injustices historiques commises par des services policiers, des témoins ont aussi décrit les expériences contemporaines du racisme systémique à l’égard des Autochtones. Le chef Picard a notamment expliqué que des études ont confirmé que les Autochtones sont plus susceptibles d’être détenus par la police à la suite d’une arrestation, souvent en raison de préjugés et de racisme, d’être détenus pendant de plus longues périodes et d’être condamnés à des peines d’emprisonnement plus longues que les autres Canadiens[93]. Ils sont aussi plus susceptibles d’être emprisonnés pour non-paiement d’amendes et d’être tués dans le cadre d’interventions policières[94].

Des témoins ont informé le Comité que l’expérience des Inuits avec les services de la GRC est récente et unique. Comme l’a expliqué Gerri Sharpe, vice-présidente, Pauktuutit Inuit Women of Canada, la GRC est arrivée dans le Nord peu avant sa naissance[95]. Elle a affirmé ceci :

En quelques décennies seulement, nos vies et nos moyens de subsistance ont subi une profonde transformation organisée par des forces coloniales échappant à notre contrôle. La GRC a joué un rôle clé dans ces opérations. Ils nous ont déplacés de colonies permanentes en colonies permanentes, ont emmené les enfants inuits dans des pensionnats et ont abattu les chiens de traîneau inuits.
En termes simples, dans l'Inuit Nunangat, le maintien de l'ordre est une structure fondée sur le racisme systématique. Il s'agit d'une culture fondée sur des opinions profondément ancrées qui se traduit par des réponses défaillantes à la violence que subissent les femmes et les filles inuites.
Les communautés inuites ont une culture inclusive, mais la culture du maintien de l'ordre est différente, basée sur le colonialisme[96].

Le Comité a appris que dans l’Inuit Nunangat, la patrie des Inuits couvrant les Territoires du Nord-Ouest, le Nunavut, le Nunavik (situé dans la province de Québec) et le Nunatsiavut (situé dans la province de Terre-Neuve-et-Labrador), les Inuits sont victimes de violences policières de manière disproportionnée par rapport aux autres Canadiens et se heurtent à d’innombrables obstacles à la justice[97]. La GRC est présente dans l’ensemble de l’Inuit Nunangat, sauf le Nunavik, qui relève du Service de police régionale de Kativik. Natan Obed, président d’Inuit Tapiriit Kanatami, a expliqué que les forces de police sont « en grande partie itinérantes[98] », qu’elles n’ont « pas de lien clair avec la communauté[99] » et que très peu de policiers sont Inuits. Aluki Kotierk, présidente de Nunavut Tunngavik Inc., a décrit la « relation de méfiance entre les Inuits du Nunavut et la GRC[100] » qui a évolué depuis le rôle historique joué par les agents de la GRC au Nunavut jusqu’à aujourd’hui. Comme elle l’a fait observer :

Il ne fait aucun doute que la relation entre les Inuits du Nunavut et la GRC est complexe et tendue. La GRC a contribué au déplacement de familles inuites dans les communautés; la GRC a contribué à l’envoi des enfants inuits dans les pensionnats; la GRC a contribué à l’abattage des chiens de traîneau inuits[101].

Elle a ensuite ajouté qu’« [a]ujourd’hui, bon nombre des difficultés vécues par les Inuits sur les plans social et économique découlent de la perte de pouvoir et de contrôle entraînée par une bonne partie de la relation coloniale[102] ». De plus, selon elle, « [l]a GRC ne comprend pas notre culture ni notre langue[103] ». M. Obed a expliqué que les Inuits n’exercent aucun contrôle qui leur est propre sur les services de police dans leurs communautés et qu’il n’existe pas de relation entre la GRC et la communauté, ce qui se traduit par des interventions policières excessives ou insuffisantes[104]. Mme Sharpe s’est dite préoccupée par le manque de personnel, la courte durée des affectations des agents de la GRC, le manque de compétences culturelles et d’expérience des agents concernant la population, les barrières linguistiques ainsi que le manque de services intégrés[105]. Elle a renvoyé le Comité aux recommandations formulées dans le rapport de l’organisation Pauktuutit Inuit Women of Canada, Contrer la violence fondée sur le sexe à l’égard des femmes inuites : un examen des politiques et des pratiques policières dans le Nunangat inuit, qui propose particulièrement que le gouvernement « s’assur[e] que toutes les régions de l’Inuit Nunangat ont des services de police efficaces et substantiellement équitables[106] ».

En ce qui concerne l’expérience des collectivités métisses avec les services policiers, le Comité a entendu le témoignage de Melanie Omeniho, présidente de Women of the Métis Nation – Les Femmes Michif Otipemisiwak. Elle a expliqué ceci :

Le Canada est depuis longtemps doté de politiques et de pratiques qui ont institutionnalisé le racisme à l’égard des femmes et des filles métisses et des personnes de genres différents. Bien que le gouvernement actuel travaille à la réconciliation, de nombreuses politiques et pratiques discriminatoires existent encore aujourd’hui et n’ont pas encore été abordées[107].

Elle a ajouté que des études ont démontré que de nombreux Métis grandissent dans des foyers où ils sont témoins de violence et de toxicomanie. De plus, bon nombre de Métis ont affirmé que des membres de leur famille avaient été impliqués dans des actes criminels[108]. Les hommes et les femmes Métis sont aussi visés par des pratiques policières comme le fichage[109], qui est une forme de profilage racial. Elle a souligné l’importance de réduire la surreprésentation des Métis parmi les criminels et les victimes en développant des services de police qui établissent des liens de confiance avec les communautés métisses, connaissent bien leur culture et répondent à leurs besoins particuliers[110].

De nombreux témoins ont rapporté au Comité l’existence de rapports antérieurs portant au moins en partie sur les problèmes entourant la prestation de services policiers aux communautés et aux individus autochtones. Bon nombre de ces rapports contiennent d’ailleurs des recommandations pour mettre fin au racisme systémique. En ce qui a trait à la relation entre les peuples autochtones du Canada et les services policiers, le chef Picard a dit ceci :

Depuis 1967, au moins 13 rapports ont examiné cette relation. Ils ont abordé toutes les facettes de la situation. Il existe d’innombrables rapports de recherche à s’être penchés sur la question. Dans tous les cas, la conclusion est la même : le Canada a échoué[111].

Parmi ces rapports, on compte les rapports de la Commission de vérité et de réconciliation du Canada[112] et Réclamer notre pouvoir et notre place : le rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées[113]. Des témoins se sont dits consternés que de nombreuses recommandations formulées dans ces rapports n’ont pas encore été mises en œuvre et ont demandé de les appliquer sans attendre.

Même si l’expérience des peuples autochtones avec les services de police coloniaux a été teintée de violence et de méfiance, des témoins ont rappelé au Comité qu’avant la colonisation, les communautés autochtones avaient leurs propres modèles de maintien de l’ordre et leurs propres lois, qui devraient être respectés[114]. Jeffrey Schiffer, directeur exécutif de l’organisme Native Child and Family Services of Toronto, a expliqué ceci :

[C]haque Première Nation, communauté métisse et communauté inuite possède de très longues traditions de justice et de sécurité publique au sein de leur culture. Pendant des milliers d’années avant l’arrivée des blancs, ces dernières avaient établi des systèmes pour assurer la sécurité et le bien-être de leurs communautés et lutter contre la criminalité dans celles-ci. Je pense que les Autochtones peuvent encore puiser de bons modèles dans leur base de connaissances traditionnelles et s’en servir pour mettre au point des systèmes contemporains[115].

Des témoins ont soutenu qu’il y aurait lieu de donner aux groupes des Premières Nations la compétence indiscutable d’appliquer la loi dans leurs propres communautés[116]. De plus, M. Obed, président de l’organisme Inuit Tapiriit Kanatami, a affirmé que le maintien de l’ordre doit passer par l’autodétermination pour permettre à chaque communauté de suivre sa propre voie[117]. Il a expliqué que l’organisme ne peut pas se prononcer sur la création d’un service de police inuit pour servir les collectivités inuites, car son conseil d’administration n’a pas encore examiné la question[118]. Il a également souligné l’importance de la participation des Inuits à l’examen des structures de gouvernance des services de police pour s’assurer que les points de vue des membres de la collectivité sont pris en compte dans la détermination de la voie à suivre[119]. De plus, le Comité a été informé par Mme Sharpe que l’organisme Pauktuutit Inuit Women of Canada n’a pas encore mené de consultations avec la communauté inuite sur le maintien des services de police contractuels de la GRC dans les régions de l’Inuit Nunangat[120].

Le vice-chef Teegee a ajouté que les droits à la souveraineté et à l’autodétermination, inscrits dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones[121], s’appliquent au maintien de l’ordre[122].

2.3.2   Les services policiers autochtones et le Programme des services de police des Premières Nations

On a dit au Comité que toutes les collectivités autochtones devraient bénéficier du soutien nécessaire pour monter leurs propres services de police afin qu’ils reflètent leur culture et leurs besoins particuliers[123]. À cette fin, le vice-chef Teegee a insisté sur l’importance d’une meilleure collaboration entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux pour appuyer les services policiers autochtones[124].

Grâce au Programme des services de police des Premières Nations, le gouvernement offre aux collectivités autochtones les ressources nécessaires pour établir leurs propres services policiers. Ce programme, créé au début des années 1990, fournit une structure permettant aux communautés inuites et des Premières Nations de conclure des ententes pour obtenir diverses formes de services policiers adaptés à leurs besoins. Il existe deux principaux types d’ententes de services de police :

  • les ententes sur les services de police autogérés, selon lesquelles une collectivité inuite ou des Premières Nations gère son propre service de police conformément aux lois et règlements provinciaux;
  • les ententes communautaires tripartites, selon lesquelles un contingent d’agents attitrés de la GRC assure des services de police dans une collectivité inuite ou des Premières Nations[125].

Le financement du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux pour le Programme des services de police des Premières Nations est accordé en fonction de programmes, ce qui se traduit par une incertitude et une instabilité quant à ces services policiers. Par exemple, Terry McCaffrey, chef du Wikwemikong Tribal Police Service et président d’Indigenous Police Chiefs of Ontario, a affirmé que les services de police autogérés des Premières Nations de l’Ontario souffrent de « sous-financement chronique[126] » et que les agents des Premières Nations sont forcés de travailler dans des conditions que les agents travaillant ailleurs n’auraient jamais à endurer[127]. Le chef Picard et le chef McCaffrey ont tous les deux avancé que les services de police autochtones doivent obtenir la parité totale avec les services de police non dirigés par des Autochtones[128]. Comme Julian Falconer l’a fait remarquer relativement au statut des services de police autochtones, « [l]es Autochtones ont le droit à l’équité et ils ont le droit à la sécurité garantie par la règle de droit[129] ».

Le Comité a entendu des témoignages sur les conséquences du financement et du soutien insuffisants à l’égard des services de police autochtones. Dans son témoignage, M. Roach a souligné que le nombre de services de police autochtones autonomes (c.‑à‑d. les services de police dotés d’ententes sur les services de police autogérés) au Canada a diminué au cours des dernières années, au lieu d’augmenter[130]. Il a affirmé que « [d]e tels services ont besoin de ressources et de latitude pour travailler avec d’autres membres de la communauté, et, espérons-le, prendre la relève de la GRC, de la Police provinciale de l’Ontario et de la Sûreté du Québec[131] ».

De nombreux témoins ont indiqué qu’il faudrait désigner les services de police autochtones comme étant des « services essentiels[132] » et concevoir un cadre pour les appuyer et leur assurer un financement stable et à long terme, comme les autres services de police canadiens. L’hon. Bill Blair, ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, a affirmé devant le Comité qu’une des priorités de son mandat consistait à « élaborer conjointement un cadre législatif qui reconnaît que les services de police des Premières Nations constituent un service essentiel[133] ». Cependant, John Paul, directeur exécutif de l’Atlantic Policy Congress of First Nations Chiefs Secretariat, a prévenu le Comité qu’à moins que la désignation de « service essentiel » soit accompagnée de ressources financières suffisantes et de « la gouvernance et l’inclusion[134] » nécessaires pour en faire un succès, le résultat sera le même que celui des autres stratégies en la matière.

On a dit au Comité que les services de police autochtones sont voués à l’échec, en partie à cause du manque de structures de surveillance civile[135], qui s’ajoute au fait qu’ils n’ont qu’un statut de programme et qu’ils sont donc financés en tant que tel. Par ailleurs, on a signalé au Comité l’importance d’avoir recours à des Autochtones pour mettre au point la forme que prennent les services policiers[136] fournis dans les collectivités autochtones. Il faudrait notamment inclure des structures autochtones de surveillance de la police, car cette dernière vise à assurer la responsabilité à l’égard de la collectivité servie.

En dépit des difficultés considérables auxquelles se butent les services de police autochtones, le Comité a appris que les services de police des Premières Nations ont réussi à créer des liens de confiance avec les collectivités qu’ils servent et dont ils font partie, liens qui sont souvent inexistants avec d’autres services de police[137]. Des témoins ont souligné les réussites des services de police autochtones. Par exemple, dans un mémoire présenté par le Grand chef Alvin Fiddler au nom de la Nation Nishnawbe-Aski, on mentionne que dans les 26 années d’existence du service de police de Nishnawbe Aski, aucun décès attribuable à des fusillades impliquant la police n’est survenu[138]. M. Falconer a ajouté que la structure particulière des services de police autochtones pourrait servir de modèle aux services de police « conventionnels » ou leur offrir l’occasion d’apprendre de leur expérience[139].

2.3.3   Les services policiers destinés aux populations autochtones en milieu urbain

Au dire de témoins, la prestation aux Autochtones qui vivent dans les centres urbains de services adaptés à la culture et tenant compte de cette dernière représente un défi particulier à cause de la diversité qui caractérise les villes canadiennes. Au Canada, plus de la moitié des Autochtones, le quart des Inuits et près des deux tiers des Métis habitent dans une région métropolitaine[140].

Mme Omeniho a révélé au Comité que la mise au point de solutions policières autochtones pour les collectivités métisses pose une difficulté supplémentaire, car, contrairement à certaines collectivités des Premières Nations qui ont créé leur propre service de police, les Métis ne sont pas regroupés géographiquement[141]. Toutefois, elle a précisé que la nation métisse et ses gouvernements envisagent de mettre sur pied leurs propres processus de justice, et que l’établissement de bonnes relations entre les services de police et la nation métisse est nécessaire pour améliorer le système actuel[142].

