Passer au contenu
Début du contenu

JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 084 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 23 novembre 2023

[Enregistrement électronique]

  (1535)  

[Traduction]

[Français]

    J'aimerais faire un rappel concernant deux choses.

[Traduction]

    Avant de poursuivre, je vais présenter le préambule habituel.
    Bienvenue à la 84e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes. Conformément à l'ordre de renvoi adopté par la Chambre le 21 juin 2023, nous poursuivons l'étude du projet de loi C‑40, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois en conséquence et abrogeant un règlement.
    La réunion se déroulera dans un cadre hybride, conformément à l'ordre pris par la Chambre le 23 juin 2022. Certains députés sont présents dans la salle et d'autres siègent à distance au moyen de l'application Zoom.

[Français]

    Je confirme que tous les tests ont été effectués pour les témoins qui se joignent à nous en ligne.

[Traduction]

    J'ai quelques consignes à donner aux témoins et aux députés qui participent aux travaux à distance.
    Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Si vous nous joignez par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour l'activer, et désactivez‑le quand vous avez terminé votre intervention.
    Je tiens à vous informer que je vais utiliser ces deux cartons. Celui‑ci indique qu'il reste 30 secondes au temps de parole, et celui‑ci indique qu'il est écoulé. Je vais essayer de me faire la plus discrète possible, mais je dois tenir compte de nos contraintes de temps et je vais donc interrompre les témoins et les députés au besoin. Vous devez toujours vous adresser à la présidence. Les députés dans la salle qui souhaitent intervenir doivent lever la main. Si vous utilisez Zoom, utilisez la fonction « Lever la main ». Le greffier et moi-même allons faire de notre mieux pour respecter l'ordre d'intervention. Nous vous remercions à l'avance de faire preuve de patience et de compréhension à cet égard.
    Pour terminer, nous vous demandons de laisser le soin aux pupitreurs d'activer et de désactiver vos microphones. Il s'agit d'une nouvelle consigne. J'imagine que d'autres comités ont eu des problèmes, ce qui n'est pas le cas du nôtre. Plusieurs microphones activés en même temps peuvent produire des bruits parasites nuisibles aux interprètes.

[Français]

    Les tests ont été effectués avec succès.
    Avant d'entamer la première heure, j'aimerais vous parler des points suivants.

[Traduction]

    J'ai maintenant deux points d'ordre administratif.
    Premièrement, j'ai une motion à faire adopter et j'aimerais que quelqu'un la présente. Elle porte sur l'échéance pour soumettre les amendements proposés au projet de loi C‑321:
Que les membres du Comité fassent parvenir au greffier leurs projets d’amendement pour l'étude article par article du projet de loi C‑321, au plus tard à midi le mardi 28 novembre 2023.
    Est‑ce que quelqu'un peut présenter la motion?

[Français]

    La date est le 28 novembre et la rencontre se tiendra à midi, parce que l'étude article par article est le 30 novembre. Nous avons déjà confirmé les dates et elles sont inscrites au calendrier.

[Traduction]

    On m'a demandé de faire quelques mises au point à ce sujet.
    Je rappelle aux députés que tous les amendements et les sous-amendements proposés au projet de loi C‑321 doivent être formulés par écrit et transmis au greffier du Comité. N'envoyez pas de directives de rédaction aux greffiers législatifs puisqu'ils ne rédigent pas les amendements. Ces directives doivent être transmises au conseiller législatif.
    Est‑ce que quelqu'un peut présenter la motion afin que nous puissions l'adopter?
    Merci, madame Brière.
    Y a‑t‑il des objections?
    D'accord. C'est adopté.
    (La motion est adoptée.)
    La présidente: Pour ce qui est du point suivant, le greffier vous a transmis un courriel plus tôt aujourd'hui concernant deux dépenses budgétaires liées aux projets de loi C‑321 et C‑40.
     Est‑ce que quelqu'un peut soumettre la motion portant qu’un budget d'étude de 16 500 $ soit alloué relativement à l'étude du projet de loi C‑321, et la motion portant qu’un budget d'étude de 19 700 $ soit alloué relativement à l'étude du projet de loi C‑40?
    Merci beaucoup, monsieur Moore.
    Y a‑t‑il des objections?
    (La motion est adoptée.)
    La présidente: Merci.
    Nous allons entamer notre première étude, qui porte sur le projet de loi C‑321.

[Français]

    Nous recevons aujourd'hui...

  (1540)  

[Traduction]

    Je suis désolée. Nous allons procéder à l'étude du projet de loi C‑40.

[Français]

    Nous recevons donc aujourd'hui, à titre personnel, M. Simon Roy, vice-doyen et professeur titulaire, Faculté de droit, Université de Sherbrooke.
    Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Roy.

[Traduction]

    Nous accueillons également deux témoins qui se joignent à nous par vidéoconférence. M. John Curtis est conseiller juridique interne à la Criminal Cases Review Commission du Royaume-Uni, et Mme Jessyca Greenwood est membre exécutive de la Criminal Lawyers' Association.
    Distingués collègues, nous allons entamer la première période de questions avec les témoins. Vous aurez six minutes chacun pour leur poser vos questions.
    Auparavant, chaque témoin va nous présenter une déclaration liminaire de cinq minutes.

[Français]

    Monsieur Roy, vous avez la parole.
    Je vous remercie d'abord de m'avoir invité à comparaître devant le Comité. C'est une occasion très intéressante.
    De façon générale, j'estime que ce projet de loi est une belle initiative, qui s'inspire d'autres pays. J'ai eu l'occasion d'écouter les deux premières séances de cette étude. Il y a donc des choses sur lesquelles je ne reviendrai pas, mais je vais attirer votre attention sur trois points de vigilance.
    Le premier point concerne le procès devant jury. À mon avis, le procès devant jury est une cause d'erreur judiciaire. Plusieurs auteurs de doctrine, dont M. Kent Roach, sont du même avis. En effet, dans le cas de personnes racisées, surtout les autochtones, il est difficile de trouver un jury représentatif.
    De plus, ce sont très souvent des causes qui suscitent beaucoup d'émotion. Quand un meurtre est commis dans une petite localité, il est donc plus difficile de faire un procès devant jury. Il est aussi très difficile de porter un verdict en appel, parce que le jury n'a pas à présenter ses motifs. Pourquoi le jury a-t-il décidé ceci ou cela? On ne le sait pas. Le critère à appliquer en appel, c'est le critère du verdict déraisonnable. Cependant, il n'y a pas de motifs écrits concernant l'évaluation du caractère raisonnable du verdict. Cela peut donc donner lieu à des possibilités d'erreurs judiciaires.
    Que pouvons-nous faire pour régler cela? Je vous propose de modifier l'article 649 du Code criminel. Selon cet article, un jury ne peut pas divulguer ce qui s'est passé pendant les délibérations, sauf dans le cas d'une enquête pour entrave à la justice, cas qui est prévu au paragraphe 139(2). Le projet de loi C‑40 pourrait permettre à la nouvelle commission d'examen des erreurs du système judiciaire d'interroger les membres du jury sur le contenu des délibérations si l'une des raisons invoquées pour l'erreur judiciaire était un problème relevé dans les délibérations du jury.
    Le deuxième point de vigilance concerne les pouvoirs d'enquête de la commission proposée. Selon votre projet de loi, la commission a les pouvoirs de la Loi sur les enquêtes. Elle n'a donc pas de pouvoir quant à la visite des lieux. Bien que ce soit peut-être rarement applicable, il pourrait être intéressant de donner ce pouvoir à la commission. Cependant, elle a aussi le pouvoir de contraindre des témoins à témoigner, ce qui peut inclure le demandeur, c'est-à-dire le condamné. La personne qui fait une demande pourrait donc être forcée de témoigner devant la commission si celle-ci l'exige. Elle n'aurait pas droit au silence dans ce contexte.
    Je ne dis pas que c'est une bonne ou une mauvaise chose. Je fais juste vous signaler que c'est une possibilité présentement, selon le libellé actuel du projet de loi. Évidemment, le contenu de son témoignage ne pourrait pas nécessairement être utilisé contre le demandeur dans un procès ultérieur, parce qu'il y a des protections sur le plan constitutionnel. La personne pourrait cependant être contrainte de témoigner, tout comme des coaccusés, par exemple. Dans un procès, les coaccusés ont droit au silence alors que, devant la commission que vous proposez, un coaccusé pourrait être forcé de témoigner au sujet de ce qui s'est passé.
    Le dernier point de vigilance concerne les cas de plaidoyer de culpabilité douteux ou de stratégie de la défense. Il y a eu l'affaire de l'ex-juge Jacques Delisle, que vous connaissez sûrement, et l'affaire Sarson, une décision rendue par la Cour suprême en 1996. Dans les deux cas, il y a eu des décisions stratégiques de la défense. M. Sarson avait décidé de ne pas contester la constitutionnalité de la loi; M. Delisle avait décidé de ne pas témoigner. Ils sont tous les deux revenus par la suite en disant qu'ils avaient été victimes d'un traitement injuste. Dans le cas de M. Sarson, la Cour suprême a dit qu'il y avait autorité de la chose jugée et qu'on ne pouvait plus rien faire. Dans le cas de M. Delisle, comme vous le savez, le ministre, à l'époque, avait fait droit à sa demande.
    Je pense qu'il faut distinguer cela des cas d'innocence. Quelqu'un qui a commis un geste, mais qui est accusé pour un autre geste, pourrait décider de tenter de ne pas se faire condamner pour le geste principal. Prenons le cas de M. Sarson. Il a été accusé de meurtre et il a plaidé coupable d'homicide involontaire. C'est un choix stratégique pour la défense. Si on le déclare coupable de meurtre, c'est en effet une erreur judiciaire, mais ce n'est pas à l'endroit d'une personne innocente que cette erreur a été commise. Ce n'est donc peut-être pas le même critère qui devrait s'appliquer. Cela m'amène au pouvoir de réexaminer la peine, qui devrait peut-être être inclus dans votre projet de loi.
    Je termine en parlant d'une question qui a été soulevée, à la dernière réunion, sur les plaidoyers de culpabilité douteux qui mènent à des erreurs judiciaires. Cela est possible. Je peux citer l'exemple de l'affaire Simon Marshall, qui a été jugée au Québec. M. Marshall, qui avait une déficience intellectuelle, avait plaidé coupable et on s'est aperçu par la suite que ce n'était pas lui qui avait commis le crime.

  (1545)  

     Les tests d'ADN l'ont innocenté.
    Cet aspect est particulièrement important dans le cas des personnes racisées ou marginalisées, surtout dans celui des femmes autochtones victimes de violence conjugale. Ces femmes pourraient être condamnées à tort, parce qu'elles ne croient pas avoir de défense.
    Merci.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Nous allons maintenant entendre M. John Curtis, conseiller juridique.
    Nous vous écoutons. Vous avez cinq minutes.
    Bonsoir à tous. Je suis très heureux d’être avec vous aujourd’hui et de contribuer à votre travail important.
     Tout d’abord, il serait utile de donner un aperçu du rôle de la Commission au Royaume-Uni, de sa structure, de ses pouvoirs et du travail que nous effectuons au sein du système de justice pénale britannique.
     La Criminal Cases Review Commission du Royaume-Uni a été créée par le Parlement en 1997 et relève de la Criminal Appeal Act, la loi sur les recours en matière pénale, de 1995. Le Parlement a voulu créer un organisme indépendant, qui est responsable de trouver d’éventuelles erreurs judiciaires, de faire enquête sur le sujet et de les renvoyer à un tribunal d’appel. Depuis sa création il y a 26 ans, la Commission a révisé plus de 31 000 affaires. Au cours de la même période, elle a fait 826 renvois aux tribunaux d’appel, ce qui équivaut à au moins 1 affaire toutes les 2 semaines et à une moyenne historique d’environ 31 affaires par année. Environ 70 % de ces renvois ont entraîné l’annulation des condamnations criminelles ou une réduction de peine.
    La Commission est financée par une subvention annuelle du ministère de la Justice. Depuis 1997, notre subvention annuelle moyenne en espèces a été de 8,775 millions de livres sterling, compte tenu de l’inflation. L’année dernière, notre subvention s’élevait à 7,280 millions de livres sterling, un financement inférieur de 17 % par rapport à la moyenne historique.
    Chaque année, nous recevons en moyenne 1 145 demandes de révision. Nous avons toutefois constaté une augmentation marquée au cours des dernières années, surtout à la suite de l’adoption d’un formulaire « facile à lire » de demande en ligne. Cette année, nous nous attendons à recevoir plus de 1 600 demandes provenant d'une population carcérale de plus de 80 000 personnes à l'échelle du Royaume-Uni. Nous n’avons actuellement pas de files d’attente ou de temps d’attente, mais la situation est de plus en plus difficile à maintenir. Nous avons pour objectif de réaliser au moins 85 % des révisions dans un délai de 12 mois. Nous y parvenions jusqu’à tout récemment mais, encore une fois, il sera difficile de maintenir le rythme. Inévitablement, les affaires plus complexes prennent plus de temps et leur révision peut prendre un, deux, voire trois ans.
    Nous rendons des comptes au Parlement en lui présentant des rapports annuels. La supervision opérationnelle est assurée par un conseil d’administration présidé par Mme Helen Pitcher et qui comprend trois administrateurs indépendants. Nous avons environ 120 employés qui correspondent à 101 équivalents temps plein, ou ETP. Nous avons aussi 11 commissaires qui rendent les décisions; ils représentent 4 ETP et reçoivent un tarif journalier. Bon nombre des commissaires et des chargés de dossiers — mais pas tous — sont légalement qualifiés.
     Nous croyons en une organisation collaborative et multidisciplinaire, formée de gens ayant des compétences juridiques et d’enquête, ainsi que de spécialistes en criminalistique et en criminalité financière.
    Le Parlement a conféré un éventail unique de pouvoirs d’enquête à la Commission. Nous pouvons obtenir des éléments matériels auprès d’organismes publics ou de personnes physiques. Nous pouvons ordonner et diriger une enquête policière lorsqu’une affaire est particulièrement importante. Nous avons également certains pouvoirs, y compris celui d'interroger les jurés suivant les directives du tribunal. Nous pouvons réviser toute affaire pénale, de l’infraction la plus mineure à la plus grave. Nos pouvoirs s’étendent également aux tribunaux militaires.
     La Commission est un organisme de dernier recours. Avant de lui présenter une demande, il faut généralement avoir épuisé ses droits d’appel. Cependant, dans des circonstances exceptionnelles, elle peut réviser des affaires même lorsqu’il n’y a pas eu d’appel, y compris dans le cas d’affaires mettant en cause des personnes en situation de vulnérabilité extrême en raison de troubles de santé mentale, par exemple. Nous pouvons aussi réviser une affaire qui concerne une personne décédée si la demande a été présentée par un proche parent.
    En plus d’obtenir des dossiers de la police, des tribunaux ainsi que des poursuivants et de la défense, nous recevons souvent des éléments matériels provenant des écoles, des services sociaux, des médecins et des services de sécurité. Nous pouvons parler à des témoins, à des scientifiques, à des policiers et à des juges pour comprendre ce qui s’est passé. Nous pouvons également demander de nouveaux examens sur les pièces à conviction. La Commission est le seul organisme habilité à renvoyer une affaire en deuxième appel. Les renvois sont effectués sur la base d'un nouvel élément de preuve ou d’un nouvel argument juridique.
    Je vais m'arrêter ici.

