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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 055 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 22 mars 2023

[Énregistrement électronique]

  (1655)  

[Traduction]

     Bonjour. La séance est ouverte.
    Bienvenue à la 55e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne.
    J'aimerais tout particulièrement accueillir les étudiants de la faculté de droit de l'Université d'Ottawa et leur professeure Martha Jackman qui se trouve à l'arrière. Soyez les bienvenus. J'espère que notre séance sera divertissante et que vous ne serez pas déçus. Vous entendrez un ministre, des experts, des fonctionnaires du ministère et des représentants de la GRC, alors je suis sûr que vous assisterez à une séance complète et approfondie.
    Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 30 janvier 2023, le Comité se réunit afin de poursuivre son étude du système canadien de mise en liberté sous caution.
    La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément à l'ordre que la Chambre a adopté le 23 juin 2022. Je n'entrerai pas dans les détails, car je ne vois personne d'autre participer à la séance virtuellement que ceux qui l'ont déjà fait, comme les analystes qui utilisent l'application Zoom.
    Je rappelle à tous ceux qui sont sur place, qu'ils écoutent à l'arrière ou à la tribune, qu'ils peuvent régler leur écouteur sur le parquet, l'anglais ou le français, afin que les services d'interprétation fonctionnent correctement pour eux.
    Pendant la première heure, nous reprendrons notre étude du système canadien de mise en liberté sous caution.
    Nous avons le plaisir de recevoir l'honorable Marco Mendicino, ministre de la Sécurité publique. Le ministre Mendicino est accompagné par des fonctionnaires, notamment Matthew Taylor, qui représente le ministère de la Justice, et Talal Dakalbab, qui représente le ministère de la Sécurité publique. M. Dakalbab est sous-ministre adjoint principal. Nous accueillons également la surintendante principale Sue Efford, qui est directrice générale des Opérations criminelles nationales au sein des Services de police contractuels et autochtones de la GRC.
    Nous vous souhaitons la bienvenue, monsieur le ministre, et nous nous réjouissons de votre présence.
    Vous avez la parole pendant 10 minutes.

[Français]

    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, chers collègues, je vous remercie de m'accueillir aujourd'hui.
    Je suis ici pour témoigner sur le système canadien de mise en liberté sous caution, un sujet qui a suscité un intérêt croissant de la part du public au cours des derniers mois.

[Traduction]

    Je tiens à féliciter le Comité d'étudier cette question, car elle est importante. Elle est cruciale pour notre sécurité publique. Il s'agit également d'un sujet très émotionnel, en particulier pour les familles de ceux qui ont été touchés par des crimes violents et pour les délinquants qui tentent de poursuivre leur cheminement vers la réforme et la réinsertion sociale. Des deux côtés de l'équation, il est extrêmement important que nous entreprenions cette étude de manière constructive et civile, et je tiens à féliciter chacun d'entre vous pour le travail et l'énergie que vous y consacrez.
    Comme nous ne le savons que trop bien, les conséquences des crimes violents dans nos communautés ne peuvent être exagérées. Nous devons à tous les Canadiens de prendre des mesures concrètes pour lutter contre la criminalité et la réduire, afin que tous les Canadiens puissent être en sécurité.
    Cela commence par une politique intelligente et des investissements dans nos forces de l'ordre, ainsi que par des aides sociales en amont, pour les personnes les plus vulnérables et à risque. Le fait de veiller à ce que le système de justice pénale du Canada accorde la priorité à la réadaptation et à la réinsertion sociale sécuritaire va de pair avec tous ces efforts.

[Français]

    En tant que ministre de la Sécurité publique, je suis responsable du Service correctionnel du Canada, et donc de l'organisme chargé de la réadaptation des délinquants et de leur réinsertion sociale en toute sécurité.

[Traduction]

    Cet enjeu est donc au cœur de mon mandat. Nous savons que la gestion du problème des récidivistes violents est très complexe, mais qu'elle est essentielle.
    Il s'agit d'abord d'examiner attentivement les possibilités de réadaptation et de réinsertion sociale sécuritaire. La réinsertion sociale s'accompagne d'un ensemble de défis qui lui sont propres et qui, à défaut d'être relevés, augmentent le risque de récidive et, par extension, de préjudice, de deuil et de perte.
    C'est pourquoi, en juin 2022, j'ai déposé le cadre fédéral visant à réduire la récidive. Il visait à briser le cycle de la récidive, à soutenir la réinsertion sociale et à rendre nos collectivités plus sûres pour tous. Ce cadre constitue une étape importante dans la désignation des facteurs qui poussent les personnes à récidiver et dans la détermination des moyens de surmonter ces difficultés afin de favoriser une réinsertion sociale des délinquants plus sécuritaire dans leurs communautés respectives.

  (1700)  

[Français]

    Élaboré en consultation avec diverses parties prenantes, ce cadre définit cinq thèmes prioritaires essentiels à la réinsertion, soit le logement, l'éducation, l'emploi, la santé et les réseaux de soutien positif.
    D'ici juin 2023, nous disposerons d'un plan de mise en œuvre qui garantira la pérennité des mesures de soutien.

[Traduction]

     Ce cadre est une étape importante, mais nous savons qu'il n'existe pas de solution miracle pour lutter contre les récidivistes violents. Pour que ce cadre donne de bons résultats, il est également essentiel de s'attaquer aux causes profondes de la criminalité et, dans cette optique, monsieur le président, nous avons fait des investissements concrets liés aux déterminants sociaux qui peuvent souvent conduire à la criminalité.
    Depuis 2015, nous nous sommes concentrés sur les causes sociales de la criminalité en mettant en œuvre des programmes tels que le Fonds pour bâtir des communautés plus sécuritaires, doté de 250 millions de dollars, afin de nous attaquer aux crimes commis avec des armes à feu et de soutenir des projets communautaires. Cette somme s'ajoute aux 40 millions de dollars fournis chaque année dans le cadre de la Stratégie nationale pour la prévention du crime, qui prévoit des investissements dans des efforts communautaires visant à prévenir l'implication des jeunes dans la criminalité et à s'attaquer aux facteurs de risque qui sont connus pour mener à des activités criminelles.

[Français]

    Plus récemment, dans le cadre du Fonds d'action pour la prévention du crime, j'ai annoncé un financement de 5,79 millions de dollars pour l'initiative d’autonomisation des Noirs de 902 ManUp, à Halifax.

[Traduction]

    Ce financement aidera les jeunes Noirs de la Nouvelle-Écosse à faire les bons choix en leur donnant une base solide liée à l'éducation et à la poursuite de leur carrière, et en réduisant les obstacles à l'accès aux types de services de soutien dont ils ont besoin, sous l'impulsion de la communauté elle-même.
    Depuis 2018, le Fonds d'action sur la violence liée aux armes à feu et aux gangs a également fourni des fonds aux provinces et aux territoires pour leur permettre d'accroître les ressources communautaires et d'éliminer les armes à feu et la violence liée aux armes à feu dans nos rues.
    En Ontario, par exemple, ce financement a été utilisé pour canaliser des ressources supplémentaires vers les forces de l'ordre locales, les procureurs et les partenaires communautaires en vue de réduire la violence liée aux armes à feu illégales et aux gangs. Ces fonds s'ajoutent aux plus de 450 millions de dollars que nous avons affectés à l'ASFC au cours des deux dernières années afin de renforcer nos frontières et de mettre fin à l'entrée illégale d'armes à feu dans notre pays.

[Français]

    Bien entendu, nous reconnaissons que certains individus récidivent. C'est pourquoi nous finançons chaque année nos homologues provinciaux et territoriaux afin de renforcer leur capacité à identifier et à suivre les délinquants violents à haut risque, ainsi qu'à faciliter les poursuites et les condamnations.

[Traduction]

    Monsieur le président, il est également essentiel d'avoir une politique intelligente en matière d'armes à feu, et cette politique est un élément de ce plan. Nous avons réalisé des progrès historiques dans la lutte contre la violence armée grâce à notre récente législation sur les armes à feu. En 2020, notre gouvernement a interdit plus de 1 500 modèles d'armes d'assaut et, l'année dernière, nous avons élargi les vérifications des antécédents pour empêcher que les armes à feu ne tombent entre les mains de criminels.
    Le projet de loi C‑21, qui est actuellement étudié en comité, augmentera les peines maximales pour les infractions liées aux armes à feu, en les faisant passer de 10 à 14 ans, et inclura de nouveaux chefs d'accusation pour la modification du chargeur ou de la cartouche d'une arme à feu en vue d'en dépasser la capacité légale. Il s'agit de lutter contre les crimes violents et de prévenir des morts tragiques et insensées.

[Français]

    Nous savons qu'aucune initiative à elle seule ne permettra de résoudre le problème complexe de la violence armée. Ce projet de loi n'est qu'un élément de notre approche globale.

[Traduction]

    Au cours de la présente session parlementaire, nous avons convenu de renforcer la sécurité publique par l'intermédiaire du Code criminel, en lui apportant des modifications visant les délinquants violents et les infractions graves commises à l'aide d'armes à feu. Je sais que votre comité a également été saisi de mesures législatives qui comprennent le projet de loi C‑75 et le projet de loi C‑71. En outre, comme je l'ai indiqué, nos collègues du Comité permanent de la sécurité publique étudient également le projet de loi C‑21.
    En ce qui concerne la réforme de la mise en liberté sous caution, monsieur le président, nous sommes à l'écoute des Canadiens, de la communauté des forces de l'ordre, des victimes et des survivants.

[Français]

    Je travaille en étroite collaboration avec le ministre Lametti ainsi qu'avec nos partenaires provinciaux et territoriaux pour examiner attentivement la structure de notre système de mise en liberté sous caution et veiller à ce qu'il prenne effectivement en compte la sécurité de tous les Canadiens.

[Traduction]

    Comme vous le savez, monsieur le président, nous avons récemment rencontré nos collègues fédéraux, provinciaux et territoriaux pour discuter de la manière dont nous pouvons apporter certaines modifications au système de mise en liberté sous caution afin de composer précisément avec les difficultés liées aux récidivistes violents qui ont utilisé des armes à feu ou d'autres armes. Nous nous sommes engagés à entreprendre ce travail au cours de la présente session parlementaire, pendant laquelle nous travaillerons en étroite collaboration avec nos partenaires provinciaux et territoriaux, tous les membres de votre comité et tous les parlementaires.
    Monsieur le président, j'attends avec impatience les questions et les commentaires des membres de votre comité, et je vous remercie de votre attention.