De nombreux témoins ont mentionné que les services de police en milieu urbain doivent recevoir de la formation et du financement pour pouvoir mettre en place des services adaptés aux Autochtones qui y vivent. Le vice‑chef Teegee a fait valoir l’importance d’offrir aux policiers qui travaillent dans les villes une formation appropriée sur la santé mentale, la toxicomanie et le point de vue des Autochtones sur l’expérience de la colonisation, car plusieurs cas d’incarcération d’Autochtones ou de décès impliquant la police surviennent dans les villes[143]. De son côté, Chris Sheppard, président du conseil d’administration de l’Association nationale des centres d’amitié, a déclaré que son organisme a procédé à un examen de rapports et de recommandations sur la justice autochtone. Trois thèmes en ressortent : 1) « la formation et l’éducation des non-Autochtones sur l’histoire autochtone, le patrimoine, la culture, l’identité, les droits, les lois et les réalités actuelles[144] »; 2) « une augmentation du financement pour les collectivités autochtones et pour les programmes et organismes publics dont l’objectif est d’aider les Autochtones[145] »; 3) « une participation accrue des aînés au système judiciaire[146] ». Voici ce qu’a dit M. Sheppard :

La population autochtone urbaine est toujours coincée dans les affaires judiciaires entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. L’application de la loi ne fait pas exception.
Pour que les recommandations soient interprétées et mises en œuvre correctement, il faut que le financement offert aux Autochtones qui vivent en zone urbaine et à ceux qui vivent dans les régions rurales ou éloignées soit équitable. On ne peut se limiter à un paiement unique ou à une intervention à court terme pour régler un problème générationnel. Il faut plutôt une solution durable pour permettre aux programmes et aux organisations de continuer de servir la collectivité à long terme[147].

Des témoins ont présenté des pistes de réformes qui garantiraient aux Autochtones vivant en milieu urbain l’accès à des services adaptés et pertinents sur le plan culturel. Par exemple, le chef Zacharie a proposé que les services de police en milieu urbain créent une unité intégrée qui travaillerait avec les communautés autochtones et pourrait employer un modèle semblable à celui des services de police autochtones[148]. Michèle Audette, qui a été commissaire lors de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, a signalé que certains corps policiers éprouvent des difficultés à recruter des Autochtones au sein de leur effectif et a expliqué qu’il est important de s’assurer que ces organisations sont prêtes et ouvertes au changement lorsqu’elles commencent à embaucher un plus grand nombre d’Autochtones[149]. Elle a proposé l’embauche de personnes possédant une expertise comme des aînés, ou d’autres employés autochtones, et fait remarquer que certains services de police ont engagé des Autochtones pour patrouiller, ce qui permet d’établir un lien de confiance et d’assurer la réussite des interventions[150].

Par conséquent, le Comité recommande ce qui suit :

Recommandation 12

Que le gouvernement du Canada collabore avec les peuples autochtones pour donner la priorité aux mesures à prendre pour mettre en œuvre toutes les recommandations provenant de commissions et d’enquêtes concernant le racisme systémique à l’égard des peuples autochtones dans les services de police et le système judiciaire, afin de donner suite aux recommandations qui restent, en portant une attention particulière aux recommandations relatives aux services policiers formulées dans Commission de vérité et réconciliation du Canada : Appels à l’action ainsi que dans Réclamer notre pouvoir et notre place : le rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.

Recommandation 13

Que le gouvernement du Canada, en consultation et en partenariat avec les collectivités inuites, métisses et des Premières Nations, tout en reconnaissant que les décisions liées aux services policiers doivent être axées sur la communauté, conçoive un cadre pour les services de police autochtones visant à promouvoir l’autodétermination et l’autonomie en matière de services policiers dans les collectivités autochtones; ce cadre devrait comprendre :

  • la désignation des services de police autochtones comme des services essentiels et une exigence selon laquelle ils doivent être dotés de ressources suffisantes;
  • l’élaboration, en consultation avec les populations autochtones, d’un modèle de surveillance civile des services policiers autochtones, qui aurait l’autorité suffisante pour surveiller les services policiers et enquêter sur les plaintes d’inconduite policière; et
  • un engagement à fournir un financement et un soutien suffisants pour aider toutes les collectivités autochtones qui souhaitent mettre sur pied des services de police autochtones.

Recommandation 14

Que le gouvernement du Canada, en collaboration avec les collectivités inuites, métisses et des Premières Nations, et dans le cadre de négociations et de consultations avec des dirigeants et des organismes autochtones, propose de créer un Collège autochtone national de police afin d’offrir à tous les services de police autochtones une formation spécialisée axée sur les connaissances culturelles et l’histoire des Autochtones.

Recommandation 15

Que, avec l’appui financier du gouvernement du Canada, des modèles de services policiers autochtones soient élaborés dans les communautés urbaines comptant d’importantes populations autochtones, en consultation et en coopération avec les populations autochtones locales et les autorités policières locales, afin de coopérer au maintien de l’ordre, avec :

  • des organismes consultatifs dotés de ressources et d’un financement appropriés;
  • des unités de police autochtones au sein des services de police urbaine;
  • des patrouilles spéciales ayant des agents autochtones ou le soutien de la communauté;
  • ou tout autre modèle ou arrangement approprié aux circonstances locales qui pourrait être convenu.

Recommandation 16

Que, le gouvernement du Canada fournisse les ressources nécessaires et collabore avec les intervenants inuits sur la tenue de consultations dirigées par les Inuits au sein des communautés inuites sur le modèle de maintien de l’ordre le plus approprié et le plus efficace pour les communautés inuites, si celles-ci souhaitent entreprendre de telles consultations.

2.4      Les effets du racisme systémique au sein des services policiers sur les femmes, les filles et les personnes LGBTQ2E+ autochtones

Au cours de la présente étude, de nombreux témoins ont parlé au Comité des effets particuliers qu’a le racisme systémique au sein des services policiers sur les femmes, les filles et les personnes LGBTQ2E+ autochtones et racialisées. Par exemple, Viviane Michel a expliqué l’incidence particulière du colonialisme sur les femmes autochtones :

Si le colonialisme a affecté les hommes et les femmes, il ne l’a pas fait de la même manière. Le processus de colonisation était genré et produisait des stéréotypes insidieux sur les femmes autochtones et faisant d’elles des objets. Par conséquent, les femmes autochtones sont doublement discriminées, car au racisme s’ajoute le sexisme, notamment[151].

Le racisme systémique a pour effet, notamment, d’exposer de manière disproportionnée les femmes et les filles autochtones et racialisées à la discrimination policière, comme le profilage racial et l’usage excessif de la force par les policiers lors des interventions, par rapport aux autres femmes. Il entraîne aussi l’inaction des services de police pour protéger ces femmes contre la violence fondée sur le sexe et les homicides, et pour enquêter et réagir adéquatement lorsqu’elles sont victimes d’actes criminels.

2.4.1   Les effets de la violence policière, du profilage racial et d’autres actes répréhensibles commis sur les femmes autochtones

Des témoins ont parlé au Comité du racisme dont les corps policiers font preuve à l’égard des femmes autochtones, comme l’illustrent la brutalité et les abus de pouvoir, ainsi que l’usage de force excessive, l’abus sexuel, les comportements inadéquats et l’omission d’aider des victimes ou l’inaction en cas de violence sexuelle[152]. Qui plus est, Mme Michel a signalé des cas de femmes autochtones qui ont fait l’objet de profilage racial ayant entraîné une arrestation abusive et discriminatoire ainsi que des cas de femmes autochtones victimes de « cures géographiques[153] ». Il s’agit d’une pratique policière abusive, dangereuse et parfois mortelle qui consiste à abandonner une personne Autochtone dans un lieu isolé. Dans un mémoire soumis au Comité, Human Rights Watch décrit la crainte que ces « virées sous les étoiles » suscitent chez les femmes autochtones en Saskatchewan et explique que cette crainte empêche ces femmes de demander l’aide de la police[154].

Dans un mémoire soumis au Comité, Human Rights Watch fait état de cas d’abus de pouvoir et de violence contre des femmes autochtones par des policiers. Par exemple, Human Rights Watch signale 64 cas présumés de violence policière contre des femmes autochtones en Saskatchewan, dont « l’usage excessif de la force, les fouilles corporelles et à nu par des agents masculins, et le harcèlement sexuel pendant ces fouilles[155] ». En Colombie‑Britannique, l’organisme fait aussi état de situations comme « de[s] jeunes filles aspergées de poivre de Cayenne et soumises à un pistolet à impulsion électrique; une jeune fille de 12 ans attaquée par un chien policier; une jeune fille de 17 ans frappée à plusieurs reprises par un policier qui avait été appelé pour lui venir en aide; des femmes fouillées à nu par des agents masculins et des femmes blessées en raison de la force excessive utilisée lors de leur arrestation[156] ».

Pour lutter contre le racisme systémique infligé aux femmes autochtones par les services policiers, Mme Michel recommande ce qui suit :

Il faut apporter des changements aux structures. Il faut un plan d’action et des mesures concrètes pour contrer le racisme et la violence systémiques et l’impunité policière envers les femmes autochtones, en adoptant une approche intersectionnelle qui prenne en compte toutes les discriminations auxquelles font face les femmes autochtones et le fait que ces discriminations se renforcent les unes les autres et qui tienne particulièrement compte des femmes autochtones[157].

2.4.2   Les femmes, les filles et les personnes LGBTQ2E+ autochtones disparues ou assassinées

Plusieurs témoins entendus par le Comité ont parlé de l’inefficacité des interventions policières dans le cas des femmes, des filles et des personnes LGBTQ2E+ autochtones disparues ou assassinées. Par exemple, M. Bourbonniere a déploré que, lors de la disparition d’une femme ou d’une fille autochtone, les policiers finissent souvent par rejeter la responsabilité sur la victime et son mode de vie et que les demandes d’aide des Autochtones à Winnipeg ne reçoivent pas la même attention que celles des non‑Autochtones[158]. Mme Michel a déclaré ce qui suit au Comité :

La relation des filles et des femmes autochtones avec les forces policières est au centre de la question des filles et des femmes autochtones disparues ou assassinées. Le comportement et les réponses inadéquats de la police doivent être pris en compte dans la compréhension de ce phénomène. Les familles des personnes disparues ou assassinées ne font pas confiance aux policiers à cause de leur indifférence, de leur incompétence ou de leur mauvaise conduite à leur égard[159].

Pour répondre aux préoccupations des citoyens sur le racisme systémique que reflètent les agissements des policiers envers les femmes, les filles et les personnes LGBTQ2E+ autochtones disparues ou assassinées, des témoins ont insisté sur l’importance de prendre des mesures en réaction aux appels à la justice lancés dans le rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées[160]. Selon Myrna Lashley, il faut donner aux femmes autochtones les moyens de superviser l’élaboration des solutions et d’y prendre part[161]. Lorraine Whitman, présidente de l’Association des femmes autochtones du Canada, estime que les femmes autochtones doivent participer aux discussions portant sur les moyens de régler le problème des femmes, des filles et des personnes LGBTQ2E+ autochtones disparues et assassinées[162]. Mme Omeniho, quant à elle, a fait remarquer au Comité que les services de police doivent élaborer un protocole de pratiques exemplaires pour les signalements de disparition de personnes métisses, y compris les mesures précises à prendre pour mettre en place ces pratiques[163].

En ce qui a trait aux mesures prises par le gouvernement actuel à l’égard des femmes, des filles et des personnes LGBTQ2E+ autochtones disparues et assassinées, le ministre Blair a déclaré que le gouvernement a financé, à la suite du rapport final de l’Enquête sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, l’examen des pratiques et des politiques policières afin d’y déceler les problèmes actuels[164]. La commissaire Brenda Lucki a rapporté que la GRC adopte une « approche axée sur la sensibilisation aux traumatismes[165] » dans le cadre de ses mesures d’intervention dans le dossier des femmes autochtones disparues et assassinées et que l’organisme a créé un « Bureau national des normes et pratiques d’enquête » afin de veiller à ce que toutes les enquêtes « soient traitées de la même façon, peu importe qui sont les victimes ou les criminels[166] ».

2.4.3   Le racisme systémique dans les interventions liées à la violence sexuelle et fondée sur le genre

Les services de police ont un rôle important à jouer pour mener des enquêtes et appliquer la loi en ce qui concerne les infractions liées à la violence sexuelle et fondée sur le genre commises contre des femmes autochtones, ainsi que pour protéger les femmes autochtones victimes de violence. On sait que les femmes autochtones sont exposées à un risque accru de violence par rapport aux hommes autochtones et aux femmes non autochtones[167]. Or, en raison des traumatismes historiques qu’elles ont subis, les femmes autochtones sont stigmatisées dans l’ensemble du système de justice pénale, où elles sont perçues comme ayant des problèmes de consommation ou d’autres problèmes sociaux et, de ce fait, ne sont pas considérées comme « des victimes crédibles ou qui en valent la peine[168] ». En outre, les femmes autochtones craignent de signaler la situation dont elles sont victimes aux forces de l’ordre à cause du traitement abusif et raciste que leur réservent parfois les policiers. Par exemple, Mme Omeniho a expliqué au Comité que, pendant les travaux de la Commission d’enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, l’organisme Women of the Métis Nation – Les Femmes Michif Otipemisiwak a entendu de nombreux récits de femmes qui ont fini par devenir des victimes des services de police et qui ne se sentaient pas à l’aise de s’adresser à la police si elles subissaient des actes de violence[169]. L’organisme Human Rights Watch a signalé qu’il a « entendu des membres de la communauté et du personnel des services de première ligne expliquer comment les abus policiers ont contribué à la méfiance historique entre les communautés autochtones et les forces de l’ordre et ont découragé de nombreuses personnes de demander de l’aide à la police[170] ».

