Passer au contenu
Début du contenu

JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 051 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 15 février 2023

[Enregistrement électronique]

  (1630)  

[Traduction]

    Bienvenue à la 51e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 30 janvier 2023, le Comité entreprend son étude du système canadien de mise en liberté sous caution.
     La réunion d'aujourd'hui se déroule de façon hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 23 juin 2022. Certains membres participent en présentiel dans la salle, et d'autres participent à distance à l'aide de l'application Zoom. Je n'entrerai pas dans les détails, parce que je pense que tout le monde connaît les règles et que tous les députés sont à la Chambre aujourd'hui.
     Je voulais dire à M. Fortin que le son a été vérifié pour tout le monde. Nous sommes prêts à utiliser les services d'interprétation.
    Merci beaucoup, monsieur.
    De rien.
    Pour commencer cette étude sur le système de mise en liberté sous caution du Canada, nous accueillons des représentants du ministère de la Justice. Nous accueillons Me Matthew Taylor, avocat général et directeur, Section de la politique en matière de droit pénal, et Me Chelsea Moore, avocate, Section de la politique en matière de droit pénal.
     Je leur souhaite la bienvenue.
     Je remercie également toutes les autres personnes — les analystes, les greffiers et les interprètes — qui ont travaillé si tard hier soir, le jour de la Saint-Valentin. Je vous remercie de travailler si fort. Merci beaucoup au greffier et à tous les membres du personnel qui nous fournissent leur soutien.
    Monsieur Garrison, vous avez une question ou un rappel au Règlement.
    Merci, monsieur le président.
    Je crois que le ministre n'est pas ici aujourd'hui en raison d'un conflit d'horaire et qu'il tient vraiment à comparaître à une autre des six séances prévues. Je sais qu'il a eu l'occasion de discuter directement avec les premiers ministres.
    Je vous demande simplement de confirmer que nous allons rencontrer le ministre dans le cadre de ces audiences.
    Merci, monsieur Garrison.
    Oui, en effet, il a confirmé sa présence. Je crois qu'il comparaîtra juste après la pause pendant l'une de ces réunions. Je n'ai pas le texte exact sous les yeux, mais nous avons la confirmation qu'il comparaîtra.
    Je vais vous accorder 10 minutes, parce que ce sujet est très important. Même si vous avez préparé une déclaration préliminaire de cinq minutes, je vous donne 10 minutes.
     Je pense que la nôtre durera entre cinq et dix minutes, monsieur le président. Nous avions visé sept minutes. Si je parle rapidement, elle ne durera que cinq minutes et si je parle lentement, elle durera 10 minutes.
    Merci beaucoup de m'avoir invité aujourd'hui pour vous fournir du soutien en participant à votre étude sur le régime canadien de mise en liberté sous caution.

[Français]

     Les lois canadiennes relatives à la mise en liberté sous caution sont claires et définissent le cadre dans lequel l'accusé doit être libéré ou détenu avant le procès pour les infractions dont ils sont accusés.
     Tel que prévu au paragraphe 515(1) du Code criminel, un accusé doit être mis en liberté à moins que le procureur puisse démontrer que sa détention est nécessaire. Ce point de départ reflète notre tradition de common law, et la Charte canadienne des droits et libertés prévoit, notamment, la présomption d'innocence et le droit de ne pas être privé sans juste cause d'une mise en liberté assortie d'un cautionnement raisonnable.
    Ainsi, si le point de départ est la mise en liberté, il convient de préciser qu'elle n'est pas automatiquement garantie et qu'elle n'est pas autorisée s'il existe un motif valable de détention.
    Le paragraphe 515(10) du Code criminel prévoit les motifs justifiant la détention d'un prévenu: pour assurer sa présence au tribunal; pour protéger la sécurité du public, eu égard aux circonstances, y compris toute probabilité marquée que l'accusé récidive; pour ne pas miner la confiance du public envers l'administration de la justice.

[Traduction]

     Chaque motif constitue une base indépendante pouvant entraîner le refus de la mise en liberté sous caution, et la décision de détenir l'individu ou non pour l'un de ces motifs est éclairée par la preuve dont dispose le tribunal, ce qui comprend le casier judiciaire du prévenu. Par exemple, le fait qu'il ait utilisé une arme à feu ou une autre arme ou qu'il ait des antécédents de crime violent peut réduire la possibilité de le libérer afin de protéger la sécurité publique.
    Ces mêmes facteurs peuvent également entraîner la décision de détenir le prévenu pour des motifs de confiance du public. Toutefois, le motif de confiance du public ne s'applique pas uniquement à un cadre de sécurité publique. Il est lié à d'autres facteurs importants, comme la solidité de la preuve contre le prévenu, la gravité de l'infraction présumée et les circonstances entourant sa perpétration.
    Le motif de confiance du public vise à équilibrer tous les facteurs pertinents. Il repose sur le fait que la confiance du public est essentielle au bon fonctionnement du système de mise en liberté sous caution et à celui du système de justice dans son ensemble.
    Les motifs de détention sont ancrés dans le système de mise en liberté sous caution. Ils ne changent pas en fonction de l'instance ou de la personne chargée de démontrer si la détention est justifiée. Ils ne se laissent pas modifier par le fait qu'un tribunal doit aussi tenir compte d'autres facteurs, dont le principe de la modération prévu à l'article 493.1, ou par le fait que le prévenu est un Autochtone ou un membre d'une population vulnérable qui est surreprésentée dans le système de justice pénale.
    Autrement dit, un tribunal est toujours tenu de détenir un prévenu s'il a un motif valable de le faire et s'il n'existe aucun moyen adéquat de gérer le risque qu'il pose s'il est libéré. Ces moyens adéquats pourraient comprendre l'imposition de conditions raisonnables et pertinentes dans le cadre d'un plan de mise en liberté sous caution.
    Les lois canadiennes sur la mise en liberté sous caution indiquent clairement qui est chargé de démontrer que la détention est justifiée. Par défaut, comme c'est le cas pour la plupart des aspects du droit pénal, l'État a la responsabilité de démontrer pourquoi la détention est justifiée.
    Cependant, dans un certain nombre de cas, il incombe au prévenu de démontrer pourquoi il ne devrait pas être détenu. Ce renversement du fardeau de la preuve provient de l'intention du Parlement de rendre plus difficile pour un prévenu d'obtenir sa libération dans certaines situations liées aux motifs de détention, aux motifs dont j'ai parlé plus tôt. Par conséquent, ce renversement du fardeau de la preuve peut servir de raccourci. À titre d'exemples, je pourrais mentionner les cas où le prévenu est accusé d'infractions liées au crime organisé ou au terrorisme ou de certaines infractions commises avec des armes à feu, ou les cas de violence par un partenaire intime où le prévenu a déjà été condamné pour des infractions similaires.
    Toutefois, ce renversement ne garantit pas la détention. La détention doit toujours être justifiée pour les trois motifs.
    Je pense que vous êtes tous au courant, car je crois vous avoir entendus en parler, que le premier ministre a promis de travailler en étroite collaboration avec les provinces et les territoires pour que notre système de mise en liberté sous caution — les dispositions du Code criminel sur la mise en liberté sous caution et leur application dans les provinces et les territoires — fonctionne efficacement. Cet engagement fait suite à une lettre que tous les premiers ministres lui ont envoyée en janvier et dans laquelle ils préconisent, entre autres choses, le renversement du fardeau de la preuve.
    Soulignons que cette collaboration FPT sur la mise en liberté sous caution existe depuis longtemps. Elle a mené à l'élaboration des réformes du cautionnement prévues dans l'ancien projet de loi C‑75. Depuis l'automne dernier — avant d'avoir reçu la lettre des premiers ministres —, nous travaillons en étroite collaboration avec les provinces et les territoires sur les questions de mise en liberté sous caution, dont la façon dont le système de mise en liberté sous caution réagit aux récidives de crimes violents. Ce travail se poursuit.
    Le ministre Lametti a récemment convoqué une réunion spéciale des ministres de la Justice et de la Sécurité publique sur la libération sous caution. Nous nous attendons à ce qu'elle ait lieu au cours de ces prochaines semaines. Cette réunion donnera l'occasion à toutes les administrations de trouver des moyens concrets de relever les défis actuels pour veiller à ce que les solutions proposées n'aient pas d'incidence négative sur l'atteinte d'autres objectifs importants. Elle permettra aussi de confirmer les principes fondamentaux.

  (1635)  

    Voilà qui conclut nos observations.
    Nous vous remercions pour votre attention et nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.
    Merci. C'était très bien, seulement six minutes.
    Nous allons passer à notre première série de questions, en commençant par M. Caputo, pour six minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci à vous deux d'être venus. Si vous me le permettez, je vais entrer dans les détails, car ces enjeux sont cruciaux.
    Je suppose qu'en lisant l'article 515 du Code, en particulier les paragraphes 515(6) et 524, vous déduisez qu'en général, les prévenus qui sont déjà en liberté sous caution pour une série d'accusations et qui sont accusés d'avoir commis une nouvelle infraction, particulièrement une infraction mixte, sont assujettis au renversement du fardeau de la preuve. Est‑ce exact?
    Oui, c'est exact. En vertu du paragraphe 515(6), il y a renversement du fardeau de la preuve si l'allégation porte sur le non-respect de certaines conditions de leur mise en liberté sous caution, d'une citation à comparaître ou de toute autre ordonnance du tribunal.
    Exactement.
    L'application du renversement du fardeau de la preuve n'est pas rare, n'est‑ce pas?
    Je ne suis pas sûre. Il faudrait que j'examine les données avant de dire si elle est rare ou non.
    Il n'est certainement pas rare qu'un prévenu qui se trouve devant les tribunaux ait violé les conditions de sa liberté sous caution.
    Vous êtes d'accord avec moi, n'est‑ce pas?
    Encore une fois, je ne peux pas confirmer si c'est rare. Il arrive qu'un prévenu comparaisse devant le tribunal pour avoir manqué aux conditions de sa mise en liberté sous caution.
     Je ne peux pas vous fournir de preuves, mais je peux affirmer qu'il arrive très souvent qu'un prévenu ne respecte pas les conditions de sa libération sous caution.
    Je vais vous parler de trois cas qui ont vraiment changé la scène de la mise en liberté sous caution. Ce sont les arrêts Antic, Zora et St‑Cloud.
    Êtes-vous au courant de ces trois affaires?

  (1640)  

