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FOPO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FISHERIES AND OCEANS

COMITÉ PERMANENT DES PÊCHES ET DES OCÉANS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 23 novembre 1999

• 1320

[Traduction]

Le président (M. Wayne Easter (Malpeque, Lib.)): La séance est ouverte. Le premier témoin est M. Wayne Spinney qui représente le Comité consultatif de la zone de pêche du homard 34.

Monsieur Spinney, je crois que vous avez également une lettre que vous aviez écrite. Il me semble que je l'ai vue tout à l'heure. Ah non, il s'agit d'une lettre que le ministre Anderson vous a envoyée.

M. Wayne Spinney (membre, Comité consultatif de la zone de pêche du homard 34): Oui. Je crois que quelqu'un a eu l'amabilité de l'apporter ce matin.

Une voix: Nous espérons que tu ne feras pas le timide, Wayne.

M. Wayne Spinney: J'essaierai.

Le président: Monsieur Spinney, merci d'avoir accepté de remplacer le premier témoin qui s'est décommandé, et de prendre la parole un peu plus tôt que prévu. Nous disposons d'environ une demi-heure et, si vous voulez bien nous exposer les points saillants de votre mémoire, nous...

M. Wayne Spinney: Zut, alors! On m'avait dit que je pouvais prendre la place de trois témoins.

Le président: On ne sait jamais. Il est possible que vous y arriviez avant que la journée ne soit terminée. Nous ne manquons pas de souplesse.

M. Mark Muise (West Nova, PC): Monsieur le président, vous auriez peut-être intérêt à retirer ces paroles.

Le président: D'accord.

Allez-y, monsieur Spinney.

M. Wayne Spinney: Je présume que nous sommes censés vous remercier de nous avoir permis de venir ici. Je devrais peut-être également remercier les membres d'être venus. Je ne suis toutefois pas sûr de devoir vous remercier de m'avoir permis de venir témoigner parce que chaque fois que j'entends de tels propos, ça veut dire qu'on ne nous écoute pas, ce que j'ai de la difficulté à accepter.

Un des problèmes des pêcheurs, c'est que personne ne les écoute. Nous sommes allés en délégation à Ottawa le 5 novembre, si j'ai bonne mémoire. Nous y sommes allés à sept et ça nous a coûté des milliers de dollars avec comme résultat exactement le contraire de ce que nous voulions. Cette fois-ci, nous sommes là pour faire des propositions à un comité permanent.

C'est M. Baker qui présidait la fois précédente, mais on lui a de toute apparence confié d'autres tâches moins ingrates ou plus ingrates, peut-être parce qu'il essayait d'aider les pêcheurs. Je n'apprécie pas beaucoup non plus ce genre d'entourloupette. Aussi, je ne trouve pas le processus équitable et je me pose parfois des questions au sujet de l'utilité de ces exposés ou de ces réunions.

Je porte deux casquettes différentes aujourd'hui. Je représente d'abord la West Nova Fishermen's Coalition dont je suis le vice-président. J'ai témoigné aux audiences de la Cour suprême concernant l'affaire Donald Marshall. Nous avons été les seuls à demander à la Cour suprême la permission de revenir.

Je crois que vous avez tous sous la main le mémoire de la West Nova Fishermen's Coalition que nous vous avons fait parvenir. Je vous remercie de nous donner l'occasion de vous faire part de nos préoccupations au sujet des divers problèmes auxquels le secteur de la pêche est actuellement confronté, particulièrement dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse.

La West Nova Fishermen's Coalition représente plus de 200 pêcheurs côtiers des comtés de Yarmouth, Shelburne et Digby, détenteurs de divers types de permis—permis de pêche au homard, au poisson de fond et au hareng. La coalition a été créée en 1993 en raison de la mauvaise gestion du poisson de fond par le ministère des Pêches et des Océans et des réductions d'efforts de pêche proposées.

C'est en partie grâce à nous que les permis de pêche à la ligne à main ont été maintenus. Le ministère voulait supprimer ces permis à mesure que leurs détenteurs prenaient leur retraite. Je signale que la pêche à la ligne à main est la méthode de pêche au poisson de fond qui permet d'obtenir la meilleure qualité de poisson et qui cause le moins de dégâts dans les stocks.

La coalition a joué et joue toujours un rôle actif dans l'affaire Marshall. Elle est le seul intervenant non gouvernemental représentant l'industrie. Nous avons demandé la tenue d'audiences supplémentaires pour éclaircir divers points litigieux. C'est de là que vient le jugement rendu par la Cour le 17 novembre.

La coalition est actuellement un membre parmi tant d'autres d'une alliance regroupant toutes les organisations de pêcheurs du Canada Atlantique, l'Atlantic Fishing Industry Alliance (AFIA), formée dans le but de donner à l'industrie l'occasion d'exprimer franchement ses opinions quant à l'interprétation et à l'application du jugement rendu dans la cause Marshall.

En ce qui concerne notre position sur cette cause, nous estimons que le MPO a clairement démontré qu'il n'était pas du tout préparé à la décision Marshall. La cause Marshall n'est pas une cause qui peut servir de précédent dans le contexte d'un traité. Aucun plaidoyer sérieux concernant la nécessité de réglementer les saisons et l'octroi des permis n'a été fait devant la Cour.

• 1325

Le ministère n'avait rien prévu au cas où la décision resterait telle que rendue le 17 septembre.

Aucune coordination avec d'autres ministères ni avec les provinces n'a eu lieu. D'après M. Nault, la décision Marshall s'applique au bois, au pétrole, au gaz et aux ressources minérales. Selon M. Goodale, cette décision s'applique aux Indiens non inscrits. Quant à M. Dhaliwal, il prétend le contraire; d'après lui, le MPO a le pouvoir de réglementer les droits que possède Marshall en vertu du traité mais il ne le fait pas. M. Chrétien estime que les Autochtones étaient là avant nous et qu'il faut leur accorder ce qu'ils réclament. Quant aux provinces, elles affirment que la décision Marshall ne s'applique qu'aux anguilles alors que M. Dhaliwal donne aux Autochtones accès à toutes les pêches. Cependant, c'est généralement Stéphane Dion qui répond aux questions adressées à M. Dhaliwal à la Chambre.

Le MPO n'intervient pas dans la mise en oeuvre du jugement Marshall. Un médiateur et un médiateur adjoint ont été nommés, sans la moindre consultation de l'industrie. Le MPO essaie d'instaurer un processus dont l'industrie serait exclue. L'objectif semble être de trouver un terrain d'entente avec les Autochtones et d'imposer la solution adoptée à l'industrie.

Nous présumons donc, d'après les communiqués du MPO, que l'industrie fait partie de ce que l'on appelle les «autres parties intéressées». Le mandat accordé par le MPO au médiateur indique qu'il n'est responsable de l'affaire Marshall que jusqu'en avril 2000; le dossier sera ensuite confié à M. Nault.

La West Nova Fishermen's Coalition insiste pour que l'industrie intervienne, par le biais de l'AFIA, dans toutes les discussions relatives à la participation autochtone dans le cadre de la décision rendue dans l'affaire Marshall, y compris dans le processus.

La WNFC insiste pour que le MPO prenne position au nom de l'industrie, surtout à la suite du jugement du 17 novembre. Il est certain que les Autochtones devraient avoir—et ont d'ailleurs toujours eu—accès à l'industrie, mais pas aux dépens des participants.

La WNFC insiste pour que le MPO rejette les revendications en matière de pêche des Autochtones non inscrits, faites en vertu des décisions rendues dans l'affaire Marshall ou dans l'affaire Sparrow. La WNFC insiste pour que le MPO cesse de considérer la Stratégie sur les pêches autochtones, instaurée en réponse à la décision rendue dans l'affaire Sparrow sans avoir consulté l'industrie, comme un outil pour la mise en oeuvre de la décision Marshall.

Je m'appelle Wayne Spinney et je suis vice-président de la West Nova Fishermen's Coalition.

Le président: Merci, monsieur Spinney. Je crois pouvoir dire, au nom de tous mes collègues, sous toutes réserves, que nous apprécions la décision rendue par la Cour le 17 novembre. Elle clarifie divers points. J'estime que votre coalition et d'autres organismes méritent d'être félicités d'avoir fait le nécessaire pour obtenir cette clarification. Je crois pouvoir le dire au nom de tous les membres du comité, parce que cette décision facilite grandement notre tâche.

C'est M. O'Brien qui ouvrira la période des questions.

M. Lawrence D. O'Brien (Labrador, Lib.): Merci, monsieur Spinney. Comme député d'une circonscription telle que celle du Labrador, je comprends très bien vos frustrations et vos préoccupations. Je trouve que vous avez exposé vos opinions de façon très franche et très précise.

Je vous remercie d'avoir adopté la position qui a permis d'obtenir les éclaircissements du 17 novembre et des éclaircissements sur d'autres points. J'estime que c'est une façon de procéder très efficace. Nous avons entendu diverses opinions à la Chambre à ce sujet mais il a fallu que vous interveniez pour nous permettre de comprendre un peu mieux.

Je sais que vous en avez entendu parler à maintes reprises, mais je voudrais connaître votre avis et celui des pêcheurs que vous représentez. Nous cherchons une solution provisoire à ce problème d'ici le mois d'avril, en ce qui concerne l'affaire Marshall, et il est possible que ça prenne bien plus de temps que cela. Pouvez-vous nous dire avec précision comment on devrait procéder d'ici là pour accomplir notre tâche au mieux, en vertu des lois et règlements actuels et de la décision de la Cour suprême?

M. Wayne Spinney: Comme vous le savez, on se préoccupe de conservation dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse. Étant donné que 600 bateaux ont participé à Yarmouth, plusieurs observateurs ont parlé de barrage tandis que d'autres ont parlé de manifestation et d'autres encore de signe d'appui à notre industrie. Je dirais que c'est plutôt un signe d'appui à la conservation.

• 1330

Comme vous le savez, le jugement n'avait pas encore été rendu à ce moment-là. Si de tels événements devaient se répéter aujourd'hui, on se demanderait s'il convient d'adopter une perspective à court terme ou à long terme et, par conséquent, comment réagir. Le CCZPH 34 et la West Nova Fishermen's Coalition procéderaient exactement de la même façon que ce qu'ils ont fait le mois dernier. Nous discuterions avec la bande autochtone, la Bande indienne de l'Acadie, de Yarmouth, en l'occurrence, et avec le chef Frank Meuse de Bear River, pour essayer de trouver d'abord une solution à court terme, puis une solution à long terme. C'est d'ailleurs exactement ce que nous avons fait.

Les problèmes qui découlent de ce jugement sont de nature plus complexe. C'est un travail de précision. Les intéressés n'ont pas voix au chapitre. Vous avez en quelque sorte procédé au petit bonheur, avec les résultats que l'on connaît.

On ajoute cinq permis de pêche dans la zone de pêche au homard 34. C'est bien. Ces permis viennent s'ajouter aux 968 permis que nous possédons déjà. D'après les études que nous avions faites, nous pensions que l'industrie pouvait le supporter. Je ne dis pas que cette formule sera efficace pour le homard ou d'autres espèces mais, en ce qui concerne la zone de pêche au homard en question, l'octroi de cinq permis supplémentaires ne compromettrait pas les mesures de conservation.

Aussi, nous avons recommandé que le gouvernement fédéral achète ces permis pour les Autochtones mais nous estimions que ceux-ci devraient acheter eux-mêmes l'équipement. Comme nous pouvons le constater au niveau familial, on commence à prendre ses responsabilités quand on doit payer la note soi-même. C'est alors que l'on prend soin de ce que l'on a. Par conséquent, pourquoi ces Autochtones ont-ils fini par obtenir un équipement d'une valeur de 300 000 $ ou plus alors qu'ils ne savaient même pas comment l'utiliser? Certains d'entre eux ont de l'expérience dans la pêche, mais d'autres pas, comme nous avons pu le constater l'autre jour, lorsque deux ou trois d'entre eux, qui voulaient être capitaines ou propriétaires de bateaux, ont eu le mal de mer dès qu'ils sont allés plus loin que le brise-lames.

Il leur faudra peut-être du temps pour s'habituer. Ils deviendront peut-être de bons pêcheurs.

J'ai personnellement donné des engins de pêche à cette bande et à ces pêcheurs. D'autres ont donné des cordes, des casiers, des bouées, des mâts de charge et des ancres. D'autres ont dressé une carte de la côte pour leur expliquer les mouvements des marées avec précision et leur indiquer la direction dans laquelle les filets ont tendance à dériver sous leur effet. On leur a donné de nombreux renseignements pour essayer de les aider et d'éviter qu'ils ne mettent leurs lignes ou leurs filets à l'eau là où d'autres pêcheurs sont déjà installés, ce qui cause des problèmes. C'est bien beau, mais nous avons toutefois des difficultés à obtenir des bateaux.

Le CCZPH 34 a formé un groupe de direction composé de six personnes, dont je fais partie. Ashton Spinney est le président du CCZPH 34. J'aurais dû le dire au début de mon exposé. Je signale que Ashton Spinney et Junior Theriault regrettent beaucoup de ne pas être présents.

Ce groupe rencontre des dirigeants de la bande autochtone et ils sélectionnent ensemble les personnes autorisées à embarquer sur les bateaux. La bande autochtone de Yarmouth a déjà décidé que les aides et les capitaines seraient des Autochtones inscrits, et pas des non inscrits ni des non-Autochtones. Ils doivent être inscrits.

Nous avons accepté à la condition que, étant donné leur manque d'expérience, les Autochtones soient formés par des capitaines à la retraite, si nous arrivons à en trouver. Nous n'avons fixé aucune échéance pour cette formation, si ce n'est qu'elle ne doit pas coïncider avec les saisons de pêche. Elle dure des semaines et des mois et, dès que ces pêcheurs estiment être qualifiés pour interpréter les systèmes de positionnement global, les systèmes de radionavigation ou les systèmes radar, dès qu'ils se sentent capables de se tirer d'affaire, de piloter un bateau et de le mener à bon port—c'est-à-dire lorsqu'ils connaissent les rudiments du métier de capitaine—ils sont capables de prendre le bateau en main.

