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L’ordre et le décorum à la Chambre

18 octobre 2023

La Chambre est un lieu où la liberté d’expression est fondamentale, et où les opinions se défendent avec vigueur et conviction. La présidence doit permettre l’expression du plus vaste éventail d’opinions individuelles possible; toutefois, elle s’attend des députés qu’ils soupèsent leurs mots et les gestes qu’ils posent dans les limites de la bienséance parlementaire.

Je réitère les propos du Président Milliken qui, le 5 octobre 2006, à la page 3719 des Débats, a déclaré ceci:

Mais l'exercice de cette liberté d'expression doit reposer sur le principe sous-jacent du respect de la Chambre et des autres députés. Un député ne devrait jamais se conduire d'une façon qui perturbe les débats.

Le moins qu'on puisse dire, c'est que depuis quelques semaines — et n'importe qui en conviendra —, la Chambre est singulièrement bruyante, surtout pendant la période des questions. Ce désordre résulte en partie de l'usage d'un langage répréhensible et de déclarations incendiaires.

Mais le désordre semble surtout produit par des interruptions, interjections et autres débordements [...], bref de gestes qui ne semblent avoir d'autre but que de rendre inaudibles ceux qui posent des questions ou qui y répondent ou de leur faire perdre le fil pendant qu'ils interviennent. Mais quand le bruit atteint un niveau tel que personne, pas même le Président, n'entend plus ce qui se dit, c'est toute la Chambre qui y perd en crédibilité.

J'exhorte donc tous les députés à coopérer à cet égard. Je continuerai de m'efforcer de donner à tous la plus grande latitude possible dans l'expression de leurs opinions, mais je demande votre collaboration pour que nous puissions tous entendre les propos des députés qui ont la parole.

À partir de maintenant, je me montrerai juste et je veillerai à ce que tous les députés, peu importe de quel côté ils siègent, puissent s'exprimer librement, demander fermement des comptes au gouvernement, remettre en question les idées de leurs collègues et examiner à fond les affaires publiques. En tant que Président, je m'aviserai également de trouver les moyens pour rehausser l'ensemble du décorum à la Chambre. Je poursuivrai ces objectifs acharnement.

Je m’y engage en tant que serviteur de la Chambre et, en votre nom, j’appliquerai les règles que les parlementaires eux-mêmes se sont données. Je le ferai avec humilité et toujours la main tendue vers vous. Dans les limites de notre ressort, tous les occupants du fauteuil veilleront collectivement au respect de l’ordre et du décorum, qu’ils appliqueront uniformément et selon les mêmes critères.

Comme l’a ainsi déclaré un autre de mes prédécesseurs, le député de Regina—Qu'Appelle, le 12 décembre 2012, aux pages 13215 et 13216 des Débats, et je cite:

Ma tâche à titre de Président est de veiller à ce que l’intensité des émotions exprimées sur certaines questions demeure dans les limites de la politesse, tout en prenant garde de ne pas empiéter sur la liberté d'expression dont jouissent les députés. La présidence essaie d'assurer le respect des règles d'une façon qui encourage le respect mutuel.

Toutefois, les députés conviendront que le Président doit pouvoir compter sur leur autodiscipline collective pour maintenir l’ordre et favoriser le respect du décorum. Ma capacité à faire observer le règlement dépend de la collaboration de la Chambre.

Nos électeurs s’attendent à ce que tous les députés fassent plus d’efforts pour mettre fin aux désordres et aux comportements inconvenants. J’exhorte donc tous les députés à réfléchir à la meilleure façon de donner à la Chambre l’atmosphère de convivialité et de coopération que nous souhaitons tous, j’en suis sûr.

Étant donné l'esprit collégial qui caractérise la Chambre et les vastes privilèges dont jouissent ses membres, personne — pas même le Président — ne peut agir unilatéralement pour améliorer le respect du décorum dans cette enceinte.

Même si, pour ma part, je suis fermement résolu à préserver la dignité et le décorum de la Chambre, mes efforts resteront vains si les députés n'assument pas la responsabilité de leurs comportements et de leur conduite et ne déploient pas eux-mêmes des efforts pour agir de manière appropriée et civilisée. J'aurai donc besoin de votre aide pour obtenir des résultats.