  (1550)  

    Merci beaucoup.
    Madame Greenwood, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Madame la présidente, messieurs les vice-présidents, distingués membres du Comité, je vous remercie.
    Merci d'avoir invité la Criminal Lawyers' Association, la CLA, à prendre la parole devant vous aujourd'hui. Notre organisme représente environ 2 000 avocats de la défense de l'Ontario et compte des membres partout au Canada. Jour après jour, nous sommes aux premières lignes pour défendre les personnes accusées devant les tribunaux.
    Sur une note plus personnelle, j'ai grandi dans une petite ville de l'Ontario, mais j'exerce à Toronto. J'ai été admise au Barreau en 2009 et j'ai eu l'occasion unique d'intervenir dans des dossiers touchant des condamnations injustifiées.
    Vous vous demandez peut-être s'il y a vraiment des condamnations injustifiées au Canada, un pays dont le système de justice est de calibre mondial, mais nous savons qu'il y a en a. Quand j'étais jeune avocate, j'ai fait du bénévolat pendant plus d'une dizaine d'années auprès de l'Association in Defence of the Wrongly Convicted, maintenant appelée Innocence Canada. Je m'occupais du dossier d'un jeune Autochtone qui avait été déclaré coupable de meurtre. C'est de loin l'affaire qui a le plus marqué ma vie personnelle et professionnelle.
    Pour le Canada, la constitution d'une commission représente une étape extrêmement importante pour éviter que des Canadiens soient injustement condamnés à perpétuité. Sans le travail d'Innocence Canada, personne n'aurait entendu parler des erreurs judiciaires dans les affaires de Donald Marshall et de David Milgaard, ou de la preuve maintenant discréditée du Dr Charles Smith.
    Les luttes partisanes n'ont pas leur place quand il s'agit de mettre un terme aux condamnations injustifiées. Nous devons en faire un objectif commun et travailler main dans la main. Les condamnations injustifiées causent préjudice aux victimes, aux contribuables, et surtout au lien de confiance entre le public et le système de justice. La CLA appuie le projet de loi C‑40. La réforme ambitieuse qu'il propose est longuement attendue.
    La CLA estime que la solidité du régime d'examen repose sur deux éléments essentiels: l'indépendance institutionnelle et une infrastructure ainsi que des ressources suffisantes pour mener à bien ce travail indispensable. Ces deux éléments se retrouvent dans le projet de loi, mais il pourrait aller plus loin. En toute déférence, la CLA demande au Comité de réfléchir à l'ajout de trois autres éléments.
    Premièrement, eu égard à la fonction de commissaire et aux ressources, nous recommandons de garantir l'inamovibilité pour assurer la révision des causes impopulaires. Il s'agit d'un travail difficile et souvent mal perçu, potentiellement sujet à l'ingérence politique. Nous recommandons que la Commission compte parmi ses effectifs des personnes sensibilisées à ces questions, aux difficultés auxquelles se butent les accusés racisés et autochtones ou qui ont des troubles de santé mentale et, surtout, qui sont prêtes à faire ce travail difficile.
    Deuxièmement, le critère d'intervention appliqué jusqu'ici a toujours été la possibilité pour la personne qui sollicite une révision du ministre de prouver son innocence factuelle, ce qui place la barre très haut. Nous appuyons les réformes visant à autoriser la Commission à se saisir de causes dans lesquelles l'innocence factuelle n'est pas établie. Ce devrait être la norme, et non l'exception.
    Aux yeux de la CLA, cette réforme est cruciale étant donné les multiples obstacles que rencontrent les personnes condamnées à tort, comme l'ont souligné les juges LaForme et Westmoreland-Traoré dans leur rapport.
    Troisièmement, nous demandons l'élargissement du rôle de la nouvelle commission en matière de rapports et l'utilisation des données essentielles recueillies pour améliorer de manière continue notre système de justice. Dans sa forme actuelle, le projet de loi C‑40 oblige la Commission à présenter un rapport annuel au ministre concernant ses activités. Nous demandons au Comité d'envisager l'élargissement de cette obligation afin que la Commission rende compte également des tendances systémiques en matière de condamnations injustifiées et qu'elle puisse faire des recommandations de grande portée aux services policiers, aux poursuivants et aux tribunaux afin d'assurer une utilisation diligente des données recueillies pour améliorer le système de justice.
    Le projet de loi C‑40 n'est pas une mesure ordinaire. Je sais par expérience qu'il peut changer la vie de ceux qui attendent une révision et qui y ont droit.
    Une question se pose. Considérant que notre système est perçu mondialement comme un modèle d'excellence, faut‑il conserver le même critère ou en faire davantage pour protéger les personnes les plus vulnérables dans notre société et le droit de tous à l'équité et à la justice?
    Je répondrai volontiers à vos questions. Comme nous avons des contraintes de temps aujourd'hui, je serai à votre disposition si vous souhaitez discuter en privé des points que je viens d'aborder et obtenir des précisions.
    Madame la présidente, je vous remercie de nouveau pour le temps qui m'a été accordé.

  (1555)  

    Merci à vous.
    Nous allons entamer notre première série de questions. Chaque député disposera de six minutes.
    Monsieur Moore, nous commençons avec vous.
    Merci, madame la présidente.
    Merci à l'ensemble des témoins de prendre part à cette importante étude.
    Ma question s'adresse à M. Curtis.
    Merci de comparaître devant le Comité et de nous parler de votre expérience alors que le Canada se prépare à écrire un nouveau chapitre.
    Je crois que notre expérience se distingue de la vôtre à différents égards et j'aimerais avoir vos lumières à ce sujet.
     Dans le régime actuel, comme vient de le souligner la témoin, le critère qui s'applique est « une erreur judiciaire a probablement été commise ». C'est ce que le ministre doit établir avec le soutien d'experts du ministère de la Justice.
    Le projet de loi, en plus de prévoir la création d'une commission, introduit ce qui pourrait s'avérer un seuil beaucoup plus faible en exigeant d'établir qu'une erreur judiciaire « a pu » être commise. Par définition… À mon avis, la formulation « une erreur judiciaire a pu être commise » pourrait probablement s'appliquer à toutes les causes.
    Selon ce que je comprends de votre système, et vous pourrez nous en dire davantage, le critère pour obtenir la révision d'une erreur judiciaire… Le régime canadien, contrairement au vôtre, n'exige pas de nouvel élément de preuve ou de nouvel argument juridique. Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet? Quel est le seuil à partir duquel vous procédez à la révision d'une affaire?
    Merci de la question.
    Il faut qu'il y ait une possibilité réelle pour que le tribunal d'appel annule la condamnation et que la jurisprudence nous enseigne que cette possibilité réelle est inférieure au seuil de la prépondérance des probabilités, soit 50 % des chances dans ce cas. La possibilité doit être réelle, c'est‑à‑dire raisonnable. Elle ne doit pas être fantaisiste. Nous sommes guidés par une jurisprudence et des décisions fort utiles. Le tribunal d'appel peut annuler une condamnation s'il estime qu'elle peut être douteuse mais, là encore, je crois que la notion du « caractère raisonnable » est sous-entendue. Il faut que ce soit raisonnable et non fantaisiste.
    L'exigence liée aux nouveaux éléments de preuve et aux nouveaux arguments est assurément la plus couramment utilisée. En théorie, il serait possible d'annuler une condamnation en l'absence d'un nouvel élément de preuve ou d'un nouvel argument, mais cela relève davantage du domaine de la théorie que de la pratique.
    Merci, monsieur.
    Concernant les différents seuils applicables, nous avons bien entendu les nôtres. Le Code criminel exige une « preuve hors de tout doute raisonnable », et le Code civil prévoit la norme de la « prépondérance des probabilités ». C'est ce seuil qui s'applique en droit civil. Il existe une possibilité réelle que votre seuil soit inférieur à celui de la prépondérance des probabilités, mais je pense qu'il est plus élevé que celui qui est prévu dans le projet de loi, qui exige seulement une conclusion comme quoi « une erreur judiciaire a pu être commise ».
    Pouvez-vous nous donner des exemples d'application de l'obligation de produire de nouveaux éléments de preuve? Comment cela se passe‑t‑il en général? Je sais que vous traitez des milliers de dossiers, mais pouvez-vous nous donner un exemple d'application de cette exigence?

  (1600)  

    Il peut s'agir d'un nouvel échantillon d'ADN prélevé au moyen de tests plus sensibles que ceux utilisés auparavant, ou d'exemples d'inconduite policière, qui met en cause par exemple un agent discrédité dans le cadre d'une enquête ultérieure. Nous avons vu des cas où le pathologiste avait surestimé l'exactitude du moment du décès. D'autres exemples sont liés aux progrès dans le domaine de la pédiatrie ou du droit.
    Merci.
    Il me reste une minute. J'aimerais vous entendre au sujet de la deuxième exigence concernant les nouveaux arguments juridiques. Pouvez-vous nous donner des exemples d'applications concrètes dans un contexte moderne?
    Récemment, la Cour suprême a donné des clarifications sur le droit relatif aux entreprises communes. Quand plusieurs personnes sont impliquées dans un meurtre, par exemple, il peut être impossible de déterminer qui a fait quoi, et la Cour suprême a donné des clarifications à ce sujet. Nous avons examiné des affaires instruites sur une période de près de 20 ans pour établir s'il y avait un nouvel argument juridique.
    Merci, monsieur.
    Merci à l'ensemble des témoins.
    Merci beaucoup, monsieur Moore.

[Français]

    Madame Brière, vous avez la parole pour six minutes.

[Traduction]

    Merci, madame la présidente.

[Français]

    Je remercie tous les témoins d'être parmi nous.
    Bonjour, monsieur Roy. Nous sommes heureux de vous avoir parmi nous cet après-midi. Je vous remercie aussi d'avoir présenté vos trois points de vigilance.
    Je voudrais parler du deuxième, soit celui sur les pouvoirs d'enquête de la commission proposée. Vous avez mentionné que le projet de loi C‑40 ne donnait pas le pouvoir de visite des lieux, et vous jugez que c'est un pouvoir qu'elle devrait avoir.
    Est-ce absolument nécessaire? Cela ne l'est peut-être pas, sauf que c'est un pouvoir qui est présentement offert aux juges et aux jurys. Un juge qui travaille sur un dossier et qui estime avoir besoin d'aller sur les lieux pour comprendre la situation peut ordonner la visite. C'est la même chose quand il s'agit d'un juge et d'un jury.
    Ainsi, il peut y avoir des dossiers où, effectivement, la commission aurait avantage à voir les lieux physiques. On peut penser à une situation qui est arrivée au Québec, il y a quelque temps, alors qu'une automobile était tombée dans une écluse. On se demandait si c'était un accident ou un meurtre. Le fait de se déplacer sur les lieux et de voir la configuration physique de l'accident permet souvent de mieux en évaluer les circonstances.
    Je pense aussi que si les juges, qui ont un pouvoir de décision, ont le droit d'y aller, il serait un peu bizarre que la commission, qui a un pouvoir d'enquête, se prive de cet élément.
    Merci beaucoup.
    Vous avez aussi mentionné le pouvoir de contraindre les accusés et les coaccusés à témoigner. Pouvez-vous nous en parler davantage?
    Présentement, le pouvoir de contraindre quelqu'un à témoigner est celui d'une commission d'enquête normale. On peut penser à la commission Charbonneau ou à d'autres commissions au pays. Quelqu'un ne peut pas refuser d'aller témoigner à un tel type d'enquête. Par conséquent, en théorie, la commission d'examen pourrait obliger l'accusé, devenu demandeur parce que c'est quelqu'un qui a été condamné et dit avoir été condamné à tort, à témoigner devant elle pour en savoir davantage.
    Je ne vous dis pas que c'est une bonne ou une mauvaise chose. Je fais juste vous informer de cette possibilité. Seriez-vous à l'aise à l'idée qu'une telle possibilité puisse survenir?
    Dans un procès criminel habituel, on ne peut pas forcer l'accusé à témoigner. Il a le droit de garder le silence. Or, dans un processus comme celui-là, son droit de garder le silence serait, à tout le moins, remis en question. Je ne vous dis pas que ce serait déclaré constitutionnel s'il y avait contestation, mais il y a au moins une certaine préoccupation à ce sujet.