    Oui.
    Très bien.
    Je voudrais aborder le sujet qui crée un peu de tension ici. Pour ce qui est du renversement du fardeau de la preuve, si vous lisez la disposition qui la concerne, un prévenu qui ne respecte pas les conditions générales devrait être détenu, à moins qu'il ne fasse valoir l'absence de fondement de cette mesure. Autrement dit, le prévenu doit justifier sa mise en liberté provisoire. Est‑ce exact?
    Si vous examinez le libellé du paragraphe 515(6), les dispositions de l'article 524 ou, je crois, de l'article 512.3, il semble que le Parlement ait eu l'intention, en instituant le renversement du fardeau de la preuve, de créer un fardeau — un lourd fardeau — pour la mise en liberté provisoire.
    Êtes-vous d'accord?
    Oui, elles indiquent que le Parlement a l'intention de rendre plus difficile l'obtention d'une libération sous caution pour les infractions qu'elles mentionnent.
    Certainement. Si les prévenus réussissent régulièrement à renverser le fardeau de la preuve, soit ils apprennent à le faire toujours mieux, soit l'intention du Parlement n'est pas respectée.
    Nous entendons-nous là‑dessus?
    Je ne comprends pas. Parlez-vous d'un cas précis?
    Non, je parle de façon générale. Le renversement du fardeau de la preuve vise à rendre plus difficile la mise en liberté sous caution.
    Je devrais peut-être retourner un peu en arrière. Le renversement du fardeau de la preuve vise à alourdir considérablement le fardeau des prévenus qui demandent une mise en liberté sous caution.
    Est‑ce exact?
    Le fardeau incombe au prévenu et non à la Couronne.
    Oui. Le fait est que le prévenu, et non la Couronne, doit justifier sa demande.
    Avant de nous enliser dans ce raisonnement, je vais revenir sur une question plus pertinente.
    Nous avons le projet de loi C‑75 et nous avons Antic, Zora et St‑Cloud. L'arrêt St‑Cloud repose sur des motifs tertiaires, mais il concerne la liberté sous caution. Bien qu'il ait été rendu il y a deux ou trois ans, il semble indiquer que la détention pour motif tertiaire ne devrait pas être rare. Autrement dit, il est acceptable que la détention pour motif tertiaire soit fréquente.
    Interprétez-vous cet arrêt de la même manière?
    Oui. Ce motif ne devrait pas se limiter à des circonstances exceptionnelles.
    Exactement. Il ne devrait pas se limiter aux pires des cas non plus.
    Pour ceux qui nous écoutent, le « motif tertiaire » soutient que la liberté sous caution du prévenu scandaliserait un Canadien.
    Ai‑je bien résumé la situation?
    Je crois que vous avez raison. La Cour mentionne la confiance du public ainsi qu'un citoyen bien informé qui comprend les principes et les objectifs du régime de mise en liberté sous caution, mais je pense que l'on peut efficacement résumer cela en parlant de choquer le conscient.
    C'est parfait. L'arrêt St‑Cloud n'indique nulle part que la détention pour ce motif tertiaire devrait être exceptionnellement rare.
    Êtes-vous d'accord avec moi? Il souligne le contraire.
    Je pense que [inaudible] vous avez souligné tout à l'heure que chaque motif est distinct. Il n'est pas réservé aux cas exceptionnels.
    Nous avons le projet de loi C‑75 ainsi que les arrêts Antic et Zora. Je ne vais pas entrer dans les détails, mais essentiellement, les arrêts Antic et Zora soulignent que la détention devrait être très rare. C'est ainsi que je les interprète.
    Êtes-vous d'accord avec moi?
    D'après ce que je comprends en lisant ces arrêts, la Cour suprême souligne que la règle fondamentale à suivre veut que la libération soit la norme et que la détention soit l'exception. Il faut présumer que dans la plupart des cas, le prévenu devrait être libéré.
    Percevez-vous un conflit entre l'arrêt St‑Cloud et les deux autres arrêts que j'ai mentionnés? La détention ne devrait pas être rare dans un cas, mais dans l'autre, la Cour affirme que la libération sous caution devrait être la règle et non l'exception.
    Percevez-vous là une certaine tension?
     Excusez-moi, monsieur le président, mais je ne suis pas certain qu'il y ait conflit. Comme nous l'avons expliqué dans notre déclaration préliminaire, ces motifs sont des motifs de détention. Je pense qu'avec les principes de l'échelle et de la modération ainsi que les autres concepts importants du régime de mise en liberté sous caution, ces motifs servent en réalité d'indicateurs pour le tribunal.
     Il faut tenir compte de la mesure qui restreint le moins la liberté tout en garantissant la comparution du prévenu devant le tribunal, en protégeant la sécurité publique et en maintenant la confiance du public envers l'administration de la justice. Par conséquent, le principe de la modération et l'obligation de tenir compte des particularités des prévenus autochtones ou marginalisés n'excluent aucunement la détention. Tout est axé sur le processus par lequel on prend la décision et non sur l'idée de favoriser un résultat par rapport à un autre...

  (1645)  

    Peut-être...
    Merci, monsieur Caputo.
    Nous passons maintenant la parole à M. Naqvi, pour six minutes.
    Ne vous inquiétez pas, monsieur, je vais reprendre là où vous vous êtes interrompu. Le seul point sur lequel je ne suis pas d'accord avec vous, c'est que vous vous êtes lancé dès le départ dans une discussion sur le renversement du fardeau de la preuve. Je pense que nous devrions d'abord discuter des principes de base avant d'aborder les exceptions aux principes.
    Merci à vous deux d'être venus.
     Commençons par le début. Vous avez fait allusion à la common law dans votre déclaration préliminaire, alors commençons par là. Que nous dit la common law en matière de cautionnement?
     Ces 10 dernières années, la Cour suprême du Canada a rendu un certain nombre de décisions qui portent sur ce dont nous venons de parler. Ces arrêts soulignent que la règle fondamentale à suivre est le fait que la libération devrait être la norme et que la détention devrait être l'exception.
    Cette règle découle de la structure actuelle du Code et de la Charte. Cependant, dans le Code criminel, le principe de la modération est en fait enchâssé dans le paragraphe 515(1). C'est le point de départ. Le libellé souligne essentiellement que le juge doit libérer le prévenu à moins que le procureur ne démontre pourquoi il devrait être détenu. C'est le point de départ.
    Ensuite, en vertu du paragraphe 515(2), nous avons le principe de l'échelle, qui a récemment fait l'objet de longues discussions à la suite de l'arrêt Antic et de l'arrêt Zora...
    Je vais vous interrompre ici, parce que je voudrais que nous parlions du principe de l'échelle.
    Est‑il possible de simplement intégrer à cela la garantie constitutionnelle... la garantie de la Charte en matière de cautionnement?
    Bien sûr.
     À l'alinéa 11e), la Charte prévoit le droit de ne pas se voir refuser la mise en liberté sous caution sans motif valable. Cette disposition présente deux facettes.
     La première est l'aspect de la juste cause. La mise en liberté sous caution ne peut être refusée que dans des circonstances précises qui sont adaptées aux fins précises de la mise en liberté sous caution, au bon fonctionnement du système de mise en liberté sous caution. La sécurité publique et la récidive sont considérées comme des objectifs liés au bon fonctionnement du régime de mise en liberté sous caution.
    Le deuxième aspect est la notion de « raisonnable ». La mise en liberté sous caution doit aussi être raisonnable. Cette idée est vraiment liée au principe de l'échelle dont nous parlons ici et au fait de veiller à ce que le prévenu soit libéré dans des conditions raisonnables qui sont nécessaires parce qu'elles sont liées aux risques que poserait le prévenu s'il était libéré.
    Fantastique, alors parlons maintenant du principe de l'échelle, parce que c'est un élément très important de la common law. Il découle également de la jurisprudence de la Charte.
    Imaginez, madame Moore, que nous sommes de jeunes étudiants en première année de droit criminel...
    Des voix: Oh, oh!
    M. Yasir Naqvi: ... et que vous nous décrivez le principe de l'échelle.
    Le principe de l'échelle établit la présomption, pour la plus grande partie des audiences de cautionnement, que le prévenu devrait être libéré selon les conditions et la forme de mise en liberté les moins sévères. Il s'agit en fait du paragraphe 515(2) du Code criminel. Vous remarquerez que les alinéas a) à e) sont toujours plus restrictifs.
    Chaque paragraphe rend la forme de libération plus restrictive. L'alinéa 515(2)e) exige le dépôt d'une somme d'argent ou d'une autre valeur des prévenus qui ne résident pas dans la province ou dans un rayon de 200 kilomètres du lieu où ils sont sous garde. C'est la forme de mise en liberté la plus restrictive que nous ayons.
    Nous avons le paragraphe 515(2.01) du Code criminel, qui indique que le point de départ est la mise en liberté sans condition. Ensuite, pour chaque terme plus restrictif qui est ajouté à l'ordonnance de mise en liberté, le poursuivant doit justifier cette mise en liberté plus restrictive. Il doit vraiment établir un lien avec les risques particuliers que pose le prévenu.
    Par exemple, si le prévenu présente un risque de fuite, on lui imposera des conditions, comme un dépôt en espèces ou le dépôt de son passeport. Si le prévenu risque de récidiver, d'autres conditions peuvent être imposées pour qu'il respecte les conditions fixées.
     Vous avez examiné le Code criminel, qui énonce le principe de l'échelle, qui correspond à celui que prévoient la Charte et la common law. Est‑ce exact?
    C'est exact.
    Revenons donc aux principes de base: qui est responsable d'appliquer ces dispositions, et en particulier le principe de l'échelle?
    Le juge ou le juge de paix qui préside l’audience sur le cautionnement détermine le type de mise en liberté à accorder au prévenu. En général, à l’audience sur le cautionnement, l’avocat de la Couronne suggère des conditions raisonnables. L’avocat de la défense présente ses suggestions, et le juge détermine les conditions de la caution que le prévenu devra respecter.
    Soulignons que si le prévenu ne respecte pas une condition de sa mise en liberté sous caution, il est passible d'une peine d'emprisonnement maximale de deux ans. Il s'agit donc d'une décision importante...

  (1650)  

    Et l'administration de la justice relève...?
    Des provinces et des territoires.
    Des voix: Oh, oh!
    Elle relève des provinces. Merci. Je voulais juste établir un fondement solide.
    Bien que le ministère de la Justice soit une société d'État fédérale, je suis certain que vous avez une connaissance assez approfondie du fonctionnement des provinces. Quelles méthodes les provinces utilisent-elles pour renseigner leurs procureurs de la Couronne sur l'application de divers concepts, comme le processus de mise en liberté sous caution?
    Vous connaissez probablement tous très bien les directives qui sont émises par les procureurs généraux des provinces. Nous savons, par exemple, que l'Ontario a émis une directive sur les questions de mise en liberté sous caution dans le contexte de la pandémie de la COVID‑19. Nous savons également que la Colombie-Britannique a récemment publié de nouvelles directives à l'intention de ses procureurs sur les questions de mise en liberté sous caution impliquant des récidivistes et des délinquants violents.
     Pour revenir à la perspective fédérale, le Service des poursuites pénales du Canada est responsable des poursuites dans les territoires ainsi que de certaines infractions criminelles fédérales commises dans les provinces. Il publie également des lignes directrices dans le guide qui est affiché dans son site Web. Il fournit de l'information sur les considérations pertinentes en matière de mise en liberté sous caution.
    Est‑ce bien...
    Merci, monsieur Naqvi.
    Nous allons passer la parole à M. Fortin, pour six minutes.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Bonjour, madame Moore et monsieur Taylor.
    Tout cela est intéressant. L'application des règles relève effectivement de la compétence des provinces. Je ne vous demanderai évidemment pas de nous parler davantage de ces questions, mais j'aimerais entendre ce que vous avez à dire au sujet des grands principes qui sont votre pain quotidien, ou à peu près.
    Par exemple, on comprend que l'un des critères est la sécurité du public. On veut s'assurer que, quand on relâche quelqu'un, on ne met pas en danger la sécurité du public.
    Quels critères servent à établir cela? Comment fait-on pour établir que quelqu'un risque ou ne risque pas de mettre en danger la sécurité du public?
    Je vous remercie de votre question.
     Pendant un procès portant sur la mise en liberté sous caution, le juge a souvent une copie des antécédents du prévenu. C'est une façon de vraiment voir s'il y a un...
    Si vous me le permettez, je vais continuer en anglais.

[Traduction]

    Cette copie des antécédents aide le tribunal à déterminer si le dossier du prévenu contient des condamnations antérieures pour violence ou pour comportement criminel. C'est très important lorsqu'on examine le motif secondaire de la protection du public.
    La Cour doit également savoir si le prévenu était en liberté sous caution ou en probation au moment de l'infraction. Souvent, elle examine la situation personnelle du prévenu. Cet individu est‑il stable ou risque‑t‑il de récidiver s'il se retrouve en liberté? A‑t‑il un emploi stable? Souvent, on demande à une personne de témoigner du caractère personnel du prévenu ou de ce qu'il fait dans la vie. Toute cette information éclaire l'examen du motif secondaire de protection du public.
    Le Code contient plusieurs autres dispositions touchant la sécurité publique. Je peux vous les présenter, si vous voulez.

[Français]

    Vous me le direz si je me trompe, mais je crois qu'on va tenir compte du type d'accusation pesant contre l'accusé.
    Par exemple, s'il s'agit d'un crime commis avec une arme à feu, je comprends que cela devrait avoir une incidence.
    J'aimerais que vous m'en parliez.
    À quel point cela doit-il avoir une incidence, et quelles distinctions doit-on faire parmi l'ensemble des crimes commis avec une arme à feu?

[Traduction]

     Bien sûr. En examinant le motif tertiaire, le tribunal doit tenir compte des circonstances entourant l'infraction. Il veut savoir si une arme à feu a été utilisée. Dans l'affirmative, il considère que le motif tertiaire est pertinent.
    À l'audience sur le cautionnement, il y a un renversement du fardeau de la preuve, dont l'application est très vaste, pour toute infraction mettant en cause une arme à feu ou dans les cas où le prévenu a déjà fait l'objet d'une ordonnance d'interdiction. Comme je l'ai déjà dit, le Parlement a indiqué qu'il devrait être plus difficile pour une personne accusée d'une infraction mettant en jeu une arme à feu d'obtenir la libération sous caution. Cette présomption est inversée. Elle suggère que le prévenu sera détenu à moins qu'il puisse prouver au tribunal, selon la prépondérance des probabilités, qu'il devrait être libéré.
    Le juge doit aussi considérer un certain nombre de conditions dans le cas des infractions commises avec violence ou avec une arme à feu. Si l'infraction est présumée avoir été commise avec une arme à feu, il doit interdire la possession et l'utilisation d'armes à feu. Il doit envisager d'imposer des conditions qui protégeront la sécurité des victimes ou des témoins.