Voici les aspects qui, selon mes observations des dernières années en tant que député, se sont détériorés et doivent être redressés:

Premièrement, il faut atténuer le chahut excessif, perturbateur et bruyant. Il y a toujours eu du chahut de temps en temps pendant nos délibérations, et une remarque pleine d’esprit ou lancée sur un ton badin, loin de nuire au débat, a souvent pour effet de le rehausser. Toutefois, trop souvent, le chahut est grossier et insolent et il vise à intimider ou à insulter autrui ou encore à étouffer la voix d’un collègue. Les députés ont le droit d’être entendus et d’entendre les délibérations qui se déroulent autour d’eux. Il faut cesser le désordre fréquent qu’entraîne ce chahut et qui fait perdre son temps à la Chambre. Il incombe de réduire les interruptions abusives.

Deuxièmement, bien que je sois déterminé à protéger le privilège de la liberté de parole nécessaire aux débats, j'estime que nos idées et nos pensées sont trop souvent teintées de propos provocateurs, ce qui donne lieu à des échanges tendus qui nuisent à la collégialité qui doit caractériser nos travaux. Nous avons déjà vu des députés comparer leurs collègues à Mussolini, traiter une autre personne de raciste ou crier des obscénités. J'accorderai aux députés la latitude nécessaire pour qu'ils expriment leur opinion, mais les termes discutables et les déclarations inutilement provocatrices ne seront plus tolérés.

Troisièmement, la tendance de plus en plus fréquente à formuler des critiques ciblant inutilement une personne en vue de la dénigrer, de l’intimider, de susciter une réaction émotive chez elle ou de s’attaquer à son intégrité, donne lieu à des débats toxiques qui nuisent à notre capacité de faire avancer nos travaux. Cela peut prendre la forme de titres bidon dont on affuble des députés pour se moquer d’eux ou encore d’observations visant à remettre en question le courage, l’honnêteté ou le dévouement d’un collègue envers son pays.

J’inclus les remarques destinées à attirer l’attention sur l’absence de députés dans le but de les embarrasser, même si c’est contraire à nos règles, car, comme bon nombre de mes prédécesseurs l’ont souligné, la Chambre n’est pas le seul endroit où les députés peuvent devoir se trouver pour s’acquitter de leurs fonctions.

Je tiens à souligner que je recense des exemples de ce type de remarques dans tous les partis représentés à la Chambre. J’aurai recours à tous les outils qui sont à ma disposition pour limiter les attaques personnelles dans la mesure où je pourrai le faire.

Les problèmes que j'ai soulignés se manifestent surtout durant la période des déclarations de députés et la période des questions. C'est malheureux, parce que ce sont à ces moments de nos travaux que nous sommes le plus suivis par le public et observés dans les tribunes. Ces moments génèrent également beaucoup d'extraits largement diffusés sur les médias sociaux.

Voilà les problèmes que je m'emploierai principalement à résoudre.

La Chambre est maîtresse de ses travaux et le Président en est le serviteur; la présidence, quant à elle, a le pouvoir d'appliquer les règles des débats pour maintenir l'ordre et le décorum afin que la Chambre puisse mener ses travaux de façon ordonnée. Le Règlement de la Chambre prévoit expressément que le Président doit maintenir l'ordre et le décorum, de même que régler les questions d'ordre. Ce devoir, qui s'étend aux autres occupants du fauteuil, s'accompagne de vastes pouvoirs concernant des questions aussi variées que le comportement et la tenue vestimentaire des députés, la conduite des affaires, les règles du débat, et le désordre sur le parquet de la Chambre et dans les tribunes.

Par conséquent, la présidence a un certain nombre d’options à sa disposition lorsqu’un député défie son autorité en refusant de tenir compte d’un rappel à l’ordre, de retirer des paroles non parlementaires, de mettre fin à des propos non pertinents ou répétitifs, ou de cesser d’interrompre un député qui a la parole. Par exemple, la présidence peut donner la parole à un autre député ou refuser de l’accorder au député fautif jusqu’à ce que celui-ci ait retiré ses paroles offensantes et présenté ses excuses en personne sur-le-champ, ou ultérieurement en écrivant au Président. En dernier recours, elle peut désigner un député par son nom, la sanction la plus lourde que le Président puisse imposer.

Dans les jours et les semaines à venir, alors que je mets à exécution le plan que je viens d’exposer, je poursuivrai mes discussions avec les députés à titre individuel ainsi qu’avec les dirigeants de la Chambre des différents partis afin de déterminer comment nous pouvons unir nos forces dans l’objectif commun de renforcer le décorum lors de nos délibérations.

Je remercie les députés de leur attention et je les invite à réfléchir à ma déclaration d'aujourd'hui. Je précise aussi que les députés sont libres de venir me voir s'ils désirent discuter plus longuement de cette question.