  (1605)  

    Dans un contexte de révision, justement, pensez-vous qu'il serait important que les commissaires aient ce pouvoir, ce qui donnerait plein effet à notre projet de loi?
    À première vue, j'aime beaucoup l'idée d'enquête, et je pense qu'on s'inspire un peu du système français. Vous savez, dans le système de justice pénale français, les juges ont beaucoup plus de pouvoirs d'enquête.
    Serait-ce une bonne chose de forcer l'accusé à donner sa version à l'appui de sa demande? C'est une décision politique qui ne m'appartient pas. En droit, il est certain que cela donnerait des éléments additionnels à la commission pour l'aider à prendre sa décision.
    Tel qu'il est rédigé, le projet de loi C‑40, qui reprend aussi le régime législatif actuel, prévoit que la commission peut recevoir des demandes de ceux qui ont plaidé coupables dans les cas où tous leurs droits d'appel ont été épuisés à l'échelon provincial.
    Pensez-vous que la commission devrait pouvoir recevoir des demandes dans des circonstances exceptionnelles, c'est-à-dire dans des cas où il n'y a pas eu d'appel?
    Je crois que c'est une excellente idée, surtout pour les personnes qui ont plaidé la culpabilité. Je vous parlais tout à l'heure de l'affaire Simon Marshall, mais je reviens aussi sur certaines décisions concernant des femmes autochtones. Dans l'affaire mettant en cause Mme Lavallee, on a reconnu la légitime défense de la femme battue. Souvent, quelqu'un peut énoncer sa culpabilité pour avoir tué son conjoint, mais, en droit, cet homicide n'est pas illégal parce qu'il y a une situation de légitime défense. Pourtant, dans son for intérieur, la personne peut se croire coupable et, si elle n'a pas la représentation adéquate, elle peut donc plaider coupable. Elle n'aura pas envie d'interjeter appel.
    C'est compliqué de faire appel après un plaidoyer de culpabilité, puisqu'il faut retirer le plaidoyer en premier. Spécialement dans les cas de plaidoyer de culpabilité, l'idée d'épuiser les recours n'est pas la bonne solution. Même s'il y a moins d'erreurs judiciaires dans les cas de plaidoyer de culpabilité, cela ne veut pas dire qu'il n'y en a pas. L'affaire Marshall en est un très bon exemple. Je pense surtout aux clientèles vulnérables, aux populations marginalisées. Celles-ci auront peut-être un peu plus tendance à plaider la culpabilité par peur de ce qui pourrait arriver si elles ne le font pas ou par incompréhension des normes juridiques.
    Parfois, une personne peut se sentir très coupable alors que, en droit, il n'en est rien. On peut penser aux affaires où la personne souffre de troubles mentaux. Elle peut se sentir coupable, mais elle pourrait présenter une défense fondée sur des troubles mentaux au moment du geste.
    Justement, on sait qu'un bon pourcentage des condamnations erronées qui ont été corrigées découle de faux plaidoyers de culpabilité. Cela touche en grande partie des personnes marginalisées.
    Dans le but de réduire la durée du processus de réparation et de s'assurer qu'on améliore l'accès à la justice, y aurait-il lieu de modifier les pouvoirs de la commission pour les cas où la personne a faussement plaidé coupable?
    Le temps est écoulé, mais je dirais que, en effet, c'est le cas.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Fortin, vous avez la parole.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie tous les témoins qui sont avec nous, en personne ou en virtuel.
    Je vous remercie aussi, monsieur Roy, d'être ici avec nous en personne. Je vais commencer par vous féliciter. Vous êtes associé à l'Université qui, à mon avis, est la meilleure du Canada.
    Cela dit, j'aimerais entendre votre opinion sur un aspect qui a été évoqué par mon collègue M. Moore tout à l'heure. À propos du seuil, auparavant, on disait qu'il fallait qu'une erreur judiciaire se soit probablement produite. Maintenant, on dirait qu'il faut qu'une erreur judiciaire ait pu être commise. L'expression « ait pu être commise » m'apparaît un peu large à moi aussi. J'ai l'impression que tout le monde pourrait prétendre que, oui, il a pu y avoir une erreur judiciaire dans un dossier, alors que le seuil de probabilité m'apparaissait beaucoup plus raisonnable.
    Que pensez-vous de cette question du seuil concernant les erreurs judiciaires?
    C'est une bonne question.
    Il faut bien comprendre que ce n'est pas la commission qui décide au bout du compte. Elle a le pouvoir de retourner l'affaire devant les tribunaux. Si le seuil est trop bas, elle en retournera probablement un plus grand nombre. Cependant, devant les tribunaux, la norme applicable reste le doute raisonnable. La Couronne doit prouver hors de tout doute raisonnable la culpabilité.
    Y aurait-il plus d'acquittements ou moins d'acquittements? Cela reste à voir. La décision définitive appartient aux tribunaux.

  (1610)  

    Permettez-moi de préciser ma question, car elle ne portait pas sur l'aspect de la culpabilité. Si la commission est saisie d'un nombre important de demandes, cela risque possiblement, voire probablement, d'encombrer un peu ses rôles d'audience.
    Si on veut créer une commission dont le mandat sera de réviser les erreurs judiciaires, lui demandera-t-on de réviser toutes ou presque toutes les décisions qui ont été rendues parce que quelqu'un dit qu'une erreur a pu être commise? C'est tellement large que cela pourrait englober pratiquement toutes les décisions.
    Au contraire, devrait-on se limiter en disant à la commission que les dossiers sur lesquels elle va travailler sont ceux pour lesquels on est en mesure d'établir qu'il y a probablement eu une erreur judiciaire?
    Je ne dis pas que l'une ou l'autre des situations est la meilleure, mais je m'interroge à cet égard.
    Qu'en pensez-vous?
    Il y a assurément une question de volume quant au nombre de cas à traiter. Si le critère est bas, il va y avoir un gros volume. Actuellement, il est aussi question de confiance en nos institutions.
    Les tribunaux, tels qu'on les a créés, laissent-ils passer un grand nombre ou un faible nombre d'erreurs judiciaires?
    J'aurais tendance à dire que nos tribunaux fonctionnent quand même assez bien. Si une commission est créée, elle devrait s'attarder aux cas qui sont peut-être plus significatifs. Si le critère porte sur la possibilité d'une erreur judiciaire, cela vient mettre en cause l'efficacité de nos tribunaux, car on s'attardera peut-être à des dossiers qui ont moins de chances de réussite.
    Dans un même ordre d'idées, l'examen des erreurs judiciaires peut durer de vingt mois à six ans à l'heure actuelle. Si on crée une commission et qu'on élargit le seuil d'accès permettant de se demander, comme je l'ai dit, s'il a pu y avoir une erreur ou non, la charge de travail risque d'augmenter. Si le délai est déjà de deux à six ans, on pourrait alors se retrouver avec des délais astronomiques.
    À votre avis, y aurait-il lieu de prévoir un délai maximal dans notre projet de loi, délai que devrait respecter la commission pour rendre une décision? Si c'est le cas, quel serait le délai raisonnable?
    À l'impossible, nul n'est tenu. Si la commission est ensevelie sous une avalanche de demandes, même s'il y a un délai maximal dans la loi, elle ne pourra pas le respecter. Si vous souhaitez imposer un délai, vous pouvez vous inspirer de l'exemple de la cour qui nous a donné des paramètres dans l'arrêt Jordan, soit un délai d'au plus 30 mois pour régler une affaire de meurtre, par exemple. Je sais que cela ne s'applique pas pour les causes en appel, mais cela donne quand même une idée quant au délai.
    Ce que j'espère, c'est qu'il y ait plus de ressources qu'auparavant. Il va certainement y avoir plus de dossiers, mais, s'il y a plus de personnes qui s'occupent de ces dossiers, les délais seront peut-être réduits.
    J'aimerais souligner un autre élément qui n'est pas dans le projet de loi et qui est important, à mon avis. Il faudrait prévoir les cas où quelqu'un pourrait faire deux, trois ou quatre demandes de révision. Par exemple, une personne présente une première demande, qui est refusée. Puis, deux ans après, elle trouve d'autres motifs. Aura-t-elle le droit de faire une deuxième demande? Trois ans après, peut-elle faire une troisième demande? Cela n'est pas prévu dans le projet de loi.
    Les demandes multiples seraient peut-être facilement enlevées, parce qu'elles seraient jugées non recevables. Pour le moment, aucun nombre maximal de demandes par personne n'est prévu.
    Ce serait donc à la commission de décider si c'est raisonnable ou non.
    Quel serait, à votre avis, le délai maximal pour rendre une décision concernant une demande de révision?
    Cela dépend de l'affaire et de la difficulté que pose le dossier relatif à la preuve. Si le dossier porte juste sur un témoin qui a menti et que l’on connaît maintenant la vérité, le délai pourra être de quelques jours.
    Le délai prévu à l'arrêt Jordan devrait-il s'appliquer?
    Cela pourrait certainement servir de modèle.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Garrison, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, madame la présidente. Merci aux témoins de comparaître devant le Comité.
    J'aimerais aborder la question de l'indépendance, qui a été soulevée par Mme Greenwood.
    Dans le rapport LaForme sur la création d'une commission d'examen des erreurs judiciaires, il est recommandé que les mandats des commissaires ne soient pas renouvelables. Vous avez soulevé l'enjeu de l'indépendance et du lien avec le mandat d'un commissaire. J'aimerais avoir un peu plus de détails à ce sujet, car j'ai cru comprendre qu'il y a des divergences d'opinions quant à la manière d'assurer l'indépendance des commissaires. Certains préconisent leur inamovibilité, alors que d'autres préconisent la limitation de leurs mandats.
    Madame Greenwood, pouvez-vous nous donner votre avis sur la question?

  (1615)  

    Merci, monsieur Garrison, de poser cette question.
    J'ai bien vu cette recommandation dans le rapport du juge LaForme. Je comprends très bien l'importance d'avoir une diversité de points de vue et de confier la responsabilité d'une instance aussi importante à quelqu'un qui a une solide expérience du domaine.
    Les deux avenues ont des avantages et des inconvénients. Si une personne d'expérience fait du bon travail à la tête de la Commission, il pourrait s'avérer judicieux de reconduire son mandat. En revanche, il s'agit d'un travail exigeant et il pourrait être avantageux d'avoir du sang neuf et des perspectives différentes.
    Les deux solutions se défendent, mais je m'en remets au juge LaForme et à sa recommandation. J'ai pris connaissance de ses recommandations concernant le commissaire et les nominations de commissaires à temps partiel et par rotation. C'est à mon avis essentiel pour assurer qu'il y aura des effectifs suffisants pour accomplir le travail, comme l'a dit M. Roy dans ses réponses aux questions précédentes.
    Merci, madame Greenwood.
    Vous avez aussi évoqué l'importance de trouver du personnel sensible aux enjeux liés aux erreurs judiciaires, surtout quand des Canadiens marginalisés sont en cause. Si on se fie au bilan du processus actuel… Un témoin nous a dit que sur les 20 renvois accordés depuis 2002, un seul touchait une personne noire et un seul touchait une personne autochtone. Et si je ne m'abuse, toutes les personnes concernées étaient des hommes.
    Considérant la composition de la population carcérale au Canada, ces chiffres donnent à penser que quelque chose ne va pas. Les proportions ne reflètent pas du tout la représentation parmi les personnes reconnues coupables.
    Selon vous, à quoi devrait ressembler la composition du personnel de la Commission? Qui sont les personnes les plus susceptibles d'être sensibles à ces enjeux?
    Dans la population carcérale, les Autochtones et les personnes racisées sont surreprésentées, de même que les personnes qui présentent des troubles de santé mentale. Selon certaines statistiques pour l'Ontario, trois prisonniers sur quatre auraient des troubles de santé mentale. Par conséquent, les personnes qui demandent un examen… Le personnel qui procédera à ces examens devra avoir une formation sur les préjugés, ou d'autres types de formations qui présenteront ces enjeux sous divers angles. Ces formations sont nécessaires parce qu'on sait que notre système de justice est entaché par les préjugés.
    Il faut saluer l'énorme travail qui a été fait pour moderniser notre système et mettre au jour les préjugés implicites qui y sont véhiculés, mais il reste encore du pain sur la planche. Nous savons que ces préjugés continuent d'avoir un impact dans notre système et que les jurys, surtout dans les petites communautés, ne sont pas toujours représentatifs de la population.
    Pour attirer des candidats, il faudra… Pour assurer la représentativité au sein du personnel de la Commission, il faudra un processus de nomination rigoureux, qui exigera que les candidats donnent des preuves de leur intérêt, de leurs connaissances et de leur formation à l'égard de ces enjeux. C'est essentiel pour assurer une véritable compréhension et une diversité d'angles de vue sur ces enjeux. Le processus de nomination pourrait être confié à un comité d'intervenants.
    J'ai une dernière question pour vous et, si j'ai le temps, j'en aurai une pour M. Curtis. Ma question concerne la représentation par un avocat durant le processus de la Commission. Nous savons que les personnes les plus susceptibles d'avoir été victimes d'une erreur judiciaire ont souvent moins de moyens et ne peuvent pas intenter un recours.
    Quel est votre avis sur ce qui est proposé dans le projet de loi relativement à l'accès des demandeurs à une assistance juridique?
    J'ai lu certains mémoires qui ont été soumis au juge LaForme et je suis tout à fait d'accord que la représentation par un avocat, surtout dans le cas des personnes marginalisées ou aux prises avec des troubles de santé mentale, est essentielle pour assurer une issue favorable de leur demande. Je peux donner l'exemple d'Innocence Canada. Sans cet organisme, il aurait été impossible de réunir les avocats et le personnel nécessaires pour monter des dossiers solides et faire la lumière sur diverses erreurs judiciaires.
    C'est extrêmement important d'avoir un mécanisme efficace de désignation d'avocats.

