Débats prescrits par la loi

Le Parlement a prévu, dans certaines mesures législatives, des débats spéciaux. Ces débats constituent une forme de surveillance et d’examen parlementaires de dispositions législatives particulières. Dans certains cas, ces mesures législatives laissent une certaine latitude183 aux parlementaires ; dans d’autres, elles sont exécutoires.

Les débats exigés par la loi peuvent se classer en deux grandes catégories, bien que les procédures relatives aux débats soient similaires. La première catégorie requiert l’examen global d’une loi ou l’examen d’un de ses éléments. La seconde, qui est la plus commune, prévoit un débat en vue de discuter, ratifier, révoquer ou modifier un décret, un règlement, une déclaration, une proclamation, une instruction ou tout autre instrument de décrets-lois qui découle de la loi en question.

Ainsi, les règlements pris en vertu de certaines de ces lois le sont parfois sous réserve d’une résolution affirmative du Parlement, ce qui oblige les deux chambres à les adopter, après débat, avant qu’ils n’entrent en vigueur184. À l’inverse, les règlements qui doivent faire l’objet d’une résolution négative du Parlement restent en vigueur tant qu’ils n’ont pas été révoqués par une résolution des deux chambres, vraisemblablement après débat également185.

Depuis les années 1960, il y a eu plusieurs débats prescrits de ce genre. En 1971, par exemple, la Chambre a adopté, après délibérations, une motion portant création du ministère d’État chargé des Sciences et de la Technologie en vertu de la Loi de 1970 sur l’organisation du gouvernement186. En 1974, la Chambre a discuté d’une motion priant le ministre des Affaires des anciens combattants de proroger la Loi sur les terres destinées aux anciens combattants dont la date d’expiration était le 31 mars 1975187. Un autre a eu lieu en 1977 pour tenter de devancer la date d’expiration de la Loi anti-inflation188. Deux autres se sont produits coup sur coup à la fin de 1980 lorsque des députés ont tenté de faire révoquer deux proclamations déposées par le gouvernement à l’égard de la Loi sur l’administration du pétrole : l’une avait trait au règlement limitant la hausse des prix de diverses qualités et variétés de pétrole ; l’autre, au règlement fixant le prix du gaz naturel189. Un autre s’est déroulé en 1985 lorsque des députés ont invoqué une disposition de la Loi sur le transport du grain de l’Ouest pour proposer une motion visant à utiliser un jour de séance pour examiner un rapport provisoire sur la Loi et toute question en suspens intéressant les agriculteurs de l’Ouest190. L’adoption par la Chambre, en vertu de la Loi référendaire, d’une motion portant approbation de la question référendaire a donné lieu à un autre débat prescrit en septembre 1992191. Quelques mois plus tard, en décembre 1992, des députés ont voulu modifier le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant les navires (Haïti), conformément aux dispositions de la Loi sur les mesures économiques spéciales visant à modifier ou à annuler les décrets ou règlements concernant les programmes de sanctions économiques192. En 2000, à l’initiative d’un ministre, la Chambre a débattu d’un arrêté modifiant la Loi de 1994 sur la convention des oiseaux migrateurs, tel que le prescrivait cette dernière193. En 2007, un ministre a proposé, conformément à la procédure prévue au Code criminel, de proroger pour une période de trois ans certains articles dudit Code194.

Par ailleurs, jusqu’en 1986, la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales renfermait des dispositions permettant aux députés de discuter à la Chambre de leurs objections à tout rapport d’une Commission de délimitation des circonscriptions électorales. Quatre débats ont eu lieu en vertu de ces dispositions, soit en 1966, en 1973, en 1976 et en 1983195. À la suite d’une modification apportée en 1986, ces rapports sont maintenant déposés à la Chambre et renvoyés automatiquement à un comité parlementaire chargé des questions électorales196. Les objections sont adressées au comité qui les examine.

Lancement du débat

Le déclenchement des débats prescrits par la loi dépend des dispositions énoncées dans les textes législatifs leur correspondant. Pour ceux qui autorisent un débat, l’initiative peut être prise par un ministre qui, dans les limites de temps établies, adresse au Président un avis de motion visant la ratification d’un décret, d’un règlement, d’une déclaration, d’une proclamation, d’une instruction ou de tout autre instrument de décrets-lois pris conformément à la loi197.

