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FOPO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FISHERIES AND OCEANS

COMITÉ PERMANENT DES PÊCHES ET DES OCÉANS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le samedi 27 novembre 1999

• 0914

[Traduction]

Le président (M. Wayne Easter (Malpeque, Lib.)): La séance est ouverte.

La réunion promet d'être intéressante en raison de la vidéoconférence. Je vais céder le fauteuil au député local, Yvan Bernier, qui présidera la séance d'aujourd'hui.

• 0915

Je tiens à ajouter en ma qualité de président que nous sommes heureux d'être en Gaspésie pour entendre les pêcheurs de la région.

[Français]

Le président suppléant (M. Yvan Bernier (Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok, BQ)): Merci, Wayne.

M. Wayne Easter, le président du comité, m'a demandé d'assumer la présidence ce matin puisque notre séance se déroulera principalement en français.

Le Comité permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui conformément au paragraphe 108(2) du Règlement pour étudier l'impact de la décision de la Cour suprême rendue le 17 septembre concernant la gestion des pêches dans la région atlantique.

Notre premier témoin sera M. François Poulin, le directeur général de l'Alliance des pêcheurs professionnels du Québec. Comme à l'habitude, nous vous accordons une demi-heure. Nous vous invitons à faire d'abord une présentation aussi brève que possible et les députés vous poseront ensuite des questions. Vous pouvez vous exprimer en français si vous le désirez puisque les députés anglophones peuvent entendre l'interprétation simultanée. Lorsque viendra la période des questions, l'interprète assis à ma gauche traduira les questions de ces députés pour la salle et pour vous, si vous en avez besoin. La dame à ma droite est celle qui active les micros et dirige la caméra.

M. François Poulin (directeur général, Alliance des pêcheurs professionnels du Québec): Je vous remercie, monsieur le président. Je suis accompagné de Mme Diane Brière et de M. Marcel Rancourt, qui représentent les Malécites de Rivière-du-Loup.

Je tiens à remercier le comité de s'être déplacé et d'avoir entrepris sa tournée. Je crois qu'il s'agit du premier geste du gouvernement dont nous sommes témoins face à la crise majeure que nous vivons présentement.

L'Alliance des pêcheurs professionnels du Québec regroupe environ 75 p. 100 des pêcheurs du Québec, dont la très forte majorité sont des pêcheurs côtiers.

En résumé, nous souhaitons que le gouvernement du Canada exécute l'ordre de la Cour. Il règne un climat d'incertitude qui corrompt et pollue l'atmosphère dans le domaine des pêches. Il est devenu impossible de tenir des discussions sérieuses en vue de la mise en oeuvre de plans de pêche puisque pèse toujours sur nous cette épée de Damoclès en raison de cette incertitude liée au futur transfert de ressources vers les groupes autochtones.

L'inaction actuelle du gouvernement nous apparaît être en quelque sorte une forme d'outrage au tribunal. Il est difficile d'entamer un travail sérieux en vue de la préparation de la prochaine saison de pêche. Je ne crois pas qu'on réussisse à régler la question en ayant recours à un genre d'ambassadeur plénipotentiaire. Je crois qu'il faut adopter une approche beaucoup plus large. Dans des circonstances similaires, la Nouvelle-Zélande avait créé une commission ayant des pouvoirs beaucoup plus grands que ceux qu'on a donnés à M. MacKenzie.

Dès le début, il nous est apparu très clair que le gouvernement devait instituer un programme de rachat des permis et de quotas en vue de leur transfert aux communautés autochtones. Dans les jours qui ont suivi le jugement de la Cour suprême, soit plus précisément le 23 septembre, nous avons écrit une lettre au premier ministre l'enjoignant de mettre sur pied un tel programme dans les plus brefs délais. Nous avons réitéré cette demande en écrivant une lettre au ministre Dhaliwal le 19 novembre.

Il est clair pour nous que le jugement Marshall va se traduire par un transfert considérable de ressources de différentes espèces aux communauté autochtones.

• 0920

Ce matin, nous aimerions proposer un ensemble de mesures et principes que nous considérons être prioritaires.

En tout premier lieu, nous croyons que le gouvernement du Canada doit énoncer dans les plus brefs délais un ensemble de principes et définir un ensemble de mesures afin d'assainir la situation et d'encadrer les discussions et négociations qui doivent se tenir au cours des prochaines semaines, avant que ne commencent les tournées et rencontres en vue de la préparation des prochains plans de pêche.

Nous voulons proposer un premier principe selon lequel les coûts qu'on devra engager pour l'exécution du jugement de la Cour suprême devront être assumés par l'ensemble de la collectivité canadienne, et non pas uniquement par les pêcheurs. Il va de soi qu'il faut dès maintenant mettre sur pied un programme de rachat des permis et des quotas afin de créer une banque de quotas et de permis que pourront utiliser les communautés autochtones dès le printemps prochain. Le printemps prochain arrivera très vite puisqu'on pêchera le crabe et le homard en avril.

Le prix qu'on offrira pour le rachat de ces permis doit être un prix de marché. Ce rachat devra se faire progressivement, à mesure que les permis deviennent disponibles, et volontairement, donc de la part de pêcheurs qui abandonneront volontairement leur droit de pêche en échange d'une indemnisation équitable en fonction du prix du marché. On sait que le prix du marché est de l'ordre de trois à quatre fois la valeur des débarquements annuels d'une entreprise de pêche.

Selon certaines estimations récentes, environ 50 p. 100 des pêcheurs canadiens prévoient qu'ils quitteront la pêche au cours des dix prochaines années en raison de leur âge. Il est donc réaliste de penser que le gouvernement pourra acheter suffisamment de permis et de quotas à l'intention des communautés autochtones. Nous sommes également prêts à participer à un programme de formation des pêcheurs autochtones qui exploiteront ces pêcheries.

Le deuxième principe que nous proposons découle du premier. Il ne faut pas percevoir une taxe en écrémant les revenus de tous les pêcheurs de 10 ou 15 p. 100. Au cours des dernières semaines, certains fonctionnaires ont proposé une espèce de dîme de ce genre, semblable à celle qu'on avait au Moyen Âge, où chacun donne 10 p. 100 de ses revenus afin qu'ils soient transférés aux communautés autochtones.

Une étude faite par les économistes du ministère des Pêches et des Océans au sujet de la pêche au homard aux Îles-de-la-Madeleine au cours de l'année 1998 a démontré que le revenu net de ces pêcheurs—il faut dire que la pêche au homard est considérée comme une pêche prospère—avait été en moyenne de 12 000 $. Si vous enlevez 10 p. 100 du revenu brut, qui était de l'ordre de 60 000 $, vous venez d'enlever, à toutes fins utiles, 50 p. 100 du revenu net du pêcheur. Écrémer leurs revenus de 10 ou 15 p. 100 n'est pas une solution parce qu'on vient gruger directement dans le profit net des pêcheurs et ainsi compromettre l'équilibre économique de toutes nos pêches côtières.

Comme troisième principe, nous proposons que les mesures soient justes et équitables pour tous les groupes de pêcheurs, peu importe l'espèce qu'ils pêchent, qu'ils soient des pêcheurs côtiers, semi-hauturiers ou hauturiers. Toutes les pêches devraient participer à cette mise de fonds en vue du transfert aux autochtones.

• 0925

Par exemple, ce sont, je crois, les crabiers semi-hauturiers de la zone 12 du Nouveau-Brunswick qui ont fait hier la proposition de verser les allocations de crabe excédant les 500 000 $ prévus à l'entente de cogestion conclue entre les crabiers et le gouvernement. Cette proposition n'est pas équitable et juste parce qu'une telle allocation aurait dû normalement, dans le passé, revenir en grande partie aux pêcheurs côtiers. Ce serait donc enlever aux pêcheurs côtiers une partie des ressources auxquelles ils ont droit.

Un quatrième principe devrait s'appliquer: toute l'opération doit se faire dans l'ordre et la paix publique. Je pense que c'est la responsabilité première de tout gouvernement que d'assurer la paix et l'ordre. Pour que cela soit possible, une condition essentielle serait de faire participer les associations de pêcheurs à l'ensemble du processus.

On sait que dans les régions, dans les localités, au sein des communautés, les pêcheurs et les autochtones sont très proches, vivent très près les uns des autres et sont interreliés. Il va donc falloir procéder à des aménagements locaux. Tout cela peut se être encadré par les pêcheurs. Pour cela, les associations de pêcheurs doivent être directement mêlées aux opérations indiquées. Ce seront des opérations complexes qui vont exiger des études, de nombreuses rencontres et des discussions, pour que tout se fasse correctement et dans l'ordre.

Nous comprenons que les négociations principales vont être conduites de nation à nation, donc entre les chefs et le gouvernement du Canada. Cependant, sur le territoire et au sein des communautés, toutes sortes d'ajustements devront être appliqués. Les situations sont très différentes d'une communauté à l'autre, que ce soit dans la baie des Chaleurs ou dans la baie de Fundy. Ce n'est pas pareil.

Selon un cinquième principe, nous sommes persuadés qu'un seul système de conservation et de gestion doit être appliqué et qu'il doit s'appliquer également aux pêcheurs blancs et aux pêcheurs autochtones dans toutes les zones de pêche. Actuellement, nous fonctionnons selon un système de saisons, de différentes mesures de conservation pour chacune des espèces. Ce système est la résultante d'un long processus d'adaptation et d'ajustement, régi par une éthique qui existe dans les relations entre pêcheurs et dans leurs contacts avec la ressource. Donc, la coexistence de deux systèmes de gestion est impossible; tout doit s'intégrer dans un seul système.

Par ailleurs, nous sommes d'accord avec les chefs micmacs quand ils déplorent que certaines pratiques de pêche actuelles sont trop risquées et peuvent compromettre la conservation de la ressource. Il existe encore de ces pratiques. Dans la plupart des pêcheries, comme celle du homard, par exemple, les mesures de conservation sont très bien intégrées, très bien organisées, et on le constate par la croissance constante des captures au cours des 15 ou 20 dernières années. Mais pour d'autres espèces, ce n'est pas le cas.

À cet égard, nous avons une proposition à faire qui serait de créer une zone côtière de reconstruction des habitats marins et de protection des zones de frai et des pouponnières. Cette zone côtière aurait pour objectif de protéger les territoires de pêche adjacents à ceux des communautés autochtones, adjacents aux territoires où, vraisemblablement, les pêcheurs autochtones pratiqueront la pêche à l'avenir. Il est important de protéger ces territoires, et une façon de le faire serait de créer une zone côtière de reconstruction des habitats marins.

Dans cette zone, qui pourrait être de l'ordre de 12 milles tout autour du golfe, seuls les engins fixes seraient autorisés. On a vu encore cet été des chaluts pêcher au moyen de cages à homard, le long de la côte, en face des communautés autochtones de la baie des Chaleurs.

• 0930

En conclusion, j'aimerais souligner un point qui préoccupe plusieurs de nos pêcheurs de la rive nord, où on sait qu'il existe plusieurs communautés montagnaises. Nous aimerions être informés par le gouvernement, dans les plus brefs délais, des implications que le jugement Marshall aurait pour les communautés montagnaises de la rive nord, où il existe des pêcheries côtières de crabe qui pourraient être touchées par le jugement.

Pour conclure, notre organisation est prête à participer et à collaborer activement et de façon créative à la recherche d'un mode d'organisation qui satisfasse à la fois les pêcheurs autochtones et les pêcheurs blancs.

Merci.

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Votre exposé a été assez succinct. Il contient de nombreuses idées. Je voudrais vous remercier particulièrement, monsieur Poulin, de vous être adressé à nous par vidéoconférence. Je crois, en effet, que vous êtes en assemblée générale annuelle et qu'on vous a kidnappé durant une demi-heure ce matin.

M. François Poulin: C'est bien le cas. Le conseil d'administration de l'alliance a beaucoup discuté, au cours des deux derniers jours, de la question autochtone. Ce dont je vous ai fait part ce matin reflète en quelque sorte les conclusions auxquelles nous sommes arrivés.

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Alors, je vais passer rapidement aux questions que voudraient vous poser les députés. Je vais leur demander d'être brefs. Comme on m'a demandé de présider, je poserai la dernière question s'il reste du temps et je devrai moi-même être bref.

Je vais d'abord donner la parole à l'opposition, à M. Peter Stoffer, député du NPD.

M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Bonjour, monsieur Poulin.

[Traduction]

Je vous remercie de votre exposé. Je n'ai que trois questions à vous poser. Vous avez parlé d'une zone de 12 milles à l'intérieur du golfe, mais uniquement pour les engins fixes. Mais comme vous le savez, votre organisation a besoin de poisson pour survivre. Compte tenu de l'exploration pétrolière et gazière ou des forages...

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): N'exprimez que l'essentiel de votre pensée et Claudia va l'interpréter.

M. Peter Stoffer: D'accord.

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Arrêtez-vous de parler lorsque je mettrai la main sur votre épaule.

Des voix: Oh, oh!

[Français]

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Veuillez excuser ma façon un peu directe de m'exprimer.

Nous devons faire un peu d'interprétation ce matin. Pour ma part, je dois m'adapter aussi à la fonction de président du comité. Je ne suis pas habitué à maintenir la discipline autour de moi.

[Traduction]

M. Peter Stoffer: En ce qui concerne l'exploration pétrolière et gazière dans le golfe, est-ce que votre organisation a participé aux discussions afin de préserver l'habitat dans le cadre des activités de prospection sismique pétrolière et gazière dans votre secteur?

[Français]

M. François Poulin: Nous n'avons pas été informés de la conduite de tels travaux dans le golfe. Nous savons qu'il existe des problèmes dans l'Atlantique, surtout à l'extérieur du golfe. Les pêcheurs de la Nouvelle-Écosse se sont engagés très sérieusement dans des discussions en vue d'exiger un moratoire, une prolongation du moratoire, etc. Mais, à ma connaissance, à l'intérieur même du golfe, on n'a pas été informés de ce qu'il y avait des projets importants de forage pour l'extraction du pétrole.

[Traduction]

M. Peter Stoffer: Merci. Serait-il possible d'obtenir copie des lettres que vous avez écrites au premier ministre et à M. Dhaliwal?

M. François Poulin: Oui.

M. Peter Stoffer: Très bien. Ma dernière question...

• 0935

[Français]

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Il pourrait envoyer ses lettres au greffier du comité permanent qui en fera distribuer des copies ainsi que la traduction.

[Traduction]

M. Peter Stoffer: Je suppose que vous arguez que tous les pêcheurs devraient être assujettis aux mêmes règles. Est-ce exact?

M. François Poulin: Oui.

M. Peter Stoffer: En ce qui concerne la gestion des espèces, comme vous le savez, des QIT et des AE sont fixés pour la pêche semi-hauturière et hauturière, ce qui n'est pas le cas de la pêche côtière. Ne croyez-vous pas qu'un système de gestion différent pour les diverses espèces existe déjà?

[Français]

M. François Poulin: Non. La pêche compétitive, qui est surtout pratiquée dans le homard, n'en est pas une véritablement compétitive parce qu'il y a eu des ententes entre les pêcheurs qui se partagent les territoires, de sorte que les revenus et les captures moyennes des pêcheurs sont relativement égales. Il y a donc un partage qui se fait de façon égalitaire.

Les quotas individuels en comparaison des quotas pour la pêche compétitive sont gérés différemment. Cependant, par rapport aux modes de conservation, ce qui est important, chaque flottille doit présenter un plan de conservation qui garantisse la protection de l'espèce.

Nous sommes encore sous le choc qu'a causé la fermeture de la pêche à la morue. L'ensemble des pêcheries du Québec ont été fortement touchées par cette mesure dont on se relève à peine. On discute encore abondamment entre nous de la façon de rouvrir la pêche à la morue. Donc, essentiellement, chaque pêcherie a son plan de conservation. C'est à l'intérieur de ces plans qu'on retrouve les différentes mesures s'appliquant aux saisons, aux tailles minimales, au nombre d'engins de pêche, etc.

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Monsieur Wayne Easter, vous avez une question?

[Traduction]

M. Wayne Easter: Merci, monsieur le président.

J'ai deux questions. Vous avez dit que vous vous demandiez si la décision s'appliquait aux pêcheurs de la Côte-Nord. Pouvez-vous nous en parler davantage et nous dire quelles sont vos inquiétudes?

Dans le même ordre d'idées, comment selon vous faut-il gérer la pêche de subsistance autorisée en vertu de la décision Sparrow pour qu'elle ne donne pas lieu au marché noir commercial que beaucoup craignent, surtout dans le cas du homard?

[Français]

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Monsieur Poulin.

M. François Poulin: Concernant les communautés montagnaises, on sait que sur la rive nord, il existe une, deux, trois, quatre, cinq, sinon six communautés montagnaises très importantes en termes de nombre d'individus. Elles sont localisées à proximité des zones de pêche, surtout près des zones côtières de pêche au crabe. Comme vous le savez, ce sont des pêches très lucratives.

Au cours des dernières années, depuis le jugement Sparrow, il y a eu des discussions visant à permettre aux communautés autochtones l'accès à certaines pêcheries à des fins alimentaires. Cela s'est fait dans l'ordre. Cela s'est bien passé. On n'a pas eu de problèmes. Nos pêcheurs, dans l'ensemble, sont satisfaits de la façon dont cela s'est passé.

• 0940

Par ailleurs, au cours des discussions qu'on a pu avoir récemment avec des hauts fonctionnaires, à Ottawa, on nous a dit que le jugement Marshall venait influencer de façon majeure toute l'interprétation qui sera donnée, dans l'avenir, à l'ensemble des ententes et traités qui prévalent entre les communautés autochtones et le gouvernement canadien. Par exemple, il y a une dizaine de communautés autochtones de la Colombie canadienne, sur l'île de Vancouver, qui vont être touchées par le jugement Marshall.

On se demande donc si les communautés autochtones montagnaises de la rive nord seront aussi touchées par ce jugement.

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Monsieur Poulin.

M. François Poulin: C'est aussi une question que se posent les membres du comité. Je sais qu'on cherche à obtenir la liste exhaustive des communautés qui seront touchées par l'arrêt Marshall. Actuellement, on spécule énormément. Y a-t-il d'autres questions?

[Traduction]

M. Wayne Easter: En ce qui concerne la deuxième question, au sujet de la pêche de subsistance, avez-vous des recommandations?

[Français]

M. François Poulin: Nous n'avons pas vraiment d'objection particulière à cela. Comme je le disais, sur la rive nord, il ne s'est pas posé de problème majeur. Du côté de la baie des Chaleurs, avec les communautés micmacs, il y a eu des échanges assez violents, il y a trois ans. Mais nous en sommes venus à une solution. Le gouvernement fédéral a racheté trois ou quatre permis de pêche au homard qui ont été transférés à la communauté de Restigouche, de Maria, et tout est rentré dans l'ordre. Donc, on n'a pas de problèmes majeurs à ce propos.

[Traduction]

M. Wayne Easter: Merci.

[Français]

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): J'aurais peut-être deux petites questions. Elles sont petites à mes yeux, mais les réponses peuvent être longues.

D'abord, monsieur Poulin, j'aimerais que vous puissiez... Il y a des sceptiques autour de la table, car les gens trouvent que je pose toujours de longues questions. En premier lieu, je vous demanderais de revenir sur ce que vous voulez demander au gouvernement, à savoir de ne pas lever de taxes sur les pêcheurs. C'est un point de votre mémoire sur lequel j'aimerais avoir quelques éclaircissements.

En deuxième lieu, j'aimerais que vous nous exposiez comment vous entrevoyez les négociations régionales, qui pourraient être conduites, ou qui sont en train de se tenir actuellement, par certaines de vos associations membres.

M. François Poulin: Des fonctionnaires à Ottawa, au cours des rencontres que nous avons eues, nous ont dit que si on retirait 10 p. 100 de la ressource aux homardiers, par exemple, pour le transférer aux Micmacs, cela n'aurait pas d'impact majeur sur le revenu des pêcheurs. C'est une idée qui a beaucoup circulé au cours du dernier mois.

J'ai donc voulu faire valoir qu'en ce qui nous concerne—et j'ai illustré mon point à l'aide de l'étude qui a été faite aux Îles-de-la-Madeleine par des économistes du ministère—, nous pouvons démontrer qu'une taxe comme celle-là réduirait de 50 p. 100 le revenu net du pêcheur aux Îles-de-la-Madeleine.

Nous nous opposons donc fortement à ce genre de mesure, qui serait un transfert unilatéral, sans compensation, d'un faible pourcentage de la ressource aux communautés autochtones.

Sur les négociations au niveau régional, il y a deux conditions à la réussite de ces négociations ou de ce dialogue entre pêcheurs blancs et pêcheurs autochtones. Pour en venir à des accommodements, à des ajustements, et pour que tout se fasse à la satisfaction des deux parties et de façon efficace, il nous faut établir un certain nombre de préalables. Tout ce qu'on peut faire, actuellement, c'est tenir des rencontres informelles.

• 0945

Il faut donc un cadre général de discussion. Comme je le disais au début de mon exposé, il faut que le gouvernement canadien énonce un ensemble de principes qui pourront servir de cadre à ces discussions. Actuellement, il n'y a rien sur la table et on n'a aucune idée des intentions du gouvernement. Il devient donc excessivement périlleux, tant pour les autochtones que pour les pêcheurs blancs, de s'asseoir ensemble, parce qu'on ne sait pas de quoi discuter.

Il faut qu'il y ait un cadre général de discussion qui soit établi et cela doit se faire au niveau du gouvernement ainsi qu'au niveau de l'ensemble des chefs autochtones.

Par exemple, pour les autochtones, il y a une question fondamentale qui se pose: est-ce que les droits de pêche transférés vont aller à la communauté ou à des individus? Cela peut faire une énorme différence. Est-ce que le transfert va se faire à l'ensemble des Micmacs ou à chacune des communautés individuellement en fonction des ressources locales? Il y a des questions comme celles-là sur lesquelles il est important d'obtenir des réponses.

Notre position, pour l'essentiel, est que nous sommes prêts à nous asseoir, et le plus tôt possible, avec les communautés autochtones pour entreprendre des discussions.