  (1655)  

[Français]

     J'imagine que vous avez probablement suivi l'activité législative. Récemment, le projet de loi C‑5, a aboli certaines peines minimales, dont certaines pour des infractions commises avec des armes à feu.
    Je ne les connais pas par cœur, mais je me souviens entre autres de l'infraction où on décharge une arme à feu avec l'intention de porter atteinte à quelqu'un, de le blesser, ou quelque chose du genre. Cela m'apparaissait quand même assez particulier. Honnêtement, pour ma part, j'avais un peu de difficultés à accepter cela.
    Ne trouvez-vous pas un peu étonnant que, si on abolit les peines minimales pour des infractions commises avec des armes à feu, on puisse, dans le cas d'une libération conditionnelle, renverser le fardeau de la preuve et dire à un individu qu'on le met en prison, à moins qu'il nous prouve qu'il n'est pas un danger pour la société?
    Mis ensemble, ces deux principes ne sont-ils pas un peu paradoxaux?
    C'est difficile de dire si c'est paradoxal. Toutefois, je pense que les considérations sont différentes dans le contexte d'une peine minimale. Je vais vous donner un exemple.

[Traduction]

    Dans le contexte de la mise en liberté sous caution, le renversement du fardeau de la preuve dans les cas d'infraction commise avec une arme à feu est étroitement lié aux motifs de détention. On présume qu'un crime commis avec une arme à feu au cours d'un vol qualifié ou d'une agression sexuelle constitue un risque pour la sécurité publique. Il est étroitement lié à cette cause juste... aux trois motifs de détention.
     On a souvent tendance à comparer les considérations de la mise en liberté sous caution et celles de la détermination de la peine. Les droits garantis par la Charte sont différents à chacune de ces étapes, et les objectifs de ces deux processus sont différents.
    Merci.
    Merci, monsieur Fortin.
    Monsieur Garrison, vous avez la parole pour six minutes.
     Merci beaucoup, monsieur le président. Je vais demander au Comité et aux fonctionnaires de me donner un peu de latitude au début.
     Monsieur Naqvi, je pense qu'il est important de préciser ce dont nous parlons. Je pense que cette étude porte en fait sur quatre problèmes distincts.
     Deux d'entre eux ont été très médiatisés et rendus publics, et les premiers ministres provinciaux en ont beaucoup parlé. Il s'agit des problèmes de sécurité publique causés par les récidivistes violents qui obtiennent une libération sous caution. Il en découle des problèmes secondaires d'ordre public causés par les récidivistes de bas niveau qui sont libérés sous caution.
    Ces préoccupations sont très médiatisées. Elles sont tout à fait légitimes et elles sont incluses dans notre étude, mais nous avons un système de mise en liberté sous caution plutôt contradictoire. En fait, nous détenons beaucoup trop de prévenus avant leur procès. En tout temps, la plupart des détenus dans les établissements provinciaux n'ont jamais été condamnés pour quoi que ce soit. Ils attendent leur date de procès. On constate, en examinant ce problème, qu'il s'agit d'un nombre disproportionné d'Autochtones, de Canadiens racisés et de personnes à faible revenu. C'est le troisième problème, à mon avis.
    Un quatrième problème réside dans le fait que lorsque les prévenus obtiennent leur libération sous caution, il leur est souvent plus difficile de respecter ce que l'on considère comme des conditions de libération sous caution peu contraignantes. Ils se retrouvent alors avec une infraction d'administration publique de la justice même s'ils n'ont pas encore été condamnés.
    À mon avis, nous devons aborder ces quatre problèmes différents. Je vais convoquer des témoins pour les quatre — si j'en ai suffisamment — et je vais vous poser des questions à ce sujet.
    J'aimerais commencer par les récidivistes violents.
    Je ne veux pas vous inciter à dire ce que j'aimerais entendre. Je dirai simplement que nous savons tous que, d'une façon ou d'une autre, notre système ne réussit souvent pas à détenir les prévenus et que nous devrions peut-être resserrer les règles d'une façon ou d'une autre.
    Dans un projet de loi antérieur, le Sénat suggère que l'article 518, qui indique que, dans le cadre d'une enquête sur le cautionnement, les procureurs « peuvent » présenter des éléments de preuve sur des condamnations antérieures, ou si le prévenu attend son procès sur une accusation, ou s'il a enfreint des conditions de cautionnement avant de comparaître devant un tribunal, ou s'il ne s'y est pas présenté. Le mot clé dans cet article est « peut », alors je me demande s'il arrive que des juges prennent des décisions sur la mise en liberté sous caution sans que cette information ne leur ait été présentée. Si nous remplacions « peut présenter » par « présente », nous leur garantirions qu'ils ont ces preuves devant eux.
    Cela se trouve dans un projet de loi antérieur du Sénat, et je pense qu'il serait raisonnable de l'examiner. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

  (1700)  

     C'est une bonne chose à examiner, en effet. Notre premier commentaire à ce sujet serait que le fait de remplacer « peut » par « doit » dans le processus de mise en liberté sous caution pourrait avoir des conséquences sur l'efficacité. Je suppose que c'est la réponse que vous attendiez. Je ne peux pas vous dire, ni à vous ni au Comité, que c'est une raison pour ne pas l'examiner.
    C'est quelque chose dont les poursuivants provinciaux et les gens qui travaillent dans les tribunaux connaissent et comprennent l'impact réel susceptible d'entraîner des retards ou des reports des enquêtes sur le cautionnement ou des choses de ce genre.
    De façon anecdotique, en tout cas dans les médias, nous avons vu des décisions où le juge ne semblait pas avoir toute l'information sur le délinquant parce qu'il n'en avait pas été question dans l'enquête sur le cautionnement.
    Au‑delà de l'efficacité, je regarde l'autre extrémité. Resserrer les règles pourrait avoir des avantages pour la sécurité publique. Évidemment, nous tenons toujours compte de l'efficacité, et si nous craignons de détenir trop de monde, bien sûr, nous évaluons les coûts au regard des autres conséquences.
    Quant aux délinquants de niveau inférieur, ils constituent le deuxième problème. Je me demande si nous avons des statistiques, si elles sont vraiment recueillies — j'ai l'impression que ce n'est pas le cas, parce que ce sont les provinces qui administrent la justice ici — sur le nombre de délinquants qui sont libérés plusieurs fois pour des infractions semblables. Je n'ai certainement rien vu à ce sujet. Je me demande si vous avez des chiffres sur la fréquence à laquelle cela se produit.
     Nous n'avons pas de statistiques nationales sur la mise en liberté sous caution pour le moment. Comme vous le savez sans doute, chaque province et territoire est responsable de la collecte de données sur le système de justice pénale, y compris sur les mises en liberté sous caution. Ces données sont parfois publiées dans le Web.
    Statistique Canada donne aux provinces et territoires la possibilité de communiquer leurs données sur la mise en liberté sous caution pour la production de séries de données nationales, mais ce ne sont pas tous les secteurs de compétence qui y contribuent.
    Grâce à son enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle, Statistique Canada peut combiner diverses sources d'information pour créer ce qu'il appelle des « indicateurs composites ». Essentiellement, il s'agit de renseignements combinés sur l'occurrence et les résultats des enquêtes sur le cautionnement dans sept secteurs de compétence qui déclarent leurs données, mais il arrive que les déclarations soient différentes. L'analyse de ces données risque donc d'être compliquée.
    Les fonctionnaires du ministère de la Justice travaillent actuellement avec Statistique Canada à une demande spéciale de données pour examiner et analyser les données disponibles.
     La police nous a souvent dit — dans ma circonscription en tout cas — que cela touche un très petit nombre de personnes lorsque cela se produit. Je me demande si le ministère de la Justice réagit à notre tentative de réformer le système de mise en liberté sous caution lorsque nous avons affaire non pas à la majorité, mais à un très petit nombre de personnes concernées.
    Nous avons également entendu dire qu'un faible pourcentage de personnes commettent un grand nombre d'infractions non violentes, souvent, comme vous l'avez dit, monsieur Garrison, liées à la toxicomanie ou à des choses de cette nature.
     Je pense qu'il est valable de diviser les enjeux comme vous l'avez fait. Il est important de les aborder sous tous ces angles. Y a‑t‑il des considérations de sécurité publique dans ces situations? Peut-être pas, mais peut-être qu'il y a un problème de confiance auquel il faut réfléchir et qu'il faut examiner de plus près.
    Dans la mesure où nous avons des renseignements sur les infractions chroniques, nous serions heureux de les fournir au Comité.
    Merci.
    Merci, monsieur Garrison.
    Nous allons passer à la prochaine série de questions de cinq minutes, en commençant par M. Van Popta.

  (1705)  

    Merci, monsieur le président, et merci aux témoins de leur présence.
    Le comité de la justice étudie la réforme de la mise en liberté sous caution et sa nécessité. C'est en partie en réponse à une lettre que les 13 premiers ministres provinciaux ont adressée récemment au premier ministre, et dont j'ai une copie sous les yeux. J'aimerais vous en lire quelques phrases et vous demander vos commentaires: « Nous exhortons le gouvernement fédéral à intervenir sans tarder pour renforcer le système de mise en liberté sous caution du Canada de manière à mieux protéger le public et les héroïques premiers intervenants du pays. »
    Nous nous souvenons tous avec beaucoup de tristesse et de stupeur, en fait, du meurtre de l'agent Greg Pierzchala tué par une personne qui était en liberté sous caution après avoir été accusée de crimes commis avec une arme à feu. Il est donc très urgent de nous pencher là‑dessus et pour préserver la confiance du public. Autrement, l'administration de la justice risque d'être discréditée.
    Voici le problème que je vois. Les premiers ministres ajoutent: « Le système de justice doit fondamentalement garder hors de nos rues quiconque représente un danger pour la sécurité publique. »
    Eh bien, nous sommes tous d'accord là‑dessus, mais comment un juge peut‑il savoir d'avance si une personne constitue un danger? En rétrospective, nous savons tous que l'assassin de l'agent Pierzchala était un danger, mais le juge le savait‑il d'avance?
     Comme je l'ai mentionné, une évaluation des risques est effectuée à l'enquête sur le cautionnement. L'ancien projet de loi C‑75 a ajouté une disposition en vertu du paragraphe 515(3) du Code criminel, qui oblige désormais les juges, avant de prendre une décision sur la mise en liberté sous caution, à prendre connaissance du casier judiciaire du prévenu et à voir si celui‑ci a déjà été accusé de violence conjugale. J'estime que le casier judiciaire est vraiment essentiel si l'on veut connaître les antécédents de délinquance et savoir s'il y a un patron de violence susceptible de présenter un risque pour le public.
    Souvent, la Couronne présente des rapports d'incident si des accusations ont été portées, mais qu'il n'y a pas eu de déclaration de culpabilité, et elle peut faire témoigner un agent au sujet de ces rapports pour dire qu'il y a eu un patron de comportement.
    Je vous arrête ici. J'oublie le nom du prévenu, mais peu importe. Je présume que toute cette procédure a été appliquée dans le cas du type qui a tué l'agent de police. Pourtant, en rétrospective, il représentait bien une menace pour le public.
    Toute loi qui confère un pouvoir discrétionnaire va malheureusement entraîner des situations impossibles à prévoir. Nous ne pouvons pas légiférer pour éliminer tous les risques, à moins de prolonger la détention indéfiniment. La réalité est que la Charte exige un motif de détention valable: pas question de détention automatique. Mais, dans certains cas, il peut y avoir présomption de détention, et j'ai parlé des situations où le fardeau de la preuve est inversé.
    Au bout du compte, si le juge se trompe, il existe un processus d'appel à l'article 520 du Code criminel.
    Après le meurtre...
    Dans ce cas particulier, je crois qu'il faisait l'objet d'un mandat d'arrestation à l'époque.
    La lettre des premiers ministres ajoute: « Il faut inverser le fardeau de la preuve relativement à la mise en liberté sous caution pour l'infraction de possession d'une arme à feu prohibée ou à autorisation restreinte chargée selon l'article 95 du code. »
    Je sais qu'en vertu de l'article 515 du Code criminel, il existe des dispositions relatives à l'inversion du fardeau de la preuve qui, si j'ai bien compris, ont résisté à des contestations fondées sur la Charte. À votre avis, l'ajout de « possession d'une arme à feu prohibée ou à autorisation restreinte chargée » résisterait‑il à une contestation en vertu de la Charte?
    Difficile de répondre à cette question. Je pourrais peut-être répondre en termes légèrement différents. Cette proposition particulière est quelque chose que nous examinons en collaboration avec les provinces et territoires, comme vous pouvez vous y attendre.
    L'article 95 crée une infraction générale. Pour ceux d'entre vous qui se rappelleront la nouvelle décision, il y a eu une autre décision de la Cour suprême — MacDonald — concernant un propriétaire d'arme à feu par ailleurs respectueux de la loi qui a entreposé son arme à feu prohibée ou à autorisation restreinte dans une résidence secondaire. Son permis lui permettait de l'entreposer dans sa résidence principale, mais c'est dans sa résidence secondaire qu'il la gardait.
    Pour inverser le fardeau de la preuve pour une infraction de cette nature, il faut tenir compte des situations qui seraient visées et voir si ces situations, qui peuvent ou non poser un risque pour la sécurité publique, justifient l'inversion du fardeau de la preuve.
    En ce qui concerne la Charte, j'aurais deux choses à dire.
    Le site Web de Justice Canada comprend une ressource consacrée à tous les articles de la Charte. On y trouve des renseignements détaillés sur les dispositions relatives à la mise en liberté sous caution, y compris sur l'inversion du fardeau de la preuve. Je pense que ce qu'un tribunal aimerait vérifier, en évaluant la viabilité d'une inversion du fardeau de la preuve en vertu de la Charte, c'est s'il y a un lien avec les motifs de détention. Y a‑t‑il une cause juste associée à cela?
    Comme vous le dites, la Cour suprême du Canada n'a pas invalidé le principe de l'inversion du fardeau de la preuve dans le régime de mise en liberté sous caution.