Par contre, pour engager un débat en vue de révoquer de tels instruments, il faut habituellement adresser au Président un avis de motion signé par un nombre minimal de députés198.

Par ailleurs, lorsqu’un texte législatif exige la tenue d’un débat sur l’utilisation d’un instrument de délégation du pouvoir législatif, les dispositions applicables énoncent habituellement qu’une motion de ratification signée par un ministre doit être déposée devant le Parlement dans un délai donné199.

Une fois qu’a été donné l’avis conformément au Règlement et qu’il est paru au Feuilleton sous la rubrique « Ordre légal200 », le débat doit se tenir dans le délai fixé par le texte législatif en cause, le cas échéant.

En 1974, par exemple, le débat sur la Loi sur les terres destinées aux anciens combattants devait avoir lieu dans un délai de 15 jours et la Chambre a adopté une motion fixant les dates du débat201. En 1977, le débat exigé par la Loi anti-inflation devait se dérouler dans un délai de 15 jours après le dépôt de l’avis202, tandis qu’en 1980, le débat requis par la Loi sur l’administration du pétrole devait se tenir dans un délai de 4 jours de séance203. Il semble que, dans les deux cas, les dates du débat ont été fixées après consultation de tous les partis. En 1985, le Président a fixé la date du débat en application du paragraphe 62(6) de la Loi sur le transport du grain de l’Ouest, qui prescrit que le débat doit se tenir dans les 60 jours du dépôt de l’avis204. En septembre 1992, le débat sur le texte de la question référendaire s’est déroulé, en application de la Loi référendaire, 24 heures après le dépôt de l’avis de motion205. En décembre 1992, après l’inscription au Feuilleton d’une motion de débat en application de la Loi sur les mesures économiques spéciales, la présidence a été appelée à rendre une décision sur sa recevabilité. L’ayant jugée recevable, le Président a décidé que, aux termes de la Loi, la Chambre devait l’étudier dans les six jours de séance suivants206. La Chambre a convenu de tenir le débat plus tard dans la journée207. En 2000, la Chambre a adopté un ordre spécial fixant le débat exigé par la Loi de 1994 sur la Convention des oiseaux migrateurs à une date et à un moment qui respectaient l’exigence législative de tenir le débat dans les deux chambres du Parlement au plus tard 20 jours de séance après le dépôt de l’arrêté208. La résolution en vue de proroger certains articles du Code criminel en 2007 devait être adoptée par les deux chambres au plus tard 15 jours de séance après le 31 décembre 2006. Le gouvernement a donc fait commencer le débat sur cette question le 9 février 2007 ; cette année-là, en fonction du calendrier de la Chambre, la Chambre des communes avait repris ses travaux le 29 janvier 2007209.

Durée du débat

Lorsqu’un texte législatif exige un débat, il en fixe habituellement la durée, qu’il s’agisse d’un ou plusieurs jours de séance ou de seulement quelques heures. La Chambre a, à quelques reprises, adopté des motions en vue d’ajouter des précisions210. Le paragraphe 1(3) de la Loi sur les terres destinées aux anciens combattants déclarait, par exemple, que le débat devait s’étaler sur deux jours sans interruption conformément au Règlement de la Chambre des communes ; la Chambre a cependant adopté une motion fixant les jours du débat et suspendant les Affaires émanant des députés le premier jour211. Les débats tenus aux termes de la Loi anti-inflation et de la Loi sur l’administration du pétrole ont duré quatre et trois jours respectivement, conformément à ces lois212. Comme le paragraphe 62(6) de la Loi sur le transport des grains de l’Ouest prévoyait qu’un rapport devait faire l’objet d’un débat sans interruption pendant « une période qui ne dépasse pas la durée des heures normales de travail de la Chambre ce jour-là », la Chambre a adopté une motion en ce sens213. La motion précisait en outre que l’ordre serait le premier point à l’ordre du jour. Le débat tenu en vertu de la Loi référendaire en septembre 1992 a nécessité deux jours de séance. La Loi dispose que la motion doit être mise aux voix avant la fin du troisième jour de séance consacré à ce débat214 ; la Chambre a alors adopté, du consentement unanime, une motion visant à disposer de la motion après deux jours de débat215. La longueur du débat prescrit de décembre 1992 a été établie selon le paragraphe 7(4) de la Loi sur les mesures économiques spéciales, qui limite le débat à une durée maximale de trois heures, à moins que la Chambre ne le prolonge avec le consentement unanime des députés. En l’occurrence, la Chambre a adopté un ordre spécial mettant un terme au débat après seulement deux heures216.