  (1620)  

    Il me reste 30 secondes.
    J'ai peut-être le temps de demander à M. Curtis de nous toucher quelques mots sur le processus de demande et les réformes apportées pour le simplifier au Royaume-Uni.
    Nous avons remplacé les formulations très lourdes par quelque chose de beaucoup plus simple.
    Quand on parle de représentation, il faut savoir que les gens ignorent souvent pourquoi ils ont été condamnés à tort. Ils savent qu'ils n'ont pas commis les actes qu'on leur reproche, mais leur demander d'expliquer où sont les erreurs est le début du processus. Même les bons avocats n'ont pas toujours la réponse, et nous devons analyser le dossier et mettre nos compétences à profit pour appuyer leur cause.
    La proportion de personnes représentées par un avocat est assez faible. Il y a une quinzaine d'années, 40 % des demandeurs étaient représentés par un avocat, mais cette proportion a chuté à 5 % actuellement. Il ne semble pas y avoir d'incidence sur la décision de renvoi, mais c'est clair que le traitement du dossier est plus long quand une personne n'est pas représentée.
    Merci beaucoup.
    Nous allons entamer le second tour. Si nous voulons avoir du temps pour le second groupe de témoins, vos temps de parole seront de quatre, quatre, deux et deux minutes.
    Monsieur Brock, allez‑y.
    C'est M. Van Popta qui va prendre la parole.
    Je crois que j'étais le suivant.
    D'accord. Nous vous écoutons, monsieur Popta.
    Les plans ont changé. Merci beaucoup.
    Je remercie les témoins d'être avec nous.
    Madame Greenwood, j'ai une question pour vous. Vous avez formulé trois demandes dans votre allocution. La deuxième, si je me souviens bien, porte sur l'innocence factuelle. Je vais vous lire un extrait du rapport de la commission LaForme-Westmoreland, à la page 43:
La Criminal Lawyers Association nous a indiqué que [TRADUCTION] « la commission ne devrait accepter que les demandes soumises par des personnes alléguant l’innocence factuelle et une erreur judiciaire ».
    Est‑ce que c'est le point de vue de votre organisme?
    En fait, je suis d'accord avec le libellé actuel du projet de loi. Quand nous avons soumis le mémoire, nous n'avions pas tout le contexte et nous n'avions pas encore vu les autres mémoires qui ont été soumis.
    Aujourd'hui, je changerais ce passage pour indiquer que le projet de loi propose quelque chose d'essentiel selon nous, et nous espérons que la réforme aura lieu et que l'exigence de l'innocence factuelle sera éliminée parce qu'elle engendre des difficultés énormes. Si les détenus qui ont été condamnés à tort avaient pu prouver leur innocence factuelle, on peut penser qu'ils l'auraient fait dès le début.
    Nous appuyons entièrement le projet de loi et nous espérons qu'il en découlera un processus élargi d'examen des erreurs judiciaires potentielles, surtout quand des personnes vulnérables sont en cause.
    C'est de bonne guerre de changer d'idée après avoir fait des recherches et en avoir appris davantage sur un sujet.
    Je vais lire un autre passage du rapport de cette commission. À la page 121, on vous attribue ces propos:
[…] la Criminal Lawyers Association et le groupe fédéral-provincial-territorial des chefs des poursuites pénales ont tous conseillé de limiter le mandat de la commission aux affaires les plus graves pour éviter qu’il ne soit trop lourd.
    Est‑ce que c'est toujours le point de vue de votre organisme?
    C'est un fait que les affaires les plus graves entraînent les peines les plus lourdes et que les personnes en cause sont les plus à risque, mais je ne pense pas que le mandat de la commission doit être limité à ce genre d'affaires. Il peut aussi y avoir des condamnations injustifiées dans des affaires moins graves comme les tentatives de meurtre ou d'autres infractions graves qui ne sont pas passibles d'une peine à perpétuité.
    Je ne vois pas l'intérêt de ce genre de limite, mais je comprends qu'il faut éviter de surcharger la commission. Toutes les commissions et tous les organismes doivent composer avec des limitations des ressources. Nous en sommes tout à fait conscients.
    La prochaine question s'adresse à M. Curtis.
    Votre organisme compte 25 années d'expérience, et vos éclairages sont donc très intéressants et très importants.
    Que fait votre commission pour ne pas être surchargée, pour éviter que les ressources humaines et financières soient monopolisées par des demandeurs qui ont un très faible espoir de réussite, si je peux m'exprimer ainsi?
    Environ 97 % des demandeurs sont déçus parce que nous rejetons leur demande, mais c'est impossible de le savoir au début du processus. Il faut faire avec.

  (1625)  

    Pouvez-vous nous parler du processus de filtrage dès la réception? J'imagine que vous avez un processus qui vous permet d'écarter rapidement certaines demandes.
    Il n'y a pas de révision possible si des procédures judiciaires ou un appel sont en cours. Ces recours doivent avoir été épuisés. Nous faisons un tri au moyen d'un processus de contrôle. Nous classons les dossiers selon l'ampleur du travail à faire. Est‑ce qu'il faudra mener quelques enquêtes, ou est‑ce que le processus sera beaucoup plus long? Nous classons les dossiers selon qu'ils exigeront peu, passablement ou beaucoup de travail. Nous essayons ensuite d'affecter le dossier à une personne qui possède l'expérience et les compétences voulues en matière d'enquête.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Housefather, c'est à vous.
    Merci beaucoup, madame la présidente, et merci aux témoins d'être des nôtres.
    Monsieur Curtis, j'aimerais revenir rapidement à votre dernier point concernant le contrôle. Quand un dossier se retrouve devant un tribunal, normalement, les greffiers examinent les demandes et rédigent une note.
    Est‑ce que quelque chose du genre est prévu pour permettre l'évaluation d'un éventail plus varié de demandes et la prise de décisions plus rapide quant à leur rejet ou non?
    Il est possible de faire une recommandation, mais la décision émane toujours du commissaire. Des membres du personnel expérimentés peuvent formuler une recommandation si une demande semble vouée à l'échec, mais c'est le commissaire qui tranche. Il arrive que nous ne soyons pas d'accord avec les décisions.
    D'accord.
    Je vais changer de sujet. Ce qui m'inquiète le plus dans ce projet de loi est l'obligation d'épuiser les droits d'appel. J'ai de sérieuses réserves parce que les défendeurs concernés, qui sont souvent des personnes autochtones, noires ou marginalisées, ont rarement les ressources financières nécessaires pour payer les honoraires des grands avocats qui pourraient leur conseiller de poursuivre le processus d'appel.
    Pouvez-vous me parler de l'étendue du pouvoir discrétionnaire de la commission britannique de contourner l'obligation d'épuiser les droits d'appel?
    Elle peut exercer ce pouvoir en cas de vulnérabilité extrême. Le statut social peut entrer en ligne de compte, tout comme la santé mentale. C'est possible si une enquête que vous ne pouvez pas mener est nécessaire.
    Par exemple, le matériel de surveillance n'est pas à la portée du citoyen moyen. Nous pouvons aussi exercer nos pouvoirs spéciaux… Dans un cas sur trois, les renvois concernent une personne qui n'a pas exercé son droit d'appel. Ce pouvoir discrétionnaire est très important.
    Je présume que ce pouvoir est conféré à la commission en vertu de la législation constitutive de base de 1995. Nous recommanderiez-vous d'envisager de reprendre ou d'adapter ces dispositions?
    Oui. Je crois que c'est une partie importante de notre travail. Les erreurs judiciaires qui font l'objet de nos enquêtes et de renvois qui ont débouché sur l'annulation par les tribunaux touchaient des personnes qui n'avaient pas épuisé leurs droits d'appel. Il y en a tellement qu'il serait certainement très avisé de votre part d'en tenir compte d'une manière ou d'une autre.
    Merci.
    Madame Greenwood et monsieur Roy, puis‑je vous demander ce que vous en pensez?
    Je suis tout à fait d'accord avec M. Curtis. Un mécanisme est nécessaire pour nous assurer que les personnes vulnérables puissent obtenir un examen. Dans beaucoup de cas, elles n'étaient pas au sommet de leur forme durant leur procès, mais il se peut qu'elles se soient ressaisies. Elles peuvent être médicamentées ou suivre des traitements. Il est possible qu'elles soient plus aptes à participer au processus qu'au moment de leur procès. Je suis donc tout à fait d'accord.
    Merci.

[Français]

    Monsieur Roy, êtes-vous aussi d'accord à ce sujet?

[Traduction]

    Oui, je suis également d'accord. Les démêlés avec la justice pénale sont déjà très pénibles pour ces personnes. Nous ne pouvons pas exiger qu'elles en franchissent toutes les étapes. C'est impossible pour certaines d'entre elles.
    Madame la présidente, est‑ce qu'il me reste du temps?
    Vous avez encore 30 secondes.
    Combien?
    Vous avez 30 secondes, ou 28 maintenant.
    Des voix: Ha, ha!

[Français]

    Je veux juste terminer en disant que la discussion portant sur l'article 649 était très intéressante. Le Comité permanent de la justice et des droits de la personne, dont j'étais président il y a quelques années, a fait beaucoup de travail sur la divulgation des délibérations d'un jury. Dans les cas où cela peut aider des gens aux prises avec des troubles mentaux, cela est important. J'ai pris bonne note des commentaires.
    Merci, madame la présidente.
    Merci, monsieur Housefather.
    Monsieur Fortin, vous avez la parole pour deux minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Monsieur Roy, je reviens à vous. Ce n'est pas que les deux autres témoins ne sont pas importants, car ils ont mentionné des choses très intéressantes, mais vous, vous êtes ici.
    Vous avez parlé tantôt du fait que nous devrions peut-être réfléchir à la possibilité d'élargir le pouvoir d'enquête d'une éventuelle commission pour inclure une visite des lieux. Il y aurait le droit de contraindre ou pas certains témoins à se présenter. Cela comprendrait évidemment le demandeur qui, comme vous l'avez mentionné, est en l'occurrence l'accusé. Ce sont toutes des questions qui m'apparaissent importantes. Cependant, une question me chicote.
    En élargissant autant le pouvoir d'enquête d'une commission, cela ne reviendrait-il pas à refaire le procès, au bout du compte? En principe, cela ne devrait pas être possible, puisque le rôle de la commission est juste de voir s'il y a lieu de le refaire.
    Ne craignez-vous pas que les choses aillent un peu trop loin?

  (1630)  

    C'est une question intéressante.
    Tout à l'heure, la question était un peu de savoir s'il fallait se limiter à de nouvelles preuves. Évidemment, si on voit des preuves qui ont déjà été considérées, il y a peut-être alors double emploi. Toutefois, si quelqu'un veut présenter une nouvelle preuve, je pense que la commission devrait avoir les pouvoirs d'évaluer cette preuve qui n'a pas été présentée lors de la procédure initiale.
    Par exemple, prenons l'argument voulant que ce soit quelqu'un d'autre qui a commis le crime. Si cet argument n'a pas été soulevé en première instance, je pense qu'il est pertinent que la commission veuille écouter ce témoin pour évaluer la possibilité d'erreur. Si le témoin a déjà été entendu en première instance, la commission a peut-être moins à gagner à l'entendre de nouveau.
    Cela risquerait également d'alourdir les délais.
    Merci, monsieur Roy.
    Je remercie encore les témoins d'être avec nous aujourd'hui.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Allez‑y, monsieur Garrison.
    Merci, madame la présidente.
    Je reviens à vous, monsieur Curtis, et à ce que vous avez dit en dernier.
    Vous avez dit que 5 % seulement des personnes qui présentent une demande à la commission britannique sont représentées par un avocat. Je vais vous poser une question évidente, et je suis certain que c'est quelque chose que vous avez étudié. Est‑ce que la représentation a une incidence sur l'annulation d'une condamnation injustifiée? Est‑ce qu'il y a une différence entre les personnes qui sont représentées par un avocat et celles qui ne le sont pas?
    Nous pensons que non. Les différences que nous observons touchent le temps pris pour examiner les dossiers, pas le résultat. Quand une affaire est renvoyée devant le tribunal, c'est lui qui désigne un avocat pour représenter le demandeur durant l'audience.
    Ce serait sûrement la même chose au Canada.
    Pour ce qui est des appels accueillis au Royaume-Uni, avez-vous noté une différence dans la composition sociale… Au Royaume-Uni, est‑ce que les personnes noires ou celles qui sont en situation de pauvreté sont surreprésentées? Est‑ce que la commission britannique s'est penchée sur cet enjeu?
    Non. Je n'ai aucune donnée à ce sujet. Nous pourrions peut-être vous fournir de l'information après la séance.
    Ce que vous me dites, c'est que la commission britannique ne s'est pas penchée sur cet enjeu.
    C'est clair que certaines communautés sont surreprésentées au sein de la population carcérale. Nous faisons de la sensibilisation pour que les demandes reçues soient plus représentatives de la population carcérale. Les résultats sont plutôt encourageants, mais il faut des investissements considérables, et les ressources de la commission… Il faut aller dans les prisons, établir des liens avec les gens qui s'y trouvent, bâtir un climat de confiance au sein des communautés.
    Merci beaucoup, monsieur Curtis.
    Merci infiniment aux témoins en personne et en ligne.
    Distingués collègues, nous allons suspendre la séance pour deux minutes afin de donner le temps aux témoins suivants de s'installer. J'ai vu que nous allions accueillir une personne dans la salle et deux autres à distance.