Tout semble bien se passer de notre côté, sauf que nous n'arrivons pas à trouver tous les bateaux nécessaires pour les cinq permis en question. Pour le moment, nous en avons deux ou trois, et un autre était en cours d'achat hier soir.

• 1335

Le président: Vas-y très rapidement, Lawrence.

M. Lawrence O'Brien: Monsieur Spinney, recommanderiez-vous d'appliquer votre formule—et je vous félicite à nouveau pour l'esprit de collaboration dont vous avez fait preuve—de façon systématique pour essayer de résoudre ce problème? Ce matin, hier et en de nombreuses autres occasions, nous avons entendu dire que les deux parties doivent en discuter. C'est effectivement ce qui s'est passé dans votre cas et vous avez en partie résolu le problème.

M. Wayne Spinney: Il est impossible de le résoudre sans l'intervention des deux parties. Nous sommes sincères quand nous disons qu'on nous classe parmi les «autres parties intéressées». On ne peut pas s'attendre à trouver une solution lorsqu'un groupe se réunit à 500 ou 1 000 milles de l'endroit où nous sommes et qu'un autre groupe rencontre d'autres intervenants. C'est pratiquement impossible.

Nous n'avions jamais rencontré le chef Robinson ou le chef Frank Meuse mais tout s'est bien passé dès le début parce que les deux collectivités, les deux peuples ou les deux nations, doivent collaborer. Elles doivent vivre ensemble dans les mêmes collectivités et pêcher ensemble. Peu importe qui pêche et quelle est l'espèce pêchée, il faut collaborer.

M. Lawrence O'Brien: Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur O'Brien.

Monsieur Muise.

M. Mark Muise: Merci, monsieur le président.

Merci d'être venu, monsieur Spinney. L'absence de Junior Theriault et de Ashton Spinney indique clairement que la saison de pêche va bientôt commencer. Je comprends très bien pourquoi ils ne sont pas là, et je vous suis reconnaissant d'être venu.

Monsieur Spinney, j'ai ici un exemplaire d'une lettre, datée du 18 janvier 1999, que le ministre des Pêches vous a envoyée, en réponse à une de vos lettres, je suppose. Cette lettre dit ceci:

    Je vous assure qu'on n'a pas du tout l'intention d'imposer des mesures supplémentaires «quelle que soit la quantité de homards portant une encochage en «V» capturés pendant le sondage de juin 1999».

Dans cette lettre, le ministre ajoute que:

    Si l'analyse du programme de marquage par encochage en «V» en 1999 et ultérieurement peut démontrer que les pêcheurs ont rempli leurs engagements, tels qu'énoncés dans votre PPAC [plan de pêche axé sur la conservation], aucune autre mesure n'est ou ne devrait être nécessaire.

Je pense que vous savez où je veux en venir. Pouvez-vous nous dire quelles conséquences l'augmentation de la taille minimale des carapaces aura pour les pêcheurs de West Nova?

M. Wayne Spinney: Merci, monsieur Muise.

Avant de répondre, je voudrais vous présenter un document intitulé «Lobster Fishing, LFA 34 Advisory Committee». Vous devriez l'avoir sous la main. Il s'agit d'un mémoire destiné au comité permanent.

Nous vous remercions de nous avons donné l'occasion... il est inutile que je lise ce paragraphe.

Depuis quelques années, les pêcheurs de homard du Canada Atlantique et surtout ceux de l'ouest de la Nouvelle-Écosse ont participé activement à l'élaboration de méthodes plus efficaces de conservation, dans le but de s'assurer que la ressource demeure saine sur les plans biologique et économique. L'industrie a organisé plusieurs ateliers avec des scientifiques, des pêcheurs et des gestionnaires de pêches.

J'interromps ma lecture quelques instants. Nous avons même fait venir des scientifiques américains pour nous aider dans le cadre de cet atelier. Il s'agissait d'un atelier comprenant une période de questions dont le but était de découvrir certains faits précis sur l'industrie du homard, plus particulièrement sur le marquage par encochage en «V».

Premièrement, l'industrie, et plus précisément le CCZPH 34, n'a cessé d'affirmer au MPO que les stocks de l'ouest de la Nouvelle-Écosse sont sains, en prenant pour preuve l'augmentation constante, depuis les années 80, voire considérable certaines années, des débarquements.

Deuxièmement, le MPO n'a pour ainsi dire fait aucune étude scientifique permettant de justifier une augmentation de la taille légale. Le rapport de 1995 du CCRH sur le homard, basé en grande partie sur des données communiquées par la Direction des Sciences du MPO, indique qu'une augmentation d'un seizième de pouce de la taille légale ne présentait aucun avantage, sinon un avantage minime. Ce n'est que depuis peu que le MPO et l'industrie se sont mis à redoubler d'efforts pour recueillir des données sur l'état des stocks.

Troisièmement, le rapport du CCRH a sous-estimé l'état de santé des stocks de homard. La Direction des Sciences du MPO le reconnaît depuis qu'elle accumule des données plus précises à ce sujet.

Quatrièmement, le rapport du CCRH n'attribue aucun avantage, sinon un avantage minime, au marquage par encochage en «V» comme outil de conservation, mais le rapport de la Direction des Sciences sur les efforts faits l'année dernière par les pêcheurs pour pratiquer ce type de marquage indique que cette méthode est la seule chance d'améliorer la situation sur le plan de la conservation.

Cinquièmement, une période de deux ou trois années doit être considérée comme une période raisonnable pour évaluer l'efficacité du marquage par encochage en «V», d'après une lettre récente de l'ex-ministre, M. Anderson.

Sixièmement, le MPO doit cesser d'exiger que le CCZPH 34 et le CCZPH 33 prennent davantage de mesures de conservation sous prétexte que les stocks sont peut-être en danger dans d'autres zones.

Septièmement, dans plusieurs districts de pêche du homard, la taille minimale de la carapace est nettement inférieure à celle imposée dans les ZPH 33 et 34.

• 1340

Huitièmement, nous n'approuvons pas les modèles utilisés par la Direction des Sciences du MPO pour justifier une augmentation de la taille légale.

Le comité réclame votre appui dans son opposition à une augmentation de la taille des carapaces en ce moment.

Pour répondre maintenant à votre question, je signale qu'en 1988, lorsque j'étais président du comité de direction de l'atelier, nous avons organisé deux ateliers portant uniquement sur la conservation. Le premier était un atelier de deux jours, dans le cadre duquel nous avons examiné divers aspects de l'industrie tels que le raccourcissement de la saison de pêche et la diminution du nombre de casiers. Toutes ces initiatives ont trait à la conservation.

Je suis en train de confondre «conversation» et «conservation». C'est que je pratique assidûment les deux.

Les participants au premier atelier ont convenu d'augmenter la taille de 1/32", puis à nouveau de 1/32" l'année suivante, selon la nature des renseignements que nous obtiendrons ultérieurement sur les programmes de marquage par encochage en «V». C'était au mois de février. En juillet ou en août de la même année, nous avons organisé un autre atelier. Nous y avons invité un expert américain en la matière, un certain M. Bayer. Il a fait de nombreuses études sur le marquage par encochage en «V». Dans l'État du Maine, on fait ce genre d'étude depuis environ 70 ans.

Au cours des journées ou des saisons normales, on marque ainsi plus de 5 000 nouveaux homards. Il ne s'agit pas d'un second marquage. Quand on capture un homard qui porte une petite encoche à la queue, on fait parfois une nouvelle encoche en présumant que l'encoche initiale aura disparu après un an de croissance. L'objectif d'un tel programme n'est pas de faire un comptage des stocks. Il est de faire un comptage de la prise actuelle qui, cette année, a été supérieure à 5 000 tonnes.

À leur arrivée, plusieurs pêcheurs m'en ont parlé. L'un d'entre eux, qui est âgé de 78 ans, m'a dit que son père lui avait appris à le faire. Ce pêcheur n'avait pris sa retraite que depuis trois ans et il m'a dit qu'en une journée, on capturait de 200 à 300 livres de homard dans des conditions normales. On examinait le homard pour voir s'il avait la queue en éventail. Une queue en éventail est un indice. Quand les oeufs du homard commencent à grossir à l'intérieur de son corps, sa queue se gonfle. Quelque temps après, les oeufs se développent et le homard les porte sous sa queue pendant une période de six à huit mois. Lorsque les oeufs sont sous la queue, on sait qu'il s'agit automatiquement d'un homard protégé. On ne peut le ramener nulle part aux États-Unis ou au Canada.

Après la fraie, le homard peut être capturé et vendu. C'est exactement le même principe que celui qu'on applique lorsqu'il s'agit de conserver une bonne vache ou les meilleures couveuses de son poulailler. On garde les meilleurs spécimens. Lorsqu'on capture un homard plein d'oeufs, on veut le protéger et c'est pourquoi nous avons élaboré le programme du marquage par encochage en «V».

De très nombreux tests ont été effectués pour savoir si cette méthode de marquage est nocive pour le homard. J'ai assisté à des réunions où plusieurs individus—dont je ne citerai pas les noms—ont adopté le point de vue de certains biologistes du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse et ont déclaré publiquement que le marquage par encochage en «V» favorise le développement de maladies et de bactéries. C'est le plus gros mensonge qui ait jamais été inventé pour essayer de décourager l'accroissement du nombre d'oeufs par individu dans le secteur de la pêche du homard.

Il suffit de songer aux dégâts que cause la flottille mobile, qui racle le fond de l'océan au moyen de ses engins de pêche et mutile les homards.

Dans ma région, c'est-à-dire dans la baie Ste-Marie, on capture beaucoup de homards qui n'ont qu'une pince ou qui n'en ont plus, ou qui sont blessés et qui se vendent moins cher sur le marché. Il s'agit de la région du secteur de Scotia-Fundy où l'on récolte la plus grosse quantité de homards endommagés, en raison des activités de la flottille mobile durant l'été, surtout de la flottille de pêche des pétoncles. Je n'irais toutefois pas jusqu'à recommander de se débarrasser de cette flottille. Ces pêcheurs doivent aussi gagner leur vie.

Les homards mutilés ne périssent pas cependant. Par conséquent, il est faux que le marquage par encochage en «V» favorise le développement des bactéries et des maladies. La preuve, c'est que notre industrie aurait disparu depuis longtemps à cause de tous les dommages causés aux homards.

Le président: C'est bien, monsieur Spinney. Ce sont...

M. Wayne Spinney: Pour en revenir à la question...

Le président: Ce sont de bons renseignements, mais je voudrais que... Je comprends le problème de communication avec le MPO et nous l'examinerons. Pourriez-vous toutefois répondre à la question de Mark?

• 1345

M. Wayne Spinney: Oui. À l'issue de cet atelier, comme l'indique d'ailleurs le compte rendu synthétique des délibérations, nous avons manifesté le désir de faire une enquête sur le programme de marquage par encochage en «V». Nous proposons donc d'utiliser dix bateaux de 400 casiers. Si vous faites le calcul, ça fait environ 80 000 casiers. L'expérience serait effectuée au mois de juin pour déterminer si les pêcheurs pratiquent effectivement le marquage par encochage en «V» et quel pourcentage de homard est capturé au cours de ce mois. Les casiers seraient relevés cinq fois par semaine pendant une période de 20 jours ou d'un mois.

Le président: Ce n'est pas de la pêche. S'agit-il uniquement de relever les casiers, d'observer les homards et de les remettre à l'eau?

M. Wayne Spinney: Il s'agit également de les marquer. Les femelles oeuvées seraient relâchées et l'on se propose également de procéder au marquage de toutes les femelles capturées dans le cadre de cette expérience.

M. Mark Muise: Quelles conséquences aurait l'augmentation de la taille légale des carapaces? Quelles seraient, d'après vous et d'après les pêcheurs, les conséquences de cette mesure?

M. Wayne Spinney: C'est intéressant que vous posiez cette question parce que nous avons dit que ça représenterait certainement une perte générale de 10 p. 100 et c'est effectivement le cas. Pour certains pêcheurs, cette mesure n'entraîne toutefois aucune perte. Les pertes sont moins élevées pour ceux qui pratiquent la pêche semi-hauturière que pour ceux qui pratiquent la pêche hauturière. À 40 ou 50 milles des côtes, les pertes sont pratiquement nulles. Par contre, en ce qui concerne les pêcheurs côtiers, ceux qui pêchent dans la baie Ste-Marie, les pertes sont supérieures à 35 p. 100 et en février, elles atteignent même 80 p. 100.

M. Mark Muise: Est-ce que cette mesure aura également des répercussions sur le marché? On m'a dit en effet—et j'ignore quel est le lien mais vous pourriez peut-être me l'expliquer—que l'augmentation de la mesure légale entraînerait des changements sur le plan commercial...

M. Wayne Spinney: Absolument. Dorénavant, au lieu de trouver sur le marché des homards de cinq dollars, on ne trouvera que des homards de 10 $. Les Européens veulent des homards d'une livre. C'est un marché important et la demande est extrêmement forte. En outre, en raison de l'augmentation de la taille minimale de 3-1/16" à 3-1/4", le homard d'une livre (3-1/16") avec les deux pinces sera remplacé par un homard d'une livre et demie (3-1/4").

M. Mark Muise: Je voix.

M. Wayne Spinney: Si le homard se vend cinq dollars la livre, le homard de cinq dollars sera donc remplacé par un homard de 7,50 $.

M. Mark Muise: Bien. Puis-je poser une autre question?

Le président: Une dernière question, Mark.

