La procédure financière / La législation

Projet de loi du Sénat : enfreindre la prérogative de la Couronne en matière financière

Débats, p. 3647-3648

Contexte

Le 2 février 1998, après les Questions orales, Randy White (Langley—Abbotsford ), leader parlementaire de l’Opposition officielle, invoque le Règlement au sujet du projet de loi S‑3, Loi modifiant la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension et la Loi sur le Bureau du surintendant des institutions financières, se disant préoccupé par le fait que, premièrement, des projets de loi d’intérêt public soient présentés au Sénat et, deuxièmement, que le projet de loi enfreint le principe constitutionnel selon lequel les mesures financières doivent être présentées à la Chambre des communes. Le Président convient d’examiner tous les arguments et de rendre une décision à la Chambre au besoin[1].

Résolution

Le 10 février 1998, le Président se prononce sur le rappel au Règlement de M. White. Il déclare que le projet de loi n’impose pas de taxe et ne vise pas à affecter des fonds publics. Si les nouveaux pouvoirs conférés dans le projet de loi entraînent un jour une affectation de crédits, elle devra être approuvée par le Parlement. Comme le projet de loi n’est pas une mesure financière, il ne requiert pas de recommandation royale et pouvait de ce fait être présenté au Sénat.

Décision de la présidence

Le Président : Chers collègues, je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur le recours au Règlement soulevé par le député de Langley—Abbotsford, le 2 février 1998, au sujet du projet de loi S‑3, Loi modifiant la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension et la Loi sur le Bureau du surintendant des institutions financières.

En premier lieu, je remercie le leader du gouvernement à la Chambre des communes (l’honorable Don Boudria), le député de Winnipeg—Transcona (Bill Blaikie, leader parlementaire du Nouveau Parti démographique), le whip de l’Opposition officielle (Chuck Strahl), le secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre (Peter Adams), de même que le député de Nanaimo—Alberni (Bill Gilmour) et, comme de raison, le chef de l’Opposition à la Chambre de leurs contributions utiles sur ce sujet.

Dans son argumentation, le leader parlementaire de l’Opposition à la Chambre s’est inquiété de la présentation de projets de loi d’intérêt public au Sénat. Il a ensuite soutenu que le projet de loi S‑3, qui a d’abord été présenté au Sénat et adopté par ce dernier et qui est maintenant au Feuilleton de la Chambre, devrait être considéré comme une mesure financière et que, pour cette raison, il aurait dû être d’abord soumis à la Chambre des communes.

Avant d’aller plus loin, je veux clarifier deux points. Pour ce qui est de la présentation de projets de loi au Sénat, je me permets de rappeler aux députés la décision que j’ai rendue le 9 octobre 1997[2], à la suite d’une question de privilège soulevée par le même député sur exactement le même sujet. À l’époque, j’ai indiqué que, selon notre pratique, les projets de loi pouvaient être d’abord présentés au Sénat ou à la Chambre des communes.

Deuxièmement, permettez-moi d’apporter une petite correction à une observation faite par le leader parlementaire de l’Opposition officielle. Il a rappelé que le projet de loi S‑3 avait d’abord été présenté à la Chambre comme projet de loi C‑45 de la législature précédente. En réalité, le projet semblable de la législature précédente était le projet de loi C‑85 et non C‑45.

Je vais maintenant traiter de la question de fond en matière de procédure soumise à la présidence. Le député affirme que les deux projets sont en substance semblables. Aussi, soutient-il, puisqu’une recommandation royale était annexée au projet de loi C‑85, une recommandation royale devrait également être annexée au projet de loi S‑3.

En réponse à cet argument, le leader du gouvernement à la Chambre a affirmé que le projet de loi S‑3 ne comporte pas, et ne doit pas comporter, de recommandation royale puisqu’il ne constitue pas une loi de nature financière.

Les mesures qu’on appelle financières sont celles qui imposent des taxes ou celles qui affectent des crédits, que ce soit en vertu de l’adoption des crédits annuels ou en vertu de lois qui autorisent des dépenses. Les projets de lois affectant des fonds publics doivent être assortis d’une recommandation royale qui détermine « l’objet de la dépense, le but visé et les conditions et réserves », comme le dit le commentaire no 596 de la 6e édition de Beauchesne, à la page 189.

J’ai soigneusement examiné le projet de loi S‑3 et je conclus qu’aucune des quatre parties à ces dispositions législatives n’impose de taxes ou n’affecte d’argent pour quelque fin que ce soit.

Dans les dispositions législatives de 1987 qui créaient le Bureau du surintendant des institutions financières, il était pourvu à la responsabilité de surveiller les régimes de pensions du secteur privé de régime fédéral. Il apparaît assez clair que les pouvoirs du surintendant sont étendus en vertu du projet de loi S‑3. Il pourrait bien découler des dépenses supplémentaires de cette augmentation des pouvoirs du surintendant.

S’il est nécessaire d’augmenter les ressources en raison de ces nouveaux pouvoirs, il devra être pourvu à l’affectation de fonds par une loi de crédits puisque je ne vois aucune disposition financière dans le projet de loi S‑3.

Pour ces motifs, je conclus que le projet de loi S‑3 ne requiert pas de recommandation royale et ne contrevient pas [à l’article] 80(1) du Règlement. Je conclus donc que le projet de loi S‑3 est recevable à la Chambre.

En préparant la présente décision ou toute autre décision, la présidence étudie les arguments présentés à la lumière du Règlement de la Chambre, des précédents et de la pratique que nous avons établis dans le passé. Bien que je ne puisse pas toujours arriver à la même conclusion que le député qui soulève un recours au Règlement, je partage avec tous les députés l’objectif commun de faire en sorte que les délibérations se déroulent à la Chambre de manière ordonnée, conformément à nos règles et à notre pratique.

Je ne me prononce pas en faveur ou contre un député ou un parti. La présidence rend des décisions afin d’appliquer le Règlement et les pratiques de la Chambre. Pour ce faire, je continue de dépendre de la vigilance et de l’aide de tous les députés. Je remercie le leader parlementaire de l’Opposition d’avoir soulevé cette question à la défense des privilèges de la Chambre.

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1998-02-10

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[1] Débats, 2 février 1998, p. 3190-3193.

[2] Débats, 9 octobre 1997, p. 732-735.