  (1705)  

    Je vous remercie, ministre Mendicino.
    Nous allons maintenant passer à notre première série de questions, en commençant par donner la parole à M. Moore pendant six minutes.
    Merci, monsieur le président. Je remercie également le ministre d'avoir accepté de comparaître devant nous aujourd'hui.
    Monsieur le ministre, il est rare que les 13 premiers ministres s'entendent sur quoi que ce soit. Pourtant, tous les premiers ministres du Canada s'accordent à dire que l'approche du gouvernement en matière de lutte contre la criminalité est un échec.
    Lorsque votre collègue, le ministre de la Justice, a comparu devant nous pour discuter de l'étude du système de mise en liberté sous caution que nous entreprenons, il a déclaré qu'il n'acceptait pas l'affirmation de tous les premiers ministres provinciaux et territoriaux selon laquelle le projet de loi C‑75, qui a modifié la loi en ce qui concerne la mise en liberté sous caution dans notre pays... En outre, tous les témoignages de policiers que nous avons entendus laissent entendre que le projet de loi C‑75 a permis à des criminels qui devraient être derrière les barreaux d'obtenir plus facilement une libération sous caution et de retourner dans les rues. La porte tournante qui a été mise en place par cette loi a suscité de vives inquiétudes et a entraîné de graves tragédies dans notre pays.
    Monsieur le ministre, on ne devrait pas être obligé d'attendre qu'une tragédie survienne pour qu'un gouvernement examine les conséquences évidentes d'une mesure législative malavisée et accepte d'en assumer la responsabilité.
    Le ministre Lametti a dit qu'il n'acceptait pas cette assertion, alors je vous pose la même question. Acceptez-vous les critiques de 13 premiers ministres provinciaux et territoriaux et des forces de l'ordre qui affirment que le projet de loi C‑75 est allé trop loin et que le système de mise en liberté sous caution doit être renforcé?
    Je reconnais qu'il y a eu beaucoup trop de tragédies dans nos collectivités. L'un des aspects les plus difficiles de mon travail en tant que ministre de la Sécurité publique consiste à partager le chagrin des familles qui ont perdu des êtres chers à cause de la violence armée et d'autres crimes violents. C'est à cause de ces tragédies que nous devons continuer de trouver des moyens de travailler ensemble à l'amélioration et au renforcement de notre système. C'est la raison pour laquelle le ministre Lametti et moi-même avons récemment présidé et facilité un dialogue, après avoir reçu la lettre des 13 premiers ministres des provinces et territoires du Canada que vous avez mentionnée, afin que nous puissions discuter franchement de la façon dont nous pourrions modifier le Code criminel pour gérer le problème particulier des récidivistes violents qui ont utilisé des armes à feu ou d'autres armes pour infliger aux collectivités et à leurs membres des actes violents et des préjudices, qui mènent ensuite au deuil.
    Comme je l'ai indiqué dans ma déclaration préliminaire, cette réunion a été très productive et constructive. À l'issue de celle‑ci, nous avons pu publier un communiqué de presse commun dans lequel le gouvernement fédéral a accepté d'examiner le Code criminel afin d'apporter certaines modifications au système de mise en liberté sous caution, de manière à protéger, d'une part, les collectivités contre les préjudices que des délinquants ou des personnes accusées d'infractions violentes graves pourraient leur causer à l'avenir, et à promouvoir, d'autre part, la réinsertion sociale sécuritaire de ces personnes dans nos collectivités.
    Merci, monsieur le ministre.
    Je suppose qu'il s'agit de deux choses très différentes. Je ne crois pas qu'il y ait quelqu'un assis à cette table qui refuserait d'admettre que les décès tragiques qui sont survenus sont tout simplement inacceptables.
    Ce que nous devons entendre, c'est une acceptation de certaines critiques formulées à l'égard du système de justice à porte tournante, y compris les critiques concernant le projet de loi C‑75. En fait, il semblerait que le gouvernement aille exactement dans la mauvaise direction en ce qui concerne les armes à feu. Le projet de loi C‑75 a facilité la libération sous caution des récidivistes.
    La police de Toronto a comparu devant le Comité et, durant son témoignage, il a indiqué aux membres du Comité qu'à Toronto, des personnes qui ont été arrêtées pour une infraction liée à des armes à feu ont été libérées sous caution et, pendant qu'elles étaient en liberté sous caution, elles ont été arrêtées pour une infraction liée à des armes à feu, puis elles ont été libérées sous caution à nouveau. Croyez-vous qu'au Canada, il soit acceptable qu'une personne libérée sous caution après avoir commis une infraction liée à des armes à feu soit arrêtée pour une autre infraction liée à des armes à feu, puis libérée sous caution à nouveau? Est‑ce le problème que vous vous engagez à régler?
    Monsieur Moore, je partage évidemment votre préoccupation, à savoir que des personnes qui représentent une menace pour nos collectivités, y compris une menace de violence armée, ne devraient pas être libérées de manière désinvolte ou facile. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous nous sommes engagés à examiner le système de mise en liberté sous caution.
    Je voudrais également vous dire ceci. J'ai passé la majeure partie d'une décennie à travailler en première ligne du système de justice pénale et j'ai vu de mes propres yeux les conséquences de la porte tournante à laquelle vous faites allusion. C'est une métaphore qui est effectivement très préoccupante du point de vue de la sécurité publique, mais le gouvernement actuel craint aussi — et j'espère que c'est aussi votre cas, monsieur Moore — que notre système de justice pénale ne comporte des problèmes structurels et systémiques qui ont conduit à la surreprésentation des peuples autochtones et des personnes racisées dans notre système de justice pénale. C'est ce double objectif que nous nous efforçons d'atteindre dans le projet de loi C‑75, à savoir de sortir les délinquants non violents du système de justice pénale afin de leur permettre d'obtenir les traitements dont ils ont besoin et de les réinsérer avec succès dans les collectivités; et de se concentrer plutôt sur les délinquants violents qui, effectivement, représentent un risque pour nos collectivités.
    J'ajouterais une dernière chose, monsieur Moore. Le projet de loi C‑75 a essentiellement codifié un certain nombre de précédents juridiques établis par la Cour suprême du Canada, afin que nous puissions fournir des directives claires à la magistrature et à tous les acteurs de notre système judiciaire et qu'ils puissent prendre les meilleures décisions possible. S'agit‑il d'un dialogue continu? Oui. C'est l'une des raisons pour lesquelles je suis ici.

  (1710)  

    Je vous remercie, monsieur Moore.
    Nous allons maintenant céder la parole à M. Naqvi pendant six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Soyez le bienvenu, monsieur le ministre. Je vous remercie d'être revenu nous voir.
    Je suis heureux qu'au cours de vos dernières observations vous ayez parlé de votre expérience en première ligne. Je crois que vous avez été procureur et que vous connaissez bien ces systèmes. Quand je siège au Comité, je crains un peu, en particulier pendant que nous menons l'étude du système de mise en liberté sous caution, que la conversation se transforme parfois en un débat sur la défaillance de l'ensemble du système de mise en liberté sous caution. C'est le discours prononcé principalement par les partis de l'opposition.
    Ce n'est pas ce dont nous parlons dans les circonstances qui nous occupent, car nous savons que le système de mise en liberté sous caution comporte de nombreux aspects, notamment en ce qui concerne le grand nombre de personnes vulnérables qui passent par le système. Souvent, ils se retrouvent devant un tribunal des cautionnements parce qu'ils ont été accusés d'infractions administratives ou parce que des conditions de mise en liberté sous caution leur ont été imposées. Un exemple qui revient souvent est celui d'une personne qui a un problème de dépendance et qui reçoit la directive de ne pas consommer d'alcool. Neuf fois sur dix, la personne enfreindra cette condition de mise en liberté sous caution.
    Comme vous avez récemment rencontré les ministres de la Sécurité publique et les procureurs généraux de l'ensemble du pays, quelle est, selon vous, la nature précise du problème que nous affrontons dans ce cas particulier et quels sont les types de questions que nous devons examiner?
    Tout d'abord, je pense que vous avez tout à fait raison de souligner que dans les cas où des accusations sont portées concernant des violations des conditions de mise en liberté sous caution qui ne sont pas liées à des infractions violentes, nous devrions faire preuve d'innovation pour trouver des moyens de garantir que, oui, il y a une responsabilité à cet égard, mais pas aux dépens du système de justice pénale qui ne pourrait pas alors prioriser les individus qui présentent le plus grand risque pour la sécurité de la communauté, soit parce qu'ils ont commis des crimes violents, soit parce qu'ils sont présumés avoir commis des crimes violents, y compris, dans certains cas, avec des armes à feu.
     Je dirais que le consensus qui s'est dégagé de la réunion fédérale-provinciale-territoriale que le ministre Lametti et moi avons récemment coprésidée avec nos collègues était que, malgré l'existence de principes bien établis pour déterminer qui bénéficie d'une mise en liberté sous caution raisonnable, et qui n'en bénéficie pas, c'est qu'il existe encore une cohorte de délinquants violents graves, ou d'individus accusés de crimes violents, et que nous pourrions avoir besoin de recalibrer certaines lois pour être sûrs de prendre les meilleures décisions possible concernant ceux qui sont admissibles et ceux qui ne le sont pas pour la mise en liberté.
     C'est le consensus qui s'est dégagé de la réunion fédérale-provinciale-territoriale. Notre engagement en tant que gouvernement est de travailler avec nos partenaires et avec vous tous pour voir à quoi pourrait ressembler cette option législative dans le cadre du Code criminel.
    Je comprends ce que vous dites, mais je tiens à ce qu'il soit inscrit au compte rendu que l’on continue à fonctionner à l'intérieur d'un cadre dans lequel le pouvoir discrétionnaire appartient toujours à la personne — qu'il s'agisse d'un juge ou d'un juge de paix — qui prend la décision, parce qu'en fin de compte, c'est elle qui décidera si une personne sera libérée sous caution ou non. Ai‑je raison d'affirmer cela?

  (1715)  