M. Mark Muise: Le mandat de M. MacKenzie a été annoncé il y a deux semaines, soit sept semaines après sa nomination. Les pêcheurs du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse ont-ils des réticences au sujet de ce mandat? Si oui, quelles sont-elles?

M. Wayne Spinney: On fait maintenant intervenir deux personnes de plus, outre le ministre des Affaires indiennes et du Nord, le ministre des Pêches et diverses autres personnes. Ça fait beaucoup d'intervenants.

Je ne peux pas faire de commentaires sur le mandat. Je ne sais pas exactement en quoi il consiste.

M. Mark Muise: Bien.

M. Wayne Spinney: Je ne veux pas faire semblant de le savoir, parce que ce ne serait pas vrai. Notre première rencontre avec M. MacKenzie a été un échec lamentable.

M. Mark Muise: C'est pourquoi j'ai posé la question. Nous remarquons notamment que le mandat indique que M. MacKenzie négociera avec les Autochtones, puis avec tous les autres pêcheurs qui sont appelés «autres parties intéressées». C'est pourquoi je vous ai posé cette question.

M. Wayne Spinney: Nous ne pouvons l'accepter et nous ne l'acceptons pas. Notre première et seule rencontre avec M. MacKenzie a eu lieu au moment des événements explosifs de Yarmouth.

M. Mark Muise: Oui. Vous avez également signalé que Stéphane Dion répondait parfois aux questions pour le ministre des Pêches. D'autre part, le ministre des Affaires indiennes et du Nord interprète à sa façon la décision du 17 septembre. À la suite des éclaircissements donnés dernièrement par la Cour suprême, nous avons pu constater que son interprétation était erronée. Pensez- vous qu'il devrait toujours participer à ces négociations ou si celles-ci devraient se poursuivre uniquement avec le MPO?

M. Wayne Spinney: Tous ces gens-là devraient démissionner.

M. Mark Muise: Je crois que c'est ce qu'on a dit la semaine dernière.

M. Wayne Spinney: Oui. Comment peut-on poursuivre les négociations? Chaque fois que j'ai vu M. Dhaliwal à la télévision et que je l'ai rencontré en personne... Le 5 novembre, il nous a rappelé qu'à Seattle et en Nouvelle-Zélande, on avait octroyé 50 p. 100 du poisson. Je suis désolé, mais j'estime que, sans le jugement, 50 p. 100 de notre poisson était octroyé aux Autochtones.

Je n'ai pas le sentiment que le ministère fédéral donne des garanties sur notre pêche ces derniers temps. Le fait qu'il s'agisse uniquement des Autochtones n'a pas d'importance, mais c'est important sur la plupart des autres plans.

• 1350

Le président: Permettez-moi de vous signaler, monsieur Spinney, que c'est une des raisons pour lesquelles nous avons décidé, de notre propre initiative, de tenir ces audiences. Nous consultons toutes les parties sur place et nous ferons des recommandations concrètes au Parlement à ce sujet. Voilà ce que nous comptons faire.

Monsieur Stoffer.

M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Merci, monsieur le président.

Monsieur Spinney, je commence à me rendre compte que vous êtes le Wayne Gretzky du milieu de la pêche, avec tous vos casiers et tout le reste. Je tiens à vous féliciter...

M. Wayne Spinney: Je ne crois pas avoir atteint ce niveau. J'accepte vos félicitations mais je ne parle pas en mon nom personnel; je suis le porte-parole du comité et des habitants du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse; aussi, je leur rapporterai vos propos.

M. Peter Stoffer: Merci.

À propos de votre quatrième point, je dirais que quelqu'un qui examine la question objectivement ne peut s'empêcher de se demander comment diable on peut avoir confiance dans le gouvernement fédéral quand ses représentants donnent aux pêcheurs, à leurs familles et à leurs collectivités des renseignements contradictoires. Ça se comprend que vous soyez extrêmement déçu. Depuis que je suis élu, c'est-à-dire depuis deux ans et demi, je suis moi-même très déçu par le MPO et par divers autres aspects.

J'ai toutefois deux questions à vous poser. Vous dites que la WNFC insiste pour que le MPO rejette les revendications à la pêche faites par des Autochtones non inscrits en vertu du jugement Marshall ou du jugement Sparrow. Votre opinion rejoint en fait celle de la plupart des chefs autochtones. D'après leur interprétation, la décision concernerait uniquement les Autochtones vivant dans les réserves. Est-ce exact?

M. Wayne Spinney: C'est exact.

M. Peter Stoffer: Je sais que les groupes autochtones non inscrits, comme le Native Council of Nova Scotia et le Native Council of P.E.I., rejettent catégoriquement cette interprétation.

Lorsque Marshall a été reconnu coupable en 1993, le MPO a dit qu'il plaiderait la cause en justice au lieu de négocier tandis que le ministre actuel, après l'affaire Marshall, affirme qu'il est préférable de négocier que de régler les différends devant les tribunaux.

M. Wayne Spinney: C'est exact.

M. Peter Stoffer: Je ne suis pas avocat mais j'ai l'impression que les Autochtones non inscrits ont peut-être raison. Ce n'est qu'une opinion personnelle qui ne reflète nullement la position de mon parti. S'ils ont raison et si nous établissons les plans et les paramètres que vous réclamez, dans le cadre de votre processus de consultation actuel des Autochtones, que se passera-t-il dans cinq ans si les Autochtones non inscrits portent l'affaire devant la Cour suprême et si toute décision de cette nature s'applique à eux également, comme ils le prétendent? Faudra-t-il reprendre les discussions?

Ne pensez-vous pas qu'il serait utile de faire participer les Autochtones non inscrits aux discussions et aux négociations pour éviter les recours en justice ultérieurs? Je sais que c'est une question complexe à laquelle il est difficile de répondre, car plusieurs avocats extrêmement compétents qui ont témoigné devant le comité n'ont pas pu le faire.

M. Wayne Spinney: Je ne répondrai peut-être pas à cette question, mais je voudrais vous parler de l'enfer sur terre que je vis depuis 1992 à cause de cette controverse.

Lorsque le jugement Sparrow a été rendu, le MPO nous a rencontrés, avec Kathi Matthew Stewart, qui est la coordinatrice ou la représentante des Autochtones originaires de la région de Halifax. Nous avons eu une réunion et pas plus. Une stratégie quelconque a été convenue entre le MPO et les Autochtones non inscrits.

M. Peter Stoffer: C'est une erreur.

M. Wayne Spinney: C'était une très grosse erreur. Les pêcheurs commerciaux n'avaient pas été consultés du tout. C'est ce qui a donné naissance au plus vaste marché noir de homard qui ait jamais existé en Nouvelle-Écosse.

M. Peter Stoffer: C'est ce qu'on appelle la pêche de subsistance.

M. Wayne Spinney: C'est effectivement ce qu'on appelle la pêche de subsistance. On ne peut pas continuer à tolérer cette situation.

J'ai toujours prétendu que, chaque fois que l'on permet de poser un casier dans la zone 34 par exemple,... on crée une pêche illégale qui attire d'autres personnes. Et c'est exactement ce qui se passe. En fin de compte, le nombre de casiers était de six par famille, c'est-à-dire six par membre.

La plupart de nos pêcheurs commerciaux renonceront à leur permis de pêche commerciale—et ils pêchent entre 20 000 ou 60 000 livres de homard par année avec ce permis—pour six casiers posés durant l'été.

À quoi a-t-on pensé en accordant six casiers par personne durant l'été compte tenu de la quantité de homards qui s'y feront prendre? Vers 1993, j'ai pris l'initiative d'écrire à tous les députés fédéraux, à tous les députés de l'Assemblée législative de la Nouvelle-Écosse et à tous les sénateurs pour me plaindre et signaler qu'il fallait agir au sujet de cette pêche de subsistance parce qu'elle détruit l'industrie. C'est d'ailleurs ce que confirmaient les estimations du MPO de 1988. À cause de cette affaire des Autochtones non inscrits, j'ai été molesté et on m'a volé de l'équipement pour une valeur de 12 000 $. C'était et c'est encore le plus vaste marché noir de homard du Canada.

• 1355

D'après les estimations du MPO, la quantité de homards pêchés illégalement en 1988 était de 500 tonnes.

M. Peter Stoffer: Le MPO n'a-t-il toutefois pas le droit de mettre un terme à cette situation s'il le désire en vertu de ses pouvoirs de réglementation?

M. Wayne Spinney: Oui, mais on n'arrivera pas à mettre un terme à une pêche de subsistance à six casiers. Il serait peut-être possible de réglementer la pêche en limitant le nombre de homards que l'on peut avoir en sa possession ou en décrétant que les six casiers doivent être posés pendant la saison de pêche légale.

M. Peter Stoffer: Ne pensez-vous pas toutefois que le MPO a le pouvoir d'empêcher les intéressés de vendre leur homard?

M. Wayne Spinney: C'est l'autre problème. Les intéressés n'étaient pas censés vendre leur homard mais ils ont dit que, dans ce cas, ils se demandaient comment ils allaient pouvoir payer leur moteur hors-bord, leur capitaine, leur bateau ou le carburant.

M. Peter Stoffer: Une toute dernière question.

Le président: Puisque vous parlez de pêche de subsistance dans votre région—je vous accorderai le temps nécessaire pour poser votre question, Peter—je voudrais savoir si la situation est la même dans d'autres régions. Dans la baie Malpeque, à l'île-du- Prince-Édouard, la pêche de subsistance a été fermée lorsque la limite de 80 000 livres a été atteinte. Y a-t-il une limite dans votre région?

M. Wayne Spinney: Les prises ne sont pas déclarées du tout.

Le président: Si l'on peut fermer la pêche dans un secteur, pourquoi pas dans un autre? Dans la baie Malpeque, la pêche de subsistance a été fermée lorsque la limite de 80 000 livres a été atteinte.

M. Wayne Spinney: Est-ce vrai? C'est la première fois que j'en entends parler. Chez nous, elle a été fermée au moment du barrage.

Le président: Nous vérifierons, parce que si l'on peut réglementer la pêche de subsistance dans une zone, pourquoi ne pourrait-on le faire dans une autre?

M. Wayne Spinney: Le problème est que—et ce n'était peut-être pas le cas dans votre région parce que ce n'était pas juste avant l'ouverture—dans notre région, on pêchait dans la zone 34 et dans le coin de Digby Neck, dans la baie Ste-Marie. Toutes les femelles de homard viennent dans la baie au printemps. Elles viennent ici pour pondre leurs oeufs et assurer la perpétuation de l'espèce. Ensuite, elles perdent leur carapace et se cachent sous les roches.

Le président: La situation est la même dans la baie Malpeque.

M. Wayne Spinney: Les 500 tonnes de homard qui ont été prises l'ont été dans cette petite zone. Les prises n'étaient pas réparties sur une superficie de 21 000 kilomètres carrés, comme c'est le cas pour la ZPH 34. Elles étaient concentrées sur une superficie de moins de 10 milles carrés, et c'est là le problème.

L'année dernière, les pêcheurs, qui capturaient normalement de 2 000 à 4 000 livres le premier jour, n'ont pris que de 200 à 800 livres de homard. Ce fut toute leur capture, et c'est là le problème.

Le président: Je rends la parole à Peter.

M. Peter Stoffer: C'est ma dernière question, monsieur Spinney, même si je sais que nous pourrions discuter de tous ces problèmes toute la journée.

M. Wayne Spinney: J'en parlerais bien toute la journée.

M. Peter Stoffer: J'ai posé la question suivante à bien d'autres organismes et j'ai obtenu des réponses différentes selon leur interprétation. Estimez-vous que le système des quotas individuels transférables (QIT) devrait être appliqué dans le cas du homard?

M. Wayne Spinney: Non.

M. Peter Stoffer: Pourquoi?

M. Wayne Spinney: Certainement pas. Voyez ce qui s'est passé dans notre province et dans les autres régions du Canada; ce système a fait disparaître les pêches locales. Il a fait disparaître les pêcheurs indépendants. Il a fini par être contrôlé par les entreprises. C'est un système que nous n'accepterons jamais.

M. Peter Stoffer: Si j'ai posé la question, c'est parce que nous avons entendu le témoignage d'un organisme représentant les pêcheurs de crabe des neiges...

M. Wayne Spinney: Oui, c'est un secteur où ce système est efficace.

M. Peter Stoffer: ...du Cap-Breton, et ce système est efficace, d'après eux.

M. Wayne Spinney: Ils ont 19 bateaux.

M. Peter Stoffer: Oui.

M. Wayne Spinney: Oui, ce système est efficace pour eux. C'est exact. Par contre, si vous voulez vous débarrasser d'une pêche et d'une collectivité de pêcheurs, il suffit d'instaurer le système des quotas. Vous en serez vite débarrassés.

Le président: Nous accepterons encore une question, puis ce sera tout pour l'instant. Je sais que Sarkis veut faire une intervention qui ne s'adresse pas au témoin mais au comité.

Monsieur Muise.

M. Mark Muise: Mes opinions et celles de Wayne se rejoignent au sujet de cette pêche de subsistance et des problèmes qu'elle a engendrés dans la baie Ste-Marie.

Wayne, j'ai été très étonné de t'entendre dire que, dans la baie Malpeque, la pêche de subsistance avait été fermée. Je m'en suis vivement réjoui car j'avais abordé ce sujet à maintes reprises à la Chambre.

On nous a toujours dit que c'était impossible. Je voudrais que quelqu'un puisse nous donner des explications à ce sujet, parce que j'estime que c'est extrêmement important. Comme l'a signalé Wayne, on pouvait y capturer les homards avec des seaux.

M. Wayne Spinney: Oui.

• 1400

M. Mark Muise: Ils sont extrêmement vulnérables. Ils se réunissent tous à cet endroit et, si on les capture, c'est l'avenir de l'espèce qui est compromis...; en outre, ceux qui pratiquent la pêche régulière dans cette petite zone en souffrent, et pas seulement ceux qui pêchent dans cette petite zone, mais aussi ceux qui pêchent dans d'autres zones, en fin de compte.