  (1710)  

    Je crois que votre temps est écoulé. Merci.
    Nous passons maintenant à M. Naqvi, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je pense qu'il nous reste encore des questions fondamentales à discuter, parce que vous êtes ici. Je veux seulement m'assurer que nous avons tout cela... Je sais que les gens vous font entrer dans les menus détails, à juste titre d'ailleurs, mais je me croirais en première année de droit en ce moment.
    Parlons de l'inversion du fardeau de la preuve. Décrivez‑nous‑en le concept, en général, en expliquant comment il s'applique à la mise en liberté sous caution en particulier.
    S'il vous plaît et merci.
    L'inversion du fardeau de la preuve s'écarte de l'approche générale de la mise en liberté sous caution à deux égards.
    Premièrement, il y a la présomption que le prévenu doit être détenu et, deuxièmement, le prévenu doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu'il a droit à la mise en liberté, compte tenu des motifs prévus par la loi. Il doit prouver au juge qu'il ne risque pas de s'enfuir, que la détention n'est pas justifiée pour la protection du public et qu'elle n'est pas justifiée non plus pour le maintien de la confiance dans l'administration de la justice.
    Ces dispositions, énoncées au paragraphe 515(6) du Code, traduisent l'intention du législateur de rendre plus difficile la mise en liberté dans ces circonstances. Comme je l'ai dit, nous avons recours à l'inversion du fardeau de la preuve pour les prévenus qui auraient enfreint les conditions de leur mise en liberté sous caution. Nous avons une inversion du fardeau de la preuve pour la violence contre un partenaire intime, lorsqu'une personne a déjà été reconnue coupable de violence contre un partenaire intime, et pour les infractions plus graves, comme les infractions mettant en cause des armes à feu qui font déjà l'objet d'une ordonnance d'interdiction.
    Je pense que c'est tout pour l'inversion du fardeau de la preuve.
    Le Code criminel prévoit donc divers types d'infractions assujetties à l'inversion du fardeau de la preuve pour la mise en liberté sous caution. Encore une fois, il appartient à un juge de paix ou à un juge qui préside l'enquête sur le cautionnement de déterminer si le fardeau de la preuve est justifié ou non.
    Oui. Le Code parle de « juge de paix », mais la définition de « juge de paix » à l'article 2 du Code englobe un juge de la cour provinciale, de sorte qu'il pourrait s'agir d'un juge de paix ou d'un juge de la cour provinciale.
    D'accord. Je pense que vous ou M. Taylor avez abordé la notion des directives au niveau provincial. Ai‑je raison de croire que le procureur général de la province a encore une certaine latitude pour ordonner à la Couronne d'adopter une position particulière, par exemple, de toujours s'opposer à la mise en liberté sous caution, par exemple? Cette latitude existe‑t-elle toujours?
    Oui. Par exemple, j'ai parlé de la directive sur les lignes directrices mises à jour de la Colombie-Britannique. Elle est assez claire sur les circonstances dans lesquelles les poursuivants provinciaux de la Colombie-Britannique devraient s'opposer à la mise en liberté sous caution en fonction de certains critères — récidive de violence, risques pour la sécurité. C'est exposé en détail.
    Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce que la Colombie-Britannique a fait récemment?
     Je ne sais pas si je peux ajouter quelque chose. Je pense que M. Garrison est probablement aussi bien au courant.
    Comme je l'ai mentionné dans ma déclaration préliminaire, la Colombie-Britannique s'inquiète depuis un certain temps de la récidive de violence. Nous y travaillons en collaboration avec elle pour voir s'il y a lieu de modifier le régime de mise en liberté sous caution pour régler ce problème.
    Dans le cadre de ses responsabilités d'administrateur de la justice, la Colombie-Britannique a mis à jour ses lignes directrices afin de donner des directives à ses procureurs lorsqu'ils traitent des crimes de violence. Je pense que ces lignes directrices couvrent également d'autres circonstances — des considérations propres aux prévenus autochtones, par exemple.
    Nous pouvons fournir ces lignes directrices; c'est de l'information accessible au public.

  (1715)  

    Savez-vous si d'autres provinces que la Colombie-Britannique prennent des mesures semblables?
    Je sais que l'Ontario a émis des lignes directrices sur la mise en liberté sous caution. Je crois qu'elles étaient propres au contexte de la COVID‑19.
    Je n'ai pas fait, et je ne crois pas que notre unité ait fait non plus, de recherche exhaustive dans l'ensemble des provinces et territoires.
     Je peux vous signaler la Colombie-Britannique et, au niveau fédéral, le Guide du Service des poursuites pénales du Canada, qui fournit des renseignements sur les enquêtes sur le cautionnement.
    L'inversion du fardeau de la preuve existe-t-elle si le prévenu est accusé d'infractions mettant en jeu des armes à feu, alors qu'il est frappé d'une ordonnance d'interdiction de possession d'armes à feu?
    Oui.
    Pouvez-vous préciser l'article du Code?
    C'est le sous-alinéa 515(6)viii). En fait, il y a deux inversions du fardeau de la preuve liées aux armes à feu. Le sous-alinéa 515(6)(vii) se lit: « qui est prévu aux articles 244 ou 244.2 [...] s'il est présumé qu'une arme à feu a été utilisée lors de la perpétration de l'infraction ».
     Ensuite, au sous-alinéa 515(6)(viii), c'est assez large. Il s'agit de tout acte criminel qui « est présumé avoir mis en jeu une arme à feu... et avoir été commis alors que [le prévenu était] déjà visé par une ordonnance d'interdiction » au sens du paragraphe 84(1).
    Le paragraphe 515(5) traite également de l'inversion du fardeau de la preuve.
    Merci, monsieur Naqvi.
    Nous allons maintenant passer à deux tours de deux minutes et demie. Commençons par M. Fortin.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Monsieur Taylor et madame Moore, il me reste deux minutes de temps de parole, et j'aimerais revenir aux armes à feu.
    Je comprends qu'il y a des dispositions particulières pour certains crimes commis à l'aide d'une arme à feu. De plus, comme je le disais tantôt, il n'y a pas si longtemps, on a légiféré pour abolir les peines minimales en lien avec certains crimes commis à l'aide d'une arme feu. Je pense notamment au fait de décharger d'une arme à feu avec une intention particulière; on a aboli la peine minimale de quatre ans qui était associée à cette infraction.
    On doit évaluer la gravité du crime. Un avocat de la défense pourrait dire au juge que, dans la société d'aujourd'hui, le crime en question est manifestement beaucoup moins grave qu'il ne l'était il y a 10, 20 ou 50 ans. Il pourrait utiliser ce genre d'argument, puisque le législateur a aboli les peines minimales.
    À votre avis, n'est-ce pas inquiétant que l'on puisse utiliser ce genre d'argument?
    Un avocat peut toujours essayer de convaincre un juge qu'une infraction est plus grave qu'une autre. L'abrogation des peines minimales obligatoires n'est pas une...

[Traduction]

    Ce n'est pas seulement reconnaître qu'une infraction est moins grave. La décision d'abroger les peines minimales obligatoires était fondée sur l'importance de redonner aux juges le pouvoir discrétionnaire d'imposer des peines appropriées dans tous les cas.

[Français]

    D'accord, mais on donne au juge la possibilité de ne pas imposer une peine de prison.
    Récemment, dans l'actualité québécoise, on a parlé d'un cas où la personne avait des armes chez elle, mais on a décidé de ne pas lui imposer une peine de prison.
    Une peine minimale, c'est une indication de la gravité du crime. Le législateur ne parle pas pour ne rien dire. Si on abolit une peine minimale qui était fixée à quatre ans, par exemple, cela doit bien vouloir dire que l’on considère que le crime est moins grave. N'ai-je pas raison?

[Traduction]

     Je répète ce que j'ai déjà dit. Je pense que les juges et le Code criminel fournissent une structure; les infractions mettant en jeu des armes à feu sont passibles de lourdes peines d'emprisonnement maximales. Dans sa jurisprudence récente, la Cour suprême a réaffirmé le principe selon lequel une peine maximale, prévue par la loi, donne aux tribunaux des directives claires sur la gravité de l'infraction.
    Quant à l'exemple que vous citez au sujet de la décision rendue au Québec, nous sommes au courant. Il y a des possibilités d'appel dans ces cas‑là.
     Je comprends ce que vous voulez dire. L'élément important à retenir, encore une fois, c'est que la loi, dans son application, fixe des balises claires. Dans la façon dont elle est appliquée, il y a des situations où les résultats sont peut-être ce à quoi on s'attendrait, mais il y a des freins et contrepoids dans ce système sous forme de droits d'appel, etc.

  (1720)  