    Monsieur Naqvi, vous avez tout à fait raison de dire que toute loi ou toute modification que nous proposons doit être conforme à la Charte, et ce que dit la Charte, c'est que tout individu a droit à un cautionnement « raisonnable ».
    Dans certains cas, la question qui se pose devant un tribunal... Vous avez souligné que les enquêtes sur le cautionnement sont présidées par des juges de paix ou, dans certains cas, pour les infractions les plus graves, par des juges ou des juges de la Cour supérieure. Ils procèdent à une analyse pour déterminer si l'individu présente un risque de fuite, s'il présente un risque sérieux et grave pour la sécurité de la communauté et si sa libération porterait atteinte à l'administration de la justice et à la confiance du public à son égard.
    Sur la base de ces trois principes, ils décideront si l'individu doit être libéré sous caution ou détenu. Quelle que soit notre décision finale, la proposition relative à la libération sous caution doit être conforme à ces principes établis et à la Charte.
     Oui, et c'est sans parler des diverses décisions de la Cour suprême qui ont été rendues récemment, au cours des 10 dernières années, et qui ont également établi des paramètres très stricts qui encadrent le processus permettant aux juges de paix ou aux juges de prendre les décisions de mise en liberté sous caution en vertu du Code criminel. Il faut donc que vous trouviez des moyens de vous conformer à cela également.
    Vous avez raison. C'est notamment ce que nous avons fait dans le cadre du projet de loi C‑75. Nous avons examiné la jurisprudence de la Cour suprême sur la question précise de la mise en liberté sous caution, et nous avons codifié ces principes afin d'utiliser le droit pénal autant que possible, de sorte que la détention et la privation de liberté ne soient qu'un dernier recours et que nous recherchions dans les autres cas des moyens de réadaptation efficaces.
    Pour ceux qui ne présentent aucun risque et qui ne sont pas des délinquants violents — ceux qui ont des problèmes de santé mentale ou de toxicomanie —, je pense et j'espère que nous sommes tous d'accord pour dire que nos ressources devraient être investies dans une approche de santé publique pour qu'on puisse les aider. Pour ceux qui représentent une menace violente grave pour nos communautés, alors oui, dans certaines circonstances, ils devront être séparés de la communauté.
    Il ne me reste pas beaucoup de temps.
     Très rapidement, je sais que le Service correctionnel fait aussi partie de votre portefeuille. Pourriez-vous nous parler des principes qui régissent le cadre de réinsertion pouvant être en place pour veiller à ce que les délinquants, une fois remis en liberté, ne récidivent pas?
    Tout d'abord, au cœur des décisions qui sont prises de manière indépendante à ce sujet, en particulier dans le cas de ceux qui demandent une libération conditionnelle pour laquelle la décision est discrétionnaire, la sécurité de la communauté et la réinsertion sont évidemment les deux principes fondamentaux qui sont évalués. Là encore, ce ne sont pas des membres élus du gouvernement qui prennent ces décisions, mais bien les gens à qui les pouvoirs sont délégués et qui exercent leur pouvoir discrétionnaire de manière indépendante et non partisane.
     D'autres règles régissent la libération d'office pour les personnes qui purgent des peines fédérales de deux ans et un jour ou plus. Il existe des règles législatives concernant la durée de la peine qu'ils doivent purger dans un établissement d'incarcération fédéral, et aussi en ce qui concerne la transition, étape par étape, de leur retour dans la communauté.
    Je vous remercie.
    Merci aussi, monsieur Naqvi.
    Nous passons à Mme Normandin. Allez‑y, s'il vous plaît.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vous remercie, monsieur le ministre, d'être parmi nous.
    Dans vos observations préliminaires, vous avez principalement parlé de la prévention de la récidive et de la réhabilitation. C'est seulement vers la fin que vous nous avez parlé du système de cautionnement et de l'analyse du système que vous faites en collaboration avec le ministre Lametti, notamment. J'ai trouvé que vous étiez un peu évasif quant à vos travaux d'analyse sur le système de cautionnement. J'aimerais que vous nous en disiez davantage à ce sujet.
    Partons du principe voulant que, pour réussir à trouver la bonne solution à un problème, il faille être en mesure de bien cerner celui-ci. J'aimerais que vous nous parliez de ce que vous avez déjà déterminé comme étant un problème. Je précise, pour que ce soit bien clair, que, quand je parle de problème, je ne parle pas de la surreprésentation des populations autochtones ou de la mise en liberté de gens qui commettent un crime par la suite. Ce sont là des résultats, des symptômes du problème.
    J'aimerais que vous nous parliez des problèmes que vous avez relevés dans le système de liberté sous caution.
    Je vous remercie de la question.
    Le système comporte des défis, notamment en matière de ressources. C'est l'une des raisons pour lesquelles le gouvernement fédéral continue à faire des investissements pour appuyer le bon travail des services policiers. Par exemple, nous avons déjà investi plus de 350 millions de dollars pour renforcer la présence des services policiers dans les communautés.
    Des questions concernant le système de mise en liberté ont en effet été abordées. Lors de la dernière réunion avec nos partenaires provinciaux et territoriaux, nous nous sommes concentrés sur la question des délinquants qui ont commis des crimes violents.
    Nous sommes toujours prêts à considérer d'éventuelles modifications au Code criminel visant à renforcer le système de mise en liberté. Nous verrons ce qu'il en est.

  (1720)  

    À ce sujet, plusieurs témoins nous ont mentionné que, techniquement, le Code criminel fournissait déjà tous les outils nécessaires, notamment avec l'article 515, pour que nous ayons un bon système de liberté sous caution. Ce qui manque, c'est justement des ressources permettant d'assurer la mise en exécution des conditions de liberté sous caution.
    Êtes-vous d'accord pour dire que ce n'est pas par une modification du Code criminel que cela va passer, mais plutôt par une meilleure application de ce que nous avons déjà?
    Je dois vous dire, respectueusement, que je ne suis pas totalement d'accord sur cette affirmation.
    Il y a toujours la question des ressources, et c'est pourquoi il faut échanger et collaborer avec nos partenaires provinciaux et territoriaux ainsi qu'avec les services de police. J'ai discuté à de nombreuses reprises avec des chefs de police et des associations qui veulent faire valoir leurs priorités.
    Or, il y a aussi la question des lois et des principes. Vous avez mentionné l'article 515 du Code criminel. C'est précisément la disposition que nous sommes en train d'étudier, de concert avec les provinces et les territoires, pour peut-être renforcer le système de mise en liberté.
    En ce qui concerne la mise en liberté, si on applique le principe de l'échelle dans un cas où il y a un risque de récidive, mais où l'on veut éviter de garder la personne en prison, on peut recourir, entre autres possibilités, à la surveillance électronique au moyen d'un bracelet électronique. Cela peut être l'une des conditions de mise en liberté. Malheureusement, on a pu constater récemment qu'une personne assignée à domicile avait brisé son bracelet électronique et avait quitté son domicile, mais qu'il n'y avait pas eu de suivi.
    N'est-ce pas des problèmes de ce genre qu'il faudrait régler rapidement pour assurer que le système fonctionne bien?
    Vous avez raison. Quand la technologie est en place et qu'une personne contrevient à ses conditions de mise en liberté, il faut qu'il y ait une réponse efficace pour assurer la sécurité de la communauté et des proches du délinquant. Cependant, ce n'est pas seulement une question de technologie.
    Le problème lié à la récidive est complexe. Il faut aussi analyser en profondeur des facteurs, comme le logement et l'accès au système de santé et au système d'éducation ainsi qu'à d'autres programmes et services pouvant accroître la confiance de l'individu qui est à haut risque. C'est la raison pour laquelle nous avons créé le Fonds pour bâtir des communautés plus sécuritaires.
    Je vais vous poser rapidement une dernière question.
    Nous avons entendu beaucoup de choses qui étaient de nature plutôt empirique. D'un côté, on nous dit que beaucoup plus de gens mis en liberté commettent des crimes depuis que le projet de loi C‑75 est entré en vigueur. En revanche, on nous dit que, depuis son entrée en vigueur, il est beaucoup plus difficile d'obtenir des libérations sous caution.
    Comment les statistiques peuvent-elles être colligées pour que nous puissions avoir une idée exacte de la situation et prendre des décisions en fonction de ce qui est réel, et non de ce qui est anecdotique?
    C'est aussi une question très importante.
    Concernant les statistiques, les chiffres, les données et les preuves, M. Lametti, moi-même ainsi que tous nos partenaires et nos homologues provinciaux et territoriaux sommes d'accord pour dire qu'il faut disposer de toutes les statistiques existantes pour élaborer des politiques et de nouveaux outils administratifs en vue de réduire les problèmes systémiques, plus particulièrement la surreprésentation. Ce dernier problème a touché notamment les Autochtones et les personnes racisées. Il faut commencer par examiner l'expérience vécue par ces derniers. En effet, pendant des décennies, ces gens ont été surreprésentés.
    Les données et autres preuves vont nous permettre de nous doter d'une meilleure approche, ce qui aura pour effet de réduire les obstacles.

  (1725)  

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Merci aussi, madame Normandin.
    Nous passons à M. Garrison pendant six minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président, et je remercie le ministre d'être avec nous aujourd'hui.
    Nous avons beaucoup discuté de l'amélioration du système de mise en liberté sous caution, je dirais, afin de mieux garantir la sécurité publique face aux récidivistes violents. Les premiers ministres provinciaux ont notamment suggéré d'utiliser le renversement du fardeau de la preuve en matière de caution dans des cas supplémentaires liés aux armes à feu. Un cas en particulier me semble surprenant, à savoir que la possession d'une arme de poing prohibée n'est pas actuellement une infraction où le fardeau de la preuve est renversé pour la mise en liberté sous caution.
    Lorsque le gouvernement dit qu'il travaille avec les premiers ministres provinciaux dans ce dossier, est‑ce le genre de sujet dont il discute avec eux?
    Oui, monsieur Garrison.
    Je vous dirai que la question du renversement du fardeau de la preuve, qui est une norme juridique, est dans de nombreux cas à la charge de l'État, en particulier lorsque les infractions ne sont pas aussi graves et que la violence n'est pas en cause. Dans certains cas, cependant, lorsqu'il y a violence et que l'infraction est grave, le fardeau de la preuve incombe à l'accusé qui doit, selon les termes du Code criminel, « présenter les raisons » pour lesquelles il devrait avoir droit à un cautionnement raisonnable.
     Nous examinons ce sujet, parmi d'autres potentiels, afin de nous assurer que le système est bien adapté aux défis qui se posent actuellement sur le terrain lorsqu'il s'agit de délinquants violents et de récidivistes.
    Un deuxième élément que nous avons entendu ici — et je pense que l'idée est d'accroître la confiance du public dans le système de mise en liberté sous caution —, c'est qu'il faut une meilleure supervision de la mise en liberté sous caution, en particulier lorsqu'elle est assortie de conditions, et qu'il faut aussi, pour nous assurer de ne pas détenir indûment des personnes qui devraient être libérées, avoir de meilleurs systèmes pour faire en sorte que davantage de personnes puissent obtenir une mise en liberté sous caution.
     Vous êtes le ministre de la GRC, et la GRC est responsable du maintien de l'ordre dans une grande partie du pays. Ma question est la suivante: pensez-vous que la GRC dispose des ressources nécessaires pour contrôler les conditions de mise en liberté sous caution? Dans ma circonscription, je ne vois rien de tel.
     Monsieur Garrison, je suis heureux que vous mentionniez l'engagement de la GRC à assurer la sécurité publique dans tout le pays. Pour la gouverne des membres du Comité, ils sont responsables, géographiquement, d'environ 75 % de tout le territoire du Canada, et d'environ 25 ou 27 % de la population, ce qui représente une somme de travail importante.
     Nous sommes reconnaissants à la GRC pour son dévouement sur le terrain, mais cela pose des défis. Je vous dirais, en particulier dans les zones rurales où il y a de grandes étendues et de grandes distances entre les communautés, que ce n'est pas un travail facile, mais nous nous efforçons de fournir à ses agents toutes les ressources et tous les outils dont ils ont besoin.
     Année après année, le gouvernement investit. Vous m'avez déjà entendu parler du Fonds d'action pour contrer la violence liée aux armes à feu et aux gangs. Nous sommes également le principal bailleur de fonds de la GRC dans les provinces et les territoires où elle est le service de police compétent, plutôt que par l'entremise d'accords de services contractuels conclus avec eux.
    Nous avons également entendu dire que les programmes communautaires de supervision de la mise en liberté sous caution sont souvent plus efficaces que le recours à la police, qu'il s'agisse de la GRC ou d'une autre force de police.
     Voyez-vous un rôle pour le gouvernement fédéral dans l'augmentation de la disponibilité de ces programmes communautaires de supervision?
    C'est un point important à soulever. D'après mon expérience, la réussite de tout plan de réinsertion passe par la participation de la communauté. Pour les individus concernés, cela commence par le réseau de leurs proches, dans certains cas leur famille, dans d'autres cas, des protecteurs, des gardiens, et d'autres êtres chers qui se sont intéressés à leur réinsertion.
     C'est notamment pour nous assurer qu'il y a une responsabilité lorsque les conditions ne sont pas respectées que nous discutons actuellement avec nos partenaires provinciaux et territoriaux, et c'est pourquoi, je suppose, le Comité entreprend cette étude. Nous pensons à la communauté, mais il est important aussi que nous pensions à nos lois, afin de nous assurer qu'elles sont bien adaptées aux problèmes que nous avons sur le terrain.