Mme Sharpe a déclaré que les recherches menées par Pauktuutit Inuit Women of Canada ont mis au jour de graves problèmes de racisme et de colonialisme systémiques au sein des forces de l’ordre au Nunavut. Elle a exposé les nombreuses facettes du problème, dont l’absence de services et de soutien communautaires pour les femmes inuites et la présence de services de police qui « sont mal intégrés dans la communauté et ne sont donc pas considérés comme dignes de confiance[171] ». Elle estime que les policiers comprennent mal les causes profondes de la consommation de drogue et d’alcool ainsi que de la violence au sein de la population[172]. Elle a aussi souligné le fait que, bien que la communication soit une compétence fondamentale pour le maintien de l’ordre, moins de cinq agents de la GRC sur les 150 qui travaillent au Nunavut parlent l’inuktitut, ce qui constitue un obstacle pour les femmes qui tentent de signaler des situations de violence[173]. D’après Pauktuutit Inuit Women of Canada, un des effets du racisme systémique au sein des services policiers sur les femmes inuites au Nunavut est que plusieurs femmes victimes de violence familiale ont été retirées de leur domicile à la place de leur agresseur. Cette situation traumatisante s’ajoute à l’injustice subie[174]. En outre, des policiers ont négligé de surveiller le respect de sanctions imposées par les tribunaux, ce qui suscite la méfiance envers les policiers et met les femmes en danger[175].

Pour remédier au problème de la violence sexuelle et fondée sur le genre contre les femmes autochtones, Samantha Michaels a proposé d’assurer la présence d’un agent de liaison avec les familles et d’une policière dans toutes les collectivités inuites[176].

S’il est vrai qu’une formation et des pratiques policières adéquates sont essentielles pour remédier à la violence fondée sur le genre, il n’y a pas assez d’organismes pour offrir des services sociaux et communautaires aux femmes qui subissent cette violence. Par exemple, Mme Michaels a expliqué au Comité qu’il n’y a pas assez de refuges pour femmes ni de ressources pour faire face à la violence familiale au Nunavut, ce qui laisse peu d’options au service local de la GRC pour aider les victimes[177].

Par conséquent, le Comité recommande ce qui suit :

Recommandation 17

Que la Gendarmerie Royale du Canada veille à ce que dans toutes les zones où elle est le service policier responsable de collectivités métisses, inuites et des Premières Nations, un agent de liaison avec les familles soit présent et, dans la mesure du possible, une policière soit disponible pour les crimes liés à la violence fondée sur le sexe.

Recommandation 18

Que le gouvernement du Canada encourage la Gendarmerie Royale du Canada à élaborer un plan d’action contenant des mesures concrètes pour contrer le racisme systémique et la violence à l’égard des femmes autochtones grâce à une approche intersectionnelle qui tient compte des divers types de discrimination dont les femmes autochtones sont victimes et de la façon dont ces types de discrimination s’entrecroisent.

Recommandation 19

Que la Gendarmerie Royale du Canada établisse des programmes et examine ses politiques pour encourager les agents affectés dans des collectivités métisses, inuites, nordiques et des Premières Nations à accepter des affectations plus longues afin de tisser des liens avec les collectivités qu’ils servent.

2.5      La santé mentale, les services sociaux et l’intervention en situation de crise

2.5.1   Augmentation du nombre d’interactions entre les policiers et des personnes en situation de crise

La gestion de crises liées à la santé mentale et les « vérifications du bien‑être » ont été désignées comme des défis majeurs et de plus en plus marqués pour les services de police canadiens. Brenda Lucki, commissaire de la GRC, a déclaré ce qui suit :

Nos appels liés à la santé mentale augmentent de façon exponentielle. Nous avons examiné les statistiques, et il y a près de 10 000 appels uniquement pour des crises de santé mentale[178].

De plus, Dale McFee, chef du Service de police d’Edmonton, estime que « les problèmes sociaux liés à la santé mentale, à la toxicomanie, à la pauvreté et à l’itinérance […] représentent de 80 à 92 % de tous les appels[179] ». Il a fait remarquer qu’il incombe aux services de police de répondre à ces appels autrement qu’aux appels qui concernent des criminels récidivistes, sinon le taux de criminalité sera faussement gonflé, les relations entre les policiers et les collectivités seront compromises et la légitimité perçue se dégradera[180].

Le problème des interventions policières dans les cas de crises de santé mentale ou autres est relié au racisme systémique à plusieurs égards. Le Comité a appris que, souvent, les personnes issues de communautés racialisées n’ont pas accès aux services ni de liens avec ceux‑ci, ce qui fait que, dans la collectivité, les policiers sont la seule source d’aide en cas de crise[181]. En outre, les traumatismes associés à l’expérience du racisme peuvent avoir un effet néfaste sur la santé mentale des Autochtones et des personnes racialisées. Mme Lashley a affirmé ce qui suit :

Le racisme nuit à votre santé. C’est mauvais pour la santé parce que les gens finissent par souffrir d’hypertension, de coronaropathie et de graves problèmes de santé mentale. Il est très fatigant de devoir constamment faire semblant de bien aller pour fonctionner dans une société où le système – pas les gens, mais le système – est conçu pour être contre les gens de couleur[182].

2.5.2   Les services communautaires et les interventions communautaires en situation de crise

De nombreux témoins qui ont comparu devant le Comité, des civils et des policiers, ont insisté sur le fait que des changements sont nécessaires pour répondre adéquatement aux crises liées à la santé mentale dans la collectivité et mettre en place des mesures préventives, afin d’aider les personnes qui ont des problèmes de santé mentale ou d’autres difficultés à obtenir l’aide dont elles ont besoin avant qu’une crise ne survienne. Le Comité s’est fait dire qu’on avait besoin de services de santé mentale et de traitement de la toxicomanie, de services sociaux et de ressources pour lutter contre l’itinérance, car on demande actuellement aux policiers de s’occuper de problèmes sociaux qu’ils ne sont pas en mesure de gérer. Par exemple, Peter Sloly, chef du Service de police d’Ottawa, a déclaré ce qui suit :

La collectivité et la police ne veulent pas être la seule ou même la principale option d’intervention pour chaque appel de service partout et en tout temps. Ce modèle ne répond pas entièrement aux besoins de la collectivité, et il met les policiers dans une position intenable, car ils n’ont pas et ne peuvent tout simplement pas avoir toutes les connaissances, les compétences et les capacités pour réussir à régler de façon cohérente les cas ne relevant pas de la police, plus particulièrement en ce qui concerne des personnes souffrant de problèmes de santé mentale ou de toxicomanie[183].

De même, Brian Sauvé, président de la Fédération de la police nationale, a fait savoir que les membres de son organisme souhaitent voir, tout comme d’autres Canadiens, une augmentation des ressources consacrées aux interventions de première ligne afin d’atténuer la pression exercée sur les membres vulnérables de la société et, par le fait même, sur les services de police[184].

Certains témoins ont fait remarquer que les interventions policières conventionnelles ne fonctionnent pas dans les cas de crises sociales ou liées à la santé mentale et ils préconisent de réorienter les fonds vers des services sociaux et communautaires. D’après Jeffrey Schiffer, des études récentes indiquent que les interventions types des services de police sont inefficaces dans le cas des crises liées à la santé mentale et des vérifications du bien‑être[185]. Des témoins demandent que des fonds affectés au maintien de l’ordre soient plutôt affectés à la prestation de services communautaires et de services en santé mentale. Par exemple, Ruth Goba, directrice exécutive du Black Legal Action Centre, a dit que son organisme recommande la réaffectation « des ressources des budgets de la police vers la santé publique, le logement, le transport en commun, les services à l’enfance, les ressources en santé mentale, les écoles, l’emploi, les centres communautaires et les autres budgets des services sociaux[186] ». En outre, dans un mémoire soumis au Comité, le Congrès des peuples autochtones avance qu’il faut affecter des ressources suffisantes aux programmes communautaires autochtones, notamment « un financement durable à long terme pour le renforcement des capacités des organismes autochtones à l’extérieur des réserves et en milieu urbain[187] ».

Au sujet des demandes récentes visant à « réduire le financement » des services de police, M. Schiffer a déclaré ce qui suit :

À mon avis, il s’agit moins de réduire le financement de la police que de repenser à la façon dont les ressources pourraient être réaffectées à des organismes communautaires afin qu’ils prennent en charge une partie des services liés à la sécurité communautaire, aux problèmes de santé mentale et aux services aux victimes pour les Autochtones et les communautés racialisées[188].

Mme Kotierk, présidente de Nunavut Tunngavik, a évoqué l’insuffisance des services et du soutien en santé mentale au Nunavut, ce qui fait souvent de la GRC la « première ressource » des Inuits pour accéder à des soins, soins qu’ils n’arrivent pas à obtenir dans bien des cas[189]. Des témoins ont proposé de mettre sur pied des systèmes civils d’intervention en cas de crise auxquels participeraient des fournisseurs de services communautaires pour assurer la désescalade des crises. La chef Bill a donné l’exemple d’une structure d’intervention de crise civile actuellement en activité. En effet, le programme d’agents de sécurité communautaire lancé par la Première Nation des Kwanlin Dün fait appel à des Autochtones et à des membres spécialement formés de la communauté qui assurent la liaison entre la communauté et la police et qui peuvent contribuer à la désescalade des crises[190]. Des témoins ont fait remarquer que le retrait de la police des situations où sa présence n’est pas nécessaire peut contribuer à prévenir les effets néfastes du racisme systémique, y compris le recours fréquent à la force contre les personnes racialisées[191] ainsi que des décès impliquant la police[192].

2.5.3   Les partenariats entre la police et le système de santé mentale

Si certains témoins ont parlé de la nécessité d’offrir des systèmes communautaires de santé mentale et de soutien social plus concrets afin de résoudre les crises ou de les prévenir purement et simplement, le Comité a aussi appris que des services de police ont créé des mécanismes internes visant à améliorer les interventions de la police en cas de crise. Par exemple, Tom Stamatakis, président de l’Association canadienne des policiers, a signalé que de nombreux corps policiers canadiens ont recours à des équipes mobiles d’intervention en cas de crise, qui sont constituées d’infirmières formées en santé mentale et de policiers, afin de réagir rapidement aux crises dans la collectivité[193]. Au dire de nombreux témoins, ces partenariats sont utiles et ils permettent d’intervenir efficacement lorsque des crises se produisent dans la collectivité. Par exemple, l’inspecteur Patrick Roy, qui est gestionnaire de l’Équipe mobile d’intervention psychosociale au sein du Service de police de la Ville de Sherbrooke, a expliqué que son équipe est composée d’un policier et d’un travailleur social qui répondent aux appels liés à la santé mentale dans la collectivité[194]. Il a déclaré que le programme connaît un franc succès et qu’il a pris de l’expansion au cours des dernières années en raison des besoins importants en matière de réponse aux appels liés à la santé mentale dans la collectivité[195]. Toutefois, M. Falconer a émis des réserves au sujet de ces équipes, parce qu’elles ne sont pas disponibles en tout temps, que, souvent, on n’y fait pas appel pour désamorcer des conflits et qu’elles interviennent parfois seulement après que les policiers ont maîtrisé la situation[196].

Certains témoins ont également souligné l’importance de reconnaître que les appels liés à la santé mentale se confondent parfois avec les autres appels de service (y compris les appels d’intervention en cas de comportement criminel) et que la santé mentale peut jouer un rôle dans toutes sortes d’interactions avec les forces de l’ordre[197]. Selon M. Stamatakis, dans un monde idéal, les policiers ne devraient pas être les premiers répondants dans les cas de crises liées à la santé mentale, mais ils devront toujours intervenir lorsque la situation représente un danger pour le public[198].

Par conséquent, le Comité recommande ce qui suit :

Recommandation 20

Que le gouvernement du Canada collabore avec les provinces, les territoires, les municipalités et les collectivités autochtones pour assurer un financement adéquat et une responsabilisation appropriée en matière d’interventions en santé mentale et des services d’aide aux victimes.

Recommandation 21

Que le gouvernement du Canada collabore avec la Gendarmerie Royale du Canada et les services policiers municipaux et provinciaux pour encourager le recours à des agents spécialisés en intervention auprès des victimes et en santé mentale disponibles avec les premiers répondants lors de situations nécessitant une désescalade.

Recommandation 22

Que le gouvernement du Canada fournisse des directives et des ressources adéquates à la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la Gendarmerie royale du Canada pour mener un examen indépendant des politiques et des pratiques entourant les activités de la GRC, comme les « vérifications du bien‑être », et pour établir un calendrier des mesures correctrices visant à mettre fin à la violence policière et à assurer la protection et la sécurité des personnes ayant besoin de soutien en santé mentale.

Recommandation 23

Que le gouvernement du Canada collabore avec les provinces et les territoires pour mettre sur pied un groupe de travail dirigé par des Autochtones afin de mieux examiner les services de santé mentale et d’aide aux victimes dont ont besoin les Autochtones en milieu urbain, qui voient leur population augmenter rapidement, et s’assure que les réponses en santé mentale, les services aux victimes, les programmes de sécurité communautaire et de maintien de l’ordre visant les Autochtones en milieu urbain sont dotés des ressources adéquates.

2.6      Le profilage racial, le « fichage », les « contrôles de routine » et la criminalisation des Autochtones et des personnes racialisées

Au Canada, les policiers remplissent un rôle important à titre de gardiens du système de justice pénale et le pouvoir discrétionnaire dont ils disposent leur permet de déterminer, en partie, si le comportement d’une personne est criminel[199]. Des témoins qui ont comparu au cours de la présente étude ont déclaré que les policiers peuvent exercer leurs pouvoirs de manière raciste et que les pratiques et le processus décisionnel des services de police peuvent contribuer aux disparités et à la surreprésentation des Autochtones et des personnes racialisées dans le système de justice pénale. En outre, les inégalités structurelles peuvent entraîner une surveillance excessive des communautés autochtones et racialisées par la police.

2.6.1   La surreprésentation des Autochtones et des personnes racialisées au sein du système canadien de justice pénale et la surveillance policière excessive

De nombreux témoins ont parlé au Comité du taux élevé d’incarcération chez les Autochtones à l’heure actuelle[200]. Le chef Picard a expliqué la situation en ces termes :

De nombreuses études ont confirmé que les membres des Premières Nations sont plus susceptibles d’être détenus par la police à la suite d’une arrestation, le plus souvent sur la base de préjugés et de racisme. Ils sont également plus susceptibles d’être détenus pendant de longues périodes dans le cadre du processus de mise en liberté sous caution. Ils sont plus susceptibles d’être condamnés à une peine d’emprisonnement et, trop souvent, pour de longues périodes. Ils sont plus susceptibles d’être emprisonnés pour non-paiement d’amendes[201].