  (1630)  


  (1635)  

    Bienvenue à nouveau, distingués collègues. Nous allons poursuivre avec le second groupe de témoins.
    La deuxième heure sera consacrée à l'étude du projet de loi C‑321.

[Français]

    Nous recevons, à titre personnel, Mme Elizabeth Donnelly, professeure associée, School of Social Work, Université de Windsor, qui se joint à nous par vidéoconférence; Mme Linda Silas, présidente de la Fédération canadienne des syndicats d'infirmières et infirmiers; et Mme Danette Thomsen, membre du conseil régional de la Colombie‑Britannique, région du Nord-Est, de la British Columbia Nurses' Union, qui se joint aussi à nous par vidéoconférence.

[Traduction]

    Nous allons commencer avec des segments de six minutes par député.
    Monsieur Brock, êtes-vous sur la liste?
    Oh! je suis désolée. Avant les périodes de questions, vous avez chacun cinq minutes pour nous présenter vos déclarations liminaires. Nous passerons aux questions ensuite.
    Je donne la parole à Mme Donnelly.
    Je remercie sincèrement le Comité de son invitation. Je suis ravie. Il semble que la troisième fois sera la bonne et que je vais enfin pouvoir m'adresser à vous aujourd'hui.
    Je m'appelle Elizabeth Donnelly. Je suis professeure associée, mais je témoigne aujourd'hui essentiellement parce que j'ai consacré plus de 10 ans de ma vie aux problèmes de santé des ambulanciers paramédicaux. Je suis actuellement cochercheuse, avec M. Justin Mausz, au sein du Groupe de recherche sur la violence dans le secteur paramédical.
    Parallèlement à mes travaux de recherche, je suis depuis plus de 20 ans une technicienne d'urgence médicale agréée. J'ai beaucoup travaillé aux premières lignes et mon point de vue n'a donc rien de théorique. Je prends la parole au nom de mes collègues parce que leur sécurité me tient à cœur.
    Comme je devais témoigner le mois dernier, je vais faire un résumé des points que mon collègue vous a déjà présentés.
    La violence subie par les ambulanciers paramédicaux est trop souvent passée sous silence, en partie à cause de la culture du silence, mais aussi parce qu'on en est venu à penser que tolérer la violence fait partie des compétences professionnelles attendues dans ce milieu. La croyance voulant que la violence soit inévitable tend à s'estomper depuis l'adoption d'une nouvelle stratégie de signalement et la mise en place de changements organisationnels importants. Les signalements des cas de violence sont en hausse et, bien qu'ils soient encore nettement insuffisants, notre recherche a établi que les ambulanciers paramédicaux signalent un cas de violence toutes les 18 heures, une agression toutes les 46 heures et un acte violent résultant en dommage physique tous les 9 jours.
    La violence préoccupe la communauté des ambulanciers paramédicaux depuis des années. Il y a quelques années, les Chefs Paramédics du Canada ont publié un exposé de position dans lequel ils proposent la mise en œuvre de diverses stratégies pour protéger la sécurité des ambulanciers. Notamment, ils ont recommandé de mener des recherches pour comprendre l'étendue du problème, d'adopter des stratégies fondées sur des données probantes pour assurer la sécurité des ambulanciers paramédicaux aux premières lignes, de faire de la sensibilisation du public et, le plus important pour ce qui concerne le Comité et cette étude, de réformer les politiques et la législation.
    Ces propositions ont été renforcées dans un Livre blanc publié par l'organisme sur l'avenir du secteur paramédical au Canada. Dans le Livre blanc, la violence est explicitement considérée comme un des problèmes de santé touchant la communauté des ambulanciers paramédicaux. Le même constat est formulé dans le rapport no 29 auquel M. Doherty a fait référence et dans lequel il est recommandé de modifier le Code criminel.
    La communauté des ambulanciers paramédicaux fait ce qu'elle peut. De nombreux services ont déployé le nouvel outil de signalement et ont accepté de communiquer leurs données à mon groupe de recherche, ce qui nous permettra de mieux comprendre la situation. C'est un immense sujet de préoccupation pour notre communauté en raison des taux particulièrement élevés de maladie mentale parmi ses membres.
    La collecte de données probantes commence à peine au Canada, mais une corrélation a déjà été établie avec la dépression, l'anxiété, le stress et l'épuisement professionnel dans d'autres populations. Un autre constat — qui n'est pas propre aux ambulanciers paramédicaux — a trait au lien entre l'exposition à la violence et l'intention de quitter la profession. C'est déjà difficile de trouver des fournisseurs de services pour répondre aux appels. Trouver du personnel qui montera à bord des ambulances est un véritable casse-tête. Nous ne pouvons nous permettre de perdre plus d'ambulanciers paramédicaux si nous voulons offrir les services auxquels les Canadiens s'attendent.
    La communauté des ambulanciers paramédicaux a besoin de vous. Pour une foule de raisons, elle doit pouvoir compter sur le système de justice. La violence a été très longtemps perçue comme étant inévitable, et la capacité de la tolérer a déjà été considérée comme une des compétences professionnelles attendues, et nous avons besoin que les autres disent que c'est faux.
    Les ambulanciers paramédicaux sont des aidants. Ils sont là quand il le faut. Ils suivent des formations. Ils se préparent. Ils vont répondre aux appels, de nuit comme de jour, ils vont se contorsionner, ils vont ramper dans les fossés. Ils vont toujours faire ce qu'il faut pour vous venir en aide.
    Est‑il vraiment raisonnable de demander aux ambulanciers paramédicaux d'être là quand nous avons besoin d'eux, mais en même temps de leur dire qu'ils doivent endurer l'intimidation, les insultes racistes et le harcèlement sexuel? Est‑ce que c'est quelque chose que vous toléreriez dans votre milieu de travail? Est‑ce que c'est quelque chose que vos électeurs trouveraient acceptable? Je ne crois pas.
    Il faudra plus qu'un projet de loi pour régler le problème. C'est complexe. Une approche globale sera nécessaire. Les services paramédicaux peuvent jouer un rôle en mettant en place des programmes axés sur la sécurité des ambulanciers. Les services policiers peuvent mener des enquêtes et porter des accusations. Le gouvernement canadien peut aussi y mettre du sien en modifiant le Code criminel.

  (1640)  

    La modification du Code criminel aura plusieurs effets.
    Premièrement...
    Je vous remercie, madame Donnelly. Nous vous poserons des questions.
    La parole est maintenant à Mme Linda Silas.

[Français]

[Traduction]

    Je suis désolée, madame Donnelly. Il n'y a rien de pire qu'être à court de temps.
    Je vous remercie, madame la présidente, et je vous remercie, mesdames et messieurs les membres du Comité, de votre invitation. C'est un privilège de comparaître devant vous.
    Je tiens d’abord à souligner que nous nous trouvons aujourd’hui sur le territoire non cédé de la nation algonquine Anishinabeg. Je suis une fière Néo-Brunswickoise qui vient du magnifique territoire des Micmacs.
    Je suis ici en tant que présidente de la Fédération canadienne des syndicats d’infirmières et d’infirmiers et au nom de nos 250 000 membres. Je suis fière que Mme Thomsen, qui est une de nos dirigeantes en Colombie-Britannique, présente bientôt ses observations préliminaires.
    Nous sommes les infirmières et infirmiers qui travaillent. Comme les ambulanciers paramédicaux, nous sommes présents 24 heures sur 24, sept jours sur sept, pour prendre soin des malades.
    Le personnel infirmier du Canada estime que le libellé du projet de loi C‑321 complète les protections existantes et les modifications apportées au Code criminel par le projet de loi C‑3. J'y viendrai bientôt.
    Les modifications au Code criminel prévues par le projet de loi C‑3 visaient à mieux protéger le personnel de la santé, dont le personnel infirmier. À présent, le projet de loi C‑321 propose d’étendre cette protection aux premiers répondants. Nous nous en réjouissons. Nous considérons que la violence envers tout professionnel de la santé ou premier répondant dans l'exercice de leurs fonctions constitue une circonstance aggravante dans la détermination de la peine.
    Les faits sont choquants. Vous avez entendu Mme Donnelly parler des ambulanciers paramédicaux. Les deux tiers des répondants à un sondage pancanadien réalisé en 2023 auprès du personnel infirmier déclarent avoir subi une agression physique au cours de l’année écoulée et 40 % déclarent être victimes d'agression physique plus d'une fois par mois dans le cadre de leur travail.
    Tout le monde a droit à un environnement de travail exempt de violence et d’agression. Ces comportements ne devraient pas être tolérés. Malheureusement, le personnel infirmier et le personnel soignant en sont régulièrement victimes. Nous devons nous pencher sur ces problèmes. Nous devons prendre de nouvelles mesures, comme modifier le Code criminel, mais nous parlerons également de modes de prévention.
    Bien des gens au Canada sont conscients que le personnel de la sécurité publique — les policiers, les pompiers et les agents des services correctionnels — occupe des emplois à haut risque et qu’il est souvent victime de violence. La plupart des gens seraient toutefois surpris d’apprendre que le domaine de la santé est tout autant touché. Nos établissements de santé et notre système de santé ne sont pas des lieux de travail sécuritaires.
    En plus des blessures physiques, la violence en milieu de travail est fortement corrélée à des conséquences négatives pour la santé mentale du personnel, et c'est un problème que connaît le personnel infirmier depuis de nombreuses années. L’exposition à la violence est un prédicteur de problèmes de santé mentale, y compris de trouble de stress post-traumatique. Il ressort de notre sondage auprès du personnel infirmier en activité que trois sur quatre, ou 78,5 %, déclarent avoir des symptômes d’épuisement professionnel. Ces données ressemblent à celles du personnel de la sécurité publique.
    La FCSII a réalisé une étude similaire en 2019. Près d’une personne sur quatre interrogées présentait des symptômes de TSPT. M. Doherty se souvient de tout le travail que nous avons fait en 2019 sur un cadre fédéral sur le TSPT qui comprenait les professionnels de la santé, comme le personnel infirmier et les ambulanciers paramédicaux.
    Malheureusement, la violence et les agressions sont normales dans le système de santé. De tels niveaux de violence seraient impensables dans toute autre profession. Il faut que cela s'arrête, mais dans le milieu de la santé, ces risques sont souvent acceptés.
     Le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes s’est attaqué pour la première fois au problème de la violence généralisée envers le personnel infirmier dans une étude menée en 2019. Le projet de loi C‑3 adopté en 2021 découlait d’ailleurs de l’une des recommandations du Comité. Le projet de loi C‑321 étend ces protections.
    Le personnel infirmier est solidaire des ambulanciers paramédicaux dans ce domaine, mais nous devons aller encore plus loin. Nous devons dire clairement que ce n'est pas suffisant. Nous devons informer les Canadiens et les législateurs des changements apportés au Code criminel et faire en sorte de mieux protéger le personnel de santé afin qu'il puisse travailler en toute sécurité dans nos établissements de santé et dans la collectivité. Je vous remercie.
    Nous sommes encouragés par tout ce travail, mais nous savons aussi que bien d'autres recommandations du Comité doivent être mises en œuvre.
    Nous appuyons ce projet de loi, mais nous encourageons tous les députés et tous les comités à continuer de chercher à rendre les soins de santé et la collectivité plus sûrs pour celles et ceux dont le métier est de prendre soin des malades et des blessés.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Je répondrai à vos questions.