  (1730)  

    Je pense que vous avez raison, mais l'un des problèmes auxquels nous nous heurtons est le fait que les personnes les plus marginalisées n'ont souvent pas les ressources dont vous parlez, de la famille et des gens au sein de la communauté pour les aider à obtenir une libération sous caution et à s'assurer qu'elles peuvent respecter les conditions imposées.
     C'est pourquoi j'ai beaucoup parlé des programmes communautaires de supervision de la mise en liberté sous caution. Nous nous retrouvons avec un grand nombre de personnes marginalisées qui passent beaucoup de temps en détention parce qu'elles n'ont pas les ressources personnelles et familiales nécessaires pour être libérées sous caution.
     Je suppose que ce qui se passe — et je ne vous accuse pas personnellement —, c'est que le gouvernement fédéral a tendance à dire que c'est une responsabilité provinciale de fournir cela, mais en fait, lorsque ce n'est pas le cas, la GRC se retrouve avec le problème supplémentaire de faire respecter la supervision de la mise en liberté sous caution.
    Je répondrai en disant trois choses qui, je pense, concernent directement le point que vous soulevez.
     Le gouvernement fédéral investit dans les communautés pour promouvoir la réussite de la réinsertion sociale de ceux qui ont été inculpés et de ceux qui ont été condamnés. Il y a premièrement le Fonds pour bâtir des communautés plus sécuritaires de 250 millions de dollars; deuxièmement, le fonds de la Stratégie nationale pour la prévention du crime; et troisièmement, l'Initiative sur les services correctionnels communautaires destinés aux Autochtones, pour laquelle nous avons annoncé hier un financement supplémentaire. C'est une initiative qui vise à promouvoir la langue, la culture et l'histoire autochtones auprès des détenus autochtones qui veulent ancrer leur réinsertion dans leur identité et leur culture.
     En misant sur ces trois éléments, nous plaçons la communauté au centre de nos efforts de réinsertion.
     Je vous remercie.
    Nous passons maintenant à M. Brock pendant cinq minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Bonjour, monsieur le ministre. C'est toujours un plaisir de vous accueillir au comité de la justice.
    Bonjour aux autres témoins. Sans vouloir vous manquer de respect, nous allons réserver les questions qui vous sont destinées pour la deuxième heure. Nous devons bien utiliser le temps que nous consacre le ministre.
     Monsieur le ministre, je voudrais revenir sur votre passé. Je crois savoir que vous êtes un ancien procureur fédéral et que vous avez travaillé pour le Service des poursuites pénales du Canada. Est‑ce exact?
    Une partie de vos responsabilités consistait à poursuivre les personnes accusées au titre de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.
    Cela inclurait les individus accusés de trafic de drogues ou de possession à des fins de trafic, ainsi que de simple possession. Est‑ce exact?

  (1735)  

    Cela inclut également les infractions de production. Oui.
    En tant qu'avocat et procureur, vous conviendrez également avec moi, je l'espère, que nombre des personnes que vous avez poursuivies et que nombre des personnes que j'ai poursuivies ont des facteurs criminogènes similaires. Il s'agit souvent de dépendances — qu'il s'agisse d'alcool ou de drogues — ou de problèmes de santé mentale.
    Je suis d'accord pour dire que dans certaines des affaires que j'ai traitées, des individus avaient des problèmes de toxicomanie et de santé mentale. Oui.
    Beaucoup d'individus que j'ai vus — peut-être que vous n'avez pas vus — avaient certainement cela comme facteur criminogène prédominant, et n'avaient pas d'éducation, pas de soutien, pas de logement et pas d'emploi, etc.
     Seriez-vous d'accord avec moi, monsieur, pour dire qu'il est crucial, après leur condamnation, leur libération ou toute autre circonstance, que ces personnes reçoivent de l'aide pour mener un style de vie productif?
    Monsieur Brock, j'irais plus loin que ce que votre question laisse entendre, c'est-à-dire que nous devrions, lorsque cela est possible, sortir ces personnes du système de justice pénale le plus tôt possible.
     Comme vous l'avez vous-même souligné, dans de nombreux cas, les facteurs déterminants qui ont conduit ces personnes dans le système de justice pénale sont basés sur un manque d'accès à un logement sûr ou abordable, à l'éducation, aux soins de santé, etc. Le fait de les sortir du système le plus tôt possible nous permet de nous concentrer sur les délinquants violents.
    C'est exact.
     Vous conviendrez avec moi, cependant, que si nous ne pouvons pas les libérer et que nous devons condamner ces personnes et les placer en probation ou les envoyer dans des établissements pénitenciers, nous voulons nous assurer qu'il y a du soutien, soit dans la communauté, soit dans nos établissements pénitenciers, pour les aider à résoudre ces problèmes.
     Êtes-vous d'accord avec cela?
    Je suis d'accord avec cela.
    Ce qui soulève la question suivante: il est vraiment ironique qu'aujourd'hui, ma collègue conservatrice Tracy Gray, de la circonscription de Kelowna—Lake Country, ait présenté à la Chambre un projet de loi d'initiative parlementaire qui a fait l'objet d'un vote. Le projet de loi C‑283 visait à modifier le Code criminel et la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition pour offrir des traitements additionnels contre la toxicomanie dans les pénitenciers. Il s'agit plus précisément de permettre aux juges de recommander, après la détermination de la peine, que la personne purge sa peine dans un pénitencier qui a été désigné comme un établissement de traitement des toxicomanies.
     Monsieur le ministre, cette question s'adresse à vous et aux Canadiens qui suivent les travaux du Comité. Pourquoi vous, en tant que ministre dont le portefeuille comprend le Service correctionnel, et l'ensemble de votre caucus libéral avez-vous rejeté cette proposition?
    En bref, c'était pour deux raisons.
     Premièrement, nous pensons que les juges ont déjà le pouvoir discrétionnaire de rendre ces ordonnances. Je ne rejette en aucun cas le bien-fondé de ces ordonnances. Je pense qu'il est juste de souligner qu'il devrait y avoir des conditions prévues lors de la libération finale des personnes qui peuvent avoir des problèmes de santé mentale et de toxicomanie et, par conséquent... J'ai certainement vu, au cours de ma carrière, des juges rendre des ordonnances qui prévoient le type de traitement de santé mentale et de santé publique dont ces délinquants ont besoin pour se réinsérer dans la société.
     Deuxièmement, je dirais qu'il existe d'autres initiatives, dans lesquelles le gouvernement investit, pour promouvoir ce type de réinsertion pour les personnes qui peuvent également souffrir de ces problèmes.
    Si j'ai bien compris, monsieur le ministre, vous vous êtes également attribué le mérite du cadre fédéral visant à réduire la récidive. Vous l'avez mentionné soit au cours de votre déclaration liminaire, soit en réponse à une question.
     Vous reconnaîtrez, monsieur, que le projet de loi d'initiative parlementaire de mon collègue conservateur, Richard Bragdon, le projet de loi C‑228, qui a été adopté en 2021, a fait exactement cela.
     Pourriez-vous lui en donner le crédit, monsieur?
     Je pense que nous devons travailler autant que possible sans partisanerie. Le gouvernement a jugé bon de soutenir, sans partialité, des projets de loi d'initiative parlementaire. Je ne pense pas qu'une personne — ou un parti, d'ailleurs — ait le monopole des idées pour assurer la sécurité de nos communautés.
     L'une des raisons pour lesquelles il est important pour moi d'être ici devant le Comité n'est pas seulement de répondre aux questions, mais aussi d'écouter les conseils qui, à leur tour, peuvent façonner la politique future du gouvernement. Cela inclut la question de la réforme de la mise en liberté sous caution et du système de mise en liberté sous caution.
     Je dirais que l'une des choses que j'ai trouvées les plus encourageantes lors de la dernière conférence fédérale-provinciale-territoriale, c'est qu'il y avait un fort consensus sur le fait que, oui, nous devrions nous pencher sur le système de mise en liberté sous caution. Et c'était vrai, quel que soit le gouvernement en place, quel que soit le parti. Il y a un effort multipartite ici pour bien faire les choses.
    Je vous remercie, monsieur le ministre.
    Je vous remercie, monsieur Brock.
    Nous accordons maintenant la parole à Mme Diab pour cinq minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Bienvenue, monsieur le ministre.
    Bienvenue aux témoins également.
    Comme le Comité en a discuté et, bien entendu, comme nous le savons, les facteurs sociaux jouent un rôle de premier plan en poussant les gens sur le chemin du crime et de la violence.
    Je veux vous remercier de nouveau d'être venu dans ma province plus tôt ce mois‑ci lorsque vous avez annoncé l'octroi de financement à la municipalité régionale d'Halifax pour soutenir des projets locaux s'adressant aux jeunes associés aux gangs et qui risquent de se joindre à eux afin de leur permettre de mieux réussir. Bien entendu, dans votre allocution, vous avez mentionné les initiatives d'habilitation des Noirs de 902 Man Up. Nous savons à quel point il importe de travailler avec les groupes communautaires qui ont de l'expertise locale.
    Nous savons que la solution aux crimes violents ne passe pas exclusivement par les politiques. Il s'agit d'une voie que vous empruntez pour résoudre ce problème. Pouvez-vous m'indiquer de quelle autre manière le gouvernement s'attaque... Ici encore, j'ai mentionné certaines solutions, mais je suis certaine que vous avez de nombreux autres exemples.
    Je veux d'abord vous remercier de m'avoir accueilli dans votre communauté, madame Diab. C'est toujours un plaisir de vous voir et de rencontrer des dirigeants de votre communauté.
    Nous avons fait deux annonces qui font suite aux investissements que nous effectuons, notamment à la frontière. Nous avons eu la chance d'aller au terminal du port d'Halifax pour observer les retombées directes des quelque 450 millions de dollars investis dans l'Agence des services frontaliers du Canada.
    J'encouragerais tous mes collègues à prendre acte du travail que l'Agence effectue en saisissant de plus en plus d'armes à feu illégales au fil des ans et à lui exprimer leur gratitude. C'est bénéfique, mais ce n'est pas la seule chose que nous devrions faire. Nous devons faire plus que soutenir l'exécution de la loi: nous devons examiner les causes fondamentales de la criminalité pour pouvoir la tuer dans l'œuf. L'annonce que nous avons faite avec 902 Man Up dans le cadre des programmes nationaux de financement de la prévention du crime s'inscrit dans cette optique.
    902 Man Up a démarré avec deux membres de la communauté noire qui en avait assez après une vague de violence par arme à feu. Jugeant qu'ils avaient vu trop de sang couler, ils ont dit « Enough is enough. C'est fini. C'est assez. » C'est alors qu'ils ont fondé cette organisation. Nous leur avons offert un soutien supplémentaire pour qu'ils puissent élargir la gamme et la portée de leurs programmes afin de joindre et d'inviter dans leur refuge plus de gens qui risquent peut-être d'être en contact avec des éléments criminels. Ils invitent ces gens dans leur espace sécuritaire et inclusif et leur confèrent toutes les compétences dont ils ont besoin pour faire les bons choix.
    Nous avons fait la même chose avec vous, notre collègue Darren Fisher et le maire d'Halifax, Mike Savage, au titre du Fonds pour bâtir des communautés plus sécuritaires. Dans le cadre de cette démarche fédérale, nous pourrons aussi lancer des initiatives semblables partout à Halifax et à Dartmouth.