De même, de nombreux témoins ont affirmé que le racisme systémique entraîne une surreprésentation des personnes racialisées dans le système de justice pénale. En ses qualités de travailleur social et de sociologue, Robert S. Wright a déclaré ce qui suit :

[P]ar rapport au reste de la population, nous faisons l’objet d’une surveillance exagérée par la police, nous écopons d’un nombre disproportionné d’accusations, de poursuites, de déclarations de culpabilité, nous avons des peines plus lourdes, nous sommes traités différemment lorsque nous sommes sous la responsabilité des services correctionnels et nos expériences à ce chapitre sont négatives, nous purgeons nos peines plus longtemps et, par la suite, nous avons plus de mal à faire la transition dans la collectivité, à recevoir une éducation et à décrocher un emploi.
Pour ce qui est des services de police et des relations avec le système de justice pénale, je pense que c’est l’effet que le racisme systémique a tendance à avoir sur les personnes racialisées au Canada[202].

Dans le mémoire qu’elle a présenté au Comité, l’Assemblée des Premières Nations fait remarquer que la surveillance policière excessive, à savoir l’affectation d’une part disproportionnée des ressources policières au maintien de l’ordre au sein des communautés racialisées et autochtones, a des répercussions sur les collectivités des Premières Nations dans « les régions urbaines, rurales et éloignées[203] ». Le chef McCaffrey signale que, « [c]omme les services de police conventionnels ciblent de façon excessive les Autochtones, les Noirs et les autres personnes marginalisées depuis des années, ces personnes ont appris à se méfier considérablement de la police[204] ».

Akwasi Owusu-Bempah a donné l’exemple des arrestations pour des infractions mineures liées à la drogue. Bien que des études menées au Canada et dans d’autres pays donnent à entendre que la consommation de drogue est semblable au sein de différents groupes raciaux, des différences marquées existent entre les groupes en ce qui a trait au nombre d’arrestations pour possession de drogue[205]. Il a tenu les propos suivants :

Même si on peut probablement attribuer ces différences au comportement des policiers et aux politiques et pratiques institutionnelles, la présence policière accrue dans la vie des Noirs et des Autochtones y est aussi pour beaucoup[206].

Il a ajouté que la surveillance policière excessive est une forme de racisme structurel et que le racisme que subissent les Autochtones et les Noirs dans les domaines de l’éducation et de l’emploi les rend plus susceptibles de vivre dans la pauvreté et d’habiter dans des quartiers où le taux de criminalité est élevé et la présence policière, accrue[207].

2.6.2   La discrimination dans le pouvoir discrétionnaire de la police en ce qui concerne le fichage, les contrôles de routine et le profilage racial

Au‑delà de la présence policière accrue auprès des collectivités autochtones et racialisées, des témoins se sont dits préoccupés par le côté discriminatoire du pouvoir discrétionnaire exercé par les policiers lorsqu’ils décident d’intercepter ou d’arrêter une personne, ou de porter des accusations criminelles contre elle.

Par exemple, Mme Samuels-Wortley a expliqué que ses recherches sur l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la police de choisir d’imposer aux adolescents appréhendés pour un crime des mesures autres que des procédures judiciaires, comme le prévoit la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents[208], tendent à indiquer que les jeunes Noirs sont moins susceptibles de bénéficier de ces mesures que les adolescents d’autres origines[209]. Le Comité a aussi entendu des témoignages au sujet du profilage racial, ainsi que du lien qui existe entre ce dernier, le « fichage » et les « contrôles de routine ». La Cour suprême du Canada a circonscrit le terme « profilage racial » dans la décision 2019 CSC 34 qu’elle a rendue dans l’affaire R. c. Le :

[L]a notion de profilage racial s’attache principalement à la motivation des agents de police. Le profilage racial se produit lorsque la race ou les stéréotypes raciaux concernant la criminalité ou la dangerosité sont dans une quelconque mesure utilisés, consciemment ou inconsciemment, dans la sélection des suspects ou le traitement des individus[210].

Autrement dit, le profilage racial est l’application, consciente ou non, de stéréotypes au sujet de groupes raciaux par des policiers lorsque ces derniers décident d’intercepter, de détenir, d’arrêter, d’accuser une personne ou d’imposer à celle‑ci d’autres mesures de maintien de l’ordre. De nombreux témoins ont parlé des pratiques de profilage racial auxquelles se livrent des services de police canadiens. Par exemple, en ce qui concerne le profilage racial contre des Canadiens noirs, Robyn Maynard a déclaré ce qui suit au Comité :

Des études menées à Toronto, à Edmonton, à Montréal, à Halifax et à Vancouver montrent que les Noirs sont arrêtés par la police de deux à six fois plus souvent que les blancs[211].

Ruth Goba, directrice exécutive du Black Legal Action Centre, a fait savoir que des membres de la communauté appellent régulièrement son organisme pour signaler qu’ils ont été ou qu’ils sont la cible de profilage racial. Elle a expliqué que le « fichage » et les « contrôles de routine » sont simplement de nouveaux termes pour désigner le profilage racial, un sujet dont on parle depuis des décennies[212]. Le juge Michael Tulloch a défini le « contrôle de routine » comme ceci : « Renseignements identificatoires obtenus par un agent de police concernant un particulier, à l’extérieur d’un poste de police et hors du cadre d’une enquête[213] ». Il fait une nuance entre les « contrôles de routine » et le « fichage », ce dernier étant défini comme les « situations dans lesquelles un agent de police demande, dans un cadre aléatoire, à un particulier de fournir des renseignements identificatoires alors que ledit particulier n’est soupçonné d’aucun crime et qu’il n’y a aucune raison de croire qu’il détient de l’information à propos d’un crime[214] ». Néanmoins, les termes « fichage » et « contrôle de routine » sont souvent employés de manière interchangeable pour désigner la détention d’une personne par la police afin d’obtenir des renseignements sur l’identité de cette personne ou sur un autre sujet. Tant les « contrôles de routine » que le « fichage » peuvent impliquer du profilage racial.

De nombreux témoins ont affirmé que la pratique actuelle du contrôle de routine ou de « fichage » au Canada sert à cibler les communautés racialisées. Robert S. Wright a parlé des contrôles de routine et du « fichage » que subissent actuellement les habitants noirs d’Halifax. En dépit des efforts déployés par la communauté pour que cette pratique soit interdite et des nombreux rapports publiés sur le sujet, la pratique perdure, a‑t‑il expliqué[215]. Mme Samuels-Wortley, quant à elle, a fait remarquer que plusieurs études menées dans des villes canadiennes ont révélé que les hommes noirs « sont largement surreprésentés dans les statistiques officielles des contrôles de routine[216] ». D’après elle, les recherches indiquent que :

[L]es différences raciales en matière d’interaction avec la police subsistent même après la prise en compte d’autres facteurs pertinents tels que le sexe, la classe sociale, les caractéristiques du quartier et le comportement criminel.
Autrement dit, on ne peut expliquer par la pauvreté ou la criminalité les différences raciales dans les interactions avec la police. La race est un facteur important. Si vous êtes un Noir au Canada, la question n’est pas de savoir si vous serez arrêté, mais quand[217].

Pour sa part, le ministre Blair a condamné le profilage racial : 

[L]e profilage racial, comme tout geste posé par un policier en fonction de ses biais personnels, est non seulement inacceptable et odieux, mais contraire à la loi. Il est contraire à […]la Loi canadienne sur les droits de la personne et contraire à la Charte des droits et libertés, la loi ayant préséance sur toutes les autres au Canada[218].

En ce qui concerne le problème du profilage racial et les pratiques connexes que sont le « fichage » et les « contrôles de routine », certains témoins préconisent leur interdiction. Par exemple, M. Babineau recommande l’adoption d’une loi contre le profilage racial[219] et M. Wright réclame une « directive nationale » interdisant les contrôles de routine[220].

2.6.3   La justice réparatrice et d’autres mesures pour s’attaquer à la criminalisation des Autochtones et des personnes racialisées

Des témoins ont affirmé que les programmes de justice réparatrice et les mesures de déjudiciarisation contribuent à réduire le taux d’incarcération des Autochtones et des personnes racialisées. Certains témoins estiment que les programmes de justice réparatrice peuvent offrir une voie différente de celle de la criminalisation aux communautés autochtones et racialisées et qu’ils contribuent à tenir les gens à l’écart du système de justice pénale[221]. Le Comité a également appris que l’accès à des programmes de déjudiciarisation est insuffisant dans certaines régions canadiennes, dont le Nunavut[222].

En ce qui concerne la surreprésentation des Canadiens d’origine africaine dans le système de justice pénale, le Black Legal Action Centre a recommandé au gouvernement fédéral d’adopter la mesure suivante, à savoir :

[L’é]laboration et [la] mise en œuvre d’une stratégie nationale en matière de services correctionnels pour s’attaquer au taux disproportionnellement élevé d’Afro-Canadiens dans le système correctionnel et pour assurer des services antidiscriminatoires et adaptés à la culture des délinquants afro-canadiens[223].

En outre, Bryan Larkin a exposé le projet proposé par l’Association canadienne des chefs de police (ACCP) pour décriminaliser la simple possession de drogues illicites. Il a fait observer que l’ACCP préconise la mise en place de services policiers qui suivent un « modèle axé sur la santé publique[224] », car, à son avis, à l’heure actuelle : « Nous criminalisons la toxicomanie. Nous criminalisons l’itinérance. Nous criminalisons de nombreux problèmes qui devraient être orientés [ailleurs][225]. » Mme Maynard, quant à elle, estime que la « décriminalisation pourrait avoir une incidence considérable sur le bien-être des communautés noires[226] ».

Par conséquent, le Comité recommande ce qui suit :

Recommandation 24

Que le gouvernement du Canada décriminalise la possession simple de toutes les drogues illicites, comme l’ont demandé l’Association canadienne des chefs de police et les responsables de la santé publique.

Recommandation 25

Que le gouvernement du Canada offre des pardons à toutes les personnes reconnues coupables de possession simple de toutes les drogues illicites.

Recommandation 26

Que le gouvernement du Canada adopte une politique nationale interdisant le profilage racial et d’autres formes d’identification sélective ainsi que l’enregistrement de la présence de membres du public autrement qu’à des fins d’enquête et dénonce ces pratiques comme étant discriminatoires et contraires à la Charte canadienne des droits et libertés.

Recommandation 27

Que le gouvernement du Canada augmente le financement accordé pour s’assurer que les programmes de justice réparatrice sont efficaces et offerts aux Noirs, aux Autochtones et aux autres personnes racialisées partout au Canada.

Recommandation 28

Que le gouvernement du Canada modifie la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents afin de garantir l’application impartiale par le policier de mesures de rechange discrétionnaires au placement sous garde lors de l’arrestation d’un jeune qui a commis un crime pour que des mesures de rechange soient offertes équitablement à tous les jeunes, et que des procédures ou des lignes directrices précises soient rédigées pour préciser les crimes qui peuvent faire l’objet de mesures de rechange et ainsi assurer un accès équitable à ce privilège.

Recommandation 29

Que le gouvernement du Canada élabore une stratégie nationale afin de remédier au taux disproportionné d’Autochtones et de Noirs dans le système de justice pénale et d’offrir des services antidiscriminatoires et adaptés sur le plan culturel aux Autochtones et aux Noirs.

2.7      Le recours à la force par les policiers contre les Autochtones et les personnes racialisées

2.7.1   Le recours à la force par les policiers

Tout au long de son étude sur le racisme systémique au sein des services policiers au Canada, le Comité a entendu de nombreux témoins s’inquiéter du recours excessif et inutile à la force contre les Autochtones et les personnes racialisées par les policiers. Des témoins ont affirmé qu’une proportion excessive d’Autochtones et de personnes racialisées essuient l’usage de force par les policiers ou décèdent au cours d’interventions policières[227]. Par exemple, on a dit au Comité que les Inuits sont victimes de violence policière dans une mesure disproportionnée et qu’ils affichent un taux de décès impliquant la police relativement élevé par rapport à d’autres groupes[228]. Le Comité a aussi appris qu’à Toronto, les Noirs sont plus susceptibles que les blancs d’être la cible d’usage de force par les policiers, qui emploient d’ailleurs une force supérieure à leur endroit[229]. M. Owusu-Bempah a toutefois signalé qu’on ne connaît pas toute l’ampleur du recours à la force par les policiers au Canada, car les données à cet égard ne sont pas recueillies systématiquement par tous les services de police du pays[230].

Le Comité a aussi appris que le recours à la force par les policiers est relativement rare au Canada et qu’il se produit dans moins de 1 % des appels[231]. En outre, Christian Leuprecht a déclaré que, au Canada, le recours à la force par les policiers respecte la plupart du temps le Cadre national de l’emploi de la force, qui représente la norme juridique à cet égard[232].

Afin de réduire la surreprésentation des Autochtones et des personnes racialisées parmi les gens envers lesquels les policiers ont recours à la force, certains témoins ont proposé de passer en revue et de réformer les lois qui encadrent l’usage de la force et la légitime défense. S’il est vrai que les lois fédérales et provinciales peuvent avoir une influence sur l’usage de la force par les policiers, il n’en reste pas moins que c’est le Code criminel fédéral qui renferme les moyens de défense encadrant l’emploi de la force par les policiers et les autres personnes qui prennent part à l’administration ou à la mise en application de la loi[233]. De plus, le Code criminel renferme des dispositions sur la légitime défense qui s’appliquent à quiconque, y compris un agent de police, utilise une force raisonnable pour se protéger d’une personne qui emploie ou menace d’employer de la force contre lui ou elle[234]. Puisque l’emploi de la force sans justification légale peut constituer une infraction criminelle ou un délit civil, les normes établies dans les dispositions du Code criminel régissant les moyens de défense et la légitime défense orientent fortement la loi canadienne en ce qui concerne l’emploi de la force. Allen Benson a fait remarquer au Comité que, à son avis, les dispositions du Code criminel sur les moyens de défense fournissent une définition « très vague[235] » du « recours à une force raisonnable », ce qui donne lieu à des divergences entre les cadres de référence et les politiques sur l’emploi de la force mis en application par les services de police provinciaux et municipaux d’un bout à l’autre du Canada[236]. Il estime qu’il faut élaborer une norme fédérale qui définit clairement le recours à la force, en consultation avec des civils, des femmes, des Autochtones et des groupes minoritaires, puis intégrer cette norme au Code criminel et à la loi fédérale sur les services de police[237]. Pour apporter des éclaircissements aux lois fédérales qui régissent la légitime défense, qui peuvent aussi s’appliquer au recours à la force par les policiers, M. Roach a recommandé ce qui suit : « Le Parlement devrait préciser que la légitime défense raisonnable ne peut pas être fondée sur des craintes racistes, même si celles-ci sont réelles et subjectives[238]. » De plus, en ce qui a trait aux politiques policières visant l’usage de la force, le vice‑chef Teegee a recommandé la mise en place de « politiques de tolérance zéro » à l’égard de l’usage de force excessive[239].

