Le pouvoir d’emprunt

Le gouvernement exerce un pouvoir d’emprunt lorsque ses dépenses, qui sont autorisées par le Parlement dans les Budgets principal et supplémentaire des dépenses et les crédits provisoires, sont supérieures à ses recettes, dont les niveaux prévus sont également approuvés par le Parlement. Il le fait principalement en émettant des bons du Trésor, des obligations négociables et des obligations d’épargne du Canada sur les marchés canadien et étranger. Selon la Loi sur la gestion des finances publiques, il faut l’autorisation du Parlement pour contracter des emprunts pour le compte de Sa Majesté du chef du Canada361 et pour l’émission de titres362. La Loi prévoit des circonstances très précises dans lesquelles un ministre peut demander l’autorisation du gouverneur en conseil afin d’exercer son pouvoir d’emprunt sans le consentement du Parlement, tandis que la Loi sur le pouvoir d’emprunt confère au ministre des Finances le pouvoir d’emprunter et prévoit un montant maximum pour certains emprunts363.

Avant 1975, l’usage voulait qu’on incorpore les demandes de pouvoir d’emprunt à l’un des premiers projets de loi portant affectation de crédits du nouvel exercice364. On présentait les nouvelles demandes de cette manière parce qu’on supposait qu’elles devaient être automatiquement acceptées, puisque les insuffisances à couvrir, tout autant que les besoins d’emprunt, résultaient de mesures déjà approuvées par le Parlement. S’il fallait plus tard augmenter ce pouvoir d’emprunt, on présentait alors d’autres projets de loi portant affectation de crédits, comme ceux mettant en œuvre le Budget supplémentaire des dépenses ou les crédits provisoires.

Les changements apportés en 1968 aux procédures sur les subsides ont rendu problématique l’inclusion du pouvoir d’emprunt dans les projets de loi portant affectation de crédits. La nouvelle procédure ne permettait habituellement pas aux députés de débattre des dispositions sur le pouvoir d’emprunt ; les articles habilitant le gouvernement à emprunter ne faisaient pas partie du Budget des dépenses, normalement examiné par les comités permanents, et les projets de loi portant affectation de crédits contenant ces articles étaient généralement adoptés sans débat365. En 1975, le Président a ordonné que l’on raye d’un projet de loi portant affectation de crédits fondé sur un Budget supplémentaire des dépenses une disposition sur le pouvoir d’emprunt parce que l’inclusion de celle-ci empêchait pratiquement toute discussion à son sujet366. Quelques années plus tard, en 1981, le Président ne voyait aucune objection à inclure une demande de pouvoir d’emprunt dans un projet de loi fiscal fondé sur une motion des voies et moyens, pourvu que le gouvernement ait également donné le préavis habituel de 48 heures pour la présentation d’un projet de loi afin de viser les dispositions sur le pouvoir d’emprunt367.

S’il était parfois possible de traiter rapidement les projets de loi portant pouvoir d’emprunt, en d’autres occasions, le débat se prolongeait à tel point que le gouvernement devait recourir à une attribution de temps368. On a donc modifié le Règlement en avril 1991 pour limiter à deux jours de séance le débat à l’étape de la deuxième lecture de projets de loi portant pouvoir d’emprunt369. Même si la nouvelle limite s’appliquait uniquement à la deuxième lecture, il est arrivé deux fois depuis 1991 que la Chambre décide de renvoyer le projet de loi à un comité plénier pour en accélérer l’adoption370. Les derniers projets de loi portant pouvoir d’emprunt ont été déposés lors de la présentation du budget ou peu de temps après371.

Avant 2007, la Loi sur la gestion des finances publiques donnait au gouvernement le pouvoir permanent de refinancer sa dette contractée sur les marchés, tandis quedes autorisations particulières devaient être accordée par le Parlement afin de contracter des emprunts additionnels excédant la réserve permanente pour éventualités de 4 milliards de dollars. La Loi obligeait également le ministre des Finances à déposer chaque année au Parlement un rapport sur le plan de gestion de la dette publique au cours de l’exercice à venir (la Stratégie de gestion de la dette)372, ainsi qu’un rapport distinct sur les résultats des activités de gestion de la dette au cours de l’exercice venant de se terminer (le Rapport sur la gestion de la dette)373.

Suivant une proposition dans son budget de 2007, le gouvernement a modifié la Loi sur la gestion des finances publiques afin de changer les pouvoirs d’emprunt de Sa Majesté qui y étaient prévus, tout en lui conférant davantage de souplesse pour combler ses besoins d’emprunt futurs, particulièrement en ce qui touche la consolidation des emprunts des sociétés d’État374. Ainsi, le précédent plafond permanent et non reportable de 4 milliards de dollars prévu par la Loi et appliqué au pouvoir d’emprunt a été remplacé par un cadre plus souple qui consolide le pouvoir d’emprunt sous une seule disposition générale, relevant du gouverneur en conseil375. Par ailleurs, cette proposition a établi des exigences de divulgation plus élevées dans le cadre de la Stratégie de gestion de la dette, en ce qui touche les emprunts projetés et l’utilisation prévue des fonds, et du Rapport sur la gestion de la dette, en ce qui touche les emprunts réels et l’utilisation faite des fonds par rapport à ce qui avait été prévu, ainsi que la présentation de renseignements détaillés sur les résultats dans les Comptes publics du Canada376 En 2015, à la suite des changements apportés en 2007 visant à éliminer la disposition concernant les modalités de gestion du pouvoir d’emprunt, le Règlement a été modifié afin de supprimer le maximum de deux jours de séance consacrés à l’étude des projets de loi concernant le pouvoir d’emprunt à l’étape de la deuxième lecture377.

En juin 2016, la Loi sur la gestion des finances publiques a été modifiée afin d’exiger à nouveau du Parlement qu’il donne son autorisation pour emprunter de l’argent par l’intermédiaire d’une mesure législative et, en 2017, la Loi sur le pouvoir d’emprunt a été édictée pour encadrer ces emprunts378. Le droit conféré au gouverneur en conseil d’approuver les emprunts à la recommandation d’un ministre a été préservé dans des circonstances très précises379, et tout emprunt approuvé dans lesdites circonstances doit faire l’objet d’un rapport au Parlement380.