  (1740)  

    C'est formidable.
    Pouvez-vous m'en dire un peu plus sur les échanges que vous avez eus avec vos homologues provinciaux et territoriaux plus tôt ce mois‑ci sur la libération sous caution et ce dont nous parlons ici?
    Nos échanges ont été fort constructifs. Je pense que tout le monde est consterné par les récentes tragédies qui ont frappé des communautés du pays. Nous avons longuement discuté des modifications potentielles que nous pourrions apporter au système de mise en liberté sous caution dans le Code criminel.
    Nous avons aussi passé un certain temps à parler des manières dont nous pouvons prévenir la criminalité et la violence. Des provinces et des territoires ont parlé d'équipes intégrées, constituées notamment par des services de police qui collaborent avec des professionnels de la santé et d'autres intervenants. Si la police reçoit un appel relatif à un problème de toxicomanie ou de santé mentale, le professionnel compétent intervient pour désamorcer la situation sans qu'on ait besoin de recourir à la force.
    Nous avons discuté de l'augmentation des appels relatifs à la santé mentale et du fait qu'il peut être plus efficace d'adopter une approche intégrée pour optimiser les ressources afin de n'utiliser le droit pénal qu'en dernier recours. C'est ce que j'ai moi-même constaté en première ligne du système de justice pénale, et je pense que c'est une manière qui permet de réduire la récidive et les problèmes systémiques que nous observons et qui engendrent la surreprésentation.
    Même si nous devons veiller à assurer le bon fonctionnement de nos systèmes de mise en liberté sous caution, force nous est d'admettre que les problèmes systémiques persistent et que la surreprésentation est terriblement élevée, particulièrement chez les Autochtones et les Canadiens racisés. Nous avons l'obligation d'atténuer et de renverser ces tendances.
    Je vous remercie, madame Diab.
    Nous effectuerons maintenant des interventions de deux minutes et demie.
    Vous avez la parole, monsieur Fortin.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    D'abord, je remercie ma collègue qui m'a remplacé lundi et au début de la rencontre d'aujourd'hui. Je suis certain que mes collègues n'ont pas perdu au change.
    Monsieur le ministre, bonjour. Je suis bien content de vous rencontrer ici.
    Les critères de mise en liberté sous caution des prévenus ont été établis il y a de cela un certain nombre d'années. L'évaluation de ces critères est faite au cas par cas. Les tribunaux examinent le dossier de chaque prévenu et prennent des décisions à la lumière de ces critères. Cependant, vous conviendrez probablement avec moi que cette évaluation évolue au fil du temps, en fonction des circonstances. Une situation quelconque qui, il y a 20 ans, aurait nécessité une détention provisoire n'en nécessite peut-être plus une aujourd'hui, et vice versa.
    Cela étant dit, vous vous souviendrez qu'il n'y a pas si longtemps, nous avons adopté, dans le cadre du projet de loi C‑5, des dispositions pour abolir les peines minimales obligatoires dans un certain nombre de circonstances, notamment pour certains crimes commis avec une arme à feu. Il y en a un qui me revient toujours à l'esprit, soit celui de décharger une arme à feu avec une intention particulière, qui n'entraîne plus de peine minimale obligatoire. Il y a des crimes d'agressions sexuelles qui font maintenant l'objet de peines pouvant être purgées avec sursis, soit dans la communauté.
    À votre avis, monsieur le ministre, cette situation a-t-elle une influence sur le tribunal au moment de décider s'il y a lieu ou non d'imposer une détention provisoire à un prévenu, par exemple s'il est accusé d'avoir déchargé une arme à feu avec une intention particulière?
    Il y a cinq ans, cela faisait l'objet d'une peine minimale obligatoire. Cela démontrait une certaine gravité du crime. Aujourd'hui, cette peine minimale obligatoire est abolie. C'est comme si on avait indiqué au tribunal que les législateurs considéraient cette infraction comme étant moins grave qu'elle ne l'était il y a cinq ans.
    Êtes-vous d'accord là-dessus? À votre avis, quelle est l'incidence sur les libérations provisoires?

  (1745)  

    C'est une question complexe. Il y a des principes qui sont bien établis, vous avez raison. Toutefois, en même temps, la Cour suprême a fait évoluer quelques principes pour répondre aux défis relevés sur le terrain. Les principes constitutionnels s'appliquent toujours, quelles que soient les modifications qui sont proposées concernant la loi.
    Puisqu'il ne reste que quelques secondes, je vais simplement vous demander si le projet de loi C‑5 a une incidence ou non sur les libérations provisoires.
     Toute modification proposée par le gouvernement doit toujours respecter la Charte, même quand cela concerne le système de mise en liberté.
    Vous êtes un excellent violoniste, monsieur le ministre.
    Merci beaucoup, monsieur Fortin.

[Traduction]

     Je vous remercie, monsieur Fortin.
    Nous donnons maintenant la parole à M. Garrison.
    Je vous accorde trois minutes pour compenser.
     Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    Je veux revenir où j'en étais quand j'ai manqué de temps la dernière fois.
    Monsieur le ministre, vous avez parlé des divers programmes de réduction de la criminalité et de prévention de la récidive. J'exposerai de nouveau le problème que je vois: la GRC est la force de police responsable dans la moitié de ma circonscription, comme c'est le cas dans de nombreuses autres régions où il n'existe pas de bons programmes de surveillance des personnes libérées sous caution.
    Vous avez terminé en disant qu'il existe des programmes de financement. Je suppose que ma question est très précise: est‑ce que les projets d'élargissement des programmes de surveillance des personnes libérées sous caution dans la communauté cadreraient avec les initiatives dont vous avez parlé et pourraient recevoir du financement?
    Je tenterai de vous fournir la réponse la plus claire possible.
    Dans mon esprit, la « mise en liberté sous caution dans la communauté » réfère à quelque chose de très précis. Toute mise en liberté sous caution exigeant un surveillant, par exemple, inclut une forme de surveillance communautaire. Si un prévenu est libéré sous certaines conditions et qu'une de ces conditions est la présence d'un surveillant, ce dernier a la responsabilité d'agir à titre de gardien et de surveillant du prévenu pendant qu'il est en liberté. Si le surveillant vient à apprendre qu'une des conditions a été enfreinte, il lui incombe de le signaler, conformément aux conditions de la mise en liberté sous caution.
    Je pense que vous êtes... Je ne veux pas interpréter votre question à outrance.
    Je pense à la Société John Howard, qui, dans de nombreuses localités de l'Ontario, met en œuvre des programmes plutôt que de dépendre des surveillants ou des membres de la famille. Elle fait appel à une personne à qui la communauté fait confiance pour exécuter les programmes de surveillance des personnes libérées sous caution. Ce n'est pas la police qui s'en charge.

  (1750)  

    Je suis heureux que vous ayez apporté cet éclaircissement.
    Une fois encore, je sais personnellement qu'il existe des programmes de mise en liberté sous caution dans le cadre desquels nous collaborons avec les sociétés John Howard, les sociétés Elizabeth Fry et d'autres organisations qui offrent un soutien global. Je pense que la difficulté consiste à offrir du soutien dans les domaines où la personne en a besoin, et à trouver un juste équilibre entre le traitement et le soutien et le besoin de protéger la communauté.
    Voilà pourquoi la présente étude est importante. Par moment, il peut être très complexe d'assurer cet équilibre. Il peut arriver qu'une personne éprouve des problèmes de santé mentale, mais constitue également une grave menace pour la sécurité de la communauté. En l'absence d'un écosystème de soutien, on peut n'avoir d'autre choix que de la garder en détention.
    Au cours de la détention, il importe également d'offrir des programmes de réinsertion et du soutien. C'est pourquoi le programme de services correctionnels communautaires destinés aux Autochtones, que nous avons annoncé hier, peut nous permettre d'atteindre cet objectif, par exemple. J'admets que l'intervention vient après le procès et la condamnation. Lors du prononcé de la peine... C'est difficile d'intervenir au début du procès.
    Je sais que vous admettez que la plupart des personnes en détention préventive sont incarcérées dans des installations provinciales, où on n'offre pas de services de santé mentale ou de lutte à la dépendance. Dans bien des cas, les prévenus sont détenus très longtemps, suffisamment pour se rendre non seulement au premier, mais parfois aussi au deuxième examen effectué après 90 jours. Ils n'ont pas accès à ces services. Je comprends qu'un problème de compétences entre en jeu ici et rend la situation très complexe.
    Je suis d'accord avec vous, monsieur Garrison. Il est effectivement difficile de fournir immédiatement des services de réinsertion. Voilà pourquoi nous devons continuer de collaborer étroitement avec nos partenaires provinciaux et territoriaux.
    Je vous remercie, monsieur Garrison. C'est ce qui conclut le premier volet de notre séance.
    Monsieur le ministre Mendicino, vous pouvez vous retirer.
    Pour une question de temps, je ne suspendrai pas la séance. Je vous accorderai quelques secondes, après quoi nous poursuivrons.
    Je vous remercie, monsieur le président et honorables membres du Comité.
    D'accord. Nous reprenons la séance.
    Nous commencerons avec le premier tour, au cours duquel nous effectuerons des interventions de six minutes. C'est M. Van Popta qui a la parole.
    Monsieur Van Popta, la parole est à vous.
    Bien. Je remercie les témoins de comparaître.
    Monsieur Taylor, je commencerai par vous.
    Je pense qu'il existe maintenant au Canada un consensus sur le besoin de réformer le système canadien de mise en liberté sous caution. Nous avons une lettre signée par 13 premiers ministres qui l'indique. Nous avons entendu le ministre parler très favorablement de la réunion fédérale-provinciale à laquelle il a participé avec le ministre Lametti, affirmant que de bons progrès sont accomplis. C'est en dépit de ce que M. Lametti a dit il n'y a pas si longtemps quand il a été interrogé à ce sujet. Il a indiqué qu'il est prêt à accueillir des propositions d'amélioration, mais qu'il pense que notre système de mise en liberté sous caution est solide et efficace. C'est ce qu'il a affirmé.
    Quoi qu'il en soit, il semble aujourd'hui que nous nous entendions pour dire qu'il faut faire quelque chose. Il a beaucoup été question de l'inversion du fardeau de la preuve et de la modification du Code criminel, mais ma question portera sur le travail que certains gouvernements provinciaux et procureurs généraux ont effectué, particulièrement en Colombie-Britannique, ma province. La procureure générale de la Saskatchewan a d'ailleurs témoigné à ce propos l'autre jour.
    Je veux connaître votre opinion à ce sujet. Que pensez-vous que les provinces ont fait et pourraient faire efficacement au chapitre de la réforme du système de mise en liberté sous caution?
    M. Dakalbab et moi-même avons également pris part à la réunion des ministres et eu la chance d'assister aux discussions et d'observer le consensus dont le ministre Mendicino a parlé.
    Si vous parlez de la réforme du système de mise en liberté sous caution afin de savoir ce que les provinces et les territoires peuvent faire, je peux interpréter cette question de deux manières.
    Nous avons reçu des provinces et des territoires un certain nombre de propositions concernant la réforme du Code criminel, que ce soit dans le cadre du travail que nous effectuons avec nos partenaires provinciaux et territoriaux... Je pense que lors de ma dernière comparution devant le Comité, j'ai brièvement parlé de ce travail, auquel nous nous adonnons depuis un certain temps.
    Nous avons entendu un certain nombre de propositions précises de réforme de la loi lors de la réunion du 10 mars, dont le ministre Mendicino a parlé, mais également quelques modifications non législatives qui sont nécessaires ou importantes pour améliorer le fonctionnement du système de mise en liberté sous caution.
    M. Garrison a traité brièvement de la surveillance des prévenus libérés sous caution. Je pense que la procureure générale de la Saskatchewan a parlé un peu du travail qui s'effectue dans cette province et des modifications apportées aux politiques de la Couronne afin de déterminer quand il faut demander que la mise en liberté sous caution soit refusée ou quand il faut privilégier la mise en liberté sous caution.
    Cela ne répond probablement pas précisément à votre question, mais une multitude de propositions sont à l'étude afin de corriger ou d'améliorer le système en nous appuyant sur une bonne fondation.
    Je pense que de façon générale, la plupart des intervenants conviennent que le système de mise en liberté sous caution fonctionne bien. Cependant, l'attention a surtout porté sur les infractions violentes et répétées, et à titre de bureaucrates, nous appuyons le gouvernement.