M. Wayne Spinney: C'est une des causes du barrage ou de la manifestation de Yarmouth, où 600 bateaux ont participé. Ce barrage n'avait rien ou pratiquement rien à voir avec la décision Marshall. Bien que cette décision indique que l'on pourra dorénavant pêcher à n'importe quel moment de l'année et capturer n'importe quelle quantité, les pêcheurs se sont avant tout réunis à Yarmouth à cause de la pêche à outrance qui se pratique dans la baie Ste-Marie depuis 1992. La décision n'a peut-être fait qu'exacerber la situation. Ça causera des problèmes pour la pêche de subsistance l'été prochain parce que, au moment où ils ont quitté les lieux, les manifestants ont promis de revenir.

Le président: Je me renseignerai pour savoir ce qui s'est passé exactement dans la baie Malpeque. Il est possible que des arrangements aient été pris avec le chef de la Bande indienne Lennox. La décision a peut-être été prise par le MPO. Je n'en suis pas sûr. Tout ce que je sais, c'est que la pêche a été fermée. Je vérifierai et je vous communiquerai ce renseignement.

Monsieur Spinney, si vous voulez un exemplaire du mandat du représentant en chef du gouvernement fédéral, j'en ai un sous la main.

M. Wayne Spinney: Oui, merci.

Le président: Je n'en ai qu'un exemplaire mais je vous le donnerai et vous pourrez le faire photocopier.

M. Wayne Spinney: Avant que vous ne changiez de sujet, je voudrais attirer votre attention sur le document que vous avez là, intitulé «Preliminary Analysis of LFA 34 Lobster Catch Settlement». Il n'a pas été préparé par le CCZPH 34 mais par Peter Lawton et Mike Strong, qui travaillent à la station biologique de St. Andrews, au Nouveau-Brunswick. Ce document porte sur le programme de marquage par encochage en «V». Il concerne la seule année où l'on a pratiqué ce type de marquage.

Veuillez examiner le tableau 10, à l'avant-dernière page, qui concerne le marquage. En avril et en mai... En décembre, 30 p. 100 seulement des pêcheurs y ont participé, parce que nous ne disposions pas des outils nécessaires. Nous n'avons pu les obtenir que vers le mois de janvier. Vous voyez que la participation a progressivement augmenté. En avril et en mai, 73 p. 100 des pêcheurs de homard détenteurs de permis ont participé à ce programme.

Le document en annexe est celui qui a été présenté au ministre des Pêches. Il porte sur les points saillants de l'analyse. Je crois que vous l'avez tous. En regardant les deux dernières pages de ce dernier document, vous verrez que 73 p. 100 des pêcheurs ont participé au programme alors que le MPO s'attendait à une participation de 20 p. 100 seulement. Entre 60 p. 100 et 70 p. 100 des pêcheurs y ont finalement participé. À la deuxième page du document portant sur les points saillants, on indique que 131 595 homards ont été marqués par encochage en «V».

À la page suivante, on indique que le poids total des prises était de 27,5 millions de livres et, si l'on se base sur une moyenne d'une livre et demie par homard, ça veut dire que nous n'en avons pêché que 18 387 000. Dans le cadre du programme, nous en avons remis 26 millions à l'eau. Nous avons par conséquent remis huit millions de homards de plus que ce que nous avons prélevé.

Je voudrais continuer à parler de ce programme...

Le président: Il ne nous reste plus de temps. Je permets à M. Stoffer de vous poser une question portant sur un sujet sur lequel nous avons besoin d'une réponse, puis nous devrons arrêter, parce que nous commençons à être en retard, même si plusieurs témoins ne sont pas venus.

M. Peter Stoffer: Excusez-moi de vous interrompre.

Le président: Allez-y.

M. Peter Stoffer: Dans le golfe du Maine, on a signalé dernièrement qu'un grand nombre de homards ont péri. De nombreux scientifiques et autres personnes essaient d'en déterminer les causes. C'est une question qui vous préoccupe certainement. Avez- vous une idée de ce qui a pu faire périr tous ces homards et de ce qui a pu se passer dans la baie de Fundy?

M. Wayne Spinney: À la dernière réunion du CCZPH 34—qui s'est tenue le 29 octobre, si je ne me trompe—nous avons abordé la question en présence de M. Pezzack, notre biologiste attitré. À ce moment-là, on ignorait totalement les causes de cet incident. On était au courant de la situation mais on en ignorait les causes. On ne savait pas si c'était dû à la température élevée de l'eau, à sa salinité—c'est-à-dire la teneur de l'eau en sel—et aux écoulements (écoulements d'eau douce) ou encore à une source de pollution urbaine. Ce sont les trois facteurs qui ont été examinés au cours de cette réunion où les participants ont essayé de découvrir les causes de cet incident.

• 1405

Nous savons que cette situation sème la peur sur le marché. Nous essayons de l'enrayer mais c'est en quelque sorte impossible. On découvre effectivement beaucoup de homards qui ont péri.

Le président: Merci, monsieur Spinney.

M. Peter Stoffer: Merci, Wayne.

M. Wayne Spinney: Merci de m'avoir invité. Puis-je garder la plaquette sur laquelle est inscrit mon nom?

Le président: Vous pouvez la garder.

M. Wayne Spinney: J'en aurai peut-être besoin.

Le président: Espérons que nous ferons quelques recommandations qui auront votre approbation; vous pourrez alors l'encadrer. Peut-être que nos recommandations seront mises en oeuvre cette fois-ci.

M. Wayne Spinney: Peut-être que non.

Merci bien.

Le président: Avant que j'appelle le témoin suivant, M. Assadourian a une déclaration à faire.

M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.): Monsieur le président, comme vous avez pu le constater, les deux représentants du Parti réformiste sont partis. Ils ne sont pas ici. Je pense qu'ils sont retournés tous deux à Ottawa. Au moins un des deux a quitté l'hôtel pour aller voter ce soir, car c'est aujourd'hui qu'a lieu le vote sur le Traité nishga. Il est tout à fait regrettable que les deux représentants réformistes nous aient quittés sans avoir la politesse de nous dire qu'ils rentraient à Ottawa. C'est choquant pour leurs collègues et pour les témoins.

Par conséquent, j'estime qu'il faudrait en prendre note. J'espère que ce n'est pas le cas. J'espère qu'ils sont ici et qu'ils reviendront d'un moment à l'autre mais j'ai cru comprendre que l'un d'entre eux avait déjà quitté l'hôtel et que l'autre le conduisait à l'aéroport. Je me trompe peut-être mais c'est ce que j'ai entendu dire. Je trouve que c'est très choquant pour mes collègues et moi. Une telle attitude démontre leur manque d'intérêt pour les questions que nous sommes en train d'examiner.

Le président: Chers collègues, j'ai ici une note de John—je ne sais plus quel John—qui a été rédigée à 13 h 28. Elle dit ceci: «Sommes partis voter sur le Traité nishga». J'ignore toutefois s'ils sont partis tous les deux. Sarkis, il faut parfois partir pour maintenir un certain équilibre à la Chambre des communes. Je te remercie d'être venu. C'est regrettable mais il faut maintenir un certain équilibre à la Chambre des communes également.

Je donne la parole à M. Stoffer, puis à M. Bernier.

M. Peter Stoffer: Monsieur le président, sans vouloir manquer de respect à l'égard des membres réformistes de notre comité, je signale qu'on leur a manifestement donné l'ordre de retourner à Ottawa pour voter. C'est absolument révoltant. Quand nous siégeons et acceptons de tenir des audiences à l'extérieur d'Ottawa pour discuter d'un problème très grave, que ce soit avec des pêcheurs ou d'autres intervenants, nous avons le devoir de rester.

Étant donné la perception que l'on a de l'attitude des réformistes à l'égard du Traité nishga ou dans le contexte des autres questions sur lesquelles la Chambre tient un vote, j'estime qu'en quittant sans nous avoir consultés d'avance et qu'en mettant leurs collègues libéraux en cause—et je m'adresse également à mes collègues libéraux—ils profitent de la situation. Nous savons que chaque fois qu'un membre libéral s'en va, un membre de l'opposition s'en va également. C'est toujours ainsi pendant les déplacements des comités. Ils mettent nos collègues libéraux dans une situation très embarrassante en profitant de l'occasion pour s'en aller. Par leur attitude, ils transmettent un message aux témoins qui viendront cet après-midi, voire demain, pour discuter de cette question très importante. Puisque l'opposition officielle n'est pas là pour les écouter, le message est clair pour les autres organismes et témoins; ils en déduiront nécessairement qu'elle n'attache pas beaucoup d'importance à leurs préoccupations.

Le président: Je vous interromps, parce que je ne tiens pas à ce que l'on s'étende sur le sujet. Je donne la parole à M. Bernier, puis nous écouterons les témoins. Vos commentaires sont consignés et ils seront transcrits.

[Français]

Monsieur Bernier.

M. Yvan Bernier (Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok, BQ): Je vais être bref, monsieur le président, par respect pour tous les témoins que nous avons à entendre.

J'aimerais toutefois vérifier si, du point de vue technique, la façon de se comporter en comité doit être la même qu'en Chambre. En Chambre, on n'a pas le droit de mentionner la présence ou l'absence de députés. Il faudrait vérifier cela dès que le greffier sera revenu.

En second lieu, monsieur le président, je ne pense pas qu'il nous appartienne de juger des agissements de chacun des partis. En ce qui me concerne, je travaille à la question des pêches; j'y investis un grand nombre d'heures et je vais faire du mieux que je peux.

D'habitude, quand j'ai à m'absenter, je vous avertis dans les délais qui me sont impartis. Par ailleurs, je ne voudrais pas qu'on fasse de procès d'intention à un des partis et je voudrais qu'on continue d'entendre les témoins. Étant donné la difficulté du problème actuel, si un des partenaires libéraux doit quitter, ce sera sûrement à regret. Je crois que ceux qui font la tournée avec nous la font aussi sincèrement que possible et que l'on excusera le député auprès de la population le cas échéant.

• 1410

Je vous remercie, monsieur le président. J'aimerais qu'on réponde à ma question un peu plus tard. Avons-nous le droit de mentionner l'absence ou la présence d'un député?

[Traduction]

Le président: Je n'en suis pas sûr. Le greffier m'a dit que l'on n'est pas censé signaler l'absence d'un membre. Je tiens à signaler que, du point de vue du gouvernement, il faut maintenir un certain équilibre à la Chambre quand il y a un vote. Ça veut donc dire qu'un de nos membres devra s'en aller.

M. Bill Matthews (Burin—St. George's, Lib.): N'est-il pas possible d'obtenir le consentement unanime du comité?

Le président: Quoi qu'il en soit, je mets un terme à la discussion. Sarkis a dit ce qu'il avait à dire et je le remercie d'être venu. Je regrette que vous deviez partir.

Le témoin suivant est Jeff Brownstein, président de la Section locale 6 de l'Union des pêcheurs des Maritimes.

Excusez-nous de vous imposer des discussions qui relèvent de la cuisine interne, mais ça arrive quand on est en déplacement. Soyez le bienvenu. Allez-y.

M. Jeff Brownstein (président, Section locale 6, Union des pêcheurs des Maritimes): Merci bien. Je crois que vous avez un exemplaire de notre mémoire. Mesdames et messieurs, je vous remercie de nous donner l'occasion d'exprimer nos opinions et de parler de notre expérience dans le contexte des droits conférés par des traités aux Premières nations dans le secteur de la pêche commerciale.

Sur la côte est de l'île du Cap-Breton, on a entamé la mise sur pied de la commission de cogestion du Cap-Breton. Ce processus dure depuis au moins deux ou trois ans et fait intervenir quatre associations de pêcheurs côtiers représentant la majorité des pêcheurs de Baie Sydney ou de la zone 4Vn de la NAFO.

Alors que nous sommes dans la région de Scotia-Fundy, qui est très diversifiée, nous avons les mêmes opinions que les pêcheurs côtiers authentiques de la région du Golfe. Nous aidons le MPO à élaborer et à mettre en oeuvre les politiques et les mesures de gestion des pêches à l'échelle locale et, grâce à nos syndicats, les pêcheurs jouent un rôle de plus en plus important dans la gestion des pêches.

Pour la commission de cogestion, l'étape logique consiste à inviter les Premières nations de notre région à participer à ce processus de cogestion. C'est le message qui a été transmis aux Premières nations du Cap-Breton. Jusqu'à présent, nous avons organisé une réunion de prise de contact et nous sommes impatients de poursuivre le dialogue. Les Premières nations essaient d'obtenir de l'aide financière du MPO pour participer à ces négociations et nous appuyons leur requête.

Nous acceptons en outre de considérer l'île du Cap-Breton comme un bloc. Par conséquent, nous faisons intervenir les représentants des associations de pêcheurs du comté de Richmond et du comté d'Inverness, situé dans la région du Golfe. Les pêcheurs et les Premières nations du Cap-Breton sont très heureux qu'il n'y ait qu'une série de négociations pour l'ensemble du Cap-Breton, considéré comme une grande collectivité naturelle où les pêcheurs sont animés des mêmes sentiments et les membres des Premières nations aussi, à mon avis.

Les conditions essentielles à un aboutissement heureux des négociations et à la coexistence des Autochtones et des pêcheurs commerciaux sont: paix et amitié; base communautaire, pouvoir local, associations solides capables de collaborer, soutien du MPO plutôt qu'obstruction de sa part et responsabilité financière de l'État pour intégrer les nouveaux intervenants des diverses bandes autochtones en rachetant leurs permis aux pêcheurs commerciaux prêts à abandonner le secteur.