  (1645)  

    Je vous remercie.
    La parole est maintenant à Mme Thomsen.
    Je tiens à souligner que je vis sur les territoires non cédés des Lheidli T'enneh, dont est originaire M. Doherty. Aujourd'hui, je suis des vôtres depuis les territoires des peuples salish du littoral — les peuples Musqueam, Squamish et Tsleil-Waututh.
    C'est un immense privilège d'être des vôtres aujourd'hui pour parler au nom de nos membres.
    Si l'on prend les actes de violence comme cause d'arrêt de travail toutes professions confondues, le personnel infirmier représente 30 % du total des demandes de congé, juste derrière les aides-infirmiers, les aides-soignants et les préposés aux bénéficiaires, qui sont les plus touchés. Entre 2018 et 2022, le personnel infirmier a signalé en moyenne 51 blessures par mois résultant d'actes de violence, rien qu'en Colombie-Britannique. Le nombre de blessures signalées en quatre ans, entre 2013 et 2017, a augmenté de 49 %, passant de 1 653 à 2 458. C'est inacceptable.
    Le BCNU représente environ 48 000 membres en Colombie-Britannique.
    Il suffit de regarder ou d'écouter les nouvelles pour se rendre compte de l'augmentation de l'agressivité dans notre société. Les temps d'attente dans les établissements de santé dus à des circonstances indépendantes de la volonté du personnel infirmier augmentent et, avec eux, le nombre d'incidents violents. Le personnel infirmier, qui travaille en sous-effectif, s’efforce avec diligence de donner les meilleurs soins aux patients et se retrouve être la cible de cette violence. Il faut protéger le personnel infirmier. C'est notre travail, à vous et à moi. Nous devons le faire aujourd'hui.
    Les familles des infirmières et infirmiers ont besoin qu'ils rentrent chez eux sains et saufs. Pouvez-vous imaginer rentrer chez vous et ne pas pouvoir prendre votre enfant dans les bras parce que vous vous êtes fait agresser? Pouvez-vous imaginer un patient dans une salle d'attente qui appelle le 9‑1‑1 pour prévenir qu'un professionnel de la santé est sur le point d'être grièvement blessé, voire tué? Ce patient a ensuite agressé un de nos infirmiers et a essayé de l'étrangler. L'infirmier agressé assurait le service à la place de son épouse. S'il n'avait pas été là, cette agression ne se serait peut-être pas soldée pour une autre personne par un mois de convalescence comme pour lui.
    Et que dire de l'infirmière en région rurale de la Colombie-Britannique qui, en janvier dernier, a été agressée après être entrée dans la chambre d'une patiente? Pouvez-vous imaginer être maintenu sur une chaise, recevoir coup sur coup, vous faire arracher des poignées de cheveux, en attendant désespérément d'être secouru par la GRC? Dans bien des collectivités rurales le soir, il y a seulement un agent de la GRC de service. Cette infirmière a été secourue par un autre patient qui l'a aidée.
    Nous entendons des histoires terribles. Beaucoup sont tellement horribles que je ne peux même pas les raconter. Les conséquences psychologiques pour les infirmières et infirmiers victimes et pour les collègues qui essaient de les aider durent bien plus longtemps que les traumatismes physiques. Cela coûte cher à notre système de santé déjà mal en point, car les infirmières doivent maintenant soigner leurs propres problèmes de santé mentale et prendre des congés pour essayer de guérir. Nous perdons des infirmières et des infirmiers qui quittent le système de santé. Pour la première fois en Colombie-Britannique, il reste des places dans les programmes de sciences infirmières. Normalement, il y a une liste d'attente, mais nous n'affichons même pas complet.
    Nous avons l'obligation de protéger celles et ceux qui protègent les autres. Nous avons l'obligation de prendre soin des soignants.
    Je suis très heureuse d'être des vôtres aujourd'hui. Je vous remercie d'avoir invité la B.C. Nurses' Union. Je répondrai volontiers à vos questions.
    Nous appuyons totalement le projet de loi C‑321.

  (1650)  

    Je vous remercie.
    Nous allons entamer notre série de questions avec six minutes pour chacun. Nous commencerons par M. Brock.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Je vous remercie, mesdames, de votre présence virtuelle ou en personne. Je vous remercie également des efforts que vous déployez dans ce domaine particulier.
    Je vais vous céder la parole, madame Donnelly.
    Malheureusement, vous avez manqué de temps. Cinq minutes, cela passe très vite. Je vais vous laisser terminer votre propos.
    Je vous remercie infiniment.
    Quelqu'un a demandé, quand ma collègue témoignait, pourquoi ce projet de loi est important et qu'est‑ce qu'il va changer.
    Il va changer beaucoup de choses, car il dira aux ambulanciers paramédicaux qu'ils sont appréciés et que le gouvernement du Canada les soutient. Il sensibilisera davantage le public en disant qu'il est inacceptable que nos soignants se fassent agresser, que c'est une infraction grave et qu'elle sera traitée comme telle. Il dira aux policiers et au ministère public que ces agressions ne sont pas seulement des agressions, mais des menaces à la sécurité publique parce qu'elles nous font perdre des soignants. Quand nous perdons des soignants, nous perdons en sécurité pour l'ensemble de la collectivité.
    Je pense aussi qu'il est très important de comprendre que le simple fait que la justice pénale s'en mêle ne veut pas dire qu'il y aura systématiquement des condamnations. Les possibilités sont nombreuses — la déjudiciarisation, le tribunal de la santé mentale — pour faire en sorte que les personnes qui ont des problèmes de santé reçoivent les soins appropriés. L'objectif est la justice réparatrice, pas nécessairement la punition.
    Je vous remercie de ces quelques minutes de plus pour vous faire part de mes dernières réflexions. Je vous en sais gré.

  (1655)  

    Je vous en prie.
    Répond qui veut à la prochaine question.
    J'aimerais faire observer qu'il n'est probablement pas étonnant que la profession infirmière soit en crise, compte tenu de tout ce que vous nous avez dit sur l'histoire de la profession et du fait qu'elle est depuis longtemps victime d'agressions. Voilà ce que vit le personnel infirmier, et aussi les intervenants de première ligne.
    Je sais que la sous-déclaration est courante dans le personnel infirmier, ce même chez les ambulanciers paramédicaux et les premiers intervenants. Je suis marié à une infirmière. Vous représentez mon épouse. Depuis 20 ans, elle me donne exemple après exemple d'incidents où elle a été personnellement tourmentée, me dit que l'administration ne fait rien pour remédier à la situation, qu'il y a un manque de sécurité au sein même de l'hôpital et que la sécurité n'a pas d'effet dissuasif.
    J'attire votre attention sur toute la question de l'information du public, du partage de l'information et du fait que la police doit comprendre qu'elle dispose d'outils pour porter des accusations.
    Ce qui me préoccupe, c'est l'élément dissuasif. L'une des principales caractéristiques de la détermination de la peine dans une affaire donnée, qu'il s'agisse d'un vol à l'étalage ou d'un meurtre, est qu'il existe un élément dissuasif — une dissuasion personnelle, particulière au délinquant afin qu'il sache que son comportement a des conséquences, et une dissuasion générale pour la communauté, qui apprend que si quelqu'un adopte un comportement similaire, il y aura des conséquences.
    Tel est, me semble‑t‑il, le message que vous souhaitez toutes partager.
    Nous savons que depuis de très nombreuses décennies, bien des infractions prévues au Code criminel sont assorties de circonstances aggravantes. Si vous commettez une infraction contre une certaine personne dans certaines circonstances, il s'agit d'une circonstance aggravante dans la détermination de la peine.
    Sachant cela, avez-vous des raisons de penser que le Code criminel aura une incidence sur la collectivité dans son ensemble et sur votre profession, si le fait d'agresser un professionnel de la santé ou un premier intervenant est considéré comme une circonstance aggravante?
    Répond qui veut. Je vous en prie.
    Je commencerai. Merci à votre épouse et dites-lui de garder espoir, parce que j'ai, pour ma part, bon espoir.
    J'ai siégé à beaucoup de comités, sur la violence ou sur la pénurie de personnel infirmier, et nous avons une crise dans ce pays. La crise va au‑delà du personnel infirmier. Elle touche tout autant les autres travailleurs de la santé.
    Pour ce qui est de savoir pourquoi il est important de modifier le Code criminel, Mme Donnelly l'a dit: c'est une question de respect et c'est le fait de reconnaître qu'il y a un problème.
    En tant que citoyens, si la police nous arrête et que nous crachons sur un policier, nous savons exactement où cela nous mène. Dans les soins de santé, les patients, la collectivité et les parents ne le savent pas. Nous devons changer la culture. Or, le changement de culture commence par les lois et les programmes de prévention. Il commence avec des députés comme vous qui en parlent et qui disent que ce qui se passe n'est pas normal.
    Mes experts albertains en matière de santé et de sécurité au travail se rendront à Windsor la semaine du 5 pour examiner les détecteurs de métaux de l'hôpital de Windsor. C'est décourageant. Le budget de la santé devrait servir à augmenter le nombre d'infirmières et d'infirmiers, de médecins, de professionnels et de travailleurs de la santé, et pas à installer des détecteurs de métaux.
    Est‑ce que quelqu'un d'autre souhaite répondre?
    Je suis d'accord avec Mme Silas. Nous devons valoriser les personnes qui s'occupent de nos membres et du public. Nous devons leur dire et leur montrer que ce n'est pas acceptable et que nous n'attendons pas d'elles qu'elles reçoivent tous les jours des coups au travail.
    Je vous remercie, mesdames.
    Je vous remercie.
    La parole est à M. Maloney.
    Je vais faire suite à la question de M. Brock, car j'allais dans cette même voie.
    Madame Silas, vous avez dit que nous devons aller plus loin, mais vous avez parlé de prévention par opposition au Code criminel.
    Corrigez-moi si je me trompe, parce que je ne fais que pontifier un peu.
    Lorsque la police a affaire à quelqu'un, c'est probablement que cette personne se livre à des activités criminelles. Cependant, lorsque les gens ont affaire à des professionnels de la santé, comme des infirmières ou des ambulanciers paramédicaux, ils ne se livrent peut-être pas à des activités ou des comportements criminels, mais ils n'en sont pas moins impliqués dans la conduite dont nous parlons.
     Nous sommes tous d'accord, je pense, sur ce projet de loi, à vrai dire, et je tiens à remercier M. Doherty de l'avoir présenté. Il s'agit d'un complément au projet de loi C‑3, comme vous l'avez très justement souligné. Est‑ce que ce sera suffisant? Il semble y avoir un problème beaucoup plus important, et je ne suis donc pas sûr que modifier le Code criminel pour dire ce que l'on encourt si l'on crache sur une infirmière, pour reprendre votre exemple, aura un effet dissuasif.
    Que peut‑on faire d'autre? En tant que parlementaires, que pouvons-nous faire d'autre pour créer un environnement où nous pouvons empêcher ce genre de comportement? Je pose la question parce que les chiffres que j'entends sont stupéfiants.

  (1700)  

    Il serait bon de relire le rapport sur la violence subie par les travailleurs de la santé remis en 2019 par le Comité permanent de la santé. Il y formule des recommandations strictes et préconise en premier la prévention. Je ne l'aurais pas mieux écrit moi-même. Nous devons parler de prévention. Nous devons parler d'un changement de culture, qui va d'effectifs suffisants à de vraies mesures en matière de santé et de sécurité au travail.
    Prenons l'exemple de la dernière pandémie. Les travailleurs de la santé ont dû se battre pour obtenir l'équipement de protection individuelle voulu. Nous n'aurions jamais vu cela dans une zone de construction, parce que nous ne considérons pas le personnel des soins de santé comme n'importe quel autre effectif. C'est pour cela que nous sommes dans le pétrin aujourd'hui.
    J'ai une question complémentaire à ce sujet. Quelqu'un d'autre a‑t‑il un commentaire à faire sur la proposition générale? Madame Donnelly, j'espérais que vous répondiez. Je suis diplômé de l'Université de Windsor, soit dit en passant, et je suis donc ravi que vous soyez là.
    Je vous félicite de votre excellent choix. Bravo.
    Je dirai que ce n'est pas l'un ou l'autre. Changer la loi, c'est de la prévention. Il y a un certain nombre d'exemples de réussite, comme dans la région de Peel, où, si l'on reçoit plusieurs signalements de violence, on peut contacter la personne concernée pour la mettre en garde et l'informer des conséquences possibles si elle continue d'agir ainsi.
    De nouvelles mesures législatives changent l'attitude de la police et sa réaction face à la violence. Elles changent l'optique du ministère public lorsqu'il examine ces incidents. Il ne s'agit donc certainement pas d'un choix entre l'un et l'autre.
    J'ai dit dans mes observations que la démarche doit être globale. Il est essentiel de modifier la loi, mais ce n'est qu'un élément, et les autres éléments que j'ai mentionnés précédemment sont toujours aussi nécessaires.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie.
    C'est là où je voulais en venir, parce que nous pouvons modifier le Code criminel et adopter d'autres lois au palier fédéral, mais une grande partie de ce dont vous parlez ne relève‑t-elle pas des provinces et du secteur? Que pouvons-nous faire pour encourager une meilleure conduite, ou une conduite qui va aider les autres ordres de gouvernement?
    Je pose la question parce que je soupçonne que le financement joue un rôle important en la matière. Vous avez parlé de l'EPI pendant la pandémie. Un des principaux problèmes auxquels les professionnels de la santé se sont heurtés était un manque de financement de la part des gouvernements provinciaux. Je vis en Ontario, et le gouvernement fédéral a dû intervenir pour y remédier.
    Que devraient faire les autres ordres de gouvernement pour régler certains de ces problèmes?
    Pour changer une culture, tous les paliers de gouvernement doivent en parler et en faire une priorité. C'est ce que nous constatons aujourd'hui.
    Nous parlons d'espoir. En septembre dernier, pour la toute première fois, la police d'Ottawa a lancé une alerte au sujet d'un homme au volant d'une camionnette rouge. Il avait agressé des infirmières et du personnel de santé dans un établissement. Nous devons cette toute première fois au projet de loi C‑3. À présent, nous devons aller encore plus loin. C'est le seul cas dont nous ayons entendu parler.
    Pour la toute première fois, un homme du Nouveau-Brunswick a été condamné à deux ans de prison pour avoir agressé une infirmière. Elle ne travaillera plus jamais, mais pour la toute première fois, la justice pénale s'est prononcée. Cela a eu un effet domino qui a entraîné plus de prévention, plus de méthodes en matière de santé et de sécurité au travail pour prévenir la violence, en identifiant les membres de la famille et les patients. Quand je dis « identifier », je veux dire que si le patient a eu un comportement violent dans le passé, il y a des règles spéciales que l'équipe doit connaître.
    J'aimerais répondre à cette question.
    D'accord. Je vous en prie. J'allais vous demander de répondre. Je pensais disposer de cinq minutes.
    Nous faisons de bonnes choses en Colombie-Britannique. Dernièrement, le ministre de la Santé a annoncé l'embauche de 26 agents de sécurité relationnelle. Il s'agit d'un nouveau projet. Nous savons que tout ne se passera pas sans anicroches, mais ce sont des agents de sécurité qui sont formés et qui travailleront au sein de l'équipe dans nos établissements à haut risque. Cependant, ils doivent être présents partout.
    Ils doivent également être en mesure de mettre à terre quelqu'un qui doit l'être ou d'expulser des établissements les personnes qui se comportent mal. Ce n'est pas le travail du personnel infirmier, et souvent la police met trop de temps à arriver parce qu'elle est débordée de travail, elle aussi, et ce n'est pas un jugement.
    Nous sommes enthousiasmés par ce nouveau programme, mais c'est tellement minime. Nous avons besoin de beaucoup plus.