  (1755)  

    D'accord. Je vous remercie.
    Le procureur général de la Colombie-Britannique a modifié sa directive destinée aux avocats de la Couronne, leur demandant expressément de ne plus réclamer la détention, même s'il conviendrait d'imposer une peine d'emprisonnement lors de la déclaration de culpabilité. S'ils devaient auparavant réclamer la détention, ils doivent maintenant faire l'inverse.
    Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?
    Oui. D'après ce que j'ai lu sur l'orientation que contient la nouvelle directive du procureur général de la Colombie-Britannique, l'objectif consiste à renforcer certains principes fondamentaux qui existent dans le système de mise en liberté sous caution.
    Pour ce qui est des points précis que vous avez soulevés à propos de la gravité de l'infraction et de la probabilité qu'une peine d'incarcération soit réclamée en cas de déclaration de culpabilité, le système prévoit déjà quelque chose à cet égard. Cela correspond donc beaucoup à ce que la loi indique aux procureurs.
    Bien entendu, la teneur de la loi et son application sont deux choses différentes. En élaborant des lignes directrices et des politiques, les procureurs généraux provinciaux veillent à ce que la loi s'applique conformément à l'intention.
    Bien.
    Je veux passer à l'inversion du fardeau de la preuve et aux modifications qu'il serait possible d'apporter au Code criminel, que réclament les premiers ministres, particulièrement en ce qui concerne les infractions commises au moyen d'armes à feu et les récidivistes violents.
    Il y a quelques jours, nous avons entendu un avocat de la défense en droit criminel, qui a déclaré que le fait d'inverser le fardeau de la preuve ou non ne changea pas grand-chose dans la manière dont il pratique le droit, car dans les faits, le fardeau de la preuve est inversé de toute manière. Je vais vous citer, monsieur Taylor. Lorsque vous avez témoigné ici l'autre jour, vous avez indiqué que « Ce renversement du fardeau de la preuve provient de l'intention du Parlement de rendre plus difficile pour un prévenu d'obtenir sa libération dans certaines situations liées aux motifs de détention ».
    Je me demande dans quelle mesure les juges qui entendent des affaires de mise en liberté sous caution respectent l'intention du Parlement au chapitre de l'inversion du fardeau de la preuve. À quel point la prennent-ils au sérieux? Est‑ce que cela change quelque chose?
    Il est difficile de répondre à cette question, mais la citation sonnait bien. Je sais que le temps est presque écoulé. Je dirai simplement que dans ce domaine, toute réforme de la loi qui inverserait le fardeau de la preuve renforcerait considérablement la croyance du Parlement selon laquelle certaines infractions doivent faire l'objet d'un traitement particulier.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie.
    Merci, monsieur Van Popta.
    C'est maintenant Mme Brière qui a la parole pour six minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je salue nos témoins, auxquels je poserai les questions suivantes.

[Français]

    Monsieur Dakalbab, nous avons entendu plusieurs témoignages qui, sans nécessairement critiquer le principe de liberté sous caution, mettaient en lumière les préoccupations liées aux conditions de mise en liberté.
    Nous avons également entendu et constaté que plusieurs crimes, commis par une personne libérée sous caution, sont le fait de récidivistes.
    En 2022, le cadre fédéral visant à réduire la récidive a été annoncé, et des consultations ont commencé en février 2023.
    Pourriez-vous nous dire quel est l'objectif de ce cadre et des consultations avec les parties prenantes?
    Quelles parties prenantes sont consultées?
    En plus de ce cadre, quelles autres mesures ont été prises par le ministère concernant la récidive?
    Effectivement, le cadre en question a été soumis en 2022. Le ministre Mendicino a parlé un peu plus tôt des thèmes prioritaires, soit la santé, le logement, l'éducation et le réseau de soutien.
    J'ai travaillé dans le domaine des services correctionnels pendant plus d'une décennie ainsi que dans le système des libérations conditionnelles. Lors de l'élaboration du cadre, nous avons tenu plusieurs consultations, notamment auprès de partenaires communautaires et de représentants de sociétés telles que la Société John Howard et les Sociétés Elizabeth Fry pour bien cerner le problème que nous voulons régler.
    Le programme annoncé par le ministre hier fait partie des initiatives qui ont été proposées dans le premier cadre. Ce dernier est conçu pour permettre l'adoption d'approches agiles pour s'attaquer au problème lié aux récidives au moyen d'initiatives et de programmes financés par le gouvernement. Le gouvernement du Canada s'est engagé à nous revenir au sujet des thèmes prioritaires du cadre et des bases sur lesquelles nous commencerons à travailler de façon plus concrète d'ici le mois de juin au Comité permanent de la sécurité publique et nationale.
    Présentement, nous poursuivons les consultations et les recherches afin d'en arriver à une proposition concrète à soumettre à notre ministre et qui sera éventuellement déposée au Parlement.
    Je suis content que vous ayez indiqué clairement que le système de libération sous condition diffère du système de mise en liberté sous caution. Il est vrai qu'il y a des similitudes, en ce sens que la majorité des cas sont couronnés de succès. D'après nos données, il y a moins de 1 % de récidives sous libération conditionnelle pour les crimes violents. Le taux de succès est donc assez élevé et comparable à celui de la libération sous caution.
    Cela dit, ce sont deux systèmes complètement différents, et ils sont assortis de conditions distinctes.

  (1800)  

    Qui consultez-vous et quelles sont les parties prenantes?
    Je n'ai pas la liste avec moi, mais je peux vous confirmer que nous consultons des universitaires, des organismes à but non lucratif de même que les communautés autochtones et noires, qui sont surreprésentées dans le système pénal.
    Si vous le souhaitez, je peux vous faire parvenir la liste.
    Merci beaucoup, monsieur Dakalbab.
    Mme Efford, le ministre a dit qu'il fallait renforcer vos capacités en matière de ressources pour faire le suivi des délinquants. Dans le cadre d'une autre réunion du Comité, nous avons appris qu'en matière de sursis, il y avait des méthodes qui fonctionnaient bien et dont nous pourrions nous inspirer pour les libérations conditionnelles.
    J'aimerais avoir vos observations sur cette question.

[Traduction]

    Je veux juste m'assurer de comprendre la question. M'interrogez-vous sur les ressources dont dispose la GRC et de la manière dont nous pouvons les utiliser efficacement? Oui. Je vous remercie.
    Tout d'abord, la GRC utilise ses ressources existantes en les répartissant au sein des forces en fonction des priorités établies. En vertu des ententes sur les services de police, la GRC collaborera étroitement avec les autorités locales afin d'établir les priorités et les besoins en ressources afin d'apporter de l'aide pour atteindre les objectifs de maintien de l'ordre.
    Je voudrais souligner que même si nous couvrons 75 % de la masse géographique du Canada, nous sommes responsables du maintien de l'ordre pour 22 à 25 % de la population, principalement en région rurale.
    Je peux vous dire que la GRC s'emploiera à appliquer la loi le mieux possible, conformément à son mandat et aux priorités qu'elle a établies.
    Comment pouvez-vous renforcer votre capacité?

[Français]

    Si cela ne vous dérange pas, je peux donner une partie de la réponse.
    Comme coresponsable des services de police contractuels de la GRC au nom du ministre, je travaille tous les jours avec mes collègues d'un bout à l'autre du pays sur les contrats de la GRC. Je travaille aussi avec le Québec et l'Ontario dans le cadre de mes fonctions.
    Selon notre expérience, la mesure la plus positive consiste à financer les ressources policières, que ce soit celles de la GRC ou d'autres organisations, afin qu'on puisse présenter de meilleures preuves à la cour. Il est très important d'informer les juges avant qu'ils prennent une décision concernant une libération sous caution. Il y a eu un exemple en Ontario où on a utilisé des fonds fédéraux pour atteindre cet objectif, et c'est ce que nous essayons de faire dans le cadre des ententes sur les services de police entre la GRC et les provinces et territoires.
    Il s'agit aussi d'augmenter les ressources des équipes pour leur permettre de faire des recherches plus intensives lorsqu'elles essaient de retrouver une personne qui n'a pas respecté ses conditions de libération et qui est illégalement en liberté.
    Ce sont deux exemples concrets de façons dont on peut nous aider. Cela dit, comme vous l'avez mentionné un peu plus tôt, il est difficile de recruter des gens. Les services de police le disent souvent, mais je voulais soutenir ma collègue dans sa réponse.