Je précise que la paix et l'amitié sont des besoins urgents. Nous entretenions déjà autrefois de bonnes relations et nous espérons les améliorer. Nous devons comprendre nos points de vue mutuels et être disposés à travailler ensemble. Nous travaillons dans un secteur extrêmement réglementé et nous nous sentirions menacés si d'autres intervenants pêchaient pendant des saisons différentes ou étaient soumis à d'autres règlements que nous.

La base communautaire est en l'occurrence l'île du Cap-Breton. Alors que le MPO a instauré la région du Golfe et la région de Scotia-Fundy, et nous oblige à aller à Moncton ou à Halifax pour assister aux réunions, nous reconnaissons, à l'instar des cinq bandes autochtones du Cap-Breton, qu'il faudrait un seul plan d'ensemble pour ce que les Micmacs appellent Unama'ki, c'est-à-dire le Cap-Breton. Les réunions devraient avoir lieu au Cap-Breton et c'est là que les décisions devraient être prises. Les pêcheurs commerciaux ou autochtones non établis au Cap-Breton qui désirent pêcher dans nos eaux devraient se conformer à nos plans. Nous sommes d'accord sur ce point.

• 1415

Nous préférons un pouvoir local et souhaitons que les décisions soient prises davantage à l'échelon local. Ça veut dire également que nos plans de devraient pas être rejetés sous le seul prétexte qu'ils ne sont pas efficaces dans le comté de Shelburne ou en Colombie-Britannique, par exemple. Il ne faut pas détruire les bonnes initiatives locales sous le seul prétexte parce qu'elles ne sont pas conformes aux politiques régionales ou nationales. C'est à l'échelon local que l'on obtiendra les meilleurs résultats et, par conséquent, les initiatives locales devraient être appuyées.

Des associations solides, capables de collaborer, sont essentielles tant en ce qui concerne les pêcheurs autochtones que les pêcheurs commerciaux. La nécessité d'une représentation adéquate et d'un bon leadership n'a jamais été aussi urgente que maintenant. Les pêcheurs doivent pouvoir exprimer leurs préoccupations et obtenir les renseignements dont ils ont besoin auprès d'organisations démocratiques qui leur rendent des comptes; ils doivent en outre obtenir les ressources et acquérir l'expérience nécessaires.

Les dirigeants autochtones doivent pouvoir parler au nom de leur peuple. Le fait que leurs droits soient communautaires simplifie beaucoup les choses et il faut respecter ce principe si les dirigeants des bandes autochtones veulent que les bénéficiaires soient les collectivités qu'ils représentent et pas seulement quelques personnes. Les associations de pêcheurs côtiers se débattent depuis des années pour leur survie, pas uniquement pour celle de quelques personnes, mais de collectivités entières.

En outre, les associations de pêcheurs côtiers et les associations de pêcheurs des Premières nations correspondent à des collectivités de pêcheurs; leurs activités ne sont par conséquent pas axées sur telle ou telle espèce ou telle ou telle méthode de pêche. Dans notre région, nous avons parlé de la nécessité d'instaurer des politiques de base et d'acquérir avant tout une connaissance des pêches en général. Ce n'est qu'ensuite que l'on discute de pêches bien précises. Cette formule nous permet d'être de véritables partenaires dans le contexte de la cogestion et de ne pas être uniquement des adversaires qui discutent des prises attribuées.

En fin de compte, le MPO doit mettre en oeuvre une politique halieutique globale et se charger de la conservation. Il doit nous soutenir quand nous collaborons au lieu d'essayer de nous aiguiller vers d'autres voies. Les négociations locales peuvent être très fructueuses si les règlements sont clairs et si le souci de la conservation prime. Alors, le MPO peut faire respecter les règlements avec notre bénédiction.

Ce que je dis au sujet de la responsabilité que l'État doit assumer devrait être suffisamment clair. Les traités ont été signés par l'État et pas par les pêcheurs commerciaux locaux. Nous voulons essayer de satisfaire les Autochtones, mais il est un fait connu qu'aucune pêche ne peut supporter actuellement des efforts supplémentaires.

Dans ma région, ce sont les pêcheurs qui se sont rendu compte que la pêche du homard était en difficulté et qu'il fallait faire quelque chose. Par conséquent, les pêcheurs de Baie Sydney ont voté dans une proportion de 75 p. 100 en faveur de l'augmentation possible de la taille minimale du homard afin de préserver les stocks. Ils ont sonné l'alarme avant que le ministre Anderson ne décrète qu'il était nécessaire de doubler la production d'oeufs dans toutes les zones de pêche du homard. Les pêcheurs savaient déjà qu'il fallait agir et c'est ce qu'ils ont fait de leur propre initiative.

Par conséquent, la seule possibilité que la pêche commerciale supporte des efforts de pêche supplémentaires est de procéder par rachat de permis de pêche commerciale à des pêcheurs disposés à les vendre. L'État devrait assumer la responsabilité financière de ce rachat. Les pêcheurs ont connu suffisamment de difficultés ces dernières années à cause des nombreux frais et droits supplémentaires qui leur ont été imposés, ce dont je n'ai pas le temps de vous parler aujourd'hui.

J'espère avoir abordé quelques-unes des questions qui vous intéressent et je me réjouis d'en discuter avec vous. Vous vous rendez compte que nous nous engageons sur un chemin ardu et qu'il serait facile d'être détourné de la voie du progrès, mais il faut essayer en évitant de se laisser distraire par des perspectives individuelles. C'est pourquoi une perspective communautaire est absolument nécessaire.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Brownstein.

Je donne la parole à M. Bernier, puis à M. Provenzano.

[Français]

M. Yvan Bernier: Je voudrais tout d'abord remercier le témoin de se trouver ici parmi nous. Je sais que ce n'est pas facile. Je sais que votre organisation, l'UPM, a fait face à beaucoup de responsabilités et a dû s'occuper de plein de choses au cours des derniers jours. Nous avons d'ailleurs rencontré en audience un de vos confrères, M. Reginald Comeau. C'était au tout début de nos audiences, je crois. Je pense que les propos que vous tenez aujourd'hui sont dans le même esprit, soit dans la quiétude et surtout dans la perspective de solutions pacifiques.

• 1420

Une chose, dans votre document, a attiré mon attention. C'est au dernier paragraphe de la page 2. Je voudrais vous donner l'occasion d'informer plus en profondeur les députés membres de ce comité.

Voici mon commentaire ou ma question. Vous dites qu'il appartient à la Couronne d'assumer la responsabilité de rendre plus claire la question des traités. Par ailleurs, vous dites que les traités ont été signés par la Couronne et non pas, par conséquent, par les pêcheurs commerciaux locaux. Vous nous dites que vous essayez d'accommoder les nations autochtones et que personne ne connaît mieux les problèmes locaux que vous ou les représentants de votre région.

La question que je vous adresse, je l'ai posée à plusieurs autres représentants ce matin. Ce n'est peut-être pas le moment, mais cela a déjà fait l'objet d'une recommandation unanime du comité permanent alors que George Baker en était le président. Tous les partis représentés au sein du Comité permanent des pêches avaient recommandé que Pêches et Océans revoie sa façon de gérer et sa façon d'émettre le total des prises admissibles. Peut-être cela pourrait-il se faire au cours de l'application d'un plan II. Je voudrais savoir de vous comment se déroule, dans le quotidien, la gestion de la crise autochtone. Comment pourrait-on obtenir plus de transparence en ce qui a trait aux décisions? Comment peut-on communiquer la volonté de la base, celle de vos communautés, à Ottawa?

En effet, c'est Ottawa qui aura à signer les traités avec les nations autochtones, mais c'est vous qui aurez à vivre avec ce qu'aura signé Ottawa. Il faut donc s'assurer que ce qu'Ottawa va signer reflétera bel et bien vos désirs. Comment peut-on avoir un mode de gestion qui tienne compte de cela à l'avenir, à Pêches et Océans Canada? Pouvez-vous nous faire un commentaire à ce propos en ce moment?

Je sais qu'il vous faudra peut-être rencontrer vos confrères, une fois passée la période de crise, afin d'élaborer davantage. Pourtant, nous accueillerons avec intérêt toute solution ou tout embryon de solution. Merci.

[Traduction]

Le président: Ça fait beaucoup de questions, monsieur Brownstein.

M. Jeff Brownstein: Oui. J'y réfléchirais bien pendant un mois.

Des voix: Oh, oh!

M. Yvan Bernier: Ce n'est que le début.

M. Jeff Brownstein: Oui.

La pêche du homard reste lucrative après un siècle d'exploitation alors que tous les autres types de pêches ont connu des hauts et des bas et que quelques-unes ont complètement disparu, pour le moment du moins. Nous avons eu énormément de problèmes, mais la pêche du homard s'est avérée la plus stable de toutes parce qu'elle a été réglementée, principalement par les pêcheurs côtiers. Cela s'est fait à l'échelle locale. Dans ma région par exemple, nous savions que les prises diminuaient considérablement. Nous voulions augmenter la taille de la carapace avant que qui que ce soit ne nous l'impose. Nous savions que c'était nécessaire parce que notre avenir en dépendait.

Au cours des discussions qui ont eu lieu dans ma région... Je me contenterai de vous parler de ma région parce que, si l'on instaure des politiques nationales en ce qui concerne les Autochtones et que tout est centralisé, il sera très difficile d'établir un système qui soit à la fois satisfaisant pour tous les intervenants et pas trop compliqué. Par conséquent, je suggère que dans notre région, les pêcheurs assument un rôle plus actif dans la gestion de la pêche et que les Autochtones collaborent avec eux.

M. Yvan Bernier: De quel type de gestion doit-il s'agir en réalité? Quel est le lien entre vos pêcheurs et le médiateur ou le négociateur?

M. Jeff Brownstein: Nous n'avons pas encore rencontré le négociateur ou le médiateur, mais d'autres médiateurs...

M. Yvan Bernier: Vraiment?

M. Jeff Brownstein: Non, pas M. MacKenzie. Quand je dis «nous», je veux dire que nous ne l'avons pas encore rencontré au Cap- Breton. En ce qui concerne toutefois l'Union des pêcheurs des Maritimes, des réunions ont en fait été organisées à Moncton.

Jusqu'à présent, nos réunions ont été des réunions avec les Autochtones. Personne n'a encore pêché et, par conséquent, il n'y a pas de crise dans l'immédiat. Nous espérons avoir le temps au cours de l'hiver pour régler ces questions avant la prochaine saison de pêche.

• 1425

Je pense que la participation autochtone n'a pas encore été très forte dans notre région. Ce n'est pas la région la plus riche et, par conséquent, je crois que nous disposons d'un certain temps. Les Autochtones n'ont pas encore participé très activement et je crois qu'ils ont effectivement intérêt à ce que nous les aidions à obtenir des emplois dans le secteur de la pêche, à se préparer à manoeuvrer les bateaux et à s'intégrer au secteur.

Je crois que nous avons l'occasion de collaborer et, plus nous arriverons à régler les questions... C'est exactement comme dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse. C'est grâce aux bandes autochtones et aux pêcheurs que l'expérience a été une réussite. Il est préférable de tenir tous les négociateurs ou les médiateurs à l'écart des discussions tant que ce n'est pas nécessaire. Je crois que la meilleure formule est le contact direct et j'estime que le MPO devrait participer parce que c'est lui qui doit faire respecter les ententes en fin de compte.

Le président: Merci, monsieur Brownstein.

Nous vous donnerons peut-être l'occasion de poser d'autres questions, monsieur Bernier.

Monsieur Provenzano.

M. Carmen Provenzano (Sault Ste. Marie, Lib.): Monsieur le président, je crois avoir obtenu une partie de la réponse à ma question suite aux questions de M. Bernier.

Dans votre exposé, vous reconnaissez que la mise en application des règlements et la conservation doivent rester entre les mains du ministère des Pêches et des Océans. Par contre, vous faites un ardent plaidoyer en faveur d'une délégation accrue des pouvoirs et d'un pouvoir décisionnel accru à l'échelle locale. Je me demande si vous pourriez préciser quels pouvoirs vous voudriez obtenir et quelles décisions vous voudriez pouvoir prendre, étant donné que vous avez reconnu que la mise en application des règlements et la conservation doivent rester entre les mains du MPO.

M. Jeff Brownstein: Ce que je veux dire, c'est que nous pouvons rendre la tâche du MPO beaucoup plus facile. Par exemple, les activités illégales dans la pêche du homard dans ma région sont peu fréquentes. Aucun pêcheur ne capture de grandes quantités de homards qui ne sont pas de taille réglementaire ni ne pose un trop grand nombre de casiers. Quelques infractions sont commises mais ce n'est pas très grave, du fait que les pêcheurs ont été les premiers à établir les règles. Il leur est d'autant plus facile d'appliquer les règles qu'ils les ont élaborées et qu'ils ont participé aux décisions visant à préserver leur gagne-pain et la ressource. En fin de compte, c'est le même genre de situation que lorsque les députés établissent des règlements au nom de la population canadienne. On apprécie toujours qu'il y ait une force de police pour s'assurer que les règlements soient appliqués d'une façon objective.

M. Carmen Provenzano: Monsieur Brownstein, si vous deviez choisir le domaine dans lequel vous voudriez avoir davantage de pouvoirs locaux en général et sur le plan décisionnel en particulier, quel serait-il?

M. Jeff Brownstein: Ce serait le domaine des décisions en matière de gestion, celui de la gestion d'une pêche. Dans un esprit de conservation, il faut limiter les prises, peut-être pas en instaurant des quotas, parce que j'estime que le système des quotas a eu des conséquences catastrophiques. Je pense qu'une limitation accrue des efforts de pêche, notamment dans la pêche du homard, pourrait être plus efficace. Mais c'est ainsi que l'on réglemente une pêche et que l'on s'assure que la conservation soit une priorité. Je pense que nous avons beaucoup d'idées dont personne n'a tenu compte.

Le président: Merci, monsieur Provenzano.

Monsieur Stoffer.

M. Peter Stoffer: Merci, monsieur le président.

Monsieur Brownstein, je suis heureux de vous revoir. Je n'ai pu m'empêcher de remarquer que vous parliez de l'ensemble du Cap- Breton.

M. Jeff Brownstein: C'est exact.

M. Peter Stoffer: Nous avons entendu tout à l'heure le témoignage de la Area 19 Snow Crab Fishermen's Association, qui a un plan de gestion en place. Je crois que l'année prochaine sera la dernière année de ce plan quinquennal. L'association a exposé neuf points qu'elle juge essentiels pour la bonne conduite du plan en question. Avez-vous rencontré ces pêcheurs pour leur parler de votre proposition?

M. Jeff Brownstein: Non. Les réunions que nous avons eues jusqu'à présent se sont limitées aux membres de notre commission de cogestion du Cap-Breton, qui couvre la zone 4Vn. J'ai eu beaucoup de discussions avec les pêcheurs du comté d'Inverness et je crois qu'ils utilisent un programme analogue.

L'idée vient en fait initialement des Autochtones. D'après ce que j'ai pu comprendre—mais ça a peut-être changé—ils avaient l'intention de diviser les Maritimes en plusieurs districts dont un serait l'Unama'ki, c'est-à-dire l'île du Cap-Breton. Nous avons évidemment l'habitude... Comme je l'ai dit, dans la zone 4Vn, nous avons établi une commission de cogestion. Il serait facile d'englober le comté de Richmond. Nous avons d'ailleurs collaboré avec ce comté également. Il correspond à la région de Scotia-Fundy. Le comté d'Inverness est dans le Golfe. Généralement, à cause du système de gestion du MPO, nous ne sommes pas ensemble, mais je pense...

• 1430

M. Peter Stoffer: D'après ce que vous avez dit, les Autochtones utilisent généralement le terme Unama'ki. Je suppose que ça veut dire tous ensemble. Est-ce bien cela?

M. Jeff Brownstein: C'est ainsi que je comprends le nom qu'ils donnent à l'île du Cap-Breton.

M. Peter Stoffer: Je me doute que mes collègues sont lassés de m'entendre poser cette question mais je la pose à presque tous les témoins. On ne sait pas très bien si les Autochtones non inscrits sont inclus dans la décision Marshall. En fait, tous les chefs autochtones auxquels j'ai parlé à ce moment-là, y compris Bernd Christmas, leur conseiller juridique, ont dit qu'elle ne s'applique qu'aux Autochtones inscrits. Le Native Council of Nova Scotia et le Native Council of P.E.I. ont de toute évidence des opinions très différentes à cet égard et portent actuellement leur cause devant les tribunaux.

Vous avez dit que les cinq bandes avec lesquelles vous discutez ou vous traitez pourraient proposer des solutions pour le plan de pêche à long terme. Les Autochtones non inscrits du Cap- Breton sont-ils inclus dans ce processus?

M. Jeff Brownstein: Je ne peux pas vous donner beaucoup d'informations au sujet des Autochtones non inscrits du Cap-Breton. Je suis désolé, mais je ne sais pas combien ils sont ni où ils sont. J'ai uniquement eu des contacts avec les bandes autochtones du Cap-Breton.

À ce propos, mon principal souci est de trouver une formule qui permette de collaborer avec les bandes autochtones. Nous voulons trouver une formule qui convienne à toutes les parties pour éviter tout malaise à l'avenir. Nous voulons pouvoir travailler ensemble.

Malgré toutes les difficultés, je crois que la collaboration pourrait être fructueuse. Les Autochtones ont fait des analyses intéressantes. Nous pouvons tirer des leçons de certaines de leurs initiatives. Nous sommes probablement à peu près sur la même longueur d'onde. Nous essayons d'obtenir des droits communautaires aux pêches depuis des années et j'estime par conséquent que nous pourrions trouver un terrain d'entente. La question se complique toutefois quand on fait intervenir les Autochtones non inscrits, surtout d'après ce que je sais de ce qui s'est passé dans d'autres régions des Maritimes.

Le président: C'est votre dernière question.

M. Peter Stoffer: Bien que vous ne l'ayez pas encore dit clairement, je suppose que l'UPM est en faveur d'un régime communautaire de gestion des pêches.

M. Jeff Brownstein: La plupart des membres de l'UPM se trouvent dans la région du Golfe, dans la région de Scotia-Fundy. Dans la baie de Fundy, les pêcheurs s'efforcent d'adopter une approche communautaire et c'est ce que nous faisons au Cap-Breton. On peut donc dire que nous sommes en faveur d'un tel régime.

M. Peter Stoffer: Merci.

Le président: J'ai deux ou trois questions à vous poser, monsieur Brownstein.

L'idée de négocier à l'échelle communautaire et d'en arriver à une entente à ce niveau est excellente. Il semble que ces efforts soient fructueux. Cependant, étant donné tous les processus en place—le comité, les médiateurs, le MPO, les services de réglementation du MPO, le ministre, etc... comment intégrer ce qui a été convenu à l'échelle communautaire à une politique globale? Est-ce que ce serait la même politique au Cap-Breton ou serait-elle différente à l'Île-du-Prince-Édouard ou dans la Miramichi, au Nouveau-Brunswick? Comment peut-on concilier toutes ces ententes? Comment peut-on les intégrer à un régime réglementaire efficace?

M. Jeff Brownstein: En ce qui me concerne, ça commence et ça s'arrête surtout au niveau communautaire. Étant donné que nous faisons partie de l'Union des pêcheurs des Maritimes, nous sommes inévitablement au courant de ce qui se passe dans les autres régions des Maritimes. Je sais que nos idées sont de toute façon très semblables, surtout dans la région du Golfe. Ce qui est important, c'est que les organisations et les pêcheurs du Cap- Breton puissent négocier avec les bandes autochtones une formule qui ne compromette pas la conservation et l'application normale des règlements sur le terrain, par exemple. Si nous y arrivons, je ne vois pas pourquoi la formule que nous adopterons... Si cette formule concorde suffisamment avec nos plans de gestion actuels ou futurs, je ne vois pas pourquoi ce que l'on fait dans d'autres régions aurait de l'importance, du moment que nous arrivons à nous entendre. C'est nous qui allons devoir intégrer...

• 1435

Le président: Je comprends ça mais je comprends également les rouages du gouvernement et je sais que la mise en application des règlements est une tâche difficile lorsqu'on a affaire à des ententes qui diffèrent d'une région à l'autre.

À supposer—et ce n'est qu'un exemple et non une théorie—que vous ayez convenu que les Autochtones de votre région auraient accès à 15 p. 100 de la pêche à la suite de la décision Marshall et qu'à l'Île-du-Prince-Édouard ou au Nouveau-Brunswick, on ait décidé que l'accès est de 5 p. 100, ne risquez-vous pas de vous retrouver en cour, face à des Autochtones d'une autre région affirmant qu'un précédent a été créé au Cap-Breton?

Je veux dire que ce n'est pas aussi simple qu'il paraît. Bien qu'en principe je sois très favorable à cette formule, le tout est de savoir comment l'appliquer dans le contexte d'un régime réglementaire efficace sans engendrer des problèmes plus graves. Voyez-vous ce que je veux dire?

M. Jeff Brownstein: Oui.

Le président: Ce n'est pas aussi simple qu'il paraît. C'est bien beau en théorie, mais comment faire pour que ce soit efficace dans la pratique?

Dans ma région, celle de la baie Malpeque (Île-du-Prince- Édouard), tous les intéressés reconnaissent qu'il faut en arriver à une entente satisfaisante qui nous permette de pêcher ensemble en dehors de toute hostilité. C'est un des gros avantages de la formule communautaire. Par contre, comment réglementer et mettre un tel système en oeuvre dans le contexte de la responsabilité globale du gouvernement fédéral? C'est le problème auquel nous sommes confrontés et je me demande si vous pourriez nous aider à le résoudre.

M. Jeff Brownstein: C'est une remarque très pertinente. Nous pouvons seulement faire de notre mieux à l'échelon local. Je suppose que la tâche de M. MacKenzie et d'autres responsables consiste à voir ce que ça donnera dans une perspective globale. C'est en effet toujours plus compliqué.

Quand on se met à faire des comparaisons entre diverses régions, je dirais que si nous étions dans la région du Golfe... J'ai toujours regretté de ne pas être dans la région du Golfe, parce que nous sommes pratiquement sur la même longueur d'onde que les pêcheurs de cette région et que, par conséquent, nous pourrions probablement en arriver à une entente commune très satisfaisante pour toutes les parties. Dans la région de Scotia-Fundy, les mentalités sont tellement différentes que c'est très compliqué. Je sais donc que c'est plus compliqué.

Quoi qu'il en soit, nous n'avons plus qu'à faire de notre mieux à l'échelle locale, à voir dans quelle mesure nos initiatives sont conformes à la perspective globale et à nous adapter progressivement.

Le président: S'il n'y a pas d'autres questions, j'ajouterais que nous vous félicitons pour cette collaboration à l'échelle locale. Les pêcheurs et les collectivités autochtones ont fait preuve de leadership en collaborant à l'échelle locale et ils méritent des félicitations.

Merci pour votre exposé, monsieur Brownstein.

Le témoin suivant est Harold Theriault. Est-il là?

Il n'est pas là; par conséquent, nous écouterons Eben Elliott, qui représente la North Shore Fishermen's Association.

Bonjour, monsieur Elliott. Nous avons votre mémoire. Voulez- vous le lire ou en lire les points saillants, puis nous passerons aux questions.

M. Eben Elliott (porte-parole, North Shore Fishermen's Association): Je lirai le mémoire. Je ne suis pas très doué pour parler en public.

Je m'excuse de ne pas avoir d'exemplaire du mémoire en français. On me l'a demandé, mais je n'ai pas pu le faire traduire.

Le président: Je crois que M. Bernier comprend.

M. Eben Elliott: Certaines des observations que j'ai à faire devraient peut-être être tues. Il serait plus facile de ne pas en parler mais je crois qu'il est bon que vous soyez au courant des opinions des pêcheurs.

Je ferai tout d'abord quelques commentaires sur la situation générale avec les Autochtones, puis j'aborderai les questions concernant la pêche proprement dite.

Je vous dirai d'abord d'où je viens. Je m'appelle Eben Elliott et je viens de Wallace, localité située sur la côte nord de la Nouvelle-Écosse. C'est à peu près au milieu du détroit de Northumberland. Je représente les pêcheurs de cette région.

• 1440

Les éclaircissements donnés par la Cour suprême dans la décision Marshall indiquent que les juges ont beaucoup appris au cours des deux derniers mois. J'espère que les autres responsables d'Ottawa ont également appris la même leçon. On ne peut imposer des lois différentes aux diverses races. Une telle situation crée un fossé encore plus large que n'importe quel préjugé mesquin.

Les Canadiens ont acquis une certaine tolérance raciale mais cette décision constitue un bond en arrière. Il ne faut pas sous- estimer le degré de ressentiment qu'elle cause. C'est peut-être votre esprit de charité qui vous aveugle en présence d'une décision, même inéquitable, quand elle est en faveur de ceux et celles qui ont, d'après vous, besoin d'un avantage; il ne faut toutefois pas oublier que cette situation choque les pêcheurs qui ont dû lutter pour obtenir tout ce qu'ils ont acquis.

J'ai entendu dire que les Micmacs avaient été privés de certaines possibilités, mais quand? Ils n'ont pas plus été privés que bien d'autres personnes que j'ai connues au cours de ma vie.

Peut-on vraiment dire que quelqu'un est désavantagé parce que ses ancêtres ont été victimes d'injustices? La plupart des individus pourraient prétendre être dans le même cas.

J'ai entendu dire qu'en reprochant à autrui la situation dans laquelle on se trouve, on renonce à sa capacité de la changer. Si on vous disait toute votre vie que les membres de votre famille sont au chômage à cause de la façon dont ils ont été traités, vous pourriez avoir l'impression que l'on n'attend rien d'autre de vous. C'est peut-être précisément la plus grosse différence entre les Autochtones et les non-Autochtones.

La plupart des personnes que je connais sont parties de rien. On trouve un petit emploi, on gagne sa vie et on progresse éventuellement. La plupart des personnes que je connais ne sont pas avantagées; d'ailleurs, nos lois interdisent toute discrimination raciale. Par conséquent, en laissant entendre que quelqu'un est désavantagé à cause de sa race, on laisse entendre que les membres de cette race sont moins intelligents ou moins aptes physiquement que les autres membres de la société.

Je refuse de croire que c'est le cas des Micmacs. Ne faites pas sentir à quelqu'un qu'il a besoin d'un traitement de faveur à cause de sa race. C'est une insulte, même si cela part de bonnes intentions.

Nous sommes toutefois ici pour discuter de l'intégration d'un plus grand nombre d'Autochtones au secteur de la pêche. Cette intégration doit se faire de sorte à éviter d'accroître les frictions entre Autochtones et non-Autochtones. Je suis certain que vous avez déjà entendu dire à maintes reprises que la seule formule acceptable pour les pêcheurs non autochtones consiste à imposer les mêmes saisons et les mêmes règlements à tous. Toute autre formule serait une source de conflits entre nos peuples.

S'il est capital de pêcher pendant les mêmes saisons, c'est que c'est une question de partage. La meilleure preuve en est ce qui s'est passé vers la fin de l'été, au cours de la pêche d'automne dans la zone 25, qui correspond à la partie ouest du détroit de Northumberland. On capture jusqu'à la moitié des prises de la saison, qui dure neuf semaines, au cours de la première semaine.

Les pêcheurs des zones contiguës à la zone 25, où la saison de pêche est au printemps, sont les premiers à en subir les conséquences. C'est pourquoi la réaction dans la baie Miramichi a été si vive. Le homard capturé à la fin de l'été n'est plus là au printemps. Les homards sont capturés pendant toute la saison de pêche dans toutes les zones et les stocks ne se renouvellent pas avant la fin de la mue qui a lieu en été.

C'est lorsque les homards récupèrent de la mue qu'ils sont le plus facile à capturer. C'est non seulement le moment où ils sont en plus grand nombre mais c'est aussi celui où ils se déplacent le plus rapidement, parce que l'eau est plus chaude, et où ils ont le plus faim parce qu'ils ont désormais une carapace plus grosse à remplir. C'est toutefois aussi le moment où ils sont de moins bonne qualité parce que les carapaces ne sont pas pleines.

Le président: Monsieur Elliott, ne pourriez-vous pas parler un peu plus lentement parce que je crois que les interprètes ont de la difficulté à vous suivre.

M. Eben Elliott: Désolé. D'accord.

Le président: Ils doivent interpréter. Veuillez parler un peu plus lentement.

M. Eben Elliott: Je parlerai moins vite.

Le président: Bien.

M. Eben Elliott: Voulez-vous que je reprenne le dernier paragraphe?

Le président: Ce n'est pas nécessaire. Je crois que nous l'avons entendu.

M. Eben Elliott: Bien.

En pêchant beaucoup plus de homards à la fin de l'été, on compromettrait gravement le marché en raison de la piètre qualité du produit.

La pêche du homard, qui est la pierre angulaire de la plupart des entreprises du secteur de la pêche, a déjà atteint sa capacité maximale de récolte. Il ne reste plus de place pour des efforts de pêche supplémentaires. On ne peut ajouter des casiers et capturer davantage de homard qu'on ne le fait déjà.

Bien que dans plusieurs zones, les pêcheurs réalisent de gros bénéfices certaines années, ils ont en moyenne un revenu assez modeste. Les bonnes années compensent pour les mauvaises. Il est impossible d'augmenter considérablement le nombre de pêcheurs sans nuire à la rentabilité du secteur.

La meilleure formule pour y faire participer un plus grand nombre d'Autochtones consiste à racheter des entreprises existantes pour eux, pour qu'ils puissent pêcher dans le contexte de la réglementation actuelle. C'est une pratique qui existe depuis des années. On leur a déjà donné au moins 66 entreprises dont 50 rien que dans le Golfe, d'après ce que j'ai entendu dire.

Une augmentation du nombre de pêcheurs aurait pour seule conséquence d'accroître le prix à payer. Dans ce cas, les perdants seraient les pauvres malheureux qui attendent depuis des années une occasion d'acheter un permis.

Étant donné que la pêche de subsistance autochtone a engendré des problèmes d'application des règlements, je suggère que ces permis soient échangés contre des permis de pêche commerciale pour la saison régulière. Les bandes trouveraient sûrement un moyen de fournir à leurs membres du homard capturé sous le régime des permis de pêche commerciale.

• 1445

Quelques casiers placés à la fin de l'été peuvent considérablement réduire la prise de printemps des pêcheurs de cette petite zone; en outre, la pêche de subsistance a ouvert la porte à la vente illégale de homard.

Le MPO a maintenant le pouvoir de réglementer la pêche autochtone. On lui a dit comment il pouvait procéder. Si le ministère ne tient pas compte de nos exigences fondamentales, des problèmes surgiront. S'il décide de permettre aux Autochtones de pêcher pendant une autre saison ou de leur attribuer un quota pour n'importe quelle période, je vous garantis que nous ne serons pas heureux. En leur accordant un quota qu'ils pourraient atteindre au cours de l'été, ceux qui pêchent dans les zones qu'ils choisissent pour capturer le homard de meilleure qualité seraient privés de leurs revenus de l'année suivante.

Un programme de rachat devrait peut-être être étalé sur une période de cinq ans et il devrait peut-être être assorti d'un objectif axé sur un nombre déterminé et raisonnable de permis. Nous devons montrer aux tribunaux que les Autochtones ont un accès équitable à la pêche. Puisqu'ils ont un droit d'accès égal au nôtre, il serait plus équitable que le nombre de pêcheurs soit proportionnel à la population. Étant donné qu'il y a quelque 25 000 Autochtones inscrits pour environ un million de pêcheurs représentant quelque 8 000 entreprises de pêche côtière dans les Maritimes, les Micmacs devraient avoir environ 200 entreprises. Est-ce équitable?

En bref, je serais heureux qu'un plus grand nombre de Micmacs participent au secteur de la pêche mais je rejette tout décret permanent qui risque de provoquer des tiraillements. Nous devons régler ce problème en évitant de léguer à nos enfants une réglementation fondée sur des considérations d'ordre racial dont ils auraient à supporter les conséquences.

Le président: Merci bien, monsieur Elliott.

Voulez-vous commencer, monsieur Bernier?

[Français]

M. Yvan Bernier: Je voudrais d'abord remercier le témoin pour sa présentation. Je comprends le message et la sensibilité du témoin. Comme on l'a entendu à plusieurs reprises, on nous dit que si on donne aux autochtones la permission de pêcher, il faudra que ce soit durant les mêmes saisons et en appliquant les mêmes règles. Je pense que le message est passé; vous l'avez très bien formulé.

Cependant, il y a deux petits points sur lesquels vous pourriez renseigner le comité permanent. Moi, je suis de la Gaspésie, d'une communauté de pêcheurs, et je connais donc un peu mieux la situation, mais au profit de tous ceux qui sont réunis autour de cette table... En fait, vos propos sont enregistrés de façon à ce que tout le monde à Ottawa puisse comprendre comment fonctionnent les pêches, principalement celle du homard.

J'aimerais que vous expliquiez plus à fond ce que vous voulez dire lorsque vous parlez des prises de homard. À l'avant-dernier paragraphe de votre première page, je crois, vous dites:

[Traduction]

«Si l'on capture les homards à la fin de l'été, ils ne seront plus là pour la pêche de printemps».

[Français]

Je voudrais que vous explicitiez cette affirmation et que vous nous parliez aussi du homard qu'on peut prélever un mois avant le début de la saison de pêche. En Gaspésie, il ne faut pas manquer son coup durant les deux premières semaines de la saison de pêche, car c'est alors qu'on fait 50 p. 100 de son chiffre d'affaires. Est-ce aussi le cas dans votre région?

Voici ma deuxième question, monsieur Spinney. Vous dites que le fait de débarquer plus de homard à la fin de la saison ou à la fin de l'été peut affecter sérieusement le marché. Vous êtes une des premières personnes à avoir abordé la question de la mise en marché du produit. Je voudrais que vous nous donniez de plus abondants renseignements à ce sujet. Vous dites que la coquille du homard ne se trouve pas dans le même état et que cela peut avoir un impact sur le prix dans la relation avec le client.

De plus, si vous en avez le temps, j'aimerais que vous nous disiez si le homard doit être transformé ou empaqueté par les transformateurs actuels, selon les relations que vous avez avec les autochtones. Cela pourrait avoir un impact sur la masse de travailleurs.

Voilà donc les deux ou trois questions auxquelles j'aimerais que vous répondiez, si vous le pouvez, bien entendu.

[Traduction]

M. Eben Elliott: Je peux vous expliquer pourquoi le homard capturé à la fin de l'été aura disparu pour la pêche de printemps. Les homards ne se déplacent pas beaucoup; ils parcourent environ cinq milles par an. La récolte du printemps suivant se constitue après la mue d'été. C'est ce stock qui contient tout les homards qui seront capturés à ce moment-là. Mais, ils peuvent déjà être capturés à la fin de l'été.

• 1450

Donc, si on les capture à ce moment-là, ils ne sont plus là le temps venu—ils ont disparu. Par conséquent, ça fera d'autant moins de homards à capturer pour les pêcheurs qui pêchent dans cette zone le printemps suivant. À supposer qu'il y ait 10 pêcheurs dans une zone et qu'ils capturent chacun 10 000 livres de homard—ce qui n'est pas beaucoup—la capture totale s'élève à 100 000 livres. Si l'on prélève 50 000 livres de homard en automne, ceux qui pêchent au printemps n'en captureront plus que 50 000 livres, soit 5 000 livres par bateau. Ça me paraît assez clair.

En ce qui concerne la qualité du produit, quiconque a déjà mangé du homard en automne sait que la carapace n'est pas pleine. La chair est bonne mais, étant donné que la carapace n'est pas pleine, la quantité de chair à la livre est moins élevée. Elle est moins élevée qu'au printemps et, sur le marché étranger, les consommateurs risquent d'être découragés de manger du homard si on leur fournit trop de homard d'automne.

Le président: Me permettez-vous d'intervenir, monsieur Bernier...

Comme vous l'avez si bien dit, il est évident que si l'on a capturé 50 000 livres de homard en automne, ces homards ne seront plus là au printemps, mais la pêche d'automne n'a-t-elle pas en outre des répercussions sur la production future? Ne capturera-t-on pas davantage de homards oeuvés durant cette époque de l'année? La pêche d'automne n'a-t-elle pas un effet en cascade? Il est un fait que la qualité du homard d'automne est moindre. Les homards capturés l'automne ne seront plus là au printemps et le homard d'automne est de moindre qualité mais la pêche d'automne n'a-t-elle pas en outre des répercussions sur la production?

M. Eben Elliott: Oui, c'est une observation pertinente. Je ne suis pas biologiste mais je crois savoir que la plupart des femelles ne frayent pas directement après la mue, mais normalement en octobre ou novembre. Je sais qu'au printemps, on trouve encore beaucoup de homards en période de fraie dans la zone centrale du détroit. Je ne sais pas exactement quand le homard fraye mais il est fort possible que les homards capturés en automne n'aient pas eu l'occasion de frayer.

Le président: Je n'empiéterai pas sur le temps dont vous disposez, monsieur Bernier.

Un témoin a déclaré hier que, dans la baie Malpeque, c'est en 1939 que la pêche d'automne a été pratiquée pour la dernière fois. Cette année-là, on avait permis la pêche l'automne parce qu'il avait fait trop mauvais au printemps ou pour une autre raison de ce genre. La pêche a été perturbée pendant cinq ans à la suite de cette pêche d'automne. Si l'on a établi des saisons de pêche, c'est pour de bonnes raisons.

Je m'excuse de vous avoir interrompu, monsieur Bernier.

[Français]

M. Yvan Bernier: Ce qui est agréable dans le travail au Comité permanent des pêches, c'est l'absence de partisanerie. Quand ce sont des interrogations complémentaires, ça va bien.

J'ai une dernière question brève. Je vous l'avais posée tout à l'heure. Je voudrais que vous illustriez la façon dont la pêche se déroule chez vous. La saison dure dix semaines. Est-il vrai que les débarquements de homard s'effectuent de façon plus concentrée au cours des deux ou trois premières semaines? En tout cas, en Gaspésie, les débarquements ne sont pas égaux du début à la fin de la saison. La dixième semaine, on ne débarque qu'un très léger volume en comparaison de ce qu'on débarque durant les premières semaines. Je voudrais savoir si chez vous on fait aussi 50 p. 100 du chiffre d'affaires durant les deux ou trois premières semaines. Si c'est le cas, quand quelqu'un vient jouer plus tôt dans vos plates-bandes, tout l'édifice s'écroule.

[Traduction]

M. Eben Elliott: C'est surtout vrai pour la saison d'automne où l'on capture jusqu'à la moitié des prises dès la première semaine. Si quelqu'un est à la pêche une semaine avant, c'est lui qui ramassera la part du lion, avant que les autres pêcheurs n'aient eu leur chance. Je sais qu'un pêcheur qui commence une semaine en retard perd systématiquement la moitié de ses prises. Par conséquent, celui qui commence à pêcher une semaine d'avance a sans doute l'occasion de faire de biens meilleures prises. Dans ce cas, c'est autant de homards que les autres n'auront pas.

• 1455

Cette tendance est encore plus prononcée en automne parce que l'eau est chaude et que l'on commence à attraper du homard tout de suite. Au printemps, ça varie d'un port à l'autre et la différence peut être considérable entre deux points très rapprochés.

Au printemps, ma meilleure semaine est généralement la deuxième de la saison. Au début de la saison, l'eau est très froide et ça ralentit le homard. Quelqu'un qui va pêcher au milieu d'avril capturera des homards que personne d'autre ne peut capturer mais il ne fera pas de grosses prises comme celles que l'on peut faire à la fin de l'été.

Comme je l'ai dit, ma meilleure semaine est probablement la deuxième de la saison. À d'autres endroits le long de la côte, c'est peut-être même la troisième semaine qui est la meilleure.

Le président: Monsieur Stoffer.

M. Peter Stoffer: Merci, monsieur le président. Merci pour votre exposé, monsieur Elliott. Vous vivez dans une splendide région de la Nouvelle-Écosse où l'eau est chaude et les plages sont superbes.

Voulez-vous me dire depuis combien de temps vous pratiquez la pêche?

M. Eben Elliott: Je possède un permis depuis 16 ou 17 ans.

M. Peter Stoffer: Comme vous le savez, un des mandats du MPO est la protection des habitats du poisson. J'irais même un peu plus loin, monsieur le président. Vous savez que le bail concernant l'exploitation pétrolière et gazière est à renouveler dans la phase un du couloir. Les ressources du couloir sont situées dans cette zone. Par conséquent, les pêcheurs de homard doivent supporter non seulement les conséquences de la décision Marshall mais ils sont en outre confrontés à une éventuelle perturbation de l'habitat du homard.

Je voudrais que vous disiez brièvement ce que vous en pensez.

M. Eben Elliott: Je n'ai pas participé aussi activement que d'autres personnes à la guerre pétrolière et gazière. Un des membres de notre association y a toutefois participé très activement.