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Merci, monsieur Poulin. Je crois qu'une autre question vient de la salle. Elle est posée par le secrétaire parlementaire, M. Lawrence O'Brien.

[Traduction]

M. Lawrence D. O'Brien (Labrador, Lib.): Je vais essayer. Merci, monsieur Bernier.

Monsieur Poulin, quelle relation entretenez-vous en ce moment avec les négociateurs fédéraux, MM. MacKenzie et Thériault, et quelles sont vos relations générales avec le ministère dans ces dossiers?

[Français]

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Monsieur Poulin.

M. François Poulin: Nous avons rencontré M. MacKenzie il y a une dizaine de jours à Montréal, et le conseil d'administration de l'alliance a rencontré M. Thériault avant-hier. Nous avons eu une longue discussion avec lui. De ce côté-là, je crois que les discussions sont bien engagées.

Ce que nous déplorons, c'est que le mandat confié à MM. MacKenzie et Thériault soit très flou. Leur mandat est de négocier, mais on ne sait pas sur quoi ou comment. Nous déplorons que le gouvernement, d'une certaine façon, se soit déchargé de sa responsabilité sur un ou deux individus.

Quant à nos relations avec le ministère, il semble bien que depuis ces deux nominations, les fonctionnaires aient reçu le mot d'ordre que seuls ces négociateurs aient droit de parole. Donc, les fonctionnaires se font extrêmement discrets et ne s'engagent dans aucune discussion.

Nous avons par ailleurs rencontré, il y a deux semaines, M. Bevan, qui est, je crois, l'un des responsables de Pêches et Océans Canada à Ottawa. Il nous a fait un exposé de l'état de la situation, et la discussion a été ouverte et intéressante. Alors, on reçoit des messages ambigus. On a le sentiment que le ministère se cherche. Il existe donc une certaine confusion.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Ça va, monsieur O'Brien?

[Français]

Monsieur Poulin, je vous remercie beaucoup. Nous avons pris bonne note de vos remarques et nous vous remercions d'avoir comparu devant nous.

Une dernière petite question de ma part; je vois qu'un peu plus tard ce matin, on doit rencontrer M. Cloutier qui va nous entretenir des aspects plus régionaux. Est-ce qu'il est en route vers Gaspé? Je ne l'ai pas encore vu ce matin.

M. François Poulin: Il était ici, à Québec, hier. Il a pris l'avion hier soir et devrait être là incessamment.

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Il y avait un peu de neige hier soir. J'espère qu'il a été capable d'atterrir.

Je vous remercie beaucoup, monsieur Poulin. Je ne sais pas comment cela se passe chez vous, mais on va maintenant accepter de rencontrer la chef du développement économique de la Première nation malécite, Mme Diane Brière. Bonjour, monsieur Poulin.

M. François Poulin: Merci beaucoup, monsieur Bernier. Merci à tous et au plaisir.

• 0950

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Madame Brière, bonjour.

Je m'appelle Yvan Bernier et je suis le député de Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok. Soyez la bienvenue au Comité permanent des pêches et des océans. Vous avez entendu mes remarques d'ouverture. Nous étudions ce matin les impacts du jugement de la Cour suprême du 17 septembre dernier.

Je vous laisse la parole. Nous allons passer à peu près une demi-heure en votre compagnie. Si vous avez des remarques d'ouverture à nous faire, nous allons vous entendre. Nous vous demandons, bien entendu, d'être aussi brève que possible. Par la suite, pour remplir la demi-heure, les députés vous adresseront des questions à tour de rôle.

Mme Diane Brière (chef du développement économique, Première nation malécite de Viger): La Première nation malécite de Viger est désolée de ne pouvoir assister à la rencontre d'aujourd'hui qui était organisée par le Comité canadien sur les pêches, cela en raison d'une invitation tardive de votre part.

Cependant, notre absence n'est aucunement liée à un manque d'intérêt. Au contraire, nous aurions aimé débattre de plusieurs points du jugement Marshall qui, à ce jour, n'ont pas encore été abordés, particulièrement en ce qui concerne la communauté malécite du Québec. Par conséquent, nous prenons la liberté de vous présenter quelques interrogations que nous avons à ce sujet.

Comment se fait-il que votre gouvernement ne croie pas que notre nation soit incluse dans les ententes avec le gouvernement britannique de l'époque, sachant que les Malécites du Nouveau-Brunswick et du Québec entretenaient des liens constants en empruntant la rivière Saint-Jean, axe de communication névralgique? De ce fait, tous les Malécites faisaient partie de la même communauté, et c'est en leur nom à tous qu'à l'époque, le traité avait été signé par un représentant de la grande confédération.

Pourquoi le gouvernement canadien a-t-il tant tardé à entreprendre des négociations, ce retard entraînant des conflits entre autochtones et non-autochtones, sachant de surcroît l'impact désastreux d'un tel retard sur les communautés habitant des régions si durement touchées par la crise économique, où les richesses de la nature ont déjà été beaucoup exploitées?

Comment se fait-il que le gouvernement canadien, tant l'actuel que le précédent, ait injecté si peu d'argent dans le cadre de la STRAPA au Québec et nous ait tenus dans l'ignorance des autres jugements rendus concernant les autochtones?

Pourquoi des réunions devant permettre la discussion entre autochtones et non-autochtones sont-elles annoncées si peu de temps avant leur tenue au Québec? Un tel manque d'information ne peut contribuer qu'à aggraver la situation de bien des gens.

En tant que représentant de la Première nation malécite de Viger, le conseil de bande a, depuis novembre 1996, entrepris un dialogue avec le ministère des Pêches et des Océans afin d'avoir accès à la pêche à des fins de subsistance et de commerce.

Notre but est de redonner à nos membres l'accès à la ressource qui leur a permis durant des siècles de vivre sur ce continent. De plus, les revenus tirés de cette activité nous permettront d'atteindre progressivement notre autonomie gouvernementale.

Nous vous rappelons aussi que nous avons entrepris un dialogue avec les représentants des différentes associations du Québec—pêche au crabe, zones 17 et 12, et association des propriétaires de bateaux—afin d'en arriver à un partage équitable de cette ressource et à notre intégration à ces diverses associations.

Ce que nous souhaitons, c'est que votre gouvernement nous octroie les permis de pêche nécessaires pour nous permettre d'avoir accès à la pêche pour la saison 2000, que nous nous engageons d'ores et déjà à pratiquer dans l'esprit de nos ancêtres, c'est-à-dire en harmonie avec le milieu.

Enfin, pour ce qui est des interprétations à donner au jugement Marshall, notre position est qu'on doit respecter les ententes conclues sous le gouvernement britannique. Comment conclure une entente de paix avec un peuple qui vit en harmonie sur ce continent tout en respectant les valeurs culturelles, sociales et économiques? Voilà le défi à relever. Voilà l'alliance que nous souhaitons avec vous.

Je vous remercie de l'attention que vous nous portez aujourd'hui.

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Merci beaucoup, madame Brière. Votre allocution a été directe et précise. Je vais maintenant laisser les députés vous poser des questions.

• 0955

Monsieur Stoffer, avez-vous une question pour Mme Brière?

M. Peter Stoffer: Bonjour, madame Brière.

[Traduction]

Pour ce qui est de l'accès aux ressources, est-ce que votre organisation et vos gens ont rencontré la province pour discuter de vos préoccupations au sujet de l'accès à la ressource ligneuse?

[Français]

Mme Diane Brière: Je vais demander à mon consultant de vous répondre. Il connaît mieux que moi les détails techniques.

Le président suppléant (M. Yvan Bernier) : C'est M. Rancourt, je crois.

M. Marcel Rancourt (coordonnateur aux pêches, Première nation malécite de Viger): Oui.

Tout d'abord, nous sommes heureux de pouvoir assister aujourd'hui à la séance de votre comité par le biais de la téléconférence.

Il est assez étrange que nous ayons ressorti cette semaine une ancienne résolution qui date de 1868, laquelle vous est parvenue et dans laquelle on disait que la Loi sur les pêches de l'époque ne nous rendait pas justice vis-à-vis de nos droits ancestraux.

En ce qui a trait à la pêche au niveau de la province, oui, nous sommes en négociation avec le gouvernement provincial concernant la pêche pélagique de poissons tels l'esturgeon, l'anguille et le saumon. Les résultats à ce jour n'ont pas été très positifs, mais nous continuons à négocier avec la province en ce qui a trait à la pêche des poissons en eau douce.

Dans le même ordre d'idées, je peux vous dire que depuis 1996, notre nation négocie avec le ministère des Pêches et des Océans du Québec afin d'avoir accès à la pêche commerciale. Nous avons produit différents documents à ce sujet. Nous avons produit en novembre 1996 le premier document afin d'avoir accès à la ressource faunique. Nous avons aussi, par l'entremise de la STRAPA, fait des études sommaires sur les activités de pêche, de chasse et de cueillette pour nos propres besoins. Nous avons fait tous ces travaux pour le MPO.

[Traduction]

M. Peter Stoffer: Pour ce qui est de la gestion de la ressource, lorsque des négociations exhaustives et transparentes auront été amorcées entre vous, le MPO et les collectivités non autochtones, seriez-vous disposés à vous conformer aux règles de gestion universelles?

[Français]

M. Marcel Rancourt: En octobre 1999, la nation a remis à Mme Chartrand son plan pour la campagne de pêche de l'an 2000, dans lequel nous décrivons très clairement la façon dont la saison de l'an 2000 devrait se dérouler. Nous avons pris la peine de décrire les engins, les protocoles de protection des petits poissons, la saison, le contrôle des prix, la sécurité à bord des navires, des informations ayant trait aux relations publiques entre le MPO, les pêcheurs et les autochtones. Nous avons même remis notre tableau de quotas par espèce, en tenant compte des pêcheurs en place. Nous avons réparti l'effort dans chacune des zones pour qu'il n'y ait pas de difficultés. Nous avons même remis au ministère un document décrivant la façon dont la ressource, une fois pêchée, serait remise à chacun de nos membres de façon équitable, en tenant compte du fait que nos membres sont partout au Québec. Nous avons même dit au ministère comment, à partir des revenus de cette pêche commerciale, les fonds seraient remis à chacun des membres.

La Première nation malécite a fait une grande réflexion au cours des quatre dernières années sur la façon dont elle pourrait s'intégrer aux pêches commerciales. Ce qui est dommage à l'heure actuelle, c'est que par l'entremise de la STRAPA, au Québec, il n'y ait pas de fonds pour aider les autochtones à avoir accès à la pêche commerciale. Nous avons tenu des dizaines et des dizaines de réunions à ce sujet et nous sommes heureux de voir que le comité se penche aujourd'hui sur ce problème.

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Une dernière courte question.

[Traduction]

M. Peter Stoffer: S'il vous est possible de nous remettre copie de ces documents, ils nous seraient très utiles.

• 1000

[Français]

M. Marcel Rancourt: Nous vous le ferons parvenir par télécopieur s'il fonctionne.

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Merci, monsieur Rancourt.

[Traduction]

Une autre brève question? Non, plus tard, Peter.

[Français]

Je vais maintenant passer la parole à M. Wayne Easter. Wayne, à vous la parole.

[Traduction]

M. Wayne Easter: Merci, monsieur le président.

Votre première question portait sur les motifs de votre exclusion de l'entente relative à la décision Marshall, je crois. Pouvez-vous nous en parler davantage?

[Français]

M. Marcel Rancourt: Nous avons toujours été convaincus que l'arrêt Marshall s'appliquait à notre nation. Ce qui est assez étrange, c'est que peu de temps après le jugement, certains représentants nous ont appelés pour nous dire que le jugement ne s'appliquait pas aux Malécites du Québec. Je peux vous dire que nous avons communiqué avec le ministère de la Justice du Canada pour lui dire que quand on est Canadien, on l'est aussi bien dans l'est que dans l'ouest. À notre grande surprise, nous avons appris que les Malécites qui sont au Québec ne sont plus des Malécites. La position du regroupement des Malécites est bien simple: les grands chefs malécites n'en ont jamais même douté.

[Traduction]

M. Wayne Easter: Nous allons devoir demander à nos attachés de recherche de le vérifier.

Vous nous avez dit que vous avez eu très peu de temps pour vous préparer, et c'est vrai. Nous le regrettons, mais nous voulions entendre tout le monde et avons publié les avis en conséquence. Si d'autres personnes veulent témoigner, elles peuvent nous faire parvenir leurs mémoires. Je voulais simplement le signaler.

Ma dernière question est la suivante: De quelle manière participez-vous à la Stratégie relative aux pêches autochtones? Je n'ai pas très bien compris.

[Français]

M. Marcel Rancourt: Eh bien, c'est la troisième entente qu'on signe avec le MPO par rapport à la STRAPA. Dans le cadre de la STRAPA, nous avons déjà obtenu deux permis de pêche commerciaux, pour le hareng et le maquereau.

Concernant l'an 2000, nous avions fait trois demandes en vue d'avoir accès à la pêche commerciale au cours du mois d'octobre et cela nous a chaque fois été refusé. Ces demandes avaient trait à la formation pour nos membres, à la location ou l'achat d'un bateau, et au rachat d'un permis de poisson de fond. On nous a répondu qu'il n'y avait plus d'argent au Québec pour nous donner accès à la pêche via la STRAPA. C'est un peu pour cela que quelques mois ou quelques semaines plus tard, le conseil de bande a décidé de remettre au gouvernement, c'est-à-dire au MPO, la campagne de pêche commerciale en lui disant: «Si vous ne voulez pas nous octroyer les permis nécessaires dans le cadre de la la STRAPA, nous serons obligés de pêcher en nous appuyant sur le jugement Marshall.

[Traduction]

M. Wayne Easter: Merci.

[Français]

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Est-ce qu'il y a d'autres questions? Je vais essayer un petit truc. Madame Brière et monsieur Rancourt, vous allez m'aider. Il y a une carte derrière moi. Est-ce qu'on peut diriger la caméra vers cette carte? Les députés m'ont demandé tout à l'heure où était votre territoire.

M. Marcel Rancourt: Pendant la période du régime français, les Malécites occupaient le territoire partant de la pointe de Lévis allant jusqu'à l'embouchure de la rivière Métis. Ils s'étendaient vers le nord. Les Malécites étaient autrefois ce qu'on appelait les gardiens du grand portage. Lorsqu'il y avait des conflits entre les Anglais et les Français, c'était bien pratique d'avoir les Micmacs et les Malécites pour aller porter les bonnes ou les mauvaises nouvelles de Louisbourg à Québec. L'axe des communications était idéal. C'était le grand portage. C'est comme cela qu'on protégeait tout le territoire via la rivière Saint-Jean.

• 1005

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Monsieur Rancourt, Peter a une autre question courte à vous poser. Vu qu'il y a du temps,

[Traduction]

allez-y, Peter.

M. Peter Stoffer: Madame Brière, selon vous, la décision Marshall s'applique-t-elle aux Malécites non inscrits du Québec?

[Français]

Mme Diane Brière: Tous les Malécites sont reconnus par notre nation. Je ne comprends pas vraiment votre question sur les non-inscrits. Voulez-vous parler de Malécites sur réserve et hors réserve?

M. Marcel Rancourt: J'aimerais vous parler un peu de l'aspect historique. En 1856, le gouvernement canadien a permis la vente de la réserve de Viger, sur laquelle nous étions. Nous sommes encore propriétaires de deux réserves, mais la plupart de nos membres vivent hors réserve. Étant donné qu'ils n'avaient plus accès à la pêche sur le territoire ancestral parce que toutes les rivières à saumon avaient déjà été données aux Blancs, ils ont été obligés de se disperser un peu partout sur la Basse-Côte-Nord.

Les Malécites sont actuellement répartis sur les deux tiers de la surface du Québec, mais les réserves de Cacouna et de Whitworth sont encore des réserves actives.

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Merci, monsieur Rancourt. J'aimerais vous poser une courte question pour refaire mes notions historiques. Vous avez parlé de la résolution de 1868 qui aurait...

M. Marcel Rancourt: Je vais la lire aux membres du comité. Elle est très courte. Je vais vous donner le contexte dans lequel elle s'est faite. Elle est aux Archives nationales pour ceux que cela intéresse.

    Quelques mois avant la vente de la réserve de Viger, les Malécites rencontrent à Rivière-du-Loup un ancien surintendant des «Affaires des sauvages»,...

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Vu qu'elle est courte, pouvez-vous la lire lentement? Les interprètes ont de la difficulté à vous suivre. Continuez.

M. Marcel Rancourt: D'accord.

    ...que plusieurs d'entre eux avaient rencontré en 1856 alors qu'il visita la réserve de Viger. Ils lui demandèrent d'écrire pour eux une requête adressée au département des affaires indiennes. Entre autres, les restrictions causées par la loi sur les pêcheries leur posent problèmes.

Cette résolution est datée le 21 août 1868, et on y retrouve exactement les points dont on discute aujourd'hui. Quand le gouvernement canadien, à l'époque, avait adopté sa Loi sur les pêches, il n'avait pas consulté les sauvages. Il n'avait fait aucun effort pour les intégrer à la pêche. C'est ainsi qu'il y a eu la bataille dans la grande rivière Métis. C'est là que s'est joué le sort de la nation. À partir du moment où on n'a plus eu accès au saumon, on a été obligés d'aller dans d'autres territoires.

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Merci, monsieur Rancourt. Si vous nous envoyez une télécopie tout à l'heure, pouvez-vous y joindre ce document? Cela nous aiderait dans notre travail. Est-ce qu'il y a d'autres questions?

J'ai une petite question car je suis curieux. Êtes-vous le M. Rancourt qui a travaillé comme consultant au Centre d'interprétation des pêches à Rivière-au-Renard?

M. Marcel Rancourt: Oui, c'est bien moi.

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Ça fait au moins une dizaine d'années qu'on s'est vus. Je travaillais à l'ACPG à l'époque.

Monsieur Rancourt, madame Brière, nous vous remercions d'avoir comparu devant nous. Maintenant qu'on vous connaît, on aimerait avoir vos paramètres parce qu'il y a des choses qui bougent. Ne manquez pas de nous les faire connaître. Nous apprenons aussi à connaître les Premières nations, les Malécites, les Micmacs. Je dois vous avouer que j'ai été élevé ici, à Gaspé, mais que je ne savais pas qu'on avait une bande micmac. J'ai des amis avec lesquels j'ai été à l'école et j'ai appris qu'ils étaient autochtones sur les bancs des collèges, parce qu'ils avaient eu de meilleures bourses que moi. Je suis fier de les connaître maintenant, mais aidez-nous à vous connaître un peu mieux. Le comité permanent se veut un forum où les autochtones puissent se faire connaître et où les pêcheurs puissent exprimer leurs craintes. Tout ce qui est nouveau fait peur.

Je vous remercie et vous souhaite bonne chance dans vos délibérations à vous aussi. Au revoir.

Comme nous devons changer de salle, la séance est suspendue pour 10 minutes.

• 1010




• 1025

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Messieurs, je vous demanderais un peu de silence. Le Comité permanent des pêches reprend ses audiences. Je rappelle à l'assemblée que nous étudions, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, les implications de la décision de la Cour suprême rendue le 17 septembre dernier concernant la gestion des pêches dans la région atlantique.

Je demande aux députés de prendre place. Notre horaire a été quelque peu bouleversé puisque certains témoins sont en retard, tandis que d'autres sont déjà arrivés.

Nous commencerons par entendre M. Maurice Ouellet, qui représente une association membre de la Fédération des pêcheurs semi-hauturiers du Québec. M. Ouellet connaît déjà la façon dont fonctionne notre comité. Nous lui accorderons une demi-heure et l'inviterons d'abord à faire une brève présentation. Si votre présentation dure une demi-heure, nous n'aurons pas l'occasion de vous poser des questions. Je vais essayer de bien gérer le temps dont nous disposons. Je répéterai à l'intention des nouveaux arrivants que mes collègues du comité ont peut-être choisi de me jouer un tour ce matin en me demandant d'assumer la présidence, mais que cela ne m'empêchera de poser de longues questions.

La parole est à vous, monsieur Ouellet. Nous vous écoutons.

M. Maurice Ouellet (directeur général, Association des crabiers gaspésiens, Fédération des pêcheurs semi-hauturiers du Québec): Merci, monsieur le président et messieurs les députés.

Mon allocution sera brève, monsieur le président. J'ai déjà déposé un court mémoire. Ma présentation se limitera à la lecture de ce mémoire afin que je puisse donner aux honorables députés l'occasion de me poser le plus de questions possible.

La Fédération des pêcheurs semi-hauturiers du Québec regroupe cinq associations régionales réparties sur l'ensemble du Québec maritime: l'Association des capitaines propriétaires de la Gaspésie, l'Association des pêcheurs de la MRC Pabok, l'Association des crabiers de la Gaspésie, l'Association des pêcheurs de la Côte-Nord et le Regroupement des pêcheurs professionnels des Îles-de-la-Madeleine.

Nos pêcheurs membres sont actifs dans la pêche au crabe des neiges, à la crevette et au poisson de fond plus particulièrement.

Par le jugement Marshall, la Cour suprême du Canada reconnaît aux Micmacs le droit de pêcher pour assurer leur subsistance. Tout en rejetant la demande de réaudition déposée par un groupe de pêcheurs non autochtones, la Cour suprême a clarifié le contenu de son jugement, qui a créé et qui crée toujours autant de houle.

À la lueur de ces précisions, il nous apparaît clair que si les autochtones possèdent le droit de pêcher, le gestionnaire de la ressource peut encadrer ce droit de pêcher et doit le faire. Cela est très important, et cette responsabilité revient au législateur, et non pas aux pêcheurs.

La pêche est un secteur économique névralgique dans les communautés maritimes du Québec. Or, cette industrie ne peut survivre que si la conservation de la ressource est l'objectif numéro un des intervenants, pêcheurs et gestionnaires.

Les flottilles semi-hauturières du golfe Saint-Laurent ont opté pour le développement durable et ce, depuis plusieurs années. Elles se sont dotées d'un programme de quotas individuels permettant de mettre fin à une exploitation effrénée, et souvent sans scrupule, de la ressource.