  (1805)  

[Traduction]

    Je vous remercie, madame Brière.
    Nous accordons maintenant la parole à M. Fortin pour six minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Dakalbab, madame Efford et monsieur Taylor d'être avec nous.
    Ma question va s'adresser à vous, monsieur Dakalbab. Cela concerne un sujet que j'ai abordé avec le ministre tantôt. L'adoption du projet de loi C‑5 a fait en sorte d'abolir les peines minimales obligatoires dans certains cas. Je ne reviendrai pas sur la nécessité des peines minimales. Je crois à la discrétion judiciaire, mais dans certains cas, il n'en demeure pas moins qu'on envoie un message quand on abolit des peines minimales. Le législateur ne parle jamais pour ne rien dire. Dans certains cas, des tribunaux ont tenu compte de l'abolition de ces peines lors de l'imposition d'une peine.
    Comment pourrions-nous éviter de donner l'impression qu'il y a un relâchement quant à l'évaluation de la gravité de ces crimes au moment où les tribunaux se prononcent sur la libération conditionnelle de prévenus?
    À ma connaissance, normalement, la cour tient aussi compte de la peine maximale comme indication de...
    Oui, mais cela n'a pas changé, alors cela n'a pas vraiment d'incidence. La peine maximale est toujours la même. Ce qui a changé dans l'esprit du juge qui siège, c'est qu'il a une plus grande discrétion, non pour infliger des peines plus sévères, mais pour en infliger de moins sévères. Il peut aller en deçà de la peine minimale de six mois, d'un an, de deux ans ou de quelque durée que ce soit, selon le cas, qui existait auparavant. Pour l'individu qui siège comme juge dans un procès, c'est quand même une indication que le législateur lui donne. Cela pourrait donner l'impression qu'il y a un relâchement, que le législateur est moins sévère qu'il l'était auparavant.
    En tant que législateurs, comment pourrions-nous contrecarrer cet effet négatif et éviter de donner l'impression qu'on ne trouve plus certaines infractions graves, comme le fait de décharger une arme à feu avec une intention particulière ou les agressions sexuelles?
    Je vais revenir un peu à mon point de départ.
    Dans le projet de loi C‑21, on propose une peine maximale de 14 ans, soit la peine la plus sévère après la condamnation à vie.
    Je crois que cela envoie assez clairement le message qu'il s'agit d'un crime très grave.
    Bien sûr, mais vous conviendrez avec moi que cela n'a pas changé.
    Cela n'a pas encore changé.
    Cela pourrait être un message clair…
    D'accord.
    Toutefois, ce qui a changé, c'est l'abolition de la peine minimale.
    Ce que je comprends de votre témoignage, c'est que, selon vous, cela n'a eu aucun effet sur les décisions des tribunaux.
    Est-ce bien cela?
    Pour être honnête avec vous, je n'ai pas les données nécessaires pour me prononcer sur cela.
    D'accord.
    Supposons que cela a eu un effet. À votre avis, pourrions-nous faire quelque chose pour contrecarrer ce possible effet?
    Je vais revenir sur le point soulevé par le ministre plus tôt, soit l'importance de la prévention.
    Dans tous les systèmes correctionnels du monde qui ont du succès, et le Canada est bien connu pour être parmi les chefs de file dans le monde, c'est vraiment la prévention qui est l'objectif le plus important, par opposition à l'intervention.
    Il faut faire des investissements dans la prévention du crime ou trouver des mesures de soutien adéquates en matière d'emploi, de santé, de problèmes de consommation ou de santé mentale. Il faut aborder ces problèmes de façon adéquate plutôt que d'arrêter les gens et de les envoyer en prison.
    Je crois sincèrement que ce serait la meilleure façon d'éviter les crimes graves qu'on voit présentement.

  (1810)  

    Merci, monsieur Dakalbab.
    Je vous en prie.
    Madame Efford, à votre avis, le Comité pourrait-il ajouter de nouvelles dispositions au projet de loi pour mieux surveiller ce qui se passe lorsqu'on libère un individu sous caution ou sous condition pour s'assurer qu'il ne récidive pas?
    Je sais que les chiffres que vous avez donnés au Comité montrent qu'il n'y en a pas tant que cela, et c'est tant mieux. Cependant, il y a en a, et les premiers ministres des provinces sont inquiets. Ils ont d'ailleurs écrit une lettre au premier ministre du Canada il n'y a pas si longtemps à ce sujet.
    Comment pourrions-nous faire pour mieux surveiller les individus, les prévenus qu'on libère sous caution ou sous condition?

[Traduction]

    C'est une question difficile du point de vue de l'exécution de la loi. Je n'ai pas beaucoup d'idées actuellement, mais cela ne m'empêche pas de consulter certaines personnes et de vous répondre ultérieurement.
    Au bout du compte, la GRC est responsable de l'exécution de la loi. Quand il s'agit d'assurer la surveillance si on craint un non-respect des conditions, nous ne disposons pas de ressources infinies. Il y a tant de prévenus libérés sous conditions qu'il est extrêmement difficile pour les services de police de les surveiller efficacement. C'est le moins qu'on puisse dire.

[Français]

    D'accord.
    Auriez-vous une idée de ce qui pourrait être fait pour que les tribunaux prennent davantage au sérieux ces crimes malgré l'abolition des peines minimales obligatoires?

[Traduction]

    Je n'ai pas la réponse à cette question, mais si vous le voulez, je peux certainement consulter les responsables provinciaux qui travaillent au sein de la GRC pour leur demander de faire des suggestions, et vous répondre par écrit.

[Français]

    Je vous serais reconnaissant de nous transmettre cette information.
    Merci.

[Traduction]

    Je vous remercie, monsieur Fortin.
    C'est maintenant M. Garrison qui a la parole pour six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci aux fonctionnaires de nous accompagner depuis le début du processus.
    Je voudrais revenir à la surintendante principale Efford. Vous avez mentionné les ententes sur les services de police, qui prescrivent les priorités en matière de maintien de l'ordre. Quel degré de priorité ces ententes accordent-elles à la surveillance des conditions de mise en liberté sous caution et du non-respect de ces conditions? C'est ce qui vous oriente, à la GRC, dans vos services policiers contractuels, alors est‑ce que ces ententes y accordent la priorité?
    Malheureusement, pour répondre à cette question avec exactitude, il faudrait que je vérifie auprès des personnes qui s'occupent des ententes provinciales et territoriales et qui en comprennent vraiment les priorités. Je m'efforcerai de vous répondre ultérieurement par écrit.
    Ce serait utile pour le Comité, parce que je pense que c'est là qu'est le problème... Je ne cherche pas à désigner un coupable ici, mais le public aimerait que le respect des conditions de mise en liberté sous caution soit surveillé de plus près. Je pense que nous l'avons entendu très souvent. Cela renforcerait la sécurité publique et la confiance envers le système.
    Cependant, si les provinces n'en font pas une priorité dans leurs contrats de maintien de l'ordre, c'est un problème auquel nous devons attaquer de part et d'autre.
    Monsieur Dakalbab, voulez-vous intervenir?
    Oui, si vous le voulez bien, parce que je suis responsable des services policiers contractuels au nom du ministre. La GRC est l'organe exécutoire, mais les négociations avec les provinces et les territoires sur les conditions du contrat se déroulent au sein du ministère de la Sécurité publique, et c'est moi qui en suis responsable. Je serai donc très heureux de vous en parler.
    Je suis revenu la semaine dernière, en fait, de deux séries de consultations au Manitoba et en Alberta sur les services policiers contractuels. J'ai rencontré des maires. J'ai rencontré des dirigeants de communautés autochtones. J'ai rencontré beaucoup de mes homologues provinciaux. Nous utilisons de plus en plus les services policiers contractuels pour assurer la gouvernance locale afin de garantir que... Le Canada est un grand pays, je le dis toujours, et il serait extrêmement complexe d'assurer le maintien de l'ordre au Canada au moyen de services policiers contractuels identiques partout. Franchement, ce ne serait pas très productif pour répondre aux besoins des citoyens canadiens.
    Je dirais que nous travaillons en étroite collaboration avec chaque partie, chaque province, et même avec les municipalités, pour veiller à ce que les administrations locales aient de plus en plus leur mot à dire sur les contrats et les priorités qu'ils contiennent, compte tenu des ressources et du financement dont elles disposent. Qu'il s'agisse de la mise en liberté sous caution ou d'autre chose, c'est là‑dessus que les négociations avec le commandant de chaque division porteront. On établira les priorités en conséquence. Le Canada ne leur dicte rien, en tant que tel, il ne leur impose pas ce qu'elles doivent faire ni ce sur quoi elles doivent travailler.

  (1815)  

    Je vous remercie. C'est très utile.
    J'ai une autre question similaire. Je suppose qu'elle s'adresse d'abord à la surintendante principale Efford. Quand les tribunaux reconnaissent qu'il y a bris des conditions de mise en liberté sous caution et qu'ils décernent un mandat d'arrêt, quel est le degré de priorité qui y est accordé par rapport aux nombreuses autres responsabilités de la GRC? Dans certains cas très médiatisés dont nous avons parlé, des mandats d'arrêt ont été délivrés, mais pour une raison ou une autre, la personne n'avait toujours pas été remise en détention.
    Encore une fois, c'est peut-être lié aux modalités de ces ententes. Je n'en suis pas certain.
    C'est tout un défi, je ne vous mentirai pas, en ce sens où il y a beaucoup de priorités concurrentes. Dans les régions rurales, ce n'est pas toujours simple. Le gouvernement du Canada, les provinces et les territoires planchent à un cadre pancanadien de lutte contre la criminalité rurale justement pour répondre aux préoccupations que vous soulevez. Les ressources de la GRC — et ce, même au Québec et en Ontario, selon mes collègues — sont très limitées dès que l'on s'éloigne des zones urbaines. C'est un défi dont nous sommes conscients et auquel nous essayons de trouver des solutions, et pas seulement par les services de police. Nous essayons donc d'être plus créatifs et d'utiliser le soutien communautaire pour offrir divers types de services autrement.
    Je dois dire que je ne qualifierais pas ma circonscription de « rurale ». Je la qualifierais plutôt de « banlieue ». La GRC est l'autorité policière dans ma circonscription, mais nous sommes constamment confrontés à des problèmes de ressources et de priorités. Très souvent, la perception qu'a le public de ce qui devrait être prioritaire et ce que la province a demandé à la GRC de considérer comme une priorité ne concordent pas très bien, alors...
    Même dans les zones urbaines, ce genre de problèmes se pose.
     Oui.
     Je n'ai pas beaucoup de temps, mais j'ai une dernière question. Je n'ai peut-être pas la bonne personne devant moi pour y répondre.
    Nous avons eu un gros problème au Nunavut concernant les longues périodes de détention provisoire. C'est Service correctionnel Canada qui en était responsable avant, mais je crois que nous sommes en période de transition actuellement et que le Nunavut est en train de reprendre la responsabilité des établissements correctionnels et de la détention préventive.
    Je ne sais pas, monsieur Dakalbab, si vous pouvez nous aider à trouver réponse à cette question.
    Je ne connais pas les détails. J'en ai entendu parler, mais je n'en connais pas les détails.
    Il y a beaucoup d'inquiétudes dans la communauté autochtone, non seulement à cause de la taille du Nunavut, mais aussi à cause du manque de ressources communautaires à beaucoup d'endroits. Les gens passent de très longues périodes en détention sans avoir accès à des services. Je sais que c'est Service correctionnel Canada qui en était responsable avant, mais je n'ai pas réussi à savoir où nous en sommes dans la transition. Je sais que le Nunavut a adopté une nouvelle loi en 2019, qui visait à assurer la transition pour en reprendre la responsabilité et instituer une vision différente de la détention provisoire.
    Je n'ai probablement pas les bonnes personnes devant moi pour obtenir une réponse à cette question.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Garrison.
    Nous passons maintenant à M. Brock pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Encore une fois, j'aimerais remercier les témoins de leur présence aujourd'hui.
    Je m'adresse à vous, monsieur Taylor. Seriez-vous d'accord pour dire que ce n'est pas d'hier qu'on parle de réforme de la mise en liberté sous caution et de la nécessité de s'attaquer aux problèmes des récidivistes dangereux, qu'en fait, cette réforme se préparait depuis un certain nombre d'années? Ce qui a vraiment cristallisé tout cela, à mon avis — je ne sais pas si vous partagez mon sentiment —a été le meurtre malheureux et tragique de l'agent Pierzchala de la Police provinciale de l'Ontario.
    Êtes-vous d'accord avec moi, monsieur?
     Je pense que ce moment a indéniablement cristallisé l'urgence de la situation pour beaucoup de gens. Je pense que vous savez — comme nous en avons déjà discuté — que nous envisagions la chose avant. Cependant, ce moment a assurément été un catalyseur de l'urgence.
    C'est certain.
    Cela a vraiment cristallisé ce besoin et mobilisé un grand nombre de groupes de soutien et de défense partout au pays, dont les premiers ministres, les procureurs généraux, les maires, les chefs de police, les associations de policiers et d'autres, n'est‑ce pas?