  (1705)  

    Je vous remercie.
    Nous passons à M. Fortin pour six minutes. Vous avez la parole.

[Français]

    Je remercie les témoins d'être parmi nous, aujourd'hui. C'est un sujet important. Nous n'aurons jamais suffisamment d'éclaircissements à ce sujet.
    Madame Donnelly, en 2021, le Parlement a adopté des dispositions visant à modifier l'alinéa 718.2a) du Code criminel. On a ajouté le sous-alinéa 718.2a)(iii.2), selon lequel une infraction commise à l'égard d'une personne qui fournit des services de santé, y compris des services de soins personnels, est considérée comme une circonstance aggravante.
    À votre, avis, cette disposition a-t-elle eu des répercussions sur la fréquence des agressions contre des personnes qui travaillent dans le domaine de la santé?

[Traduction]

    Je crains de ne pas assez bien connaître cette disposition et son incidence pour faire des commentaires précis.
    J'espère que mes collègues ont peut-être quelque chose à dire à ce sujet. Je suis vraiment désolée.

[Français]

    Dois-je comprendre que vous n'avez pas entendu parler de cette disposition, quand elle est entrée en vigueur en 2021?

[Traduction]

    Je ne l'ai pas vue appliquée dans les interactions que j'ai observées en essayant de faire porter des accusations contre des personnes qui agressent des ambulanciers paramédicaux. Cependant, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, nous avons de nombreux obstacles organisationnels, comme les signalements par les ambulanciers paramédicaux, le fait que la police pense que quelque chose peut justifier des accusations, et la décision du ministère public de porter des accusations. Par conséquent, que cette disposition ait une incidence ou pas, nous avons encore beaucoup de travail à faire en ce qui concerne la culture organisationnelle pour...

[Français]

    Merci, madame Donnelly. Je comprends votre point de vue. Je ne veux pas vous manquer de respect, mais nous n'avons pas beaucoup de temps.
    Je voudrais poser la même question à Mme Silas.
    Madame Silas, dans le cadre de vos fonctions au sein de la Fédération canadienne des syndicats d'infirmières et infirmiers, avez-vous eu vent de cette disposition? Si c'est le cas, y a-t-il eu des répercussions?
    J'aimerais clarifier un point. Le changement dont vous parlez, est-ce celui qui a été apporté par le projet de loi C‑3?
    Je pense qu'il s'agissait effectivement du projet de loi C‑3.
    Oui, j'en ai entendu parler.
    Comme je l'ai mentionné, en septembre dernier, nous avons reçu un communiqué de presse nous informant qu'un homme au volant d'une camionnette rouge avait agressé des infirmières et le personnel de la santé à Ottawa, pour la première fois dans l'histoire. C'est la seule fois que nous avons été informés d'un tel incident.
    Ce qui manque, dans le projet de loi C‑3, et nous en avions déjà parlé à l'ancien ministre de la Justice, c'est un volet lié à la formation. Si vous parlez à un policier ou à un avocat dans votre région, vous constaterez qu'il n'a aucune idée de l'existence de cette modification.
    Merci.
    Le sous-alinéa 718.2a)(iii.2) est un peu semblable à ce qui est proposé aujourd'hui dans le projet de loi C‑321. On parle d'une infraction qui est commise à l'encontre d'une personne qui fournit des services de santé, y compris des services de soins personnels.
    Ne craignez-vous pas que la disposition du projet de loi actuel fasse double emploi? Si ce n'est pas le cas, comment voyez-vous la complémentarité entre les deux?
    Cela ne nous inquiète pas du tout, car on parle d'un groupe de travailleurs et de travailleuses qui travaillent à l'écart de notre système de soins de santé. Ils en font partie, mais ils travaillent surtout dans la communauté. Ce groupe a cerné un besoin et, en tant que représentants d'un syndicat d'infirmières et d'infirmiers, nous voulons l'appuyer. Comme société, nous devons protéger tous les travailleurs et toutes les travailleuses de la santé.
     Nous nous entendons là-dessus.
    Je suis désolé de vous interrompre, mais il me reste à peu près une minute de temps de parole.
    L'article actuel de la loi parle d'une personne qui fournit des services de santé. Le projet de loi C‑321, que nous étudions aujourd'hui, englobe les professionnels de la santé et les premiers répondants. On parle déjà d'une personne qui fournit des services de santé, y compris des services de soins personnels.
    Cela m'apparait un peu bonnet blanc et blanc bonnet. Je me trompe peut-être, mais c'est vraiment sur cet aspect que j'aimerais entendre votre opinion.

  (1710)  

    Ce qui est différent, c'est qu'on parle aussi du premier répondant. Le premier répondant travaille dans des milieux de travail qui ne sont pas les mêmes que ceux où évolue le personnel de la santé. C'est pour cela que nous avons accepté ce libellé.
    Nous avons eu des réunions avec l'équipe du député Doherty. J'essaie de dire son nom en français, mais c'est difficile pour moi.
    Votre français est excellent.
    Je l'espère. Je viens du Nouveau‑Brunswick. Dire son nom en français, c'est un peu un défi.
    Au cours de ces réunions, nous avons posé la même question que la vôtre, monsieur Fortin, et nous étions tous d'accord à ce sujet. Ce groupe d'employés du domaine de la santé est vraiment différent des autres professionnels de la santé.
    Les premiers répondants ne font-ils pas partie des personnes qui fournissent des services de santé? Cela m'apparaît être le cas.
    C'est le cas, mais ces travailleurs et ces travailleuses disent que ce n'est pas le cas. Pour respecter leur travail, c'est ce que nous avons fait.
    Merci, madame Silas.
    Merci, madame la présidente.
    Merci, monsieur Fortin.
    Monsieur Garrison, vous avez la parole.

[Traduction]

    Je vous remercie, madame la présidente. Je tiens à remercier tous les témoins de leur présence aujourd'hui.
    J'espère que ce processus fait partie de ce début de changement de culture et que vos comparutions ici aujourd'hui contribuent réellement à faire passer ce message.
    Madame Donnelly, je suis particulièrement heureux de vous voir ici aujourd'hui, étant donné les problèmes techniques que nous avons eus auparavant. Je sais que vous avez trouvé ces contretemps très frustrants. Nous sommes dans une autre salle et tout semble bien fonctionner.
    Il est particulièrement important de faire savoir aux travailleurs que nous les respectons et aussi d'adresser un message au public. Comme tout le monde dira toujours que les autres mesures coûtent de l'argent, j'aimerais parler un peu plus de ce que nous constatons et de ce que les témoins nous disent, qui est que la situation actuelle coûte de l'argent au système.
    Je poserai d'abord des questions à Mme Donnelly sur les ambulanciers paramédicaux. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les coûts que la prévalence de la violence occasionne pour le système en ce qui concerne les congés et le maintien en poste des employés? Quelle est l'incidence sur les coûts relatifs aux ambulanciers paramédicaux?
    J'aimerais pouvoir vous donner tous les chiffres, mais nous n'avons pas assez de recherche dans ce domaine qui est encore nouveau. En revanche, nous avons beaucoup de données empiriques qui montrent que les gens s'en vont. Ils s'épuisent. Ils choisissent de partir parce qu'il y a beaucoup de préjudices moraux, c'est‑à‑dire l'idée qu'ils sont là pour aider et qu'ils sont maltraités parce qu'ils se présentent pour aider. Nous ne disposons pas de données claires indiquant qu'il s'agit du coût de la violence, en le différenciant des différents types de stress que subissent actuellement les ambulanciers paramédicaux.
    J'ai souligné, dans mes observations précédentes, des données montrant une corrélation entre l'exposition à la violence et l'intention de quitter la profession dans d'autres disciplines. J'espère être en mesure de vous fournir ces données dans les deux prochaines années.
    Seriez-vous, pour l'essentiel, d'accord qu'il s'agit d'un facteur qui ajoute des coûts supplémentaires à la fourniture de ce service?
    Oui, c'est le cas, à 100 %.
    Je vais me tourner vers Mme Silas en ce qui concerne les coûts pour le système pour ce qui est des soins infirmiers.
    Je n'en ai pas parlé, pour ma part, mais Mme Thomsen en a parlé. Environ 30 % des demandes d'indemnisation des employés concernent des actes de violence, et ce rien qu'en Colombie-Britannique. Nous constatons la même chose dans tout le pays. Les chiffres relatifs à la violence et aux blessures ont plus que doublé au cours des deux dernières années. Encore une fois, je parle de la Colombie-Britannique.
    C'est un coût élevé, mais le coût le plus important est celui que mentionnait Mme Thomsen, c'est‑à‑dire que les gens ne veulent pas aller travailler dans les soins de santé. Nous venons de passer une journée dans un centre pour les ressources humaines en santé, et notre plus grande difficulté est de réussir à redonner de l'attrait aux emplois dans le secteur de la santé. Quand on nous entend parler de la violence dans ce secteur, ce n'est pas très engageant.
    Madame Thomsen, c'est vous qui nous avez apporté les éléments les plus spécifiques. Je vais donc me tourner de nouveau vers vous et vous permettre d'en dire un peu plus à ce sujet.
    Les données les plus récentes de Statistique Canada montrent qu'à la fin du troisième trimestre de 2023, il y avait 5 825 postes d'infirmière vacants en Colombie-Britannique, soit une augmentation par rapport aux 5 300 postes vacants l'an dernier. En soi, le fait que nous en soyons à 5 825 infirmières...
    Je vous le dis, vous n'avez qu'à regarder nos taux d'employés occasionnels. Les infirmières ne veulent pas travailler à plein temps. Lorsque les choses se gâtent, elles veulent pouvoir se retirer, ce qui nous coûte de bien des façons qui ne sont même pas mesurées.

  (1715)  