Nos pêcheurs se sont aussi dotés d'outils de contrôle importants, dont le pesage à quai de tous les débarquements, des programmes d'observateurs en mer, ainsi que des protocole de contrôle des petits poissons et de protection du crabe blanc. Il est évident qu'il est très difficile pour le directeur général de la ressource à Ottawa de savoir ce qui reste dans la mer s'il ne sait pas ce qu'on a débarqué à chacun de nos quais. C'est pour cette raison que nous nous sommes dotés de ces instruments-là.

Ils ont également adopté le Code de conduite sur les pratiques de pêche responsables, prouvant ainsi leur engagement à l'égard d'un développement durable de l'industrie.

Tous ces efforts déployés depuis de nombreuses années pour mieux organiser la pêcherie doivent être reconnus et maintenus.

Deux de nos flottilles ont signé une entente de cogestion avec le ministère des Pêches et des Océans. Il s'agit des crabiers de la zone 12 et des crevettiers du golfe Saint-Laurent. Ces ententes, qui prendront fin respectivement en l'an 2001 et 2002, prévoient une série de mesures de gestion pour assurer la conservation de l'espèce, ainsi que des formules de partage de la ressource.

• 1030

Ces ententes ont été élaborées en tenant compte des différents facteurs, dont la rentabilité des flottilles. La conclusion de telles ententes a exigé des efforts de concertation et une grande ouverture d'esprit de la part de nos pêcheurs.

Ce type d'ententes reflète la volonté du ministère des Pêches et des Océans et celle des pêcheurs de travailler en partenariat étroit pour une exploitation rationnelle et durable. Ces ententes dûment signées doivent être respectées.

La Fédération des pêcheurs semi-hauturiers du Québec désire qu'il n'y ait aucun accroissement de l'effort de pêche. Chacun de vous est certainement au courant des événements qu'on a déplorés dans certaines pêcheries et qu'on ne voudrait surtout pas voir se répéter dans d'autres pêcheries. C'est la raison pour laquelle nous demandons qu'aucun accroissement de l'effort de pêche n'ait lieu. Toutes les études et toute l'expérience acquise au fil des ans démontrent que si nous modifiions la quantité actuelle de joueurs à l'intérieur du golfe, nous mettrions en péril la ressource et cela risquerait de nous éclater entre les doigts. La conservation doit être l'objectif premier. Toute augmentation de l'effort de pêche constituerait un danger de surexploitation.

Les mêmes règles doivent s'appliquer à tous, qu'ils soient des pêcheurs commerciaux ou autochtones. Il serait en effet inacceptable que les efforts déployés par nos pêcheurs commerciaux depuis des années ne soient pas reconnus et que les résultats ainsi obtenus soient anéantis par des activités de pêche anarchiques.

Certains autochtones ont déjà la preuve qu'il y a moyen de vivre ensemble et de pratiquer la même pêche en respectant les mêmes conditions que celles dont se sont dotés les pêcheurs traditionnels. Il y a déjà des autochtones qui pêchent le crabe ou d'autres espèces et qui savent à quoi s'en tenir. Il y a de la place pour tout le monde, mais il y a une façon de procéder.

Les pêcheurs commerciaux doivent participer aux discussions et aux décisions. Si les pêcheurs autochtones ont des droits qu'a reconnus la Cour suprême, les pêcheurs commerciaux ont aussi des droits et on doit également les leur reconnaître. En ce sens, nous devons être considérés comme les acteurs importants que nous sommes. Le ministère des Pêches et des Océans ne doit pas prendre de décisions unilatérales dans ce dossier.

La rentabilité de nos flottilles ne doit pas être mise en danger. Nos pêcheurs investissent pour conserver leur ressource et leur gagne-pain. Ils sont des employeurs importants dans leur localité. Toute atteinte à la rentabilité de nos flottilles aurait des impacts négatifs majeurs sur l'économie régionale.

Le processus de discussion et de négociation doit être transparent. Le processus de consultation doit être connu de tous. Les pêcheurs commerciaux doivent être informés de l'évolution des discussions avec les autochtones. Il ne doit pas y avoir de programme caché.

En conclusion, l'industrie de la pêche a subi bien des soubresauts au cours des dernières années. Le jugement Marshall, et surtout l'interprétation de ce jugement par certains groupes, a créé un vent de panique et des manifestations violentes en Atlantique.

Si le gestionnaire de la ressource, le ministère des Pêches et des Océans, veut éviter des crises sociales, il devra reconnaître les droits de chacun, assurer la protection des ressources halieutiques et n'autoriser qu'une pêche ordonnée et respectueuse des mesures de gestion déjà identifiées, tant par le ministère que par l'industrie.

Messieurs, je vous remercie.

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Merci, monsieur Ouellet. C'est la première fois que j'entends votre voix en anglais. Je dois dire que la version anglaise et notre brillante interprète est également agréable à entendre. Veuillez excuser mon brin d'humour ce matin.

Je ne sais pas si Peter est prêt à poser une première question.

Monsieur Stoffer.

M. Peter Stoffer: Merci, monsieur le président.

• 1035

Je vous remercie de votre présentation. En Nouvelle-Écosse,

[Traduction]

certains témoins nous on dit que la gestion des pêches devrait se faire davantage dans les collectivités, où les décisions viendraient de la base plutôt que d'en haut. Quelles seraient d'après vous les répercussions de cette proposition pour les Autochtones et les collectivités de la Gaspésie et des Maritimes.

[Français]

M. Maurice Ouellet: Certains jugeront peut-être que la pensée qu'a émise la Nouvelle-Écosse est quelque peu avant-gardiste. En juin dernier, lors d'une présentation au Château Bonne Entente, j'avais justement mentionné à M. Sprout, le responsable de la mise en place d'un plan de gestion des pêches national, le fait que le gouvernement du Canada possède des régions autonomes administrées par des directeurs régionaux et qu'on devrait avoir une politique générale des pêches, ainsi qu'une gestion qui se limiterait à nos régions administratives et où l'on miserait évidemment sur la participation de l'ensemble des intervenants dans la capture.

[Traduction]

M. Peter Stoffer: Comme vous le savez, monsieur, pour ce qui est de l'accès à la ressource, il faut que la ressource puisse jouir d'un habitat durable. Dans la région du golfe, beaucoup de concessions pétrolières et gazières sont accordées à des entreprises qui font de la prospection sismique et qui espèrent y réaliser des projets d'exploration. Est-ce que votre organisation a participé à des discussions ou à des réunions pour déterminer si c'est bon pour votre organisation?

[Français]

M. Maurice Ouellet: Non, nous n'avons eu ni négociations ni discussions en ce sens. Nous nous sommes tenus à ce que nous pouvions retrouver au niveau public et journalistique. Jusqu'ici, nous n'avons pas identifié de problèmes en ce sens.

M. Peter Stoffer: Merci.

[Traduction]

Le président: Monsieur Steckle.

M. Paul Steckle (Huron—Bruce, Lib.): Je vous remercie de vous être déplacé ce matin, monsieur Ouellet.

J'ai relevé dans votre exposé un grand intérêt pour la conservation des espèces. Je crois que vous avez dit à plusieurs reprises qu'il ne faut pas redoubler d'efforts pour pêcher ces espèces, quelles qu'elles soient. Puisqu'il faut que l'effort de pêche soit harmonisé—d'une façon quelconque—, est-ce que des pêcheurs actuels vont se retirer volontairement pour permettre aux Autochtones d'avoir accès à la ressource? Quelle est votre opinion à ce sujet? Comment voyez-vous les choses se dérouler?

[Français]

M. Maurice Ouellet: On entend souvent des députés et politiciens au palier fédéral déclarer que la protection de la ressource est leur priorité. Malheureusement, on ne ressent pas cette réalité dans nos milieux. Les événements passés nous portent à douter de la parole de certains intervenants politiques. C'est un peu la raison pour laquelle nous parlons maintenant plutôt des interventions de l'industrie. D'ailleurs, depuis 1995, je suis l'un de ceux qui participent à la négociation d'ententes de partenariat et de cogestion. Si l'industrie est capable de se doter d'instruments et de protéger sa propre ressource, je crois que le politicien devrait peut-être laisser aux fonctionnaires des régions administratives et à l'industrie la responsabilité de gérer la ressource. Le politicien devrait se contenter de légiférer plutôt que de se servir de la ressource pour faire de la politique. On sait où une telle action de sa part nous a menés dans le passé. Je souhaite bien que lorsque les députés ici présents me parlent de protection de la ressource, ils sont aussi sincères que je puis l'être.

• 1040

Comment pourrions-nous procéder? Cela serait relativement facile si on agissait comme l'a fait le Québec qui, encore une fois, a un pas d'avance par rapport aux autres provinces et a désigné des pêcheurs professionnels. En juin 1999, l'Assemblée nationale adoptait un projet de loi visant la professionnalisation des pêcheurs. À compter de l'an 2000, n'entrera pas dans la pêche qui veut. Et on n'y entrera surtout pas par la porte arrière.

Comment pouvons-nous nous accommoder du jugement Marshall? Je ne crois pas qu'il y ait quelque problème que ce soit. Le gouvernement devrait continuer à travailler afin de nous doter d'un plan de gestion général, laisser l'industrie et ses fonctionnaires interpréter les besoins d'une perspective régionale, et permettre aux autochtones—qui sont à mon avis également des Canadiens—d'avoir accès à la ressource, sans toutefois accroître l'effort de pêche, en rachetant les permis des pêcheurs de la nation blanche qui voudront se retirer de la pêche.

De cette façon, nous n'aurons aucune difficulté à cohabiter avec n'importe quelle bande indienne au Québec. Comme je vous l'indiquais, il existe déjà une formule de professionnalisation, ainsi que des méthodes de travail et de contrôle dont nous nous sommes dotés. Nous sommes tout disposés à travailler avec nos collègues autochtones afin qu'ils puissent s'adapter facilement à cette méthode.

[Traduction]

M. Paul Steckle: Vous avez parlé de transparence ou du manque de transparence. Pouvez-vous dire au comité où vous estimez qu'on a fait preuve d'un manque de transparence lors des derniers événements vous touchant ou touchant l'industrie ou le MPO?

[Français]

M. Maurice Ouellet: Cela a été très très frustrant lorsqu'on a reçu le jugement Marshall au mois de septembre, parce que c'était une décision relativement brouillée dont chacun a donné sa propre interprétation. Heureusement, un groupe de pêcheurs a obligé la Cour suprême à éclaircir un peu l'eau du golfe, bien qu'entre-temps cette décision ait créé beaucoup de tumulte dans le golfe.

Je n'ai absolument rien contre les ambassadeurs MacKenzie et Thériault qu'a nommés le ministre, mais je ne crois pas utile qu'ils aillent rencontrer de petits groupes à gauche et à droite, alors qu'on ne sait actuellement rien. Quelles sont les intentions du ministère des Pêches et des Océans? Où veut-il aller? Comment perçoit-il le problème et croit-il pouvoir le régler? On ne sait absolument rien à cet égard. On nous dit d'attendre que M. MacKenzie ou M. Thériault vienne nous rencontrer.

Ce n'est pas cela, la transparence. Nos amis autochtones sont ici aujourd'hui, les députés sont ici aujourd'hui et l'industrie est ici aujourd'hui. Ça, c'est de la transparence. Je n'ai pas peur de parler devant un député ou devant quelque bande autochtone que ce soit. Pourquoi le ministère des Pêches et des Océans nous envoie-t-il des messagers? Ce n'est pas cela, la transparence.

Il devrait tenir des réunions pour chacune des pêches concernées et dans chacune des provinces concernées, et y convoquer tous les joueurs, plutôt que de ne consulter qu'un petit groupe à la fois. Il risque de créer de la bisbille. Ce n'est pas de la transparence.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Wayne, aviez-vous des questions?

M. Wayne Easter: Merci, monsieur le président. Elles sont dans la même veine.

Bienvenue, monsieur Ouellet.

Au sujet du processus que vous avez décrit, oui, il a été critiqué. Notre comité va présenter son rapport au Parlement avant Noël, et le processus lui-même était au nombre des grands problèmes portés à notre attention. Quel genre d'échéancier devons-nous envisager? Comment peut-on améliorer le processus?

Par ailleurs, je suis persuadé que vous entretenez des relations avec le personnel du bureau régional du ministère des Pêches et des Océans. Est-ce que les employés du MPO sur le terrain, dans les bureaux de district, savent ce qui se passe? Si vous leur parlez, ils devraient le savoir. Dans la négative, comment cela se fait-il?

[Français]

M. Maurice Ouellet: Malheureusement, je suis obligé de faire preuve de négativisme et je déteste cela. Non, les fonctionnaires ne sont pas au courant. Ils ont peut-être toutefois reçu le mot d'ordre de faire semblant de ne pas l'être. Mais une chose est certaine, et c'est que les seules personnes qui sont mandatées à l'heure actuelle, ce sont MM. MacKenzie et Thériault. Dans son communiqué, le ministre indiquait clairement que M. MacKenzie était la personne désignée et, la semaine suivante, il annonçait que M. Thériault se joignait à lui. Ce sont les deux seules personnes qui possèdent actuellement tous les pouvoirs de négociation au Québec et dans le golfe.

• 1045

Je pense donc qu'on devrait créer rapidement—nous sommes aujourd'hui devant la meilleure instance pour le proposer—une commission réunissant tous les intervenants pour qu'ils puissent examiner le problème en profondeur, en tenant compte de ce que vous aurez appris et entendu ici. Avec les propos que vous allez rapporter à M. Dhaliwal, celui-ci sera peut-être en mesure de se faire une bonne idée de la situation.

Il est absolument certain qu'il ne connaissait pas l'ampleur du problème dont on discute aujourd'hui. Je pense que lorsqu'il sera informé de tout ce qui s'est dit ici aujourd'hui et de tout ce qui s'est dit dans les Maritimes, il sera capable de se former une opinion et de mandater ses fonctionnaires, région administrative par région administrative, pour discuter de la capture, tant avec l'industrie qu'avec les autochtones de chacune des régions. Ce sera la seule façon de régler le problème qui, évidemment, ne se présente pas sous le même angle dans la région laurentienne, dans les Maritimes, dans le golfe ou dans l'Ouest.

Donnons-nous donc une orientation générale et laissons les fonctionnaires, les citoyens et les pêcheurs régler le reste du problème avec les autochtones entre eux. Je pense qu'ainsi, on sera en mesure pour le 1er avril... Vous savez que M. Dhaliwal a déclaré que tout le monde devait être prêt à aller pêcher le 1er avril. Il est beaucoup plus prompt à déterminer des dates qu'à créer des comités aptes à prendre des responsabilités.

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Merci, monsieur Ouellet. Monsieur Easter, avez-vous une autre question?

[Traduction]

M. Wayne Easter: À mon avis, il y a deux problèmes. Tout d'abord, si vous qui êtes le pêcheur ne recevez pas toute l'information, les rumeurs vont se mettre à courir. Il y a des problèmes apparents. Il n'y a aucune raison que le ministère des Pêches et des Océans ne puisse communiquer avec son personnel de district, ou même avec ses agents de surveillance, toutes les semaines ou toutes les deux semaines, pour les tenir au fait de l'avancement des négociations avec MacKenzie et Thériault. Cela ne devrait pas poser de problème. Du moins, c'est un problème qu'on devrait pouvoir régler.

Deuxièmement, vous dites que le ministère des Pêches et des Océans devrait énoncer des lignes directrices et des principes généraux. Les organisations de pêcheurs et les communautés autochtones devraient se concerter sur le terrain, si l'on peut dire, pour les mettre en oeuvre à l'échelle locale. Ai-je bien compris?

[Français]

M. Maurice Ouellet: Oui. À votre première question, je répondrai que c'est ce qu'on espère depuis la nomination de M. MacKenzie. Malheureusement, cela ne se fait pas.

Pour répoondre à votre deuxième question, je dirai qu'évidemment, il s'agit de se donner des orientations. Je répète qu'à la suite des entrevues que vous tenez depuis dimanche dernier, sans doute le ministre sera-t-il capable de connaître exactement les volontés de l'industrie et celles des autochtones. Si cela n'inspire pas les membres de son cabinet, si ceux-ci manquent d'imagination, il peut toujours revenir chez ceux qui pratiquent la pêche et leur poser des questions. Nous sommes toujours prêts à rencontrer le ministre et à répondre à ses questions.

Quand je parle de lignes directrices, je pense aux méthodes on ne peut plus remarquables que nous avons expérimentées, surtout au cours des dernières années, pour protéger et conserver la ressource. Je pense qu'il faut maintenir ces méthodes et les appliquer à toutes les espèces.

Non seulement le ministère sera-t-il informé à peu près, par les rapports de ses scientifiques, de ce qui se trouve dans l'eau, mais encore saura-t-il ce qui sort de l'eau. C'est beaucoup plus facile à contrôler de cette façon. Ceci est l'une de ces lignes directrices. Pour vous en donner un exemple, on peut, dans le cas de la pêche au crabe, pratiquée en zone 12, s'asseoir et voir s'il y a de la place pour 10 autres intervenants dans cette zone où il y en a déjà 160. On peut le faire à condition de vouloir le faire. Il faut faire l'exercice, et l'industrie est toujours disposée à le faire.

• 1050

Mais lorsque le ministre donne les commandes à un haut représentant et nous dit de nous en référer à lui et d'attendre qu'il vienne nous rencontrer, ce n'est pas trop rassurant quand on est en décembre. La pêche débute le 15 avril. C'est demain.

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Monsieur Lawrence O'Brien.

[Traduction]

M. Lawrence O'Brien: Vous décrivez une situation qui n'est pas très rassurante. La décision Marshall a été rendue le 17 septembre et la mise au point a été publiée le 17 novembre. Le comité a décidé d'agir rapidement et ces audiences se terminent ici aujourd'hui. Nous avons ces deux messieurs, Thériault et MacKenzie, et les directeurs généraux des régions des Laurentides, de l'Atlantique, et ainsi de suite. Selon moi, nous agissons aussi rapidement que possible. Je sais que c'est frustrant, parce que nous voulons toujours aller plus vite.

Compte tenu de tout ce que vous avez dit et des points de vue que vous avez exprimés, pouvez-vous me dire honnêtement s'il y a encore d'autre mesures que nous pouvons prendre différemment d'ici le mois d'avril, outre ce que nous faisons maintenant? Que pouvons- nous faire pour trouver une solution provisoire ou pour calmer les eaux si l'ont veut, d'ici la mi-avril? Nous voulons connaître vos idées. C'est pour cela que nous sommes. Nous sommes ici pour apprendre et pour recueillir de l'information que nous pouvons intégrer à notre processus pour le rendre le plus pratique possible.

[Français]

M. Maurice Ouellet: Il est évident que le temps passe et qu'il passe très vite; vous venez de le mentionner. Je n'aurais pu exiger que vous soyez plus rapides que vous ne l'avez été. Vous avez pris vos décisions très rapidement, et nous vous en remercions.

Par contre, d'ici le 15 avril, il reste du chemin à faire. C'est pourquoi je maintiens et je répète que le rapport que vous allez faire est primordial pour que tant le ministère des Affaires indiennes que le ministère de Pêches et des Océans adoptent une position et reviennent dans chacune des régions administratives pour régler les détails. Cependant, cela réussira si les ministères agissent aussi rapidement que vous l'avez fait. Et je parle bien des deux ministères.

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Cette réponse vous satisfait-elle, monsieur O'Brien?

Monsieur Ouellet, il me reste encore un peu de temps. Je voudrais d'abord vous remercier d'avoir comparu à titre de témoin ici ce matin. J'ai pris quelques notes.

Je vous signalerai d'abord, parce que vous voulez être bien sûr que les propos entendus ici ce matin seront rapportés au ministre, que ces propos sont enregistrés. Cependant, ce comité permanent de la Chambre des communes présente aussi un rapport devant ses pairs, c'est-à-dire devant les 301 députés de la Chambre des communes. Bien sûr, il y a des représentants du parti au pouvoir autour de cette table; M. O'Brien est secrétaire parlementaire. Vous avez donc chuchoté dans la bonne oreille. C'est à lui que revient de passer le message. Quant à moi, je vais plutôt m'adresser à mes confrères de la Chambre des communes.

Une autre question me tracasse. Elle n'est peut-être pas directement reliée à notre débat, bien que tout soit interrelié dans le monde des pêches. Tout à l'heure, nous entendrons un groupe de témoins qui représentent les pêcheurs côtiers. Tout le monde, dans la région, sait qu'il y a deux modèles pour gérer les pêches: les contingents individuels et la pêche compétitive. Là où se pose un problème, c'est que tout le monde s'accorde pour veiller à la conservation des espèces. Pourtant, cela signifie que pour intégrer de nouveau pêcheurs aux pêcheries, il faudra que d'autres en soient exclus.

Voici la question que j'adresse au groupe que vous représentez. Vous n'avez peut-être pas de réponse à me donner ce matin, mais vous pourrez en prendre note. Si le gouvernement avait besoin de détenir certains quotas de crabe, serait-il possible que certains de vos pêcheurs acceptent de vendre le leur? Ou encore, toujours à l'intérieur des mêmes règles, serait-il possible que les pêcheurs dits traditionnels acceptent de se départir d'une partie de leur permis, qu'ils acceptent de le fractionner?

Je cherche à savoir s'il y a une possibilité que les deux façons de gérer puissent coexister jusqu'à un certain point. Nous aurons besoin d'une certaine marge de manoeuvre en ce qui a trait aux ressources pour arriver à satisfaire tout le monde. Bien sûr, tout cela se ferait volontairement.

J'aimerais avoir une première réaction là-dessus.

• 1055

M. Maurice Ouellet: Je pense avoir dit... Il est vrai que j'ai peut-être parlé un peu vite.

Évidemment, on pense actuellement à deux paliers de pêcheurs. Cependant, selon moi, au seuil de l'an 2000, cela fera de plus en plus partie de l'histoire ancienne.