    Merci, monsieur Fortin.
    Monsieur Garrison, vous avez deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    Je reviens dans la section retour aux sources.
    Si nous gardons à l'esprit que le système de mise en liberté sous caution vise à protéger à la fois la présomption d'innocence et la sécurité publique... Je pense que c'est le cadre dans lequel nous opérons. Le truc, dans la loi et dans la procédure, c'est bien de décider qui détenir.
    Je reviens à l'absence de statistiques. Pouvez-vous me dire combien de personnes sont détenues avant leur procès et pendant combien de temps elles le sont?
    Mme Moore va chercher.
    Ce que nous n'avons pas, par exemple, c'est le pourcentage de personnes détenues sous garde avant le procès par opposition au pourcentage de personnes détenues avant la détermination de la peine. Certaines de nos statistiques portent sur ces deux notions de détention. Nous ne pouvons pas repérer les cas de détention provisoire, mais nous avons quand même certaines séries de données limitées.
    Pourriez-vous nous donner des ordres de grandeur? Les médias diffusent des reportages sur le grand nombre de personnes, en faisant supposer qu'elles sont en détention provisoire. Je comprends la distinction que vous avez faite: certains sont en attente de leur peine. Avons-nous une estimation de l'ampleur du nombre ou du pourcentage? Les gens qui sont détenus avant d'être déclarés coupables souffrent. Cela a des répercussions sur l'emploi, à la fois sur leur capacité d'aller travailler et sur ce que leur employeur pense d'eux. Cela a des répercussions sur les familles et sur des choses comme les programmes de traitement de la toxicomanie et de l'alcoolisme.
    Je peux peut-être vous donner un point de données, avant de vous fournir d'autres données en réponse à votre question.
    C'est une statistique que nous a fournie la police de Toronto. Elle vient d'un rapport de 2022, qui porte spécifiquement sur les infractions liées aux armes à feu. Selon la police de Toronto, en ce qui concerne les données qu'elle conserve, le pourcentage de personnes accusées d'une infraction mettant en jeu une arme à feu qui ont obtenu une libération sous caution est passé de 63 % en 2019 à 58 % en 2021. Le pourcentage de personnes accusées d'une infraction mettant en jeu une arme à feu qui ont été arrêtées denouveau pour une infraction criminelle après avoir été libérées sous caution est passé de 44 % en 2019 à 19 % en 2021. Les données sont très limitées.
    Ce sont des données utiles.
    Merci.
    Merci, monsieur Garrison.
    Nous allons maintenant passer à un autre tour de cinq minutes, en commençant par M. Brock et en terminant par Mme Diab.
     Merci, monsieur le président, et merci aux témoins.
     Je ne pensais pas avoir mon tour, alors c'est un honneur.
    Vous connaissez évidemment mes antécédents. Je ne vais pas les énumérer, parce que chaque fois que je le fais, mon collègue, M. Naqvi, qui a déjà été mon patron, intervient pour ajouter son éditorial.
    Je peux vous dire, monsieur et madame, que j'aborde cette étude sous un angle complètement différent et dans une perspective différente. Contrairement à mon collègue et à un autre poursuivant, M. Caputo, j'ai passé beaucoup de temps — de 15 à 20 ans — devant les tribunaux à débattre des causes de mise en liberté sous caution.
     Je veux savoir si vous êtes d'accord ou non sur mon évaluation.
    Avant l'affaire Antic... Je ne sais pas. Vous n'étiez peut-être même pas, vous deux, avocats à ce moment‑là. Je suis là depuis longtemps. Avant Antic, le consensus était que le pendule global en ce qui concerne la réponse aux besoins du public, la protection du public et la mise en évidence des protections garanties par la Charte était faussé et qu'un trop grand nombre de personnes étaient détenues pour des infractions vraiment mineures. Les poursuivants de tout le pays n'ont pas insisté pour que la détention ne porte que sur les cas graves présentant un risque pour la sécurité, non seulement de la collectivité, mais aussi de la victime.
    Antic a tenté de renforcer le fait que le pendule était allé trop loin du côté de la protection de la société et du public. À mon avis, il s'est rapproché un peu plus des droits du prévenu.
     Puis il y a eu le projet de loi C‑75, et une autre décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Zora qui a renforcé ces principes. Le public a maintenant l'impression que le système que nous appelons le système de justice pénale n'est pas équilibré.
    Est‑ce le thème? Est‑ce que c'est ce que vous entendez? Lisez-vous des études à ce sujet et entendez-vous les experts et les parties prenantes en parler? Est‑ce une préoccupation au ministère de la Justice?

  (1725)  

    Oui, je pense que c'est un excellent commentaire, monsieur Brock.
    Voyons d'abord les préoccupations du public.
    En entendant parler des cas tragiques dont nous sommes tous au courant et qui ont motivé votre décision de mener votre étude, le public s'inquiète. Nous comprenons cela. Le ministre comprend cela. Nous aidons le gouvernement à trouver des solutions. C'est pour cela que le ministre Lametti a convoqué la réunion spéciale avec ses homologues provinciaux.
    L'autre chose que nous entendons, et c'est peut-être implicite dans ce que vous dites, c'est que le système de mise en liberté sous caution est fondamentalement sain, en ce sens qu'il donne des motifs clairs de détention qui sont bien compris. Cependant, on craint que peut-être, comme vous l'avez dit, l'équilibre soit rompu dans un sens ou dans l'autre.
     Il s'agit de maintenir cet équilibre. Ce n'est pas facile à faire.
    Je vous arrête ici, car mon temps est limité. Je vous en remercie.
    Partagez-vous cette conviction?
    J'ai parlé à de nombreux juges de la cour provinciale et juges de paix. Nous savons tous que la grande majorité des juges de paix au Canada n'ont pas de formation juridique. Ils ne sont pas tenus d'avoir une formation juridique. Toutefois, eux comme les autres estiment que le projet de loi C‑75 limite vraiment leur pouvoir discrétionnaire. Le projet de loi C‑75, ainsi que les décisions rendues par la Cour suprême du Canada dans Zora et dans Antic, les a vraiment forcés à envisager la mise en liberté, sans égard aux circonstances de l'infraction, sans égard aux antécédents criminels et sans égard aux défauts de comparaître et au nombre de violations. La mise en liberté est le principe implicite.
    Est‑ce un problème pour le ministère?
    Oui. Dans notre déclaration préliminaire, nous avons essayé de parler directement de ce point, à savoir que les décisions de la Cour suprême dont vous avez parlé et les réformes qui ont été adoptées dans l'ancien projet de loi C‑75 sont des principes qui éclairent un processus. Elles ne dictent pas un résultat. Le résultat, pour ce qui est de la détention par opposition à la mise en liberté, est très clair. C'est la détention. Un juge de paix ou un autre juge devrait refuser la mise en liberté sous caution dès lors qu'un des trois motifs est établi.
     On craint toujours une contestation de son jugement en appel. Les juges de paix ont ces préoccupations. Je vais être très direct avec vous: parfois, ils préfèrent la solution de facilité qui leur évitera un appel de leur jugement. Ils libèrent, prient et se croisent les doigts en espérant qu'il n'y ait pas de conséquences. Mais nous savons qu'à l'échelle du pays, chaque jour, il y a des conséquences importantes, graves et fatales découlant des décisions que les juges de paix, les juges de la cour provinciale et — dans le cas le plus récent — les juges de la Cour supérieure prennent dans le cadre de l'examen des mises en liberté sous caution.
    Est‑ce exact?
    Oui.
    Oui, et je pense...
    Monsieur Brock, malheureusement, nous n'avons plus de temps.
    Madame Diab, vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à nos témoins.
    Notre étude est importante. De toute évidence, nous étudions la question. Les Canadiens sont très inquiets, mais il y a aussi beaucoup d'écarts dans la façon dont les provinces et les territoires utilisent ce système. Il est tout à fait logique que nous, parlementaires, nous penchions sur le problème. Je pense que nous sommes tous en faveur de cette étude. Je comprends, car je n'ai pas fait le droit criminel. J'apprécie le cours « Criminels 101 ». J'ai fait des études de droit, mais c'était il y a longtemps.
     Je vais commencer par le projet de loi C‑75, là où vous venez de terminer avec M. Brock. Le projet de loi C‑75 a apporté certaines réformes au Code criminel.
    Je sais qu'il n'existe que depuis quelques années, mais j'aimerais que vous nous disiez — pour poursuivre votre réponse — comment il a aligné la loi sur la jurisprudence de la Cour suprême du Canada. À votre avis et selon votre expertise, qu'a‑t‑il fait, et a‑t‑on eu suffisamment de temps pour l'évaluer, puisqu'il n'a encore que quelques années?

  (1730)  

    Comme vous le savez peut-être, les dispositions du Code criminel sur la mise en liberté sous caution n'ont pas été modifiées en profondeur depuis la Loi de 1972 sur la réforme du cautionnement. Face aux nombreuses lacunes du système, notamment en ce qui a trait à la libération par la police ou aux formes de mise en liberté, on a tenté d'améliorer le processus au moyen du projet de loi C‑75. L'une des dispositions édictées, comme nous en avons discuté, était le « principe de retenue » en vertu de l'article 493.1, qui oblige les juges et les tribunaux à ce qu'ils « cherchent en premier lieu à mettre en liberté le prévenu à la première occasion raisonnable et aux conditions les moins sévères possible [...] ». Ils doivent également tenir compte de la situation des prévenus autochtones dans toute décision relative à la mise en liberté sous caution, tout comme de celle des prévenus appartenant à des populations vulnérables.
    Il y avait eu de nombreux appels à la réforme et de nombreuses études sur les lacunes du système de mise en liberté sous caution. Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a mené une étude exhaustive sur les retards. Il a examiné la question de la mise en liberté sous caution dans son rapport intitulé Justice différée, justice refusée. Il a expressément recommandé que le ministre de la Justice accorde la priorité à la réduction du nombre de personnes en détention provisoire au Canada. Le principe de retenue répondait directement à cette recommandation. Le Comité directeur sur l'efficacité et l'accès en matière de justice a également réclamé des réformes, tout comme divers rapports.
    La jurisprudence de la Cour suprême du Canada a également beaucoup éclairé les modifications relatives à la mise en liberté sous caution. Nous avons parlé de la décision dans l'affaire Antic, mais il y a eu des antécédents. Dans l'arrêt Antic, plus précisément — qui était une décision unanime de la Cour suprême —, l'actuel juge en chef Wagner a écrit qu'il y avait « une absence généralisée d’uniformité dans l’application des règles de droit relatives à la mise en liberté provisoire. En fin de compte, avait‑il déclaré, le nombre de personnes en détention provisoire et les refus d’accorder la mise en liberté provisoire ont augmenté considérablement depuis l’avènement de la Charte. » Vous verrez dans le rapport du Sénat des données sur la détention provisoire. Les sénateurs ont entendu un témoin de la Saskatchewan, qui a dit que la population en détention provisoire avait augmenté de 97 % depuis quelques décennies. C'est assez important.
    Je pourrais vous renvoyer au contexte législatif du projet de loi C‑75, qui est disponible en ligne, si vous avez des questions à ce sujet.
    En ce qui concerne la mise en œuvre des réformes du projet de loi C‑75, elles sont entrées en vigueur en 2019. Plus particulièrement, les réformes du cautionnement n'ont pris effet que neuf mois plus tard, je crois, ce qui a coïncidé avec le début de la pandémie. Comme vous le savez, le système judiciaire a subi moult perturbations pendant la pandémie. De nombreux procès devant jury ont été reportés. Les fonctionnaires continuent de chercher des façons d'examiner les données pour accélérer les efforts de mise en œuvre.
    Divers projets de recherche sont en cours par des fonctionnaires de la Division de la recherche et de la statistique de Justice Canada. Si vous voulez plus de renseignements à ce sujet, je peux certainement vous les fournir.
     Les données sont un point important, et je pense que M. Garrison cherchait à le comprendre.
    Je peux comprendre que vous ayez répondu en disant qu'il y a des données disponibles, mais qu'elles ne sont pas ventilées avant le procès et avant la détermination de la peine. Je ne sais pas pourquoi; peut-être pourriez-vous nous l'expliquer.
    Toutefois, la question porte sur les données recueillies dans le système de mise en liberté sous caution. Pouvez-vous nous dire ce qui est recueilli et ce qui est rendu public?
    Comme nous l'avons promis à M. Garrison — je sais que nous n'avons pas beaucoup de temps —, nous vous fournirons une liste de ce que nous avons.
    Nous disposons de données limitées provenant de sept administrations. Comme Mme Moore l'a dit plus tôt, la façon dont les données sont recueillies n'est pas uniforme d'une province à l'autre. Nous vous fournirons donc cette information ainsi qu'une explication de la méthodologie utilisée.
    Merci beaucoup.
    Je tiens à vous remercier tous les deux. Nous avons beaucoup d'avocats dans la salle — dont quelques anciens procureurs —, alors ils ont beaucoup de questions d'ordre juridique. J'apprécie vraiment vos réponses si claires et concises.
    Nous allons suspendre la séance jusqu'à l'arrivée de notre prochain témoin. Il faudra donc compter quelques minutes.