    En ce qui concerne les services de soutien mis à la disposition des employés, comme le counselling ou la thérapie, constatez-vous que l'augmentation de la violence est acceptée comme raison de bénéficier de ces services de soutien?
    En Colombie-Britannique, ces services de soutien sont tellement surutilisés qu'il faut parfois six semaines à nos membres pour obtenir de l'aide après avoir été témoins d'un incident violent. Nous insistons sur la nécessité de séances de verbalisation après un stress dû à un incident grave et sur toutes les choses que l'employeur est censé fournir, mais même cela prend du temps parce que ces services sont davantage sollicités.
    Les services ne suffisent pas à répondre à la demande.
    Madame Silas, voulez-vous ajouter quelque chose à ce propos?
    C'est vrai, il n'y a pas assez de services. Nous devons non seulement soigner ces professionnels de la santé, mais aussi faire de la prévention. C'est la chose la plus importante que nous ayons à faire. Nous devons prévenir. Pour cela, il faut des effectifs suffisants et des mécanismes de sécurité appropriés dans tous nos établissements — et dans la collectivité, madame Donnelly.
    Madame Silas, diriez-vous que le manque général de personnel infirmier que nous constatons expose davantage les infirmières et infirmiers à la violence au travail?
    Êtes-vous allé aux urgences dernièrement, monsieur Garrison? Vous savez, quand vous attendez 18 heures ou 12 heures et que vous êtes malade, vous perdez patience. Alors oui, bien sûr, il y a plus de réactions hostiles.
    D'accord.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Je vous remercie.
    Nous allons entamer notre deuxième tour de table.
    Monsieur Doherty, vous disposez de cinq minutes. Vous avez la parole.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Je remercie mes collègues de me permettre de siéger au Comité aujourd'hui et je remercie nos témoins.
     Madame Silas et madame Thomsen, le projet de loi C‑321 résultait des conversations que nous avons eues plus tôt, des conversations très honnêtes et très franches, lors de l'examen de mon projet de loi, le projet de loi C-211 sur le TSPT.
    J'ai les questions et la fiche d'information que M. Fortin cherchait. Je les enverrai au Comité.
    Je ne veux pas passer plus de temps à essayer de répondre à votre question, monsieur Fortin. Je vous transmettrai l'information dont je dispose. Je vous la ferai parvenir par l'intermédiaire de mon collègue ici présent.
    Je pense que ce que nous devons entendre davantage, ce sont les voix de nos témoins aujourd'hui. Il y a deux ans, à l'invitation de Mme Thomsen, j'ai pris la parole devant un groupe d'infirmières et d'infirmiers dans le Nord de la Colombie-Britannique. Lorsque j'ai mentionné cette proposition de projet de loi, certains dans la salle ont pleuré. Ce fut un moment très émouvant.
    Par votre intermédiaire, madame la présidente, j'aimerais poser cette question à nos témoins: pourquoi le simple fait d'évoquer cette proposition de projet de loi suscite‑t‑il autant d'émotion chez vos membres?
     C'est parce que cela veut dire que l'on reconnaît qu'il y a un problème. C'est une question de respect. Vous savez, pour modifier le Code criminel, la première fois avec le projet de loi C‑3, et même au sujet du cadre relatif à l'état de stress post-traumatique, nous avons dû parler avec nos propres collègues. En fait, ils ne pensaient pas qu'un patient malade ou en colère devait être inculpé ou qu'une infirmière devait appeler la police. Il y a beaucoup de travail d'éducation à faire dans ce domaine. Ils estimaient vraiment que cela faisait partie de notre travail.
    Nous avons changé cette perception. Grâce au travail avec des députés, comme vous tous, nous avons pu la changer. Nous devons maintenant faire de l'éducation à ce sujet.
    Allez‑y, madame Thomsen.
    Oui, c'est tellement vrai. Je dirai que le personnel soignant est désespéré. Il a désespérément besoin d'aide. Nos infirmières et nos infirmiers sont sur le terrain et donnent tout ce qu'ils peuvent. Ils travaillent parfois dans des conditions impensables, mais ils sont là parce qu'ils y tiennent. Ils sont là parce qu'ils veulent apporter leur contribution.
    Ils veulent être reconnus pour ce qu'ils font et ils veulent que ce qui se passe soit reconnu. Ils ont désespérément besoin d'aide. Le fait que le gouvernement dise: « Oh, mon Dieu, nous vous voyons, et ce qui arrive n'est pas acceptable », c'est ce qui déclenche l'émotion. C'est ce qui m'émeut. C'est impensable. J'ai une petite-fille magnifique qui, je pense, sera un jour infirmière. Elle sera tout simplement remarquable, mais je ne veux même pas qu'elle soit infirmière dans ces conditions.
    Il faut que cela change. Vraiment.

  (1720)  

    Madame Donnelly, vous avez la parole.
    Je répéterai ce qu'a dit ma collègue. C'est une question de reconnaissance. Si l'on passe tellement de temps à se sentir ainsi, à se dire que c'est ce à quoi il faut s'attendre et que c'est le niveau de violence auquel il faut s'habituer, cela devient un bruit de fond. Cela devient un simple aspect de la routine du travail.
    Que quelqu'un vienne dire que l'on n'a pas à tolérer les agressions, qu'il n'est pas obligatoire d'être victime d'agression sexuelle au travail, cela équivaut à dire que l'on voit que c'est un problème et que l'on veut en parler. Cela permet au personnel infirmier et aux ambulanciers paramédicaux de confirmer que c'est bien un problème et d'expliquer les répercussions que cette violence a sur eux.
    Il était extrêmement important de poser cette question. Merci de l'avoir fait.
    Il me reste 30 secondes.
    Je tiens simplement à remercier une nouvelle fois les témoins de leur présence aujourd'hui. Vos membres, ainsi que les pompiers, les ambulanciers paramédicaux et tous ceux et celles qui m'ont fait part de leurs histoires très émouvantes... On ne peut qu'être touché par ces histoires.
     J'espère que nous vous donnerons satisfaction en adoptant le projet de loi C‑321, je l'espère bientôt. Je sais que le secteur fera passer ce message. Il s'agit d'un autre moyen de faire comprendre que la violence envers nos professionnels de la santé et nos premiers intervenants n'est pas acceptable et ne fait pas partie de leur description de poste.
    Je vous remercie.
    Madame Dhillon, vous avez la parole.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Je remercie tous les témoins de leur présence aujourd'hui. Je les remercie aussi de nous faire part de ce que vivent tous ceux et celles qui travaillent dans le système de santé. Je les remercie, enfin, de représenter la quasi-totalité des travailleurs de la santé au Canada.
    Ma question est pour vous trois. Je vais poser toutes les questions, puis vous répondrez tour à tour.
    Nous avons entendu vos témoignages. Ils sont très douloureux à entendre, surtout lorsque vous expliquez qu'en vous occupant de personnes au moment où elles sont le plus vulnérables, vous êtes vous aussi très vulnérables.
    Pouvez-vous nous dire si la violence a commencé à augmenter avant ou après la pandémie? Comment expliquez-vous cette vague de violence et pourquoi la COVID a‑t‑elle, selon vous, exposé cette vulnérabilité des travailleurs de la santé?
    Je commencerai par là. S'il y a autre chose, je poserai d'autres questions.
    Je vous remercie toutes.
    Je vais essayer d'être brève.
    La première campagne contre la violence dans les soins de santé a été menée en 1991 par la British Columbia Nurses' Union, avec des affiches qui disaient « Non à la violence ».
    Nous avons parcouru beaucoup de chemin pour ce qui est de modifier le Code criminel et d'essayer de changer la culture, mais nous ne sommes pas au bout de nos peines. Ce processus est essentiel et il est long parce que la culture des soins de santé est particulière, pour être polie.
    La question est aussi pour les autres témoins sur Zoom.
    Ma réponse sera un peu bancale. J'espère que vous me pardonnerez.
    Quand vous demandez si la violence augmente, chez les ambulanciers paramédicaux, nous ne le savons pas parce que nous ne disposons pas de données. Nous avons toutefois beaucoup de données empiriques et de nombreux signalements.
    Est‑ce que la violence augmente? Peut-être. Est‑ce que nos systèmes sont de plus en plus sollicités et est‑ce que nous essayons de faire toujours plus avec de moins en moins de moyens? Absolument. Est‑ce que les ambulanciers paramédicaux sont prêts à en parler davantage? Après avoir déclaré que la violence est inacceptable, une de mes collègues, Mandy Johnston, a créé tout un programme de recherche et toute une stratégie d'intervention qui ont permis de vous fournir ces données.
    Est‑ce que la violence augmente? Nous ne le savons pas à l'heure actuelle. En revanche, nous savons qu'elle est tout à fait inacceptable.
    Il est certain qu'elle augmente, mais le problème existait bien avant la COVID.
    Je pense que depuis la COVID, nous avons tous vu des changements dans la société qu'aucun d'entre nous ne connaît vraiment... Nous avons tous nos théories sur les causes de ces changements, mais honnêtement, le système de santé est tellement sollicité. Les temps d'attente, comme l'a dit Mme Silas, et tout cela s'ajoute à la situation.
    La société change, c'est tout. Les gens marchent dans la rue et s'agressent les uns les autres. Ces choses que nous voyons à l'extérieur se produisent également à l'intérieur.

  (1725)  

    Pouvez-vous nous dire, compte tenu des dispositions actuelles du Code criminel faisant de la violence envers les professionnels de la santé une circonstance aggravante, ce que ce projet de loi ajoutera à ces dispositions et si l'une d'entre vous voit une différence avec ce projet de loi?
    Je vous remercie.
    Je pense, pour ma part, qu'il renforce le projet de loi C‑3. Le projet de loi C‑3 n'a que deux ans. Nous devons faire de l'éducation à son sujet. Nous travaillons en collaboration avec le ministère de la Justice sur la façon de le promouvoir. Il faut qu'on en parle.
    Qu'en pensent les deux autres témoins sur Zoom?
    Je suis d'accord, madame Silas. Organisons une grande campagne pour faire comprendre que le gouvernement du Canada ne tolérera pas la violence envers le personnel infirmier dans ce pays. C'est le genre de choses qui doivent se faire.
    Je pense qu'il s'agit d'une amélioration. Je suis ravie de voir que les ambulanciers paramédicaux, les premiers intervenants, sont inclus. Nous formons une équipe. Si vous entrez dans une salle d'urgence dans le Nord de la Colombie-Britannique, vous verrez les ambulanciers paramédicaux y apporter leur aide parce qu'il y a une telle pénurie. Il faut que tout le monde soit inclus.
    Il me reste 30 secondes, madame Donnelly, prenez votre temps.
    Je dirais simplement que les ambulanciers paramédicaux se situent à un point très intéressant, parce qu'ils sont considérés comme du personnel de sécurité publique et des premiers intervenants, et qu'ils sont également considérés comme des professionnels de la santé. Lorsque nous essayons de dire si cela s'applique ou pas aux ambulanciers paramédicaux, ce n'est pas clair, car nous fréquentons parfois les pompiers et la police et parfois les urgences parce que nous aidons nos collègues très méritants.
    Quand on pense à l'amélioration de cette...
    Je suis désolée de vous interrompre. Je vous remercie.
    Nous allons passer à la série finale de deux minutes chacun.

[Français]

    Monsieur Fortin, vous avez la parole.

[Traduction]

    La parole est maintenant à M. Garrison.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Je remercie encore une fois les trois témoins qui sont avec nous de leur témoignage.
    Vous nous dites à quel point la violence augmente depuis la pandémie, et ce, malgré les modifications apportées au Code criminel en 2021. Depuis deux ans, cette violence ne cesse d'augmenter. Sachez que je suis de tout cœur avec vous. Ma conjointe, qui est enseignante, me raconte chaque semaine des histoires d'horreur. Elle enseigne au primaire. Des travailleurs sociaux et des enseignants se font mordre ou frapper. Il semble y avoir un important problème de société. Vous parlez tous de la nécessité d'informer les gens ou, peut-être, de mieux les encadrer et les sensibiliser à cette situation problématique. C'est ce que je veux aborder avec vous.
    Que pouvons-nous faire? Quelles sont les causes profondes du problème? Pourquoi les gens deviennent-ils plus violents envers le personnel de la santé, peu importe le poste qu'occupe la personne, ainsi qu'envers les enseignantes et les enseignants? Ce phénomène, dans les hôpitaux, est-il dû à l'attente, au fait que les gens attendent trop longtemps? Est-ce l'accès aux soins, le nombre insuffisant de médecins ou d'infirmières, un problème de santé mentale qui sont en cause? Comme vous travaillez dans ce domaine, j'aimerais entendre votre point de vue là-dessus. Mme Silas pourrait peut-être répondre en premier.
     Quelle est la cause profonde de l'augmentation de la violence?
    Cela est attribuable à une mauvaise dotation du personnel. Les pénuries de main-d'œuvre sont nombreuses. Même avant la pandémie, nous n'avions pas assez de personnel dans les unités où le besoin était important. Il faut mettre en place de meilleurs ratios patients-infirmières, il faut des ratios sécuritaires.
    Les autres témoins aimeraient peut-être répondre à la question. Je leur laisse la parole.

[Traduction]

    Ce que nous avons constaté, entre autres, dans notre recherche, c'est qu'un nombre important de signalements de violence et d'agressions concernent des personnes dont les problèmes de santé mentale ou de toxicomanie sont identifiés comme étant leur principal problème, d'après le code attribué. Autrement dit, les services offerts aux personnes dans ces situations sont inadaptés. Elles font donc des crises qui entraînent des interactions avec notre personnel de sécurité publique et notre personnel infirmier. Nous devons consacrer plus de temps et d'énergie à la prise en charge de ces êtres humains.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    La dernière question revient à M. Garrison.

  (1730)  

    Je vous remercie.
    Je présume que je dois m'assurer que Mme Thomsen s'exprime sur cette dernière question, car je pense qu'elle est importante, et nous avons d'ailleurs entendu des propositions importantes.
    À mon avis, le problème tient également aux établissements eux-mêmes. Des patients souffrant de troubles mentaux passent parfois des journées entières sur des brancards sous les comptoirs éclairés de services d'urgence très occupés. Nous n'avons même pas assez de lits ou de personnel. Des patients atteints de troubles mentaux sont gardés plus longtemps que la loi ne le permet, en isolement, parce qu'il n'y a pas de lits à leur attribuer. Je pense que l'ensemble du système est à revoir.
    Il nous faut un personnel suffisant en Colombie-Britannique. Nous venons d'obtenir des ratios personnel-patients, mais ces ratios n'arrivent jamais assez vite. Il faut, selon moi, que le gouvernement réfléchisse à des moyens d'inciter les gens à venir travailler dans le système de santé. Comment allons-nous aider à constituer notre propre effectif et régler nos problèmes, qu'il s'agisse du personnel infirmier, des ambulanciers paramédicaux ou des médecins? Comment allons-nous créer cet effectif au Canada?
    Je sais que j'arrive à la fin de mon temps de parole.
    Permettez-moi de remercier de nouveau les témoins d'avoir si bien représenté leurs membres, autant les ambulanciers paramédicaux que le personnel infirmier, et d'avoir fait en sorte que nous accordions notre attention sur ce sujet. Je sais que vous travaillez dessus depuis longtemps. Ce n'est pas nouveau, mais nous vous sommes certainement reconnaissants du travail que vous accomplissez.
    Je remercie tous les témoins de leur présence cet après-midi.
    Chers collègues, je vous remercie.
    Voilà qui clôt l'après-midi. Je vous souhaite à toutes et à tous un très bon jeudi. Nous nous reverrons mardi prochain. Merci beaucoup.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU