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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 085 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 28 novembre 2023

[Enregistrement électronique]

  (1535)  

[Traduction]

    La séance est ouverte. Bienvenue à la réunion no 85 du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes.
     Conformément à l'ordre de renvoi adopté par la Chambre le 21 juin 2023, le Comité poursuit son étude du projet de loi C-40, Loi modifiant le Code criminel, d'autres lois en conséquence et abrogeant un règlement, qui porte sur l'examen des erreurs judiciaires.
     La réunion d'aujourd'hui se déroule en mode hybride, conformément à l'ordre adopté par la Chambre le 23 juin. Les députés peuvent assister en personne ou à distance, par l'entremise de l'application Zoom.
     Je constate que les témoins que nous accueillons pour la première heure sont tous présents par Zoom. Je vais donc donner quelques consignes. Veuillez attendre que je vous reconnaisse avant de prendre la parole. Cliquez sur l'icône du microphone pour l'activer, et veuillez le mettre en sourdine lorsque vous ne parlez pas. En ce qui concerne l'interprétation, pour ceux qui utilisent Zoom, vous avez le choix en bas de votre écran entre la langue originale, l'anglais ou le français.
     Pour ceux qui sont dans la salle, vous pouvez utiliser l'écouteur et sélectionner le canal désiré. Je vous rappelle enfin que vous devez toujours vous adresser à la présidence. Les députés qui sont présents dans la pièce doivent lever la main pour demander la parole.
     J'ai des cartes pour vous faire des signaux. Je sais que c'est difficile lorsqu'un intervenant est en pleine envolée oratoire, mais je montrerai la carte des 30 secondes lorsqu'il restera 30 secondes et la carte du temps écoulé lorsque le temps sera écoulé. Si l'intervenant peut conclure en quelques secondes, je le laisserai continuer, sinon, je devrai l'interrompre. Ne vous en formalisez pas. Malheureusement, c'est ainsi que les choses fonctionnent ici.

[Français]

    J'informe les membres du Comité que tous les témoins qui sont ici cet après-midi ont réussi les tests sonores requis.
    Merci beaucoup, tout le monde.
    Sans plus tarder, je souhaite la bienvenue aux témoins qui participent à notre étude sur le projet de loi C‑40.
    Nous recevons M. Neil Wiberg, avocat, qui comparaît par vidéoconférence et à titre personnel; Mme Nyki Kish, directrice générale adjointe de l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry; et M. Tony Paisana, ancien président de l'Association du Barreau canadien.

[Traduction]

     Vous disposez d'au plus cinq minutes pour votre déclaration préliminaire. Nous passerons ensuite aux questions des députés.
     Je demande à M. Wiberg de bien vouloir commencer.
     La parole est à vous.
     Je m'appelle Neil Wiberg. C'est un honneur de comparaître devant vous.
     Permettez-moi de vous donner quelques renseignements généraux à mon sujet. J'ai été admis au barreau de l'Alberta en 1984, j'ai été nommé conseil de la Reine en 2006 et je suis passé au barreau de la Colombie-Britannique en 2018. J'aimerais dire aussi que lorsque je travaillais au bureau de Kamloops, j'étais substitut du procureur général de la Couronne. Ce fut un honneur pour moi de travailler avec Frank Caputo, l'un des procureurs de notre bureau. C'était un excellent procureur.
    M. Caputo m'a d'abord demandé de parler de la fréquence à laquelle nous recevons ce type de rapports de la part du ministre. Dans ma carrière, je n'en ai vu qu'un seul depuis 1984, et c'était en fait l'année dernière. Il s'agissait d'un cas en Colombie-Britannique, à Kamloops, où un homme avait été condamné pour meurtre au premier degré.
     Il s'avère que la science de la noyade et de l'hypothermie avait évolué et que de nouvelles données probantes fournies par de nouveaux médecins légistes remettaient en question la condamnation pour meurtre au premier degré. Il ne fait aucun doute que l'accusé avait commis une agression sexuelle et tué la victime, mais il aurait dû être accusé d'homicide involontaire plutôt que de meurtre. Le ministre a produit le rapport et la Cour d'appel a renversé la décision et suspendu l'accusation de meurtre.
     Je n'ai vu qu'un seul cas dans ma carrière, tant en Alberta qu'en Colombie-Britannique.
     J'aimerais dire également que depuis le début de ma carrière, plusieurs mesures que j'estime très positives ont été prises et ont eu pour effet de réduire les risques de condamnations injustifiées.
     Tout d'abord, il y a la communication de la preuve. Au début de ma carrière en 1984, tout ce qui était fourni à la défense était le casier judiciaire de son client, sa déclaration et un résumé des faits. Rien d'autre n'était communiqué. Les déclarations des témoins n'étaient pas communiquées. Les rapports de police n'étaient pas communiqués. Les notes des policiers n'étaient pas communiquées. Si la consultation de ces documents avait révélé sans équivoque des opinions préconçues, la défense n'en aurait eu aucune idée et ne les aurait pas vus.
     Dans des affaires comme Morin, Marshall et Milgaard, il n'y avait pas de communication de la preuve à l'époque. L'arrêt Stinchcombe, rendu en 1991 et ordonnant la communication de tous les documents pertinents, est très, très utile.
     Deuxièmement, l'ADN a vraiment changé la donne et, à mon avis, a réduit le nombre de condamnations injustifiées éventuelles. L'ADN ne permet pas seulement de condamner des individus, mais aussi de les exonérer.
    À Lac La Biche, j'ai eu un dossier très solidement étayé par des preuves circonstancielles, dans lequel des cheveux constituaient une pièce à conviction. Je pensais qu'il y avait des motifs raisonnables et probables de porter une accusation de meurtre, mais les policiers sont venus me voir et m'ont dit qu'on pourrait y trouver de l'ADN, pas de l'ADN nucléaire que nous connaissons, mais de l'ADN mitochondrial. La victime avait des tiges de cheveux dans les mains. De même, dans le cadre d'un mandat général, on avait prélevé des cheveux du prévenu potentiel. L'ADN mitochondrial ne pouvait pas être analysé au Canada, mais il pouvait l'être en Caroline du Nord.
     En tant que procureur chargé du dossier, j'ai dit: « Cette pièce doit être analysée, envoyez l'ADN en Caroline du Nord ». Les échantillons ont été envoyés en Caroline du Nord et sont revenus sans correspondance. Pensez‑y. Cet homme a été incommodé 15 minutes pendant qu'on prélevait un échantillon d'ADN, et il s'est avéré qu'il n'a jamais été inculpé parce que l'ADN ne correspondait pas. À mon avis, l'acceptation de l'ADN en tant que science, le régime des mandats de prélèvement d'ADN et la banque de données génétiques ont grandement contribué à réduire les risques de condamnations injustifiées.
     Troisièmement, les caméras sont partout aujourd'hui, de sorte qu'il n'est pas toujours nécessaire de s'en remettre à des témoignages oculaires. L'omniprésence des caméras est très utile pour engager des poursuites et découvrir la vérité. Je me suis occupé d'une triste affaire à Edmonton où une femme de 80 ans avait été renversée par un autobus municipal. Nous soupçonnions le chauffeur de l'autobus d'avoir parlé sur son téléphone cellulaire. La vidéo montrait clairement que la femme avait traversé la rue au passage pour piétons et qu'elle avait attendu que le feu s'allume.
    Je mentionnerais également que les séances d'identification photographique ont changé et que les dénonciateurs sous garde ne sont que rarement utilisés désormais. C'était un gros problème. De plus, des provinces ont adopté des règles contre les opinions préconçues.

  (1540)  

    J'étais le procureur dans l'affaire Mayerthorpe. J'ai passé deux ans à donner aux policiers des avis préalables à l'inculpation. Une fois les accusations portées, je n'étais plus le procureur, parce que...
    Je vous remercie.
     ... pour éviter les opinions préconçues, quelqu'un d'autre est intervenu.
    Je terminerai sur ce point: nous avons entendu James Lockyer et d'autres personnes comme lui à nos conférences, et ils étaient...
    Pourquoi ne garderiez-vous pas ce point pour la période de questions?
     Permettez-moi de donner la parole à Mme Kish.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup.
    Merci, mesdames et messieurs, de m'avoir invitée à me joindre à vous.
     Depuis 1978, l'ACSEF est la principale organisation nationale qui soutient les femmes et les personnes de diverses identités de genre à toutes les étapes de leur participation au système judiciaire. Nous effectuons des visites mensuelles dans les pénitenciers fédéraux pour femmes. Nos 22 sociétés Elizabeth Fry à l'échelle nationale offrent une gamme de services en prison et dans la communauté, y compris l'exploitation de maisons de transition, le soutien devant les tribunaux, les programmes de déjudiciarisation et j'en passe.
    Grâce à ce travail, nous connaissons de près les personnes concernées par ce projet de loi. Nous accueillons favorablement le projet de loi C-40, mais nous vous mettons en garde que des amendements sont nécessaires pour garantir que la Loi puisse apporter une réponse adéquate aux erreurs judiciaires.
     La plupart des femmes et des personnes de diverses identités de genre qui sont incarcérées sont extrêmement défavorisées. Le système est en crise, la moitié des femmes incarcérées étant Autochtones. Une grande attention a été portée aux facteurs systémiques et sociaux qui font que des femmes et des personnes de diverses identités de genre sont condamnées à tort. Le système judiciaire repose sur sa capacité à être juste, mais nous postulons qu'à l'heure actuelle, les erreurs judiciaires pour les populations que nous servons sont systémiques. Cela est dû en partie aux conditions déplorables qui règnent dans nos prisons provinciales, caractérisées par des confinements en cellule fréquents, l'isolement, une alimentation de mauvaise qualité, des soins de santé lamentables et très coûteux, un accès restrictif à la famille, et j'en passe.
    Nombre d'entre elles nous révèlent que devant le risque de perdre leurs enfants, leur emploi et leur logement, elles plaident coupables, qu'elles le soient ou non, afin d'être libérées plus rapidement. De notre point de vue, la négociation d'un plaidoyer de culpabilité est une expérience très courante. Les personnes prennent les meilleures décisions possible devant un choix forcé, où aucune issue n'est favorable. Nous recevons presque constamment des demandes d'aide pour faire annuler des condamnations. Beaucoup nous racontent que leurs anciens avocats les ont découragées de faire appel et les ont souvent encouragées à plaider coupables dès le départ. Nous orientons ces personnes vers des projets Innocence et nous observons le long processus se dérouler. Souvent, nous les voyons renoncer.
     La pression de la culpabilité ne s'arrête pas au verdict pour les personnes condamnées à tort. Après le prononcé de la sentence, les femmes et les personnes de diverses identités de genre qui maintiennent leur innocence subissent de nombreux châtiments et exclusions, parce qu'on estime qu'elles n'assument pas leur responsabilité. Cela commence par le refus d'accès aux programmes correctionnels de base qui précède l'accès à toute une série de programmes et de services supplémentaires et qui est une exigence pour passer à des classifications de sécurité moins restrictives.
     L'accès à une grande partie des éléments nécessaires pour survivre à l'incarcération — les visites des membres de sa famille, l'accès au travail et aux études et l'accès au processus législatif de libération progressive — est considérablement restreint pour les personnes qui maintiennent leur innocence, puisqu'on les laisse dans des classifications de sécurité plus élevées. En outre, comme la plupart des processus d'aide ne sont approuvés que sous condition, les responsables des prisons doivent procéder à des évaluations pour chaque décision. Les facteurs principaux sont le niveau de prise de responsabilité et l'adaptation à l'établissement dont une personne fait preuve. Il est très difficile d'être évaluée comme « s'adaptant bien » dans un établissement lorsque vous ne pouvez pas participer à ses programmes. Il devient pratiquement impossible de vivre une expérience positive en prison et de se réinsérer dans la société dans le cadre de la mise en liberté sous condition. Les personnes incarcérées sont poussées à reconnaître leur culpabilité afin de naviguer dans le système, car si elles maintiennent leur innocence, elles s'exposent à une version de l'incarcération plus sévère, ce qui augmente le risque d'effets chroniques néfastes sur la santé mentale et physique et d'institutionnalisation.
     Nous avons soumis un mémoire connexe dans lequel nous mettons l'accent sur les amendements qui garantissent que les demandeurs incarcérés ne soient pas punis pour avoir cherché à obtenir réparation. Nous y souscrivons à l'amendement clé présenté par le projet Innocence de l'UBC visant à légiférer la possibilité d'une révision exceptionnelle lorsque les appels n'ont pas été épuisés, et à légiférer des délais définis associés à la commission. Il n'y a peut-être rien de plus important que de souligner les conséquences irréversibles sur le parcours de vie des personnes condamnées à tort.
     À l'heure actuelle, il faut des années ou, plus fréquemment, des décennies pour renverser des condamnations injustifiées, et la vie n'est simplement pas si longue. Nous sommes témoins des pertes cumulées subies, surtout par les personnes condamnées à des peines longues ou à perpétuité — la perte de santé mentale et physique, la perte de liens familiaux et sociaux. Le temps est une ressource irrécupérable qu'on leur enlève, et nous ne pensons pas souvent aux coûts qui y sont associés: la perte de jalons et de rites de passage...

  (1545)  

[Français]

    Madame la présidente, il y a un problème relativement à l'interprétation.

[Traduction]

    Permettez-moi de vous interrompre un instant. Apparemment, nous avons des difficultés dans la salle où il n'y a pas d'interprétation. Attendez un instant, s'il vous plaît.

[Français]

    Nous avons l'habitude de ce genre de problème. On pourrait simplement dire qu'il s'agit d'un problème parlementaire.
    Je vous entends bien maintenant.
    D'accord, merci.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Je vous remercie.
     Le temps est une ressource irrécupérable qu'on leur enlève, et nous ne pensons pas souvent aux coûts qui y sont associés: la perte de jalons ou de rites de passage, mais nous voyons de nombreuses femmes et personnes de diverses identités de genre perdre leurs années de procréation à cause d'erreurs judiciaires. Elles perdent l'amour, les mariages, les divorces, les carrières et les changements de carrière. Voilà ce qu'on leur dérobe, et voilà ce dont la vie est faite, et nous n'avons qu'une vie.
     L'adoption des amendements proposés dans notre mémoire et des amendements proposés par nos collègues apportera un avantage matériel et significatif aux objectifs de la justice et à des institutions canadiennes sûres et équitables.
     Je suis impatiente de répondre à vos questions.
     Je vous remercie de votre attention.

  (1550)  

    Merci infiniment.
     Je demande maintenant à M. Paisana de bien vouloir faire sa déclaration.
     Je vous remercie de m'avoir invité à présenter le point de vue de l'ABC sur le projet de loi C-40. Je suis l'ancien président de la Section du droit pénal nationale. Je travaille avec le projet Innocence de l'UBC depuis 10 ans et je donne un cours sur la prévention des condamnations injustifiées à la faculté de droit de l'Université de la Colombie-Britannique.
     Comme vous le savez, l'ABC est une association nationale qui regroupe plus de 37 000 avocats, étudiants, notaires et universitaires. Un aspect important de notre mandat consiste à chercher des façons d'améliorer le droit et l'administration de la justice. C'est ce qui nous amène ici aujourd'hui. La Section du droit pénal nationale, qui comprend à la fois des procureurs de la Couronne et des avocats de la défense, a préparé notre mémoire.
     L'ABC souscrit au projet de loi C-40 et propose quelques suggestions d'amélioration, dont deux que je mettrai en évidence dans mes observations. Auparavant, je tiens toutefois à exprimer notre soutien sans équivoque à certains éléments du projet de loi C‑40.
    Pendant des décennies, les avocats et d'autres intervenants ont composé avec un système de révision après condamnation lent et difficile à naviguer. Le projet de loi C-40 représente un changement radical dans la manière dont le travail de révision après condamnation sera effectué dans ce pays. Il s'agit d'un changement bienvenu qui, nous l'espérons, permettra de corriger les erreurs judiciaires et, surtout, de les corriger plus rapidement.
    Nous espérons que la création d'une commission indépendante améliorera la transparence et l'efficacité de la révision après condamnation. En particulier, nous souscrivons à la nouvelle norme de révision prévue dans le projet de loi C-40. La norme actuelle, selon laquelle il doit exister des motifs raisonnables de conclure qu'une erreur judiciaire s'est probablement produite, est lourde, difficile à appliquer et soustrait de nombreuses condamnations injustifiées potentielles au champ d'application de la révision. La nouvelle norme des « motifs raisonnables de conclure » résout ces problèmes et constitue une évolution bienvenue.
    De plus, nous applaudissons à l'inclusion explicite par le gouvernement fédéral des affaires posthumes dans le mandat de la commission. Les condamnations injustifiées affectent non seulement l'accusé, mais sa famille, ses amis et l'ensemble de la communauté. Le fait de permettre une révision à titre posthume offre aux personnes touchées par une condamnation injustifiée la possibilité d'obtenir réparation.
     En ce qui concerne les améliorations, notre mémoire expose certains de ces domaines. Nous souscrivons à certaines suggestions faites par d'autres témoins, et je soulignerai deux points, comme je l'ai dit. Premièrement, comme on peut le lire dans notre mémoire, nous souscrivons à l'inclusion dans le Code criminel d'un nouveau motif d'appel pour condamnation dangereuse. L'étape la plus importante et la plus immédiate pour corriger une erreur judiciaire est le recours à la Cour d'appel. En effet, pour la grande majorité des accusés, il s'agit de l'instance de dernier recours. Cependant, la Cour d'appel est un tribunal créé par la loi, ce qui signifie qu'elle est explicitement limitée par le Code criminel. Lorsque la Cour est confrontée à une affaire qui n'atteint pas le seuil exceptionnellement élevé du verdict déraisonnable, elle ne peut pas intervenir même s'il existe un doute latent quant à la culpabilité de l'accusé.
     Dans ce contexte, il n'est pas surprenant que bon nombre des condamnations injustifiées les plus tristement célèbres du Canada aient fait l'objet d'appels infructueux, parfois à plusieurs reprises. En effet, une étrange histoire fait que certaines affaires d'appel au Canada sont liées à des condamnations injustifiées. L'affaire la plus importante en matière de verdict déraisonnable est l'affaire Yebes, une erreur judiciaire récente en Colombie-Britannique, une condamnation pour meurtre qui a été annulée près de 40 ans après les faits.
     L'un des arrêts faisant jurisprudence sur la confrontation de témoins hostiles, l'arrêt Milgaard, est l'éponyme de ce projet de loi. En rejetant l'appel de M. Milgaard en 1971, la Cour d'appel de la Saskatchewan a déclaré que l'on pouvait conclure à juste titre que la preuve justifiait le verdict, c'est‑à‑dire qu'il pouvait s'agir d'une « possibilité » plutôt que d'une « évidence ». Comme vous levoyez, la norme de la « possibilité » est peu exigeante dans le cadre d'une révision en appel, et il existe un devoir de prévenir les condamnations injustifiées à chaque étape du processus, y compris explicitement en appel, et la modification du Code criminel pour ajouter le motif d'un verdict dangereux permettrait de résoudre ce problème.
     Notre deuxième domaine d'amélioration concerne les critères d'admissibilité à la commission. Nous nous faisons l'écho des préoccupations que d'autres ont exprimées, à savoir que l'exigence d'une décision définitive en appel risque de créer un obstacle important à la découverte de condamnations injustifiées. Par exemple, les personnes qui enregistrent un faux plaidoyer de culpabilité devront passer par le processus compliqué et délicat d'une tentative d'annulation du plaidoyer. Il est fort probable qu'ayant plaidé coupables, ces personnes soient mal renseignées, intimidées par le processus judiciaire et, par ailleurs, désavantagées pour naviguer dans le régime d'appel. Ne vous y trompez pas, interjeter appel est complexe et nécessite une certaine expertise.
     La condamnation injustifiée d'Ivan Henry est un exemple poignant de ce que cet obstacle pourrait entraîner. Il avait été déclaré coupable en 1982 et désigné comme délinquant dangereux. Sans avocat, il a déposé de nombreuses requêtes et a échoué auprès de diverses instances et de ministres chargés de revoir sa condamnation. En 1984, son appel a été rejeté pour défaut de poursuite, parce qu'il n'avait pas déposé les transcriptions. Il n'a jamais obtenu d'appel et n'a jamais eu de jugement définitif. Il serait donc inadmissible au régime actuel.
     À mon avis, il s'agit là d'un problème qui devrait être corrigé par un simple amendement traitant un accusé qui n'a pas eu d'appel de la même manière qu'un accusé qui l'a fait, mais sans se rendre jusqu'à la Cour suprême du Canada, c'est‑à‑dire une analyse pondérée où le fait qu'il n'ait pas interjeté appel n'est qu'un des facteurs pour déterminer l'admissibilité.
     La loi en vigueur prévoit ce même processus pour une personne qui n'a pas demandé l'autorisation d'en appeler auprès de la Cour suprême du Canada, et il n'y a aucune raison pour que cette possibilité ne soit pas offerte aux accusés qui n'ont pas interjeté appel.
     Voilà les observations que je voulais faire.

  (1555)  

    Je vous remercie de votre attention.
    Merci beaucoup.
     Nous allons commencer nos séries de questions. Les députés disposent de six minutes chacun.
     Nous commençons par M. Moore.
    Merci, madame la présidente.
     Je remercie tous nos témoins d'avoir accepté de comparaître aujourd'hui et de nous avoir exposé leur point de vue sur ce projet de loi.
     Monsieur Wiberg, vous sembliez être sur le point de conclure vos observations. Je ne dispose que de six minutes, mais je vous accorde une trentaine de secondes pour conclure vos réflexions.
    J'allais simplement dire que c'est le rôle d'un service des poursuites de s'assurer que tous les procureurs sont conscients des condamnations injustifiées. Lorsque j'étais en Alberta, nous avons reçu James Lockyer comme conférencier d'honneur. Il a fait pour nous tous l'historique des condamnations injustifiées et des problèmes dont la Couronne devrait être à l'affût. Je pense que c'est l'une des obligations d'un service des poursuites.
     Par ailleurs, par suite des travaux du comité Sophonow, notre direction a apporté des modifications aux séances d'identification photographique, sur la base de recherches scientifiques, sur l'utilisation déconseillée des dénonciateurs sous garde qui ne sont presque jamais utilisés parce qu'ils sont très dangereux et contribuent à des condamnations injustifiées, ainsi que sur les règles relatives aux opinions préconçues.
     Je vous remercie.
    Merci, monsieur.
    Frank Caputo ne peut être présent aujourd'hui, mais je lui transmettrai vos commentaires.
    Oui.
    Il appréciera tout ce que vous avez dit, c'est certain.
     J'aimerais savoir si vous avez une idée du seuil proposé dans le projet de loi C-40, qui passe des motifs raisonnables de conclure qu'une erreur judiciaire s'est « probablement » produite à des motifs raisonnables de conclure qu'une erreur judiciaire « a pu être » commise.
    On pourrait penser que de nombreux condamnés estiment qu'ils ne devraient pas être là et qu'il est injuste qu'ils soient là, mais lorsque nous nous penchons sur l'innocence factuelle, comme vous l'avez évoqué dans une partie de vos observations, nous disposons aujourd'hui d'outils qui n'étaient pas disponibles il y a 10 ans, et certainement pas il y a 20 ou 30 ans.
     Avez-vous une idée sur ce seuil? C'est un seuil considérablement plus bas que le seuil actuel et que celui en vigueur au Royaume-Uni.
    Pour les procureurs comme pour les avocats de la défense, une erreur judiciaire est la pire chose qui puisse arriver. Je suis d'accord avec mon ami de l'Association du Barreau canadien sur la norme recommandée par l'ABC. J'y souscrirais et je la recommanderais également.
    Très bien.
     Madame Kish, vous avez parlé d'une erreur judiciaire. Comment définissez-vous cette expression? Nous avons entendu des témoignages très variés de personnes qui ont comparu devant nous. Certains témoins veulent presque mettre l'ensemble du système dans le même panier, laissant entendre qu'il ne peut y avoir de condamnations légitimes dans notre système. D'autres disent que la révision des condamnations injustifiées devrait se concentrer sur les personnes qui n'ont effectivement pas commis de crime, et que nous devrions rechercher le véritable auteur du crime une fois que la procédure est terminée.
     Selon vous et selon la société Elizabeth Fry, quelle est l'importance de l'innocence factuelle pour décider d'annuler une condamnation?
    Je vous remercie, c'est une excellente question.
    Au sein de notre organisation, nous passons beaucoup de temps à parler des condamnations injustifiées, des condamnations excessives, de la discrimination systémique et, bien sûr, de tous les facteurs sociétaux généraux qui mènent les gens sur la voie de l'incarcération, alors que nous pensons que la solution de rechange viable est une réponse de la communauté à ce qui s'est passé.
    En ce qui concerne ce projet de loi, dans le projet de loi C-40, nous voyons un très grand nombre de femmes et de personnes de diverses identités de genre. Je veux dire que nous parlons d'une population dont le niveau de scolarité moyen, au moment de la condamnation, est un secondaire I. Ces personnes sont très peu renseignées sur les processus judiciaires dans lesquels elles sont entraînées. Si l'on ajoute à cela les conditions de détention avant le procès, nous constatons que cela mène ces personnes à plaider simplement coupables ou, à la base, à ne pas comprendre les procédures qu'elles subissent. Nous voyons beaucoup de personnes que nous croyons être innocentes dans les faits, et nous en voyons beaucoup d'autres qui, à notre avis, reçoivent des condamnations ou des peines d'emprisonnement trop sévères.

  (1600)  

     Qu'entendez-vous précisément par des condamnations ou des peines d'emprisonnement trop sévères? D'autres témoins nous en ont parlé. Voulez-vous dire que si un groupe est surreprésenté et qu'une personne fait partie de ce groupe, cela devrait être un motif suffisant pour conclure qu'elle a été condamnée injustement, même si en fait elle a commis le crime pour lequel elle a été inculpée et condamnée?
    Il s'agit plutôt de personnes qui, peut-être dans l'exemple qui a été cité plus tôt, seraient plus factuellement déclarées coupables d'un crime moins grave, mais qui, en raison d'une faible culture juridique ou d'un accès insuffisant à un avocat compétent à cause d'une discrimination systémique, reçoivent des condamnations qui ne sont pas proportionnelles aux activités auxquelles elles se sont livrées.
    Merci beaucoup.
     Monsieur Mendicino, la parole est à vous.
    Je tiens à remercier nos trois témoins pour leurs déclarations et leurs activités de représentation au sein du système judiciaire.
     Je pense que l'un des thèmes qui ressort de vos observations est qu'il est absolument nécessaire de veiller à réduire, à défaut d'éradiquer, les erreurs judiciaires et les condamnations injustifiées. Il s'agit d'une responsabilité permanente qui incombe à tout officier de justice, en particulier aux membres du Service des poursuites pénales.
     Par ailleurs, je pense que les témoins ont cerné la raison d'être de ce projet de loi, soit de se concentrer sur les cas où, pour différentes raisons, des circonstances nécessitent un examen plus approfondi des détails.
     J'ai été très sensible aux préoccupations que les témoins ont exprimées en ce qui concerne les retards dans les tribunaux, surtout dans le système d'appel; à certaines façons nouvelles de déterrer des preuves qui n'étaient peut-être pas disponibles auparavant; aux percées technologiques qui nous aident à mieux comprendre les preuves factuelles, démontrables, qui peuvent étayer une condamnation, ou un acquittement, d'ailleurs. Les conditions d'incarcération, sur lesquelles mon collègue, M. Moore, s'est un peu attardé, me semblent pertinentes dans la mesure où, si une personne a été condamnée à tort, elle peut vivre des conséquences très négatives qui peuvent changer sa vie injustement.
     Enfin, les défis que nos témoins, et d'autres nous ont exposés concernant la surreprésentation systémique des Canadiens racisés et des Autochtones sont de très bonnes justifications de l'importance de ce projet de loi.
     Dans le temps qu'il me reste, je voudrais demander si, en acceptant vos amendements, nous risquons de créer un processus parallèle qui pourrait être en concurrence ou en désaccord avec les voies d'appel établies. Je demanderai à n'importe lequel de vous trois de répondre à cette question.
     En particulier, je pense que M. Paisana ou M. Wiberg ont parlé des différents seuils qui justifient une révision en appel. Il me semble que l'essentiel de l'amendement que vous proposez vise à abaisser ce qui vous semble être une barre trop élevée dans les cours d'appel, en abaissant le critère d'examen dans ce projet de loi.
     Si j'ai mal compris, n'hésitez pas à me corriger.

  (1605)  

    Je serais heureux de répondre à cette question.
     Notre proposition concernant le verdict dangereux consiste à introduire un nouveau motif d'appel, et non à abaisser les seuils. Ce motif d'appel existe déjà au Royaume-Uni. Il comble une lacune dans notre processus d'appel actuel. Il n'existe aucun motif d'appel permettant de déterminer si une condamnation est dangereuse, à l'exception des erreurs judiciaires éventuelles.
    Le seul mécanisme est le motif d'appel pour « verdict déraisonnable », qui constitue un seuil exceptionnellement élevé. Tant que le verdict figure parmi ceux qui peuvent raisonnablement découler de la preuve, l'appel est rejeté. Cela signifie que dans une série d'affaires où un juge de la cour d'appel peut estimer que la condamnation est dangereuse, qu'il aurait prononcé un acquittement, il ne peut pas intervenir parce qu'une condamnation fait partie des verdicts raisonnables...
    Puis‑je approfondir la question? Je pense que nous touchons au cœur du problème.
     En fin de compte, si nous retenons cet amendement, nous élargissons les motifs d'appel prévus par la loi. Ce faisant, selon vos propres termes, et après vous avoir écouté attentivement, nous créons en fait une norme plus souple. Elle pourrait englober un plus grand nombre d'affaires qui ne sont pas actuellement couvertes par la loi. Ai‑je bien résumé?
    Je ne veux pas jouer sur les mots avec vous, monsieur le député, mais j'y vois plutôt une plus grande souplesse.
     Nous devons reconnaître que dans 99,9 % des cas, la Cour d'appel est l'instance de dernier recours. C'est l'instance qui devrait être dotée du plus grand nombre d'outils pour rectifier les condamnations injustifiées. Nous disons qu'une approche plus souple avec un motif de verdict dangereux offre ces outils.
    Je pense que nous sommes d'accord sur ce point, car c'est le mot que j'ai utilisé: « souple ». Cependant, si nous devions introduire ce critère, pensez-vous qu'en le faisant dans le cadre des droits d'appel déjà prévus par la loi, nous risquons de réduire le sous-ensemble d'affaires pouvant faire l'objet d'une procédure de révision spéciale, ce qui pourrait conduire à...
    Oui.
    ... une révision des condamnations injustifiées? J'essaie simplement de comprendre l'essentiel. Ai‑je bien compris?
    Oui.
     En fait, on saisirait par anticipation les condamnations injustifiées, ce qui créerait un processus plus rapide, plus équitable, sans recourir à ce processus spécial qui se déroule après coup. En réalité, vous conférez à la Cour d'appel le pouvoir de saisir les condamnations injustifiées avant qu'elles ne languissent pendant des années dans les limbes de la révision après condamnation.
    D'accord, j'y reviendrai peut-être au deuxième tour, si j'en ai le temps. Merci beaucoup.
    Je vous remercie.

[Français]

    Monsieur Fortin, vous avez maintenant la parole pour six minutes.
    Merci, madame la présidente.
    J'aimerais remercier les témoins d'être des nôtres. Leur participation à notre étude est importante, et elle devrait nous permettre de prendre de meilleures décisions.
    Moi aussi, je suis également préoccupé par la question du seuil, qui varie. On passe d'une erreur qui s'est probablement produite à une erreur qui a pu être commise. En toute logique, nous devrions donc avoir plus de recommandations en lien avec des mesures de redressement. Cependant, je crains que cela n'encombre l'administration de la justice. Nous pourrons y revenir plus tard.
    Présentement, le projet de loi prévoit de cinq à neuf commissaires, alors que le rapport de la commission proposait qu'il y en ait de neuf à onze.
    Certains témoins ont soulevé une certaine inquiétude quant au fait qu'il pourrait y avoir de cinq à neuf commissaires pour faire fonctionner le tout adéquatement. J'aimerais savoir ce que vous pensez de cela.
    Serait-il préférable que la nouvelle commission soit plus large, c'est-à-dire qu'elle compte plus de commissaires? Le fait d'avoir plus de commissaires pourrait aussi permettre de favoriser la diversité.
    Ma question s'adresse aux trois témoins. J'aimerais que Mme Kish y réponde en premier, puis nous passerons à MM. Wiberg et Paisana.

[Traduction]

    Je me disais simplement que, bien que je ne possède pas la compétence nécessaire pour comprendre la dynamique d'un nombre donné de commissaires, en réalité, nous voulons que la commission soit en mesure de réduire ce qui est, à l'heure actuelle, un délai inacceptable pour traiter les demandes. Les personnes qui peuvent déposer une demande en vertu de l'article 696 n'ont pas de délai pour l'examen ministériel. En outre, il faut parfois des années pour qu'un appel soit entendu. Comme je l'ai dit dans ma déclaration, après leur condamnation, de nombreuses personnes sont découragées d'interjeter appel. On leur dit qu'elles n'ont pas les motifs nécessaires, alors elles abandonnent leurs efforts pour interjeter appel. Il peut s'écouler 5 ou 10 ans avant que de nouvelles preuves ne fassent surface.
     Ce que nous voulons vraiment, ce sont des délais, des systèmes équitables de reddition de comptes prévus par la loi, de sorte que peu importe comment la commission fonctionnera, elle puisse être mesurée et augmentée au fil du temps afin d'être la plus réactive possible.

  (1610)  

[Français]

    Merci, madame Kish.
    Monsieur Wiberg, qu'en pensez-vous?

[Traduction]

    Je suis d'accord. L'important est que cela se fasse le plus rapidement possible. L'affaire de la Colombie-Britannique qui a été renvoyée par le ministre l'an dernier et dont j'ai parlé plus tôt est survenue par suite de nouvelles données scientifiques sur l'hypothermie et la noyade. L'homme avait été condamné à une peine d'emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle pendant 25 ans. Dès que ce rapport a été publié, le projet Innocence s'est penché sur le dossier et a estimé qu'il s'agissait probablement d'un homicide involontaire et non d'un meurtre au premier degré.
     À mon avis, plus tôt on s'occupera de cette question, mieux ce sera.

[Français]

    Le plus tôt serait le mieux, j'en conviens.
    Serait-il préférable que la nouvelle commission soit composée de cinq à neuf commissaires, comme il est proposé dans le projet de loi C‑40, ou qu'elle soit composée de plus de commissaires, soit de neuf à onze, par exemple?

[Traduction]

    Je crains de ne pas être un expert en la matière. Je vais au tribunal et je pilote régulièrement des procès en tant qu'avocat de la défense, en tant que procureur... Je dois avouer que je ne suis pas un expert en ce qui concerne le nombre de commissaires, donc je ne me prononcerai pas.

[Français]

    Merci, monsieur Wiberg.
    Monsieur Paisana, quelle est votre opinion sur la question?

[Traduction]

    À mon avis, ce qui est beaucoup plus important, c'est la désignation potentielle, dans l'article 696.74 proposé, de commissaires nommés à temps partiel. Je suis beaucoup plus préoccupé par le fait qu'il est question de commissaires à temps partiel que par leur nombre. J'aimerais voir des commissaires à temps plein. Je pense que cela illustre l'engagement nécessaire envers ce projet. Je pense qu'ils s'acquitteraient beaucoup plus facilement de la charge de travail qui entrerait en jeu, et je pense que c'est une considération bien plus sérieuse que l'écart entre 9 et 11. La question de savoir s'ils sont à temps plein ou à temps partiel est beaucoup plus importante, à mon avis..

[Français]

    Merci, monsieur Paisana.
    Je poursuis sur le même sujet. On sait qu'actuellement, le traitement des demandes peut prendre de 20 mois à 6 ans, ce qui est énorme. Je ne suis pas certain que ce que le projet de loi C‑40 propose va réduire les délais. Cela pourrait même les augmenter, d'autant plus qu'il sera désormais suffisant de démontrer qu'une erreur a pu être commise, plutôt qu'une erreur a probablement été commise, avant de faire des recommandations.
    Que pensez-vous de la question des délais? Y a-t-il un délai maximal que l'on devrait imposer pour réviser un dossier? Les délais actuels, qui sont de 20 mois à 6 ans, vous apparaissent-ils quand même raisonnables?

[Traduction]

    Le statu quo n'est pas raisonnable. C'est la principale raison pour laquelle ce projet de loi est présenté.
    À mon avis, il serait possible d'envisager un délai législatif. Je pense que la difficulté réside dans le fait qu'aucune affaire ne correspond exactement à un critère donné. Certains peuvent prendre plus de temps que d'autres. Je pense qu'il faudrait insister davantage sur l'affectation de ressources et le financement.
     Le projet de loi propose une structure très générale en ce qui concerne le processus décisionnel. Il ne définit pas vraiment le fonctionnement de la commission. Celui‑ci sera déterminé par les politiques et le financement. C'est la question clé qui déterminera la souplesse et la rapidité avec lesquelles cette organisation s'attaquera au problème. Si elle est sous-financée, il est certain que les problèmes s'aggraveront. Si elle est correctement financée, je suis convaincu que le processus gagnera en efficacité, qu'il y ait 9 ou 11 commissaires. C'est simplement que la question du financement ne peut pas être réglée à ce stade. Lorsqu'elle sera réglée, il est essentiel qu'un financement adéquat soit consacré à ce processus.
     Le 23 novembre, vous avez entendu un témoin qui en a parlé.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Garrison, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
     Je remercie tous les témoins d'être venus aujourd'hui.
     J'aimerais revenir à vous, madame Kish, sur la question des condamnations et des peines excessives. Lorsque vous parcourez le projet de loi, je me demande si vous pensez qu'il est clair que la détermination de la peine est liée aux erreurs judiciaires?
    Cela ne m'a pas semblé être un point saillant du projet de loi, non.
    Ce que vous nous dites, c'est qu'avec les clientes avec lesquelles vous travaillez assez souvent, il ne s'agit pas de culpabilité ou d'innocence, mais de l'application de la loi appropriée et de l'imposition d'une peine appropriée. Le défaut de le faire constitue une erreur judiciaire.

  (1615)  

    Je pense que nous voyons vraiment trois expériences dominantes. La première est celle des condamnations injustifiées dans les faits en cas d'infractions graves. C'est particulièrement vrai pour les femmes et les personnes de diverses identités de genre condamnées à l'emprisonnement à perpétuité. Ensuite, au plan individuel, il s'agit surtout des condamnations de type « ayant participé à » dans lesquelles nous considérons que les motifs de la condamnation sont très faibles. Ensuite, une multitude de personnes enregistrent un plaidoyer de culpabilité pour des délits mineurs et ont très peu de connaissances juridiques. Elles acceptent simplement les accusations ou les condamnations pour recouvrer leur liberté le plus rapidement possible.
     Dans les deux premiers cas dont je viens de parler, je pense que nous pourrions considérer qu'il s'agit de personnes surcondamnées. Des personnes se voient infliger une peine d'emprisonnement à perpétuité pour avoir été présentes, alors que si elles avaient été convenablement représentées, elles auraient été disculpées ou auraient peut-être été condamnées pour homicide involontaire.
    Pensez-vous que la création de cette nouvelle commission permettra de résoudre les problèmes que rencontrent les personnes qui purgent une peine pour obtenir la révision de leur condamnation?
    Je suis désolée pour le moment choisi — il vient de sortir aujourd'hui —, mais nous avons présenté un projet de loi qui traite vraiment de ce qui se passe après la condamnation. Nous préconisons des modifications corrélatives à la LSCMLC, parce que les organismes régis par cette loi, le Service correctionnel du Canada et la Commission des libérations conditionnelles du Canada, s'appuient actuellement à un tel point sur des considérations relatives au niveau de responsabilité que nous constatons que des personnes ont des raisons très solides et légitimes de renoncer à leurs revendications d'innocence et de naviguer dans le système pour avoir accès à la mise en liberté sous condition et aux services de réinsertion dans les prisons. Nous pensons qu'il s'agit d'un amendement qui pourrait renforcer considérablement le projet de loi et être utile.
    Je suis désolée d'être si longue, mais les mesures de soutien en établissement et à la réinsertion dans la communauté sont une priorité de ce projet de loi, et nous craignons que ces priorités ne veuillent rien dire si elles ne tiennent pas compte du système d'incarcération.
    Dans le contexte de cette recommandation, comment voyez-vous la relation entre la commission et d'autres commissions prévues par la loi comme la Commission des libérations conditionnelles ou les commissions prévues par la Loi sur les services correctionnels? Pensez-vous que la commission doit avoir le pouvoir de rendre des ordonnances ou de donner des avis? Comment voyez-vous cette relation?
    Je vous remercie pour cette question.
     Nous avons recommandé un amendement qui conférerait aux employés et aux commissaires le pouvoir de donner des directives et des orientations générales aux organismes régis par la LSCMLC. Comme les employeurs sont tenus de communiquer avec les demandeurs et les demandeurs potentiels et de veiller à leur éducation et à leur sensibilisation, nous voulons nous assurer que les détenus n'ont pas peur de le faire et que les employés et les administrateurs des prisons sont formés et informés des risques de condamnations injustifiées. Nous rêvons d'une modification corrélative à la LSCMLC qui interdirait expressément de punir les personnes qui demandent réparation. Puis, nous dirions qu'au minimum, les pouvoirs de donner des directives et d'éduquer seraient formidables.
    Je sais que vous vous êtes dite désolée d'être trop longue, mais je pense que vous soulevez un point très important.
    À quelle fréquence voyez-vous que cela touche les clientes avec lesquelles vous travaillez dans le système, que l'accès à des programmes leur est refusé parce qu'elles maintiennent leur innocence?
    Dans la plupart des cas.
     Nous travaillons très fort. Nous travaillons en étroite collaboration avec le Service correctionnel du Canada et la Commission des libérations conditionnelles pour faire de la sensibilisation. Il est certain que les cadres supérieurs connaissent les exigences législatives et constitutionnelles. Cependant, lorsqu'on arrive aux décideurs, les personnes qui rédigent les évaluations en vue d'une décision et qui accordent ou refusent aux détenus l'accès aux programmes, la sensibilisation et les directives sont nécessaires.
    Pensez-vous que ceux qui refusent l'accès à ces programmes ont l'impression d'appliquer la loi à la lettre?
    Si vous prenez les politiques du SCC et le cadre décisionnel de la Commission des libérations conditionnelles... Le cadre de la CLCC dépend moins des politiques. Presque toutes les décisions du Service correctionnel du Canada dépendent beaucoup du degré de responsabilisation. C'est l'organisme qui serait notre priorité.
     Oui, je crois qu'ils suivent simplement leur orientation stratégique.
    Je vous remercie.
     Madame la présidente, me reste‑t‑il du temps?
     Je pense que vous vous êtes tous dits favorables à la suppression ou à la modification de l'obligation d'épuiser les recours.
     Je vais m'adresser à M. Paisana à ce sujet.
    Serait‑il suffisant de créer une exception pour que la commission puisse examiner les affaires qui n'ont pas fait l'objet d'un appel, au lieu de supprimer complètement cette exigence?
    Vous disposez de 30 secondes.
    Notre réponse à cette question se trouve déjà dans le projet de loi.
     Le paragraphe 696.4(4) prévoit une exception pour les personnes qui n'ont pas interjeté appel devant la Cour suprême du Canada. Tout ce que nous suggérons, c'est d'étendre cette exception à ceux qui n'ont pas interjeté appel devant une instance d'appel.
     Vous envisagez déjà de le faire. Il s'agit simplement d'étendre l'exception à une situation analogue.

  (1620)  

    Merci beaucoup.
     Nous allons passer au deuxième tour. Nous aurons d'abord deux tours de quatre minutes chacun.
     Nous commençons par M. Van Popta.
    Merci à tous les témoins.
     Monsieur Paisana, vous avez entendu M. Wiberg souligner dans sa déclaration préliminaire certaines modifications substantielles apportées à la procédure pénale, notamment aux règles de communication de la preuve. Je pense qu'il a fait référence à l'arrêt Stinchcombe et aux outils scientifiques de pointe en matière de preuve génétique.
     À votre avis, y aura‑t‑il moins de condamnations injustifiées grâce à ces nouvelles règles et procédures? Je souligne que David Milgaard n'aurait jamais été condamné si nous avions disposé en 1970 de la technologie de l'ADN dont nous disposons 30 ans plus tard.
    Je suis fier d'être un avocat canadien. Je suis très fier de notre système judiciaire.
     Cependant, la vigilance nécessaire pour prévenir les condamnations injustifiées ne devrait jamais se relâcher. C'est la résistance institutionnelle à l'acceptation de l'idée d'une condamnation injustifiée qui engendre des condamnations injustifiées. Pendant de nombreuses années, nous avons pensé que la microscopie était une science très valable qui pouvait nous donner les mêmes garanties. Il s'est avéré que nous avions tort. Aujourd'hui, même l'ADN est remis en question dans certaines circonstances, en fonction de la sensibilité de la technologie et du type de correspondance établi. Cette vigilance est extrêmement importante.
     Bien que je sois fier d'être un avocat canadien dans notre système, nous devons toujours veiller à ce que nos processus ne souffrent pas — je ne veux pas parler d'« arrogance » — d'un excès de confiance.
     Je vais intervenir ici.
     Je ne voulais pas du tout suggérer que nous baissions la garde. Ma question était de savoir si, dans les faits, il y aura moins de condamnations injustifiées avec de nouvelles règles en matière de preuve.
    J'espère que ce sera le cas. Il est impossible de le dire, parce que les condamnations injustifiées seront plus nombreuses en raison de l'utilisation accrue de ces technologies, dans le sens où nous serons en mesure de les exposer davantage. De plus, le phénomène des « faux plaidoyers de culpabilité » est très nouveau pour nous. Nous nous attendons à ce qu'un grand nombre de condamnations injustifiées soient mises au jour grâce à ce processus.
     Bien que je sois optimiste en ce qui concerne la possibilité que ces technologies et ces progrès permettent d'éviter davantage de condamnations injustifiées, je ne suis pas en mesure d'affirmer que nous sommes en meilleure posture si nous ne sommes pas plus vigilants.
    Je vous remercie.
     Je vais changer de sujet.
     Vous avez témoigné devant la commission LaForme-Westmoreland il y a quelques années. À la page 121, vous déclarez, et je paraphrase, que vous ne croyez tout simplement pas que tous les détenus vont prétendre avoir été condamnés à tort.
     Nous avons posé une question similaire à M. Curtis, de la commission britannique. Je lui ai demandé ce qu'ils faisaient pour s'assurer que le système de réception des demandes ne soit pas engorgé par ce que j'appelle les demandes « de la dernière chance ».
    Je pense que la préoccupation est légitime, à savoir d'éviter que les vannes ne s'ouvrent et submergent le système, au risque d'occulter ceux qui en ont vraiment besoin.
     D'après mon expérience au sein du système pénitentiaire, la plupart des détenus de longue date en viennent à accepter leur condition. Les personnes qui accèdent à ces ressources semblent être celles qui se croient vraiment innocentes. À cet égard, et cela rejoint ce que Mme Kish a dit plus tôt, de nombreux participants à des projets Innocence ont maintenu leur innocence alors qu'ils étaient admissibles à une libération conditionnelle des années auparavant. Le principal obstacle à leur libération conditionnelle est l'aveu de leur culpabilité. Des gens passent 10 ou 15 ans de plus à purger leur peine en conséquence.
    Oui, je comprends.
     M. Curtis a dit que seuls 3 % réussissent — vous avez dit que 97 % sont déçus — et c'est ce qui me pousse à m'interroger sur le processus d'admission pour éviter qu'il ne s'engorge.
     Qu'en pensez-vous? Le ratio que vous anticipez est‑il de 3 % ou de 97 %?
    Il est impossible de le dire en raison du défi de communication que nous devons relever à ce stade. Il s'agit d'un nouveau système.
     La mesure dans laquelle il sera bien déployé dans les prisons pour les personnes qui en auront connaissance et la manière dont elles présenteront une demande sera le facteur déterminant de la difficulté à écarter les mauvaises demandes, à mon avis.
    Je pense qu'un processus de sélection à l'entrée est nécessaire, et le seul élément dans le projet de loi C-40 qui est assez solide est l'existence de nombreux critères qui devraient servir d'outil de filtrage pour certaines de ces demandes.
    Merci infiniment.
    Allez‑y, madame Brière.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Merci à tous les témoins d'être avec nous cet après-midi.
    Maître Paisana, le projet de loi prévoit qu'une fois l'analyse complétée, la nouvelle commission prenne une décision quand elle a des motifs raisonnables de conclure qu'une erreur judiciaire a pu être commise et qu'elle estime que cela servirait l'intérêt de la justice.
    Je m'interroge sur la pertinence d'avoir ajouté ce critère relatif à l'intérêt de la justice. Pensez-vous que cela pourrait désavantager certaines populations marginalisées?

  (1625)  

[Traduction]

    Je suis d'accord, si le point de vue est d'interpréter cette exigence d'une manière restrictive, ce qui est une interprétation possible, à mon avis.
    L'autre point de vue — et le projet de loi y fait quelque peu allusion — est l'idée que l'on peut avoir un cas limite, mais que les intérêts de la justice font franchir la clôture en tenant compte d'éléments comme les difficultés propres au demandeur, sa situation personnelle. Je pense en fait que cela peut fonctionner dans les deux sens.
     Dans la mesure où vous avez un cas qui pourrait être une condamnation injustifiée, mais dans lequel, pour une quelconque raison, l'intérêt public donne à penser qu'il ne devrait pas être révisé, je suis d'accord avec vous. Cela semble incompatible avec l'objet du projet de loi. C'est peut-être un élément qui relèvera de l'interprétation du projet de loi à l'avenir, mais il me semble que l'intérêt de la justice ne peut en aucun cas l'emporter sur le fait qu'il peut y avoir des motifs raisonnables de conclure qu'une erreur judiciaire s'est produite.

[Français]

    Dans quelles circonstances cela pourrait-il ne pas être dans l'intérêt de la justice?

[Traduction]

    C'est la partie qui me pose un problème, à savoir l'idée qu'il pourrait être contraire aux intérêts de la justice de revoir une condamnation pour laquelle il existe des motifs raisonnables de conclure à la possibilité d'une erreur judiciaire. C'est pourquoi je pense que, lorsque nous examinons les lois et leur interprétation, cela doit s'inscrire dans la structure même du projet de loi.
     Je pense que l'interprétation la plus probable de cette exigence, si elle est maintenue, est celle que j'ai évoquée plus tôt, à savoir que cela devrait effectivement être un attribut positif d'une demande, plutôt qu'un attribut négatif, si vous voyez ce que je veux dire.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Au paragraphe 696.5(1), on nomme les deux mêmes critères, mais on les présente comme étant des éléments d'une alternative en les liant par la conjonction « ou ». On dit que la nouvelle commission peut enquêter « [s]i elle a des motifs raisonnables de croire qu'une erreur judiciaire a pu être commise ou si elle estime que cela servirait l'intérêt de la justice ».
    Le pouvoir de mener une enquête devrait-il être obligatoire? Devrait-on plutôt dire que la nouvelle commission « doit » enquêter?
    De plus, pourquoi a-t-on présenté ces deux critères comme des éléments d'une alternative?

[Traduction]

    Je vais diviser votre question en deux.
     Je suis d'accord avec vous. Le paragraphe devrait stipuler « doit enquêter » et non « peut enquêter ». Je ne m'explique pas très bien la présence d'un élément discrétionnaire. L'objectif même de la norme est d'atteindre un seuil tel qu'un pouvoir soit déclenché.
     En ce qui concerne les voies exclusives, je pense qu'il est logique qu'il y ait une voie exclusive à ce stade du processus parce qu'il peut avoir des cas où il est dans l'intérêt de la justice de revoir le dossier, alors qu'à première vue, il ne semble pas qu'il y ait eu erreur judiciaire.
     Cela nous ramène à ce que nous appelons l'impasse de la révision après condamnation. Cette révision s'appuie souvent sur de nouveaux éléments importants, mais les détenus n'ont pas la possibilité d'enquêter sur ces éléments importants.
    Un aspect de l'affaire peut rendre une réponse impérative, mais vous ne pouvez pas atteindre le seuil des motifs raisonnables de croire parce que vous n'avez pas accès aux pouvoirs d'enquête. Par contre, au moyen du processus de l'intérêt de la justice pour parvenir à l'enquête, vous pouvez accéder à ces ressources de sorte que vous puissiez un jour arriver à une conclusion fondée sur de nouveaux éléments importants qui produisent le résultat ultime.
     C'est une voie distincte qui m'apparaît précieuse pour ceux qui se trouvent dans l'impasse, comme nous l'avons appelée, de la révision après condamnation.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Monsieur Fortin, vous avez la parole pour deux minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Monsieur Paisana, je voudrais parler de la question des droits d'appels épuisés. On dit dans le projet de loi que le demandeur devra avoir épuisé tous ses droits d'appel avant de demander une révision judiciaire, sauf si l'on parle d'un recours exercé devant la Cour suprême.
    J'aimerais savoir ce que vous pensez de cet aspect. Je vous cède le temps de parole qu'il me reste.

[Traduction]

    Nous sommes tout à fait d'avis que cette exigence obligatoire devrait être supprimée. La raison en est que la procédure d'appel est très lourde et qu'elle nécessite un degré élevé de sophistication et de connaissances spécialisées.
    Pour vous donner une idée de son fonctionnement, lorsqu'une personne interjette appel, elle doit déposer un avis d'appel, commander les transcriptions de l'audience qui sont pertinentes, puis déposer un mémoire. La Couronne doit répliquer, puis il y a une audience devant trois juges de la Cour d'appel. Dans le meilleur des cas, ce processus se déroule généralement dans un délai d'un an. Il nécessite souvent le soutien de l'aide juridique si la personne ne possède pas les connaissances voulues et si elle est sous garde. L'aide juridique a ses propres critères de mérite, et dans de nombreux cas, le programme n'est pas prêt à financer une action en justice si, à première vue, les motifs d'appel que la personne accusée peut réussir à rassembler n'en établissent pas le bien-fondé.
    Par conséquent, vous créez une situation où les gens, surtout ceux qui ont enregistré un faux plaidoyer de culpabilité, seront confrontés à des obstacles importants à l'intervention en appel, de sorte qu'ils seront complètement découragés de le faire, ou ne sauront pas comment le faire, et vous ne serez pas en mesure d'accéder à la commission après coup, parce que vous n'avez pas franchi cette étape.

  (1630)  

[Français]

    Merci, monsieur Paisana.
    Il ne reste que quelques secondes. Ne craignez-vous pas qu'en éliminant cette exigence, la nouvelle commission soit débordée en raison de multiples demandes et que les gens présentent des demandes de révision plutôt que d'interjeter appel?

[Traduction]

    Je vais vous renvoyer au fait que cela semble être envisagé dans le projet de loi. Si vous prenez l'un des facteurs pertinents pour l'acceptation et la décision définitive, on voit à l'alinéa 696.6(5)c) que « la demande ne doit pas tenir lieu d'appel ultérieur ». Je dirais que cela inclut un appel en première instance. Le fait que la personne n'a pas interjeté appel devrait être un facteur pertinent. Il doit être pris en compte dans l'analyse. Tout ce que nous disons, c'est qu'il ne doit pas être déterminant. Dans certains cas, il conviendra de ne pas obliger la personne à passer par la procédure d'appel.
    Je vous remercie.
    Pour notre dernière série de questions, je cède la parole à M. Garrison.
    Comme je n'ai que deux minutes, je vais me concentrer sur quelques éléments qui ne figurent pas dans le projet de loi, sauf erreur.
     Nous avons parlé du fait qu'une erreur judiciaire découle parfois de facteurs systémiques, et le projet de loi ne semble comporter aucun élément qui permettrait à la commission de recommander à la Commission de réforme du droit, au Parlement ou à qui que ce soit d'autre un moyen de corriger ces facteurs.
     Deuxièmement, dans le cadre d'une enquête sur une erreur judiciaire, si la commission constate un manquement au devoir, une intention malveillante ou une autre faute professionnelle, elle n'a pas le pouvoir d'en référer à qui que ce soit.
     Je vais demander à M. Paisana, de l'Association du Barreau canadien, de réagir brièvement à ces deux points.
    En ce qui concerne la réforme du droit, nous souscrivons à l'idée que la commission devrait faire des recommandations à la Commission de réforme du droit et participer à des projets de réforme. Elle est particulièrement bien placée pour voir tout l'éventail des problèmes relatifs aux condamnations injustifiées qui lui sont soumis, et elle est particulièrement bien placée pour étudier ces problèmes et fournir des données et des renseignements à ce sujet.
    En ce qui concerne le renvoi de cas d'inconduite, la question a été soulevée lors des consultations. Nous sommes d'avis qu'il y a amplement de moyens de signaler une inconduite. La commission n'a pas besoin d'être la voie par laquelle cela se fait. Elle peut soulever la question dans son processus décisionnel, en indiquant qu'il s'agit d'une question qu'un groupe, un organe ou un régulateur donné devrait examiner. Cependant, il n'est pas nécessaire qu'elle soit la source même du renvoi. Il y a amplement d'autres « chiens de garde », si je puis m'exprimer ainsi.
    Je vous remercie.
    Dans les 30 secondes qui restent, madame Kish, vous pouvez peut-être commenter ces deux points.
    Oui. Nous pensons qu'avec tous les témoignages étonnants et toutes les idées des parties prenantes touchées et des personnes condamnées à tort qui ont été intégrés dans le magnifique rapport du comité, il devrait être possible assurément de s'attaquer aux cultures systémiques d'erreurs judiciaires, parce qu'elles existent certainement. On le voit dans les résultats. Le fait que la moitié des détenues dans les prisons pour femmes soient autochtones ne prouve pas que le comportement des Autochtones est plus déviant; cela prouve qu'il y a des failles dans notre système judiciaire. Nous voulons que notre système soit aussi réactif que possible, comme l'a indiqué M. Paisana, afin qu'il produise des résultats justes et équitables pour tout le monde. Chaque fois que nous pouvons manifestement légiférer, nous devrions le faire.
    Je vous remercie.
     Merci beaucoup à tous nos témoins d'être venus cet après-midi, et merci à nos collègues.
     Nous allons suspendre la séance pendant deux minutes pour permettre aux témoins de notre prochain groupe de vérifier leur virtualité. Je pense que nous en avons une qui est présente en personne.

  (1630)  


  (1635)  

    Nous reprenons nos travaux.
     Pour la deuxième heure, nous allons poursuivre notre étude du projet de loi C-40.
     Nous accueillons aujourd'hui deux témoins, dont une en personne.
     Bonjour à Mme Kathryn Campbell, qui comparaît à titre individuel. Elle est professeure de criminologie à la Faculté des sciences sociales de l'Université d'Ottawa.
     Nous avons également à l'écran Mme Lindsey Guice Smith, directrice exécutive de la North Carolina Innocence Inquiry Commission.
     La parole est à M. Moore.
    Vouliez-vous que je présente ma motion?
    Allez‑y.
    Je ne veux pas prendre de temps aux témoins.
     Rapidement, un avis de motion a été distribué, demandant que le ministre comparaisse devant le Comité pour parler du budget supplémentaire des dépenses à un moment donné, le plus tôt possible, d'ici au 7 décembre inclusivement, mais pas plus tard.
     Il semble qu'il y ait consentement à cet égard. C'est très bien.
     (La motion est adoptée. [Voir le Procès-verbal])
     Merci, monsieur Moore.
    Merci, madame la présidente.
    C'est ainsi que j'aime que les choses soient faites: très efficacement. Je vous remercie beaucoup. C'est fantastique.
     La témoin à l'écran a été testée et l'équipement fonctionne bien.
     Je vais demander à chacune d'entre vous de commencer par vos exposés, pour une durée maximale de cinq minutes.
     Nous commencerons par Mme Smith.
     Vous avez la parole pour cinq minutes.
     La North Carolina Innocence Inquiry Commission, ou Commission d'enquête de la Caroline du Nord sur l'innocence est la première et la seule agence d'État indépendante chargée d'enquêter de façon neutre sur les déclarations d'innocence factuelle après une condamnation.
     Le préambule de la loi ayant créé la Commission d'enquête sur l'innocence en 2006 prévoit ce qui suit:
Attendu que les déclarations crédibles d'innocence factuelle étayées par des preuves vérifiables n'ayant pas été présentées à un procès ou à une audience accordée dans le cadre d'un recours postérieur à une condamnation devraient être examinées rapidement après la condamnation pour s'assurer que la personne innocente et la personne coupable obtiennent justice;
Attendu que la confiance du public dans le système de justice est renforcée par une enquête approfondie et rapide sur les déclarations d'innocence factuelle;
Attendu que les déclarations factuelles d'innocence, qui ont été jugées crédibles, peuvent être évaluées de façon plus efficace dans le cadre d'une enquête et d'un examen complets et indépendants de même…
    Ce préambule englobe la mission de la Commission.
     Bien que les condamnations à tort minent la confiance du public dans le système de justice pénale, le fait de s'y attaquer permet aux intervenants du système de la justice pénale d'apprendre à mieux s'assurer que la justice est rendue. Pour chaque condamnation injustifiée, il y a un vrai coupable en liberté, une victime ayant la fausse impression d'avoir obtenu justice et une personne innocente qui peut passer des années en prison pour un crime qu'elle n'a pas commis.
    C'est pourquoi la Commission a pour but de découvrir la vérité en toute neutralité, en dehors du système de justice pénale accusatoire. De par sa nature, l'Assemblée générale de la Caroline du Nord a limité la portée des travaux de la Commission, tout en lui accordant un pouvoir prescrit par la loi très vaste pour mener à bien sa mission.
     Le processus de la Commission se caractérise par trois caractéristiques qui font son succès.
     La première caractéristique est que le pouvoir prévu par la loi est étendu. La Commission dispose de tous les pouvoirs prévus par les règles de procédure en matière pénale et en matière civile de la Caroline du Nord, afin d'atteindre son objectif, qui est de découvrir la vérité dans les cas de déclarations d'innocence factuelle. La Commission a ainsi pu interroger des personnes qui n'avaient pas été appelées dans une affaire ou les faire témoigner; avoir accès à des dossiers et à des preuves auxquels d'autres n'avaient peut-être pas accès; trouver des preuves matérielles qui, selon des organismes, n'existaient pas ou ne pouvaient être trouvées, entre autres. En fait, la Commission a trouvé des preuves matérielles pour 28 affaires dans lesquelles d'autres avaient affirmé que ces preuves n'existaient plus, dont pour 12 de ses 15 affaires dans lesquelles des personnes ont finalement pu être mises hors de cause.
    La deuxième caractéristique de la Commission est sa neutralité. Comme la Commission n'établit aucune forme de relation avocat-client avec le demandeur et qu'elle ne travaille pas au nom du demandeur ni pour le compte de la poursuite, elle peut faire preuve de curiosité dans sa recherche de la vérité. Cela permet au personnel de la Commission de poser des questions nécessaires, mais difficiles, dans le cadre des enquêtes.
     Comme les demandeurs doivent renoncer à tous leurs droits constitutionnels pour participer aux travaux de la Commission et qu'ils peuvent le faire parce que notre travail se limite strictement aux déclarations d'innocence factuelle, bon nombre des préoccupations auxquelles font face les avocats dans un système accusatoire ne font tout simplement pas partie des facteurs pris en compte dans les enquêtes de la Commission sur ces déclarations.
    La neutralité est également un gage du succès de la Commission. Avoir une bonne journée à la Commission, ce n'est pas tant disculper quelqu'un qui se déclare innocent que d'être en mesure d'enquêter pleinement sur une déclaration d'innocence et de fournir les réponses que le système de justice pénale n'avait pas pu donner avant.
    La troisième caractéristique est la confidentialité. En vertu de la loi, les déclarations sur lesquelles nous enquêtons et les enquêtes elles-mêmes sont confidentielles pendant la durée du processus, et ce n'est que dans certaines circonstances que des informations sur les affaires sont rendues publiques. Cela permet à la Commission d'établir des relations avec les témoins, d'avoir des conversations franches et exhaustives avec les témoins, les organismes d'application de la loi et d'autres personnes impliquées dans les affaires, et cela mène souvent à des changements positifs au sein du système de justice pénale. Nous l'avons constaté particulièrement en ce qui concerne les changements dans la conservation et le traitement des preuves au sein des organismes d'application de la loi partout en Caroline du Nord.
     Depuis sa création en 2006, la Commission a reçu 3 571 déclarations, et depuis le début de 2023, elle en a reçu 194, ce qui la place en bonne voie de recevoir 233 déclarations d'ici la fin de l'année, ce qui représenterait une augmentation par rapport à la moyenne de 211 déclarations reçues par année. La Commission a tenu 19 audiences depuis sa création et tiendra sa 20e audience la semaine prochaine.

  (1640)  

     Quinze personnes ont été disculpées par un comité constitué de trois juges après les travaux de la Commission ou ont vu leur condamnation annulée en vertu d'une requête demandant une réparation appropriée et ont obtenu un pardon pour innocence du gouverneur de la Caroline du Nord à la lumière de l'enquête menée par la Commission concernant leur déclaration. De plus, la Commission a confirmé de manière définitive la culpabilité au moyen de tests d'ADN dans 13 affaires.
    Madame Smith, pourquoi ne pas continuer avec les questions? Vous aurez beaucoup de temps pour répondre aux questions. Nous n'avons que deux témoins pour la deuxième heure, nous devrions donc avoir beaucoup de temps.
     Nous avons Mme Campbell pour cinq minutes, s'il vous plaît.
     Tout d'abord, je tiens à vous remercier de m'avoir invitée à comparaître devant vous aujourd'hui. C'est un véritable honneur.
     En tant qu'universitaire, j'ai publié de nombreux articles sur les erreurs judiciaires au Canada et dans d'autres pays de common law au cours des 20 dernières années. Mes recherches se sont concentrées sur un certain nombre de domaines, notamment l'examen des facteurs qui contribuent aux erreurs judiciaires, ainsi que l'expérience en prison et après la libération des personnes condamnées à tort, entre autres choses.
     J'ai également participé aux consultations menées par les juges LaForme et Westmoreland-Traoré sur la réforme proposée en 2021. J'ai rencontré et interviewé de nombreuses personnes condamnées à tort au fil des ans, et je suis bien consciente des ravages qu'une condamnation injustifiée peut causer à des personnes et à leur famille.
     En 2012, j'ai lancé Innocence Ottawa, qui est, par l'intermédiaire du Département de la criminologie, un projet sur l'innocence, géré par des étudiants en criminologie et en droit. Notre objectif est d'aider les personnes condamnées à tort qui cherchent à être innocentées.
     Nous avons fait beaucoup de chemin. Lorsque nous avons commencé en 2012, nous organisions des ventes de pâtisseries et vendions des t‑shirts pour financer notre travail, alors qu'en 2023, nous venons de recevoir une subvention d'accès à la justice de la part de la Fondation du droit de l'Ontario pour un programme auprès des prisonniers autochtones, nous avons donc vraiment beaucoup progressé.
     Il est clair — comme je l'ai entendu au cours de ces audiences ces dernières semaines et comme je pense que nous l'acceptons tous — que les prisonniers autochtones et noirs sont surreprésentés dans les institutions fédérales, provinciales et territoriales, mais qu'ils sont étrangement absents du nombre de personnes innocentées ou même de celles qui demandent la révision de leur condamnation.
     Jusqu'à présent, Innocence Ottawa a déposé une demande de révision de condamnation par l'intermédiaire du Groupe de la révision des condamnations criminelles au nom de l'un de nos demandeurs, et je suis donc bien consciente des difficultés du système actuel. En fait, nous avons soumis sa demande en 2019. Quatre ans plus tard, elle en est toujours au stade de l'enquête préliminaire. Soit dit en passant, il se trouve qu'il s'agit d'une personne de couleur.
     La frustration que j'ai ressentie au cours des 20 dernières années face aux difficultés et aux défis du travail sur l'innocence est qu'il ne devrait pas être aussi difficile d'annuler une condamnation, de corriger une erreur, parce que les enjeux sont tout simplement trop élevés. Voilà pourquoi j'attendais avec impatience ce nouveau projet de loi, et je pense qu'il constitue une première étape très importante.
    Dans la prochaine partie de mon court exposé, j'évoquerai brièvement ce que je considère comme les points forts du projet de loi, puis les domaines qui, selon moi, doivent être améliorés.
     L'indépendance de la procédure de révision des condamnations est à mon avis un excellent pas en avant, mais je pense qu'il y a aussi certaines contraintes. Les commissaires ne doivent pas être considérés comme des fonctionnaires. Je pense que la commission elle-même devrait être considérée davantage comme un tribunal que comme une petite agence gouvernementale, et qu'elle devrait être située ailleurs qu'à Ottawa, avec éventuellement des bureaux régionaux. Dans le cas contraire, cela pourrait nuire à la perception de son indépendance.
     En ce qui concerne l'accessibilité, le projet de loi propose d'améliorer l'accès aux groupes auparavant marginalisés, ceux qui sont surreprésentés dans le système de justice pénale — en particulier les prisonniers autochtones et noirs —, et je pense que le fait qu'il s'agisse d'une entité entièrement nouvelle peut aider à aborder cette question avec une plus grande conviction.
     En ce qui concerne la modification du seuil, comme cela a été mentionné au cours de l'heure précédente, je pense que le passage d'« une erreur judiciaire a pu être commise » à si la commission a « des motifs raisonnables de croire qu'une erreur judiciaire a pu être commise ou si elle estime que cela servirait l'intérêt de la justice » est une étape importante. Cela semble beaucoup plus large, mais en même temps, je me demande dans quelle mesure cela va changer les choses, parce que c'est aussi un peu vague. L'expérience que j'ai eue jusqu'à présent avec le GRCC lui-même, le Groupe de la révision des condamnations criminelles, est qu'il n'est pas clair sur ce qu'il faut faire pour recommander la révision d'une condamnation.
     Trois autres ajouts importants sont l'examen des circonstances personnelles d'une demande, le renforcement des pouvoirs d'enquête et une plus grande participation des victimes.
     En ce qui concerne les points à améliorer, je pense que le nombre de commissaires est beaucoup trop faible. Le rapport des juges LaForme et Westmoreland-Traoré préconise 9 à 11 commissaires. Cela me semble raisonnable et nécessaire. Le nombre indiqué dans le projet de loi C-40 n'est manifestement pas adéquat, car si la commission n'est pas correctement dotée en personnel, tant au niveau des commissaires que des enquêteurs, elle subira d'énormes retards, et c'est un problème récurrent du GRCC.
     J'ai deux ou trois autres choses à dire. Je pense que le mandat devrait inclure les condamnations, car une condamnation peut également représenter une erreur judiciaire, ainsi que les personnes dont les affaires n'ont pas encore été portées devant une cour d'appel. Sinon, le nombre de demandeurs risque d'être fortement limité.

  (1645)  

    Enfin, en tant qu'universitaire, je crois que cette nouvelle commission nous offre une excellente occasion de bien faire les choses, d'adopter une approche proactive et systémique à l'égard des erreurs judiciaires, de recueillir des données sur les causes, de tirer des leçons des politiques et de découvrir les tendances. Je pense qu'il serait dommage que nous rations cette occasion.
     Je vous remercie.
    Merci beaucoup à vous deux.
     Nous allons commencer la première série de questions de six minutes, et je donne d'abord la parole à M. Van Popta.
    Merci, madame la présidente.
     Je remercie nos témoins.
     Merci, madame Smith, d'être venue de la Caroline du Nord et de partager avec nous l'expérience que vous avez acquise pendant de nombreuses années. Nous commençons à peine ce processus.
    Ma première question porte sur le processus de réception des demandes. Dans votre déclaration préliminaire, vous avez cité certaines parties du projet de loi: « Attendu que les déclarations crédibles d'innocence factuelle » — ce serait le premier point — « étayées par des preuves vérifiables » — le deuxième et — « n'ayant pas été présentées à un procès » — le troisième point.
     Comment une personne peut-elle surmonter le premier obstacle à l'audition de sa demande par votre commission?

  (1650)  

    Je tiens à préciser qu'il s'agit de preuves qui n'ont pas été présentées au procès. Donc, elles étaient peut-être disponibles, mais elles n'ont pas été présentées pendant le procès. C'est un facteur.
     Lorsqu'ils s'adressent à la commission, les demandeurs peuvent nous parler de ce qui est nouveau, mais ils ne sont pas obligés de toujours savoir ce qui est nouveau. Nous n'imposons pas ce fardeau à la personne condamnée — au demandeur — de savoir, par exemple, qu'il est certain que des preuves n'ont pas fait l'objet d'un test d'ADN dans leur cause. Nous allons faire ce qu'il faut pour le découvrir.
     Nous leur demandons de remplir un questionnaire de 22 pages et de nous donner le plus d'information possible sur leur cause. Quelle est la déclaration d'innocence?
     Nous travaillons ensuite pour établir si quelque chose peut être fait et s'il y a de nouveaux éléments. Nous pouvons examiner la transcription du procès pour savoir ce qui a été présenté. Nous vérifions si des analyses médico-légales n'ont pas été faites ou pourraient l'être, ou le demandeur pourrait nous dire qu'un nouveau témoin s'est présenté pour parler de quelque chose qui n'a pas été mentionné lors du procès, ou qu'un témoin a changé sa version.
     Nous devons donc évaluer la crédibilité de ce témoin. Existe‑t‑il d'autres facteurs qui confirment la crédibilité de cette personne? Existe‑t‑il d'autres éléments de preuve qui rendraient cette personne crédible?
    Merci.
     Votre commission possède de vastes pouvoirs d'enquête. Que faites-vous des preuves que vous recueillez? Sont-elles ensuite présentées au tribunal si vous jugez que votre examen est concluant?
    Nous avons un processus en trois étapes.
     Nous sommes une agence d'État. Nos employés sont des employés de l'État. Ils s'occupent des activités quotidiennes.
     S'il y a une preuve crédible et vérifiable de l'innocence, le directeur a le pouvoir discrétionnaire de décider si l'affaire sera examinée dans le cadre d'une audience.
     Si c'est le cas, l'affaire est entendue par nos commissaires.
     Les commissaires sont nommés par notre juge en chef de la Cour suprême et notre juge en chef de la Cour d'appel fédérale, et ce sont des personnes issues de différents secteurs du système de justice pénale. Il peut s'agir de juges, de procureurs, d'avocats de la défense en droit criminel, de shérifs, de défenseurs des droits des victimes et d'autres. Ils entendent les causes et, s'ils jugent que les preuves de l'innocence factuelle sont suffisantes pour justifier un contrôle judiciaire, ils renvoient l'affaire à un tribunal formé de trois juges.
     Ce tribunal composé de trois juges entend ensuite l'affaire et rend une décision définitive quant à savoir si la personne condamnée a prouvé par des preuves claires et convaincantes qu'elle est, en fait, innocente.
    Présentez-vous toutes les preuves que vous détenez à ce tribunal composé de trois personnes, y compris peut-être des preuves incriminantes?
    Lorsque nous présentons l'affaire aux commissaires, tous les éléments de preuve pertinents sont présentés: les bons, les mauvais et les terribles. Ce processus est non accusatoire.
     Lorsqu'une affaire est renvoyée au tribunal de trois juges, le processus devient accusatoire, et les parties peuvent présenter ce qui fonctionne pour elles. Elles peuvent présenter l'affaire sous l'angle le plus favorable au client, et ce sera légèrement différent de ce que nos commissaires ont vu.
     L'État, bien sûr, est représenté par la poursuite qui peut présenter des éléments non favorables à la personne condamnée, tandis que la personne condamnée peut évidemment présenter toutes les preuves qui lui sont favorables.
    Merci.
     Vous ou quelqu'un de votre commission avez témoigné devant notre commission LaForme et Westmoreland sur les erreurs judiciaires. Je cite un extrait que l'on trouve à la page 18, je crois. Voici ce qu'ils ont conclu concernant certains de vos arguments:
Nous avons envisagé un critère qui permettrait à la commission de renvoyer des affaires devant les tribunaux pour des raisons liées à « l'innocence factuelle », comme c'est le cas en Caroline du Nord, mais nous avons finalement rejeté ce critère, considérant qu'il était trop restrictif.
    Le Canada a adopté une orientation différente avec ce projet de loi. Qu'en pensez-vous? Pourquoi ce facteur était‑il important pour la Caroline du Nord?

  (1655)  

    Je crois qu'en Caroline du Nord, une décision politique a été prise pour limiter la portée aux allégations d'innocence factuelle, et pour que ce processus fonctionne en Caroline du Nord, cette limite devait être établie. Je ne peux pas vraiment me prononcer sur ce que le Canada devrait faire ou sur les normes que vous devriez adopter. Je peux seulement vous parler de ce que nous avons choisi de faire ici en Caroline du Nord et des réussites que nous avons observées avec le modèle que nous avons choisi.
    Merci.
    Monsieur Housefather, vous avez la parole.
    Merci, et merci beaucoup à nos deux témoins.
     J'aimerais commencer par parler de quelque chose qui me préoccupe au sujet du projet de loi, c'est‑à‑dire la condition préalable selon laquelle les gens doivent avoir épuisé leur processus d'appel avant de pouvoir utiliser cette loi.
     J'aimerais poser la question aux deux témoins. Je crois comprendre que dans le contexte de la Caroline du Nord, ce n'est pas une exigence. Il n'est pas nécessaire que les gens aient épuisé le processus d'appel s'ils peuvent fournir une preuve prépondérante, s'ils peuvent prouver qu'ils sont innocents et fournir des preuves factuelles de leur innocence. Est‑ce exact?
    C'est exact.
    Parfait.
     Puis‑je vous demander votre opinion à ce sujet, madame Campbell, et si cela devrait être modifié dans l'avant-projet de loi?
    Nous recevons de 30 à 50 demandes par année et ces demandes doivent respecter nos critères. L'un de ces critères est que les demandeurs aient épuisé tous leurs droits d'appel. Cela élimine probablement la moitié des demandes.
     Je trouve que le processus est très long de toute façon. Je crois savoir que cette exigence figure toujours dans le projet de loi, alors qu'il pourrait y avoir des considérations spéciales dans certains cas. Peut-être que ce que M. Paisana a dit tout à l'heure serait une façon de procéder, puisqu'il s'agirait d'un cas exceptionnel qui serait autorisé à aller de l'avant, même si l'appel n'a pas encore été fait.
    Ce qui me préoccupe, c'est que les accusés les plus pauvres, ceux qui sont les plus susceptibles de se retrouver dans le système, sont aussi les moins susceptibles d'avoir les moyens d'épuiser leurs droits d'appel. Ainsi, si le projet de loi vise vraiment à régler le problème du nombre disproportionné d'Autochtones, de Noirs ou de personnes plus pauvres détenus dans nos systèmes, nous nous trouvons dans une situation où ces personnes seraient les moins susceptibles d'avoir épuisé tous leurs recours.
    Absolument.
     Si je peux me permettre un commentaire connexe à ce sujet, je crois que beaucoup de gens ne connaissent pas du tout le processus d'examen des condamnations. J'ai rencontré un aîné cette semaine dans le cadre de notre programme de sensibilisation des Autochtones, et c'est ce qu'il m'a dit. Il m'a dit qu'ils ne savent même pas que cela existe. Ils savent ce qu'est un appel. Ils connaissent ce recours parce qu'ils ont été condamnés, mais c'est tout. Je crois que nous devons vraiment faire mieux pour sensibiliser les gens, et ce que vous avez proposé serait une façon de le faire, mais aussi simplement fournir de l'information.
    Madame Campbell, la législation du Royaume-Uni, par exemple, prévoit des circonstances exceptionnelles où l'on peut décider de ne pas exiger que tous les recours soient épuisés. Avez-vous examiné ce que dit la loi britannique? Recommanderiez-vous quelque chose de ce genre?
    Oui. J'ai écrit deux ou trois choses avec le professeur Clive Walker sur l'utilisation possible du Groupe de la révision des condamnations criminelles comme modèle ici. Cependant, je ne crois pas que ce soit le plus important problème, qui serait plutôt le financement et la nécessité d'assurer un financement adéquatement, car ils ont actuellement d'énormes problèmes avec leur commission parce qu'elle n'a tout simplement pas suffisamment d'argent.
    Merci.
     Pour revenir à la Caroline du Nord, je suis également très intéressé par ce modèle. Les huit commissaires qui sont nommés par deux différents juges représentent différents publics. L'un représente les shérifs et l'autre le grand public. On a demandé que notre commission comprenne des membres de communautés minoritaires, que ces personnes soient représentées dans la composition du groupe. S'agit‑il d'une exigence en Caroline du Nord?
    La loi exige que les deux juges en chef tiennent compte de la diversité des sexes, de la composition raciale et de la diversité géographique de l'État. Par conséquent, lorsque nous transmettons de l'information sur les nominations aux juges en chef, je les renseigne toujours sur la composition actuelle des commissaires et la personne à remplacer afin qu'ils aient une idée de l'orientation que pourrait prendre leur décision.
    Ce sont trois juges qui entendront l'affaire, parce que... D'après ce que je comprends, la commission renverra à un tribunal formé de trois juges les cas dans lesquels elle aura déterminé, selon la prépondérance de la preuve, que la personne est innocente.
     S'agit‑il d'un tribunal spécial composé de trois juges? Viennent-ils de la Cour suprême de la Caroline du Nord? Qui sont les juges?

  (1700)  

    Ce sont des juges de la Cour supérieure. En Caroline du Nord, ce sont nos juges de première instance. Ils peuvent venir de n'importe quel endroit de l'État; il faut simplement qu'ils n'aient aucun lien avec l'affaire initiale. Ils ne peuvent pas avoir participé au procès initial, au plaidoyer ou à tout travail postérieur à la condamnation.
    Arrive‑t‑il parfois qu'une affaire se règle avec la décision de la commission? Par exemple, qu'un procureur de la Caroline du Nord se dise à ce moment: « Je suis d'accord avec les conclusions de la commission. Je vais soit laisser tomber, soit offrir un plaidoyer Alford pour qu'ils puissent mettre fin à l'affaire dès maintenant. »
    Il est arrivé deux ou trois fois que la poursuite reconnaisse que la personne était innocente et se range avec la défense pour demander une réparation au tribunal des trois juges. Cela permet à la personne condamnée d'aller de l'avant et de recevoir une indemnisation de l'État, si elle choisit de procéder de cette façon.
     Depuis 2021, nous avons constaté que les procureurs offrent de plus en plus souvent d'inscrire le plaidoyer Alford plutôt que soumettre une affaire au tribunal des trois juges, et les avocats de la défense consultent leurs clients pour savoir s'ils préfèrent accepter le risque de passer par le tribunal des trois juges ou...
    Je vois que notre présidente a levé le carton qui signifie que mon temps est écoulé.
     Je vous remercie beaucoup.
    Merci.

[Français]

    Monsieur Fortin, vous avez la parole.
    Merci, madame la présidente.
    Merci, madame Campbell et madame Smith, d'être avec nous aujourd'hui pour discuter de cet important sujet. Votre témoignage est important.
    Madame Smith, mon collègue M. Housefather vient de s'approprier une des questions que je voulais vous poser sur la composition de votre commission, en Caroline du Nord.
    Pouvez-vous nous dire combien de commissaires siègent à votre commission et d'où ils viennent? Quels sont vos critères en matière de diversité?

[Traduction]

    Je n'ai pas l'information sous les yeux, mais je pourrais la chercher. La réponse est sur notre site Web, alors je pourrais la trouver rapidement. Si vous me donnez une seconde, je vais pouvoir vous répondre.

[Français]

    Je vais vous laisser vérifier cela et, pendant ce temps, je vais m'adresser à Mme Campbell.
    Madame Campbell, bonjour. À votre avis, si, dans un dossier, la commission conclut que le jugement était le bon, mais que la peine était trop sévère, doit-elle considérer cela comme une erreur judiciaire et renvoyer l'affaire devant la cour?

[Traduction]

    En fait, oui, et je pense que c'est une chose que la commission devrait prendre en considération — la peine — parce qu'une peine peut parfois être aussi une erreur judiciaire. Des gens sont venus nous parler de cas de meurtre au deuxième degré, disons, qui à leur avis, aurait dû être traités comme des cas d'homicide involontaire. Nous sommes un petit projet axé sur l'innocence et dirigé par des étudiants; nous ne pouvons pas toucher à ces cas.
     S'agit‑il d'une erreur judiciaire? De l'avis de cette personne, et dans un sens plus large de la justice, c'est peut-être le cas.
     Je crois que la nouvelle commission pourrait avoir la capacité d'examiner la détermination des peines.

[Français]

    Quel est le délai idéal dans lequel une décision devrait être rendue par la commission?
    Actuellement, cela peut prendre de 20 mois à 6 ans. Avec la réforme, cela pourrait être plus long ou cela pourrait l'être moins.
    Quel est votre avis là-dessus?

[Traduction]

    Dans un monde idéal, cela prendrait deux ans.
     Nous travaillons depuis cinq ans sur une affaire qui a été soumise au Groupe de la révision des condamnations criminelles. Cela fait maintenant quatre ans que le Groupe est saisi de l'affaire. Il s'agit d'un homme qui a été condamné pour meurtre au second degré et libéré après 13 ans. Il comparaît actuellement devant la Commission des libérations conditionnelles. Il y a un dilemme là aussi.
     Ce qui aidera beaucoup avec la nouvelle commission, c'est qu'elle aura accès à toutes sortes de renseignements que nous n'aurions jamais pu obtenir très facilement, notamment les dossiers de la police et de la Couronne. Cela permettra d'examiner une condamnation plus rapidement... en deux ou trois ans au plus.
     La commission britannique est très rapide. Si nous pouvions commencer à respecter cette norme, ce serait vraiment bien.

  (1705)  

[Français]

    Merci.
    Je reviens à vous, madame Smith. Avez-vous la réponse concernant le nombre de commissaires et de l'endroit dont ils sont originaires?

[Traduction]

    Oui, approximativement.
     Nous avons huit commissaires et huit commissaires suppléants pour chaque poste. La raison en est qu'il peut arriver qu'un commissaire ne soit pas disponible pour des raisons médicales, ou qu'il doit se récuser parce qu'il a des liens avec l'affaire ou que l'affaire s'est produite dans le comté où il a été juge. Des choses du genre.
    Parmi les commissaires, il y a 5 femmes et 11 hommes. Nous avons 13 commissaires blancs et 3 commissaires noirs. Cinq commissaires viennent de l'ouest de l'État et six ou sept de la partie centrale de l'État. Cela signifie que trois ou quatre commissaires viennent de la partie est de l'État.

[Français]

    Êtes-vous satisfaite de cette composition? Cela répond-il aux besoins de la communauté?

[Traduction]

    Je suis toujours d'avis que nous pouvons faire mieux en matière de diversité. J'aimerais que notre commission soit plus diversifiée. Nous en sommes toujours conscients. Lorsque j'ai l'occasion de présenter des recommandations aux juges en chef, j'inclus toujours plus de diversité. C'est à eux de décider s'ils acceptent ou non ces recommandations.

[Français]

    Ces commissaires sont-ils tous à temps plein ou s'agit-il de postes à temps partiel?

[Traduction]

    Notre personnel est employé à temps plein. Le rôle de nos commissaires est d'entendre les causes. Ils n'entendent les causes que lorsque nous avons des audiences. Nous avons tenu deux audiences en 2023. Cela signifie qu'ils viennent entendre ces causes pendant trois ou quatre jours à la fois, et ils participent aux réunions de la Commission deux ou trois fois par année.

[Français]

    Quel est le délai moyen pour rendre une décision au sein de votre commission?

[Traduction]

    Nos cas peuvent varier. Pour un examen initial, il faut quelques semaines, à partir du moment où nous recevons le questionnaire, avant que nous puissions examiner le dossier et décider si la cause est fondée ou non. Ensuite, nous pouvons prendre environ deux ans pour mener une enquête approfondie.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Je vous remercie beaucoup.
     Monsieur Garrison, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
     Je remercie les deux témoins d'être avec nous aujourd'hui.
     Madame Campbell, j'aimerais revenir à la question soulevée par M. Fortin, à savoir si les peines sont examinées par cette nouvelle commission.
     Je ne vois rien dans le projet de loi qui dise le contraire. Est‑ce par excès de prudence que vous proposez d'ajouter explicitement la détermination de la peine? Si je ne me trompe pas, le groupe actuel de révision des condamnations a examiné des peines.
    La commission peut examiner les désignations de délinquants dangereux et de délinquants à contrôler. Comme vous le dites, c'est peut-être un excès de prudence, mais je présume que lorsque la commission sera en fonction, les vannes s'ouvriront. Beaucoup de gens demanderont un examen. Je crois qu'il pourrait être nécessaire de traiter d'abord les cas les plus urgents. Je ne sais pas comment cela pourrait se faire. C'est certainement ce qui s'est produit lors de la création de la commission britannique.
     Je pense que le fait de le mentionner explicitement permettrait peut-être de le faire.
    D'accord.
     Je me suis moi-même posé cette question en lisant le projet de loi. J'essayais de savoir si les peines étaient considérées comme une erreur judiciaire.
    Je crois que selon la description actuelle, ce critère est laissé à la discrétion de la commission. Je comprends que vous voulez dire qu'il se pourrait que les priorités soient différentes que si elles sont inscrites.
    C'est exact.
    J'ai trouvé très intéressant — et je pense que c'est très pertinent — ce que vous avez dit au sujet de l'étrange absence des personnes qui ont le plus besoin d'un examen dans le cadre du processus actuel.
     Pour ce qui est de la nouvelle commission, croyez-vous qu'il y a actuellement des mesures adéquates pour améliorer ce bilan en matière d'examen?

  (1710)  

    Il y a des déclarations à cet effet, mais je ne crois pas qu'il y ait de pression législative. J'ai écouté toutes ces audiences, et je sais que le juge LaForme a été très déçu parce qu'il voulait qu'il y ait des postes réservés à un Autochtone et à un Noir à la Commission. Je ne sais pas vraiment comment cela fonctionnerait sur le plan législatif. Cependant, je pense que c'est une chose de le dire et que c'en est une autre de le faire. Cela pourrait aider pour ce qui est de l'accès. C'est difficile parce que les gens qui sont condamnés à tort n'ont pas beaucoup confiance en la légitimité du système. Ils croient que le système a commis une grosse erreur dans leur cas, et ils doivent ensuite compter sur ce même système, ce qu'ils font maintenant, pour obtenir un examen... Je peux comprendre qu'une personne soit peu disposée à le faire.
     Je pense que d'énormes efforts de sensibilisation devront être faits. C'est précisément ce que demandent certains mémoires que j'ai lu pour les audiences. Ce sera... Cela va prendre du temps, mais il y des étapes. Le fait que la commission sera indépendante du gouvernement est vraiment important. Cela aidera.
    C'est souvent une source de frustration au Comité de la justice parce que nous travaillons sur la lettre de la loi et non sur les budgets, alors si la commission n'est pas suffisamment financée, elle ne pourra pas faire le genre de travail de sensibilisation dont vous parlez.
     Pour ce qui est de la représentation juridique des demandeurs, les représentants de la commission britannique que nous avons entendus nous ont dit que la plupart de leurs demandeurs n'avaient pas d'aide pour présenter une demande. Que pensez-vous de cela dans le cadre de la nouvelle commission et de la création d'un processus qui n'exigerait pas nécessairement la présence d'un avocat pour avoir accès au processus?
    Un processus qui ne serait pas nécessairement… Je ne pense pas que les personnes incarcérées sauront ce qu'elles doivent faire pour leur demande. Elles ne le sauront pas. Je sais que le Groupe de la révision des condamnations criminelles m'a déjà dit, dans le cadre de nos échanges au fil des ans, que ses demandes les plus complètes proviennent de projets d'Innocence Canada et de personnes qui sont représentées, ce qui est très rare. Je veux dire, il y a une liste d'attente de trois ans à Innocence Canada avant qu'une demande soit simplement examinée, alors c'est difficile.
     Dans le projet de loi, je crois comprendre qu'il y a... Je pense qu'il acceptera une représentation juridique dans certains cas. Cependant, je continue de penser que les projets d'Innocence Canada auront un rôle à jouer lorsque cette commission sera une réalité, car les gens auront besoin d'aide. Ce ne sera pas facile.
    Avez-vous examiné si le projet de loi laisse la possibilité aux groupes de défense de continuer à travailler avec les demandeurs?
    Je l'ai certainement vu dans les recommandations du rapport LaForme et Westmoreland-Traoré. C'était là. Je ne sais pas si c'est aussi explicite dans le projet de loi, cependant. Je ne l'ai pas vraiment vu.
    Je sais que vous avez pu entendre la séance précédente. J'ai posé une question sur les facteurs systémiques, et je pense que je vais vous poser deux questions.
     Premièrement, selon votre expérience personnelle, quels sont les principaux facteurs systémiques qui entraînent des erreurs judiciaires?
    La pauvreté est certainement un gros problème. Il y a aussi le racisme, le manque de possibilités, le manque d'éducation et la mauvaise compréhension du fonctionnement du système de justice pénale. Je ne pense pas que les gens comprennent vraiment ce que sont leurs droits: le droit de garder le silence, le droit de consulter un avocat, toutes ces choses que nous considérons comme des droits pour tous les Canadiens. Les gens ne comprennent pas nécessairement cela. Par exemple, ils croient que lorsque la police les interroge, ils doivent répondre aux questions. Ils ne sont pas obligés de le faire, mais c'est quelque chose qu'ils ne comprennent pas.
    Merci.
    Merci beaucoup.
     Nous allons maintenant commencer notre deuxième tour avec M. Moore qui aura cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
     Je remercie nos deux témoins d'avoir éclairé notre discussion sur ce projet de loi.
     Madame Smith, vous êtes dans une position très intéressante ou unique, votre organisation en Caroline du Nord étant la seule du genre aux États-Unis, comme vous l'avez dit, je crois. Je trouve que votre témoignage est très utile.
     Lorsque nous examinons ce projet de loi, je crois que l'une des choses que nous devons faire est de cerner ce que sont les attentes des Canadiens en matière de condamnation injustifiée et de justice.
     Dans votre système, je pense qu'une condamnation injustifiée serait ce à quoi la plupart des Canadiens s'attendent lorsque nous parlons de condamnation injustifiée, c'est-à-dire qu'il y a une preuve vérifiable de l'innocence. Cela signifie, comme vous l'avez dit dans votre exposé, qu'un agresseur est en liberté et que l'accusé n'a pas commis le crime. Il y a un agresseur en liberté, une victime qui a un faux sentiment d'avoir obtenu justice et, bien sûr, il y a quelqu'un qui est innocent et qui a été condamné à tort.
     Ce n'est toutefois pas le cas avec ce projet de loi, en ce sens qu'il intègre de tout nouveaux facteurs tels que la situation personnelle du demandeur et les défis distincts que doivent relever les demandeurs de certains groupes pour obtenir une réparation en cas d'erreur judiciaire. Je pense que nous devons répondre aux attentes des Canadiens lorsque nous examinons ce projet de loi.
     Vous avez mentionné que vous deviez travailler dans le cadre des paramètres qui étaient acceptables en Caroline du Nord. Puisque vous êtes le seul organisme de ce genre aux États-Unis, pourquoi était‑il important d'inclure l'innocence factuelle dans votre programme?

  (1715)  

    Cela date d'avant ma venue à la Commission, mais si l'on se reporte aux notes de la commission d'étude, c'est vraiment là que se trouvait le compromis.
     Le juge en chef Lake était l'un des anciens juges en chef de la Cour suprême de la Caroline du Nord. Il a réuni un groupe de personnes issues de tous les secteurs du système de justice pénale pour débattre des causes de la condamnation injustifiée et de la manière dont nous devrions traiter les condamnations injustifiées en Caroline du Nord.
     C'est en réunissant ces différentes parties prenantes que nous en sommes arrivés là. Qu'allions-nous faire au sujet des condamnations injustifiées en Caroline du Nord et sur quoi devions-nous nous concentrer? En fin de compte, ils ont décidé que l'accent devait être mis sur les déclarations d'innocence factuelle.
     Ils ont examiné les domaines que nos procédures d'appel après condamnation et nos demandes d'obtention d'une réparation appropriée après condamnation n'étaient pas en mesure de traiter en Caroline du Nord. Ils ont estimé que les demandes d'innocence factuelle étaient celles qui passaient à travers les mailles du filet, qu'elles ne pouvaient pas être traitées de manière satisfaisante par les autres procédures judiciaires et qu'elles nécessitaient une attention supplémentaire et une procédure extraordinaire appuyée d'un pouvoir statutaire très large, le pouvoir d'investigation que l'on ne retrouve dans aucune autre procédure.
     Je ne connais aucun autre avocat, du moins en Caroline du Nord et probablement aux États-Unis, habilité en procédure pénale et civile qui ait le pouvoir d'obtenir tous ces renseignements afin de découvrir la vérité. Cela diffère beaucoup du système accusatoire dans lequel nous travaillons normalement en droit pénal. C'est pourquoi, lorsqu'ils ont envisagé de donner autant d'autorité et de pouvoir à une agence, ils ont estimé que cela devait être directement lié à l'innocence réelle.
     Merci.
    C'est tout à fait logique.
     Je ne m'attends pas à ce que vous commentiez le contexte canadien en ce moment. Ce projet de loi élargit encore l'application de notre régime de condamnation injustifiée à un critère qui, au lieu de dire qu'une condamnation injustifiée s'est « probablement » produite, dit qu'une erreur judiciaire « a pu » se produire; nous devons donc être très prudents dans la rédaction de ce projet de loi.
     Vous avez mentionné les victimes dans vos remarques.
     Quel est le rôle de la victime dans ce processus, et y a‑t‑il une crainte que ce processus ne revictimise des personnes? Est‑ce la raison pour laquelle il faut avoir une approche plus étroite?
    Gardez cette idée en tête. Vous aurez peut-être l'occasion de l'expliquer en répondant à un autre député. Si nous avons oublié quelque chose et si quelqu'un souhaite soumettre quelque chose par écrit au Comité, nous serons heureux de le recevoir.
     Je donne maintenant la parole à M. Maloney pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président. Merci aux deux témoins.
     Je reviendrai peut-être à la question de M. Moore dans un instant.
     Madame Smith, je vais commencer par vous. J'aimerais obtenir quelques éclaircissements sur votre processus. Vous avez mentionné dans votre déclaration liminaire et plus tard également que vous disposez de tous les pouvoirs prévus par les règles de procédure pénale et civile. Je ne suis pas tout à fait sûr de ce que cela signifie dans ce contexte.
     Peut-être pourriez-vous répondre à cette question et l'intégrer dans votre explication sur le fait que, lorsque votre organe suit son processus et parvient à une conclusion, celle‑ci est ensuite soumise à un comité de trois juges. Est‑ce bien ça?

  (1720)  

    Oui, monsieur.
    D'accord.
     Lorsque l'affaire est soumise à ce comité constitué de trois juges, que se passe‑t‑il? Est‑ce qu'ils examinent le travail que vous avez fait ou est‑ce qu'ils procèdent à un autre procès?
     Quelle est la procédure? Quelle norme d'examen applique‑t‑on?
     Les règles de la preuve, par exemple, sont-elles les mêmes que dans un procès de première instance ou en appel, au criminel?
    Très bien. Il y a beaucoup de choses à dire.
     D'accord.
     Lorsque je dis que nous disposons de tous les outils de la procédure pénale et civile, je veux dire tous les outils. Nous avons la possibilité d'obtenir des mandats de perquisition, tout comme les forces de l'ordre, car cela relève de la procédure pénale en Caroline du Nord. Nous avons la possibilité de faire déposer des témoins dans le cadre de la procédure civile. Si quelqu'un ne veut pas se soumettre à la déposition, nous pouvons certainement présenter une motion pour outrage au tribunal dans le cadre de la procédure civile, ou nous pouvons utiliser une ordonnance de témoin important dans le cadre de la procédure pénale. Nous pouvons passer de l'un à l'autre. Nous pouvons citer des témoins à comparaître. Ce sont là quelques-uns des outils dont nous disposons.
     Lorsque la Commission présente un cas à nos commissaires — ce que je fais en ma qualité de directrice —, il s'agit d'une audience non contradictoire. Les règles de la preuve ne s'appliquent pas. Nous présentons toutes les preuves pertinentes. Nous ne prenons pas parti. Il ne s'agit pas d'un débat contradictoire. Nous essayons simplement de donner aux commissaires tous les éléments de preuve.
     Quant au comité de trois juges, il s'agit d'une sorte d'audience de novo, une nouvelle audience. Les parties présentent les preuves. Elles peuvent convenir que certains éléments de l'audience de la Commission sont présentés. Jusqu'à cet été, il n'était pas clair si les règles de la preuve s'appliquaient, et la plupart des comités de trois juges les appliquaient vaguement.
     Cet été, on a adopté une loi qui prévoit l'application des règles de la preuve. C'est une nouvelle loi qui est entrée en vigueur cet été. Il s'agit d'une procédure contradictoire. Il incombe au demandeur, la personne condamnée, d'établir son innocence au moyen de preuves claires et convaincantes. Le fardeau de la preuve est inversé par rapport à une procédure pénale normale. Il est moins lourd que lors d'un procès pénal. Normalement, il faut établir qu'il n'y a aucun doute raisonnable. Ici, cela se situe juste en dessous. Il s'agit d'une preuve claire et convaincante, ce qui est légèrement supérieur à la norme civile, la norme de prépondérance de la preuve.
    D'accord.
     Ils sont mis en position de prouver leur propre innocence.
     Y a‑t‑il quelqu'un de l'autre côté?
     Vous décrivez le processus comme étant contradictoire.
     Y a‑t‑il un procureur ou quelqu'un de l'autre côté qui défend l'autre position ou qui prend la position opposée?
    Oui, monsieur.
     C'est généralement le procureur de la juridiction d'origine. Il y a quelques exemptions s'ils sont récusés. Le bureau du procureur général ou un procureur spécial peut alors être nommé.
    Il s'agit en quelque sorte d'un nouveau procès, mais d'un point de vue opposé, je suppose que je peux le dire ainsi.
    C'est comme un nouveau procès. La décision est contraignante. Il n'y a pas de droit d'appel de la décision, quelle qu'elle soit. La conclusion d'innocence doit être unanime. Les trois juges doivent être de cet avis. S'ils sont deux à un pour l'innocence, ce n'est pas une déclaration d'innocence. La décision doit être unanime.
    Normalement, je suppose que c'est la décision du gouverneur d'annuler ou non la condamnation. Ou, me suis‑je trompé?
     J'ai cru vous entendre dire tout à l'heure que la décision était ensuite transmise au gouverneur de l'État.
    Il n'est pas nécessaire d'aller jusqu'au gouverneur. Si l'affaire n'est pas soumise à ce comité de trois juges, il y a une autre procédure, la demande de réparation appropriée. L'accusation et la défense peuvent déposer une requête en vue d'obtenir un redressement approprié, par opposition à la procédure du comité de trois juges. S'ils passent par cette procédure fondée sur l'innocence, pour être déclaré innocent en Caroline du Nord, il faut obtenir un pardon du gouverneur.
     Une personne peut soit passer par ce comité de trois juges et être déclarée innocente, soit déposer une demande de redressement approprié. Mais si elle choisit cette voie, elle doit obtenir un pardon avant d'être déclarée innocente et obtenir un redressement de la part de l'État.
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup.

  (1725)  

[Français]

    Monsieur Fortin, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Merci de m'accorder 30 secondes de plus, madame la présidente.
    Madame Campbell, lors du tour de parole précédent, nous nous étions laissés sur la question des délais. Vous disiez que cela pouvait prendre plusieurs années. Je sais que cela fonctionne ainsi, mais je suis toujours étonné de le constater. On parle d'erreurs judiciaires. Il me semble que cela devrait être simple.
    Mon collègue M. Maloney a demandé à Mme Smith si on finissait par faire un nouveau procès, au bout du compte.
    Croyez-vous que c'est la bonne façon de procéder? N'y aurait-il pas lieu de simplifier cela? Encore une fois, on ne devrait pas refaire un procès, mais simplement vérifier si, oui ou non, il y a eu une erreur judiciaire. Dans ce contexte, cela m'apparaît un peu étonnant qu'on mette des années à décider s'il y a eu une erreur judiciaire ou non.
    Premièrement, ne procède-t-on pas de manière trop large?
    Deuxièmement, n'y aurait-il pas lieu de mener une enquête à temps plein afin qu'on puisse arriver à une décision et rendre la justice dans des délais raisonnables, soit en l'espace de quelques mois, voire quelques semaines?

[Traduction]

     Ah, j'aimerais avoir une réponse exacte à cette question. Je pense que dans notre travail, nous recherchons de nouveaux éléments et des éléments importants qui, s'ils avaient été utilisés lors du procès, auraient pu en modifier l'issue. Commençons par le demandeur: qu'en pensez-vous? Pourrait‑il y avoir quelque chose?
     Contrairement à ce que les gens pensent, l'ADN est rarement un élément de preuve dans ces affaires. Je pense que l'ADN n'intervient que dans 10 % des affaires. Il s'agit donc d'un véritable travail de détective. Dans le cadre d'un projet sur l'innocence, nous essayons de mettre la main sur les dossiers de la police et de la Couronne. Nous téléphonons, téléphonons, nous allons sur place et nous ne les obtenons pas. Ils retardent, retardent, retardent. Je pense qu'une commission aura davantage le pouvoir d'accéder à ce type de renseignements, ce qui réduirait considérablement le temps de recherche de nouveaux éléments.

[Français]

    À votre avis, quel devrait-être ce délai? Vous avez tout de même une certaine expertise dans ce domaine.
    En combien de temps serait-il raisonnable de penser qu'on puisse vider la question et, le cas échéant, renvoyer le dossier devant la cour?

[Traduction]

    Je crois que Mme Guice Smith a mentionné deux ans pour la Commission, ou deux ou trois années. Je pense que le Groupe de la révision des condamnations criminelles en Angleterre a une période de 24 mois. Une fois qu'une affaire a été acceptée, il ne serait pas déraisonnable, à mon avis, d'aller de l'avant.
    Je vous remercie.
     Pour les deux dernières minutes et demie, je donne la parole à M. Garrison.
    Merci, madame la présidente. J'ai toujours beaucoup trop de questions et je suis le dernier à poser des questions.
     M. Moore a soulevé la question de l'innocence factuelle par rapport à ce qui est prévu dans ce projet de loi.
     Je voudrais vous demander, madame Campbell, comment vous concilieriez une sorte d'exigence d'innocence factuelle avec le droit à la présomption d'innocence garanti par la Charte.
    Oh, mon Dieu...
     Des voix: Oh, oh!
     Mme Kathryn M. Campbell: C'est difficile de répondre à cette question.
     M. Randall Garrison: En deux minutes.
     Mme Kathryn M. Campbell: Oui, et c'est une thèse de doctorat.
     Il faut bien tracer la ligne quelque part, je suppose. C'est amusant, parce qu'il y a une présomption d'innocence lors du procès et dans le système accusatoire, mais une fois que vous avez été condamné, cette présomption disparaît. Je pense que c'est là que commence une sorte de processus inquisitoire. Avec la présomption d'innocence, on essaie de trouver les facteurs qui indiqueront peut-être ce qui s'est réellement passé. On espère que si une personne clame son innocence, c'est le cas — mais je pense que c'est une chose très difficile à déterminer.
     Il y a aussi beaucoup d'autres cas. Je pensais justement, pendant que M. Moore parlait, à toutes les affaires concernant le Dr Charles Smith. C'est un médecin légiste pédiatrique qui a été discrédité. Un grand nombre de ces affaires concernaient des plaidoyers de culpabilité injustifiés. Elles n'auraient pas pu être examinées si la porte n'avait pas été ouverte à ce genre de réexamen. Il vaut mieux, à mon avis, pécher par excès de prudence dans ces affaires, parce qu'elles sont si dévastatrices. Le résultat est très dévastateur.
    Je suis sûr que nous sommes arrivés à la conclusion, alors merci beaucoup.
    Vous avez encore quelques minutes, si vous le souhaitez.
    Des minutes? Vous voulez dire des secondes.
    Je suis désolée. Oui.
    Le dernier point sur lequel je me suis arrêté, madame Campbell, concerne la capacité pour la commission de formuler des recommandations systémiques, ce qui ne figure pas dans le projet de loi. Je présume que vous seriez favorable à ce que nous l'ajoutions au projet de loi.
    Oui, totalement. L'occasion est tellement belle aujourd'hui de pouvoir dire, d'accord, recueillons toutes ces données et découvrons où nos tribunaux se trompent, où notre police se trompe et où les avocats se trompent, et de faire de la recherche, de formuler des recommandations politiques et de partager les renseignements avec les organisations. Je pense que c'est impératif.

  (1730)  

    Très bien. Je vous remercie de votre attention.
    Merci beaucoup à nos deux témoins.
     Merci de témoigner à partir de la Caroline du Nord et merci à notre témoin qui est venue en personne d'Ottawa.
     Chers collègues, merci beaucoup. Je vous souhaite une bonne soirée.
     Je vous rappelle que notre prochaine réunion aura lieu le jeudi 30 novembre, le dernier jour du mois. Nous procéderons à l'examen article par article du projet de loi C-321.
    En vous remerciant de votre attention, je vous souhaite un bon après-midi.
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