2.7.2   La désescalade

Par ailleurs, on a dit au Comité que les politiques et la formation sur la désescalade au sein des services de police sont dignes d’intérêt pour remédier à l’usage disproportionné de la force contre les Autochtones et les personnes racialisées. Selon Michelaine Lahaie, la formation des policiers en matière de désescalade est essentielle lorsque ceux‑ci interviennent dans des situations comme les « vérifications de l’état de santé[240] ».

De nombreux témoins préconisent une formation accrue des policiers en matière de désescalade[241]. D’après M. Owusu-Bempah, il faudrait qu’une plus petite partie de la formation des policiers soit axée sur les compétences physiques, comme la natation, l’utilisation des armes à feu et les poursuites à grande vitesse, et une plus grande partie sur la désescalade et les relations entre les policiers et le public[242]. Lorraine Whitman a indiqué qu’au cours d’une réunion avec la commissaire Lucki, elle avait réclamé une collaboration entre la GRC et les Autochtones pour mettre sur pied de nouveaux protocoles de désescalade conçus pour les Autochtones, avec la participation de ces derniers[243]. M. Falconer estime, à la lumière de son expérience de travail dans des enquêtes sur des décès impliquant la police, que les services de police ont échoué maintes fois à réorienter leurs ressources d’un « concept militariste[244] » du maintien de l’ordre vers des mesures de désescalade.

Par conséquent, le Comité recommande ce qui suit :

Recommandation 30

Que le gouvernement du Canada travaille en consultation avec des civils, des peuples Autochtones, des Noirs et d’autres Canadiens racialisés pour examiner le cadre fédéral sur le recours à la force et s’assurer qu’il :

  • définit plus en détail en quoi consiste le recours à une force raisonnable;
  • précise les exigences en matière d’utilisation opérationnelle de la désescalade;
  • donne la priorité à la désescalade dans la philosophie, les tactiques et la formation en matière de recours à la force;
  • adopte comme principe directeur le recours à la force la plus faible possible dans une situation donnée; et
  • exige une formation continue adéquate des agents.

Recommandation 31

Que le gouvernement du Canada demande à la Gendarmerie Royale du Canada de créer une base de données nationale sur le recours à la force désagrégées par race, couleur, origine ethnique, origine nationale, sexe et autres identités; recueille régulièrement ces données en élaborant une politique nationale rendant obligatoire la collecte de ces données et publie régulièrement les données recueillies.

Recommandation 32

Que le gouvernement du Canada collabore avec les provinces, les territoires, les services de police et les chefs de police de partout au pays afin de créer une base de données semblable regroupant l’ensemble des services de police canadiens.

Recommandation 33

Que la Gendarmerie Royale du Canada applique sa politique de « tolérance zéro » à l’égard du recours excessif à la force et qu’il y ait des conséquences graves, que le recours à la force ait ou non dépassé le seuil prévu en droit pénal.

2.8      La formation sur la sensibilisation culturelle, l’antiracisme, les préjugés implicites et la diversité

Tout au long de l’étude sur le racisme systémique au sein des services policiers au Canada, le Comité a été sensibilisé à l’importance d’offrir de la formation aux policiers afin de promouvoir la sensibilisation culturelle, d’éviter les préjugés et le racisme et de favoriser la diversité. De nombreux témoins ont insisté sur l’importance de la formation afin que les agents disposent des outils nécessaires pour travailler avec les différentes cultures et communautés avec lesquelles ils interagissent et qu’ils apprennent l’histoire du racisme et du colonialisme au Canada. Certains ont également laissé entendre que la formation peut donner aux policiers la capacité de reconnaître leurs propres préjugés et les aider à offrir des services exempts de discrimination raciale. Par exemple, Mme Omeniho a déclaré ce qui suit :

Il est nécessaire de procéder à une rééducation complète de l’ensemble du système policier. Cette formation doit aller au-delà d’une simple formation interculturelle et doit amener le système et les participants à examiner pleinement leurs préjugés, qu’ils soient manifestes ou inconscients[245].

En ce qui concerne la formation sur la sensibilisation culturelle et les préjugés offerte actuellement aux agents de la GRC, la commissaire Lucki a parlé au Comité de l’« exercice général », au cours duquel un aîné autochtone enseigne aux cadets « l’histoire des cultures autochtones[246] » et où l’on explique aux cadets les répercussions de leurs actes sur le terrain. Elle a ajouté que les cadets suivent un cours en ligne obligatoire sur la sensibilisation culturelle ainsi qu’une formation sur les approches qui tiennent compte des traumatismes pour intervenir auprès des victimes d’actes criminels[247]. Elle a aussi précisé que, lorsqu’ils sont affectés à leur division, les agents de la GRC doivent suivre un « cours [d’une semaine] sur les perceptions autochtones[248] » propres à la province où ils travailleront.

De nombreux témoins ont insisté sur l’importance de former les policiers pour qu’ils comprennent les expériences historiques et contemporaines des Autochtones et des personnes racialisées habitant dans les collectivités qu’ils servent. Par exemple, Mme Sharpe a indiqué que les non‑Inuits qui s’occupent du maintien de l’ordre dans les collectivités inuites doivent recevoir une formation spécialisée pour acquérir des compétences culturelles[249]. Mme Samuels‑Wortley a fait remarquer que, lorsque les policiers commencent leur formation, il faut leur enseigner l’histoire du colonialisme et de l’esclavage au Canada afin qu’ils comprennent ce qu’est le racisme systémique[250]. Le sénateur Vernon White, qui a été commissaire adjoint de la GRC, a expliqué qu’à l’époque où il travaillait au Yukon, les agents de la GRC suivaient des cours dans les collectivités des Premières Nations et étaient encadrés par des aînés de l’endroit. Selon lui, ce système présentait l’avantage de permettre aux agents de créer des liens avec ces collectivités et d’apprendre à les connaître[251]. Eleanor Sunchild, qui est avocate, a soumis au Comité un mémoire dans lequel elle recommande d’offrir aux policiers « une formation sur les particularités culturelles qui comprend des interactions directes avec les populations autochtones qu’ils ont l’intention de servir[252] ». Mme Omeniho, quant à elle, estime que les services de police devraient donner aux policiers une formation sur l’histoire et les besoins propres à la communauté métisse et établir une meilleure communication avec celle‑ci grâce à la mise en place de conseils consultatifs représentatifs faisant appel à des membres de la communauté[253]. Le vice‑chef Teegee a souligné le fait que nombre d’Autochtones ayant des démêlés avec la police habitent dans des centres urbains et il estime que les services de police urbains doivent recevoir de la formation sur le colonialisme ainsi que sur le vécu et les points de vue des Autochtones[254].

Certains témoins sont toutefois sceptiques quant à l’utilité d’offrir davantage de formation aux policiers pour combattre le racisme systémique, et certains ont averti le Comité qu’il ne faut pas croire que la formation à elle seule réglera adéquatement ce problème. Par exemple, M. Schiffer a expliqué qu’une vaste étude ayant évalué la formation, la promotion de l’inclusion et l’établissement d’initiatives de responsabilité institutionnelle par les services de police a révélé que c’est la formation qui a le moins d’incidence sur le racisme systémique. De plus, bien que le recours simultané aux trois stratégies puisse donner des résultats positifs, « le racisme systémique de la police est motivé par un vaste ensemble d’éléments individuels, de groupe, institutionnels et sociaux[255] ». Par ailleurs, Mme Samuels-Wortley a insisté sur l’importance d’évaluer l’efficacité des initiatives de formation sur l’antiracisme afin de déterminer leur incidence sur la manière dont les policiers offrent leurs services à la collectivité[256].

Par conséquent, le Comité recommande ce qui suit :

Recommandation 34

Que le gouvernement du Canada s’assure que la Gendarmerie Royale du Canada travaille en collaboration avec les collectivités métisses, inuites et des Premières Nations en vue d’établir un comité consultatif composé d’aînés, de dirigeants communautaires et d’animateurs culturels pour que les pratiques et les procédures des services policiers répondent aux besoins de la collectivité.

Recommandation 35

Que la Gendarmerie Royale du Canada bonifie sa formation pour s’assurer qu’elle aborde la désescalade, les préjugés implicites, la violence fondée sur le genre, les différentes cultures et l’histoire du colonialisme et de l’esclavage au Canada.

Recommandation 36

Que la Gendarmerie Royale du Canada oblige les agents à suivre une formation sur le savoir-faire culturel propre à la région élaborée en collaboration avec les collectivités des personnes racialisées, des Premières Nations, des Inuits et des Métis dans lesquelles ils travailleront.

2.9      La représentativité des services de police canadiens par rapport à la diversité raciale, culturelle et linguistique

À maintes reprises, le Comité a entendu des témoins mentionner l’importance de la représentativité des services de police dans les collectivités où ils travaillent et de la promotion de la diversité au sein des corps policiers. De plus, de nombreux témoins ont parlé des obstacles qui entravent actuellement le recrutement d’Autochtones et de personnes racialisées au sein des services de police canadiens.

La commissaire Lucki a déclaré au Comité que la GRC souhaite se doter d’un effectif plus diversifié qui est le reflet des collectivités où elle travaille et que l’organisme s’emploie à éliminer les préjugés involontaires dans ses politiques de recrutement ou sa formation[257]. Selon la commissaire Lucki, les données d’auto‑identification recueillies auprès des agents de la GRC révèlent que 78 % d’entre eux sont des hommes et 21 %, des femmes; 11,5 % font partie d’une minorité visible; 7,5 % sont des Autochtones et 1,6 % sont des personnes handicapées[258].

Plusieurs témoins ont exprimé des préoccupations au sujet de la diversité et de la représentativité actuelles au sein de la GRC, en particulier en ce qui concerne son travail auprès des collectivités autochtones. Par exemple, Mme Kotierk et M. Obed ont informé le Comité qu’un nombre insuffisant d’agents de la GRC inuits assurent les services policiers dans les collectivités inuites[259]. M. Obed a précisé qu’en date de septembre 2019, il y avait seulement trois Inuits sur les 131 agents permanents de la GRC en poste au Nunavut et trois agents sur les 70 agents en poste au Nunavik[260]. Il a indiqué qu’il est essentiel que la GRC recrute davantage d’Inuits et de personnes qui parlent inuktitut pour établir un lien de confiance avec les collectivités inuites et améliorer la communication entre les policiers et la population inuite[261]. Mme Kotierk a expliqué ce qui suit :

[L]e Nunavut est un cas assez unique parmi les diverses administrations : c’est la seule administration avec une population autochtone majoritaire dont la langue première n’est pas l’une des deux langues officielles du Canada. Il est donc extrêmement important que les policiers et leurs employés soient capables de comprendre la culture inuite et de comprendre l’inuktitut[262].

M. Obed estime que le fait de s’exprimer en inuktitut et de posséder les connaissances culturelles des Inuits au sujet de leurs communautés n’est pas valorisé dans le cadre des ressources humaines de la GRC. D’après lui, cela doit changer[263].

Des témoins ont mentionné qu’il existe plusieurs obstacles potentiels au recrutement d’un plus grand nombre d’agents de la GRC d’origine inuite. Parmi ces obstacles, on compte notamment le caractère itinérant du service de police de la GRC, qui exige que les agents déménagent régulièrement d’une collectivité à une autre au lieu de pouvoir travailler dans leur collectivité d’origine[264]. Pour d’autres témoins, la culture de la GRC elle-même pourrait constituer un obstacle au recrutement. Par exemple, M. Wright a dit ce qui suit au sujet du maintien de l’ordre dans le Nord :

Or, le fait de demander aux peuples autochtones de s’entraîner à une forme coloniale de maintien de l’ordre pour veiller à l’application de la loi dans leurs propres communautés, c’est en fait leur demander d’adhérer à une lutte d’identité interne avant même d’avoir commencé à travailler[265].

Des témoins ont également fait part de leurs préoccupations au Comité au sujet de l’histoire et de la culture de la GRC, dans le contexte général du recrutement d’agents de police autochtones. Par exemple, Lorraine Whitman a souligné qu’en raison du rôle joué par la police dans le dossier des pensionnats et la rafle des années 1960, les Autochtones ne souhaitent pas faire partie de quelque chose qui a été « si négatif et si douloureux[266] ». En revanche, le chef McCaffrey a répondu que le recrutement et le maintien en poste d’agents de police ne posent pas de problème pour le Wikwemikong Tribal Police Service. Il a dit ce qui suit à ce sujet :

[Cela ne pose pas de problème] tout simplement parce que notre communauté nous appuie. Grâce à cet appui, nous pouvons collaborer avec la communauté et offrir des séances de recrutement qui attirent des gens de la communauté[267].

M. Owusu-Bempah a expliqué au Comité qu’il est important d’examiner l’expérience vécue par les agents racialisés au sein des services de police lorsqu’on cherche à régler le problème du racisme systémique. Il a déclaré ce qui suit :

Partout au pays, de nombreux services de police ont déployé de grands efforts pour accroître la diversité de leurs effectifs. Par diversité, j’entends les différences dans l’apparence des agents. Malheureusement, selon mes propres recherches, les agents racialisés n’ont pas l’impression d’être inclus dans la sous-culture policière ni de faire partie de la fraternité des policiers, et j’utilise le mot « fraternité » sciemment. On ne leur attribue pas certaines tâches et assignations à des secteurs, et ils sont souvent écartés lors d’une promotion[268].

En ce qui concerne la GRC, M. Leuprecht a attiré l’attention du Comité sur le rapport annuel de 2019 du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, qui révèle que les personnes issues de minorités visibles sont sous‑représentées dans la GRC, notamment aux échelons supérieurs, et qui atteste de la résistance à la diversité et à l’inclusion au sein de l’organisation[269].

Par conséquent, le Comité recommande ce qui suit :

Recommandation 37

Que le gouvernement du Canada, en collaboration avec les collectivités métisses, inuites et des Premières Nations, accorde la priorité au recrutement d’Autochtones et de femmes au sein des services policiers autochtones.

Recommandation 38

Que le gouvernement du Canada incite la Gendarmerie royale du Canada à favoriser la diversité dans le recrutement à tous les niveaux de l’organisation pour refléter adéquatement les collectivités qu’elle sert, plus particulièrement dans le but de recruter davantage de femmes, d’Autochtones et de personnes racialisées.

Recommandation 39

Que la Gendarmerie royale du Canada soit encouragée à examiner son processus de vérification auprès de ses recrues pour s’assurer que celles qui ont des préjugés contre, les Autochtones, les personnes racialisées et les femmes soient renvoyées.

Recommandation 40

Que la Gendarmerie royale du Canada soit invitée à tenir compte des compétences en langues inuites et des connaissances communautaires des agents lors de l’évaluation de leur candidature et des décisions relatives à leur déploiement.

2.10   La collecte et la diffusion de données fondées sur la race

Il est important de disposer de données désagrégées fondées sur la race pour cerner les problèmes associés aux politiques et aux pratiques policières qui peuvent avoir des effets racistes, et évaluer les résultats des réformes destinées à réduire le racisme systémique. De nombreux participants à la présente étude préconisent la collecte de données désagrégées fondées sur la race et de données propres aux Autochtones dans le contexte du maintien de l’ordre au Canada, car ils estiment que ces renseignements sont nécessaires pour comprendre et atténuer les effets du racisme systémique sur les Canadiens. « Lorsque des données sont recueillies, il est possible de comprendre où se situe la disparité, où se situe la différence, et de la corriger[270] », a déclaré Mme Goba. De son côté, Fo Niemi, directeur exécutif du Centre de recherche‑action sur les relations raciales, a affirmé que la nécessité de recueillir des données fondées sur la race dans le contexte du maintien de l’ordre est d’ordre scientifique, car il est impossible de prendre des décisions qui s’appuient sur des données probantes en matière de politiques publiques s’il n’y a pas de données fondées sur la race, a‑t‑il indiqué[271]. Le Comité a appris que des experts des droits de la personne considèrent que la collecte de données désagrégées fondées sur la race constitue une étape importante lorsqu’on cherche à éliminer le racisme systémique[272].

Les responsables de la police fédérale aussi ont dit au Comité qu’ils sont conscients de l’importance des données fondées sur la race pour lutter contre le racisme. En effet, le ministre Blair a fait valoir que ces données sont « nécessaires et précieuses[273] », et la commissaire de la GRC, Brenda Lucki, a dit qu’elles sont « cruciales[274] » pour examiner les disparités raciales et les moyens de les réduire.

Des témoins ont désigné plusieurs types de données fondées sur la race qu’il est utile de recueillir, notamment en ce qui concerne :

  • les interpellations, les fouilles et les arrestations par les policiers[275];
  • le taux d’interception à la suite des interpellations[276];
  • le nombre d’accusations qui sont abandonnées par la Couronne[277];
  • les cas d’usage de la force[278].

En ce qui concerne les données sur le recours à la force par les policiers, M. Owusu‑Bempah propose de créer une base de données nationales à ce sujet, car, les renseignements n’étant pas recueillis systématiquement à l’heure actuelle, on ignore dans quelle mesure les policiers ont recours à la force au Canada et, en conséquence, le gouvernement, les décideurs et les chercheurs n’ont pas accès à cette information[279]. Dans le même ordre d’idées, M. Leuprecht souligne la nécessité de compiler systématiquement les statistiques sur le recours à la force partout au Canada afin de cerner les problèmes existants[280].

Or, bien que le Comité ait observé un consensus parmi de nombreux témoins quant à la nécessité de recueillir des données fondées sur la race, certains ont dit qu’il fallait faire preuve de prudence lors de la collecte et de l’utilisation de ces données, notamment en assurant la mise en place de politiques et de pratiques adéquates pour éviter que les données soient employées de manière abusive. Par exemple, M. Wright a informé le Comité qu’il est important de veiller à ce que les personnes responsables de traiter et d’analyser ces données comprennent le racisme systémique et disposent des connaissances et des compétences requises pour procéder à une analyse raciale critique afin d’éviter que les données servent à renforcer des stéréotypes racistes[281]. De plus, M. Owusu-Bempah a fait valoir que les données recueillies doivent être « exhaustives[282] », car des données fragmentaires pourraient être utilisées d’une manière qui stigmatiserait davantage certains groupes et ainsi mener à la création de politiques qui accentueraient leur marginalisation.

Par ailleurs, la mise en place de mesures concrètes à la suite de la collecte de données est un sujet de préoccupations pour certains. Benson Cowan, directeur général de la Commission des services juridiques du Nunavut, a souligné l’importance de veiller à ce que la collecte de données entraîne des changements stratégiques et il a fait remarquer que même lorsque des données montrent clairement les inégalités présentes dans le système de justice, il y « a encore un grand écart entre ce qu’elles disent et la façon dont elles éclairent les choix stratégiques et opérationnels des institutions[283] » qui en font partie.

Outre la collecte des données, l’accès aux données de la police est une source de préoccupations pour certains témoins. Le Comité a appris que le seul moyen pour les civils et les militants d’avoir accès à des données policières consiste à s’adresser au service qui les détient et qu’il est difficile d’obtenir ces renseignements, même quand leur diffusion est prévue par la loi[284]. Mme Samuels‑Wortley, qui estime que les services de police doivent faire preuve d’une plus grande transparence pour qu’on puisse attester les cas de racisme et évaluer les interventions, a déclaré ce qui suit :

Il faut améliorer la collecte, l’accès et la diffusion des données fondées sur la race. Il faut aussi un engagement à travailler avec des chercheurs, y compris des chercheurs de couleur, qui sont prêts à mener des enquêtes cruciales sur les pratiques en matière de maintien de l’ordre. Nous ne pouvons plus compter sur des chercheurs qui se contentent de donner à la police les réponses qu’elle veut[285].

Des dirigeants de services de police ont parlé de changements qui ont été apportés récemment afin que des données fondées sur la race soient recueillies pour orienter les changements stratégiques. Par exemple, le chef Nishan Duraiappah a informé le Comité qu’il est en train de mettre en place les structures nécessaires à la collecte de données fondées sur la race afin de cerner les pratiques discriminatoires qui ont cours dans son organisation pour y mettre un terme[286]. Le chef Bryan Larkin a parlé du fait que l’Association canadienne des chefs de police s’est engagée à collaborer avec Statistique Canada pour recueillir des données sur l’identité autochtone et ethnoculturelle dans les statistiques sur les crimes déclarés par la police concernant les victimes et les accusés, y compris des facteurs importants pour « évite[r] la stigmatisation des communautés[287] ».

Par conséquent, le Comité recommande ce qui suit :

Recommandation 41

Que le gouvernement du Canada s’assure qu’une analyse raciale critique soit appliquée à toutes les données policières désagrégées fondées sur la race recueillies afin d’éviter que la façon dont elles sont utilisées stigmatise et marginalise davantage les personnes racialisées et les Autochtones.

Recommandation 42

Que le gouvernement du Canada oblige la Gendarmerie royale du Canada à recueillir et à publier des données nationales complètes et désagrégées sur la race couvrant les interactions de la police avec le public.

2.11   « Le rapport Bastarache »

Le Comité a été fortement secoué par le témoignage de l’hon. Michel Bastarache à propos de son rapport intitulé Rêves brisés, vies brisées : Les effets dévastateurs du harcèlement sexuel sur les femmes au sein de la GRC[288] (aussi appelé « le rapport Bastarache »), qui brosse un tableau des actes et des comportements épouvantables de sexisme, d’homophobie et de racisme au sein de la GRC. Le 7 décembre 2020, le Comité a adopté une motion visant à tenir compte de la témoignage de l’hon. Michel Bastarache et les sections pertinentes du rapport Bastarache dans le cadre de son étude et à inviter le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile ainsi que la commissaire de la GRC à témoigner su sujet de ce rapport[289].

Le rapport Bastarache présente les témoignages entendus au cours de l’évaluation de 3 086 plaintes de discrimination fondée sur le sexe ou l’orientation sexuelle à propos d’incidents qui se sont produits alors que les réclamantes travaillaient pour la GRC. Les conduites décrites comprennent des schémas systémiques de discrimination fondée sur le sexe, l’orientation sexuelle et la race, ainsi qu’une culture organisationnelle caractérisée par la misogynie, l’homophobie, le racisme et la violence interpersonnelle, y compris la violence sexuelle. Le rapport fait également état des inégalités structurelles qui empêchent les femmes et les personnes LGBTQ2E+ d’obtenir des promotions, de la formation et des affectations au même titre que d’autres candidats, ainsi que des représailles exercées à l’égard des personnes qui tentent de porter plainte ou d’obtenir réparation pour cause de discrimination. Dans un très grand nombre de cas, les comportements ayant mené aux plaintes étaient non seulement discriminatoires, mais criminels, comme les cas d’agression sexuelle et 131 cas de viol[290]. Si certaines des conduites exposées ont eu lieu entre le 16 septembre 1974 et le 30 mai 2017, l’hon. Michel Bastarache a indiqué au Comité que des réclamantes ont dénoncé des situations de harcèlement professionnel qui ont lieu actuellement au sein de la GRC, en dépit des changements apportés pour lutter contre le harcèlement fondé sur le sexe et l’orientation sexuelle[291]. Le rapport Bastarache présente 52 recommandations pour régler les problèmes mis en évidence pendant le processus d’évaluation des plaintes.

Le harcèlement, la discrimination et la violence à l’égard des femmes et des personnes LGBTQ2E+ dont il est question dans le rapport Bastarache ont eu des répercussions profondes. Certaines personnes ont subi des blessures psychologiques graves, comme un état de stress post‑traumatique, des idées suicidaires, des atteintes à l’estime de soi et à la vie familiale, une perte de confiance, ainsi que des sentiments de colère et d’humiliation[292].

Le rapport Bastarache expose comme suit la discrimination aggravée que subissent les membres autochtones, racialisés et LGBTQ2E+ de la GRC :

Les femmes LGBTQ2S+ ou les femmes d’origine autochtone ou d’une autre origine ethnique étaient souvent encore plus mal traitées. Elles étaient victimes de discrimination et de harcèlement en raison de leur orientation sexuelle ou de leur race ainsi que de leur sexe[293].

Au cours de son témoignage devant le Comité, l’hon. Michel Bastarache a qualifié de « toxique[294] » la culture interne de la GRC et il a souligné que, si de nombreuses réclamantes ont affirmé que certains membres de la GRC ont un comportement correct, « elles ont indiqué que même ces derniers se sentaient souvent contraints d’accepter la culture dominante et restaient silencieux face à l’injustice[295] ». À ce sujet, le rapport Bastarache énonce ce qui suit :

Ce que j’ai appris en examinant les réclamations et en parlant aux réclamantes m’a amené à conclure qu’une culture toxique règne à la GRC. Cette culture s’est révélée impossible à changer malgré les nombreux rapports et les frais de litige élevés et encourage, ou à tout le moins tolère, les attitudes misogynes, racistes et homophobes chez de nombreux membres de la GRC. De telles attitudes causent du tort et sont incompatibles avec la valeur d’égalité inscrite dans la Charte. Il ne faut pas les laisser perdurer[296].

Dans son rapport, l’hon. Michel Bastarache prend acte des rapports antérieurs appelant à une restructuration en profondeur de la GRC. Voici ce qu’il a écrit :

Je suis d’avis qu’il est très peu probable que le changement de culture vienne de l’intérieur de la GRC. Cette dernière a eu de nombreuses années pour procéder, a fait l’objet de nombreux rapports et recommandations, et pourtant les comportements inacceptables continuent de se produire. Les femmes qui étaient en faveur d’un nouveau départ étaient d’avis qu’elles seraient mieux acceptées en tant que femmes au sein d’une organisation policière fédérale moderne. Je crois que le moment est venu pour le gouvernement du Canada de poser des questions difficiles sur la structure et la gouvernance des services de police fédérale[297].

Le rapport Bastarache fait état de comportements irrespectueux à tous les échelons de la hiérarchie de la GRC et mentionne qu’en dépit de plusieurs rapports ayant fourni de bonnes recommandations pour régler les problèmes systémiques au sein de l’organisation, et malgré les modifications apportées aux politiques et aux lois, les réclamantes sont d’avis que les changements n’ont pas été mis en œuvre adéquatement et que le pouvoir discrétionnaire a été exercé pour passer outre à leurs objectifs[298]. Comme on peut lire dans le rapport : « La culture ne fait qu’une bouchée de la politique à tous les coups[299]. »

Le rapport Bastarache présente des recommandations formulées par certaines femmes rencontrées, qui proposent :

[…] la création d’une commission royale d’enquête pour étudier les options concernant l’avenir de la GRC, y compris des modifications importantes de son mandat, de sa structure et de sa gouvernance, et l’option de créer un nouveau service de police fédéral[300].

Le rapport demande au gouvernement fédéral d’envisager la mise sur pied de cette commission d’enquête indépendante[301].

3.        Conclusion

À la lumière des témoignages entendus et des mémoires reçus, le Comité reconnaît que le racisme systémique au sein des services policiers au Canada est un problème réel et très préoccupant qu’il est urgent de régler. Comme l’ont souligné de nombreux témoins tout au long de la présente étude, de très nombreuses études ont été entreprises et maints rapports ont été rédigés depuis des décennies sur différents aspects du racisme au sein des services de police au Canada, mais les problèmes soulevés et les recommandations formulées antérieurement ont abouti à bien peu de changements, ou bien les mesures correctrices adoptées n’ont pas réussi à remédier aux préjudices disproportionnés subis par les communautés autochtones et racialisées.

Grâce à liste de recommandations fournies dans la présente, le Comité espère susciter les changements fondamentaux qui sont nécessaires pour garantir à tous les Canadiens de pouvoir bénéficier de la même manière de services de police professionnels, respectueux et représentatifs, à l’abri du racisme et d’autres formes de discrimination.


[1]              Chambre des communes, Comité permanent de la sécurité publique et nationale (SECU), Procès-verbal, 1re session, 43e législature, 23 juin 2020.

[2]              SECU, Procès-verbal, 2e session, 43e législature, 8 octobre 2020.

[3]              L’hon. Michel Bastarache, Rêves brisés, vies brisées : Les effets dévastateurs du harcèlement sexuel sur les femmes au sein de la GRC, 11 novembre 2020.

[4]              SECU, Procès-verbal, 2e session, 43e législature, 7 décembre 2020.

[5]              SECU, Témoignages, 2e session, 43e législature, réunion 11, 7 décembre 2020, 1530 (Alain Babineau, consultant, défenseur de l’application de la loi et de la justice sociale, à titre personnel). Il reprend les propos du sénateur Murray Sinclair contenus dans un article de Sierra Bein, « Morning Update: RCMP commissioner ‘struggles’ with definition of systemic racism, but denies it exists on force », paru dans le Globe and Mail le 11 juin 2020.

[6]              SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 9, 23 juillet 2020, 1520 (Akwasi Owusu-Bempah, professeur adjoint, Département de sociologie, Université de Toronto, à titre personnel).

[7]              Ibid.

[8]              Ibid.

[9]              SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 9, 23 juillet 2020, 1405 (chef Ghislain Picard, chef régional, Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador).

[10]            SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 8, 23 juillet 2020, 1115 (vice-chef Terry Teegee, chef régional de l’Assemblée des Premières Nations de la Colombie-Britannique).

[11]            SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 11, 24 juillet 2020, 1400 (Myrna Lashley, à titre personnel).

[12]            SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 9, 23 juillet 2020, 1405 (chef Ghislain Picard).

[13]            Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, ch. 11, art. 15.

[14]            Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6.

[15]            SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 11, 24 juillet 2020, 1405 (Fabrice Vil, à titre personnel).

[16]            SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 12, 14 août 2020, 1215 (chef Bryan Larkin, chef de police, Service de police régional de Waterloo et membre du Comité consultatif sur les drogues, Association canadienne des chefs de police).

[17]            SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 11, 24 juillet 2020, 1520 (Ruth Goba, directrice exécutive, Black Legal Action Centre).

[18]            Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985), ch. R-10, art. 45.76.

[19]            SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 10, 24 juillet 2020, 1110 (Michelaine Lahaie, présidente, Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la Gendarmerie royale du Canada).

[20]            Ibid., 1115.

[21]            Ibid.

[22]            SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 12, 14 août 2020, 1355 (Julian Falconer, à titre personnel).

[23]            SECU, Témoignages, 2e session, 43e législature, réunion 6, 16 novembre 2020, 1610 (Kent Roach, professeur, Faculté de droit, Université de Toronto, à titre personnel).

[24]            Ibid.

[25]            SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 8, 23 juillet 2020, 1115 (vice-chef Terry Teegee).

[26]            SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 9, 23 juillet 2020, 1530 (Allen Benson, directeur général, Native Counselling Services of Alberta).

[27]            SECU, Témoignages, 2e session, 43e législature, réunion 6, 16 novembre 2020, 1620 (Kent Roach); SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 8, 23 juillet 2020, 1320 (Benson Cowan, directeur général, Commission des services juridiques du Nunavut); Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la Gendarmerie royale du Canada, Le racisme systémique dans les services de police au Canada : Présentation au Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes, 2020, p. 7-8.

[28]            Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la Gendarmerie royale du Canada, Le racisme systémique dans les services de police au Canada : Présentation au Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes, 2020, p. 7.

[29]            Ibid., p. 7.

[30]            SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 9, 23 juillet 2020, 1525 (Allen Benson).

[31]            SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 10, 24 juillet 2020, 1110 (Michelaine Lahaie).

[32]            SECU, Témoignages, 2e session, 43e législature, réunion 7, 18 novembre 2020, 1655 (Jocelyn Formsma, directrice exécutive, Association nationale des centres d’amitié).

[33]            Ibid.

[34]            SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 10, 24 juillet 2020, 1110 (Michelaine Lahaie).

[35]            Ibid., 1200.

[36]            Ibid., 1110.

[37]            Ibid.

[38]            SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 9, 23 juillet 2020, 1525-1530 (Allen Benson).

[39]            SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 8, 23 juillet 2020, 1320 (Benson Cowan).

[40]            SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 10, 24 juillet 2020, 1130 (Michelaine Lahaie).

[41]            Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la Gendarmerie royale du Canada, Le racisme systémique dans les services de police au Canada : Présentation au Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes, 2020, p. 7.

[42]            Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985), ch. R-10, art. 37 et 38; Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (2014), DORS/2014-281, Annexe.

[43]            SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 11, 24 juillet 2020, 1455 (Viviane Michel, présidente, Femmes autochtone du Québec inc.).

[44]            Christian Leuprecht, Mémoire sur le racisme systémique au sein des services policiers au Canada, 24 juillet 2020.

[45]            SECU, Témoignages, 2e session, 43e législature, réunion 6, 16 novembre 2020, 1750 (Kanika Samuels‑Wortley, professeure adjointe, Université Carleton, à titre individuel).

[46]            SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 8, 23 juillet 2020, 1115 (vice-chef Terry Teegee).

[47]            SECU, Témoignages, 2e session, 43e législature, réunion 8, 23 novembre 2020, 1755 (Robyn Maynard); SECU, Témoignages, 2e session, 43e législature, réunion 6, 16 novembre 2020, 1750 (Kanika Samuels-Wortley); SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 11, 24 juillet 2020, 1435 (Fabrice Vil).

[48]            Christian Leuprecht, Mémoire sur le racisme systémique au sein des services policiers au Canada, 24 juillet 2020.

[49]            Ibid.

[50]            Ibid.

[51]            SECU, Témoignages, 2e session, 43e législature, réunion 11, 7 décembre 2020, 1545 (Alain Babineau).

[52]            Ibid., 1630; l’hon. Michel Bastarache, Rêves brisés, vies brisées : Les effets dévastateurs du harcèlement sexuel sur les femmes au sein de la GRC, 11 novembre 2020, p. viii.

[53]            SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 12, 14 août 2020, 1210 (chef Nishan Duraiappah, chef de police, Police régionale de Peel).

[54]            SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 10, 24 juillet 2020, 1235 (Dale McFee, chef du Service de police d’Edmonton).

[55]            SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 12, 14 août 2020, 1210 (chef Nishan Duraiappah).

[56]            Ibid., 1210 (Julian Falconer); SECU, Témoignages, 2e session, 43e législature, réunion 6, 16 novembre 2020, 1610 (Kent Roach); Christian Leuprecht, Mémoire sur le racisme systémique au sein des services policiers au Canada, 24 juillet 2020, p. 2.

[57]            SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 12, 14 août 2020, 1210 (Julian Falconer).

[58]            Christian Leuprecht, Mémoire sur le racisme systémique au sein des services policiers au Canada, 24 juillet 2020, p. 2.

[59]                  Ibid.

[60]            SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 10, 24 juillet 2020, 1150 (Rick Parent, à titre personnel); SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 12, 14 août 2020, 1400 (Julian Falconer).

[61]            Christian Leuprecht, Mémoire sur le racisme systémique au sein des services policiers au Canada, 24 juillet 2020, p. 6.

[62]            Ibid.

[63]            Ibid.

[64]            SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 10, 24 juillet 2020, 1105 (Christian Leuprecht, professeur, Département de sciences politiques, Collège militaire royal du Canada, à titre personnel).

[65]            Ibid.

[66]            Ibid.

[67]            SECU, Témoignages, 2e session, 43e législature, réunion 6, 16 novembre 2020, 1610 (Kent Roach).

[68]            SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 11, 24 juillet 2020, 1550 (chef Dwayne Zacharie, président, Association des chefs de police des Premières Nations).

[69]            SECU, Témoignages, 2e session, 43e législature, réunion 6, 16 novembre 2020, 1640 (Kent Roach).

[70]            Ibid.

[71]            SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 10, 24 juillet 2020, 1135 (Christian Leuprecht).

[72]            L’hon. Michel Bastarache, Rêves brisés, vies brisées : Les effets dévastateurs du harcèlement sexuel sur les femmes au sein de la GRC, 11 novembre 2020, p. iv.

[73]            SECU, Témoignages, 2e session, 43e législature, réunion 10, 2 décembre 2020, 1620 (L’hon. Michel Bastarache, avocat-conseil, à titre personnel).

[74]            L’hon. Michel Bastarache, Rêves brisés, vies brisées : Les effets dévastateurs du harcèlement sexuel sur les femmes au sein de la GRC, 11 novembre 2020, p. 66.

[76]            SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 8, 23 juillet 2020, 1610 (L’hon. Vernon White, sénateur, Groupe des sénateurs canadiens).

[77]            Ibid.

[78]            SECU, Témoignages, 2e session, 43e législature, réunion 6, 16 novembre 2020, 1725 (Kanika Samuels‑Wortley).

[79]            Ibid., 1610 (Kent Roach).

[80]            SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 11, 24 juillet 2020, 1545 (chef Dwayne Zacharie).

[81]            Ibid., 1550.

[82]            SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 9, 23 juillet 2020, 1415 (chef Doris Bill, chef, Première Nation des Kwanlin Dün).

[83]            Ibid.

[84]            Ibid., 1420;Ibid., 1435.

[85]            SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 9, 23 juillet 2020, 1435 (chef Doris Bill).

[86]            Ibid., 1420

[87]            Ibid., 1435.

[88]            Ibid., 1500.

[89]            SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 8, 23 juillet 2020, 1115 (vice-chef Terry Teegee).

[90]            SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 9, 23 juillet 2020, 1415 (chef Doris Bill).

[91]            Ibid.

[92]            Ibid., 1405 (chef Ghislain Picard).

[93]            Ibid.

[94]            Ibid.

[95]            SECU, Témoignages, 2e session, 43e législature, réunion 6, 16 novembre 2020, 1715 (Gerri Sharpe, vice-présidente, Pauktuutit Inuit Women of Canada).

[96]            Ibid.

[97]            SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 8, 23 juillet 2020, 1120 (Natan Obed, président, Inuit Tapiriit Kanatami).

[98]            Ibid.

[99]            Ibid.

[100]          Ibid., 1125 (Aluki Kotierk, présidente, Nunavut Tunngavik Inc.).

[101]          Ibid.

[102]          Ibid., 1405.

[103]          Ibid., 1125.

[104]          Ibid., 1140 (Natan Obed).

[105]          SECU, Témoignages, 2e session, 43e législature, réunion 6, 16 novembre 2020, 1715 (Gerri Sharpe).

[106]          Pauktuutit Inuit Women of Canada et Elizabeth Comack, Contrer la violence fondée sur le sexe à l’égard des femmes inuites : un examen des politiques et des pratiques policières dans le Nunangat inuit, Ottawa : Pauktuutit Inuit Women of Canada, 2020, p. 111.

[107]          SECU, Témoignages, 2e session, 43e législature, réunion 6, 16 novembre 2020, 1610 (Melanie Omeniho, présidente, Women of the Métis Nation – Les Femmes Michif Otipemisiwak).

[108]          Ibid.

[109]          Ibid.

[110]          SECU, Témoignages, 2e session, 43e législature, réunion 6, 16 novembre 2020, 1615 (Melanie Omeniho).

[111]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 9, 23 juillet 2020, 1405 (chef Ghislain Picard).

[112]          Voir : Commission de vérité et réconciliation du Canada : Appels à l’action, Commission de vérité et réconciliation du Canada, 2015.

[113]          Voir : Appels à la justice, Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, 2019.

[114]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 8, 23 juillet 2020, 1110 (vice-chef Terry Teegee).

[115]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 9, 23 juillet 2020, 1605 (Jeffrey Schiffer, directeur exécutif, Native Child and Family Services of Toronto).

[116]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 8, 23 juillet 2020, 1115 (vice-chef Terry Teegee).

[117]          Ibid., 1200 (Natan Obed).

[118]          Ibid., 1205.

[119]          Ibid., 1120.

[120]          SECU, Témoignages, 2e session, 43e législature, réunion 6, 16 novembre 2020, 1745 (Gerri Sharpe).

[121]          Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, résolution adoptée par l’Assemblée générale, 2 octobre 2007, A/RES/61/295.

[122]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 8, 23 juillet 2020, 1200 (vice-chef Terry Teegee).

[123]          Ibid., 1110; SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 11, 24 juillet 2020, 1550 (chef Dwayne Zacharie); SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 12, 14 août 2020, 1355 (Julian Falconer).

[124]               SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 8, 23 juillet 2020, 1110 (vice-chef Terry Teegee).

[125]          Sécurité publique Canada, Services de police dans les collectivités autochtones.

[126]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 9, 23 juillet 2020, 1410 (chef Terry McCaffrey, chef de police, Wikwemikong Tribal Police Service, et président, Indigenous Police Chiefs of Ontario).

[127]          Ibid.

[128]          Ibid.; SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 9, 23 juillet 2020, 1425 (chef Ghislain Picard).

[129]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 12, 14 août 2020, 1335 (Julian Falconer).

[130]               SECU, Témoignages, 2e session, 43e législature, réunion 6, 16 novembre 2020, 1610 (Kent Roach). Voir aussi : Kimberly Murray et coll., Vers la paix, l’harmonie et le bien-être : Les services de police dans les communautés autochtones, Ottawa : Conseil des académies canadiennes, 2019, p. 91-93.

[131]          SECU, Témoignages, 2e session, 43e législature, réunion 6, 16 novembre 2020, 1610 (Kent Roach).

[132]          Ibid.; SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 9, 23 juillet 2020, 1410 (chef Terry McCaffrey); SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 9, 23 juillet 2020, 1530 (Allen Benson); SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 12, 14 août 2020, 1335 (Julian Falconer).

[133]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 7, 23 juin 2020, 1705 (L’hon. Bill Blair, ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile).

[134]          SECU, Témoignages, 2e session, 43e législature, réunion 7, 18 novembre 2020, 1625 (John Paul, directeur exécutif, Atlantic Policy Congress of First Nations Chiefs Secretariat).

[135]          Ibid.

[136]          Ibid.

[137]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 9, 23 juillet 2020, 1415 (chef Terry McCaffrey).