La professionnalisation des pêcheurs fait en sorte que lorsque je parle avec des collègues qui pêchent le homard, le hareng ou la morue, la conversation en est une d'hommes d'affaires. Nous parlons entre gens qui administrent un business, qui sont responsables d'un personnel comme de la survie de l'économie dans leur région propre.

Oublions ces deux paliers qui, selon moi, disparaîtront avec le temps. Appliquons-nous plutôt à doter l'ensemble des pêcheurs du golfe de mécanismes connus, approuvés et éprouvés, qui assurent la conservation de la ressource, et veillons à ne jamais dépasser le nombre maximum de pêcheurs dans chaque domaine.

Quand vous me parlez de fractionner les permis, monsieur Bernier, je vous dirai, par expérience, qu'il est très mauvais de laisser tous ses voisins faire la cueillette dans un champ de fraises même quand on veut le partager avec eux. Il est préférable de cueillir les fraises à leur place afin de s'assurer de leur bonne qualité et de leur conservation.

Attachons-nous donc à la conservation. S'il manque des pêcheurs dans une espèce ou dans une flottille, assoyons-nous et voyons combien on peut en ajouter. Mais si nous croyons avoir le nombre de pêcheurs requis, disons à nos amis autochtones, comme on le dit à nos amis supposément côtiers, aux pêcheurs professionnels du Québec, que s'il leur faut un permis, il y en a ou il y en aura à vendre, et ils n'auront qu'à les acheter.

C'est ce qui s'est fait chez nous. J'ai un pêcheur de homard qui a pris un permis ce printemps; on ne s'est pas encore battus et les choses vont bien. Il a appris les règles du jeu et s'est conformé à toute la réglementation. Tout va très bien dans le meilleur des mondes. Ce que nous ne voulons pas, c'est se réveiller devant la situation que nous avons connue dans d'autres espèces, cela à cause de la pêche compétitive.

Si on veut que les scientifiques sachent ce qui se trouve dans l'eau, il faut aussi savoir ce qui sort de l'eau. Il faut faire des sacrifices et il faudra que tout le monde les fasse en même temps.

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Monsieur Easter, une courte question.

[Traduction]

M. Wayne Easter: À titre d'information pour M. Ouellet et pour les autres, je ne vois pas de problème. Je suis convaincu que les membres du comité seraient d'accord pour que lundi, nous demandions au ministre, par l'entremise du secrétaire parlementaire, d'envoyer aux bureaux de district toute l'information sur le processus MacKenzie afin que les gens soient mis au parfum. Dans certains cas les gens sur le terrain n'apprendront pas grand-chose de nouveau, mais au moins ils seront tenus au courant. Vous serez ainsi informé si vous appelez.

[Français]

M. Maurice Ouellet: Merci beaucoup.

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Merci beaucoup à vous aussi, monsieur Ouellet. Je dois maintenant vous remercier de votre présence. Nous allons recevoir l'autre groupe de témoins.

M. Maurice Ouellet: C'est moi qui vous remercie, monsieur le député.

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Au revoir, monsieur Ouellet.

Étant donné que l'horaire a été changé, j'appellerai maintenant M. Cloutier, qui représente le Regroupement des pêcheurs professionnels du sud de la Gaspésie. Je ne sais pas si vous êtes seul ce matin pour représenter votre association.

Monsieur Cloutier, je vais vous donner le temps de vous installer. Le fonctionnement du comité vous est familier, car je crois que vous avez déjà comparu devant nous. Faites votre exposé. Nous avons environ une demi-heure à passer ensemble. Plus vous serez bref, plus nous pourrons vous poser de questions. Les députés s'adapteront en conséquence.

• 1100

Avez-vous une présentation écrite?

M. Onil Cloutier (directeur général, Regroupement des pêcheurs professionnels du sud de la Gaspésie): Non. La dernière fois, nous avions fait une présentation écrite dans laquelle nous avions soulevé le problème auquel nous faisons face actuellement. Nous y faisions la proposition d'établir une zone intégrée qui permette de développer suffisamment la ressource pour venir en aide à nos collègues autochtones. Malheureusement, cela avait été rejeté. Je ne veux pas m'attarder sur ce dossier.

Je suis bien heureux d'être ici présent ce matin, cela pour deux raisons. D'abord, parce qu'il nous est ainsi permis de rencontrer d'autres gens que des fonctionnaires, de rencontrer des gens du parti au pouvoir, celui qui forme le gouvernement à Ottawa ainsi que des députés des autres partis.

Je suis surtout bien heureux de voir que des représentants autochtones sont ici aujourd'hui car, après 250 ans de cachotteries de la part de tous les gouvernements, précédents et actuel, on nous demande de régler en six mois un problème dès son apparition.

On nous demande de le régler en désavouant, dans un premier temps, le ministère avec lequel on travaille—sur ce point, je dois dire que c'est une des rares fois où je me trouve d'accord avec mon collègue Maurice Ouellet—en désavouant le ministère des Pêches et Océans et en nommant deux personnes, l'une pour la partie anglaise et l'autre pour la partie française, et en leur demandant de voir à régler ce problème, problème qui n'est évidemment pas facile à régler.

Le groupe que je représente, celui des pêcheurs côtiers, compte environ 180 pêcheurs de homard du sud de la Gaspésie sur les quelque 223 qui existent. Les zones qui risquent d'être le plus affectées sont évidemment celles que nous représentons, c'est-à-dire le sud de la Gaspésie et la baie des Chaleurs.

Nous tenons à dire ici qu'il sera difficile pour les pêcheurs de homard de régler le problème autochtone pour l'ensemble des Canadiens puisque les revenus de trésorerie—et vous êtes à même de le vérifier puisque votre ministère est encore capable de vous fournir de l'information—n'excèdent pas 15 000 $ par année en moyenne. Il sera donc extrêmement difficile, dans ce contexte, de libérer une quantité suffisante de la ressource pour la transférer aux trois bandes autochtones qui vivent actuellement en Gaspésie.

Il faut dire aussi que les pêcheurs de homard ne sont pas prêts à être les seuls à payer le prix pour combler les besoins autochtones, longtemps cachés et méprisés, qu'on nous demande aujourd'hui de satisfaire en six mois.

Nous voulons aussi insister sur le fait que nous n'accepterons jamais qu'on mette la ressource en danger en le faisant. Nous suivons des règles de capture, d'exploitation et de conservation. Nous sommes du même avis que les semi-hauturiers: on ne peut ajouter d'autres pêcheurs sans risquer une diminution radicale de l'espèce.

En Gaspésie, les 223 pêcheurs capturent annuellement 1 000 tonnes de homard qui rapportent un revenu brut d'environ 45 000 $ à 55 000 $ à chaque pêcheur. Cela doit soutenir environ 1 000 personnes: 225 capitaines-propriétaires et, au minimum, 225 aides-pêcheurs, le reste étant des employés d'usine.

À ce point-ci, il faut se demander si on met en péril cette activité économique, comme dans le cas de toutes les autres d'ailleurs, sans trop y réfléchir. Je suis conscient qu'après avoir attendu 250 ans pour faire valoir leurs droits, les autochtones ne voudraient pas risquer de les perdre à compter du jour où ils sont reconnus, à cause d'une mauvaise entente ou d'un mauvais compromis.

J'inviterais les bandes autochtones à discuter avec nous de la façon dont ils seront intégrés à la pêche. Nous sommes persuadés que la seule bonne façon serait le rachat de permis.

• 1105

Nous sommes persuadés que la seule façon d'y arriver se situe au niveau de la répartition des permis. D'ailleurs, le 19 septembre, deux jours après que la Cour suprême ait rendu sa décision, nous avons officiellement dit au premier ministre du Canada, au premier ministre du Québec et à tout le monde que nous considérions que la seule façon de régler ce problème était de racheter des permis des blancs et de les donner aux bandes autochtones.

Puisqu'il n'arrive pas souvent que nous ayons l'occasion de rencontrer les autochtones, nous aimerions profiter de cette occasion pour leur dire qu'on se fout du fait que ce soit un blanc, un noir ou toute autre personne qui pêche à côté de nous, pourvu que la ressource et l'activité économique soient préservées en Gaspésie. D'ailleurs, c'est la seule ressource qui nous reste, et j'invite le gouvernement fédéral à ne pas compromettre cette activité économique.

C'est tout ce que j'avais à vous dire.

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Merci, monsieur Cloutier. On vous a permis de vous asseoir un peu à l'écart, mais j'invite toujours les témoins à s'adresser à la présidence.

Monsieur Stoffer, êtes-vous prêt à poser vos questions?

[Traduction]

M. Peter Stoffer: Merci, monsieur le président.

Vous avez dit que la conservation était la priorité numéro un, et je suis tout à fait d'accord avec vous. Mais en ce moment dans le golfe, les provinces ont émis des permis d'exploration sismique à de nombreuses entreprises pétrolières et gazières, non seulement au large de Chéticamp dans la zone un, mais on peut voir aussi en examinant leur carte qu'elles souhaitent en fait s'étendre vers le Québec et jusqu'au Labrador et à Terre-Neuve. C'est ce qu'elles visent à partir de leurs activités d'exploration des gisements de pétrole et de gaz.

Tout d'abord, le saviez-vous? Dans l'affirmative, avez-vous eu des contacts avec les provinces et ces entreprises au sujet de leur projet d'exploration pétrolière et gazière dans le golfe.

[Français]

M. Onil Cloutier: Je dois vous dire que c'est tellement loin de la baie des Chaleurs que je ne vois pas pourquoi cette question arrive à brûle-pourpoint. On ne se préoccupe pas du pétrole actuellement, mais plutôt du homard dans la baie des Chaleurs. Il est évident que nous n'étions pas au courant de cela.

[Traduction]

M. Peter Stoffer: Je vous pose la question parce que vous dites que la conservation est essentielle. Mais pour qu'elle le soit, il faut que le homard dispose d'un habitat pour survivre.

Au Cap-Breton et dans la région de Pictou dans le détroit de Cumberland, les gens sont très préoccupés par l'avenir de l'exploration pétrolière et gazière dans le golfe. En fait, comme vous le savez, il y a une vaste coalition qui veut se débarrasser complètement des plates-formes de forage sur le Banc Georges.

Si elles s'installent dans le golfe, je peux vous assurer que ce n'est pas le gouvernement qui va vous poser problème, ni les Autochtones. Ce sont les grosses entreprises pétrolières et gazières, car selon moi, elles vont détruire la ressource, un point c'est tout.

Comme vous parlez de conservation, c'est pourquoi je vous demande si vous savez que ces compagnies gazières et pétrolières s'apprêtent à y faire de l'exploration.

[Français]

M. Onil Cloutier: Évidemment, on a vu la plateforme pétrolière s'installer au large de Terre-Neuve. Est-ce que vous parlez des sables bitumineux de l'île de Sable?

[Traduction]

M. Peter Stoffer: Non. Je parlais des entreprises à qui on a accordé des concessions et qui vont faire de la prospection sismique sur le terrain dans le golfe, ce qui peut se révéler très dangereux pour les stocks de poisson d'après les scientifiques. Êtes-vous au courant de leur arrivée?

[Français]

M. Onil Cloutier: Oui, nous sommes au courant qu'il y a de graves dangers partout sur la planète. Lorsque je sors de chez moi, je peux me faire frapper par une auto. Cependant, le débat qu'on mène à l'heure actuelle porte sur le homard de Gaspésie. Les stocks de homard sont sédentaires et ils appartiennent, en fin de compte, à la région où ils se trouvent. Ce sont des stocks côtiers qui ne migrent pas et qui ne risquent pas d'être affectés par l'exploitation de pétrole ou de gaz dans ces régions. Jusqu'à présent, il n'y a pas eu de déversement.

Nous sommes inquiets face à la surexploitation de la terre. Je ne suis pas sûr qu'on pourra régler ce problème-là en même temps que celui des autochtones.

[Traduction]

M. Peter Stoffer: J'en suis conscient. J'essaie simplement d'élargir un peu le débat. Je pose la question parce qu'à Chéticamp, les compagnies pétrolières et gazières seront à un mille et demi de la côte, là où les stocks de homard se trouvent.

En outre, j'ai une dernière question, monsieur, et je vous remercie de votre exposé. Quel est l'état de vos relations avec le MPO? Sont-elles bonnes? Sont-elles mauvaises? Certains témoins ont sévèrement critiqué le MPO au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle- Écosse. Quel est l'état actuel de vos relations avec le ministère?

[Français]

M. Onil Cloutier: J'irais jusqu'à dire qu'elle est nulle à l'heure actuelle. Vous comprendrez ce point de vue si vous regardez la façon dont a agi le gouvernement canadien, qui a failli faire éclater un conflit raciste entre les deux peuples au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse. Je ne fais pas ici état de toutes les autres décisions qu'il a prises relativement à toutes les autres espèces au fil des ans.

• 1110

Nous croyons que le ministère des Pêches et des Océans est un groupe comme tout autre groupe et qu'il n'a pas la flexibilité et la sensibilité nécessaires pour régler ce problème qui prendra une dimension sociale. Il ne faut pas enlever à Pierre ce dont il a besoin pour survivre et le donner à Jean. Je ne crois pas que ce ministère saura faire régner une vie harmonieuse entre les deux peuples.

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Merci.

Monsieur Easter.

[Traduction]

M. Wayne Easter: Merci, Yvan.

Vous avez dit plus tôt que votre flottille compte 250 propriétaires exploitants, en plus des membres d'équipage. Tout à l'heure, M. Ouellet a parlé du besoin d'adopter des principes et des lignes directrices pour l'application de la décision Marshall et sur l'accès aux pêcheries.

Une solution qui a été soulevée à de nombreuses reprises pendant nos audiences, c'est la possibilité d'un rachat. C'est peut-être une solution, nous l'ignorons pour l'instant. C'est une solution simple lorsqu'on pense au capitaine et à son bateau, mais il y a d'autres personnes touchées, c'est-à-dire les équipages de ces bateaux, lorsqu'on donne accès à la collectivité autochtone. Avez-vous des suggestions sur la marche à suivre? Comment traiter tout le processus entourant un éventuel rachat—pas uniquement les permis, le bateau et le capitaine, mais que fait-on des membres d'équipage?

[Français]

M. Onil Cloutier: Par contre, il est évident que si on ne fait rien, ce sont tous les pêcheurs de la Gaspésie, y compris certains pêcheurs semi-hauturiers, qui seront pénalisés. Tous les emplois vont disparaître.

Nous parlons au nom de quelques capitaines-propriétaires et nous sommes conscients qu'il y aura des répercussions au niveau des travailleurs d'usine, des employés des pêcheurs, ainsi que des anciens pêcheurs. Nous croyons toutefois qu'il faut d'abord régler une partie de ce problème en rachetant des permis et en les offrant aux autochtones afin qu'ils puissent s'intégrer à la vie des pêcheurs commerciaux, comme cela se doit.

Je suppose que nous devrions également être en mesure de mettre en oeuvre des programmes à l'intention des employés d'usine et des anciens pêcheurs. Je crois qu'il est important de souligner l'importance de la transformation du produit dans la région même où je vis. L'achat du permis d'un blanc par un autochtone aura un moindre impact sur les travailleurs de l'usine si les autochtones acceptent de livrer leurs produits dans le lieu de leur origine. À ce moment-là, il ne nous restera qu'à nous soucier de l'ancien pêcheur. Est-ce que vous comprenez le sens de mon intervention?

[Traduction]

M. Wayne Easter: Oui.

[Français]

M. Onil Cloutier: Je fais appel aux communautés autochtones qui vont bénéficier un jour ou l'autre—bientôt, on l'espère—de ce règlement afin que nous puissions régler ce problème. Je les enjoins de considérer fortement que chaque livre de poisson qui sort de l'eau, peu importe l'espèce, est fortement liée à l'emploi local ou régional en Gaspésie.

[Traduction]

M. Wayne Easter: C'est un argument très valable. Merci.

Le président suppléant (Yvan Bernier): Lawrence.

M. Lawrence O'Brien: Merci, monsieur le président.

Je peux certainement comprendre votre vive préoccupation lorsque, dans un secteur si strictement délimité, il y a un si grand nombre de pêcheurs pour si peu de poissons, sans parler des nouveaux arrivants. Je pense que vous avez exprimé de très bons arguments, en fait, lorsque vous suggérez de procéder suivant le principe de la parité entre la décision Marshall et la flottille existante, les pêcheurs existants.

• 1115

Je vais vous poser une question, essentiellement celle que j'ai posée au témoin précédent, au sujet de tout ce qui se passe avec M. MacKenzie et M. Thériault et le bureau régional, c'est-à- dire le personnel de votre directeur général régional et ainsi de suite. Avez-vous eu des relations avec ces gens jusqu'à présent? Dans l'affirmative, peut-être pouvez-vous nous en parler, et dans la négative, peut-être pouvez-vous nous donner votre point de vue. Je vous en serais reconnaissant.

[Français]

M. Onil Cloutier: Nous avons eu une première rencontre avec M. Thériault avant-hier, à Québec. Selon nous, M. Thériault a été nommé au poste qu'il occupe seulement parce qu'il est très près du parti au pouvoir et aussi parce qu'il a commis l'affront d'annoncer que les pêcheurs commerciaux côtiers étaient prêts à transférer 15 p. 100 de leurs ressources aux autochtones. C'est sans doute pour le remercier de cela qu'on lui a confié un poste.

Cependant, nous partageons l'idée avancée tout à l'heure par M. Maurice Ouellet, soit que la problématique de la Gaspésie est totalement différente de celle du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse et de l'Île-du Prince-Édouard. Je m'explique. Croire qu'on règle le problème en transférant 10 p. 100 de la ressource de homard, sous forme de rachat de permis, aux pêcheurs autochtones de Maria, de Listuguj et de Gaspé, c'est se leurrer complètement. À ce qu'on connaît de la répartition du homard en Gaspésie, les secteurs où il y a le moins de homard sont effectivement ceux où sont situées les deux bandes autochtones principales, soit Maria et Listuguj. Les pêcheurs qui sont ici peuvent vous le confirmer; M. Daniel Mercier, entre autres, capture à peine 6 000 livres de homard par année.

Donc, si on accorde 10 p. 100 de la ressource sans s'assurer que le 10 p. 100 n'est pas redistribué dans l'ensemble des secteurs de pêche gaspésiens, on vient de créer un problème de surexploitation et de destruction de la ressource dans les secteurs où vivent actuellement les bandes autochtones.

Excusez-moi, monsieur le président, mais je sais que c'est lui qui m'a posé la question.

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Quand vous verrez notre rapport...

M. Onil Cloutier: Voici l'autre problème qu'on entrevoit. Je le dis pour rassurer les autochtones. Je suis un pêcheur qui représente un groupe de pêcheurs, mais je ne suis pas le père de chacun d'eux et je ne sais pas de quelle façon ils vont réagir. L'autre problème en sera un de sécurité.

Si on attribue 10 p. 100 de la ressource aux autochtones et qu'on leur dit de l'exploiter près de leurs sites, soit Caplan, New Richmond, Maria et Listuguj, on vient d'amorcer un phénomène de disparition de la ressource dans la baie des Chaleurs. Si, par ailleurs, on redistribue les permis en les revendant et que les autochtones vont pêcher dans la zone autorisée par le permis, il se pose un problème de sécurité. Comment va-t-on assurer la sécurité de deux autochtones de Listuguj, par exemple, lorsqu'ils vont se déplacer après avoir acheté un permis chez moi, à L'Anse-à-Beaufils? Si c'est mal organisé, on aura un problème sur les bras.

Pour ma part, je n'ai pas l'intention de me battre avec les autochtones; pas pour le gouvernement canadien. Le fait que MM. MacKenzie et Thériault ont été mandatés par le gouvernement canadien nous fait peur. Nous craignons qu'on imagine une solution valable pour le Nouveau-Brunswick et qu'on veuille l'implanter en Gaspésie. Cela ne fera pas du tout l'affaire, ni des autochtones ni des pêcheurs gaspésiens. J'abonde dans le sens de ce que dit Maurice Ouellet, soit qu'on devrait asseoir ensemble tout ce beau monde, puisqu'on sait qu'il y a eu un problème, afin qu'ils le règlent tous ensemble, en tenant compte des disparités et des situations régionales. D'accord?

[Traduction]

M. Lawrence O'Brien: Merci.

[Français]

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Est-ce qu'il travaille pour vous, monsieur O'Brien?

Avant que vous nous quittiez, monsieur Cloutier, j'aurais quelques brèves questions à vous poser moi aussi.

J'aimerais d'abord vous remercier personnellement d'être venu ici, car j'ai su que vous étiez à Québec pour la réunion générale annuelle de l'Alliance des pêcheurs commerciaux, je crois. Je pense qu'elle se poursuivait aujourd'hui. Le comité vous remercie d'être venu vous faire entendre ici, devant vos pêcheurs.

Je sais que vous avez vécu, il y a environ trois ans, des situations qui vous ont stupéfié. J'aimerais que vous nous exposiez brièvement les aspects humains de cette crise qu'ont vécue les pêcheurs.

• 1120

Ensuite, pouvez-vous nous expliquer comment a été élaboré le mode de rachat des permis? Je pense qu'il s'en est fait et j'aimerais que les députés puissent être informés de la façon dont a été élaboré le modèle suivi. Était-il relié au nombre de livres disponibles? Quel prix avait été déterminé? S'était-on assuré que le pêcheur dont le permis était racheté pouvait prendre une retraite acceptable dans la dignité?

M. Onil Cloutier: Pour revenir aux événements d'il y a trois ans, je pense qu'on avait rencontré les bandes concernées. Encore une fois, on s'excuse d'avoir joué le rôle qu'avait bien voulu nous faire jouer le gouvernement canadien à l'époque. Nous étions des victimes, comme les autochtones d'ailleurs.

Il est évident que lorsqu'on s'attaque à une communauté de pêcheurs, qui compte actuellement parmi les plus pauvres du milieu de la pêche maritime, avec les turbotiers et les pêcheurs de poisson de fond, cela ne peut se faire sans provoquer des situations telles que celles qu'on a connues.