  (1735)  


  (1740)  

     Bon retour.
    J'aimerais souhaiter la bienvenue à notre prochain témoin, le commissaire de la Police provinciale de l'Ontario, Thomas Carrique. Nous sommes heureux d'accueillir le commissaire.
    Vous avez cinq minutes, mais vous pouvez prendre une ou deux minutes de plus, puisque vous êtes le seul témoin aujourd'hui. Nous aurons une série de questions tout de suite après.
    La parole est à vous, commissaire Carrique.
     Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs.
    Je suis très heureux d'avoir l'occasion de parler des préoccupations que j'ai soulevées et que je continuerai de soulever au sujet des circonstances évitables liées au meurtre de l'agent de la Police provinciale de l'Ontario, Greg Pierzchala.
    L'une des personnes responsables du décès de l'agent Pierzchala et accusée de meurtre au premier degré, Randall McKenzie, est un récidiviste qui a été reconnu coupable d'infractions violentes liées aux armes à feu. Bien qu'il ait démontré une tendance inquiétante à ne pas respecter les interdictions antérieures relatives aux armes à feu et d'autres conditions imposées par les tribunaux, il a été libéré sous caution en attendant son procès pour des accusations relatives à d'autres infractions violentes à main armée et voies de fait contre trois victimes, dont un agent de la paix.
    McKenzie a un passé violent, avec des condamnations criminelles pour vol à main armée, agression armée, possession d'une arme et voies de fait. Il avait fait l'objet d'une interdiction de posséder des armes pendant cinq ans en 2015, de nouvelles interdictions de 10 ans en 2016 et en 2018, année où on lui a également interdit de posséder des armes à feu à vie. Au moment du décès de l'agent Pierzchala, il était assujetti à des conditions de mise en liberté sous caution qui lui interdisaient de posséder une arme et des munitions.
    Comme l'a souligné le juge de la Cour supérieure dans la décision de révision de la mise en liberté sous caution qui a libéré McKenzie de la détention le 27 juin 2022, McKenzie avait un dossier de cinq condamnations antérieures pour défaut de se conformer à des ordonnances du tribunal.
    Malgré tout cela, il a été libéré sous caution, même si, par le passé, il n'avait pas respecté les conditions imposées, notamment en se débarrassant du dispositif de surveillance électronique qu'il avait été contraint de porter à la cheville pendant qu'il était sous caution. Sa libération a abouti au meurtre de l'agent Pierzchala.
    Malheureusement, il n'est pas rare que des récidivistes ayant un passé violent obtiennent une mise en liberté provisoire par voie judiciaire et commettent d'autres actes criminels violents par la suite. En fait, en 2021 et 2022, la Police provinciale de l'Ontario a accusé 587 récidivistes violents de ne pas avoir respecté les conditions de leur libération sous caution. De ces 587 personnes, 464 ont commis des crimes violents pendant qu'elles étaient en liberté sous caution, et 56 de ces crimes ont été commis avec une arme à feu.
    Dans bien des cas, l'incarcération est le seul moyen efficace de protéger le public contre les récidivistes violents. Le droit du public d'être protégé contre ces délinquants doit avoir beaucoup plus de poids que ce n'est le cas actuellement lorsque l'on tient compte des questions de mise en liberté sous caution.
    Conformément à une résolution de 2008 de l'Association canadienne des chefs de police, de nombreux chefs de police au Canada cherchent actuellement á faire apporter des améliorations à l'alinéa 515(10)b) du Code criminel, qui auraient pour effet de faire valoir la volonté des Canadiens respectueux de la loi et d'obliger les tribunaux à tenir compte des facteurs qui doivent être soupesés par rapport à la libération d'un inculpé.
    Ces facteurs comprennent la prévention de la perpétration d'une infraction grave; la perpétration antérieure d'une infraction grave pendant la mise en liberté sous caution; la perpétration antérieure d'une infraction à main armée, en particulier avec une arme à feu; et le nombre et la fréquence des condamnations antérieures de l'accusé pour des infractions graves, y compris la récidive persistante. Ils comprennent également la nature et la probabilité de tout danger pour la vie ou la sécurité personnelle d'une personne ou pour la collectivité que peut présenter la mise en liberté d'une personne accusée d'une infraction passible d'une peine d'emprisonnement de 10 ans ou plus.
    Je crois fermement que nos agents, ceux‑là mêmes qui protègent nos familles, nos collectivités et les Canadiens, méritent d'être protégés contre les récidivistes violents qui sont accusés d'infractions violentes à main armée en attendant leur procès.
    Pour conclure, je tiens à exprimer ma reconnaissance au Comité permanent de la justice et des droits de la personne pour cette étude. Ensemble, en nous engageant à apporter des changements législatifs significatifs et responsables, nous pouvons et devons nous assurer rapidement que l'on accorde un poids approprié aux préoccupations en matière de sécurité publique lorsqu'on envisage la mise en liberté provisoire d'un récidiviste violent, améliorant ainsi la sûreté et la sécurité du Canada et des Canadiens.
    Merci. Meegwetch.

  (1745)  

     Je suis prêt à répondre à vos questions, monsieur le président.
    Merci, monsieur le commissaire.
    Nous passons à notre première série de questions, en commençant par M. Brock, pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue, monsieur le commissaire. C'est toujours un plaisir de vous accueillir chez nous. J'ai hâte d'entendre votre témoignage et je vais aller droit au but.
    Malheureusement, les événements les plus récents ont non seulement été tragiques et troublants, mais ils ont également, à mon avis, galvanisé l'opinion publique, les services de police, les associations de policiers, les chefs de police, les groupes de défense des droits et la population canadienne. Le système de mise en liberté sous caution pose un grave problème au Canada. Êtes-vous d'accord avec moi, monsieur, compte tenu de vos déclarations de ces dernières semaines?
     Vous avez vivement critiqué notre système de mise en liberté sous caution. Êtes-vous d'accord, monsieur le commissaire, pour dire que notre système ne fonctionne pas?
    Je suis absolument convaincu que notre système a désespérément besoin d'un changement en profondeur — un changement qui fera en sorte que les récidivistes violents qui ont démontré une propension à utiliser des armes contre les victimes soient tenus responsables et maintenus en détention de sorte qu'ils ne puissent plus faire des victimes innocentes et risquer la vie de policiers. Des changements sont nécessaires.
    Nous convenons tous deux que la vaste majorité des Canadiens accusés d'infractions criminelles exercent — à juste titre — leur droit constitutionnel d'être présumés innocents et d'être libérés sous caution. Cette étude ne porte pas sur ces personnes.
     Elle porte sur les personnes que vous venez de citer dans vos statistiques. Je n'ai pas utilisé une calculette, mais d'après mes calculs à moi, il est question de 80 % de récidivistes et la Police provinciale de l'Ontario porte régulièrement des accusations. De ces 80 %, il y a des gens qui utilisent des armes à feu.
    Êtes-vous d'accord avec moi, monsieur, pour dire que le recours à des armes à feu à des fins criminelles, non seulement en Ontario, mais partout au pays, est monté en flèche ces dernières années?

  (1750)  

    Je suis tout à fait d'accord avec cette affirmation. Jour après jour, mes agents saisissent bien plus d'armes à feu que celles dont nous aurions pu soupçonner l'existence partout au pays.
    Il y a à peine trois jours, nous avons eu un délinquant qui avait été libéré sous caution pour possession d'une arme à feu et qui, quelques jours après a été arrêté de nouveau, cette fois‑ci pour la possession de nombreuses armes à feu.
    Êtes-vous d'accord avec moi pour dire que 100 % — ou presque — de tous les criminels qui utilisent allègrement des armes à feu pour commettre une infraction ne voient dans les documents de libération sous caution qu'un simple bout de papier auquel il n'y a aucune obligation de se conformer?
    Je conviens que le taux d'infraction des conditions de mise en liberté sous caution est plus élevé pour ceux qui utilisent des armes à feu pour commettre des crimes violents.
    Nous convenons tous les deux que le meurtre insensé de l'agent de la Police provinciale de l'Ontario Pierzchala n'aurait pas dû se produire et ne se serait pas produit si le système avait fonctionné comme prévu, n'est‑ce pas?
    Tout à fait.
    Il y a eu une rupture en ce qui concerne la décision que le juge a prise à l'étape de la révision de la mise en liberté sous caution.
     Il y a eu une rupture du degré de supervision que sa propre mère assurait à cette personne.
    Cette personne, vous en conviendrez, a été libérée au plus haut échelon de cette échelle proverbiale que la Cour suprême du Canada a citée dans l'arrêt Antic, soit la détention à domicile, la surveillance électronique, ne pas posséder d'armes et ne pas sortir du tout, à moins d'être accompagné de sa mère, pour comparaître devant le tribunal et se rendre au cabinet de son avocat.
     On n'aurait pas pu opter pour des conditions plus rigoureuses que celles que le juge a imposées pour la libération de cette personne. Êtes-vous d'accord?
    Je suis d'accord.
    Pourtant, cette même personne a fait fi de tout ce que le juge avait dit, y compris en échappant à ce qui devait être sa première comparution devant le tribunal.
    C'est exact, monsieur.
    Compte tenu du peu de temps dont je dispose, je vais vous demander précisément quelles réformes et quels amendements vous aimeriez que le Comité examine.
    Merci.
    Pour poursuivre mon renvoi à l'alinéa 515(10)b) dans ma déclaration préliminaire, sur les considérations de sécurité publique qui doivent être dûment prises en compte, je voudrais que l'on élargisse les dispositions relatives au renversement du fardeau de la preuve pour les infractions de possession d'armes à feu en ce qui concerne les récidivistes violents ou les multirécidivistes dangereux; que l'on définisse ce qu'on entend par « multirécidivistes » ou « récidivistes violents »; que l'on codifie les considérations relatives à la sécurité publique avant d'accorder une libération sous caution; et une plus grande responsabilisation de ceux qui se portent garants des personnes libérées.
     Merci.
    Monsieur le président, je vais céder mes 30 dernières secondes à mon collègue.
    Merci, monsieur le commissaire, et je crois que tous les membres du Comité vous font part de leurs condoléances pour la perte de votre agent. Ce sont des gens comme vous, comme lui et comme vous tous qui veillent à notre sécurité, alors merci.
    Monsieur le commissaire, j'ai récemment déposé le projet de loi C‑313. Avez-vous eu l'occasion de l'examiner?
     Oui, monsieur.
    Pouvez-vous nous faire part de vos observations ou de votre position à ce sujet en quelques secondes?
    C'est tout à fait conforme aux recommandations que j'ai formulées jusqu'ici devant votre comité, ainsi qu'à celles formulées par d'autres chefs de police d'un bout à l'autre du pays.
    Merci.
    Merci, messieurs Caputo et Brock.
    Nous passons maintenant à Mme Brière, pour six minutes.

  (1755)  

[Français]

    Bonjour, monsieur Carrique.
    C'est à mon tour de vous offrir mes condoléances à la suite du décès de votre collègue. Je vous remercie également d'assurer la sécurité de la population de l'Ontario.
    J'ai bien écouté vos commentaires. Vous avez parlé de changements importants et responsables. Vous avez répondu aux questions de mon collègue M. Brock.
    Pourriez-vous en dire davantage sur les changements que vous proposez?

[Traduction]

    Merci.
     Les changements que je propose se retrouvent dans ma déclaration préliminaire en ce qui a trait à la codification de ce qui doit être pris en considération en matière de sécurité publique, soit l'élargissement des dispositions relatives au renversement du fardeau de la preuve en ce qui concerne les infractions mettant en jeu des armes à feu et les récidivistes violents ou multirécidivistes, et une plus grande responsabilité de la part des personnes qui fournissent la caution.

[Français]

    Croyez-vous que c'est par manque d'information que les juges prennent parfois des décisions qui s'avèrent malheureuses?

[Traduction]

    Non, je ne crois pas que ce soit à cause d'un manque d'information. Je crois que c'est l'interprétation de la loi qui leur est actuellement fournie, et je pense qu'il y a moyen de moderniser cette loi pour veiller à ce qu'un poids approprié soit accordé non seulement au respect de la Charte canadienne des droits des victimes, mais aussi à la sécurité publique. Il faut des directives précises dans la loi. Dans sa forme actuelle, elle est interprétée de façon appropriée dans la plupart des cas, mais d'autres directives doivent être codifiées.

[Français]

    Avez-vous confiance en notre magistrature et en ceux qui rendent les décisions sur les libérations conditionnelles?

[Traduction]

    Je pense que chaque cas doit être évalué selon ses propres mérites. Je crois qu'il est possible de procéder à une réforme pour aider ceux qui sont chargés de prendre ces décisions très difficiles, afin qu'ils disposent de la législation appropriée pour les aider à prendre des décisions qui sont dans l'intérêt de la sécurité publique.

[Français]

    Vous savez aussi que la règle, c'est la mise en liberté de l'accusé, et que, l'exception, c'est sa détention.
    Pensez-vous que les changements que vous avez proposés viendraient un peu contrecarrer la présomption d'innocence et le droit constitutionnel d'être libéré en attendant d'être jugé?
    Il y a deux volets à ma question: la présomption d'innocence et la possibilité d'être libéré jusqu'au moment d'être jugé.

[Traduction]

    C'est une question très importante.
    Je crois à la présomption d'innocence en vertu de la Charte et au droit à une mise en liberté sous caution raisonnable à la première occasion et aux conditions les moins sévères, à moins qu'il ne soit justifié d'en faire autrement. Cependant, le renversement du fardeau de la preuve est absolument nécessaire pour les récidivistes qui utilisent des armes pour commettre des infractions violentes. Dans de tels cas, il incombe clairement à l'accusé de démontrer pourquoi il ne devrait pas être détenu et il faut que la sécurité publique soit prise en compte de façon appropriée afin que nous ne voyions plus de violence dans nos collectivités aux mains de ces délinquants.

[Français]

    Pensez-vous que, selon la nature du crime, certaines personnes ne devraient pas être incarcérées et plutôt bénéficier d'une réhabilitation dans la communauté ou d'une option semblable pour éviter des récidives?
    On sait que la détention peut conduire des gens à commettre des crimes après leur libération.