  (1820)  

    Absolument.
    Je voudrais parler brièvement de l'affaire Randall McKenzie. C'est un accusé. Il bénéficie de la présomption d'innocence, je le reconnais. Il a été libéré sous caution après examen. Mon collègue, Frank Caputo, a soulevé cette question avec un témoin de la défense lundi dernier. Nous n'avons pas entendu beaucoup de témoignages sur les faiblesses, à mon avis, de notre système d'examen de la mise en liberté sous caution.
     En vertu de l'article 520 du Code criminel — je suis sûr que vous en connaissez le libellé, mais pour les Canadiens qui nous regardent et les membres du Comité —, il y a deux motifs auxquels on peut demander un examen de la mise en liberté sous caution: lorsqu'il y a une erreur de principe dans l'ordonnance même du tribunal inférieur, ou lorsqu'il y a un changement important dans les circonstances qui fait qu'il serait injuste de ne pas annuler l'ordonnance.
    Monsieur Taylor, selon les ressources auxquelles j'ai pu accéder en ce qui concerne la preuve, il est clair que M. McKenzie s'est vu refuser la mise en liberté sous caution par un juge de paix d'un tribunal de l'Ontario, étant donné son comportement répété de violation des ordonnances, de violation des ordonnances relatives aux armes à feu, et étant donné la gravité de l'infraction substantielle. Indépendamment du plan — qui prévoyait une assignation à résidence, une surveillance électronique et une caution —. le juge de paix a estimé que les motifs tertiaires étaient activés, et il a été détenu pour ces motifs.
    Six mois plus tard, il a fait l'objet d'un examen de la mise en liberté sous caution à Hamilton. Il est Autochtone et les facteurs cités dans l'arrêt Gladue ont été mentionnés au tribunal inférieur. Les mêmes facteurs ont été évoqués en cour supérieure. Cependant, il a changé ses cartes.
    Je l'ai souvent vu dans ma carrière précédente. Quand on essaie une chose, puis qu'on ne choisit pas la bonne personne pour la caution, parce que la caution ou le plan est rejeté, alors on rebrasse les cartes. On va en cour supérieure, on obtient une nouvelle personne et un montant plus élevé pour la caution, peut-être quelques conditions de plus, et on tente sa chance.
    Dans ce cas particulier, il s'agissait des mêmes conditions que celles qu'il avait demandées en instance inférieure et du même montant de caution, mais la personne désignée pour la caution — qui était à l'origine sa petite amie — a été remplacée par sa mère. Il est clair qu'il y a un décalage pour ce qui est de la sécurité de la communauté.
    Monsieur, je crois que vous êtes le principal... le plus haut juriste du ministère de la Justice. Est‑ce exact?
    Certainement pas, mais je vous remercie du compliment.
    Des voix: Ha, ha!
    J'étais prêt à vous donner cette reconnaissance, monsieur. J'étais prêt à vous faire cet honneur.
    En tout cas, vous êtes tenu en haute estime au ministère de la Justice.
    Y a‑t‑il une volonté de renforcer le faible système d'examen de la mise en liberté sous caution que nous avons dans ce pays?
     Il y a plusieurs choses.
    Je pense que le ministre Lametti s'est très clairement dit ouvert à toute bonne idée. Il l'a dit lors de sa comparution.
    Nous avons eu des discussions avec nos partenaires provinciaux et territoriaux. Franchement, l'examen de la mise en liberté sous caution n'a pas occupé une grande place dans ces discussions. Nous sommes conscients de la problématique et la gardons à l'esprit. De toute évidence, les circonstances entourant l'affaire de l'agent Pierzchala propulsent cette question au premier plan. Cependant, ce n'était pas considéré comme une priorité jusque‑là.
    Comme vous le savez, je pense, la priorité était plutôt accordée à ce que nous pouvons faire pour renforcer les règles régissant la décision initiale de libérer ou de détenir un récidiviste violent.
    Le ministère serait‑il enclin à appuyer un projet de loi d'initiative parlementaire visant à renforcer l'article 520 du Code criminel?
    Comme vous le savez parfaitement, nous aidons le gouvernement à analyser tout projet de loi d'initiative parlementaire qui est présenté.
    Merci.
    Merci, monsieur Brock.
    Ensuite, pour les cinq dernières minutes, nous entendrons M. Naqvi.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    C'est fantastique d'avoir des experts parmi nous, sans vouloir laisser entendre que le ministre n'est pas un expert, mais vous êtes tous les deux là, M. Dakalbab et M. Taylor, chaque jour aux premières lignes de l'application de la loi, au niveau stratégique, et je suis sûr que vous êtes également en communication constante avec vos homologues provinciaux.
    Les discussions sur la mise en liberté sous caution ne sont pas rares. Périodiquement, nous entendons des discussions sur le sens que prend le pendule, et cela crée peut-être une tension saine au sein du système.
    Je me demande combien des questions que nous essayons d'examiner ici au niveau politique, du point de vue du Code criminel, seraient en réalité des questions d'administration de la justice, qui relèvent de la responsabilité des provinces. Je ne vous demande pas de renvoyer la balle aux provinces ou de jeter le blâme sur elles, mais dans vos conversations avec vos homologues fédéraux, provinciaux et territoriaux, combien de ces discussions approfondies sont du ressort de cette chambre, où la politique doit être réformée, et combien porteraient davantage sur l'administration de la justice, où des changements seraient nécessaires également?
    Je laisse à celui qui le souhaite le soin de commencer, de prendre la balle au bond.

  (1825)  

    Je vais commencer, si vous le voulez bien.
    Je pense que mon ministre, M. Mendicino, et le ministre Lametti ont clairement indiqué qu'il n'y a pas qu'une solution et qu'il ne s'agit pas de blâmer qui que ce soit. Il s'agit d'une responsabilité partagée des autorités fédérales et provinciales... et des agents de première ligne, très franchement, selon moi. La révision du Code criminel fait partie de l'équation, mais cela ne résoudra pas le problème. Il est certain que nous devons continuer de chercher d'autres façons de faire, au chapitre de la prévention et de l'intervention, du financement, des ressources et de la formation de nos policiers, du suivi des conditions de mise en liberté sous caution ou de libération conditionnelle, ou de tout autre type de conditions.
    Honnêtement, je crois que tout le monde est mobilisé. D'après les discussions que j'ai avec mes collègues provinciaux et mes partenaires fédéraux, je pense que tout le monde travaille d'arrache-pied pour réfléchir à des idées novatrices que nous pourrions proposer, que ce soit sur le plan juridique ou politique, ou en matière d'intervention. Je pense que le travail que nous effectuons actuellement nous permettra de répondre correctement aux questions sur la meilleure façon d'atténuer les risques de tous les points de vue, et pas d'un seul, qui serait le point de vue législatif.
    Je ne sais pas si mon collègue, M. Taylor, souhaite ajouter quelque chose.
    Très rapidement, pour ne pas prendre votre temps, c'est tout à fait cela. Si vous regardez la déclaration publiée par les ministres à l'issue de la réunion du 10 mars, vous verrez qu'ils reconnaissent qu'il y a tout à fait place à une réforme législative, mais qu'il y a aussi place à des mesures non législatives. On a beau avoir les meilleures lois, les lois les plus claires possible, mais si elles ne sont pas mises en application correctement, elles n'ont pas beaucoup de valeur.
    Je veux simplement confirmer tout ce qu'a dit M. Dakalbab.
    Merci.
    Lorsque je travaillais au niveau provincial, en Ontario, l'un des plus grands défis auxquels nous étions confrontés — c'était avant la pandémie, je tiens à le préciser —, c'était que les deux tiers de la population carcérale de la province étaient en détention provisoire. C'est beaucoup. À l'époque, l'Ontario comptait près de 8 000 personnes dans les centres de détention provinciaux, et environ 5 000 d'entre elles n'avaient pas encore été condamnées. Elles étaient inculpées, mais n'avaient pas été condamnées.
    Cela représente beaucoup de personnes. La majorité d'entre elles, selon les données, présentaient de graves problèmes de santé mentale et de dépendances. Les conditions dans nos centres de détention se sont évidemment détériorées. La question qui revenait sans cesse lorsque je parlais aux fournisseurs de services de première ligne était la question de savoir si nous aggravions la situation de ces personnes en les plaçant dans des centres de détention plutôt qu'en les gardant dans la collectivité en leur fournissant des services intégrés, comme on dit, en matière de santé mentale et de dépendances. À l'époque, nous avions créé en Ontario un système provincial de mise en liberté sous caution, qui existe toujours, je crois, pour permettre aux gens d'être détenus dans un établissement sécurisé, mais dans la collectivité, sous réserve de conditions minimales, pour continuer de recevoir les services dont ils ont besoin.
    Est‑ce que ce genre de solutions qui, à mon avis, ne sont pas particulièrement novatrices ou créatives fait partie de la conversation que vous avez avec vos collègues fédéraux, provinciaux et territoriaux lorsque vous parlez de réformer le système de mise en liberté sous caution?
    Répondez très brièvement, s'il vous plaît.
    En fait, la Sécurité publique offre une formation de sensibilisation à la stigmatisation aux policiers de l'ensemble du Canada pour favoriser un modèle de réduction des méfaits nécessaire pour éviter que ces personnes se retrouvent en prison. Cela ne fait pas nécessairement partie de la discussion sur la mise en liberté sous caution. Globalement, cela fait partie de la discussion sur la crise des opiacés et la dépendance aux autres drogues en circulation au Canada.

  (1830)  

    Merci.
    Merci, monsieur Naqvi.
    Je tiens à remercier tous les témoins de leurs précieux témoignages et, une fois de plus, de leur présence ici.
    Je tiens à remercier les étudiants et leur professeure, Mme Jackman, à l'arrière. J'espère que vous avez trouvé cela tout aussi stimulant et intéressant que nous.
    Merci. Je vous donne rendez-vous la semaine prochaine et sur ce, je lève la séance.
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