La première réaction des pêcheurs côtiers a été de dire que les autochtones n'avaient pas affaire là, que c'était bien dommage, mais que les revenus engendrés par cette activité étaient si faibles que ces autochtones menaçaient la vie de leurs familles. C'était vrai à ce moment-là et ce l'est encore aujourd'hui.

Une fois le premier émoi passé, nous nous sommes dit que nous n'allions pas commencer à nous entredéchirer et à nous entretuer pour régler une situation qui existe dans l'ensemble du Canada. Les pêcheurs côtiers n'avaient pas à payer tout seuls pour l'ensemble des Canadiens. Nous avons donc demandé à Pêches et Océans Canada de racheter des permis en nombre suffisant pour satisfaire aux besoins de subsistance des autochtones. À l'époque, à ce qu'on connaissait du jugement Sparrow, leurs besoins se limitaient à leur alimentation. Ce jugement a évolué, évidemment, et le jugement Marshall lui a donné une portée beaucoup plus large quant à l'activité que peuvent exercer les bandes autochtones pour subvenir à leurs besoins. La vente en fait maintenant partie, évidemment.

Si on s'en tient au domaine de la pêche, après le rachat de deux permis qui semblaient suffisants pour satisfaire les besoins alimentaires des autochtones, il semblait possible d'en racheter un plus grand nombre de façon intégrée, c'est-à-dire quand il serait utile d'en rendre disponibles sur le marché, afin de permettre aux autochtones de pratiquer la pêche commerciale. Nous croyons encore que c'est la seule façon de le faire. Il n'y a pas d'autre façon de le faire, si on veut maintenir le tissu social et le niveau d'activité économique dans la région—vous savez bien qu'en Gaspésie, on commence à être touché par plusieurs crises—et si on veut éviter des affrontements raciaux entre deux peuples.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, je pense que les autochtones, après avoir attendu 250 ans pour obtenir ce à quoi ils avaient droit antérieurement, sont capables de comprendre qu'ils peuvent encore attendre un an ou deux et commencer, à compter d'aujourd'hui, à racheter des permis qui leur permettent de s'intégrer.

Il y a une nuance, par contre: les deux permis qui ont été rachetés appartenaient à une personne de 65 ans, qui prenait sa retraite et a vendu son permis pour un prix n'excédant pas, je crois, 100 000 $. Le deuxième permis qu'on a racheté était celui d'un pêcheur âgé de 35 ans qui avait une famille. Ce permis était rattaché directement à la zone de Miguasha, en plein coeur de l'activité à l'époque. Je ne sais pas exactement combien cette personne a eu, mais ce doit être entre 100 000 $ et 150 000 $. Aujourd'hui, elle n'a probablement plus d'argent pour vivre, parce qu'après le paiement des impôts, c'est bien dommage, mais il ne reste plus rien.

Alors, je dis au gouvernement qu'il y a un prix à payer pour se procurer des permis. Il ne faudrait pas qu'on s'imagine pouvoir racheter le permis de pêche au homard d'un gars comme Daniel Mercier, par exemple, qui a 40 ans, deux enfants et une maison, pour 125 000 $. Écoutez, régler un problème autochtone en achetant un permis, mais en mettant une personne dans la dèche pour le reste de sa vie n'est pas une solution. Il faudrait donc que vous y pensiez aussi.

Il y a un juste prix. Il ne faut pas faire de surenchère, mais il y a un juste prix à payer pour défrayer un blanc qui arrête de pratiquer la pêche commerciale.

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): D'accord.

M. Onil Cloutier: Est-ce que cela répond à votre question?

• 1125

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Oui, et j'aimerais poser une autre petite question. J'apprécierais que vous nous fassiez parvenir la formule arithmétique qui nous permettrait de calculer les profits espérés et le nombre de livres de poissons capturés afin que nous ayons une idée de la façon dont fonctionnera ce programme de rachat.

Deuxièmement, vous nous avez dit qu'il pourrait être dangereux que les permis rachetés soient un peu à l'extérieur du territoire de résidence des autochtones. Je choisis mes mots prudemment. Est-ce que votre association serait disposée à offrir de la formation aux autochtones s'ils en avaient besoin? Cette formation pourrait être une bonne façon de procéder à l'intégration de la nation autochtone parmi les pêcheurs traditionnels. Je crois que M. Poulin avait énoncé, au nom de l'Alliance des pêcheurs professionnels du Québec, un tel principe général. Est-ce que votre association pourrait, au niveau local, envisager une telle initiative? Si vous n'êtes pas en mesure de me donner une réponse ce matin, vous pourriez simplement en accuser réception. Je ne veux pas mettre quiconque dans l'embarras. Ce n'est pas mon rôle ce matin.

M. Onil Cloutier: Il n'y a pas de problème. On aura touché à tous les aspects.

Daniel, notre réunion a-t-elle bien eu lieu le 25 octobre dernier? Nos pêcheurs nous avaient alors donné le mandat de négocier l'intégration avec les autochtones. Puisque j'avais beaucoup de travail, je n'ai pas eu la chance d'écrire aux autochtones pour leur demander de bien vouloir s'asseoir avec nous pour discuter de la façon dont nous pourrions procéder à une intégration harmonieuse. Nous sommes prêts à tout faire afin de les aider. S'ils le désirent, nous pourrons les former afin qu'ils sachent comment on exploite cette ressource, et il leur sera ainsi plus facile de s'intégrer dans le monde économique de la pêche.

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Je vous remercie beaucoup, monsieur Cloutier. J'ai été heureux de vous entendre.

Nous allons maintenant passer à nos prochains témoins qui représentent le Gouvernement des Premières nations de Listuguj. Je lirai fidèlement l'ordre du jour afin de ne pas commettre d'erreurs. J'invite le chef Allison Metallic, le chef John Martin et le chef Richard Jalbert à prendre la parole.

Je vous demanderais de répéter le nom de vos nations parce que je ne suis pas habitué à les prononcer.

[Traduction]

Peut-être pouvez-vous prendre place côte à côte, et nous vous entendrons à tour de rôle. Est-ce ce que vous voulez faire? Voulez- vous répondre aux questions ensemble à la fin, ou voulez-vous le faire séparément?

Une voix: Nous avons tous un mémoire. Nous allons d'abord lire nos mémoires et ensuite répondre à vos questions.

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): D'accord. Vous pouvez vous asseoir maintenant et lire vos mémoires, et nous vous poserons ensuite des questions.

[Français]

Monsieur Jalbert, puisque vous êtes assis en face de moi, j'aimerais vous demander de m'aider à faire les présentations.

Lequel de vous trois aimerait commencer?

Chef Richard Jalbert (Nation micmac de Gespeg): À ma droite se trouve M. Allison Metallic, chef de la nation de Listiguj, et à ma gauche se trouve M. John Martin, chef de Gesgapegiag. Je m'appelle Richard Jalbert et je suis chef de Gespeg.

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Merci beaucoup. Veuillez poursuivre, messieurs.

Chef Richard Jalbert: Chef Allison de Listuguj, chef Martin de Gesgapegiag, membres du comité, monsieur le président, au nom de la nation micmac de Gespeg, je vous souhaite la plus cordiale bienvenue.

Quant à la procédure que nous suivrons aujourd'hui, nous avons convenu mutuellement d'utiliser le temps qui nous a été accordé pour faire d'abord nos présentation et passer ensuite à la période des questions, comme M. Metallic nous l'a précisé tout à l'heure.

• 1130

Mon intervention sera la plus brève, non pas parce que Gespeg est la bande qui compte le moins de membres ou parce qu'elle a été constituée plus récemment, mais plutôt par choix et par solidarité, parce que nous partageons la même division et les mêmes valeurs.

Nous sommes réunis ici afin de discuter principalement du jugement Marshall qu'a rendu la Cour suprême le 17 septembre 1999. Avant de discuter des répercussions directes de ce jugement sur la nation de Gespeg, permettez-moi de faire un bref historique de notre communauté.

Gespeg est une bande autochtone à part entière qui a été reconnue comme telle en 1972. Par contre, cette reconnaissance ne signifie pas qu'il n'y avait aucune occupation aborigène sur le territoire de Gaspé. Au contraire, l'histoire nous démontre clairement une présence et une pleine utilisation amérindienne du territoire gaspésien et de ses ressources. Ces autochtones vivant de la forêt, de la chasse et de la pêche provenaient entre autres, comme c'est aujourd'hui le cas, monsieur le président, de la grande famille micmac du septième district.

Le jugement Marshall est fondé sur le traité de 1760, à l'époque où les divisions provinciales telles que nous les connaissons aujourd'hui étaient inexistantes. Malgré ces deux éléments importants, il y a encore un questionnement qui se fait à l'heure actuelle quant aux bénéficiaires de ce traité et à la portée géographique des droits issus de ce traité. Nous savons qu'on a mis en doute la validité de ce jugement pour les communautés micmacs de Gespeg et Gesgapegiag, ainsi que pour les Malécites de Viger. Ce questionnement constitue encore une injustice en soi.

Nous pouvons affirmer aujourd'hui que le peuple des Premières nations de la région atlantique ainsi que les peuples autochtones sur sol québécois sont solidaires des bénéficiaires du traité en cette matière. Cela étant dit, Gespeg, malgré sa triste réalité, qui est la perte de son territoire, de sa langue et de ses coutumes, demeure néanmoins directement touché par les répercussions du jugement Marshall.

Abordons maintenant le fameux questionnement, c'est-à-dire dans quelle mesure Gespeg utilisera ses droits ancestraux. Il est très important à cette étape-ci de mentionner que les gens de Gespeg ne cherchent aucunement la confrontation avec les pêcheurs non autochtones, ou encore le retrait ou l'abolition d'avantages que ces pêcheurs possèdent sur ce territoire.

Ce que nous recherchons, monsieur le président, est en fait une façon de bénéficier de nos droits en pleine complicité avec les gens de milieux de la pêche, en agissant de manière honorable, honnête et empreinte de compassion. Bref, nous sollicitons un esprit de coopération entre les gens impliqués plutôt qu'une attitude défensive. Nous croyons fermement qu'il est possible d'effectuer du développement économique pour notre communauté dans l'industrie de la pêche, tout en adoptant une attitude de respect et de partenariat et, bien entendu, en demeurant assujettis aux règles de contrôle des biomasses. Ce point est très important à noter, surtout que nous sommes conscients de la situation de la ressource.

Afin d'être rassurants, ou de tenter de l'être, nous devons préciser que les autochtones sont des gestionnaires naturels de la ressource. Ce sont des conservateurs innés et même récompensés, comme vous pourrez le constater tout à l'heure.

Avant de céder la parole aux chefs Martin et Metallic, qui vont vous donner plus de précisions, laissez-moi vous confirmer aujourd'hui que les membres de la communauté de Gespeg ont fermement l'intention de jouir pleinement des droits que leur procure le jugement Marshall et que le bénéfice de ces droits doit de prime abord assurer la conservation de la ressource et la viabilité économique de l'industrie.

Dans un deuxième temps, monsieur le président, nous n'écartons pas la possibilité de favoriser des partenariats et de solliciter le partage de connaissances.

De plus, je tiens à préciser que depuis le 17 septembre, la très grande majorité des communautés, y compris Gespeg, ont agi de bonne foi de façon profiter de tous les droits qui nous sont reconnus, mais jamais au détriment des autres.

Avant de passer la parole à M. John Martin, je voudrais vous remercier de votre attention.

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Merci, monsieur Jalbert.

Monsieur Martin.

• 1135

[Traduction]

Le chef John Martin (Micmac de Gesgapegiag): [Le témoin s'exprime dans une langue autochtone]

J'aimerais souhaiter la bienvenue à toutes les personnes présentes aujourd'hui. Je remercie le chef Jalbert pour ses propos. Mes respects au chef Metallic ainsi qu'aux représentants du gouvernement ici présents. Nous sommes heureux d'avoir l'occasion aujourd'hui de nous exprimer.

Malheureusement, mes commentaires ce matin renfermeront très peu sur le plan des connaissances techniques relatives aux pêches, surtout parce que nous sommes tenus à l'écart de cette industrie depuis quelques centaines d'années. Je vais simplement lire le texte qui a été préparé.

Nous vous souhaitons la bienvenue à Gespeg dans le territoire de Gespegawagig, le septième district de mon pays. Avant d'aborder les questions que votre gouvernement a soulevées au sujet de l'application de la décision Marshall du 17 septembre 1999, nous aimerions attirer votre attention sur certains faits importants concernant le peuple micmac que nous représentons.

Premièrement, il a été prouvé que les Autochtones sont présents dans cette partie la plus septentrionale du territoire micmac depuis au moins 10 000 ans.

Deuxièmement, selon le putus, le système d'archives micmac, les systèmes de gouvernement micmacs existent depuis plus de 3 000 ans.

Troisièmement, la terre où nous nous trouvons et l'eau qui l'entoure font partie du septième district de notre pays, Migmagig. À une époque, chaque rivière et chaque zone géographique importante pour la population micmaque avaient des noms micmacs; bon nombre de nos aînés se souviennent encore de ces noms.

Les Micmacs n'ont jamais renoncé à la propriété de ce territoire et, de ce fait, nous conservons nos droits à l'égard des ressources naturelles, qu'elles se trouvent sur terre ou en mer. Par conséquent, notre droit à l'égard de ces ressources est d'abord et avant tout un droit ancestral, et le traité de 1760-1761 ne fait que le confirmer, comme le traité de 1779.

Nous, les Micmacs ici présents aujourd'hui, estimons que la décision Marshall est une occasion pour la population du Canada et son gouvernement de corriger les injustices perpétrées contre notre peuple depuis l'arrivée du marin égaré, Jacques Cartier. Il a débarqué sur les plages situées à quelques minutes d'ici.

N'oublions pas non plus que c'est sur ces mêmes plages que les premiers Micmacs ont été capturés avant d'être amenés dans les pays de vos ancêtres pour y être exhibés. N'oublions pas non plus que ce sont des Micmacs qui ont accueilli à bras ouverts leurs frères blancs, qui les ont ramenés à la vie, qui leur ont enseigné les techniques nécessaires non seulement pour survivre mais pour vivre et jouir de ce pays de beauté et d'abondance que mon peuple appelle Migmagig—Nm'tgi.

Pendant plus de 300 ans, les Micmacs ont du assister impuissants au pillage de leur territoire et de leurs ressources. Nous demeurons impuissants principalement à cause de la pestilence et de la maladie introduites par les nouveaux arrivants.

Au cours des 200 dernières années, nos terres nous ont été enlevées, principalement par des colons qui ne respectaient pas les consignes de leur couronne, qu'elle soit anglaise ou française. Exploitant les vastes ressources de ces terres, les Canadiens ont bâti des villes et des économies prospères. Pendant ce temps, le gouvernement du peuple dominant a pris des initiatives en vue d'exterminer les Micmacs, en adoptant des lois et en les reléguant dans des territoires minuscules et stériles. La taille de nos réserves, comparativement à celle de vos municipalités, témoigne honteusement du traitement injuste réservé au peuple micmac.

Notre peuple connaît les affres du taux de chômage et de pauvreté le plus élevé au pays. Nous enregistrons également le plus fort taux de suicide, de criminalité, de manque de logements et de nombreuses maladies comme la tuberculose, une maladie associée à la pauvreté qui réapparaît dans de nombreuses collectivités des Premières nations.

• 1140

Vos impôts ont servi à maintenir les Micmacs dans la dépendance et à les priver de ressources. Selon une étude menée par les Nations Unies en 1999, votre pays, le Canada, se classe au 63e rang pour ce qui est du traitement réservé à ses peuples autochtones.

Je crois qu'il y a des questions que vous devriez ajouter à votre liste, que nos frères et soeurs non autochtones devraient également se poser. Le Canada et ses provinces devraient-ils maintenir le traitement immoral et génocidaire qu'ils réservent au peuple micmac? Le Canada ne devrait-il pas tenir compte des dettes, de la souffrance et de la disparition des langues et du territoire? Compte tenu de ces facteurs, le Canada ne devrait-il pas à tout le moins envisager les questions de l'accès aux ressources, du partage et de la reconstruction de la Nation micmaque de manière honorable et honnête?

Pour le peuple autochtone, nous espérons que l'argent et la cupidité n'ont pas encore détruit votre conscience et votre humanité. Nous espérons que le Canada voudra nous traiter de façon humaine, honorable et honnête, car s'il s'agissait d'un autre peuple, non seulement vous seriez tenus de voir à ce que notre situation socio-économique soit équivalente à celle de la population canadienne, mais le gouvernement du Canada devrait également indemniser notre peuple pour les pertes et les souffrances subies.

Les Micmacs du septième district de Gespegewagig ne peuvent plus tolérer que le peuple dominant et ses gouvernements continuent d'exploiter les ressources de nos territoires ancestraux et de les exclure. L'économie micmaque, détruite il y a longtemps, doit être reconstruite conformément aux normes de l'économie canadienne en général. Cela contribuerait à dissiper la honte qui a rejailli sur la population canadienne, en raison du traitement que son gouvernement a réservé aux Micmacs, et aux Premières nations en général.

En ce qui concerne la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Marshall, l'interprétation du traité est biaisé et témoigne d'un parti pris, la Cour suprême agissant au nom du gouvernement du Canada.

Les Micmacs de Gesgapegiag, Listuguj et Gespeg continuent de maintenir que la décision Marshall est contraire à l'esprit des décisions antérieures de la Cour suprême qui ont dénoncé clairement que les traités doivent être interprétés dans un sens large et respecter l'honneur de la couronne. La décision de la Cour suprême n'interprète pas le traité suivant les normes modernes. Elle ne rejette pas les attitudes colonialistes que sont la dominance et l'oppression.

Nous estimons que la décision Marshall n'est pas une interprétation pleine et entière des traités, et qu'elle n'est pas conforme aux décisions antérieures de la Cour suprême. Il n'en demeure pas moins que c'est une décision historique importante, non seulement en ce qui a trait au comportement du gouvernement et de certains pêcheurs ou à l'appui continu en faveur du principe raciste de l'assimilation, sous le prétexte d'égalité des personnes, mais également parce qu'elle donne l'occasion aux non-Autochtones et à leurs gouvernements de traiter les Micmacs de façon humaine, honnête et honorable.

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Chef Martin, prenez votre temps.

Le chef John Martin: Je suis désolé, je suis un peu gagné par les émotions.

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Je vais vous donner suffisamment de temps.

Le chef John Martin: Nous défendons vigoureusement ces principes, car ils vont permettre aux non-Autochtones et aux Micmacs de collaborer de façon digne et équitable, et nous permettre, les Micmacs, de commencer à reconstruire l'économie de nos collectivités et de contribuer au renforcement de nos régions respectives.

Certaines déclarations faites cette semaine par des personnes représentant les pêcheurs continuent de traduire une attitude défensive plutôt qu'un esprit de collaboration. Un mouvement semble être né en vue d'empêcher les Micmacs d'exercer leurs droits d'accès aux ressources halieutiques, dans la même mesure que les non-Autochtones. On parle de mesures à prendre pour prévenir les affrontements.

Nous tenons à répéter que nous ne souhaitons pas l'affrontement, et nous demandons aux pêcheurs et au gouvernement canadien de se montrer justes à notre égard. Est-ce trop demander de profiter des ressources dans la même mesure que les non-Autochtones?

Nous encourageons fortement les pêcheries non autochtones à accepter notre présence historique, le fait que les Micmacs sont ici pour y rester, et que les Micmacs de la Gaspésie ne peuvent plus tolérer d'être tenus à l'écart de l'exploitation des ressources de leur territoire ancestral. Nous devons y avoir accès et profiter des mêmes possibilités que les collectivités non autochtones.

La Cour suprême, en rejetant la requête de la West Nova Fishermen's Coalition le 17 novembre 1999, a refusé d'accepter que les droits issus de traités soient reconnus uniquement dans la mesure où cette reconnaissance ne cause aucun préjudice ou aucun inconvénient aux non-Autochtones. Elle indique clairement que le gouvernement doit fournir un accès égal à l'industrie.

Nous reconnaissons que le gouvernement fédéral a un certain pouvoir de réglementation sur la pêche autochtone. Il est en revanche également prouvé que ces règlements ne sauraient être pris unilatéralement et que le peuple micmac doit être adéquatement consulté.

Tout règlement de cette nature doit être justifié en réunissant les critères énoncés à l'origine dans l'arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans la cause Sparrow et corroboré ensuite dans l'arrêt Badger.

• 1145

Le peuple micmac a toujours reconnu la nécessité de réglementer et de contrôler l'exploitation des ressources qui nous ont été données par le Créateur. La conservation a toujours fait partie intégrante de la culture et du patrimoine des Micmacs.

Les Micmacs de la côte gaspésienne ont d'ailleurs, depuis quelques années, prouvé qu'ils en étaient capables. Le gouvernement des Premières nations de Listuguj a même gagné des prix pour son plan de gestion et de conservation des ressources halieutiques dans l'estuaire. Depuis 20 ans, les Micmacs de Gesgapegiag assurent non sans succès la cogestion de la ressource salmonidée de la Grande Cascapedia. Le peuple micmac a clairement prouvé qu'il était capable d'établir ses propres systèmes de réglementation en respectant les impératifs de la conservation.

Le professeur Gerard Hare, un spécialiste de la bio- halieutique ayant 30 ans d'expérience, a fait une déclaration sous serment à l'effet que les craintes exprimées au sujet de la conservation n'étaient pas fondées. La coalition n'a jamais contesté son témoignage.

À plusieurs reprises, on a fait valoir qu'il était préférable de procéder par voie de consultation et de négociation pour trouver une solution au problème des droits ancestraux et des droits issus de traités. Nous sommes prêts à le faire, mais nous ne voulons pas attendre encore 200 ans pour trouver notre place dans l'industrie de la pêche. À l'instar de ceux qui ont pris la parole avant moi, je soutiens que c'est maintenant qu'il faut commencer à y travailler.

Nous réitérons les propos de nos frères des autres districts: «Il est important que le gouvernement fédéral reconnaisse que, pour que le processus de négociation porte fruit, il doit offrir le soutien politique et financier nécessaire à la mise en place de toute une palette de procédures et de politiques, ainsi que le soutien nécessaire à leur mise en oeuvre». Nous avons besoin de l'aide du gouvernement pour poursuivre le dialogue et la négociation avec les exploitants non autochtones déjà établis.