[Traduction]

     Absolument. Je crois aux principes de la Charte et aux principes sur lesquels repose la mise en liberté sous caution. Cependant, nous parlons d'un nombre très restreint de récidivistes qui ont commis des crimes violents avec des armes à feu. Mon champ d'application est très étroit, très responsable, très percutant et extrêmement essentiel à la sécurité publique.

[Français]

     Merci.
    En ce qui a trait à la sécurité du public — cela me préoccupe grandement —, que peut-on faire pour mieux protéger les victimes?
    Vous allez évidemment me répondre de garder les gens en détention. Cependant, de façon plus large, que peut-on faire?

  (1800)  

[Traduction]

    Je ne donnerais pas de réponse générale au sujet des personnes en détention, sauf qu'il s'agirait de retenir les conseils que j'ai déjà donnés.
    Les récidivistes violents sont des délinquants dangereux qui continuent à accabler les collectivités et qui utilisent des armes à feu pour commettre une infraction. Ces délinquants doivent demeurer sous garde jusqu'à ce qu'ils aient subi leur procès.

[Français]

    C'est parfait. Merci beaucoup.

[Traduction]

    Merci, madame Brière.
    Nous passons maintenant à M. Fortin, pour six minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie, monsieur Carrique, d'être avec nous.
    Je vous offre d'abord, moi aussi, mes condoléances à la suite du décès de votre collègue. Ce sont des événements qu'on aimerait ne jamais avoir à vivre.
    Pour ce qui est de la question de la mise en liberté sous caution qui nous occupe aujourd'hui, au Comité, j'aimerais connaître votre opinion sur les répercussions de certains autres gestes législatifs.
    J'en ai un peu parlé au groupe de témoins précédent.
    Il n'y a pas si longtemps, on a adopté le projet de loi C‑5, qui abolit les peines minimales pour certaines infractions, notamment pour des infractions commises avec armes à feu. On parle de décharger une arme à feu avec intention, ce qui m'apparaît être un crime relativement grave, et, pour ce type d'infraction, le projet de loi C‑5 prévoit qu'il n'y a plus de peine minimale.
    À votre avis, est-ce qu'une telle décision de la part du législateur a une incidence sur l'évaluation que fait le juge au moment de la mise en liberté sous caution?
    Selon votre expérience, va-t-on prendre en considération le fait que le crime dont l'individu est accusé est possiblement moins grave puisque le législateur vient d'abolir la peine minimale pour le même crime?

[Traduction]

    Je vous remercie d'avoir exprimé vos condoléances.
    Je ne sais pas si je suis qualifié pour parler de ce qu'un juge peut tirer de ces modifications législatives, mais en ma qualité de policier, je peux vous dire que l'abolition des peines minimales envoie le message que ces infractions sont jugées moins graves. Les peines minimales indiquent clairement qu'il s'agit d'infractions parmi les plus graves qui exigent le plus de conséquences et de justice pour veiller à la protection des Canadiens.

[Français]

    De la même façon, monsieur Carrique, on a aboli des interdictions. Par exemple, on permet maintenant de purger des peines dans la société pour certaines infractions pour lesquelles ce n'était pas possible avant.
    C'est ce qu'on appelle les peines avec sursis. Ce sont les peines que les individus vont purger dans la société plutôt qu'être en prison.
    Certaines de ces peines ne pouvaient pas auparavant être imposées pour certaines infractions, mais elles peuvent maintenant l'être, entre autres dans les cas d'agression sexuelle. Un crime d'agression sexuelle pourrait recevoir une sentence de peine avec sursis.
    Est-ce un élément qui, à votre avis, pourrait être considéré par le tribunal?
     Par exemple, un individu est accusé d'agression sexuelle et il y a une audience portant sur sa libération sous caution. Ne pourrait-on pas dire que, l'agression sexuelle étant maintenant une peine qui peut se purger dans la société, il n'y a pas lieu de détenir cet individu avant son procès?
    Qu'en est-il, à votre avis?

[Traduction]

     Si j'ai bien compris la question, monsieur — pardonnez-moi s'il y a quelque chose qui m'échappe —, je crois que restreindre les décisions qu'un juge peut prendre à l'heure de déterminer la peine aura une incidence si l'accusé est reconnu coupable, car cela influera sur les décisions relatives à la mise en liberté sous caution et aux conditions connexes.

[Français]

     Merci.
    Vous êtes policier. En vous basant sur votre expérience de policier, j'aimerais que vous nous parliez des conséquences de ces décisions dans le monde criminel.
    Par exemple, les gens vont-ils moins prendre au sérieux ce type d'infraction? Vont-ils commettre ces infractions peut-être plus légèrement qu'ils ne l'auraient fait lorsque le législateur prévoyait des peines d'emprisonnement minimales pour ce type d'infraction?

  (1805)  

[Traduction]

    Je peux me fier aux statistiques dont nous disposons.
     Entre 2018 et la fin de 2022, nous avons constaté une augmentation de 72 % du nombre de cas de violence grave mettant en cause des personnes accusées qui ont récidivé alors qu'elles étaient en liberté pour des infractions graves antérieures. Je pense que ces statistiques parlent d'elles-mêmes.

[Français]

    D'accord.
    Vous avez tout de même des recommandations. Pourriez-vous me résumer en quelques secondes ce que nous devrions faire rapidement pour enrayer cette problématique et nous assurer que les criminels dangereux ne sont pas remis en liberté?

[Traduction]

    Je pense que nous pouvons très rapidement apporter les modifications législatives nécessaires pour élargir les dispositions relatives au renversement du fardeau de la preuve et pour codifier les considérations liées à la sécurité publique qui doivent être prises en compte lorsqu'on envisage la mise en liberté provisoire. Elles sont très simples. Plusieurs projets de loi d'initiative parlementaire ont été présentés. Les chefs de partout au pays ont formulé des recommandations.
     Il ne s'agit pas de changements importants. Ils sont très responsables. Je pense que cela peut se faire de façon très efficace et sans plus tarder.
     J'attire votre attention sur une résolution de 2008 de l'Association canadienne des chefs de police, il y a près de 15 ans, qui contenait des recommandations fondamentales très semblables. Si nous songeons au nombre de victimes qui auraient pu être épargnées si quelqu'un avait pris la responsabilité d'apporter ces changements il y a 15 ans, nous aurions pu éviter beaucoup de chagrin à de nombreuses familles.

[Français]

    Merci, monsieur Carrique.

[Traduction]

    Merci.
    C'est maintenant au tour de M. Garrison, pour six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie le commissaire d'être parmi nous aujourd'hui.
    Je me joins à mes collègues pour exprimer mes condoléances pour la perte d'un de vos agents. Comme ancien membre d'une commission municipale de services policiers, je sais à quel point le service en souffre chaque fois qu'un agent se fait gravement blesser ou tuer.
     Je me demande si vous pourriez nous parler un peu des répercussions que cela a eues sur la Police provinciale de l'Ontario.
     Merci, monsieur, d'avoir exprimé vos condoléances et merci d'avoir déjà siégé à une commission de services policiers.
    Nos agents et la famille de Greg Pierzchala ont été durement touchés. Leur vie a changé à tout jamais. Il y a des policiers si durement touchés qu'ils renonceront au métier. Il y en a d'autres qui vivront dans la crainte de chaque appel radio et de chaque arrêt de circulation. Leurs conjoints et leurs enfants craignent de ne plus jamais les revoir chaque fois qu'ils vont travailler.
    Ce ne sont pas des conditions auxquelles devraient faire face les personnes dont nous dépendons pour garantir le caractère sacré et la sécurité de nos collectivités. Les fonctionnaires, nous avons la capacité d'apporter des changements significatifs qui leur apporteront une certaine paix, une certaine détermination, et nous veillerons à ce que nous ayons à l'esprit leurs intérêts et leur sécurité.
    Il n'y a pas d'autre profession dans laquelle ils risquent chaque jour non seulement leur sécurité personnelle, mais aussi leur bien-être psychologique et le caractère sacré de leur famille, tout cela pour notre sécurité et notre bien-être.
    Je vous remercie de nous l'avoir expliqué clairement.
    J'aimerais poser une question au sujet de la personne accusée du meurtre de l'agent Pierzchala. J'ai toujours l'habitude de ne jamais prononcer le nom du délinquant en public, parce qu'il y en a qui recherchent ce genre de notoriété.
    Croyez-vous que le juge disposait de renseignements complets sur les méfaits antérieurs de ce délinquant lorsqu'il a pris la décision concernant la mise en liberté sous caution?
     Oui.
    Dans ce cas — et je comprends que vous avez dit que vous vous limitiez ici —, le renversement du fardeau de la preuve relativement aux conditions de mise en liberté sous caution aurait‑il donné lieu à un résultat différent de l'enquête sur le cautionnement, à votre avis?
    Je pense qu'ils pourraient très probablement avoir, non seulement les conditions du renversement du fardeau de la preuve, mais aussi les considérations codifiées en matière de sécurité publique qui doivent être soupesées par rapport aux autres circonstances très importantes dont un juge doit tenir compte. Je crois qu'il serait très utile de codifier ces considérations en matière de sécurité publique.

  (1810)  

    Voulez-vous dire que le Code criminel contient une liste explicite des éléments dont il faut tenir compte pour garantir la sécurité publique?
    Oui, monsieur.
    Vous avez aussi parlé d'une définition de délinquant violent multirécidiviste. Je pense que c'est ainsi que vous l'avez appelé. Est‑ce la deuxième chose que vous demandez? Faudrait‑il préciser le nombre d'infractions et les types d'infractions dans le Code criminel?
    C'est exactement ce que cela impliquerait, monsieur, oui, préciser les types d'infractions et, dans certains cas, le nombre d'infractions pour lesquelles une personne aurait déjà été reconnue coupable afin d'être définie comme un délinquant violent récidiviste ou un délinquant multirécidiviste, choisir une de ces deux définitions et la décrire.
    J'apprécie les suggestions très pratiques que vous faites au Comité. Bien souvent, nous avons beaucoup de beaux discours, mais pas tellement sur le plan pratique. Merci.
    De plus, encore une fois, vous avez parlé d'un champ d'application très étroit, et je pense qu'il est important pour nous de garder à l'esprit qu'il y a — j'ignore le nombre exact — quelque 50 000 à 70 000 personnes qui sont libérées sous caution en Ontario au cours d'une année donnée. Quand vous parlez de 587, c'est évidemment un nombre trop élevé, mais par rapport à l'ensemble du système de cautionnement, c'est un très petit nombre de cas. Êtes-vous d'accord?
    C'est un petit nombre de cas, et je sais qu'il y a beaucoup d'anciens procureurs de la Couronne autour de cette table, ou du moins plusieurs. Nous savons que c'est un petit nombre de délinquants qui commettent la majorité des infractions violentes, et ce sont ces multirécidivistes qui nous intéressent.
    Dans ma propre collectivité, nous avons une préoccupation différente, et il s'agit des récidivistes non violents et de leur incidence sur les craintes des petites entreprises et de la sécurité publique dans les centres-villes. C'est sans doute une question différente, mais tout de même une question que nous devons également examiner au sein du Comité.
    Pourriez-vous nous dire ce que vous pensez de ce problème, qui est un problème différent, mais un problème réel auquel nous devons nous attaquer?
    C'est un problème différent, mais c'est un problème réel qui nous préoccupe beaucoup. Il y a des fraudes qui privent les aînés des économies de toute une vie parmi d'autres répercussions financières majeures pour les collectivités et les entreprises. Je pense que c'est là qu'il faut des conséquences significatives et une véritable réadaptation.
    J'hésiterais à formuler des commentaires utiles et directs à ce sujet, mais je serais heureux de m'asseoir avec un plus grand groupe et d'avoir une discussion constructive à ce sujet, parce que je crois qu'il y a des solutions auxquelles nous pourrions contribuer collectivement.
     Pensez-vous que la hausse récente du nombre d'incidents violents de nature aléatoire et gratuite, par exemple, à Toronto et dans le réseau de transport en commun...? Pensez-vous que cela pourrait être lié au système de mise en liberté sous caution? Avez-vous vu des preuves de cela, ou est‑ce que ce n'est pas le cas?
    Je crois que cela pourrait être lié au système de mise en liberté sous caution.
    Je ne peux pas parler précisément de la violence dans le transport en commun, mais de la violence en général... Le chef Myron Demkiw, du Service de police de Toronto, vous dira qu'il a des statistiques absolument alarmantes sur le nombre de personnes libérées sous caution qui correspondent à la définition d'un récidiviste violent qui utilise une arme à feu pour commettre une infraction après l'autre. Elles récidivent et récidivent, jusqu'à trois fois; 17 % des meurtres commis à Toronto entrent dans cette catégorie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci, monsieur Garrison.
    Nous allons passer à la prochaine série de questions, en commençant par M. Van Popta, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci, monsieur le commissaire, d'être ici aujourd'hui.
     Je me joins à tous mes collègues pour exprimer mes condoléances et celles des gens de la Colombie-Britannique pour le décès tragique de l'agent Greg Pierzchala. Vous êtes outré. Nous en sommes tous outrés. En Colombie-Britannique, l'assassinat en plein service de l'agente Shaelyn Yang de la Gendarmerie royale est encore tout frais dans notre mémoire. C'est déchirant.
    C'est une étude importante que nous entreprenons sur la réforme de la mise en liberté sous caution, et comme porte-parole des chefs de police d'un bout à l'autre du pays, vous auriez demandé un champ d'application étroit, très étroit, qui vise les délinquants les plus dangereux et garantisse la sécurité des policiers et des citoyens.
     Je vais vous demander — et je vais peut-être répéter un peu la question de M. Garrison — ce que vous entendez par « étroit, très étroit ».
     Je définis les termes « étroit » et « très étroit » en étant très précis quant aux types d'infractions et à ce qui constituerait un récidiviste violent. Il s'agit d'un comportement criminel violent qui a déjà mené à des condamnations devant les tribunaux et où il y a des preuves qu'on a utilisé des armes à feu ou autres lors de la perpétration de ces actes criminels. C'est ainsi que je formulerais un champ d'application « étroit » qui aura le plus d'effet sur la sécurité publique.