Les pêcheurs sont très inquiets. Ils ne veulent pas d'une telle exploitation à cet endroit. Le gaz et le pétrole abondent ailleurs et, par conséquent, il n'est pas nécessaire de faire de la prospection à cet endroit. Il est possible que ces activités aient d'énormes répercussions à l'avenir. Je n'ose pas trop y penser. J'espère seulement que ces projets ne seront pas mis à exécution.

M. Peter Stoffer: Très bien.

Vous avez parlé de pêche de subsistance. J'en ai discuté avec d'autres personnes il y a quelque temps—et il n'y a pas consensus à ce sujet—et je leur ai dit notamment que, grâce à la décision Marshall et en intégrant les Autochtones à la pêche en mettant tous les pêcheurs sur un pied d'égalité, en les soumettant aux mêmes règlements, on pourrait éventuellement laisser tomber la pêche de subsistance et parler uniquement de pêche commerciale.

Les Autochtones eux-mêmes reconnaissent qu'un gros pourcentage des homards capturés à des fins alimentaires, rituelles et culturelles est en fait vendu illégalement. C'est un fait connu. Cette situation incite les pêcheurs non autochtones comme vous à penser que ce n'est pas un système juste et équitable.

Croyez-vous réellement qu'en intégrant les Autochtones au secteur de la pêche, après consultation avec leurs groupes—d'après ce qui a été discuté aujourd'hui et hier et d'après vos déclarations—il sera possible de mettre un terme à la pêche de subsistance et de la remplacer par la pêche commerciale où, tel que vous l'avez signalé, tous les intéressés seraient soumis aux mêmes règlements et collaboreraient?

M. Eben Elliott: Je crois que ce serait intéressant pour toutes les parties. Le remplacement des permis de pêche de subsistance par des permis de pêche commerciale pour la pêche du homard en automne, où l'on peut capturer davantage de homard qu'au printemps, ne ferait aucun tort aux pêcheurs commerciaux. Même en ajoutant quelques casiers, on ne sortirait pas davantage de homards au printemps qu'en automne. Par conséquent, ça ne ferait aucun tort aux pêcheurs commerciaux. Une telle formule simplifierait la tâche des services du MPO qui sont chargés de faire respecter les règlements.

M. Peter Stoffer: Considérez-vous par conséquent que ça aurait un effet plus régulateur, du point de vue de la surcapacité ou de l'effort supplémentaire de pêche du homard?

M. Eben Elliott: Oui. Je ne considère pas du tout ça comme un effort supplémentaire.

M. Peter Stoffer: Bien. Merci.

Le président: À ce propos, je sais qu'au cours de la discussion que vous avez eue avec M. Stoffer, il a été question de remplacer la pêche de subsistance par un nouveau type de pêche commerciale—la pêche autochtone ou un droit d'accès reconnu à la pêche. C'est une opinion personnelle. Je ne sais pas comment vous pourriez concilier cette formule avec la décision Sparrow parce que nous avons affaire à deux types de considérations différentes: les droits de pêche à des fins alimentaires et rituelles octroyés en vertu de la décision Sparrow et le régime différent instauré par la décision de la Cour suprême et par les éclaircissements qu'elle a donnés à ce sujet le 17 novembre. Ce serait formidable que la formule que vous préconisez soit applicable, mais je pense qu'elle ne l'est pas, en raison des décisions rendues par la Cour.

• 1500

Au cas où elle serait applicable,... nous sommes disposés à l'examiner—je réfléchis tout haut. Vous avez raison. La pêche de subsistance pose toujours un problème d'ordre réglementaire et il est difficile d'empêcher la vente illégale de homard. Ça ne fait aucun doute. C'est un problème dont nous entendons beaucoup parler.

Voyez-vous une autre solution que celle dont vous avez discuté avec M. Stoffer pour que la pêche de subsistance ne pose pas de problème d'application des règlements ou de vente illégale, par exemple?

M. Eben Elliott: Oui. Il suffirait qu'elle ne puisse être pratiquée que pendant la saison régulière. Les Autochtones peuvent déjà pratiquer la pêche à des fins alimentaires pendant la saison régulière. Les Micmacs peuvent aller poser le nombre de casiers qui leur a été attribué. Ils peuvent déjà pêcher pendant la saison régulière. Je suis certain que la plupart d'entre eux possèdent des congélateurs. Ils peuvent congeler autant de homards qu'ils veulent. Ils peuvent obtenir le homard dont ils ont besoin gratuitement et ce serait mieux que ce nouveau système. Les ventes directes ne poseraient pas de problème. Ça n'aurait aucune importance. Ce qui importe, c'est qu'ils capturent le homard pendant la même période que tous les autres pêcheurs.

Le président: Bien. Y a-t-il d'autres questions?

Merci, monsieur Elliott. Il n'y a pas d'autres questions. Merci beaucoup pour votre exposé et pour les renseignements que vous nous avons donnés.

M. Eben Elliott: Merci bien.

Le président: Nous attendons. Y a-t-il quelqu'un d'autre dans la salle qui voudrait faire un exposé ou qui aurait d'autres commentaires à faire?

[Note de la rédaction: Inaudible]

M. Peter Stoffer: ...de nombreuses années d'expérience dans les questions relatives à l'aquaculture et dans les dossiers provinciaux. Je me demande s'il voudrait...

Le président: S'il veut prendre la parole, qu'il n'hésite pas, mais...

Bon. Dans ce cas, nous suspendrons la séance. Pourriez-vous revenir dans une quinzaine de minutes pour nous assurer qu'il n'y a pas d'autres témoins? Nous aurons une journée très chargée demain. Nous aurons donc du temps libre cet après-midi. Vous avez toutefois beaucoup de lecture à faire.

La séance est suspendue pour 15 minutes.

• 1503




• 1523

Le président: Pourriez-vous vous expliquer, monsieur Bernier.

[Français]

M. Yvan Bernier: Oui. Je vais donner au témoin le temps de s'installer, monsieur le président.

[Traduction]

Comme je suis fumeur, je suis sorti et ces messieurs et moi en avons appris davantage dans l'aire réservée aux fumeurs qu'ici. Ils n'ont pas soulevé le problème parce que je crois que la situation était la même dans la ville de Québec.

[Français]

Je vais poser à nouveau ma question au témoin, parce que je ne suis pas tout à fait à mon aise dans la langue de Shakespeare. J'ai appris des détails sur la façon dont Pêches et Océans gère la pêche au homard en Nouvelle-Écosse, qui semble très différente de la façon dont il le fait au Québec. Je vais donc reposer la question au témoin. Pour pouvoir régler la question de la cohabitation des autochtones et des non-autochtones, nous avons actuellement à notre disposition un outil parmi d'autres: le programme de rachat de permis.

• 1525

J'avais compris que les permis de homard ici, en Nouvelle-Écosse, comme au Québec, étaient émis à un pêcheur d'une région particulière. Or, j'ai cru comprendre, alors que je causais à l'extérieur avec le témoin, que les permis émis ici ne comportaient pas d'indication quant à la zone où on peut pêcher. Je voudrais que le témoin me confirme cela.

Ce qui sous-tend ma question, c'est qu'il faudra que Pêches et Océans Canada soit très attentif quand il achètera des permis en vertu de son programme de rachat. Si ces permis sont principalement utilisés par des pêcheurs du versant nord de la Nouvelle-Écosse et que les autochtones qui les utilisent par la suite veulent pêcher dans la région du versant sud, nous allons avoir un problème d'exploitation.

Je voudrais donc qu'on me précise comment les permis de homard sont émis et s'ils sont rattachés à des zones particulières, parce que cela peut avoir une incidence dramatique sur la façon dont sera géré le programme de rachat.

[Traduction]

Est-ce assez clair?

M. Eben Elliott: Vous m'aviez peut-être mal compris, mais...

M. Yvan Bernier: C'est pourquoi nous sommes revenus.

M. Eben Elliott: J'ai vu un document expliquant comment on procède en Gaspésie. La côte est subdivisée en petites sections et le nombre de pêcheurs par zone est limité. Lorsque le permis change de main, son nouveau détenteur doit toujours pêcher dans la même petite zone que son prédécesseur. Il n'y a peut-être que six autres pêcheurs dans cette zone. C'est le système en vigueur en Gaspésie.

M. Yvan Bernier: Oui.

M. Eben Elliott: Dans les autres régions de la Nouvelle- Écosse, le permis concerne toujours la même zone de pêche du homard, même s'il a changé de main. Si je vends mon permis pour la zone 26A, son nouveau titulaire pourrait aller pêcher à 100 milles de l'endroit où je pêchais du moment qu'il reste dans ma ZPH. Il ne pourrait pas aller pêcher dans la zone 26B ni dans la zone 25, par exemple.

Normalement, le permis concerne toujours le même port que celui où il a été vendu parce que ce système permet d'éviter les frictions et que c'est précisément le but de l'opération. Quand un nouveau pêcheur se présente, on s'attend à ce qu'il pêche dans la même zone que ses prédécesseurs. Par conséquent, il faut en tenir compte en établissant les règlements. Il faut au moins expliquer aux acheteurs qu'ils doivent pêcher dans la zone pour laquelle le permis a été acheté. Les règlements peuvent s'appliquer à une ZPH mais il faut expliquer aux Autochtones qu'ils ont intérêt à aller pêcher dans la zone correspondant au permis. Ils doivent bien comprendre que, bien qu'il y ait de la place pour eux dans la zone en question, ils ne peuvent pas aller pêcher ailleurs parce que ça dérangerait les pêcheurs. Si un permis change de main et qu'il est utilisé pour pêcher dans une autre zone que celle à laquelle il correspond—ce qui se produit parfois—ça cause des frictions. C'est donc par respect à l'égard des autres pêcheurs que l'on s'en tient généralement à la même zone. Comprenez-vous?

Le président: Oui. En fait, on en a parlé hier dans le cadre des audiences que nous avons tenues à l'Île-du-Prince-Édouard. Vous dites que le permis est censé s'appliquer au port concerné mais pas nécessairement. Vous dites qu'on peut aller pêcher à un autre endroit pour autant qu'il soit situé dans la même zone, sinon ça cause des frictions. Est-ce bien cela?

M. Eben Elliott: Oui.

Le président: Je reprends l'exemple qui a été cité hier, à l'Île-du-Prince-Édouard. La baie Malpeque est de loin l'aire de reproduction la plus sensible de l'Île-du-Prince-Édouard, et c'est une baie. Juste à côté de la baie Malpeque se trouve l'île Lennox, occupée par la Bande indienne Lennox. Si on achetait pour cette bande des permis de pêche correspondant à d'autres zones de l'Île- du-Prince-Édouard mais que personne ne vendait un homardier avec le permis de pêche au homard pour la baie Malpeque, l'effort de pêche serait alors intensifié dans la baie la plus sensible, ce qui ne manquerait pas d'engendrer des problèmes.

• 1530

M. Eben Elliott: Oui.

Le président: Je crois que c'est à peu près ce que vous disiez.

M. Eben Elliott: Oui, et j'aurais d'ailleurs un autre commentaire à ajouter à ce sujet. Je ne sais même pas si vous envisagez de mettre en oeuvre un programme de rachat, mais j'espère que c'est la formule pour laquelle le MPO compte opter parce que c'est celle que la plupart des pêcheurs préfèrent.

Vous pouvez vous attendre à payer davantage pour un permis correspondant à une zone proche d'une collectivité autochtone parce que les pêcheurs savent que ce sont non seulement les permis les plus recherchés mais aussi ceux qui intéressent le plus les Autochtones, particulièrement ceux des collectivités concernées. Vous devrez peut-être payer 100 000 $ de plus, mais ça en vaudrait la peine.

En ce qui concerne le reste de la zone, si vous lancez un appel pour savoir qui veut vendre un permis... J'ai entendu parler de prix passablement élevés. Les pêcheurs ont peut-être de bonnes raisons de penser que leurs permis ont beaucoup de valeur et que, dans certaines zones, les permis ont plus de valeur que dans d'autres. Par conséquent, vous pourriez songer à adopter une formule d'appel d'offres à rebours pour le rachat des permis. Vous pourriez demander aux pêcheurs à quel prix ils seraient éventuellement disposés à vendre leurs permis pour les Autochtones.

Le président: Bien. Y a-t-il d'autres questions?

Monsieur Bernier.

[Français]

M. Yvan Bernier: Pour moi, cela éclaire l'ensemble de la problématique parce qu'en Gaspésie, le territoire est vraiment compartimenté. Je peux en donner comme exemple le conflit qu'il y a eu avec la bande micmac de Restigouche, il y a trois ans. Il n'y avait que six pêcheurs dans cette zone et il a fallu qu'on rachète certains de leurs permis pour arriver à régler le problème qui se posait dans la zone située en face de la réserve.

Quand j'étais dehors tout à l'heure, j'avais compris qu'il n'y avait pas de zone rattachée au permis. À ce que je comprends maintenant, il y en a une, mais c'est une très grande zone.

Une voix: Oui.

M. Yvan Bernier: Il faut faire attention à cela. Donc, si tout le monde l'a compris... Quand ce n'est pas enregistré, cela m'apparaît pas dans le compte rendu et il nous est parfois difficile, une fois revenus à Ottawa, de nous souvenir de tout ce qui a été dit. En tout cas, ce l'est pour moi.

Je vous remercie.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup, monsieur Elliott.

Nous proposons que la séance soit levée.

M. Charlie Power (St. John's-Ouest, PC): J'ai une observation à faire.

Le président: Bien, une seule.

M. Charlie Power: Je suppose qu'après cette discussion sur le homard, le président nous invitera avec le personnel de soutien à un dîner de homard ce soir.

Le président: Non, le président n'a pas de budget pour ce genre d'activité mais je suis certain que nous accepterions l'hospitalité d'un Terre-Neuvien généreux.

Notre prochaine réunion se tiendra demain, à 9 heures. La séance est levée.