Nous souhaitons par ailleurs signaler que les Micmacs de la côte gaspésienne ont été injustement traités par rapport à ceux du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse et de l'Ile-du-Prince- Édouard. Il y a eu, dans toute cette région, des pratiques déloyales, nous avons été injustement traités et, pendant de longues années, nous n'avons bénéficié que de ressources et d'interventions symboliques pour nous aider à développer l'industrie de la pêche dans nos collectivités. Cet état de choses doit cesser.

Nous avons également besoin du concours du gouvernement fédéral au niveau régional afin que des procédures adéquates puissent être mises en place de manière à tenir compte des nouveaux impératifs en matière d'accès à la ressource ainsi que pour permettre la mise au point et la mise en oeuvre des politiques de la nation micmaque. Les initiatives qui ont déjà été lancées par le Atlantic Policy Congress sont le reflet de notre volonté d'atteindre notre objectif commun, c'est-à-dire la participation équitable et harmonieuse du peuple micmac à la jouissance et à l'exploitation de ses ressources naturelles sur terre comme sur mer.

S'agissant du jugement de la Cour suprême et des questions suscitées par la définition de la subsistance convenable, voici quel est notre entendement de cette notion. Prenant en compte l'esprit des jugements précédents qui ont à plusieurs reprises affirmé que les traités devraient être interprétés dans leur sens large et en faveur du peuple autochtone, il est logique que l'interprétation de la subsistance convenable donnée par la Cour suprême ne signifie pas quelque chose qui se rapproche du niveau de pauvreté. Nous avons la conviction que cette notion de subsistance convenable peut être interprétée comme étant une norme dont bénéficie la moyenne de ceux qui participent à l'exploitation d'une ressource donnée. Cette norme doit également pouvoir fluctuer selon le niveau, la région ou le type d'exploitation.

Même si la définition d'une telle norme fondée sur le revenu et les bénéfices réalisés par les particuliers ou les compagnies non autochtones sur les territoires traditionnels des Micmacs puisse être admise, on pourrait établir une norme qui serait fonction de la fluctuation des bénéfices ou des revenus enregistrés d'une extrémité à l'autre du territoire micmac. Il demeure en revanche inacceptable de donner à la notion de subsistance convenable pour le peuple micmac le sens d'un niveau de revenu qui suffirait à le maintenir tout juste au-dessus du seuil de pauvreté. Une telle interprétation serait discriminatoire.

En conclusion, je voudrais vous rappeler un peu l'histoire du peuple micmac et les injustices dont notre peuple a été victime. Nous en appelons à votre sens de l'humanité et nous demandons aux pêcheurs, au peuple canadien et aux représentants de leur gouvernement de négocier avec nous de bonne foi. Faites preuve à notre endroit de la même bonne foi qu'avaient manifestée vos ancêtres ainsi que Jacques Cartier, le marin égaré.

[Français]

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Merci, chef Martin.

Monsieur Metallic, la parole est à vous.

[Traduction]

Le chef Allison Metallic (Gouvernement des Premières nations de Listuguj): Chef Martin, chef Jalbert, honorables députés, monsieur le président, je m'appelle Allison Metallic. Je suis le chef élu du gouvernement des Premières nations de Listuguj. Je suis accompagné par mon conseiller, Troy Jerome.

• 1150

Je vais faire quelques rapides observations après quoi, comme nous l'avons déjà dit, nous répondrons avec plaisir à vos questions. Je ne serai pas aussi concis que je l'aurais voulu, mais nous n'avons qu'une heure et demie environ. La lecture de mon texte nécessitera environ 15 à 20 minutes. Je vais donc commencer.

Tout d'abord, je vais dire quelques mots d'introduction dans ma propre langue, après quoi je vais vous lire le texte que vous avez sous les yeux.

[Le témoin s'exprime dans une langue autochtone]

Maintenant quelques éléments de géographie et d'histoire. Je voudrais vous souhaiter la bienvenue à Gespe'gawagi, l'ultime terre. Il s'agit du septième district du territoire traditionnel de la nation micmaque. Le village contemporain de Listuguj se situe au fond de la baie des Chaleurs sur la rivière Restigouche. Mais le territoire lui-même correspond à des bassins plutôt qu'à des frontières politiques, de sorte que les terres et les eaux des Micmacs de Listuguj s'étendent également à l'Ouest d'ici dans ce qui s'appelle maintenant le Québec et le Nouveau-Brunswick.

Je suis heureux que le comité permanent ait jugé bon de tenir ces audiences dans la foulée de l'arrêt Marshall.

Je connais également notre histoire qui est longue et qui n'a pas toujours été heureuse. Pendant 200 ans, les Sagamaws et les chefs et les aînés de Listuguj ont multiplié les requêtes auprès des organismes fédéraux et provinciaux pour protester contre l'injustice et l'anticonstitutionnalité des règlements sur la pêche ainsi que contre l'implantation des colons blancs. On nous a pour l'essentiel interdit l'accès aux ressources et refusé notre juste part des richesses que recèle notre territoire ancestral.

Notre peuple a été confiné dans des petites réserves alors que d'immenses richesses ont été tirées des forêts, des mines, des baies et des cours d'eau de notre territoire. Et alors même que la surexploitation commerciale, la destruction des habitats, la pollution et la pêche sportive menacent les stocks de saumon de l'Atlantique, notre peuple n'a obtenu qu'un accès limité à cette pêche qui est la plus traditionnelle.

On a fait de nous des criminels parce que nous avions pêché, voire vendu, quelques saumons. Mon propre père, Alphonse Metallic, était chef en 1981 lorsque la police du Québec a envahi notre réserve avec ses hélicoptères et ses armes automatiques afin d'empêcher notre peuple d'exercer son droit de pêche. Pendant l'été 1998, un conflit concernant l'exploitation des ressources forestières a entraîné une longue confrontation qui s'est terminée lorsque le Québec a fini par reconnaître avec réticence que notre collectivité et les exploitants autochtones devaient pouvoir avoir accès à ces ressources.

Certes, à l'instar de nos frères et soeurs autochtones dans les autres régions, nous connaissons des taux de chômage, un niveau de dépendance à l'endroit de l'assistance sociale, un taux de suicide, un taux de toxicomanie et un niveau de morbidité intolérables.

Ainsi donc, même si c'est avec plaisir que je constate l'intérêt que vous nous manifestez maintenant, vous devriez également savoir que le Canada et le Québec, qui représentent la Couronne et qui ont à l'endroit de mon peuple des obligations solennelles en vertu de la Constitution et des traités, ainsi que des devoirs fiduciaires, n'auraient pas dû attendre de se faire dire par la Cour suprême que nous avons des droits et qu'il faut les respecter. Vous devez maintenant agir promptement et de façon déterminée pour concrétiser pleinement vos obligations et faire en sorte que les ressources de ce magnifique territoire sont équitablement partagées. Mon peuple vous offre sa collaboration dans ce sens.

• 1155

Nous ne vivons pas dans le passé. Bien au contraire, mon peuple a une attitude modérée et énergique à la fois. Nous ne saurions en revanche permettre que soit passée sous silence cette historique des relations entre la Couronne et les Micmacs, parce que c'est cette histoire même qui porte en elle la reconnaissance de nos droits. C'est l'assise même de l'épanouissement futur du peuple micmac fort du droit qu'il a d'exploiter les ressources et d'en vivre comme le font les autres Canadiens.

Je vous parlerai maintenant de la non-extinction du titre ancestral sur les terres, les eaux et les ressources. Cela veut dire que notre titre ancestral sur les terres, les eaux et les ressources de notre territoire demeure entier. Aux termes de l'arrêt rendu par la Cour suprême en 1997 dans l'affaire Delgamuukw, cela signifie le droit collectif que nous avons d'occuper et de posséder nos terres et nos eaux. Nous pouvons les utiliser pour toute une série de fins, traditionnelles et contemporaines, afin de répondre aux besoins actuels dans le respect du processus décisionnel et de l'autonomie gouvernementale de notre nation.

Nos droits sont non seulement des droits de chasse et de pêche, mais également des droits d'exploitation des ressources forestières, du minerai, du pétrole et du gaz. Ces droits sont reconnus par la Constitution au titre de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Ils ne peuvent être limités que par des dérogations rigoureusement justifiées selon les critères fixés par la Cour suprême du Canada. Sur un plan concret, cela signifie qu'il faut accepter notre participation à la mise en valeur de ces ressources n'importe où sur notre territoire. Cela exige, selon les circonstances, des consultations, un consentement et une indemnisation avant même que les gouvernements fédéral et provincial puissent commencer à réglementer et à distribuer les ressources en vue de leur mise en valeur. Le processus suivi et le résultat économique doivent tous deux être justes et équitables.

L'arrêt Marshall, voire certains droits issus de traités, ne sont ni le début, ni la fin de l'histoire. La leçon à tirer des suites de l'arrêt Marshall est que le gouvernement fédéral et les provinces ne doivent ni ne peuvent attendre que la Cour suprême se prononce dans une cause en particulier avant de s'employer à mettre pleinement en vigueur nos droits protégés par la Constitution.

Pour les peuples autochtones privés de leurs terres, la seule option était souvent un recours devant les tribunaux, mais la Cour suprême du Canada et la Commission royale sur les peuples autochtones ont clairement affirmé qu'il fallait des négociations, des accommodements et un accord pour que les solutions proposées soient justes, complètes et durables.

Les droits issus de traités et ce qui en découle. S'agissant des détails de nos droits issus des traités, la non-extinction du droit ancestral concernant la pêche et le négoce du poisson est reconnue, affirmée et protégée de façon corroborative par une série de traités qui remontent à 1725. Cette chaîne de traités qui nous intéressent comprend les traités de 1760 et de 1761 qui ont été invoqués dans la cause Marshall. Le lien que nous avons avec ces traités est précisé dans le traité de 1779 dont nous vous avons fait remettre copie. Ce traité reconduit, ratifie et confirme tous les traités antérieurs; il promet que nous pourrons demeurer sur notre terre, y chasser et y pêcher libres et en paix, et il reconnaît le droit que nous avons de nous livrer au négoce.

Dans ce contexte, nous n'acceptons pas que les droits économiques ne vaillent que pour la pêche et qu'ils ne se limitent qu'à une subsistance convenable, surtout si cela doit perpétuer la pauvreté et le sous-développement.

• 1200

Nous vous le disons donc, pour faire l'analogie avec le hockey, ne gelez pas la rondelle. Commencez immédiatement à faire en sorte de ne pas uniquement essayer de faire ce que vous auriez déjà dû faire comme vous le disait la Cour suprême. Prenez au contraire l'initiative et coopérez avec nous pour mettre pleinement en vigueur nos droits.

Malheureusement, l'histoire récente et même les événements des dernières semaines ne nous permettent guère d'espérer que le Canada et le Québec prendront avec enthousiasme et honneur des mesures positives pour que nos droits soient reconnus et que la richesse soit redistribuée entre tous.

J'ai déjà parlé de ce qui s'était passé en 1981 à Listuguj. Depuis lors, des dizaines et des dizaines des nôtres ont contesté les accusations de pêche illégale qui ont été portées contre eux par le Québec en vertu de la Loi fédérale sur les pêches, sans aucunement tenir compte de nos droits et des conditions découlant de l'arrêt Sparrow.

Depuis toujours, le Québec nous refuse nos droits. Il a fallu des années de contestations judiciaires, il a fallu des centaines de milliers de dollars pour qu'on en arrive, par des jugements de la Cour suprême, à prouver au Québec que l'article 35 de la Constitution et l'arrêt Sparrow s'appliquaient également au Québec. Je veux parler ici des causes Adams et Côté qui ont été entendues en 1996. Et maintenant, tout en offrant aux Premières nations des accords économiques sectoriels, le Québec persiste à ne pas reconnaître—malgré le jugement Delgamuukw—que nous avons effectivement un titre ancestral, à moins qu'il ne prétende que ce titre est maintenant éteint. La semaine dernière encore, le Québec a accusé certains de nos forestiers d'avoir coupé du bois sur des terres pour lesquelles notre droit n'est pas éteint, et ces forestiers risquent de lourdes amendes, voire la perspective de procès interminables. Cette façon de faire n'est guère prometteuse.

Les ministères des Pêches et des Océans et des Affaires indiennes ne nous ont aidés ni l'un ni l'autre. Malgré les droits issus de traités que nous avons en commun avec le reste de la Nation micmaque dans la région de l'Atlantique, nos dirigeants n'ont pas été invités aux consultations urgentes avec les autorités fédérales après le jugement Marshall. Par contre, les casiers à homard de nos pêcheurs ont été confisqués par les agents de Pêches et Océans Canada à Miguasha sous prétexte que les droits issus de traités qui avaient été reconnus par l'arrêt Marshall ne s'appliquaient pas dans leur cas.

Nous ne serons pas des citoyens de troisième ordre pour la seule raison que la Couronne a jugé bon, pour des raisons administratives, de diviser notre territoire en suivant la frontière entre le Québec et le Nouveau-Brunswick.

Je pense vous avoir donné les grandes lignes d'une approche globale, ciblée et franche qui nous impose de progresser ensemble. Cette vision des choses ne saurait se limiter à la cause Marshall et aux casiers à homard. Nous insistons sur la nécessité d'offrir à notre peuple des perspectives économiques aussi larges que possible et un libre choix. Nous ne limitons donc pas cela à la seule pêche. Nous parlons également de potentialité économique, comme je le disais il y a quelques instants, comme le pétrole et le gaz, un domaine que je voudrais d'ailleurs approfondir lorsque j'aurai fini mon exposé.

Pour ce qui est maintenant de la gestion de la pêche en particulier, au milieu des années 90, notre peuple a pris en main la gestion de notre pêche au saumon. Dans le cadre d'un plan de pêche communautaire, nous avons prévu un volet recherche biologique, un corps d'agents de conservation, ainsi qu'un régime d'exploitation autochtone autoréglementée. Malgré la résistance farouche opposée dès le tout début par les fonctionnaires de Pêches et Océans Canada et du Québec, nous avons fini par obtenir leur concours financier, et ils ont même admis à contrecoeur que nous étions des intervenants et que nous exercions un certain contrôle. Nous avons également travaillé en coopération avec le milieu de la pêche sportive et avec les pourvoiries en amont, avec pour résultat que les nôtres ont réussi à acquérir des intérêts dans cette pêcherie et à participer à un système d'autoréglementation, ce qui a amené une période de paix et d'harmonie relatives le long de la rivière Restigouche.

En conclusion, je vous répète que la seule façon de progresser désormais consiste à reconnaître sans réserve les droits que nous avons sur les terres, les eaux et les ressources, de même que notre droit à l'autonomie gouvernementale, le tout assorti d'un processus de négociation.

Merci beaucoup pour votre attention. Wela'lioq.

[Français]

Le président suppléant: Merci beaucoup, chef Metallic.

Avant de céder la parole à mon collègue Stoffer, je voudrais vous remercier et en même temps vous confier que...

• 1205

[Traduction]

Puisque vous avez pris la peine de vous adresser à nous en anglais, peut-être puis-je le faire moi aussi. Lorsque vous avez parlé en micmac, j'ai été abasourdi. J'ai essayé de me mettre dans la peau de Jacques Cartier lorsqu'il a pour la première fois mis le pied sur la côte gaspésienne. C'était un grand moment, je n'en doute pas, et le fait pour moi d'entendre parler micmac pour la première fois aujourd'hui a également été un grand moment. Je vous remercie de m'avoir permis d'entendre cette langue que je ne connais pas.

[Français]

Peter a quitté la salle.

Monsieur Wayne Easter, je vous donne la parole.

[Traduction]

M. Wayne Easter: Merci, Yvan.

Je ne sais pas par où commencer.

Des voix: Oh, oh!

M. Wayne Easter: J'imagine que c'est un sujet dans lequel il est très difficile de pénétrer sans risquer de se faire traiter de raciste. Je veux dire par là que tout ce vous nous avez dit est vrai, lorsque vous nous avez parlé de discrimination et de toutes les souffrances que votre peuple a vécues.

Pour ce qui est de la Cour suprême, lorsqu'on essaye de réparer les torts d'antan, je vous dis cela en toute franchise, le problème est que souvent on crée un nouveau préjudice. Comment donc concilierez-vous les deux? Voilà notre dilemme. Je pense que vous suggériez la négociation.

Lorsqu'on analyse en détail le jugement de la Cour suprême, on voit que le tribunal précise très clairement que le pouvoir de réglementation s'applique à d'autres objectifs publics impérieux et de prime importance, ainsi qu'à la reconnaissance du fait qu'il y a des groupes non autochtones qui ont toujours pratiqué la pêche et qui en ont toujours tiré leur subsistance. D'une part donc la Cour suprême nous dit oui, le droit de pêche est effectivement reconnu. Mais plus loin, cette même Cour suprême ajoute qu'en fait, les groupes non autochtones ont également des droits.

Le problème consiste donc pour nous à essayer de concilier les deux dans une formule qui soit réalisable. Certains pêcheurs commerciaux sont venus me dire, écoutez, cela fait depuis sept ou huit générations que ma famille pratique la pêche—même si cela remonte beaucoup moins loin que dans votre cas—et mon grand-père a même péri en mer. La pêche, quel que soit le type, n'a jamais été une sinécure.

Vous êtes trois ici, vous représentez tous des régions différentes. Comment peut-on, à votre avis, trouver une formule qui marchera?

Le chef John Martin: Tout d'abord, il faut que le gouvernement du Canada et les élus qui représentent l'ensemble du peuple canadien prennent acte de la situation et s'engagent à agir. Les gens doivent accepter le fait que la situation actuelle est injuste. Les gens doivent reconnaître l'état dans lequel nos communautés se trouvent.

Nous croyons que c'est définitivement le gouvernement qui doit prendre l'initiative. Si l'on prend la pêche au homard dans la baie des Chaleurs, ce n'est pas une pêche riche. Comme je l'ai expliqué à l'un de mes électeurs, je vois bien que c'est une pêche qui ne va nulle part. Nous avons lancé une initiative chez nous en particulier. Je lui ai dit qu'il doit comprendre que quiconque pêche dans cette région depuis une, deux ou trois générations ne verra pas en lui un Autochtone qui veut exercer ses droits. Il va voir en vous un concurrent qui vient essentiellement lui ôter le pain de la bouche.

• 1210

Le gouvernement a la responsabilité de prévenir ce genre de situation. Le gouvernement doit mettre en place des processus où nous pourrons négocier, face à face, et discuter de conservation et de partage.

La question du partage est la plus importante de toute, à mon avis, si l'on veut donner à nos gens une part équitable. C'est tout comme l'arrêt Sparrow, qui dit que, bien sûr, les Autochtones peuvent pêcher, mais il est inacceptable qu'on les empêche d'exercer leurs droits rien que parce que ça dérange un non- Autochtone qui pêche. C'est inacceptable.

Donc la cour a déjà donné des directives sur la façon de faire les choses et sur ce qui doit être fait. Pour moi, si l'on veut avancer ici, c'est une question de volonté politique.

Le chef Allison Metallic: J'aimerais ajouter un mot à ce que John Martin a dit.

Il est indéniable que les Premières nations ont été exclues des pêches. Nous avons été exclus de l'industrie. Nous avons été exclus, et nous n'avions pour vivre que les aumônes du gouvernement fédéral.

Pour nos gens, pour nos jeunes, il faut trouver des débouchés supplémentaires. Nos débouchés ne se limitent pas aux pêches. Nous avons entendu les instances de pêcheurs qui sont inquiets. Je ne les blâme pas. Je ne les blâme pas du tout. Là où je veux en venir, c'est que nous avons le droit à tout le moins de pêcher nous aussi. Il y a de la place pour nous tous, je suis d'accord, mais nous ne voulons pas limiter nos attentes rien qu'aux pêches.

M. Stoffer a mentionné le fait qu'il y a du pétrole et du gaz naturel. On va faire du forage sur l'île d'Anticostie. Des débouchés vont apparaître dans ce secteur. Nous voulons jouer un rôle là aussi.

La principale question ici est celle de la prospérité économique de nos gens, qui veulent les mêmes débouchés que les non-Autochtones. Nous obtiendrons cela par la coopération et la négociation.

En nous adressant au comité permanent ce matin, nous avons l'occasion à tout le moins de vous sensibiliser à la situation extrême de nos localités, où nos ressources, même les forêts, sont limitées. Nos ressources dans tous les autres secteurs sont limitées.

Rien que chez nous à Listuguj, j'ai la responsabilité, en ma qualité de chef de mon peuple, de créer une économie telle que nous pourrons enrichir la société canadienne et ne pas être seulement un fardeau pour elle. Il n'y a pas que les pêches qui nous intéressent, tout le reste aussi. C'est ce que nous disons. Tous les débouchés économiques nous intéressent.

• 1215

Je suis d'un village dont la population est de 2 200 habitants. Il n'y a chez nous aucune grande industrie. Il n'y a même pas de banque chez nous. Tout ce que nous avons, ce sont des magasins. Cela doit changer. Nous allons nous accrocher à toutes les possibilités commerciales qui s'offrent à nous, peut-être par le biais d'entreprises conjointes avec des Autochtones et des non- Autochtones. C'est ce qui se fait dans l'Ouest dans le bâtiment et les secteurs minier et gazier.

Donc je ne veux pas que nous limitions nos attentes rien qu'aux pêches. Je veux pouvoir saisir toutes les occasions qui s'offrent. Et nous le ferons. Nous allons essayer. Grâce au système d'éducation, nos gens sont maintenant plus avertis. Nous avons des diplômés universitaires que nous devons attirer chez nous de nouveau. Ils travaillent à Ottawa, à Québec, partout au pays. Il faut que ces jeunes gens rentrent chez nous pour que nous puissions bâtir nos collectivités, mais d'abord, nous devons édifier la fondation. En ce moment, nous n'avons rien à leur offrir.