[138]          Voir : Grand chef Alvin Fiddler, Nation Nishnawbe‑Aski, Mémoire de la Nation Nishnawbe‑Aski présenté au Comité permanent de la sécurité publique et nationale, 31 juillet 2020.

[139]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 12, 14 août 2020, 1335 (Julian Falconer).

[140]          Statistique Canada, Les peuples autochtones au Canada : faits saillants du Recensement de 2016, 25 octobre 2017.

[141]          SECU, Témoignages, 2e session, 43e législature, réunion 6, 16 novembre 2020, 1640 (Melanie Omeniho).

[142]          Ibid.

[143]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 8, 23 juillet 2020, 1205 (vice-chef Terry Teegee).

[144]          SECU, Témoignages, 2e session, 43e législature, réunion 7, 18 novembre 2020, 1615 (Christopher Sheppard, président du conseil, Association nationale des centres d’amitié).

[145]          Ibid.

[146]          Ibid.

[147]          Ibid.

[148]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 11, 24 juillet 2020, 1555 (chef Dwayne Zacharie).

[149]          SECU, Témoignages, 2e session, 43e législature, réunion 7, 18 novembre 2020, 1735 (Michèle Audette, à titre personnel).

[150]          Ibid.

[151]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 11, 24 juillet 2020, 1415 (Viviane Michel).

[152]          Ibid., 1415-1420; SECU, Témoignages, 2e session, 43e législature, réunion 6, 16 novembre 2020, 1610 (Melanie Omeniho); SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 9, 23 juillet 2020, 1405 (chef Ghislain Picard).

[153]               SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 11, 24 juillet 2020, 1415–1420 (Viviane Michel).

[155]          Ibid., p. 5.

[156]          Ibid.

[157]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 11, 24 juillet 2020, 1420 (Viviane Michel).

[158]          SECU, Témoignages, 2e session, 43e législature, réunion 8, 23 novembre 2020, 1730 (Mitch Bourbonniere, activiste communautaire, Ogijiita Pimatiswin Kinamatawin).

[159]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 11, 24 juillet 2020, 1420 (Viviane Michel)

[160]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 8, 23 juillet 2020, 1110 (vice-chef Terry Teegee); SECU, Témoignages, 2e session, 43e législature, réunion 6, 16 novembre 2020, 1615 (Melanie Omeniho).

[161]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 11, 24 juillet 2020, 1510 (Myrna Lashley).

[162]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 12, 14 août 2020, 1330 (Lorraine Whitman, présidente, Association des femmes autochtones du Canada).

[163]          SECU, Témoignages, 2e session, 43e législature, réunion 6, 16 novembre 2020, 1610 (Melanie Omeniho).

[164]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 7, 24 juin 2020, 1700 (L’hon. Bill Blair).

[165]          Ibid., 1835 (Commissaire Brenda Lucki, commissaire, Gendarmerie royale du Canada).

[166]          Ibid.

[168]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 11, 24 juillet 2020, 1415–1420 (Viviane Michel).

[169]          SECU, Témoignages, 2e session, 43e législature, réunion 6, 16 novembre 2020, 1620 (Melanie Omeniho).

[171]          SECU, Témoignages, 2e session, 43e législature, réunion 6, 16 novembre 2020, 1715 (Gerri Sharpe).

[172]          Ibid.

[173]          Ibid.

[174]          Ibid.

[175]          Ibid.

[176]          SECU, Témoignages, 2e session, 43e législature, réunion 6, 16 novembre 2020, 1800 (Samantha Michaels, conseillère principale en recherche et en matière de politiques, Pauktuutit Inuit Women of Canada).

[177]          Ibid., 1745 (Samantha Michaels).

[178]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 7, 23 juin 2020, 1900 (Comm. Brenda Lucki).

[179]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 10, 24 juillet 2020, 1230 (Dale McFee, chef du Service de police d’Edmonton).

[180]          Ibid.

[181]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 12, 14 août 2020, 1230 (chef Nishan Duraiappah).

[182]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 11, 24 juillet 2020, 1450 (Myrna Lashley).

[183]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 10, 24 juillet 2020, 1215–1220 (chef Peter Sloly, chef de police, Service de police d’Ottawa).

[184]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 11, 24 juillet 2020, 1515 (Brian Sauvé, président, Fédération de la police nationale).

[185]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 9, 23 juillet 2020, 1510 (Jeffrey Schiffer).

[186]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 11, 24 juillet 2020, 1520 (Ruth Goba).

[187]          Congrès des peuples autochtones, Congrès des peuples autochtones : Mémoire au Comité permanent de la sécurité publique et nationale, 10 juillet 2020, p. 6.

[188]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 9, 23 juillet 2020, 1515 (Jeffrey Schiffer).

[189]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 8, 23 juillet 2020, 1125 (Aluki Kotierk).

[190]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 9, 23 juillet 2020, 1415 (chef Doris Bill).

[191]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 10, 23 juillet 2020, 1550 (Akwasi Owusu-Bempah).

[192]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 9, 23 juillet 2020, 1610 (Allen Benson).

[193]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 10, 24 juillet 2020, 1230 (Tom Stamatakis, président, Association canadienne des policiers).

[194]          SECU, Témoignages, 2e session, 43e législature, réunion 11, 7 décembre 2020, 1535 (Patrick Roy, inspecteur, Division surveillance du territoire, Service de police de la Ville de Sherbrooke).

[195]          Ibid.

[196]               SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 12, 14 août 2020, 1315 (Julian Falconer).

[197]          Ibid., 1255 (chef Nishan Duraiappah).

[198]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 10, 24 juillet 2020, 1225 (Tom Stamatakis).

[199]          SECU, Témoignages, 2e session, 43e législature, réunion 6, 16 novembre 2020, 1705 (Kanika Samuels-Wortley).

[200]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 8, 23 juillet 2020, 1115 (vice-chef Terry Teegee) & 1230 (Benson Cowan).

[201]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 9, 23 juillet 2020, 1405 (chef Ghislain Picard).

[202]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 8, 23 juillet 2020, 1325 (Robert S. Wright, travailleur social et sociologue, à titre personnel).

[204]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 9, 23 juillet 2020, 1415 (chef Terry McCaffrey).

[205]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 8, 23 juillet 2020, 1325 (Robert S. Wright).

[206]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 9, 23 juillet 2020, 1520 (Akwasi Owusu-Bempah).

[207]          Ibid.

[208]          Voir : Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, L.C. 2002, ch. 1, art. 6 et 7.

[209]          SECU, Témoignages, 2e session, 43e législature, réunion 6, 16 novembre 2020, 1705 (Kanika Samuels-Wortley).

[210]          R. c. Le, 2019 CSC 34, paragr. 76.

[211]          SECU, Témoignages, 2e session, 43e législature, réunion 8, 23 novembre 2020, 1705 (Robyn Maynard).

[212]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 11, 24 juillet 2020, 1555 (Ruth Goba).

[213]          L’hon. Michael H. Tulloch, L’examen indépendant des contrôles de routine, 2018, p. 38.

[214]          Ibid., p. 37.

[215]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 8, 23 juillet 2020, 1255 (Robert S. Wright).

[216]          SECU, Témoignages, 2e session, 43e législature, réunion 6, 16 novembre 2020, 1705 (Kanika Samuels-Wortley).

[217]          Ibid.

[218]          SECU Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 7, 23 juin 2020, 1730 (L’hon. Bill Blair ).

[219]          SECU, Témoignages, 2e session, 43e législature, réunion 11, 7 décembre 2020, 1535 (Alain Babineau).

[220]          SECU, Témoignages, 2e session, 43e législature, réunion 8, 23 juillet 2020, 1255 (Robert S. Wright).

[221]          SECU, Témoignages, 2e session, 43e législature, réunion 12, 14 août 2020, 1325 (Lorraine Whitman).

[222]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 8, 23 juillet 2020, 1310 (Benson Cowan).

[224]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 12, 14 août 2020, 1300 (chef Bryan Larkin); Association canadienne des chefs de police, Comité spécial sur la décriminalisation des drogues illicites, Rapport sur les conclusions et recommandations : Décriminalisation pour la simple possession de drogues illicites : Exploration des répercussions sur la sécurité publique et la police, juillet 2020.

[225]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 12, 14 août 2020, 1300 (chef Bryan Larkin).

[226]          SECU, Témoignages, 2e session, 43e législature, réunion 8, 23 novembre 2020, 1725 (Robyn Maynard).

[227]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 8, 23 juillet 2020, 1120 (Natan Obed); SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 9, 23 juillet 2020, 1525 (Akwasi Owusu-Bempah); SECU, Témoignages, 2e session, 43e législature, réunion 6, 16 novembre 2020, 1610 (Kent Roach).

[228]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 8, 23 juillet 2020, 1120 (Natan Obed).

[229]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 9, 23 juillet 2020, 1525 (Akwasi Owusu-Bempah).

[230]          Ibid.

[231]               SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 7, 23 juin 2020, 1815 (Comm. Brenda Lucki); SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 11, 24 juillet 2020, 1815 (Brian Sauvé).

[232]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 10, 24 juillet 2020, 1100 (Christian Leuprecht).

[233]          Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C-46, art. 25, 26, 27, 30, 32.

[234]          Ibid., art. 34.

[235]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 9, 23 juillet 2020, 1525 (Allen Benson).

[236]          Ibid.

[237]          Ibid.

[238]          SECU, Témoignages, 2e session, 43e législature, réunion 6, 16 novembre 2020, 1610 (Kent Roach).

[239]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 8, 23 juillet 2020, 1110 (vice-chef Terry Teegee).

[240]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 10, 24 juillet 2020, 1135 (Michelaine Lahaie).

[242]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 9, 23 juillet 2020, 1525 (Akwasi Owusu-Bempah).

[243]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 12, 14 août 2020, 1325 (Lorraine Whitman).

[244]          Ibid., 1315 (Julian Falconer).

[245]          SECU, Témoignages, 2e session, 43e législature, réunion 6, 16 novembre 2020, 1610 (Melanie Omeniho).

[246]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 7, 23 juin 2020, 1715 & 1745 (Comm. Brenda Lucki).

[247]          Ibid., 1745.

[248]          Ibid.

[249]          SECU, Témoignages, 2e session, 43e législature, réunion 6, 16 novembre 2020, 1745 (Gerri Sharpe).

[250]          Ibid., 1755 (Kanika Samuels‑Wortley).

[251]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 8, 23 juillet 2020, 1255 (L’hon. Vernon White).

[253]          SECU, Témoignages, 2e session, 43e législature, réunion 6, 16 novembre 2020, 1615 (Melanie Omeniho).

[254]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 8, 23 juillet 2020, 1205 (vice-chef Terry Teegee).

[255]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 9, 23 juillet 2020, 1510 (Jeffrey Schiffer).

[256]          SECU, Témoignages, 2e session, 43e législature, réunion 6, 16 novembre 2020, 1800 (Kanika Samuels‑Wortley).

[257]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 7, 23 juin 2020, 1815 (Comm. Brenda Lucki).

[258]          Ibid., 1820.

[259]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 8, 23 juillet 2020, 1120 (Natan Obed) & 1125 (Aluki Kotierk).

[260]          Ibid., 1140 (Natan Obed).

[261]          Ibid., 1120.

[262]          Ibid., 1145 (Aluki Kotierk).

[263]          Ibid., 1200 (Natan Obed).

[264]          Ibid., 1140.

[265]          Ibid., 1315 (Robert S. Wright).

[266]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 12, 14 août 2020, 1140 (Lorraine Whitman).

[267]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 9, 23 juillet 2020, 1435 (chef Terry McCaffrey).

[268]          Ibid., 1525 (Akwasi Owusu‑Bempah).

[269]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 10, 24 juillet 2020, 1105 (Christian Leuprecht); Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, Rapport annuel 2019, 30 août 2019.

[270]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 11, 24 juillet 2020, 1545 (Ruth Goba).

[271]          SECU, Témoignages, 2e session, 43e législature, réunion 7, 18 novembre 2020, 1740 (Fo Niemi, directeur exécutif, Centre de recherche-action sur les relations raciales).

[272]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 10, 24 juillet 2020, 1215 (chef Peter Sloly).

[273]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 7, 23 juin 2020, 1800 (L’hon. Bill Blair).

[274]          Ibid., 1905 (Comm. Brenda Lucki).

[275]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 9, 23 juillet 2020, 1525 (Akwasi Owusu-Bempah).

[276]          Ibid.

[277]          Ibid.

[278]          Ibid.

[279]          Ibid.

[280]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 10, 24 juillet 2020, 1100 (Christian Leuprecht).

[281]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 8, 23 juillet 2020, 1250 (Robert S. Wright).

[282]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 9, 23 juillet 2020, 1525 (Akwasi Owusu-Bempah).

[283]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 8, 23 juillet 2020, 1250 (Benson Cowan).

[284]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 10, 24 juillet 2020, 1125 (Rick Parent).

[285]          SECU, Témoignages, 2e session, 43e législature, réunion 6, 16 novembre 2020, 1710 (Kanika Samuels‑Wortley).

[286]          SECU, Témoignages, 1re session, 43e législature, réunion 12, 14 août 2020, 1210 (chef Nishan Duraiappah).

[287]          Ibid., 1220 (chef Bryan Larkin).

[289]          SECU, Procès-verbal, 2e session, 43e législature, 7 décembre 2020.

[290]          L’hon. Michel Bastarache, Rêves brisés, vies brisées : Les effets dévastateurs du harcèlement sexuel sur les femmes au sein de la GRC, 11 novembre 2020, p. 48.

[291]          SECU, Témoignages, 2e session, 43e législature, réunion 10, 2 décembre 2020, 1610 (L’hon. Michel Bastarache).

[292]          L’hon. Michel Bastarache, Rêves brisés, vies brisées : Les effets dévastateurs du harcèlement sexuel sur les femmes au sein de la GRC, 11 novembre 2020, p. 28-31.

[293]          Ibid., p. 47.

[294]          SECU, Témoignages, 2e session, 43e législature, réunion 10, 2 décembre 2020, 1610 (L’hon. Michel Bastarache).

[295]          Ibid., 1620.

[297]          Ibid., p. viii.

[298]          Ibid., p. 54.

[299]          Ibid.

[300]          Ibid., p. 58.

[301]          Ibid., p. 2.