La Loi sur les mesures d’urgence a de particulier qu’elle n’impose de durée limite ni au débat sur une motion de ratification ou de prorogation d’une déclaration de situation de crise, ni au débat sur une motion d’abrogation ou de modification d’un règlement ou d’un décret. La Loi énonce simplement que le débat doit se poursuivre sans interruption jusqu’à ce que la Chambre soit prête à se prononcer217.

Les débats tenus en 2000 et en 2007 en vertu de la Loi de 1994 sur la convention des oiseaux migrateurs et du Code criminel n’étaient pas non plus circonscrits à une durée limitée par la loi, si ce n’est les échéances dans lesquelles le débat devait se tenir ou que la résolution portant prorogation des articles du Code criminel devait être adoptée218. Le débat sur la modification à la Loi de 1994 sur la convention des oiseaux migrateurs a duré moins d’une heure et demie219 et celui sur les articles du Code criminel, environ dix heures et demie, réparties sur trois jours de séance220.

Règles du débat

Sauf indication contraire dans le texte législatif applicable, les règles du débat et la durée des discours pendant un débat prescrit sont déterminées par le Règlement de la Chambre des communes221. Deux exceptions se sont produites : en 1977 et en 1985, la Chambre a adopté des motions limitant la durée des discours222. Il est aussi arrivé que des ordres spéciaux soient adoptés par la Chambre en vue d’interdire pendant le débat les appels de quorum, les demandes de consentement unanime ou encore les motions dilatoires223.

Interruption du débat

Plusieurs textes législatifs qui exigent un débat à la Chambre prévoient également que le débat sera ininterrompu. Malgré cela, en 1977, le débat sur la motion présentée en vertu de la Loi anti-inflation, qui s’est étendu sur quatre jours, a été interrompu à trois reprises pour le Débat d’ajournement, après quoi la motion d’ajournement a été réputée retirée et le débat a repris selon l’ordre de la Chambre adopté le 30 mai 1977224. En 1985, le débat tenu aux termes de la Loi sur le transport du grain de l’Ouest a été interrompu pour permettre au ministre des Finances de faire une déclaration en vertu d’un ordre de la Chambre225.

Conclusion du débat

En temps normal, toutes les motions présentées et étudiées pour satisfaire une exigence législative sont mises aux voix à la fin du débat226. La conclusion du débat survient conformément aux dispositions de la loi applicable. Conséquemment, si le débat ne s’est pas terminé plus tôt, le Président doit interrompre les délibérations à la fin d’un jour de séance donné ou à un moment prescrit par la loi et procéder à la mise aux voix de la motion227. Dans les cas où la loi concernée ne précise pas une durée de débat déterminée, cette mise aux voix ne survient que lorsque plus aucun député ne désire prendre la parole, à moins que la Chambre n’adopte une motion de clôture ou qu’elle décide, par ordre spécial, de poser elle-même une limite en ce qui a trait à la durée du débat228.

Si une motion de ratification est adoptée par la chambre devant laquelle elle a été déposée, la mesure législative exigera normalement qu’un message soit adressé à l’autre chambre pour demander son agrément. Une fois que la motion est adoptée par l’autre chambre, le règlement ou le décret se trouve ratifié, modifié ou abrogé229. Si une motion d’abrogation n’est pas adoptée par la chambre devant laquelle elle a été déposée ou par la chambre à laquelle elle a été adressée pour obtenir son agrément, le règlement ou le décret entre en vigueur ou demeure inchangé selon le cas230.