M. Wayne Easter: Sur le même sujet, chef Martin, vous avez mentionné dans votre exposé que vos gens ont clairement démontré la capacité qu'ils ont de mettre au point leurs propres régimes de réglementation visant la conservation. Voulez-vous nous en parler un peu? Au cours de nos audiences, nous prenons connaissance de divers systèmes de gestion.

Deuxièmement, il y a la Stratégie des pêches autochtones. Je crois que vous avez des réserves à ce sujet, et j'aimerais que vous nous les expliquiez. Que l'on ait bien agi ou non, je l'ignore, mais la Stratégie des pêches autochtones, dès 1992, visait à donner des débouchés aux pêcheurs autochtones.

Cette stratégie répond-elle à vos besoins, et sinon, pourquoi?

Le chef John Martin: Au sujet de la conservation, nous avons signé un accord, je crois, au début des années 80, qui a maintenant près de 20 ans. Nous avons créé un partenariat avec la communauté non autochtone qui avoisine la nôtre, et nous nous sommes employés essentiellement à maintenir les stocks de saumon sur la rivière Grande-Cascapédia. Nous l'avons exploitée par la pratique de la pêche sportive. Nous avons pu également soutenir la pêche de subsistance dans l'estuaire.

De toute évidence, en ce qui concerne la rivière, les stocks de saumon se sont maintenus. Au cours des deux dernières années, ils sont restés très stables. Cependant, nous venons de tenir une conférence importante sur le saumon. Grâce à la coalition que nous avons formée avec les non-Autochtones qui se préoccupaient aussi de notre région, nous avons réussi à obliger les entreprises forestières à mettre un terme à leurs opérations, à les redéfinir, et à repenser la conduite de leurs opérations à proximité des rivières.

La coupe a tué un bras de la Grande-Cascapédia. Quand je dis «tué», je veux dire que les frayères du saumon ont été détruites à cause des débâcles au printemps. Chaque fois qu'il pleuvait, la terre et tout le reste se jetaient dans le bras de la rivière. Le saumon ne pouvait plus y frayer.

Donc non seulement nous avons démontré la capacité que nous avons de mettre au point des politiques de conservation et d'arranger les choses de telle manière qu'il est possible pour les gens de continuer de pêcher, mais nous avons aussi réussi à contraindre l'industrie forestière de corriger ses pratiques afin qu'elle respecte l'environnement global et le réseau de rivières où elle est présente.

• 1220

En réponse à la deuxième question, pour ce qui est de la Stratégie des pêches autochtones, j'ai déjà fait valoir mon point de vue il y a deux ans, à M. Gilbert Normand, je crois, au lac Delage, où l'on avait fait un exposé sur la Stratégie des pêches autochtones. Avant ce moment, les bandes ici sur la côte de la péninsule gaspésienne, dans la province de Québec, n'étaient pas au courant pour la plupart de l'existence de la Stratégie des pêches autochtones. Il y avait donc très peu de promotion ou d'encouragement relativement à cette stratégie. On apprenait toujours par la bande qu'il y avait rachat de permis. On aidait les collectivités du Nouveau-Brunswick à prendre pied dans l'industrie de la pêche, et plusieurs collectivités autochtones étaient en fait présentes dans ce secteur avec les pêcheurs non autochtones, ces gens pêchaient et gagnaient ainsi leur vie, contribuant de ce fait au développement de leur économie.

Cela ne s'est pas fait dans la région du Québec. On est en train de se battre pour ça maintenant. Bien sûr, nous avons un petit programme de formation qui forme les gens à la pêche au homard, mais comme on vous l'a dit, c'est une des industries de la pêche les plus pauvres. Par conséquent, je persiste à croire qu'au niveau de l'encouragement, de la promotion, de l'information, pour ce qui est de nous faire savoir où se trouve les débouchés, le ministère des Pêches et des Océans est loin d'avoir bien travaillé.

Étant donné la situation économique de nos collectivités, c'est impossible. Essentiellement, il n'y a pas d'économie chez nous. La plupart d'entre nous sont entièrement tributaires des aumônes gouvernementales. Il est donc difficile pour nos gens de réunir des capitaux.

Premièrement, il n'y a pas d'économie, et deuxièmement, étant donné que nous sommes des Autochtones résidant sur la réserve, nous ne sommes pas solvables pour les banques. Il y a plusieurs obstacles et difficultés à surmonter si l'on veut obtenir le capital qu'il faut pour se lancer en affaires.

M. Wayne Easter: Merci.

Le chef John Martin: J'aimerais poursuivre dans le même sens.

Il est absurde pour nous, étant donné qu'il n'y a pas du tout d'économie chez nous, de contracter des dettes de l'ordre de centaines et de milliers de dollars si nous sommes incapables de les rembourser. Chose certaine, dans la région du Québec, il faut faire quelque chose si l'on veut que nos gens prennent pied dans l'industrie de la pêche—pas seulement pour le homard, parce que je pense que la pêche au homard est presque impossible maintenant, mais dans les autre secteurs de l'industrie de la pêche.

[Français]

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Merci, monsieur Martin.

[Traduction]

Peter, avez-vous une question?

M. Peter Stoffer: Merci beaucoup, monsieur le président. J'ai quelques questions.

Tout d'abord, je tiens à vous remercier tous les trois pour vos exposés, et je vous remercie surtout de nous avoir parlé dans votre langue maternelle. Ça fait toujours plaisir à entendre.

Nous avons une femme au sein de notre comité dont le nom est Nancy Karetak-Lindell, du Nunavut. Elle représente cette région. Elle est Inuite. Il arrive qu'elle nous parle en inuktitut. Malheureusement, elle ne pouvait être des nôtres aujourd'hui parce qu'elle siège aussi au Comité des affaires autochtones qui étudie le Traité nisga'a; autrement, elle aurait été ici. J'ai la certitude qu'elle vous aurait adressé ses félicitations aussi pour les efforts que vous faites pour obtenir l'égalité en matière d'accès aux activités économiques et aux ressources.

Voici ma question: quand vous parlez de vos gens, de vos enfants et de tous les autres... Vous savez probablement que j'ai posé cette question ad nauseam, et c'est probablement la dernière fois que je vais la poser au comité. Je l'ai posée à plusieurs chefs autochtones, aux représentants des réserves et des bandes en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick, et maintenant je vous la pose à vous. À votre avis, l'arrêt Marshall s'applique-t-il aux Autochtones non-inscrits qui ne vivent pas sur les réserves?

Le chef John Martin: Je suis Indien, peu importe où je me trouve. Ce n'est qu'au cours des dernières années que le gouvernement du Canada a entrepris de limiter sa responsabilité fiduciaire envers nos gens.

La question de la responsabilité fiduciaire fait souvent l'objet de discussions avec le gouvernement. Nous croyons que nos gens ont un droit, peu importe où ils vivent, et ils devraient avoir accès à ce droit. Cependant, je pense que c'est dans les collectivités elles-mêmes que la situation économique est difficile. Je pense que c'est dans les collectivités qu'il faut s'employer à bâtir une assise économique viable.

• 1225

M. Peter Stoffer: Comme vous savez, M. Bernd Christmas, qui était son avocat et qui est Micmac aussi, a déclaré sans ambages qu'à son avis, l'arrêt ne s'applique qu'aux Autochtones inscrits. Est-ce également votre avis? Je sais qu'il est difficile de répondre à cette question, mais j'aimerais une réponse plus claire, si vous voulez bien.

Le chef John Martin: Au sujet du statut, je vais vous répondre ainsi. Oui, le gouvernement a adopté un règlement qui définit qui est Indien et qui ne l'est pas. Le Canada n'a pas le droit de faire cela.

M. Peter Stoffer: D'accord.

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Avez-vous une autre question, Peter?

M. Peter Stoffer: Oui, j'en ai quelques-unes.

Monsieur Metallic, vous avez parlé du pétrole et du gaz. J'ai un peu de mal à comprendre à cet égard, et voici pourquoi. Vous êtes devant le Comité permanent des pêches et océans, et l'une des choses qui m'inquiète le plus, c'est la conservation de la ressource naturelle—à savoir, le homard, la crevette, la morue, tout cela. Comme vous savez—vous avez mentionné Anticostie—, les provinces du Canada ont conclu un accord avec des entreprises pour le forage sismique du pétrole et du gaz le long de ce qu'on appelle le détroit de Cabot, juste au large de Chéticamp, à un mille et demi de la côte, en plein coeur des frayères du homard. Cela pourrait avoir un effet très néfaste sur les frayères et la ressource elle-même, parce que la seule façon d'avoir accès à la ressource, c'est si la ressource est là pour commencer.

Vous avez dit que vous vouliez avoir accès à tous les débouchés, ou à tout le moins vous vous y intéressez: l'exploitation forestière, le pétrole et le gaz naturel, la pêche, pas seulement une ressource. Ce que je veux savoir, c'est s'il est possible que vous décidiez, en votre qualité de représentant de vos gens, que le secteur pétrolier et gazier vous offre peut-être un meilleur débouché économique, et pas nécessairement la pêche?

S'il y a du pétrole et du gaz, et si l'on procède au forage sismique, ça pourrait—et je ne dis pas que ce sera nécessairement le cas—détruire la ressource. Alors au lieu de parler de pêche, vous parleriez de ça. Il se peut que le secteur pétrolier et gazier vous semble plus lucratif au début, comparativement à la pêche. Donc, si telle est la situation, comment allez-vous, vous qui représentez vos gens, décider quelles ressources vous allez exploiter ou à laquelle vous voudrez avoir accès?

Le chef Allison Metallic: Tout d'abord, si j'avais le choix, pour trouver du travail à mes gens... Vous savez que chez nous, l'hiver, le taux de chômage atteint les 80 p. 100. Il est injuste que vous me posiez une question comme celle-là, parce que je me jetterais sur n'importe quel débouché que je pourrais trouver pour mes gens. Je n'avais pas les mêmes choix il y a 15 ou 20 ans lorsque la pêche rapportait comme jamais, et vous avez vu le résultat pour la morue: elle a disparu.

À notre niveau, au niveau de la réserve, la situation est totalement différente. Quand vous avez une collectivité de 5 200 personnes et que vous ne pouvez trouver du travail que pour la moitié des gens, la moitié du temps, et que vous n'avez rien pour l'autre moitié, on entend évidemment parler de division chez nous. La division tient au manque de débouchés pour nos gens. Donc, si j'ai des débouchés...

Vous savez, les Autochtones sont écologistes, et nous avons toujours été écologistes. D'ailleurs, nous avons remporté des prix pour la conservation des ressources naturelles. Nous avons pris la rivière Restigouche; c'est une grande rivière à saumon, et nous nous battons sur cette rivière depuis 1981. Comme je l'ai dit, mon père était le chef à l'époque, et depuis, en 1992, nous avons mis au point notre propre plan de conservation du poisson, et ce sont les Autochtones eux-mêmes qui l'ont mis au point, qui ont assuré la patrouille, qui ont joué un rôle essentiel dans la conservation du saumon, ce qui n'a pas été reconnu par Québec à l'époque. Nous avons perdu une subvention annuelle de 450 000 $. Nous avons donc subi une perte de 900 000 $ sur deux ans. Et quand on ôte 900 000 $ à ma région, on s'en ressent, et ça ôte du travail à pas mal de monde. Mais nous avons trouvé notre récompense dans la mesure où nous avons prouvé que nous avons des droits et que nous pouvons jouer un rôle essentiel dans la conservation des ressources naturelles.

• 1230

M. Peter Stoffer: D'accord. Je vais poser ma dernière question.

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Soyez bref, monsieur Stoffer.

M. Peter Stoffer: Monsieur Martin, vous, M. Metallic et M. Jalbert avez parlé de vos plans pour la conservation, des plans intégrés que vous avez pour le poisson. Nous avons entendu également plus tôt les pêcheurs de crabe et leur organisation, qui ont eux aussi des plans en place. Entrevoyez-vous, avec un dialogue ouvert et avec toutes les parties à la table, une intégration de ces deux plans, pour la conservation?

Le chef John Martin: Il faut que cela se fasse. On n'a pas le choix. Il est inacceptable que l'on continue de nous exclure. Maintenant, il y a toujours des questions de rentabilité, et c'est encore le problème de l'argent, et il y a aussi les problèmes relatifs à la conservation. Je pense que le monsieur qui a parlé avant nous a exprimé ces préoccupations, mais je pense qu'il a dit aussi qu'il y a moyen d'y arriver.

Je pense que si, en toute honnêteté, ces gens sont prêts à examiner la situation et à accepter au départ que, oui, les Micmacs vont prendre pied dans cette industrie, et il n'est que juste que nous ayons notre part de la ressource qui existe, alors, avec le soutien du gouvernement canadien, nous devrions pouvoir avancer dans ce dossier. Mais essayer d'empêcher des Micmacs d'avoir accès à l'industrie rien que parce que ça dérange quelques personnes ou parce que cela peut diminuer les profits dans une certaine mesure, je crois tout simplement que c'est mal.

M. Peter Stoffer: Merci.

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Merci, Peter.

Le chef Allison Metallic: Puis-je ajouter un mot à cela?

Monsieur le président, c'est un débat intéressant, et j'aimerais y apporter ma contribution. Nous avons également besoin de ressources financières au niveau communautaire pour développer des programmes de formation et de conservation. C'est essentiel aussi. Je pense que le gouvernement du Canada peut jouer un rôle important et faire beaucoup de ce côté parce que la plupart des collectivités du Canada Atlantique et de la péninsule gaspésienne n'ont pas les ressources financières voulues pour mettre au point des plans de conservation.

Je veux seulement ajouter une autre chose. Bien sûr, nous sommes prêts à discuter avec quiconque du rôle que notre collectivité va jouer au niveau des pêches. Nous le souhaitons d'ailleurs.

M. Peter Stoffer: Je vais vous lancer une idée, monsieur. Il y a des groupes non autochtones ici qui disent, d'accord, dans ce secteur particulier, disons la baie des Chaleurs, nous voulons protéger le poisson. Disons que votre organisation, au niveau de la négociation, dit: Non, nous aimerions que l'on permette l'exploration sismique pour le pétrole et le gaz dans la baie des Chaleurs afin de voir s'il y a du pétrole et du gaz, de telle sorte que nous puissions avoir accès à cette ressource. Comment pourriez- vous vous entendre à ce sujet?

Le chef Allison Metallic: Je ne crois pas que s'il y a la moindre possibilité pour nous de participer à...

M. Peter Stoffer: Non, non, vous allez participer.

Le chef Allison Metallic: Sauf tout le respect que je vous dois, on nous a déjà dit ça.

M. Peter Stoffer: Oui, je sais.

Le chef Allison Metallic: Sauf tout le respect que je vous dois, on nous a raconté tant de choses.

M. Peter Stoffer: Cela ne fait aucun doute, mais nous espérons pouvoir avancer.

J'entrevois un problème ici, où, comme M. Martin l'a dit, chacun serait à la table dans le cadre d'un dialogue ouvert pour discuter des ressources. Un groupe dirait qu'il faudrait protéger la baie des Chaleurs de l'exploration pétrolière et gazière, et un autre groupe dirait qu'il faut permettre cette activité ici. Comment résoudriez-vous quelque chose comme ça, sur le plan hypothétique?

• 1235

Je crois que cela peut arriver. C'est ce qui se passe maintenant dans le détroit de Cabot entre des groupes de pêcheurs et des groupes qui tiennent à l'exploration pétrolière et gazière. Ça se tiraille beaucoup, et la province est au milieu. Je pense que ça peut arriver au large d'Anticostie, et dans votre région aussi. Comment résoudriez-vous cela?

Le chef Allison Metallic: Parlons de la recherche que se fait et du forage qui se pratique dans les montagnes derrière notre territoire. Pourquoi n'avons-nous pas été prévenus de cela aussi?

M. Peter Stoffer: On aurait dû vous prévenir.

Le chef Allison Metallic: Et on ne nous a pas prévenus.

M. Peter Stoffer: Nous, on s'occupe du poisson.

Le chef Allison Metallic: Je sais.

M. Peter Stoffer: Je ne voulais pas éluder la question, mais vous avez raison, vous devriez être prévenus.

Le chef Allison Metallic: Je vous relance seulement la balle.

M. Peter Stoffer: Oui. Vous devriez avoir accès à cette information et vous devriez être à la table.

Le chef Allison Metallic: Oui.

M. Peter Stoffer: Mais quand vous êtes à la table... Je vois que ça va se faire. Nous avons entendu presque 60 exposés en cinq jours, et personne n'a dit que les Autochtones ne devraient pas être présents à la table. Tout le monde nous a dit, particulièrement les groupes non autochtones, qu'ils tiennent à la participation des Autochtones aux discussions. Ils ont tous dit cela. Donc ça va se faire. Quand vous serez là, et que ce problème va se présenter, comment allez-vous le résoudre?

Allez-y, s'il vous plaît, monsieur.

Le chef Richard Jalbert: Je reprends vos mots, lorsque vous dites que vous vous occupez du poisson, si je vous comprends bien, c'est que vous vouliez que nous choisissions entre telle et telle industrie.

M. Peter Stoffer: Parfois, l'une influence l'autre.

Le chef Richard Jalbert: Et je suis d'accord avec vous là- dessus, mais le fait est que nos collectivités, nos gens, sont comme les non-Autochtones qui cherchent du travail.

Ici, à Gespeg, il y a des pêcheurs. Les stocks, les ressources, sont essentiels. Il y a des pêcheurs qui y tiennent, qui s'y accrochent, et qui veulent pêcher; et il y ceux qui disent qu'ils cherchent une autre activité, qui vendent tout et qui se lancent dans le camionnage ou autre chose.

Il est très difficile de faire des choix selon les valeurs personnelles de chacun. Il faut tout examiner et tout analyser. Le fait est que nous ne préférons pas une industrie à une autre ou que nous faisons un choix.

M. Peter Stoffer: Oui.

Le chef Richard Jalbert: Nous sommes ouverts. Nous nous faisons instruire, et nous sommes de plus en plus conscients de toutes les possibilités économiques. Voilà pourquoi nous sommes ici aujourd'hui. C'est la première fois que nous essayons de négocier et d'ouvrir un dialogue entre le gouvernement, les non-Autochtones et chaque personne dans chaque industrie.

M. Peter Stoffer: Merci.

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Merci.

Monsieur Steckle.

M. Paul Steckle: Merci, monsieur le président. C'est un privilège pour moi que d'être ici ce matin et d'écouter ce dialogue. Je pense que l'exercice a été fort utile. J'aimerais poursuivre ce dialogue au-delà du déjeuner, mais je ne peux pas.

Vous êtes devant le Comité des pêches. Mon honorable collègue vient de nous le rappeler. Et nous sommes ici pour obtenir votre avis sur ce que nous devrions faire dans ce dossier. Il s'agit de savoir si certaines personnes vont se dessaisir d'une partie de leur exploitation de pêche, et si ces personnes veulent quitter la pêche et offrir à d'autres leur quota autorisé, peu importe ce que c'est—si bien sûr il y a rachat—et si ces permis rachetés sont remis aux Autochtones, deviennent-ils la propriété exclusive de la bande autochtone ou deviennent-ils la propriété du chef et de sa famille? Comment distribuerait-on cela?

Certains membres des collectivités autochtones ont dit que ces permis pourraient aboutir entre les mains d'un petit groupe, et ainsi on ne ferait rien du tout pour le bien général—ces permis aboutiraient simplement dans les mains de quelques personnes. Je veux avoir votre avis à ce sujet. Je sais que la question peut être très personnelle mais ce n'est pas dans ce sens que je la pose. Nous devons savoir ces choses. Comment le gouvernement doit-il distribuer ces biens, si on peut les appeler ainsi?

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Qui veut commencer? Monsieur Metallic.

Le chef Allison Metallic: Je suis heureux que vous souleviez cette question, honorable député, parce que...

M. Peter Stoffer: C'est un brave homme.

M. Paul Steckle: Je m'incline.

Le chef Allison Metallic: C'est très intéressant parce qu'il ne fait aucun doute que c'est vrai. Cela arrive dans certaines Premières nations à cause de la loi qui existe qui s'appelle la Loi sur les Indiens, qui nous gouverne et qui dit exactement, clairement, quels sont les rôles et les responsabilités des politiciens au niveau local.

• 1240

Les abus que commettent certains dirigeants constituent une préoccupation majeure. Je reconnais cela. Je suis d'accord. C'est une chose qu'un représentant d'une collectivité, comme moi, qui n'a aucun intérêt personnel dans la pêche ou dans tout autre projet que je peux lancer dans ma collectivité...

Nos élections viennent d'avoir lieu. J'ai été élu il y a à peine une semaine. Donc vous pouvez imaginer le mal fou que je me suis donné pour assurer un contrôle administratif et aussi me préparer pour mon exposé, parce que je pensais qu'il était très important que le comité permanent ait l'occasion de faire connaissance avec ma collectivité.

Nous venons de vivre la même chose chez nous, et je n'ai pas peur de le dire. Certains membres de notre collectivité ont profité financièrement des projets du gouvernement provincial et du gouvernement fédéral. Cette pratique doit cesser. C'est une préoccupation importante. C'est une chose qui me préoccupe beaucoup. Je sais qu'il faut faire quelque chose, et je ferai quelque chose.

J'ai dit d'emblée que mes gens sont ceux qui m'ont élu. Ce sont ces gens qui décideront au bout du compte s'ils veulent m'accorder un autre mandat ou non.

C'est une chose pour laquelle je blâme le règlement vague de la Loi sur les Indiens, règlement qui a été adopté en 1952. Il est temps que l'on mette en place des modifications et des directives strictes en matière de conflit d'intérêts étant donné que n'importe quelle bande peut prendre un décret et éliminer la règle du conflit d'intérêts, ce qui lui permettrait ainsi de profiter directement des projets et des programmes que le chef propose à sa collectivité.

Notre ancien chef a fait cela. Je n'ai pas honte de le dire parce que c'est une chose qui doit cesser chez nous. À Listuguj, c'est une chose qui doit cesser. Je parle seulement pour ma collectivité à moi. Je ne parle pas pour les autres parce que je ne vais pas mettre mon nez où je n'ai pas d'affaire. Ce ne sont là que mes sentiments personnels sur cette question.

M. Paul Steckle: Je comprends.

M. Troy Jerome (conseiller, Gouvernement des Premières nations de Listuguj): J'aimerais faire quelques observations sur cette question.

Chez nous, je suis conseiller. Notre gouvernement est là pour s'occuper de bien des choses, entre autres pour trouver du travail pour nos gens. Il y a plusieurs bateaux chez nous. Nous avons bâti un quai dans nos eaux, et il y a là des bateaux qui appartiennent à des personnes qui vont sur les rivières et dans la baie pour pêcher. Il y a des personnes qui ont créé leur propre entreprise. Ces gens s'intéressent aussi au secteur forestier et à d'autres.

Si nous pouvons limiter notre présence à un seul secteur et nous intéresser à toutes les activités économiques, nous déplacerons beaucoup moins de monde. Si nous avions plus de nos gens dans l'industrie, nous ne consacrerions pas toute notre énergie à chercher du travail pour nos gens.

Nous avons été élus pour mettre au point un plan pluriannuel qui comportera des projets qui seront lancés dans 5 ans et des activités qui auront lieu dans 10 ans. Mais, malheureusement, souvent on ne fait rien de tout cela parce que les gens viennent nous voir et nous disent: «Il nous faut du travail.» Nous consacrons beaucoup de nos efforts à cela.

• 1245

Je pense que si nous pouvons être entièrement intégrés dans l'exploitation des ressources, dans les pêches aussi bien que dans le secteur forestier, le secteur minier et d'autres secteurs, nous pourrons bâtir des assises au sein de nos collectivités, ce qui protégera notre collectivité de certains dirigeants qui pourraient être tentés de se servir. Je pense qu'il y a une chose importante ici: à savoir que nous avons besoin de l'accès à ces ressources. Et nous sommes ici pour vous dire aujourd'hui que la pêche n'est qu'un élément parmi bien d'autres que nous entrevoyons. Nous croyons que nous avons un droit sur le titre foncier sur la péninsule gaspésienne. Nous allons faire des efforts pour examiner cela à l'avenir et pour négocier plus tard.

Pour répondre précisément à votre question, je dirais que c'est les deux. Je pense que le conseil de bande, dans certaines grandes entreprises, doit être celui qui prend l'initiative et qu'il y aura des propriétaires de certaines entreprises. Et les simples particuliers doivent aussi avoir la possibilité de créer de petites entreprises dans divers secteurs: le secteur forestier, la pêche et d'autres choses.

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Merci.

Chef Martin.

Le chef John Martin: J'aimerais parler de la question des droits.

Nos droits, dans divers domaines, qu'il s'agisse de droits ancestraux ou confirmés, sont collectifs. Il appartient au chef et au conseil de la collectivité de gérer ce droit et de partager les ressources entre les membres de la collectivité. Si un chef et le conseil de la collectivité décident qu'ils ont des ressources suffisantes pour permettre à leurs membres à titre individuel de fonder des entreprises privées, alors je pense que c'est une chose qui est entièrement possible, et il appartient au conseil de décider.

Tout le monde sait que l'économie de n'importe quelle collectivité, région, province ou notion, est dirigée par le secteur privé; c'est le secteur privé qui est en fait le moteur de l'économie. Nous devons donc, à partir du droit collectif, de l'accès collectif aux ressources, permettre au secteur privé de notre collectivité d'évoluer aussi et de créer un moteur pour l'économie de notre collectivité, et aussi pour toute la région.

C'est donc un droit collectif, mais il ne fait nul doute qu'il est géré par les dirigeants élus de la collectivité, ce qui n'empêche pas les gens de créer leurs propres entreprises. En fait, cela doit même être encouragé.

M. Paul Steckle: Ce que je voulais faire, essentiellement, c'était m'orienter. Quand nous ferons tout cela, quand nous apporterons ces changements, quand un groupe se sera dessaisi de certains biens en faveur d'un autre, comment le gouvernement pourra-t-il s'assurer que tout le monde profite de cette ressource et non seulement quelques personnes? C'est le sens de ma question.

Je ne veux pas prolonger ce débat, mais je pense que notre comité doit entendre vos avis, officiellement. Je pense que vous avez répondu à la question. Je ne suis pas sûr que vos remarques me rassurent tout à fait, et vous avez élargi le débat, donc je ne suis pas sûr que vous puissiez me dire rapidement comment on peut s'assurer que cela devienne la propriété de tous pour le bien de tous, oui ou non. J'imagine que c'est ce que je veux savoir de vous.

Le chef Richard Jalbert: Eh bien, je vais répondre à votre question. Au sujet de ce que M. Metallic a dit, ce qu'il a dit est vrai. C'est vrai pour sa collectivité à lui; il a répondu pour sa collectivité à lui. Pour être clair, disons que chaque gouvernement autochtone est unique. Chacun a ses propres règles de gestion. Aucun n'est géré de la même façon.

Si je parle au nom de Gespeg, en notre nom à nous, je dirai que nous nous initions aux règles de gestion admises. Nous avons des situations où la gestion est collective, nous encourageons le secteur privé, et nous encourageons l'adoption de règles de transparence qui se transmettront d'un gouvernement élu à l'autre, des règles qu'on ne pourra pas changer.

• 1250

Ces affaires-là, ces règles, ces directives, doivent être—et encore là, je parle au nom de Gespeg—fondées sur la transparence et sur l'égalité des chances de chacun dans une situation de gestion collective.

Le chef John Martin: Je pense qu'on a créé à ce moment-ci un comité technique au sein du Congrès autochtone chargé de l'élaboration des politiques dans l'Atlantique, un comité qui examine cette question en particulier. Les chefs micmacs ont proposé une résolution qui dit clairement que le droit en matière de pêche est en fait un droit collectif, mais que chaque Première nation a le droit de gérer ce droit comme elle le juge approprié.

Je pense que tout cela exige une constitution—dans le sens que Troy disait. De toute évidence, les Premières nations doivent mettre au point un cadre plus large pour que chaque Première nation puisse gérer ce droit et l'exercer comme elle le juge approprié. En outre, il va sans dire qu'un tel cadre ne peut se développer dans le vide. Il faut qu'il soit conçu d'une manière où il pourra, j'imagine, concorder avec les politiques actuelles.

M. Peter Stoffer: Monsieur le président...

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Vous devrez être bref parce que votre temps de parole est presque écoulé.

M. Peter Stoffer: Ça va.

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Ça va...? Avez-vous terminé?

Personne n'a rien à ajouter?

D'accord. Les pêcheurs doivent partir et les autres ont un avion à prendre aussi.

Au revoir, Lawrence.

Peter, si vous voulez ajouter quelque chose, mais rapidement...

M. Peter Stoffer: Je le ferai en privé.

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): D'accord.

Avez-vous autre chose à dire?

Le chef John Martin: Oui. En particulier, la situation dans la région nous préoccupe tous, à savoir le fait que notre région marque beaucoup de retard pour ce qui est de l'exploitation des pêches autochtones dans notre collectivité. C'est ce qui nous préoccupe le plus, et c'est ce que vous devez retenir. Il faut absolument prendre des mesures ici—le plus tôt sera le mieux.

Je pense que c'est une des préoccupations que nous avons à l'égard de votre comité permanent. Quelle est la raison d'être de votre comité permanent? Quand aurons-nous des nouvelles? Je crois savoir que votre délai est le 1er avril. D'ici là, quel sera le processus? Nous n'avons reçu aucune documentation qui nous dise quel est le processus que l'on va suivre après que le comité permanent aura remis son rapport. Il y a des choses qui nous préoccupent ici. Nous ne voulons pas que le 1er avril arrive et qu'un affrontement se produise alors.

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Wayne, voulez-vous répondre à cela en donnant l'optique du côté ministériel?

M. Wayne Easter: Pour ce qui est de la façon de procéder du comité, chef Martin, nous allons faire rapport à la Chambre des communes avant la période de relâche de Noël.

Nous semblons avoir une assez bonne communauté d'esprit. Dans une grande mesure, le comité travaille de façon relativement apolitique, de sorte que nous semblons pouvoir bien collaborer.

Nous allons donc faire des recommandations au gouvernement, en tant que tel, à la Chambre des communes, et le ministre compétent devra nous fournir une réponse. Il ne sera pas nécessairement d'accord avec nos recommandations. Ensuite, le gouvernement agira en conséquence en tenant compte des recommandations.

Nous avons bien pris note—et j'escompte bien que notre recherchiste l'aura fait également—de certains des éléments que vous avez évoqués, comme par exemple une stratégie de pêche autochtone. Nous allons donc transmettre cela en amont et essayer de voir pourquoi vous n'avez pas participé de plus près.

J'aurais également une question à vous poser au sujet des consultants MacKenzie et Thériault. Avez-vous été consultés d'une façon ou d'une autre ou étiez-vous au courant de l'existence de ce processus?

Le chef John Martin: Je ne suis pas très au courant. Nous n'avons pas participé au processus. Il y a deux choses qui m'inquiètent surtout. En premier lieu, j'ai effectivement écrit au ministre Dhaliwal suite à la visite des représentants de la région du Québec qui étaient venus nous dire que les bandes micmaques de Gesgapegiag et Gespeg risquaient notamment d'être exclues du champ d'application de l'arrêt Marshall.

Cela m'avait fait un peu sourciller. Et d'ailleurs, la ministre de la Justice en est elle-même saisie. Comme nous l'avons vu ce matin, le conseiller Troy Jerome vous a remis une copie du traité de 1779 qui relie en fait les deux traités de 1760 et de 1761. Ce traité dit clairement qu'il s'applique au Golfe du Saint- Laurent et à la Baie des Chaleurs. C'est tout à fait explicite. Cela est écrit noir sur blanc. Cela nous pose de sérieuses inquiétudes et nous aimerions que la question soit vidée aussi rapidement que possible.

• 1255

Je voudrais également que le ministre me réponde d'une façon ou d'une autre. Ils sont venus me voir, c'était le 15 octobre je crois. J'ai écrit au ministre le lendemain, le 16 octobre. Je n'ai pas encore eu de réponse.

M. Wayne Easter: Nous allons également nous renseigner à ce sujet.

[Français]

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Monsieur Jalbert.

[Traduction]

Le chef Richard Jalbert: Monsieur le président, si vous me permettez d'intervenir juste un instant, je voudrais dire un mot au sujet de la première question de M. Easter. Ce n'est pas une réponse, c'est une constatation.

Nous savons bien qu'un tort a été commis, et nous savons aussi qu'en y remédiant, nous pourrions causer un autre préjudice, mais cela ne nous absout pas pour autant de l'obligation de remédier au premier. Cela dit, seul le fait que nous soyons ici montre bien que nous voulons travailler ensemble pour réduire au minimum le risque de créer un nouveau préjudice.

Le président suppléant (M. Yvan Bernier ): Thank you.

M. Wayne Easter: Merci.

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Chef.

Le chef Alison Metallic: Je voudrais dire un dernier mot en ce sens qu'en tant que peuple autochtone, nous, nous sommes ici, alors que les règles sont là-bas, et nous devons donc être partie prenante à tout ce processus.

Je vous remercie.

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Merci beaucoup.

[Français]

Il nous reste un témoin à entendre, M. René Landry, qui nous avait demandé de prendre la parole à la suite des déclarations de nos premiers témoins de ce matin.

Puisque nous disposons de peu de temps, monsieur Landry, je vous invite à faire une brève présentation afin que les députés puissent vous poser quelques questions.

M. René Landry (président, Mouvement des pêcheurs de crabe, zone 17): Bonjour, monsieur le président et messieurs les députés.

Je ne suis pas un grand orateur, mais j'aimerais vous donner un bref historique de la pêche au crabe dans la zone 17. Vous avez entendu ce matin les revendications et les propositions des Malécites de Viger.

La pêche au crabe dans la zone 17 a débuté en 1969. Je suis un homme de pont et il y a 30 ans que je fais la pêche au crabe. Je représente 22 pêcheurs de la zone 17. Au cours des années 1970, la pêche au crabe était une pêche complémentaire. Le crabe était peu connu et cette pêche n'est devenue un peu plus lucrative que dans les années 1980.

En 1981, le MPO a cessé d'émettre des permis. De 1969 à 1981, tout le monde avait accès aux permis de pêche au crabe, y compris un autochtone qui est membre de notre association et propriétaire d'un tel permis. En 1986, les 22 pêcheurs avaient presque épuisé leur ressource et l'avaient mise en danger. C'est à ce moment qu'on a fixé des règles et diminué la capture de 50 p. 100. En 1992, on a imposé un quota individuel dans la zone 17 et on n'y pêchait plus que trois mois par année.

En 1996, le ministre du MPO nous a invités à négocier la cogestion. Nous avons d'ailleurs été parmi les premiers pêcheurs invités, juste après ceux de la zone 12 qui ont signé une entente de cogestion qui portait sur leurs salaires et qui prévoyait que lorsqu'ils atteignaient 500 000 $ et plus, ils devaient commencer à partager la ressource.

Nous avons préféré procéder autrement et établir un quota de 1 600 tonnes qui prévaudrait pendant deux ans. Il est important de préciser des chiffres. Lorsqu'on négocie un partage, il faut s'assurer que les revenus des crabiers suffiront à couvrir leurs dépenses. Nous nous sommes basés sur les données de 1992 à 1995 relatives au prix du crabe et au tonnage, et avons tenté de déterminer combien de tonnes et combien d'argent il fallait aux pêcheurs de crabe pour joindre les deux bouts.

• 1300

Nous avions invité les Malécites de Viger à venir négocier l'entente de cogestion en 1996. Ils étaient donc au courant des démarches entreprises. Deux autres bandes, une aux Escoumins et une autre à Betsiamites, y ont été invitées, mais elles n'y ont malheureusement pas participé. Nous trouvons fort curieux que les Malécites demandent des permis en 1999.

L'entente de cogestion prévoit que lorsque nos prises atteignent 1 600 tonnes, 40 p. 100 seront remises aux non-crabiers et aux autochtones. Puisque nous avons dépassé le seuil des 1 600 tonnes cette années, 70 tonnes ont été réparties comme suit: 40 tonnes aux non-crabiers et 30 tonnes aux bandes autochtones, soit 10 tonnes à chaque bande autochtone. Je suis surpris que les Malécites de Viger viennent faire des revendications alors qu'ils ne savent même pas s'ils sont reconnus par le jugement Marshall.

Comme un témoin l'indiquait plus tôt, les Indiens affirment que le gouvernement les a mis de côté depuis 200 ans. Je ne crois pas que ce soit vrai. Ne les a-t-on pas invités à négocier une entente de cogestion et n'a-t-on pas convenu de partager nos prises même s'ils n'avaient fait aucune demande en ce sens?

Les pêcheurs de crabe blancs ont fait beaucoup de chemin. Nos permis de pêche au crabe sont très coûteux à l'heure actuelle. Ce sont les pêcheurs de crabe qui financent les observateurs de la cogestion, les pesages à quai, les déplacements des fonctionnaires et la recherche. Si on additionne toutes ces dépenses qu'assument les pêcheurs de crabe, on constate qu'ils doivent débourser environ 200 000 $ avant même de pêcher un seul crabe.

Bien qu'on dise que les autochtones ont le droit de présenter leurs demandes, je crois qu'on aurait tort d'ajouter un ou deux autres permis de crabe quand on sait fort bien qu'en 1986, les 22 pêcheurs de crabe ont mis la ressource en danger. On doit se poser des questions. Nous poursuivons la recherche et effectuons un suivi d'année en année. Lorsqu'il y a un surplus de ressource, on le partage. Il faut réserver une partie de ces 1 600 tonnes pour assurer la survie des pêcheurs.

Un crabier de la zone du sud s'apprête à mettre en vente son permis. Je ne verrais aucun problème à ce qu'un autochtone l'achète et entre dans la pêche commerciale. Cela m'apparaît être la seule solution, à moins que le ministre ne décide de mettre fin à l'entente de cogestion dont nous avions convenu de bon gré et qu'il nous a fallu deux ans pour négocier. Voilà tout ce que j'avais à dire.

J'aimerais peut-être ajouter que votre comité permanent devrait prendre connaissance de ces ententes-là avant de faire des recommandations au gouvernement. Ces ententes sont à mes yeux primordiales.

Vous avez demandé à M. Cloutier ce que représentait le MPO pour les pêcheurs et quelles ententes ils avaient conclues avec lui. Je crois pouvoir dire que nous avons jusqu'ici été très bien servis par ce ministère et que nous avons toujours su nous entendre, bien que j'aie été obligé à plusieurs reprises de me mettre la tête sur la bûche pour qu'on puisse en venir à des compromis. Il a fallu faire comprendre aux pêcheurs que nous n'étions pas tout seuls sur la terre et nous avons réussi à signer une entente dont je suis bien fier et que j'aimerais garder intacte autant que possible.

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Merci, monsieur Landry. Je ne sais pas si des députés veulent poser une question.

[Traduction]

Mais très rapidement, alors.

[Français]

M. Peter Stoffer: Monsieur Landry, je vous remercie pour ces éclaircissements.

[Traduction]

Ce plan de cogestion que vous avez élaboré pourrait-il être appliqué de façon intégrée avec le plan de conservation autochtone? Est-il concevable que les deux plans puissent être réunis et qu'un plan de cogestion conjoint puisse ensuite être soumis à Pêches et Océans Canada pour les négociations à venir?

• 1305

Nous avons pris connaissance de votre plan de cogestion avec Pêches et Océans Canada. Nous avons également entendu la collectivité autochtone nous dire qu'elle avait elle aussi un plan de gestion axé sur la conservation. Serait-il concevable que ces deux plans puissent être fusionnés dans le cadre d'un dialogue franc et prudent pour être ensuite présenté au ministère comme étant le plan de gestion pour l'avenir? Je sais que ce n'est pas une question facile et je regrette de devoir la poser, mais c'est néanmoins quelque chose...

[Français]

M. René Landry: Il va sans dire que nous jugeons qu'il s'agit d'un bon plan de gestion car la zone 12 est différente puisqu'elle comprend quatre provinces. Dans la zone du sud, nous sommes chanceux parce que c'est la seule zone de crabe au Québec où l'on a négocié une entente de cogestion.

Nous n'irions peut-être pas jusqu'à dire que toutes les autres zones devraient suivre notre modèle. Le ministère nous a consultés et nous avons partagé nos points de vue à la suite du premier jugement, soit le jugement Sparrow, que nous avons même dépassé un peu. Nous avons quasiment vu venir le jugement Marshall. Dans un système de partage, plus la ressource est bonne, plus il y aura augmentation au niveau du quota. Nos études indiquent que nos prises devrait être très bonnes l'an prochain, ce qui signifie que la part des Malécites de Viger va augmenter. Comme vous avez pu le constater, il faut toujours protéger la ressource et s'assurer qu'elle ne baissera pas. Le ministère est également très pointilleux là-dessus et je l'en félicite. Je pourrais vous répondre que cela dépend toujours de la façon dont les autres associations voient le plan de gestion.

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Monsieur Landry, nous avons pris bonne note des éléments que vous avez soulevés. Lorsqu'on soulèvera la position des Malécites, nous nous assurerons de tenir compte des deux points de vue qui ont été exprimés. Nous vous remercions.

Avant de mettre fin à cette séance du comité ce matin, j'aimerais remercier les témoins qui sont venus nous rencontrer et féliciter les interprètes qui ont facilité la communication dans les deux langues officielles, ainsi que tout le personnel qui a appuyé nos travaux. Je sais que certaines personnes ont travaillé ou voyagé toute la nuit afin de nous fournir les équipements nécessaires.

Avant de clore cette séance, j'aimerais céder la parole à M. Easter, le vrai président du Comité permanent des pêches. J'ai été le président d'un jour afin de faciliter nos échanges dans les deux langues officielles.

Wayne, je vous cède la parole.

[Traduction]

Le président: Au nom du comité, je voudrais remercier monsieur le député Bernier pour tout ce qu'il a fait, ainsi que ses collaborateurs, pour organiser nos audiences ici. Cela nécessite immanquablement beaucoup d'organisation sur le plan local.

Voilà qui conclut donc ce sixième et dernier jour d'audience dans le Canada Atlantique et en Gaspésie. Je sais que M. Bernier a déjà remercier le personnel dans son ensemble, mais je voudrais néanmoins rappeler pour mémoire le nom de tous nos collaborateurs parce que sans eux, ces audiences n'auraient certainement pas été possibles.

Je voudrais donc remercier Alan Nixon, recherchiste, Nathalie Labelle, responsable de la logistique et France Lewis, qui est notre agente chargée du soutien administratif. Par ailleurs, comme le dit si souvent M. Bernier, nous avons eu trois brillants interprètes en les personnes de Claudia Caissie, Carole Lévesque et Cindy Runzer. Nous remercions également Virginia Honeywell et Micheline Egan, qui se sont occupées de la console.

Pour Simul Tek, ces messieurs le méritent bien, cela ne fait aucun doute... je sais qu'ils ne sont pas arrivés... Ils se déplacent d'un endroit à l'autre en camion avec tout leur matériel. Ils sont venus de Miramichi et sont arrivés ici vers 4 heures du matin. Ils n'ont pas eu beaucoup de sommeil cette semaine. Qu'il nous soit donc permis de remercier Kevin Rossitter et George Horton pour tous leurs efforts.

• 1310

Enfin, il y a le greffier du comité, Bill Farrell, ainsi que Michael O'Neil qui travaillent avec mon bureau. Je ne sais pas si vous le savez, mais Steven Hogue a été détaché par le cabinet du ministre. Il nous accompagne, il prend des notes en abondance, et je suis certain qu'il va également livrer au ministre un autre point de vue.

Nous remercions donc tout le monde pour ce gros travail, et comme je le disais, le comité va déposer son rapport au Parlement avant la relâche de Noël.

Cela étant dit, Yvan, vous pouvez maintenant lever la séance. Nous aurons encore quelques audiences à Ottawa, après quoi nous nous attellerons au rapport.

Un gros merci à tous.

Le président suppléant (M. Yvan Bernier): Parfait, je vous remercie. La séance est levée.