  (1815)  

    C'est bien. Merci.
    Vous avez parlé de « récidivistes ». Bien sûr, cette étude porte sur la réforme de la mise en liberté sous caution, qui est plus étroite que le sujet plus vaste des récidivistes. Notre étude est-elle trop étroite? Devrions-nous parler d'autres questions qui pourraient être soulevées pour limiter ou réduire les récidives?
    Je ne pense pas que votre étude soit trop étroite, puisque ce changement s'impose d'ores et déjà. Si vous parlez à n'importe quel policier n'importe où au pays, il vous dira que sa priorité absolue est la réforme du cautionnement. Nous le devons à chacun d'entre eux; nous le devons aux victimes de crimes violents et nous le devons aux victimes de violence entre partenaires intimes d'apporter ces changements sans plus tarder.
    Le défi que je nous lance à nous tous serait d'élargir ce champ d'application une fois que ces changements auront été apportés. Si vous élargissez la portée de votre étude plus qu'il ne faut, le changement se fera attendre, alors que c'est d'ores et déjà qu'il faut agir.
    Je comprends, et je l'apprécie. Cependant, Greg Pierzchala a été assassiné par quelqu'un qui était en liberté sous caution pour un crime commis avec une arme à feu, tandis que l'agente Yang a été tuée par une personne qui n'était pas en liberté sous caution, mais dans un milieu où il y avait beaucoup de récidive. Je comprends ce que vous dites — limitons le champ de notre étude —, mais il y a encore du travail à faire.
    Absolument, il y a encore du travail à faire. Il faut adopter une approche holistique, ce qui exige une réflexion systémique très détaillée et critique. Cependant, nous ne pouvons pas laisser cela entraver le progrès. Nous ne pouvons pas nous arrêter à ces changements, mais il faut bien commencer quelque part. Je pense que c'est un bon point de départ.
    Je vais vous poser une question au sujet des statistiques. Vous nous en avez donné quelques-unes.
    Je ne sais pas si c'est disponible, mais j'aimerais connaître les effets du projet de loi C‑75 sur le travail policier en Ontario et partout au pays. Nous sommes saisis de ce projet de loi depuis environ quatre ans. Je crois qu'il a reçu la sanction royale en juin 2019. Il a modifié certaines de nos règles en matière de liberté sous caution.
    Avons-nous des statistiques sur la nature du travail policier effectué avant et après cette date?
    Une statistique que j'ai déjà citée serait utile pour examiner les diverses initiatives de réforme du cautionnement en Ontario. Nous avons constaté qu'entre 2018 et 2022, le nombre de crimes violents commis par des délinquants dangereux, actifs ou récidivistes a augmenté de 72 %. Je pense que nous...
    Qui étaient en liberté sous caution?
    Comm. Thomas Carrique: Qui étaient en liberté sous caution, oui.
    M. Tako Van Popta: C'est bien.
    Merci. Je n'ai plus de questions.
    Merci, monsieur Van Popta.
    Ce sera donc au tour de Mme Dhillon, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, commissaire Carrique, d'être ici.
    Nous avons également eu le cœur brisé en apprenant que l'agent avait été assassiné de cette façon. C'est toujours tragique. C'est douloureux de voir cela, car les policiers sont là pour nous protéger, pour veiller à la sécurité de nos collectivités, et quand cela arrive à un jeune homme comme lui, c'est déchirant. Nous offrons nous aussi nos condoléances.
    J'aimerais commencer par une partie de votre témoignage, de vos réponses.
    Vous avez parlé de codifier davantage l'interprétation de la loi, de lui donner une certaine orientation. Je sais que nous manquons de temps, alors tout le monde pose des questions rapidement. Vous pourriez peut-être nous en dire davantage.
    Merci.
    Certainement. Je vous remercie de vos condoléances.
    Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je vais revenir à certaines des recommandations que j'ai citées au sujet de l'alinéa 515(10)b) du Code criminel.
    En fait, nous cernons les éléments qui doivent être soupesés comme il convient par rapport à la sécurité publique avant d'envisager la libération d'un délinquant. Il s'agit notamment d'empêcher que l'accusé commette une nouvelle infraction grave; de savoir s'il a commis une infraction grave pendant une libération sous caution antérieure et s'il a des antécédents pour une infraction à main armée, particulièrement s'il s'agit d'une arme à feu; et de déterminer la mesure dans laquelle le nombre et la fréquence des condamnations antérieures de l'accusé pour des infractions graves indiquent qu'il y a récidive et que c'est récurrent. Ensuite, ce qui est très important, c'est la nature et la probabilité de tout danger pour la vie ou la sécurité d'une personne ou de tout danger pour la collectivité que peut présenter la mise en liberté d'une personne accusée d'une infraction passible d'une peine d'emprisonnement de 10 ans ou plus.
    J'estime que ce genre d'instructions codifiées sur ce qui devrait être évalué serait extrêmement utile pour garantir la sécurité publique.

  (1820)  

     Merci.
    Pouvez-vous décrire la responsabilité des services policiers pendant l'audience sur le cautionnement et leur manière de faire appliquer les conditions?
    Nous avons l'obligation d'aider à la poursuite d'un délinquant, ce qui comprend une enquête de libération sous caution. Nous collaborons avec le procureur de la Couronne pour formuler des recommandations conformes aux conditions de mise en liberté ou propres aux motifs secondaires à considérer au moment de la mise en liberté.
    Une fois qu'un délinquant est libéré, la police peut vérifier si les conditions de sa mise en liberté sont respectées. Ce n'est pas toujours évident pour la police. Je suis en visite à Ottawa aujourd'hui. Si j'étais accusé et libéré sous caution et que je retournais à Toronto, où j'habite, la police de Toronto n'aurait aucune idée que je réside dans sa collectivité. Il n'y a aucun moyen de m'identifier, jusqu'à ce qu'ils entrent en contact avec moi, comme délinquant résidant dans leur collectivité. Des initiatives sont en cours pour veiller à l'échange d'information.
    Il importe de comprendre qu'il n'y a qu'une seule personne responsable de respecter les conditions de la libération sous caution, soit le délinquant qui s'est engagé à les respecter auprès du juge.
    Il peut y avoir une deuxième personne, c'est-à-dire, le garant. Ils ont tous deux assumé la responsabilité de respecter ces conditions. Le garant doit lui aussi être tenu responsable s'il ne s'acquitte pas de ses obligations. Il est extrêmement rare que l'on renonce à une forme quelconque de dépôt. Il y a des garants professionnels qui avancent l'argent sans dépôt pour de nombreux délinquants sans s'acquitter de leurs obligations. On les appelle les cautions professionnelles dans le milieu policier.
    Dans la même veine, puis‑je vous poser une question au sujet des surveillants de cautionnement, s'il vous plaît? Pourriez-vous nous parler de leur rôle?
    La plupart des services de police ont des unités pour délinquants à risque élevé ou d'autres unités de ce genre. Nous appelons la nôtre « stratégie de réduction de la criminalité », dans le cadre de laquelle nous faisons de notre mieux pour identifier les délinquants qui sont en liberté sous caution et qui représentent le plus grand risque pour la collectivité. Nous effectuons des vérifications proactives de la conformité pour nous assurer qu'ils respectent les conditions. Lorsque nous constatons qu'ils ne se conforment pas à la loi, il s'agirait de les arrêter, à condition de pouvoir les retrouver.
    Je souligne le cas de l'agent Pierzchala qui a été tué. M. McKenzie a coupé son dispositif de surveillance électronique. Il était introuvable. Où voulez-vous qu'un policier puisse ne serait‑ce que commencer à chercher quelqu'un qui ne veut pas être repéré et qui a fait fi du dispositif de surveillance qui faisait partie des conditions à respecter pour sa libération?
    Deux services de police compétents ont déployé des efforts considérables, notamment en obtenant deux mandats d'arrestation contre M. McKenzie. Mais malgré tous nos efforts, il a eu le temps de tuer mon agent avant d'être appréhendé, et ce, parce qu'il avait été libéré.
    Merci, madame Dhillon.
    Nous passons maintenant à M. Fortin, pour deux minutes et demie.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Monsieur Carrique, j'aimerais revenir brièvement sur un sujet que j'ai abordé tantôt.
    À votre avis, y a-t-il un lien direct entre la libération sous caution, l'abolition de certaines peines minimales et l'autorisation de peine avec sursis lors de crimes comme l'agression sexuelle, par exemple?
    Y a-t-il un lien entre tout cela? Est-ce que cela complique votre travail ou augmente le taux de criminalité?

[Traduction]

    Sans avoir examiné statistiquement les éléments autres que la libération sous caution, je ne saurais vous le dire de façon concluante, mais à titre anecdotique, mon opinion professionnelle est que oui.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur Carrique.
     Je n'ai pas d'autres questions, monsieur le président.

[Traduction]

    Merci, monsieur Fortin.
    Nous passons maintenant à M. Garrison, pour deux minutes et demie.

  (1825)  

    Merci, monsieur le président.
    Il est toujours difficile de poser des questions à quelqu'un qui a supervisé un agent qui est décédé.
    Comment avez-vous trouvé la réaction de gens comme nous à qui vous avez parlé? Avez-vous l'impression d'être écoutés dans vos demandes de changement?
    Absolument. Je pense que cela a fait que les demandes de changement soient entendues.
    C'est la deuxième fois que je comparais devant un comité permanent au cours des deux dernières semaines. Il y avait un comité permanent provincial avant cela.
    Pour la première fois, à ma connaissance, dans l'histoire de notre pays, tous les premiers ministres provinciaux se sont unis dans une seule lettre adressée à notre premier ministre pour demander une réforme de la mise en liberté sous caution.
    Je pense que la grande majorité des Canadiens appuient les changements que nous demandons. Ils appuient massivement nos policiers et reconnaissent à quel point leur travail est difficile. Ils savent qu'ils ont besoin d'une infrastructure judiciaire adéquate pour garantir leur sécurité.
     Merci. Je suis très heureux de l'entendre.
    Bien sûr, vous savez que tous les partis représentés au comité de la justice ont convenu qu'il s'agissait d'un problème qu'il fallait régler rapidement.
    Merci de votre présence ce soir.
    Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'exprimer.
    Merci, monsieur Garrison. Cela met fin à notre série de questions.
    Je tiens également à vous exprimer mes condoléances pour votre perte. Pour ma part, mon beau-frère est policier; mes deux meilleurs amis sont policiers, et j'ai grandi dans une famille où il y avait des policiers partout. On ne peut qu'imaginer la pression. Nous sommes tous ici pour trouver le moyen de faire en sorte que cela ne se reproduise plus jamais.
    Nous vous remercions de votre témoignage ainsi que de vos opinions et messages très clairs et concis à ce sujet. Merci.
    Cela met fin à la réunion. La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU