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FOPO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FISHERIES AND OCEANS

COMITÉ PERMANENT DES PÊCHES ET DES OCÉANS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 22 février 2000

• 0902

[Traduction]

Le président (M. Wayne Easter (Malpeque, Lib.)): Bienvenue, collègues et mesdames et messieurs.

Comme chacun ici le sait, le Comité permanent des pêches et des océans tient des audiences itinérantes dans l'ouest du Canada dans le cadre de son étude portant sur l'aquaculture, la stratégie relative à la pêche autochtone et la Loi sur les océans. Notre premier témoin de la matinée, Karen Wristen, représente le Sierra Legal Defence Fund.

Bienvenue, Karen. Êtes-vous venue accompagnée ou bien seule?

Mme Karen Wristen (directrice générale, Sierra Legal Defence Fund): En fait, je suis ici avec Lynn Hunter, de la David Suzuki Foundation. Elle est votre deuxième témoin. Avec votre permission, nous allons prendre place à la table ensemble.

Le président: D'accord.

Mme Karen Wristen: Bonjour tout le monde et merci de votre invitation à venir vous parler ce matin.

J'espère que vous avez maintenant en main un exemplaire de deux documents que j'ai apportés avec moi. L'un est une lettre datée du 29 juillet 1998, d'une dizaine de pages, et l'autre un exemplaire de ce rapport du Sierra Legal Defence Fund publié en 1997 et intitulé Containing Disaster: Global Lessons on Salmon Aquaculture.

Une voix: [Note de la rédaction: Inaudible]

Mme Karen Wristen: Désolée. Je peux essayer de vous procurer une copie ultérieurement. Je n'a pas l'intention de citer longuement le rapport dans mon exposé.

Le président: Allez-y, Karen.

Mme Karen Wristen: Merci beaucoup.

J'ai eu l'occasion de participer, pendant environ 18 mois, à un processus d'examen de l'aquaculture du saumon lancé par le gouvernement provincial, qui se penchait sur une région d'étude donnée, ici en Colombie-Britannique, pour tenter de déterminer, sur la base exclusivement des textes publiés concernant l'élevage du saumon, quels en sont les risques pour l'environnement, et en particulier pour les stocks de saumons sauvages. La conclusion tirée par l'équipe technique au complet, et à laquelle je souscris de tout coeur, est qu'il existe d'énormes lacunes dans les données dont nous aurions besoin pour cerner les effets, particulièrement sur les populations de poissons sauvages.

• 0905

Finalement, l'équipe technique et le gouvernement de la Colombie-Britannique ont formulé une évaluation des risques qui veut qu'au niveau actuel de production, c'est-à-dire avec quelques 120 sites agréés et environ 80 élevages en exploitation à tout moment, le risque pour les populations sauvages est apparemment faible.

Cette évaluation, je le souligne, est fondée sur le fait qu'il n'existe pas d'études d'impact sur le saumon sauvage. Du fait qu'aucun impact n'a pu être relié à l'exploitation des élevages, on postule que le risque est faible. Cette conclusion ne reposant sur aucune preuve, nous nous sommes penchés sur l'expérience à l'étranger, en collaboration avec Greenpeace, Friends of Clayoquot Sound et la David Suzuki Foundation. Les résultats de cette recherche figurent dans le rapport que j'ai mentionné, Containing Disaster.

Nous avons regardé ce qui se passe en Norvège, en Écosse, en Irlande et au Chili, les quatre pays qui pratiquent l'élevage du saumon depuis le plus longtemps. La Norvège le pratique depuis une trentaine d'années, et l'on peut donc s'attendre à ce que les problèmes que nous pouvons escompter ici au Canada s'y soient déjà manifestés. Ce que nous avons appris a été un véritable choc.

Je me limiterai ce matin au cas de la Norvège, car c'est l'exemple qui nous incite le plus à la prudence.

En Norvège, l'élevage du saumon a été initialement très peu réglementé et c'est ainsi que les piscicultures ont été établies très près les unes des autres et étaient très densément stockées. Les emplacements étaient également mal choisis au départ, au fond de baies et de fjords où les marées, et donc leur effet de chasse d'eau, étaient faibles. Plusieurs phénomènes se sont produits.

Des maladies et parasites jusqu'alors inconnus chez les poissons sauvages de Norvège ont commencé à apparaître avec une fréquence effrayante dans la population sauvage.

L'autre effet a été le déclin en chute libre de la population sauvage de saumon de l'Atlantique. Il y avait surpêche, tout le monde le savait. La population était déprimée en raison de la pression de pêche, mais les stocks correspondant à l'introduction de la pisciculture ont commencé à s'effondrer. Ils ont maintenant atteint un point où l'on n'espère plus les sauver. On s'attend maintenant à ce que, dans un an, le stock de saumon sauvage de Norvège sera complètement éteint.

Pour tenter de renverser la situation et combattre les parasites et maladies introduits dans les rivières... Je dois souligner ici le mécanisme. Ils sont introduits dans les rivières et par le poisson d'élevage échappé et par le poisson sauvage traversant les concentrations de poissons contenus dans les filets et ramassant au passage, surtout, les poux de mer. Ces parasites sont des vecteurs de transmission de toutes sortes de maladies aux populations sauvages. Les infestations de ces parasites autour des piscicultures sont devenues tellement massives en Norvège que les poissons sauvages les ramassent littéralement en passant à proximité des cages.

On a tenté deux mesures principales en Norvège pour remédier à ce problème, et nous avons réellement des leçons à en tirer. Premièrement, si vous ne réglez pas le problème assez vite, vous finissez par devoir empoisonner vos rivières pour le combattre. À ce jour, la Norvège toujours de la roténone dans ses principales rivières. Quelque 74 rivières ont maintenant été complètement empoisonnées trois fois, trois années de suite, pour tenter de détruire toute vie, dans l'espoir qu'elles pourront un jour être repeuplées de poissons sauvages.

Le deuxième enseignement de l'expérience norvégienne est qu'il faut absolument mettre en place certains règlements pour prévenir ces problèmes de maladies et de parasites. Les plus indispensables portent sur le choix des sites et la densité de peuplement de ces piscicultures.

La Norvège exige maintenant que les piscicultures soient situées à 20 kilomètres au moins de l'embouchure de tout cours d'eau à saumon. En effet, il est prouvé que les parasites et les maladies incubées dans ces piscicultures sont transmis aussi bien aux tacons à leur sortie des rivières qu'aux saumons sauvages adultes revenant frayer. On a donc éloigné les piscicultures des embouchures de rivière et veillé à ce qu'elles soient distantes d'au moins 20 kilomètres les unes des autres pour éviter ces pandémies dues au fait que les maladies sont transmises d'un élevage au suivant. La réglementation limite les densités de stockage à un niveau inférieur à ce qu'auraient voulu les pisciculteurs pour maximiser leur rendement économique.

Nous avons ignoré jusqu'à présent toutes ces leçons de prudence venant de Norvège, et qui se sont répétées en Écosse et en Irlande. Ces deux pays ont maintenant imposé des moratoires à l'ouverture de nouvelles piscicultures de saumons et cherchent à les restreindre et à resserrer la réglementation. Nous avons ignoré ces mises en garde.

• 0910

Au Nouveau-Brunswick, au cours des dernières semaines d'un examen de l'aquaculture du saumon dans la province, une épidémie a frappé, une maladie appelée AIS. Lorsqu'elle a été détectée pour la première fois dans les piscicultures, nous aurions dû écouter les leçons apprises en Norvège et dire: «Abattons tous les poissons, sortons-les de l'eau. Il n'y a pas de traitement de la maladie, il n'y a aucun moyen de l'enrayer et elle est extrêmement virulente».

Cela n'a pas été fait. Le ministère des Pêches et des Océans a tardé à donner cet ordre jusqu'à ce que la maladie se soit répandue dans plusieurs baies. Lorsque l'ordre a été finalement donné, il a été le fait de la province et les pisciculteurs s'y sont opposés car ils allaient devoir absorber la perte. Ils n'étaient pas pleinement assurés pour la valeur commerciale du poisson touché. Ils voulaient attendre qu'il ait une taille commercialisable et le vendre. La province a refusé.

Finalement, la province du Nouveau-Brunswick et le gouvernement canadien se sont retrouvés à payer la facture de l'industrie, soit quelque 10 millions de dollars d'argent du contribuable. Je crois savoir qu'une partie est sous forme de prêts et une autre sous forme de subventions directes, mais en fin de compte c'est un coût pour le contribuable qui n'est tout simplement pas justifié, vu le message renvoyé par l'industrie à la province.

Dans la lettre que je vous ai remise, datée du 29 juillet 1998, Greenpeace, la David Suzuki Foundation et le Sierra Legal Defence Fund ont essayé d'indiquer aux ministres fédéraux quels domaines de compétence fédérale exigent une révision dans toute cette affaire. L'une de nos raisons pour cela est le constat qu'un certain nombre de sources de financement fédérales se consacrent à la promotion de l'aquaculture et à la recherche en aquacole, ce qui semble enclencher une dynamique qui empêche de prendre le temps d'effectuer les analyses de risque et les études scientifiques voulues pour déterminer l'impact sur le saumon sauvage. J'ai signalé quelques-unes de ces subventions.

Sur le plan des subventions indirectes, le ministère des Pêches et des Océans lui-même—ce sont malheureusement des chiffres qui remontent à 1990—avait à l'époque plus de 200 personnes consacrées à l'aquaculture, à un coût annuel d'environ 16 millions de dollars. Le Conseil national de recherche, au cours de l'exercice 1989-1990, a alloué 550 000 $ à la recherche en aquaculture et, par le biais de son programme d'aide à la recherche industrielle, 1,7 million de dollars de plus ont soutenu la recherche aquacole. Entre 1982 et 1990, ce programme a octroyé plus de six millions de dollars à l'aquaculture.

Le Pacific Institute for Aquatic Biosciences a également bénéficié de fonds publics. Il s'agissait d'un laboratoire de West Vancouver qui a été racheté par un consortium largement financé par l'argent du contribuable et qui a été consacré à la recherche en aquaculture.

Le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie a engagé en 1988-1989 1,7 million de dollars de plus pour l'aquaculture. Le ministère de l'Industrie, des Sciences et de la Technologie a donné 200 000 $. Le programme de Planification de l'emploi, le ministère des Affaires extérieures et du Commerce international, l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, le ministère de la Diversification de l'Économie de l'Ouest ont tous contribué des millions au cours de la même période.

Virtuellement chaque organisme gouvernemental de financement s'est attaché à promouvoir cette industrie, sans que l'on évalue ce que cette industrie va perturber ou détruire. L'expérience de tous les autres pays qui se sont engagés dans cette activité montre qu'elle détruit la pêche du poisson sauvage, détruit le tourisme et les sociétés de pêche sportive qui dépendent du poisson sauvage et qu'elle transforme le littoral en zone industrielle au lieu d'être une zone à usage récréatif.

C'est en partie ce qui a motivé la lettre que je vous ai remise aujourd'hui. Je ne passerai pas en revue les recommandations qui commencent à la page 6 et occupent jusqu'à la page 10. Mais pour vous en donner les éléments saillants, les Premières nations sont très préoccupées, particulièrement ici en Colombie-Britannique, et la plupart rejettent l'implantation de ces piscicultures sur leur territoire traditionnel. Comme vous le savez, la portée des droits ancestraux sur l'eau et les ressources aquatiques n'a toujours pas été tranchée par les tribunaux.

• 0915

La densité d'empoissonnage et l'impact sur les populations sauvages sont les problèmes que j'ai déjà mentionnés. Ce qui s'est passé au Nouveau-Brunswick est réellement source de préoccupation pour nous ici, au Canada: nos règlements relatifs à la densité et à l'implantation des sites sont inadéquats. Je vous ai parlé de la solution norvégienne au problème, soit une distance de 20 kilomètres entre les piscicultures et les rivières à saumons. Les États-Unis exigent à certains endroits une distance de cinq kilomètres. Ces distances dépendent des conditions locales. Nous n'avons pas effectué en Colombie-Britannique le genre d'études qui nous permettraient de déterminer la distance minimale requise entre une pisciculture et une rivière à saumons.

Je peux vous raconter une anecdote intéressante que j'ai entendue justement hier, pour illustrer la façon dont les évaluations de risque sont menées et par qui. Une pisciculture est sur le point d'être relocalisée parce qu'elle était mal placée au départ. Elle est proche de Campbell River. La demande de déménagement a été présentée à la municipalité. Celle-ci l'a examinée et demandé: «L'endroit où vous prévoyez de l'installer est juste à côté d'un cours d'eau. Y a-t-il là du saumon?» L'organisme responsable du site a répondu qu'il ne savait pas, et la municipalité s'est adressée aux services de l'habitat du MPO et a demandé si, par hasard, il n'y avait pas du saumon dans ce cours d'eau. On lui a répondu: «Oh oui, c'est une rivière à saumon coho et il y a également de la truite fardée». La municipalité est retournée à la direction de l'aquaculture du MPO pour dire: «Vous ne pouvez mettre la ferme là, c'est une rivière à saumon». La direction a répondu: «Ce n'est pas une rivière à saumon importante».

Pourtant, au cours de ces dernières années, les mesures les plus draconiennes ont été imposées à nos pêcheurs professionnels et autochtones, au nom de la protection du saumon coho. Je ne sais pas comment on peut dire à un pêcheur ou à un Autochtone interdit de pêche qu'un cours d'eau contenant du saumon coho n'est pas important. Ce n'est certainement pas une évaluation de risque qui devrait être prise par le chef de la Division de l'aquaculture du ministère des Pêches et des Océans, mais c'est pourtant bien ce qui se passe.

Aucun organisme ne se lève pour dire non, vous ne pouvez installer une pisciculture sur une rivière à saumons car nous savons qu'il y aura des échappées dans cette rivière et nous savons qu'il y aura un impact sur la population sauvage. Personne ne le fait. Il incombe au gouvernement fédéral de protéger ce poisson et le but de cette lettre était précisément d'encourager toutes les autorités compétentes à collaborer pour s'acquitter de cette responsabilité. Cela n'est toujours pas le cas.

Nous n'avons obtenu aucune réaction à cette lettre, sauf à une demande précise, à savoir que quelqu'un étudie si l'épidémie d'AIS au Nouveau-Brunswick s'est étendue au saumon sauvage. Ces rapports d'études ont finalement été publiés l'an dernier. Ils indiquent qu'il y a effectivement un impact. La maladie a été isolée pour la première fois dans les populations sauvages de la côte du Nouveau-Brunswick. On ne sait pas encore ce que cela signifie pour la survie des espèces sauvages. Nous ne savons pas jusqu'où la maladie s'est répandue. Tout ce que je sais, c'est qu'elle a été décelée chez un certain nombre de poissons. Elle est là, c'est la réalité. Ce n'est pas une crainte fantaisiste.

Au moment où nous avons rédigé cette lettre, une grande inquiétude régnait sur ce qui se passerait si du saumon de l'Atlantique échappé des cages à filets, ici en Colombie-Britannique, remontaient nos rivières et frayaient. Le ministère allait répétant que ces poissons ne pourraient survivre dans la nature, seraient incapables de trouver une rivière de fraye et que les alevins ne survivraient pas, et qu'il n'y avait pas lieu de s'inquiéter. Toutes ces dénégations ont été répétées pendant une dizaine d'années.

Finalement, l'année dernière, un chercheur, le seul qui étudie les impacts, M. John Volpe, a découvert un saumon de l'Atlantique juvénile. Il a maintenant découvert deux classes d'âge différentes dans trois bassins hydrographiques différents, ce qui prouve bien que tout ce que le MPO disait était faux. Le saumon de l'Atlantique se reproduit dans la nature. Cela ne signifie pas qu'il prend la haute main dans nos rivières ni qu'il les a colonisées, mais simplement qu'il est capable de le faire—une menace de plus pour nos stocks de saumons sauvages.

Le président: Puis-je vous interrompre un instant? Je suppose que vous et Lynn témoignez ensemble, sinon nous allons manquer de temps.

Mme Lynn Hunter (spécialiste en pêche et aquaculture, David Suzuki Foundation): Je présente un exposé distinct.

Le président: Je vais m'en tenir à une demi-heure par témoin aujourd'hui, car nous en avons beaucoup. Il nous reste maintenant dix minutes pour les questions, si vous pouviez conclure rapidement...

Mme Karen Wristen: Oui, certainement. En fait, je peux m'arrêter tout de suite pour répondre à vos questions, car tous les points que nous voulons aborder sont pleinement énoncés dans cette lettre.

• 0920

Mais avant de terminer j'aimerais dire encore un mot sur l'impact sur les populations sauvages. Lorsque je siégeais au Comité d'examen de l'aquaculture du saumon, j'ai demandé au représentant du ministère des Pêches et des Océans, Ron Ginetz, qui dirige la direction de l'aquaculture, de nous fournir—afin que nous puissions tous l'examiner—une carte montrant les routes de migration du saumon sauvage et les principales aires d'attente et d'alimentation dans notre zone d'étude, l'archipel de Broughton, vu que c'est tout de même la première chose qu'il faut connaître avant de choisir un site d'implantation de pisciculture.

Cette cartographie des routes de migration était censée avoir été effectuée en 1992 par le ministère lorsqu'il a effectué sa première étude de faisabilité de la pisciculture dans l'archipel. Je ne sais pas si cette carte a jamais été dressée ou non. Le MPO ne nous l'a jamais fournie. On voit donc à quel point nous sommes loin de pouvoir déterminer s'il est possible de faire cohabiter le saumon sauvage et le saumon d'élevage. L'expérience de tous les autres pays du monde montre que c'est impossible, et il n'y aucune raison de penser que cela marchera chez nous.

Le président: Merci. Je veux m'assurer d'une chose. La lettre dont vous parlez est-elle celle adressée à David Anderson, Christine Stewart et Jane Stewart?

Mme Karen Wristen: C'est juste.

Le président: Avez-vous obtenu une réponse? Vous dites avoir reçu une réponse à un élément. Avez-vous obtenu une réponse complète?

Mme Karen Wristen: Non, jamais. Les trois ministres ont accusé réception. La ministre Christine Stewart nous a répondu, mais sans aborder les questions soulevées.

Le président: Nous demanderons des copies de cette correspondance aux divers ministères.

John Cummins aura le premier tour. La période des questions sera très brève.

M. John Cummins (Delta—South Richmond, Réf.): Merci beaucoup de cet exposé.

La réponse du MPO au problème que vous avez soulevé sera certainement: oui, des problèmes ont existé, mais nous les avons réglés. Que répliqueriez-vous à cela?

Mme Karen Wristen: Si c'est le cas, j'aimerais bien voir les solutions, car on prévoit toujours—en date d'hier—une pisciculture de saumons qui doit être installée sur une rivière à saumons dont quelqu'un dit qu'elle n'est pas importante. Eh bien, moi je dis qu'elle est importante. Il ne fait aucun doute que c'est l'un des principaux facteurs à déterminer s'il est question de développer cette industrie. On n'a toujours pas effectué d'études sanitaires sur les populations sauvages pour cerner les impacts. On utilise toujours de procédés de piégeage du poisson, alors qu'il est prouvé qu'ils sont inopérants et ne prennent pas les bonnes espèces. À ma connaissance, rien n'a été fait pour prévenir l'impact sur le poisson.

Mme Lynn Hunter: Puis-je répondre également?

M. John Cummins: Certainement.

Mme Lynn Hunter: Lorsque j'étais députée, j'ai eu le privilège de siéger au Comité de l'environnement en 1990 et d'entendre une délégation d'un comité parlementaire norvégien venu nous rendre visite. Je me souviens du témoignage. En réponse à la question de M. Fulton sur le désastre survenu en Norvège, le député norvégien, M. Blankenborg, a indiqué:

    Ce que nous voyons, c'est peut-être une faiblesse de la structure de contrôle et de réglementation dans ce domaine. D'une certaine façon [...] le ministère de l'Environnement fonctionne à peu près comme un organisme de premiers soins.

Plus loin, un autre député norvégien a déclaré:

    Nous avons une loi sur les concessions. Il faut détenir une concession pour être pisciculteur. Nous sommes très stricts sur la qualité et les contraintes environnementales. De ce fait, certains des pisciculteurs sont partis au Canada.

C'est exactement ce qui s'est passé. Les pisciculteurs qui ont causé tous les dégâts en Norvège sont maintenant installés au Canada et le ministère des Pêches et des Océans les finance et les soutient.

M. John Cummins: Peut-être, monsieur le président... [Note de la rédaction: Difficultés techniques]...

Le président: C'était en 1990, avez-vous dit.

Mme Lynn Hunter: Oui, j'ai ici une copie que je peux vous laisser.

Le président: [Note de la rédaction: Difficultés techniques]... John.

M. John Cummins: Le MPO cherche à recouvrer ses frais auprès des pêcheurs professionnels sous forme de droits de permis... [Note de la rédaction: Difficultés techniques]... ce matin que ces sociétés d'aquaculture ont touché des subventions de divers organismes. Sont-elles tenues de payer des redevances ou des droits de licence pour l'utilisation de l'eau et les sites qu'elles exploitent?

Mme Karen Wristen: Pas au gouvernement fédéral. Elles paient un droit de permis pour la concession au gouvernement provincial lorsqu'elles... [Note de la rédaction: Difficultés techniques]

M. John Cummins: Elles ne paient donc aucune redevance pour les études scientifiques qui seraient requises aux fins de la sécurité des populations sauvages. Elles ne versent aucun droit pour ce genre de choses?

• 0925

Mme Karen Wristen: Non, rien de la sorte. En fait, toutes les études scientifiques menées portent sur l'amélioration des poissons d'élevage eux-mêmes. On dépense des tonnes d'argent pour mettre au point de meilleurs poissons d'élevage et rien pour les stocks sauvages.

Nous avons effectué une analyse économique du rendement sur l'investissement dans les années pour lesquelles nous avions les chiffres—de l'investissement public, littéralement—dans l'aquaculture du saumon. Il en ressort que l'industrie dans son ensemble coûte à l'État. Autrement dit, elle consommait plus sous forme de subventions et versements directs qu'elle ne rapportait sous forme d'impôts et de droits de licence.

Le président: Monsieur Bernier.

M. Yvan Bernier (Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine— Pabok, BQ): Je ferai de mon mieux en anglais, monsieur le président, mais ensuite, si on pouvait faire marcher le système de son, je proposerais de faire une petite pause pour cela. Mais je poserai ma première question en anglais.

Je n'ai pas eu le temps de lire tout votre mémoire, mais je vous ai écouté attentivement. Vous dites qu'il existe une corrélation nette ou un lien entre la concentration de piscicultures à filet et l'effondrement des populations sauvages.

J'ai noté également que vous mentionné John Volpe dans votre texte. Tout le monde nous dit, y compris John Volpe lui-même, qu'il est le seul chercheur au Canada, dans le nord-ouest du continent américain, à étudier le saumon de l'Atlantique. Mais des études scientifiques ont-elles fait apparaître ce lien à l'étranger?

C'est nous qui faisons les lois et nous devons veiller à ne léser personne. Il y a peut-être un lien apparent, mais cela nous faciliterait la tâche si nous avions des preuves scientifiques. Si vous pouviez nous indiquer des études établissant ce lien, nous serions heureux de les connaître.

Mme Karen Wristen: Certaines de ces sources sont citées dans le rapport que je vous ai remis aujourd'hui. L'introduction fait référence à l'Organisation pour la conservation du saumon de l'Atlantique Nord. Celle-ci a organisé un certain nombre de colloques au fil des ans traitant précisément de cette question, de l'impact sur les populations sauvages.

Par ailleurs, un certain nombre d'excellents articles ont été rédigés sur l'expérience de la Norvège, de l'Irlande et de l'Écosse, en particulier, où les liens entre le préjudice causé aux stocks sauvages et les piscicultures ont été établis au moyen de tests génétiques sur les poux de mer trouvés dans les populations sauvages. Ces poissons arrivaient dans les rivières couverts de ces poux. On a effectué des tests génétiques et découvert que ces poux provenaient des piscicultures. C'est ainsi que le lien a été établi.

Ce n'est pas un phénomène qui s'est produit ici en Colombie-Britannique, jusqu'à présent, ou à notre connaissance, ni au Nouveau-Brunswick, à notre connaissance, mais c'est certainement la première preuve qu'il y a transmission directe de maladies et de parasites des poissons d'élevage aux poissons sauvages. Comme je l'ai dit, les renseignements se trouvent dans les documents de travail de l'OCSAN.

M. Yvan Bernier: Mais est-il vrai que dans ces autres pays la disparition des stocks sauvages a commencé à peu près au moment de l'ouverture des piscicultures à filets ouverts? Or, si je regarde ce qui s'est passé en Colombie-Britannique, la pisciculture est pratiquée depuis 10 ou 15 ans, mais c'est depuis peu seulement que l'on a constaté un effondrement des populations sauvages.

Mme Karen Wristen: Les corrélations sont assez nettes en Norvège mais encore plus claires en Irlande, où les stocks de truite de mer se sont effondrés dans un certain nombre d'endroits. En Irlande, la pisciculture a été autorisée sur certaines parties du littoral et interdite sur d'autres, et la différence a été très marquée. Là où il y avait des piscicultures, les populations se sont effondrées.

En outre, dans ces zones, lorsqu'on a constaté cet effondrement, on a obligé les piscicultures à fermer. Les populations de truite sont revenues.

La connexion a donc été établie, peut-être sans une certitude scientifique absolue mais avec au moins une coïncidence ou corrélation suffisante des événements pour se convaincre qu'il y a un impact.

M. Yvan Bernier: Merci.

• 0930

Le président: Monsieur Sekora.

M. Lou Sekora (Port Moody—Coquitlam—Port Coquitlam, Lib.): Merci beaucoup.

J'ai écouté votre exposé et je formule énormément de réserves et aimerais davantage de renseignements sur certaines choses que vous avez dites. L'une des difficultés que je vois, c'est lorsque vous dites «quelqu'un a dit» au sujet du saumon de l'Atlantique, par exemple qu'on ne sait pas où il fraie ni où il va, ce genre de choses.

Pourriez-vous me trouver cela par écrit? J'ai beaucoup de mal avec le ouï-dire. Je suis ici pour prendre des décisions et je veux le faire sur la base de documents écrits, et non pas ouï-dire. Qui est ce «quelqu'un»? Vous pouvez peut-être me faire parvenir cela par écrit.

Mme Karen Wristen: Non, en fait je ne peux probablement pas. Comme je l'ai dit, ce sont là des assurances qui avaient été données par le ministère des Pêches et des Océans tout au long d'une dizaine d'années, lorsqu'on signalait des poissons échappés dans les rivières. Tous ces renseignements sont anecdotiques et ils sont maintenant complètement dépassés. Nous connaissons aujourd'hui la vérité. Les poissons peuvent s'échapper et ils peuvent coloniser nos rivières.

Donc, du point de vue du législateur, voilà le fait dont vous devez partir: la recherche menée par John Volpe qui établit que ces poissons peuvent coloniser nos rivières.

M. Lou Sekora: La deuxième question que j'aimerais vous poser concerne les erreurs commises en Norvège. En Colombie-Britannique, en tout cas, ils semblent penser qu'ils font les choses comme il faut, qu'ils les implantent aux bons endroits.

Si les piscicultures sont une chose aussi désastreuse, pourquoi la province de Colombie-Britannique annule-t-elle le moratoire sur l'élevage du saumon, si elle n'a pas les données en main et ne sait pas ce qu'elle fait? Si un parti autre que le NPD était au pouvoir en Colombie-Britannique...

M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Ho là, Ho là.

M. Lou Sekora: Non, désolé, Peter, je vous aime bien.

Le fait est qu'il se considèrent comme très écologiste et tout ce que vous voudrez—donc, pourquoi? J'aimerais en savoir un peu plus.

Mme Karen Wristen: C'est la question que je me pose moi-même sans cesse. La seule réponse que je puisse donner est celle-ci.

Premièrement, le moratoire n'a pas été levé. Nous autorisons...

M. Lou Sekora: Les permis préexistants.

Mme Karen Wristen: Les permis existants.

M. Lou Sekora: Oui.

Mme Karen Wristen: Les 120 concessions, si vous voulez, vont devenir opérationnelles. Seules 80 d'entre elles étaient exploitées.

Donc, premièrement, le moratoire n'a pas été levé. Deuxièmement, nous sommes en train d'arrêter les critères d'implantation voulus. C'est reconnaître que, pour le moment, nous ne savons pas.

Je siège à un autre organe gouvernemental encore, le Salmon Aquaculture Implementation Advisory Committee, qui a pour mission d'examiner les propositions des organismes en matière d'implantation et de déterminer si nous en savons assez pour prendre les décisions quant aux sites.

C'est donc loin d'être fait. Nous nous débattons encore avec toutes ces questions, mais nous le faisons sans l'aide et sans le soutien du ministère fédéral des Pêches et des Océans et du ministère fédéral de l'Environnement.

Le président: Merci, Karen.

Monsieur Stoffer.

M. Peter Stoffer: Merci.

Lou, au sujet de ce que vous avez dit, tout cela peut changer lorsque le nouveau premier ministre formera son nouveau cabinet. Qui sait quelles décisions seront prises?

J'ai deux questions rapides pour vous. En ce qui concerne le cours d'eau sur lequel doit être située cette pisciculture, il serait bon que vous nous donniez des renseignements détaillés: qui est le propriétaire et qui prend les décisions. Nous pourrons peut-être intervenir à ce sujet.

On nous a parlé hier d'une campagne visant à étiqueter les poissons d'élevage dans les restaurants et les magasins et à accorder le label «organique» aux poissons sauvages. J'aimerais connaître votre avis à ce sujet.

Le président: C'est mentionné dans la lettre.

Mme Karen Wristen: Oui, c'est une campagne qui a l'appui des organisations de consommateurs, des écologistes et des Premières nations. Si ces produits d'élevage sont aussi sûrs qu'on le dit, l'étiquetage ne devrait pas nuire à l'industrie.

C'est certainement un enjeu important pour les consommateurs qui veulent savoir ce qu'ils mangent et si leur nourriture risque de contenir des antibiotiques, des médicaments et produits chimiques couramment employés pour produire ces poissons. Beaucoup de gens souffrent d'allergies et ont besoin de savoir si leur poisson contient ces produits chimiques. À l'heure actuelle, on ne peut savoir.

En outre, la pratique des magasins qui affichent du saumon «frais» est trompeuse. Il faut se demander si c'est du poisson d'élevage ou sauvage, ou bien il faut connaître les dates des saisons de pêche et deviner si le poisson peut être sauvage ou non. Tous les consommateurs ne sont pas aussi bien informés. On peut donc faire passer ce poisson pour du saumon sauvage.

M. Peter Stoffer: J'ai une dernière question, monsieur le président.

J'ai remarqué que vous vous concentrez sur les piscicultures. Est-ce que votre organisation est autant préoccupée par l'élevage des coquillages?

• 0935

Mme Karen Wristen: Oui, et là encore il s'agit du choix des sites et de l'utilisation des terrains publics. Dans quelle mesure l'usage public souffrira-t-il de l'octroi de concessions privées à ces exploitants?

M. Peter Stoffer: Merci.

Le président: Merci.

Madame Hunter, vous avez la parole.

Mme Lynn Hunter: Merci, monsieur le président. Je veux moi aussi remercier très sincèrement le comité d'être venu sur la côte Ouest pour étudier cette question. Je suis sûre que vous aurez entendu des témoignages très contradictoires.

J'ai l'intention de vous présenter un très court mémoire et de proposer ensuite quelques domaines sur lesquels vous voudrez peut-être poser des questions.

L'en-tête de la David Suzuki Foundation comporte les mots «en quête de solutions». Le but de la fondation n'est pas seulement de dénoncer les problèmes environnementaux, mais aussi de trouver de solutions. Ce sont là les mêmes valeurs qui président au travail de la fondation relatif à l'aquaculture du saumon en cages à filets.

Cela dit, j'ai l'intention de résumer certains des problèmes dont on vous a déjà parlé et de proposer ensuite une solution qui les réglerait. Celle-ci consiste à remplacer dès maintenant les cages à filets conventionnelles par des systèmes de confinement à circuit fermé.

On vous a parlé de certains des problèmes de maladie. Vous les verrez dans mon résumé ici. On vous a parlé du problème des saumons échappés. On vous a parlé des problèmes de l'interaction entre le poisson d'élevage et le saumon sauvage. On vous a parlé de certains des problèmes de pollution. Tous ces problèmes seraient réglés avec les systèmes de confinement à circuit fermé. Avec eux, les maladies sauvages resteraient dehors et les maladies de pisciculture à l'intérieur. Je suis sûre que tous les membres connaissent le principe du condom. C'est la même chose.

Ils préviennent également la mortalité due aux «fleurs d'eau», les proliférations d'algues, qui représentent un problème majeur pour l'industrie et lui coûtent très cher lorsque les fleurs d'eau surviennent et tuent tous leurs poissons. Le système de confinement à circuit fermé garde le poisson d'élevage enfermé et empêche l'entrée des poissons sauvages, phoques, loutres de mer et oiseaux, évitant aux uns d'être mangés et aux autres d'être abattus.

Puis, il y a l'interaction. Les scientifiques canadiens les plus en vue disent qu'elle est mauvaise. Les systèmes à circuit fermé sûrs sont la solution. L'honorable John Fraser, ancien ministre des Pêches et maintenant président du Pacific Fisheries Resource Conservation Council, a déclaré l'année dernière que ces systèmes devraient être installés à terre. Je pense que cet homme a suffisamment l'expérience du dossier de la pêche pour que l'on écoute son conseil.

En ce qui concerne la pollution et les médicaments qui se déposent dans les sédiments, des systèmes de confinement à circuit fermé sûrs mettraient fin au déversement de ces pathogènes, médicaments et déchets dangereux.

Le Parlement a le devoir de protéger le saumon sauvage et il ne s'en acquitte pas. Nous sommes appelés à intenter des poursuites pour refus de responsabilité. Voilà le terme. Cela signifie que le gouvernement fédéral ne fait pas son travail, soit protéger le poisson sauvage. J'exhorte le comité permanent à recommander l'arrêt de l'aquaculture du saumon en cages à filets et l'introduction progressive des systèmes de confinement sûrs à circuit fermé.

Je voudrais maintenant suggérer quelques questions. Je crois savoir qu'Alexandra Morton a comparu devant ce comité à Campbell River et a fait état de la présence de pathogènes dans du poisson qu'elle avait envoyé au département de pathologie de l'Université de Guelph pour analyse. Le rapport d'analyse dressait la liste des médicaments trouvés dans ce poisson. Or, l'Agence canadienne d'inspection des aliments ou Santé Canada n'autorise que quatre médicaments en aquaculture. Je veux demander au comité ce qu'il a l'intention de faire suite au témoignage d'Alexandra Morton.

• 0940

Vous avez également entendu à Campbell River Yves Bastien. Lorsque j'ai assisté à la Conférence sur l'aquaculture canadienne en octobre dernier, j'ai pris des notes détaillées de toutes les interventions. J'en ai ici des copies. Je me ferai un plaisir de vous remettre mes notes écrites, ainsi que les copies de la correspondance que j'ai échangée à ce sujet avec M. Dhaliwal, le ministre.

Je sais que vous allez entendre un certain M. Peterson cet après-midi. Il est docteur en génétique. Il a travaillé sur les vaches. Yves Bastien lui a commandé un rapport sur l'interaction entre les saumons d'élevage et sauvages et sa position est: ne vous inquiétez pas, tout va bien. Les propos et le rapport de M. Peterson ont tous deux été vigoureusement réfutés par les scientifiques du ministère des Pêches et des Océans. Cette réaction nous a été communiquée par une source journalistique. Il semble que le ministère des Pêches et des Océans compte des gens honnêtes qui commencent à en avoir assez de voir leur ministère soutenir et promouvoir cette industrie et essaient maintenant de faire leur devoir en faisant parvenir des documents aux médias.

Je sais que vous avez également entendu parler de l'utilisation de l'ivermectine. L'ivermectine est interdite en milieu marin. J'ai également apporté quelques documents sur cette question.

Enfin, j'aimerais parler des systèmes de confinement à circuit fermé et également du rapport sur la sédimentation. J'en ai ici une copie. Nous avons obtenu ce document du gouvernement provincial au moyen d'une demande d'accès à l'information et il forme la base de ma poursuite privée contre l'une des piscicultures de l'archipel de Broughton.

Là-dessus, Karen et moi sommes à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le président: J'irai d'abord à John, puis à Lawrence et à Sarkis.

Mais auparavant, en ce qui concerne la déclaration d'Yves Bastien, celle-ci a déjà été évoquée. Mais voilà ce qu'il a dit ici, dans son mémoire:

    Toutefois, nous partons avec un handicap plutôt paradoxal—une industrie de la pêche vigoureuse et des ressources halieutiques toujours abondantes. L'existence même de cette industrie et l'abondance des ressources maritimes donnent naturellement naissance à débat. Devrions-nous recourir à l'aquaculture? Le développement de l'aquaculture ne va-t-il pas avoir des répercussions négatives sur la pêche et nos ressources maritimes?

Il poursuit dans la même veine. À tout le moins, selon son discours ici, il n'a pas fait la déclaration que les témoins antérieurs lui reprochent.

Monsieur Cummins.

M. John Cummins: Merci beaucoup, monsieur le président.

Lynn, avant de poser mes questions, j'aimerais vous féliciter du travail que vous avez effectué sur cette question au fil des ans. Je pense que vous avez énormément contribué au débat et, pour ma part, je l'apprécie grandement. Je sais que je ne suis pas seul.

Vous avez indiqué, Lynn, que le Parlement, en fait le ministre, a la responsabilité constitutionnelle de protéger le saumon sauvage. Sachant que le ministre dirige la pêche commerciale du saumon en mettant fortement l'accent sur le principe de précaution, je trouve que ce principe est absent de sa gestion de l'aquaculture. Qu'en pensez-vous? Partagez-vous cet avis?

Mme Lynn Hunter: Je pense que la structure du ministère empêche que le ministre soit bien conseillé, et cela me ramène à ce que les parlementaires norvégiens nous ont dit. Nous sommes aveugles à ce qui s'est passé en Norvège, en Écosse ou en Irlande et nous nous engageons gaiement sur ce même chemin qui mène au désastre.

Je sais que vous entendrez d'autres témoins qui ont travaillé officiellement avec le ministère des Pêches et des Océans. Il semble que la Division de l'habitat soit en guerre avec la Division de l'aquaculture. La Division de l'habitat connaît les dégâts causés par l'aquaculture à l'environnement marin, mais la Division de l'aquaculture dispose de plus de ressources. Par conséquent, le ministère devient le chef de claque pour l'industrie.

• 0945

Comme Karen l'a dit, à un moment où il n'y pas de ressources pour les pêcheurs professionnels et ceux qui traditionnellement tirent leur alimentation et leur subsistance de l'océan, le ministère promeut une industrie qui détruit activement l'environnement marin et le poisson qui y vit.

M. John Cummins: Dans la même veine, M. Bastien se considère comme l'avocat de l'aquaculture, alors qu'il me semble que quelqu'un dans sa situation devrait plutôt jouer un rôle de chien de garde objectif. Je suis sûr que vous êtes d'accord avec moi.

Mme Lynn Hunter: Absolument, et ce que je constate, c'est que le contribuable canadien finance l'organisation des relations publiques du secteur aquacole. C'est scandaleux lorsque l'on songe—comme vous l'avez précisé—que l'obligation constitutionnelle du gouvernement est de protéger le poisson sauvage. Au lieu de cela, on utilise les ressources publiques pour promouvoir un pollueur.

M. John Cummins: Merci.

Le président: Merci, John.

Monsieur O'Brien.

M. Lawrence D. O'Brien (Labrador, Lib.): Sarkis doit partir. Je lui cède la place.

Le président: Monsieur Assadourian.

M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.): J'ai trois brèves questions.

Vous avez comparé les piscicultures de saumons canadiennes et de Norvège. Nous avons entendu hier un témoin qui dirige un syndicat autochtone. Il a dit qu'il n'y a pas de problème. En gros, il dit que l'élevage du saumon de l'Est ne pose pas de gros problèmes. Mais vous-mêmes me dites que le saumon élevé en Norvège est le même saumon de l'Atlantique que nous avons sur la côte Est. Est-ce exact?

Mme Lynn Hunter: Oui.

M. Sarkis Assadourian: Pourriez-vous donc nous parler de cette situation? Voilà ma première question.

Ma deuxième question porte sur votre première page, à la rubrique problèmes, où vous mentionnez la pollution et le fait que les piscicultures produisent la même quantité d'eaux usées qu'une ville de 500 000 habitants. La semaine dernière, nous sommes allés faire un tour en mer. On nous a montré où débouche l'égout, à 1,2 kilomètre du rivage dans un endroit où les courants dispersent les eaux usées, si bien qu'il n'y a pas de problème.

Les piscicultures plus au Nord nous ont dit la même chose. Tous les déchets sont dispersés par les courants et sont naturellement neutralisés par l'action de l'océan. Me dites-vous que les dommages causés sont les mêmes que ceux d'une ville de 500 000 habitants? Pouvez-vous me répondre sur ces deux points, s'il vous plaît?

Mme Lynn Hunter: Oui. Karen voudrait répondre à la deuxième question.

M. Sarkis Assadourian: Mais cela figure dans votre documentation. Suzuki...

Mme Karen Wristen: J'ai représenté la David Suzuki Foundation tout au long de processus d'examen de la pisciculture du saumon et lors de la rédaction de ces rapports. J'en sais peut-être un peu plus que Lynn, particulièrement en ce qui concerne les déchets.

Le problème du rejet des déchets au fond de l'océan comporte plusieurs dimensions, mais permettez-moi d'abord de traiter de l'accumulation, puisque vous dites que le courant emporte tout. Oui, à la pisciculture que vous avez vue, il est sûr que le courant les disperse.

Nous avons environ 80 piscicultures sur la côte, dont une vingtaine doivent être relocalisées parce que les courants ne dispersent pas les matières fécales et produits chimiques. Ces déchets s'accumulent sur le fond de l'océan à tel point que le mécanisme naturel de décomposition s'est arrêté. De l'hydrogène sulfuré se forme sous les piscicultures et remonte en bulles à la surface. C'est mortel pour l'homme. C'est mortel également pour le poisson. Cela montre à quel point certaines de ces piscicultures sont mal situées et combien nous sommes loin de savoir ce qu'est un bon emplacement de pisciculture.

Certaines sont bien situées. Certaines sont situées dans un endroit aussi bon que possible pour des cages à filet, et c'est peut-être celle que vous avez vu. Mais ce n'est certainement pas généralisé. Lorsque le gouvernement provincial a finalement effectué quelques sondages de sédiments au cours de l'été 1997 et présenté le rapport en 1998, on a constaté que 13 piscicultures doivent être relocalisées d'urgence parce que le problème du gaz d'hydrogène sulfuré a atteint un tel niveau qu'il pose un risque pour la santé tant des poissons que des employés. Voilà jusqu'où cela est allé.

Vous devez faire preuve d'un peu de scepticisme. Lorsqu'on vous emmène faire ces visites, on ne vous montre habituellement pas le pire.

M. Sarkis Assadourian: Avant que vous passiez à la deuxième question, j'en ai une très brève.

Le président: Allez-y.

• 0950

M. Sarkis Assadourian: On nous a montré ce merveilleux livre hier. Il est très bien fait. Connaissez-vous l'expression qui dit qu'une image vaut mille mots? Si vous pouviez peut-être nous procurer une photo du site contaminé—où le gaz remonte en bulles—nous pourrions faire comme le gouvernement fédéral à l'égard des fumeurs: voici un poumon sain, voici un poumon cancéreux.

Mme Karen Wristen: J'ai quelques jolies photos de saumon de l'Atlantique d'élevage échappés couverts de ravissants ulcères, si vous les voulez.

M. Sarkis Assadourian: Je veux voir le fond de l'eau, si c'est possible.

Mme Karen Wristen: Il est un peu difficile de prendre une photo du fond de l'océan...

M. Sarkis Assadourian: Je suis sûr qu'il y a moyen.

Le président: Si vous avez quelque chose de cette sorte, madame Wristen, nous aimerions le voir.

Lynn.

Mme Lynn Hunter: Oui, la David Suzuki Foundation a effectivement diffusé un enregistrement vidéo montrant ce qui se passe sous les piscicultures, et je serai ravie de vous en remettre une copie. Ce n'est qu'une séquence de trois minutes, mais elle montre exactement... C'est un paysage lunaire.

Le président: Quelle année a-t-il été tourné?

Mme Karen Wristen: En 1997 ou 1998.

Le président: Très bien. Envoyez-le nous. Nous en serons ravis.

Allez-y.

Mme Lynn Hunter: Nous avons demandé accès au rapport sur la sédimentation, au nom de la David Suzuki Foundation. Il s'agissait d'une enquête portant sur 30 piscicultures de l'archipel de Broughton et elle a établi l'existence d'une pollution. J'ai une copie de ce rapport. Il est le fait de biologistes professionnels du ministère provincial, qui ont constaté que les déchets des piscicultures s'accumulent à un rythme supérieur à celui de la décomposition—autrement dit, elles polluent; que 10 p. 100 des piscicultures présentaient des conditions anoxiques benziques jusqu'à 50 mètres au-delà de leur périmètre; et que 20 p. 100 des piscicultures de l'échantillon présentaient des concentrations de zinc dangereuses dans les sédiments. L'une présentait de fortes concentrations de zinc au-delà du périmètre, soit à plus de 50 mètres.

Ce n'est pas nous qui écrivons cela, c'est le ministère provincial de l'Environnement. C'est cela qui forme la base de ma poursuite privée.

J'ai également une copie du mandat de perquisition. Un agent des pêches du ministère des Pêches et des Océans a confirmé l'existence de la pollution. C'est la un document du tribunal, un document public, et j'ai donc pu l'obtenir. La date fixée pour le procès dans cette affaire est le 1er mars 2000, à Campbell River.

Ce n'est pas le rôle d'un particulier que de poursuivre une pisciculture. C'est le travail du ministère des Pêches et des Océans, et il ne le fait pas. Les membres de ce comité ont le devoir envers le Parlement d'exiger que le ministère fasse son travail. Il y a de bons employés dans le ministère qui veulent faire leur travail, mais ils en sont empêchés. Je ne puis spéculer sur les raisons, mais je pense qu'il vous incombe en tant que parlementaires de veiller à ce que le ministère fasse son travail de protection du poisson sauvage et de l'environnement marin.

Le président: Merci, Lynn.

Je vais passer à M. Stoffer.

M. Peter Stoffer: Merci encore, Lynn. Encore une fois, nous apprécierons grandement tout autre document que vous pourrez nous remettre.

J'essaie de trouver une logique. Lorsque M. Dhaliwal a été nommé ministre, le premier mot qui est sorti de sa bouche était «aquaculture». Et M. Streifel annonce que le moratoire sur la création de nouvelles piscicultures pourrait être levé sous certaines conditions. Pourtant, nous savons que le gouvernement a la responsabilité constitutionnelle de protéger le poisson sauvage et son habitat. On nous a dit également que bon nombre des piscicultures ne sont pas des exploitations indépendantes, qu'elles appartiennent à des grosses sociétés. Je me demandais donc si vous pourriez m'éclairer et me dire qui possède ces piscicultures et quelle influence ces personnes pourraient exercer sur le ministère. J'essaie de comprendre pourquoi le ministère fait ce qu'il fait.

Avez-vous connaissance de faits ou de documents qui établiraient une relation très amicale entre l'industrie et le MPO ou le ministre des Pêches?

Mme Lynn Hunter: La plus grosse, que je traîne en justice, Stolt Sea Farm, est une société norvégienne, et je vous ai déjà dit tout à l'heure que les pisciculteurs tendent à venir de Norvège. Il s'agit surtout de sociétés multinationales. Je ne veux pas spéculer sur la raison pour laquelle le gouvernement fédéral promeut l'aquaculture au lieu de faire son devoir d'organisme public et de protéger l'environnement marin. Je pourrais spéculer en privé, mais je ne veux pas le faire devant un comité parlementaire.

J'ai perdu le fil. Karen, pourriez-vous le retrouver?

Mme Karen Wristen: Oui, je peux.

Voilà du beau travail d'équipe. Ce que Lynn allait vous dire...

Le président: J'ai essayé cela quelque fois avec Peter, mais cela ne marche pas.

• 0955

Une voix: [Note de la rédaction: Inaudible]

Le président: Uniquement les réformistes.

Allez-y, Karen.

Mme Karen Wristen: Merci.

Deux sociétés nationales ont lourdement investi dans l'aquaculture, du moins sur cette côte, et il s'agit de Weston Foods et de B.C. Packers. Je ne veux pas spéculer sur les liens qu'elles pourraient avoir avec le gouvernement fédéral ou le MPO, mais ce sont là les acteurs canadiens.

Comme Lynn l'a dit, les multinationales sont principalement basées en Norvège, mais certaines ont leur siège aux États-Unis. Je crois savoir que le gros fabricant d'aliments pour animaux qui finance une bonne partie de ce qui se fait ici, EWOS, a son siège aux États-Unis, dans l'État du Maine, si je ne m'abuse.

M. Peter Stoffer: J'en viens à ma dernière question. On nous raconte qu'on installe ces lumières au fond des cages en prétendant que le poisson croîtra plus vite, avec une réduction d'environ 30 p. 100 des frais d'alimentation. Cela amène d'aucuns à se demander ce que mangent donc ces poissons, à la place des aliments fabriqués. Auriez-vous des indications à ce sujet.

Nous savons que lorsque le poisson est envoyé au conditionnement, il a le ventre vide car on ne le nourrit pas pendant quatre, ou cinq, ou un certain nombre de jours avant l'abattage. Mais il semble que le poisson mange autre chose que la seule nourriture qui lui est jetée. Vos études contiennent-elles quelques indications de ce qu'ils peuvent manger d'autres dans ces cages?

Mme Lynn Hunter: Ils peuvent manger d'autres petits poissons, notamment les saumoneaux sauvages descendant des cours d'eau. C'est pourquoi la localisation est si importante. Karen vous a dit hier lors de votre entretien que ces petits poissons sauvages sortent des cours d'eau.

J'aimerais également signaler les résidus qui inquiètent tant. J'ai ici un article du New England Journal of Medicine qui parle du streptococcus iniae, qui est un agent pathogène du poisson qui peut causer des épidémies dans les piscicultures. Or, on dit dans cet article qu'un certain nombre de personnes à Toronto ont contracté cette infection en manipulant du poisson. Je sais que lorsque Alexandra Morton a témoigné, elle a dit savoir aujourd'hui qu'elle ne devrait manipuler ce poisson qu'avec des gants. Elle a bien raison, car des gens se sont retrouvés à l'hôpital avec ces infections.

Le président: M. O'Brien, M. Bernier, puis M. Duncan, pour terminer.

M. Lawrence O'Brien: Merci, monsieur le président.

Tout d'abord, j'aimerais remercier les témoins, car elles ont bien expliqué leur point de vue et fourni beaucoup de documentation.

Étant donné votre intérêt et votre connaissance et passion pour ce sujet—et j'ai bien noté vos vues concernant le MPO et les divers ministères et organismes provinciaux et fédéraux—j'aimerais vous demander quelle est la principale recommandation que vous pouvez nous formuler, à nous le comité. Que devrions-nous inscrire dans notre rapport au MPO quant à la structure qu'il faudrait mettre en place pour réglementer à l'avenir l'aquaculture, l'élevage du saumon ou d'autres espèces et exercer le contrôle voulu afin d'instaurer un certain équilibre?

Vous avez parlé d'installer certaines choses à terre etc. Vous avez dit que certains emplacements sont moins mauvais que d'autres. Nous devrons formuler une recommandation après tout cela, après tous les témoignages convaincants que nous avons entendus hier et dans l'État de Washington, sur la côte Est, etc. Vous connaissez toutes deux suffisamment bien le sujet pour suggérer une structure capable d'instaurer un certain équilibre.

Mme Lynn Hunter: Comme je l'ai dit dans mon exposé, je veux que le comité permanent insiste pour que l'on supprime les cages à filets pour l'élevage du saumon et les remplace par des systèmes de confinement sûrs à circuit fermé.

Pour ce qui est de la structure du ministère des Pêches et des Océans, il devrait faire ce que la loi lui impose de faire, soit protéger les populations sauvages et l'environnement marin. C'est ce qu'il ne fait pas.

Karen, vous voudrez peut-être répondre aussi.

Mme Karen Wristen: En sus, et dans l'intervalle, en attendant que l'on passe au système à circuit fermé—à quoi le monde entier applaudirait—il faut adopter l'approche la plus prudente des piscicultures actuellement agréées. Autrement dit, elles devraient immédiatement être relocalisées à au moins 20 kilomètres de l'embouchure d'un cours d'eau à saumon. D'après l'expérience de la Norvège, c'est la distance requise pour protéger les populations sauvages.

• 1000

Il n'y a aucune justification, aucun fondement scientifique à la règle d'un kilomètre employée par le MPO, et encore moins à la règle de zéro kilomètre qu'il voulait mettre en place l'autre jour à Campbell River. On peut installer la pisciculture directement sur le cours d'eau parce que l'exploitant a besoin d'eau fraîche et que ces poissons sauvages ne sont pas importants, dit-il—cela doit cesser.

Si rien d'autre ne change, il faut prêter attention immédiatement à l'interface entre ces piscicultures et les populations sauvages. Cela n'a pas été fait, et doit être fait dans l'instant.

Le président: Merci.

Mme Lynn Hunter: Pourrais-je ajouter une chose? J'ai accès à des documents d'information qui disent que le MPO a intentionnellement choisi des sites de pisciculture de façon à ne pas déclencher des évaluations environnementales fédérales. Je me ferais un plaisir de vous les remettre.

Le président: Je vous en prie.

La dernière question vous appartient, Lawrence.

M. Lawrence O'Brien: Je commence à songer aux phoques, à l'aquaculture, à l'étiquetage, toute une série de choses font leur chemin dans ma tête. Si l'on parle d'étiqueter le saumon sauvage, on n'en capture que sur la côte Ouest. On ne peut plus pêcher commercialement le saumon sauvage sur la côte Est, parce que le saumon de l'Atlantique est devenu à toutes fins pratiques une espèce protégée; comme vous le savez, il n'est plus pêché commercialement. Donc, la seule façon de manger du saumon de l'Atlantique maintenant, qu'il vienne de la côte Est ou de la côte Ouest, est d'acheter du saumon d'élevage, à moins de braconner ou de le pêcher à la ligne dans une rivière. Voilà où nous en sommes.

Je crains un peu une dérive. J'aimerais mieux trouver une solution équilibrée, sur le plan de la politique et de sa mise en oeuvre, au lieu de s'enliser dans les controverses et peut-être aboutir à des campagnes disant qu'il ne faut pas manger de poisson d'élevage, un peu comme pour les phoques. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Il existe de meilleures solutions.

Mme Lynn Hunter: Oui, et c'est pourquoi nous ne demandons pas la fin de l'aquaculture. Nous préconisons d'adopter les systèmes de confinement à circuit fermé. Les gens veulent manger du saumon, mais c'est l'industrie qui devrait payer le coût de production, plutôt que l'environnement. Or, c'est ce qui se passe. L'environnement et le poisson sauvage subventionnent le coût de cette industrie, de la façon dont elle opère aujourd'hui.

Le président: Monsieur Bernier.

Mme Karen Wristen: Pourrais-je également dire quelques mots sur la dernière question, avant de terminer?

Le président: En trente secondes ou moins.

Mme Karen Wristen: Ce sera rapide.

Lorsque vous parlez d'équilibre, les pisciculteurs souvent disent: «Ne nous traitez pas différemment des autres; nous aussi avons le droit de polluer notre part de la planète». Mais aucune autre entreprise d'élevage n'est autorisée au Canada à déverser, sans contrôle, des matières fécales, des produits chimiques, etc. dans l'environnement marin ou dans aucun milieu aquatique. Or, c'est ce qu'on permet à l'aquaculture de faire. Nous ne savons même pas quels en seront les effets sur l'océan.

Vous voulez un équilibre. Commençons d'abord par cerner le problème, et nous pourrons ensuite chercher l'équilibre.

Le président: Monsieur Bernier.

[Français]

M. Yvan Bernier: Je ne me fais pas beaucoup confiance dans la langue de Shakespeare. J'ai deux courtes questions à poser. J'en avais noté plusieurs, mais le temps s'écoule très vite.

Vous souhaitez qu'on relocalise les installations piscicoles, les élevages de ferme en filets ouverts de manière à ce qu'il y ait au moins une vingtaine de kilomètres de distance entre chacune. Je crois savoir que le ministère des Pêches de la Colombie-Britannique a établi une grille d'analyse de localisation. Avez-vous vu cette grille? Est-ce qu'elle tient compte du critère de 20 kilomètres que vous proposez?

[Traduction]

Mme Lynn Hunter: Le ministère provincial a mis sur pied un comité et Karen en est l'un des membres. Celui-ci cherche les moyens de mettre en oeuvre la décisions. C'est une étude de deux ans qui vise... à geler les sites.

• 1005

Le problème est que l'industrie refuse de remettre au gouvernement les données qu'il réclame. Nous avons donc ici une industrie qui exploite notre territoire commun, l'océan, et qui jusqu'à présent refuse de transmettre au gouvernement toute donnée sur la nature des problèmes.

Mme Karen Wristen: En ce qui concerne plus particulièrement le rayon de 20 kilomètres, ce n'est pas ce comité qui a le pouvoir de décision. Nous ne pouvons nous pencher que sur les règles en place examinées par le Comité provincial sur l'aquaculture. Nous n'avons pas le pouvoir d'imposer les 20 kilomètres. Nous sommes coincés avec la distance d'un kilomètre jusqu'à ce que le ministère des Pêches et des Océans dise que cela ne protège pas le poisson sauvage.

Le président: Monsieur Bernier.

[Français]

M. Yvan Bernier: Il y a une dernière question qui me chatouille les lèvres. Je suis peut-être moins bien informé parce que la Fondation David-Suzuki a moins d'activités au Québec et j'aimerais savoir qui la finance et s'il s'agit d'une grosse fondation. Vous dites qu'il appartient au gouvernement fédéral de faire des recherches, mais comme vous avez déjà été député, je crois, vous savez que la machine administrative est très lente.

Le gouvernement provincial propose qu'on fasse l'essai de systèmes fermés, mais il semble qu'il n'existe pas de systèmes fermés efficaces. La fondation pourrait-elle acheter une exploitation qui existe déjà pour faire la récolte et aussi pour essayer de développer un modèle fermé? Vous avez peut-être plus de contacts avec des scientifique que nous ou que l'industrie privée.

Vous avez le droit de répondre ou de ne pas répondre, mais étant donné que les choses progressent très, très lentement, qu'est-ce qu'on peut faire pour accélérer le mouvement?

[Traduction]

Mme Lynn Hunter: La David Suzuki Foundation est une société caritative canadienne en quête de solutions, comme je l'ai dit. Notre organisation compte plus de 30 000 membres et notre financement provient de leurs dons, ainsi que des montants que nous versent d'autres organisations qui soutiennent notre action.

Pour ce qui est de l'idée d'acheter une pisciculture, vous voudrez peut-être la suggérer à une autre oeuvre de charité, soit Anne McMullin de la B.C. Salmon Farmers Association, car elle aussi a le statut d'oeuvre de charité. Pourtant, elle représente l'industrie. C'est elle qui devrait faire ce travail pour prouver au public canadien que cette industrie est viable, car jusqu'à présent elle a lamentablement échoué à le faire.

Le président: Monsieur Duncan.

M. John Duncan (île de Vancouver-Nord, Réf.): J'ai une remarque, puis une question.

J'aimerais juste clarifier une chose. Vous avez parlé du danger de la manipulation de ce poisson, particulièrement le saumon de l'Atlantique. Je juge inapproprié ce genre de tactique alarmiste.

Mme Lynn Hunter: Est-ce ainsi que vous qualifiez ce que j'ai dit?

M. John Duncan: J'aimerais citer une lettre de l'ichtyopathologiste du Ministry of Agriculture and Food de Colombie-Britannique, datée du 15 novembre 1999. Connaissez-vous cette lettre adressée à Bud Graham? Elle dit:

    Aeromonas hydrofila et d'autres bactéries marines naturellement présentes peuvent provoquer des maladies chez les humains, particulièrement les immuno-déprimés. Lors de mes discussions à ce sujet avec le Dr Murray Fyfe, épidémiologiste au Centre for Disease Control de l'UBC, ce dernier a convenu avec moi que, vu la fréquence de cette bactérie dans l'environnement, le risque associé au saumon de l'Atlantique capturé n'est pas différent de celui de n'importe quel poisson sauvage. Quiconque se coupe lors de la manutention de poisson cru ou de coquillages, sauvages ou élevés, devrait immédiatement se laver les mains. Une précaution supplémentaire contre les infections de peau serait de porter des gants pour manier du poisson cru, particulièrement pour les sujets à système immunitaire affaibli. Une fois ces faits présentés aux médecins de santé publique, je pense qu'ils conviendront qu'il n'y a pas de risque pour la santé publique.

C'est juste un extrait de la lettre. Je tenais à le citer, pour le procès-verbal, afin que les gens n'aient pas l'impression que du poisson empoisonné est mis en circulation.

• 1010

Mme Lynn Hunter: Non. Je me fais un plaisir de vous communiquer ceci, monsieur Duncan. Dans l'article du New England Journal of Medicine que j'ai mentionné tout à l'heure, on lit, et je cite:

    On pense que les infections streptococciques chez le poisson surviennent avec une fréquence croissante à cause du surpeuplement dans les piscicultures et en cours de transport.

On se demande si ce pathogène émergent, le streptocoque, n'est pas dû à cela.

Le président: John, poursuivez. Merci d'avoir placé cela au procès-verbal.

M. John Duncan: Oui. Je ne veux pas m'enliser dans les détails. Nous tous nous préoccupons de l'utilisation des antibiotiques, pas seulement dans l'environnement marin mais également dans l'environnement humain. J'ai appris hier que la consommation d'antibiotiques par les humains est en recul depuis la dernière enquête, ce qui montre bien une prise de conscience chez le public et les médecins. C'est une très bonne nouvelle.

Le dernier sujet que je voudrais aborder est celui-ci. Le MPO est manifestement le principal ministère de tutelle de l'aquaculture. Mais les aquaculteurs n'en sont pas nécessairement ravis non plus. Je sais que vous faites des reproches au ministère. Mais eux aussi. Ce n'est pas un mariage heureux. D'aucuns disent que cette activité est plutôt de nature agricole. C'est ce que l'on dit dans certains milieux.

Il s'agirait de clarifier le rôle du ministre des Pêches et du ministère à l'égard du poisson sauvage et s'agissant d'établir un équilibre constructif entre l'aquaculture et la pêche. Pensez-vous qu'il serait opportun de retrancher l'aquaculture et de la placer peut-être sous la tutelle d'un autre ministre—peut-être pas l'agriculture, mais...? Comment autrement concilier ces deux intérêts concurrents?

Mme Lynn Hunter: Nous assistons à une lutte à l'intérieur du ministère des Pêches et des Océans. Il y a un conflit. Si le gouvernement fédéral veut souvenir une industrie, il peut le faire. C'est le rôle d'Industrie Canada. Mais cela ne devrait pas se faire au sein du ministère de Pêches et des Océans, qui a la responsabilité législative de protéger le poisson sauvage et l'environnement marin.

M. John Duncan: Puis-je répondre à cela?

Le président: Nous avons déjà du retard, John, mais je vous accorde un dernier mot.

M. John Duncan: N'est-il pas exact que la responsabilité première du ministère est de protéger le poisson et son habitat? La réglementation de la pêche commerciale ou sportive ou autochtone figure à un niveau secondaire, la responsabilité première étant la protection du poisson et de l'habitat.

Est-ce que l'aquaculture n'a pas sa place naturelle dans ce ministère? S'il remplissait son rôle premier et son obligation constitutionnelle, vous ne diriez pas que l'aquaculture n'y a pas sa place. Ce pourrait être une entité distincte à l'intérieur du ministère. Celle-ci accepterait probablement mieux les directives si elle faisait partie du ministère, plutôt que si elle était en dehors.

Le président: Avez-vous des commentaires, Karen ou Lynn?

Mme Karen Wristen: Oui, j'aimerais répondre.

La Direction de l'habitat du ministère des Pêches et des Océans aura toujours un rôle essentiel à jouer dans la réglementation de l'aquaculture, et nous ne demandons donc pas que cette dernière soit entièrement retranchée. C'est la fonction de chef de claque, de promotion, dont nous pourrions nous passer.

Premièrement, on peut se demander si cette fonction est bien nécessaire. Les associations professionnelles sont là pour la promotion. Yves Bastien est là pour faire la promotion de l'industrie. Nous dépensons déjà de l'argent pour cela. Pourquoi faut-il que le ministère en dépense aussi?

Cette fonction doit cesser. Je n'ai pas de recommandation sur qui devrait l'assumer. Oublions cela. Le rôle du ministère des Pêches et des Océans, c'est de réglementer et de contrôler.

Le président: Lou.

M. Lou Sekora: Merci, monsieur le président.

Le président: Nous mordons déjà sur notre heure de déjeuner.

• 1015

M. Lou Sekora: J'ai été élu municipal pendant 25 ans avant de me lancer dans la politique fédérale. Lorsque je siégeais à l'hôtel de ville et présidait des audiences publiques, il y avait toujours le camp qui disait: faites votre travail et ne rezonez pas ce terrain. Vous dites la même chose, que le gouvernement fédéral ne fait pas son travail. Tout dépend qui l'on écoute. Certains disent que nous faisons notre travail, d'autres non. C'est comme dans une audience publique. Quel terrain faut-il rezoner? Qui faut-il écouter? Si vous écoutez, un camp, ce que vous faites est bien. Si vous écoutez l'autre, c'est «Monsieur le maire, faites votre travail, sinon nous allons nous débarrasser de vous. Vous ne pouvez pas rezoner ce terrain». Voilà mon point de vue.

Deuxièmement, j'étais membre également du conseil d'administration du GVD, qui regroupe 21 municipalités. J'ai vu des films. Je ne dis pas que le vôtre est du même type. J'ai vu des films, Le fait est que lorsqu'ils étaient diffusés et projetés sur un écran, ce n'était pas exactement ce que l'on nous disait, ou ce n'était pas les mêmes films, ou ce que l'on nous montrait était trompeur, c'était une région différente. Je ne dis pas que le vôtre est de ce genre. Nous allons le regarder. Je veux le voir. Mais je veux également aborder tout ce que j'entends avec l'esprit ouvert et peser le pour et le contre de chaque chose.

Le président: Je ne pense pas qu'il y ait là une question, Lynn ou Karen.

M. Lou Sekora: Non, ce n'est pas une question.

Le président: Dans vos recommandations au comité, vous préconisez la suppression des piscicultures à filets ouverts et l'introduction progressive de systèmes de confinement à circuit fermé. Quelle sorte de délai envisagez-vous? Pensez-vous réellement que les systèmes de confinement à circuit fermé sont techniquement assez au point pour qu'on les adopte sous peu?

On peut prendre la décision. On peut ordonner ce changement et rencontrer de plus grandes difficultés avec le système à circuit fermé qu'avec l'actuel. Ne pensez-vous pas que d'importantes améliorations ont déjà été apportées au cours des quatre dernières années? Sinon, d'accord. Mais quel délais envisagez-vous? Et la sécurité sera-t-elle assurée?

Mme Lynn Hunter: J'ai ici des documents sur un type particulier d'installation à circuit fermé que je peux vous remettre, et également un communiqué de presse à ce sujet de notre ministre des Pêches provincial, Dennis Streifel, où il dit que c'est la solution idéale pour l'expansion de l'élevage du saumon. C'est daté du 26 janvier 1999.

Karen souhaite également répondre.

Mme Karen Wristen: Ces systèmes ne sont pas seulement technologiquement au point. Ils coûtent en fait moins cher à exploiter qu'une cage à filets, parce qu'il n'y a pas de déchets. On contrôle mieux les maladies. On peut contrôler complètement l'environnement. En contrôlant les courants, on obtient un meilleur produit. Ces systèmes présentent toutes sortes d'avantages du point de vue opérationnel.

Les pisciculteurs disent qu'ils n'ont pas les moyens de les adopter, parce qu'ils ne sont pas économiquement viables. Eh bien, il est impossible de l'affirmer. Nul ne produit en masse ces dispositifs. On ne sait donc pas combien la technologie coûtera une fois qu'elle sera adoptée par l'industrie, et nous ne le saurons jamais à moins que le gouvernement ne contraigne l'industrie à passer au circuit fermé, car il n'y a actuellement aucune incitation à le faire. Il est beaucoup moins cher de simplement polluer l'environnement marin que de contrôler ses propres déchets.

La réponse est donc oui, c'est technologiquement faisable. Si vous êtes allé dans l'État de Washington, vous avez sans aucun doute entendu parler du système qui fonctionnait dans le Puget Sound jusqu'à l'année dernière.

Mme Lynn Hunter: Mariculture.

Mme Karen Wristen: Vous voyez? Encore du travail d'équipe.

Mariculture Systems a un système de confinement complet qui a produit toute une classe d'âge de poissons.

Vous avez demandé également quel serait le délai de mise en oeuvre. Le propriétaire de Mariculture Systems a fait savoir au gouvernement provincial qu'il était disposé à s'établir ici et à produire les systèmes là où se trouve la demande, et que la fabrication pourrait commencer dans les 12 mois. En ce qui concerne le cycle des pisciculteurs, il leur faudra de 18 à 24 mois pour amener le saumon actuellement dans les cages à maturité. Voilà donc l'horizon temporel. Le matériel peut être prêt et les pisciculteurs prêts à entamer un nouveau cycle dans ce délai.

Nous avons dit tout au long du processus provincial qu'un délai de trois à cinq ans serait approprié afin de donner aux piscicultures le temps de chercher d'autres technologies éventuellement disponibles. Mais l'industrie ne veut même pas en parler.

Le président: Merci, Lynn et Karen.

• 1020

Je sais que dans l'Île-du-Prince-Édouard les piscicultures sont à circuit fermé parce qu'elles élèvent du poisson d'eau douce, mais elles vous diront que leurs coûts d'exploitation sont nettement plus élevés. Ce sont des systèmes installés à terre, pas dans l'océan.

M. John Duncan: À eau douce?

Le président: Oui, à eau douce. C'est complètement différent.

Tenons-nous-en là, John.

Merci, mesdames Hunter et Wristen.

Je vais donner la parole pour cinq minutes à Craig Williams, qui a un système de confinement à circuit pratiquement fermé, et nous passerons ensuite aux autres témoins prévus à l'ordre du jour. Craig, voudriez-vous prendre place un instant?

Il n'y aura pas de questions. Ce sera un exposé de cinq minutes. Craig, pourriez-vous, puisque nous parlons de systèmes de confinement à circuit fermé, nous expliquer ce que vous proposez à cet égard. Je pense que le comité devra avoir des audiences d'une journée complète à Ottawa sur le confinement à circuit fermé pour entendre différents points de vue. Mais puisque vous êtes là, autant prendre cinq minutes pour vous écouter. Allez-y.

M. Craig Williams (président-directeur général, Future SEA Technologies): Merci.

Je suis président-directeur général de Future SEA Technologies. Nous sommes une société de Colombie-Britannique travaillant à la mise au point d'un système de confinement fermé. Ces dernières semaines on l'a qualifié de serre d'élevage de poissons, car il permet de contrôler l'environnement. D'aucuns l'ont également appelé condom, et c'est pourquoi j'essaie de mettre les choses un peu au clair.

En gros, nous poursuivons un rêve. Nous avons une meilleure méthode d'élevage du poisson, mais tout n'est pas encore au point. Il importe que chacun sache que toutes les solutions ne sont pas encore réunies. Notre estimé fournisseur aux États-Unis n'est pas en activité car la fabrication n'est pas rentable. Nous travaillons donc là-dessus.

En gros, le système SEA—SEA est un sigle signifiant aquaculture écologiquement viable—est un dispositif d'élevage flottant, à circuit fermé et environnement contrôlé. Il vise à remédier à certaines des difficultés économiques, techniques et écologiques que connaît l'industrie de l'aquaculture.

Qui sommes-nous? Tout d'abord, ce qui compte pour nous c'est la rentabilité des piscicultures. Si les piscicultures ne deviennent pas plus rentables et écologiquement viables, elles ne survivront pas et il n'y aura rien pour nous. Nous voulons être le chef de file mondial de la fourniture de produits et services novateurs à une industrie viable. Nous devons satisfaire une multiplicité d'acteurs, dont nos actionnaires, nos employés, la collectivité en général et l'environnement.

La société a été créée en 1994 et est 100 p. 100 canadienne. Nous avons un régime d'actionnariat des employés, notre effectif étant passé, des trois fondateurs d'origine, à 30 employés répartis sur trois sites de Colombie-Britannique.

Les premières années ont été consacrées à évaluer le marché. Comme vous le savez, il s'agit d'une industrie énorme et en expansion, et le marché est assez conséquent. Nous avons travaillé avec le MPO pour confirmer la valeur du concept. Notre relation avec le MPO a été très positive. Nous avons installé un prototype à la station biologique du Pacifique avec quelques résultats très encourageants. La difficulté est de passer à une exploitation d'envergure commerciale pour que l'industrie puisse voir que le système est commercialement viable.

Nous avons un conseil d'experts externe qui nous donne des avis sur l'évolution de l'industrie à l'horizon de dix ans, et nous avons la certification ISO 9001. Nous développons donc notre entreprise en même temps que cette technologie.

Vous pouvez voir sur ce petit diagramme, du côté droit, que notre première enveloppe a été livrée en 1996. À la fin de cette année, nous aurons fabriqué et livré une centaine d'enveloppes. Je crois que nous avons atteint le chiffre de 60 la semaine dernière.

En quoi consiste le système SEA? En gros, il est flottant, fermé, contrôlé. Il importe qu'il soit flottant, car la construction de ces piscicultures à terre ne s'est pas avérée économique. En effet, les coûts d'infrastructure et de construction sont telles que l'investissement ne peut être amorti. Nous en avons vu des exemples un peu partout en Colombie-Britannique. Nous prenons donc cette technologie basée à terre et l'installons dans l'océan dans de bonnes conditions de sécurité.

Si vous regardez cette photo, vous voyez ici une prise d'eau, dont la profondeur est ajustable de façon à éviter les effets de surface nocifs. Nous avons un système de pompage breveté. L'injection d'eau produit un mouvement rotatif, un peu comme on remue une tasse de thé. Le poisson nage contre le courant. Cela lui donne de l'exercice, les taux de conversion des aliments sont meilleurs, le stress est moindre, le poisson est moins exposé aux maladies et sa chair est plus ferme—toutes ces propriétés positives que nous cherchons à assurer à l'échelle commerciale.

Les avantages potentiels... Il faut bien voir que toutes les difficultés ne sont pas encore surmontées. Nous sommes un pas dans la bonne direction. C'est ce que nous essayons d'expliquer à l'industrie. Le système doit faire ses preuves commerciales. Nous vendons à l'échelle commerciale—malheureusement pas ici en Colombie-Britannique, mais en Australie, aux États-Unis et dans l'Est du Canada où certaines piscicultures ont décidé d'essayer cette technologie. Nous rencontrons quelques difficultés. La baie de Fundy a des eaux agitées et nous y rencontrons quelques problèmes, sur lesquels nous travaillons, mais ce sont des problèmes d'ingénierie.

• 1025

Nous obtenons des indices de conversion alimentaire améliorés, qui ont été publiés par le MPO et sont assez impressionnants—encore une fois, pas sur une base commerciale. C'est là que réside l'avantage économique. L'alimentation représente 60 p. 100 du coût de production d'un poisson et nous avons des indices de conversion supérieurs de 30 p. 100. Nous devons maintenant reproduire cela à grande échelle, pas seulement à l'échelle du prototype.

La mortalité est moindre. Le poisson est protégé. Nous avons un phoque apprivoisé. Si vous êtes jamais allés à Nanaimo, vous aurez vu que nous avons un phoque apprivoisé qui nage aux alentours. Les poissons ne savent pas qu'il est là et ne s'effarouchent pas. Le phoque ne les attaque pas. Il y a moins de possibilité de prédation, car les phoques et lions de mer attaquent les filets et y font des trous.

Pour ce qui est des densités, nous ne pensons pas que la densité soit un problème. Ce qui compte, c'est que le poisson ne soit pas stressé. Ce qui se passe dans notre enveloppe, parce que nous avons une distribution uniforme de la température, de la salinité et de l'oxygène d'un bout à l'autre de la colonne d'eau, les poissons se distribuent régulièrement, au lieu de s'entasser dans une bande préférée.

Nous travaillons à des projets de mise en valeur, similaires aux programmes de mise en valeur des salmonidés, mais malheureusement pas au Canada, où nous tentons d'élever des tacons plus vigoureux qui sont relâchés en mer pour s'intégrer aux peuplements sauvages.

Toutes les études que nous avons faites montrent, comme nous l'avons mentionné, que nous obtenons une meilleure qualité. Moins de stress signifie moins de maladies. Nous pensons que la qualité de la chair en sera d'autant meilleure. Une bonne partie de tout cela n'est pas encore prouvé. C'est encore au stade théorique, mais nous voyons déjà des résultats préliminaires.

Notre système va atténuer les impacts écologiques. Toutes sortes de choses peuvent se passer en mer, notamment les attaques de prédateurs, comme je l'ai mentionné. Les méduses sont un problème dans l'Est du Canada. Nous avons mis au point une technologie qui maintient à l'écart les méduses, lesquelles empoisonnent les poissons dans les cages à filet. Les fleurs d'eau planctoniques sont un problème et nous pouvons ajuster nos prises d'eau de façon à la puiser à la profondeur où les poissons vivent normalement. Dans l'Est du Canada, il y a le super refroidissement: les poissons gèlent alors que l'eau n'est pas gelée. Nous avons réussi à résoudre ce problème pour un client de l'Est du Canada, au Cap-Breton.

Par sites à faible oxygène nous entendons que nous pouvons rendre des sites réutilisables, bien qu'ils soient anoxiques.

Les infestations de branchiures: nous obtenons des résultats très importants, soit des réductions sensibles des infestations de branchiures sur le poisson tant de la côte Ouest que de la côte Est. Nous n'avons pas encore tiré toutes les conclusions de cela sur le plan de la transmission des maladies, mais nous avons déjà de très bons indicateurs.

En ce qui concerne la gestion des déchets, tout dépend de ce que le marché décide. Faut-il éliminer les déchets? Nous avons un système de gestion de déchets qui nous permet de prélever les déchets solides sur le fond de nos enveloppes. C'est la différence entre un circuit fermé et un système enclos. Un système entièrement fermé n'existe pas. Un système enclos signifie que nous avons une enveloppe pour protéger le poisson. Nous avons mis au point et breveté une technologie de prélèvement des déchets solides au fond du sac. Nous avons installé dans une province centrale du Canada et nous venons—malheureusement ce n'est pas ici, c'est dans un site maritime en Australie—un prototype de siphon à déchets et de concentrateur. Nous prévoyons d'installer également ces systèmes en Scandinavie. Nous en sommes encore au tout début. Ces méthodes sont difficiles à mettre en oeuvre dans un environnement maritime, mais nous considérons notre technologie comme une plate-forme qui permettra la gestion des déchets à l'avenir.

En ce qui concerne les avantages pour l'industrie de nos recherches, vous en voyez là un petit résumé. Nous pensons que cela conduit à l'aquaculture durable. Si nous pouvons effectuer une percée avec cette technologie, le Canada deviendra un chef de file dans ce domaine. Il y a des perspectives d'exportation. Le Canada ne représente que 5 p. 100 du marché mondial. Le développement économique, la création d'emplois... Ce qui nous frustre, c'est que nous avons besoin d'une industrie de l'aquaculture dynamique et en expansion désireuse de développer la technologie. Il est très coûteux pour nous d'aller jusqu'en Australie, en Scandinavie et à travers les États-Unis pour la développer. Nous avons besoin d'une aquaculture dynamique et en expansion sur place.

Je pense qu'il faut enlever les obstacles qui empêchent une croissance responsable et durable de l'aquaculture. Nous commençons à en prendre le chemin, mais il reste beaucoup à faire. Le gouvernement doit encourager l'innovation technique et il nous a apporté une certaine aide. Ce ne sont pas des grosses subventions. Nous avons obtenu des prêts d'Industrie Canada garantis par les redevances, et nous les apprécions beaucoup car ils nous ont permis de mettre en place un programme de R-D. C'est très important pour nous, car il faut beaucoup de capitaux pour mettre au point la technologie.

Il y a encore un autre facteur que nous avons vu à l'étranger. L'industrie doit être vue sous un jour positif. Si elle est toujours présentée de manière négative, personne ne veut y travailler. Je pense qu'il y a là de réelles opportunités, car le potentiel de croissance de cette industrie est énorme, le marché est énorme. Coopers & Lybrand a effectué une étude montrant qu'une vingtaine de milliers d'emplois pourraient y être créés et que le potentiel se chiffre en milliards. C'est cela qu'il nous faut viser.

Je ne veux pas que notre technologie soit utilisée comme un pion dans ce débat. Nous pensons qu'elle peut apporter beaucoup à l'avenir. Tout n'est pas encore au point. Malheureusement, on l'utilise un peu comme un pion dans le débat. Mais nous sommes tout à fait prêts à en discuter. À ce stade, nous sommes clairement le chef de file dans le monde, avec une soixantaine d'enveloppes en place. Personne d'autres n'approche ce chiffre. Nous sommes prêts à partager les enseignements que nous retirons.

Merci beaucoup.

• 1030

Le président: Merci beaucoup, Craig.

Si nous avons une période de questions, nous manquerons réellement de temps pour le déjeuner. Si les membres veulent bien...

M. John Duncan: Je songe à notre tournée, serait-il possible de voir l'une de ces installations?

Le président: D'accord, je vais peut-être autoriser quelques questions. Je pense que nous devrons nous limiter à des sandwiches au déjeuner. Je vais accorder une question à chaque parti.

John.

M. John Duncan: Craig, notre comité va se rendre sur la côte Est. Pourrez-vous nous recommander un endroit où nous pourrions voir cette technique à l'oeuvre? Quelle installation devrions-nous voir?

M. Craig Williams: Probablement celle qui est adaptée au super refroidissement et au faible oxygène, dans le lac du Bras d'Or, au Cap-Breton. C'est la conception la plus récente. C'est un système à huit enveloppes.

M. John Duncan: Pouvez-vous nous indiquer la société et l'emplacement?

M. Craig Williams: Oui. Je peux vous donner tous les détails.

M. John Cummins: Irons-nous au Cap-Breton?

Le président: Oui, nous allons au Cap-Breton.

Craig, si vous pouviez nous donner les renseignements, ce serait excellent.

M. John Duncan: C'est tout.

Le président: Merci.

Peter.

M. Peter Stoffer: Merci beaucoup pour ces exposés.

Au bas de la photo, on voit les valves de sortie. Est-ce que cela signifie que les déchets de la pisciculture sont rejetés dans la nature, ou bien sont-ils contenus d'une façon ou d'une autre?

M. Craig Williams: Non, dans cette photo, ils sont distribués... Comment pourrais-je expliquer? Au lieu d'avoir un tas de fumier, c'est comme si on épandait. C'est ainsi que procèdent certaines piscicultures. Elles l'épandent dans un endroit pendant quelques mois, puis passent à un autre, et reviennent au premier une fois que tout est éliminé.

M. Peter Stoffer: Donc, à l'heure actuelle, les déchets partent toujours dans la nature.

M. Craig Williams: Oui, dans cette photo. Nous avons un site en eau douce où les déchets solides sont récupérés, et nous venons de démarrer un site maritime prototype.

M. Peter Stoffer: Est-ce que vos pompes peuvent fonctionner à l'énergie solaire, ou bien sont-elles alimentées par un carburant fossile?

M. Craig Williams: En fait, elles sont électriques, alimentées soit par le réseau soit par des groupes électrogènes au diesel.

Ce sont des pompes très efficientes. Aucune autre pompe au monde n'a un tel débit pour une aussi faible puissance.

M. Peter Stoffer: Sont-elles très bruyantes, ce genre de choses?

M. Craig Williams: Le bruit provient du groupe électrogène. Il faut donc l'assourdir. C'est pourquoi on le place dans un bâtiment.

Dans nos piscicultures, nous avons des générateurs d'appoint de qualité hospitalière, que nous plaçons à l'intérieur d'un bâtiment. Ils tournent juste en face du MPO depuis trois ans maintenant, et nous n'avons reçu aucune plainte.

M. Peter Stoffer: Merci.

Le président: Merci, Peter.

Carmen ou quelqu'un d'autre? Yvan? Non?

Merci beaucoup, Craig. J'apprécie que vous soyez venu nous donner ces renseignements. Je suis heureux que nous ayons pu vous faire une place car nous avons besoin de savoir ce qui est possible et probable dans ce secteur. J'apprécie que vous ayez précisé que toutes les solutions n'ont pas encore été trouvées, que cette technologie est au stade du développement.

M. Craig Williams: Merci beaucoup. Je serais dans la salle toute la journée.

Le président: Merci, monsieur Williams.

Notre prochain témoin est Karen Wilson. Je suis désolé du léger retard. Soyez la bienvenue, et merci de votre patience. Vous avez la parole.

Mme Karen Wilson (témoignage à titre personnel): Bonjour. Je suis Karen Wilson. Je vis à Ladner, qui est un village d'agriculteurs et de pêcheurs au sud de Vancouver, à l'embouchure du Fraser.

Mon mari et moi sommes pêcheurs commerciaux, propriétaires d'un navire à filets maillants qui n'a pas pris un seul saumon l'an dernier. Je m'intéresse donc à l'avenir du saumon sauvage en Colombie-Britannique. J'aimerais qu'il soit correctement géré et ne soit pas décimé par la maladie.

Le saumon sauvage d'Écosse est en voie d'extinction, et les experts prédisent que nombre des grandes rivières de pêche d'Écosse seront dépeuplées de saumon et de truite sauvage d'ici deux ans à cause de la dissémination des maladies provenant des piscicultures. L'Écosse a récemment imposé un moratoire à la création de piscicultures, mais cela ne suffit pas aux yeux des pêcheurs sportifs qui attaquent le gouvernement britannique en justice pour obtenir des mesures plus radicales.

L'anémie infectieuse des salmonidés, couramment appelée AIS, et les poux dévoreurs de chair représentent une menace sérieuse, qui coûte de nombreux emplois de pêcheurs.

• 1035

Ici, en Colombie-Britannique, les échappées des piscicultures deviennent chose courante. Nul ne sait combien de centaines de milliers de poissons se sont échappés et combien d'entre eux étaient porteurs de maladies. Il est irresponsable pour le gouvernement—le MPO—d'autoriser l'expansion de l'aquaculture en cages à filets.

En 1998, le gouvernement du Nouveau-Brunswick a annoncé un plan de sauvetage de 10 millions de dollars, complété par 13 millions de dollars du gouvernement fédéral, des piscicultures de saumon ravagées par l'AIS. Plus de 25 p. 100 des piscicultures ont été temporairement fermées pour tenter de juguler la maladie, à un coût de 30 millions de dollars pour l'industrie.

L'AIS a été détectée pour la première fois en Norvège, selon les Friends of Clayoquot Sound. Le poisson infecté devient léthargique, sombre au fond de la cage, a l'abdomen enflé et des yeux protubérants et injectés de sang. Les poissons infectés souffrent d'une anémie grave et la mortalité est élevée.

Lorsque la maladie est décelée, les pisciculteurs récoltent, conditionnent et vendent rapidement le poisson pour la consommation humaine. Étant donné que le poisson malade est habituellement conditionné pour la consommation, on a constaté en Norvège que l'AIS se transmet facilement aux effluents des usines, ce qui oblige à désinfecter celles-ci.

Lorsque les concentrations d'organismes aquatiques deviennent trop élevées, elles deviennent un problème en soi, car elles peuvent transmettre l'AIS. Les pisciculteurs de saumon font appel à des médicaments controversés tels que l'ivermectine.

Mais surtout, l'AIS a maintenant été décelée dans le saumon sauvage du Nouveau-Brunswick, fin octobre 1999. C'est la première fois que j'en entends parler dans nos peuplements sauvages au Canada. Je vous exhorte à enrayer la dissémination de cette maladie et à sauver notre saumon sauvage de Colombie-Britannique.

De nombreuses autres maladies sévissent, notamment l'infection bactérienne des reins et la furonculose, qui sont infectieuses et mortelles.

En Norvège, on a empoisonné 24 rivières pour extirper un parasite provenant des piscicultures, sans succès. En 1999, les autorités norvégiennes ont donné la permission d'empoisonner ou de réempoisonner 17 cours d'eau afin d'y extirper tous les organismes vivants, dans l'espoir de tuer le parasite.

On a déversé des biocides dans la baie de Fundy au Nouveau-Brunswick pour tenter de contrôler la vie aquatique. Les Canadiens ne veulent pas voir se poursuivre ou s'accroître l'empoisonnement des rivières. J'estime que le gouvernement possède une responsabilité envers les citoyens et la ressource.

Dans l'État de Washington, les piscicultures sont obligées de divulguer chaque année le type et la quantité de médicaments utilisés, site par site. Les pisciculteurs de Colombie-Britannique invoquent le secret professionnel vétérinaire, qui n'a aucun fondement en droit, pour tenir le public dans l'ignorance de ces données.

L'anémie infectieuse des salmonidés peut se communiquer à d'autres espèces de poisson. Des tests ont montré que le hareng peut être infecté. Sommes-nous, les Canadiens, prêts à risquer également notre pêcherie de hareng?

Les éleveurs de saumon de Colombie-Britannique ne sont actuellement tenus d'informer nulle autorité lorsqu'une maladie se déclare. Du fait de ce secret, il est peu probable que le public en soit jamais informé. Comment peut-on laisser les pisciculteurs commercialiser des poissons malades pour la consommation humaine, sans aucune information du public?

Le ministère la Pêche et de la Chasse de l'Alaska proteste contre la multiplication des piscicultures à saumon en Colombie-Britannique car on a la preuve que des poissons échappés s'établissent dans la nature. L'élevage du saumon a été interdit en Alaska en 1990.

Le ministère de la Pêche et de la Chasse de l'Alaska réclame un moratoire sur les nouvelles piscicultures sur toute la côte. Je vous ai joint le rapport de l'Alaska, Atlantic Salmon: A White Paper, qui contient les recommandations des scientifiques du ministère. Ce sont les dix dernières pages dans ces documents reliés que je vous ai remis. La recommandation figure à la dernière page.

Le saumon de l'Atlantique importé par les piscicultures pourrait introduire des maladies et parasites exotiques.

Les scientifiques ont confirmé qu'au moins deux classes d'âge de saumon de l'Atlantique sont parvenus à frayer dans la rivière Tsitika.

Le gouverneur de l'Alaska, Tony Knowles, est en train d'obtenir la classification du saumon sauvage de l'Alaska comme biologique. Que pensez-vous qu'il en résultera pour le saumon sauvage de Colombie-Britannique sur le marché mondial? La Colombie-Britannique ne bouge pas, et pourtant elle doit sauver le saumon sauvage.

L'industrie de l'aquaculture dit qu'elle nourrit les affamés du monde et réduit ainsi la pression sur les stocks sauvages. Rien n'est plus loin de la vérité. Il faut de trois à cinq livres de nourriture pour produire une livre de poisson. Combien de temps auriez-vous de l'argent à la banque si vous faisiez un tel usage de votre argent?

• 1040

La résistance aux antibiotiques est un danger grave pour la santé humaine. L'usage massif des antibiotiques en agriculture a entraîne de graves problèmes de résistance des agents infectieux aux antibiotiques. Peu de Canadiens choisiraient de voir les médicaments privés de leur efficacité contre les maladies mortelles en échange d'un petit avantage pour les industries agroalimentaires, particulièrement s'agissant d'une utilisation non essentielle telle que faciliter la prise de poids des animaux d'élevage.

La Suède a interdit en 1986 l'utilisation non thérapeutique d'antibiotiques dans l'agriculture. L'Organisation mondiale de la santé a recommandé en 1997 d'arrêter l'ajout de tout antibiotique dans les aliments pour animaux. Le Centre de santé vétérinaire du ministère de l'Agriculture de Colombie-Britannique a signalé dans son bulletin de janvier 1999 des déficiences alimentaires dans les poissons d'élevage et recommandé une révision des formulations et une analyse des oligoéléments.

Les saumons d'élevage sont nourris de sous-produits animaux d'espèces qu'ils ne mangent pas normalement, comme les poulets. Apparemment, les plumes permettent aux granules de flotter. N'oublions pas la maladie de la vache folle.

Le saumon d'élevage est gris, et doit être chimiquement coloré pour nous faire croire que nous mangeons du saumon sauvage. J'ai amené ce nuancier de couleurs de saumon—vous pouvez peut-être y jeter un coup d'oeil, le faire passer—distribué par La Roche, une grosse société internationale de produits pharmaceutiques, qui montre les différentes teintes que l'on peut donner à la chair du saumon de l'Atlantique. Plus la couleur est foncée, et plus la nourriture est chère. Cela m'amène à réclamer que tous les poissons d'élevage soient étiquetés avec les mots «élevage» ou «saumon d'élevage» afin d'aider le public à choisir en connaissance de cause.

La Colombie-Britannique est réputée dans le monde pour son saumon sauvage de haute qualité et comme patrie de l'épaulard. Je ne pense pas que les touristes viennent en Colombie-Britannique pour visiter les piscicultures une fois que nos montaisons de saumons sauvages et nos épaulards auront été liquidés.

On néglige les préoccupations des Premières nations. Arnie Narcisse, de la B.C. Aboriginal Fisheries Commission, déclare:

    Le MPO est complice de la destruction de la population de saumons sauvages et enfreint en cela les droits autochtones.

Alexandra Morton, une spécialiste de l'épaulard, indique:

    En 1993, les élevages de saumon ont commencé à diffuser sous l'eau des bruits très stridents pour éloigner les phoques. L'orque, qui ne juge pas le saumon d'élevage comestible, est repoussé par un mur de bruit.

Les appareils de harcèlement acoustique deviennent populaires auprès des pisciculteurs du monde entier, évinçant les baleines de vastes zones d'habitat côtier. La dispersion des baleines viole la Loi sur les pêches canadiennes, mais le MPO ne fait rien pour faire respecter sa propre loi.

Imaginez un instant 80 fermes à saumon le long de la côte de Colombie-Britannique. Combien d'alevins de saumon débouchant de nos rivières entrent dans une cage à filets et ne ressortent jamais de l'autre côté? Les scientifiques du MPO ont constaté que les poissons d'élevage mangent les alevins de hareng et de saumon lors de leur migration vers la haute mer.

Pourquoi faut-il qu'un particulier dépose plainte avant que l'on agisse? Je ne sais pas si je devrais lire ce qui suit, car Lynn a comparu juste avant moi, mais voici.

En 1999, à Victoria, Lynn Hunter, ancienne députée, a déposé plainte pour infraction à la Loi sur les pêches contre Stolt Sea Farm Inc. pour atteinte à l'habitat du poisson et dépôt de substances nocives dans l'eau fréquentée par les poissons près d'un élevage de saumon sur la côte de l'île de Vancouver. En bref, la première accusation porte sur l'altération nocive de l'habitat du poisson et la deuxième sur le dépôt illégal d'effluents de piscicultures, notamment aliments, matières fécales et matériaux de nettoyage des filets.

Le 8 novembre 1999, à la Cour provinciale de Campbell River, John Cliffe, l'avocat du ministère de la Justice fédérale, a indiqué au juge Saunderson ne pas encore être en mesure de dire si le ministère de la Justice ferait sienne la poursuite privée. Un mandat de perquisition contre Stolt avait été exécuté dix jours auparavant et il estimait qu'il faudrait au tribunal de deux à quatre semaines pour juger l'affaire. La date de début de l'audience a été fixée au 1er mars 2000.

• 1045

La raison de ma présence ici est que j'aimerais que vous protégiez le saumon sauvage de Colombie-Britannique et l'habitat d'autres espèces sauvages en interdisant les cages à filet et en installant les piscicultures à terre si on les considère comme des fermes d'élevage. Traitez les piscicultures comme s'il s'agissait de serres et obligez-les à stocker leurs déchets dans des cuves et à recycler l'eau afin de ne plus polluer nos rivières et océans. Puisqu'elles relèvent de la Loi sur la protection des exploitations agricoles, peut-être devraient-elles relever du ministère de l'Agriculture. Surtout, j'aimerais que tous les sites d'élevage à filet ouvert soient fermés et soient interdits sur ou à proximité des routes de migration des alevins sauvages.

J'aimerais que le poisson d'élevage soit étiqueté dans les magasins et restaurants avec les mots «élevage» ou «poisson de pisciculture» afin que le public ne soit plus trompé. Le public doit pouvoir choisir en connaissance de cause la nourriture qu'il achète, sachant les médicament et antibiotiques qui sont administrés à ces poissons.

J'aimerais des explications et des garanties de sécurité concernant le saumon génétiquement modifié et son impact sur la santé humaine. Le procédé consistant à prendre deux femelles de saumon non modifiées, appelées diploïdes car possédant deux chromosomes, et de leur administrer des hormones pour féconder artificiellement les oeufs sans mâle pour créer un saumon stérile possédant un chromosome supplémentaire, appelé triploïde, c'est-à-dire à trois chromosomes, devrait être signalé au public avant qu'il achète ce poisson au magasin et le serve à dîner. Si j'achète ou mange un aliment génétiquement modifié, je tiens à être informée et à avoir le choix.

J'aimerais que des contrôleurs indépendants visitent les piscicultures pour signaler les maladies et réglementer et consigner les aliments et antibiotiques administrés.

J'aimerais une divulgation complète des fonds publics dépensés par le MPO pour financer et aider les piscicultures, ainsi que du nombre des oeufs de frayères vendus aux piscicultures au lieu de servir à repeupler nos stocks sauvages.

Si vous sautez quelques pages, vous verrez un fax comportant une liste de questions et plus loin les réponses données. Les réponses à une liste de questions m'ont été transmises par Ron Ginetz, le coordonnateur régional de l'aquaculture pour la région Pacifique du MPO. J'aimerais attirer votre attention particulièrement sur deux questions et leurs réponses. La première est: «Combien d'oeufs ont été vendus par le MPO (il les considère comme excédentaires) de chaque espèce, particulièrement de saumon coho et quinnat, chaque année depuis 1985?» Réponse de Ron Ginetz: «Des millions». Question 2: «Combien d'oeufs ont servi à repeupler les populations sauvage et où?» Réponse de Ron Ginetz: «0,0».

Les pêcheurs commerciaux se sont vus interdire la pêche du saumon quinnat à la fin des années 70 ou au début des années 80 dans le fleuve Fraser parce que l'espèce est en danger, mais le MPO a continué à vendre des millions d'oeufs chaque année. Le mandat du MPO est de protéger le poisson sauvage. Je suis extrêmement déçue de voir que les populations sauvages n'ont pas été repeuplées au moyen des oeufs vendus. Quelle est la responsabilité et la priorité du MPO?

J'espère que vous ferez le nécessaire pour tous les Canadiens, car notre saumon sauvage représente une ressource irremplaçable qui ne devrait pas être mise en danger par quelques sociétés en quête de profit et s'appuyant sur une science qui n'a pas fait ses preuves.

Je vous remercie de votre attention.

Le président: Merci beaucoup, madame Wilson. C'était là un exposé très étoffé. Nous vous remercions d'avoir pris le temps de le préparer.

Nous allons passer aux questions. John Cummins.

M. John Cummins: Merci beaucoup, monsieur le président.

Je vous remercie de votre comparution aujourd'hui Karen. J'apprécie l'effort que vous avez consacré à rédiger ce texte.

L'une de mes questions intéresse la fourniture par le MPO d'oeufs de quinnat et de je ne sais quoi à l'aquaculture. Est-ce que ces oeufs ont été fournis gratuitement ou bien les pisciculteurs les ont-ils payés? Le savez-vous?

• 1050

Mme Karen Wilson: Je ne sais pas s'ils ont payé ni quel montant. Mais je pense surtout que ces oeufs auraient dû servir à restocker les populations qui n'étaient pas pêchées commercialement, ce qui signifie qu'elles étaient menacées ou quelque chose du genre.

M. John Cummins: Ils ne vous ont jamais dit d'où venaient ces oeufs, s'ils venaient du Fraser ou des frayères de l'île de Vancouver?

Mme Karen Wilson: Non. Je vous ai communiqué leur réponse. Je trouve cela scandaleux.

M. John Cummins: Le Livre blanc du ministère de la Pêche et de la Chasse de l'Alaska s'inquiète de l'introduction de saumon de l'Atlantique sauvage sur la côte Ouest. Savez-vous s'il s'inquiète également de l'introduction de poissons de frayères ou de saumons d'élevage du Pacifique qui viendraient évincer les populations sauvages des rivières? Cela le préoccupe-t-il également?

Mme Karen Wilson: Oui. J'ai parlé à Glen Oliver, qui est un scientifique du MPO et en fait l'auteur de ce Livre blanc, et c'est précisément ce qu'il m'a dit. C'est l'une de leur crainte. Nul ne sait combien de temps cela pourrait prendre, mais il pense que plusieurs facteurs pourraient évincer les poissons indigènes de ces rivières.

M. John Cummins: Bien entendu, cela est arrivé sur la côte Est, où le saumon d'élevage de l'Atlantique s'est imposé dans de nombreuses rivières du Maine, et également du Nouveau-Brunswick, j'en suis sûr, en évinçant les poissons sauvages. On parle beaucoup moins de ce problème sur la côte Ouest, mais l'aquaculture revient presque à introduire le cheval de Troie, puisque les poissons échappés des piscicultures pourraient se substituer aux stocks sauvages fragiles de cette côte.

Mme Karen Wilson: Oui.

Le président: Merci, John. Est-ce tout?

M. John Cummins: Merci.

Le président: Monsieur Stoffer.

M. Peter Stoffer: Merci.

Dans votre mémoire vous formulez quelques accusations assez graves, notamment le fait que certains pisciculteurs vendent et conditionnent du poisson malade. Avez-vous des documents à l'appui de cela?

Mme Karen Wilson: J'ai apporté ce livre et j'en recommande la lecture à tout le monde. Il s'intitule Sea-silver: Inside British Columbia's salmon-farming industry. Il fait l'historique des débuts de l'élevage du saumon ici en Colombie-Britannique au cours des dix premières années—ce qui s'est passé, les maladies, tout. Je l'ai trouvé extrêmement intéressant. Cela est également confirmé par quelques autres documents ici.

M. Peter Stoffer: D'accord. Deuxièmement, vous avez mentionné que la nourriture donnée aux poissons contiendrait des plumes de poulet.

Mme Karen Wilson: Oui.

M. Peter Stoffer: Avez-vous une liste des ingrédients de cet aliment pour poisson?

Mme Karen Wilson: Non, mais je pourrais probablement l'obtenir.

M. Peter Stoffer: Il serait très intéressant d'avoir la liste des ingrédients de ces aliments, si c'est possible.

Mme Karen Wilson: D'accord, je vais essayer.

M. Peter Stoffer: En ce qui concerne les oeufs, la vente ou le don de ces oeufs, je trouve étonnant que le MPO fasse cela, mais j'ai déjà dit que le MPO échappe à tout contrôle, de toute façon.

Mme Karen Wilson: J'ai été choquée. J'ai reçu cela la semaine dernière seulement, et je n'en croyais pas mes yeux.

M. Peter Stoffer: Vous ont-ils donné d'autres précisions, notamment pourquoi ils font ces choses? Lorsque vous avez reçu cela, j'imagine que vous les avez appelés pour demander...

Mme Karen Wilson: Non, je n'ai reçu cela que la semaine dernière, et je n'ai pas eu l'occasion. Je m'en tiens à ce qui est écrit ici.

M. Peter Stoffer: Très bien.

Le président: Je peux vous assurer, madame Wilson, que nous allons demander des explications au MPO. Ce sera fait.

Monsieur Sekora.

• 1055

M. Lou Sekora: Merci beaucoup.

Vous dites que vous appartenez au British Columbia Legislative Committee. Qui vous emploie?

Mme Karen Wilson: Je travaille pour Novateck Limited. C'est un fabricant d'engrais et une société céréalière. Mon mari et moi sommes pêcheurs commerciaux, et je ne suis employée par aucun groupe ni lié à aucun groupe. Je suis ici strictement parce que je suis préoccupée...

M. Lou Sekora: Lorsque vous avez demandé à...

M. John Cummins: C'est une erreur. Cela ne devrait pas figurer à notre ordre du jour.

Mme Karen Wilson: Je ne sais pas ce que...

M. Lou Sekora: J'aimerais faire une remarque, monsieur le président. Nous n'avons entendu ce matin que l'un des camps. Je n'ai rien contre vous ni aucun des autres témoins, mais je pense qu'il faudrait examiner au préalable ces mémoires afin que nous n'entendions pas toujours les mêmes arguments. Je pense que les témoins devraient envoyer leurs mémoires ou leurs textes par avance au président afin qu'il en prenne connaissance et évite que nous ayons quatre ou cinq témoins disant peu ou prou la même chose.

Le président: Lou, je n'aimerais pas prendre cette décision.

M. Lou Sekora: Je sais bien, mais cela nous permettrait d'entendre beaucoup plus de témoins.

En ce qui concerne l'alimentation, j'aimerais mieux que le comité demande aux producteurs de cet aliment pour poisson quels sont les ingrédients. Nous pouvons l'obtenir facilement, au lieu de lui demander à elle de se débrouiller pour trouver ou ne pas trouver. Je pense que ce serait une meilleure façon de procéder.

Le président: Lorsque nous demanderons aux membres de proposer des témoins pour la côte Est, vous pourrez proposer celui-là. Nous avons demandé à tous les membres de proposer des noms de témoins et nous avons ceux que nous avons et nous leur sommes reconnaissants de faire l'effort de venir ici.

Avez-vous une question sur le fond?

M. Lou Sekora: Non, c'est tout. Je vous remercie.

Le président: D'autres question, monsieur Duncan?

M. John Duncan: Non, c'est tout.

J'aimerais dire simplement que je vais lire votre documentation avec beaucoup d'intérêt.

Mme Karen Wilson: Merci. J'espère que tout le monde le fera.

Le président: En ce qui concerne le problème de l'AIS, le problème du saumon au Nouveau-Brunswick, dans la baie de Fundy et au Maine, je sais que le Collège vétérinaire de l'Atlantique travaille beaucoup là-dessus. Je leur ai parlé à plusieurs reprises et lorsque nous irons sur la côte Est, nous essaierons de les rencontrer également.

M. Stoffer, puis retour à M. Cummins.

M. Peter Stoffer: Juste une précision, Wayne. Certaines personnes ont demandé hier ce qui se passerait après ces audiences. Sachez donc que le comité rédigera un rapport sur ses conclusions. Ce rapport sera déposé à la Chambre des communes et rendu public.

Le président: Oui, et le ministre devra répondre dans un délai de 150 jours. Nous espérons que sa réponse sera plus positive et un peu plus rapide que la dernière fois.

Monsieur Cummins.

M. John Cummins: Je veux simplement faire remarquer au comité que Karen a rassemblé une documentation très étoffée sur ce problème. Il vaut certainement la peine de lire tout cela. Je pense que vous y trouverez des réponses à nombre des questions et problèmes soulevés.

Je veux également faire ressortir que Karen est une digne représentante des pêcheurs de Colombie-Britannique, qui s'intéresse de près à la problématique de l'habitat et à la protection de l'habitat et se dévoue pour cette cause. J'apprécie le temps et l'effort qu'elle a consacrés à sa comparution ce matin et à rassembler cette documentation pour nous. Je tenais à lui en donner acte publiquement.

Le président: Merci beaucoup, madame Wilson. Je n'ai rien à ajouter à cela. Merci de votre exposé et nous allons nous plonger dans cette documentation. Elle est très intéressante.

Mme Karen Wilson: Excellent.

M. John Cummins: J'aimerais signaler, monsieur le président, que Val Roddick, qui est députée provinciale de la circonscription de Delta South est parmi nous et ce depuis quelque temps déjà.

Le président: Bienvenue, Val.

Mme Val Roddick (députée à l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique): Merci.

Le président: Vous savez comment fonctionnent les comités. Nous recueillons toujours de bons renseignements et, espérons-nous, prenons de bonnes décisions.

• 1100

Notre prochain témoin est Robert Corlett, qui comparaît à titre personnel. Bienvenue, monsieur Corlett. Si vous voulez nous dire quelques mots sur vous-même, vous avez la parole. Je crois que nous avons reçu votre mémoire.

M. Robert Corlett (témoignage à titre personnel): Merci. Je n'ai eu qu'un préavis très court de cette réunion.

Le président: Oui, monsieur Corlett, et je vous prie de nous en excuser. Nous avions planifié ce voyage dans l'Ouest depuis le mois de novembre, mais les aléas de la vie politique à Ottawa nous ont bloqués jusqu'à la semaine dernière. Nous avons fini par obtenir le feu vert mais n'avons ensuite eu que très peu de temps pour nous organiser. Nous vous présentons nos excuses et apprécions vos efforts.

M. Robert Corlett: Je vous demande simplement d'en tenir compte.

Je vous souhaite le bonjour et vous remercie de votre invitation à comparaître. Je viens ici à titre de particulier pour exprimer mes préoccupations et avis sur l'aquaculture du saumon en Colombie-Britannique, verbalement et par écrit.

Je suis né à Bella Bella, en Colombie-Britannique, une ville côtière située entre Port Hardy et Prince Rupert. J'ai commencé à faire de la pêche commerciale en 1963. En 1980, je suis passé dans le secteur forestier avant de travailler à partir de 1986 dans l'aquaculture. J'en ai été évincé en 1999.

Les contraintes de la concurrence et l'impératif de la survie, ou des variations sur ce thème, ce sont-là les raisons et les excuses avancées par les pisciculteurs pour justifier les agissements douteux. Les écologistes jouent un rôle nécessaire. Lorsqu'un pisciculteur rejette en mer la nuit les carcasses de ses saumons morts ou ordonne à ses employés de les rejeter lorsqu'il n'y a pas de bateau à l'horizon, cela me dit que les scrupules ne les étouffent pas.

Les pisciculteurs, lorsqu'on leur demande de collaborer à l'enlèvement des carcasses... Je demande aux agriculteurs de nettoyer et désinfecter notre matériel après usage. Ils l'ont toujours fait sérieusement et en temps voulu. Les pisciculteurs, lorsqu'on leur demande de surmonter un problème, sont moins portés à tenir leurs promesses. J'ai offert de construire un appareil spécialisé pour un certain pisciculteur, en exprimant mon espoir qu'il dure assez longtemps pour l'amortir. Il m'a dit de ne pas m'inquiéter, de le construire et qu'il s'en occuperait. Il n'a même pas résisté 100 jours. Il ne nous reste plus qu'à l'inscrire dans la colonne des pertes déductibles d'impôt.

Le code de conduite de la B.C. Salmon Farmers Association est bien intentionné et représente un progrès. Mais ce qui manque, à mon avis, ce sont des sanctions efficaces. Selon mon expérience, les prescriptions fondamentales ne seront jamais respectées si les contrevenants ne sont pas durement sanctionnés pour leurs manquements intentionnels, passés et actuels.

Un membre de la B.C. Salmon Farmers Association, un représentant de l'industrie, semble induire le public en erreur quant à la propriété des navires d'Orca Shipping importés de Norvège. Voyez l'article du magazine Profit intitulé «Fishy Business» dans le numéro du 16 mai 1999. Confronté dans une réunion à Campbell River par moi-même et des membres de la B.C. Salmon Farmers Association, il a admis que ces navires appartiennent en fait à une société norvégienne, P.R. Rulestein A/S, et que la création des diverses sociétés d'Orca Shipping obéissait principalement à des motivations fiscales.

Lorsque la BCSFA adoptera une position plus rigoureuse et se dissociera des grosses compagnies et de leurs pratiques et déclarera publiquement que les pisciculteurs sont comptables de leurs actes, passés et actuels, elle aura mon soutien. En attendant, je pense que l'expansion et la notion de l'autoréglementation seraient au détriment des Canadiens et de l'environnement.

Lorsque l'on me demande si le traitement que j'ai subi dans le secteur de l'aquaculture me laisse amer et influence mon attitude à l'égard de cette industrie, j'ai du mal à répondre. Je confesse un certain degré d'amertume. En même temps, je n'ai plus à craindre, à tort ou à raison, la perte de mon emploi, ce qui me donne une plus grande liberté d'expression.

• 1105

Je suis resté relativement silencieux jusqu'à maintenant. J'ai offert d'aider l'industrie à mettre en place de meilleures normes de fonctionnement comme moyen d'atténuer la polarisation dont elle fait l'objet. C'est une industrie dans laquelle les meilleurs exploitants souffrent de l'incurie des autres. Je pense que les meilleurs seront récompensés tant par le public que par les autorités de leur plus grande franchise et moindre propension à camoufler les agissements illicites.

Merci. Voilà qui clôt mon exposé.

Le président: Merci, monsieur Corlett, de votre franchise.

Nous allons passer d'abord à M. Stoffer.

M. Peter Stoffer: Merci de votre exposé.

Monsieur, dans votre mémoire, vous faites état d'un incident où une pisciculture rejetait en mer des eaux chargées de sang près de la rivière Zeballos. Pourriez-vous nous expliquer rapidement de quoi il s'agissait et ce qui a été fait pour remédier à la situation.

M. Robert Corlett: C'était une pratique régulière. J'ai exploité une entreprise d'abattage de saumons pendant quatre ans dans la région de Zeballos, où nous allions dans la pisciculture, étourdissions le poisson au gaz carbonique à bord du navire, saignions le poisson avant de la placer dans une cuve à bord du bateau. Lorsque nous déchargions à Zeballos, chaque fois l'eau chargée de sang était rejetée dans l'océan.

M. Peter Stoffer: C'était la pratique normale?

M. Robert Corlett: C'était la pratique normale.

M. Peter Stoffer: C'était illégal, n'est-ce pas?

M. Robert Corlett: Lorsque j'ai appris que c'était illégal, j'ai dit que je refuserais dorénavant de le faire. Je pensais que c'était légal. Lorsque j'ai refusé de continuer, on m'a menacé de procès. J'ai tenu ferme. La pisciculture m'a alors envoyé un fax disant qu'elle assumerait la responsabilité de l'eau chargée de sang pour le restant de la récolte 97.

M. Peter Stoffer: Cet élevage fonctionne-t-il encore?

M. Robert Corlett: Oui, il fonctionne toujours.

M. Peter Stoffer: J'ai une dernière question. On nous dit que les poissons d'élevage dévorent les harengs, les alevins, etc. Avez-vous vu des poissons d'élevage contenant dans leur ventre d'autres espèces?

M. Robert Corlett: C'est très rare. Nous rencontrons plus souvent des feuilles ou des débris de bois et des cas de famine extrême. Dans une pisciculture où les poissons étaient très émaciés, je n'ai pas constaté qu'ils se nourrissaient d'espèces sauvages. J'ai vu bien souvent des saumoneaux et harengs à l'intérieur des cages, et même lorsque les saumons étaient mis au jeûne avant abattage, ils ne semblaient pas s'intéresser à ces poissons.

M. Peter Stoffer: Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Robert, vous n'en avez pas parlé dans votre exposé mais vous dites dans votre mémoire que l'industrie ne crée plus guère d'emplois dans les petites localités. Pourriez-nous nous en dire un peu plus à ce sujet? Sur la côte Est, il ne fait aucun doute que les localités côtières connaissent de grandes difficultés, tout comme les régions rurales. D'aucuns pensent que l'aquaculture et l'élevage du poisson représentent un potentiel de création d'emplois dans ces régions et pourraient contribuer à leur développement économique. C'est pourquoi je vous demande de nous en dire plus sur cet aspect et sur les raisons. Est-ce dû à la propriété étrangère? Quelle est la raison?

M. Robert Corlett: Selon mon expérience d'une petite ville comme Zeballos, où j'essaie d'employer des locaux, ce village est pratiquement réduit à un terrain de stationnement et un dépotoir pour l'aquaculture.

• 1110

L'arrivée des navires à viviers d'Orca en provenance de Norvège dessine un scénario où il est entièrement possible qu'à l'avenir ces navires transportent le poisson élevé dans nos eaux pour conditionnement ailleurs, particulièrement à Seattle. Ces navires ne sont pas économiquement viables sur de courts trajets.

La tendance de l'industrie est à l'automatisation et à la réduction des frais. On me dit constamment que cela motive les décisions. Lors d'une réunion des pisciculteurs de Campbell River, j'ai demandé: «Si vous pouvez économiser un, deux ou trois cents la livre, en expédiant votre poisson aux États-Unis au lieu de le conditionner vous-même, que ferez-vous?» Je n'ai pas obtenu de réponse.

Le président: Merci de cette réponse.

Monsieur Sekora.

M. Lou Sekora: C'était certainement une présentation intéressante venant de quelqu'un qui a perdu son emploi mais qui sait quand même se montrer juste et essaie d'être impartial.

M. Robert Corlett: Je crois qu'il y a un avenir pour cette industrie.

M. Lou Sekora: C'est bon à entendre venant de quelqu'un comme vous.

N'y avait-il pas de navires disponibles localement que l'on aurait pu utiliser au lieu d'en faire venir de Norvège? Pour quelle raison l'a-t-on fait?

M. Robert Corlett: Des considérations économiques. Il y avait suffisamment d'entreprises locales pour offrir le service. Il n'y avait pas de pénurie en Colombie-Britannique, et les entreprises locales étaient tout à fait prêtes à accroître leurs services.

M. Lou Sekora: Vous avez été pêcheur et vous connaissez bien la pêche. Si le gouvernement fédéral cessait d'intervenir dans l'aquaculture et la pêche, de même que le gouvernement provincial, que feriez-vous pour concilier les deux? Que feriez-vous, vous qui connaissez bien le domaine? Que feriez-vous de différent par rapport à aujourd'hui?

M. Robert Corlett: Si je comprends bien votre question, vous me demandez si le poisson d'élevage et le poisson sauvage peuvent cohabiter.

M. Lou Sekora: Exactement.

M. Robert Corlett: Je ne suis pas expert de cela, mais je perçois un manque de prudence sur ce plan.

Lorsque j'ai commencé dans le secteur de l'aquaculture, il régnait véritablement une mentalité de chercheurs d'or. J'ai survécu à toutes les faillites. Le problème réside dans un grand nombre d'agissements douteux. Il y a des gens dans l'industrie qui essaient de travailler de manière conforme à l'éthique et qu'il faudrait écouter davantage. Il en est d'autres qui se comportent différemment, et on les protège.

M. Lou Sekora: Pensez-vous que si un certain nombre de mesures étaient prises, les deux activités pourraient être viables, la pêche et l'élevage?

M. Robert Corlett: Oui. Je pense qu'il y a place pour les deux.

M. Lou Sekora: Sous certaines conditions.

M. Robert Corlett: Oui.

M. Lou Sekora: D'accord. Je vous remercie.

Le président: Monsieur Cummins.

M. John Cummins: Merci beaucoup, monsieur le président.

Juste par curiosité, qu'offrent ces deux navires à viviers que l'on ne trouvait pas en Colombie-Britannique?

M. Robert Corlett: Ils offrent des tarifs inférieurs de moitié à ceux des navires canadiens.

Je crois savoir que la Garde côtière canadienne les a exemptés de certaines règles exigeant des cales multiples. Ces navires sont plus efficients parce qu'ils ne possèdent qu'une seule grande cale. Le plus gros peut transporter 150 000 livres de poissons vifs. Ils peuvent remettre ces poissons à l'eau dans un lieu différent de la pisciculture d'origine.

Par exemple, dans le cas des piscicultures que je connaissais sur l'île Nootka, qui se trouve vers le centre de la côte occidentale de l'île de Vancouver, le poisson était transporté de là jusqu'à Port Hardy, remis à l'eau dans des cages d'attente pour être conditionné au fur et à mesure des besoins. Je signale que l'usine de conditionnement s'inquiétait au point qu'elle voulait accès aux renseignements sanitaires sur ces stocks. La crainte était que l'on introduise de cette façon des maladies non présentes dans les eaux de Port Hardy.

• 1115

M. John Cummins: Est-ce là une pratique courante?

M. Robert Corlett: Ce ne l'était pas jusqu'alors. Elle l'est, maintenant que les navires d'Orca Shipping sont là.

M. John Cummins: Vous dites à la page 4 de votre mémoire, sous le titre «Scrupules» que le gros des carcasses est rejeté dans l'océan. Y a-t-il des preuves? L'avez-vous vu?

M. Robert Corlett: J'ai vu quelques rejets. J'y ai même participé. Je connais des gens qui seraient prêts à témoigner. Ils s'inquiètent.

M. John Cummins: Que fait-on de ces carcasses au niveau de la pisciculture, dans ce cas? Les rassemble-t-on dans une cage séparée, pour ensuite les charger sur un navire et les jeter par-dessus bord?

M. Robert Corlett: Généralement, on les met dans des sacs de manutention en plastique qui peuvent contenir environ 1 000 livres. Dans les piscicultures pour lesquelles nous travaillons sur l'île de Nootka, nous procédons à l'enlèvement des carcasses une fois par an. Une bonne partie de ces sites sont desservis presque quotidiennement et je sais bien que leur mortalité dépasse largement cela.

M. John Cummins: Dépasse quoi?

M. Robert Corlett: La quantité de carcasses que nous traitons par les voies normales.

M. John Cummins: Quel volume cela représente-t-il, mettons, par mois?

M. Robert Corlett: Je ne me hasarderais pas à le chiffrer. C'est variable. Par exemple, il y a eu beaucoup de problèmes avec toute une génération de kadoa. On a voulu maintenir en vie un volume substantiel de poissons jusqu'à l'année suivante dans l'espoir qu'ils fraient plusieurs fois, comme les saumons de l'Atlantique, et que leur chair, de rouge sombre, qui est invendable, redevienne rouge clair, de façon à pouvoir commercialiser ce poisson. Mais pendant cette période, surtout en été, ces poissons deviennent très fragiles et une grande quantité meurent.

M. John Cummins: Une usine de poissons doit être inspectée, qu'elle conditionne du poisson d'élevage...

M. Robert Corlett: Oui.

M. John Cummins: ...ou du saumon sauvage. Elle est inspectée régulièrement par le gouvernement. Dans votre conclusion, vous dites que, bien qu'il y ait place pour l'aquaculture en Colombie-Britannique, l'industrie ne devrait pas être autoréglementée.

Est-ce que les piscicultures elles-mêmes sont contrôlées ou inspectées par des inspecteurs d'État pour déterminer les politiques ou les pratiques concernant l'élimination des carcasses ou autres déchets, si vous voulez?

M. Robert Corlett: Eh bien, je suppose, mais je n'en ai jamais vu beaucoup pendant que je travaillais dans l'industrie.

En revanche, si vous parlez des usines de conditionnement, j'en ai connu beaucoup au fil des ans et j'ai énormément de respect pour la façon dont certaines sont gérées.

M. John Cummins: Oui.

M. Robert Corlett: Pour d'autres, je n'ai aucun respect. Lorsque les sacs de manutention nous sont rendus pleins de sang et de saletés et sans avoir été lavés ou désinfectés, je m'inquiète.

Par exemple, j'ai justement ici une photo de l'un des sacs de manutention fourni par ma société à un... [Note de la rédaction: Difficultés techniques]... entrailles et déchets. Ce n'est pas dans la documentation. La photo appartient à la société que je gère et ce sac a été utilisé pour le transport de poissons destinés à la consommation humaine.

Le président: John, avez-vous terminé?

M. John Cummins: Oui.

Juste en passant, monsieur le président, nous avons entendu hier des agents des pêches, M. Kehl, qui travaille au ministère des Pêches à Port Alberni. Est-ce lui qui est responsable de ce secteur?

M. Robert Corlett: Je ne suis pas sûr.

• 1120

M. John Cummins: Le fait est que nous avons parlé des effectifs hier, et c'est là une responsabilité additionnelle imposée à ses agents. Mais il me semble que la réglementation de ces piscicultures est insuffisante. C'est un problème sur lequel nous devrions nous pencher. Existe-t-il un règlement relatif aux déchets? Qui en est responsable? Y a-t-il des effectifs suffisants pour les contrôles? J'ai l'impression que les effectifs manquent. Peut-être même n'y a-t-il même pas de règlement dans ce domaine. Je ne sais pas.

Le président: Avant de passer à vous, John, j'ai moi-même quelques questions.

À la page 3 de votre mémoire, Robert, au quatrième paragraphe, vous parlez de deux sociétés qui ont repris votre travail. J'ai eu l'impression que vous disiez que la Garde côtière canadienne a dérogé à sa propre réglementation ou modifié les règles en faveur de ces navires d'Orca Shipping. Est-ce bien ce que vous alléguez?

M. Robert Corlett: Oui, c'est l'impression que j'ai retirée.

Le président: Nous allons demander au chargé de recherche du comité de se renseigner là-dessus auprès de la Garde côtière canadienne.

Deuxièmement, vous écrivez que certaines sociétés ont reçu des subventions considérables du gouvernement norvégien. N'ont-elles pas reçu de subventions du Canada?

M. Robert Corlett: Non. Je crois savoir qu'en Norvège l'équipage des navires baleiniers était payé par le gouvernement norvégien. Je crois que cela a pris fin en 1999. Mais jusque-là, les frais de main-d'oeuvre des navires baleiniers norvégiens étaient pris en charge par le gouvernement norvégien.

Le président: Oui, mais cela ne constituait-il pas une subvention déloyale en vertu des règles commerciales?

M. Robert Corlett: Ce n'est pas mon domaine.

Le président: Quoi qu'il en soit, nous allons devoir vérifier, car la Garde côtière ne devrait pas favoriser les navires étrangers, quels qu'ils soient.

Monsieur Duncan.

M. John Duncan: Oui, j'aimerais simplement signaler qu'à la fin des années 80, je crois, lorsque bon nombre des fermes d'élevage quittaient la Sunshine Coast pour s'établir plus au nord, la mortalité était beaucoup plus forte à l'époque qu'aujourd'hui...

M. Robert Corlett: Oui.

M. John Duncan: ...et c'était une activité très coûteuse.

Je travaillais alors dans l'exploitation forestière et j'avais été contacté pour voir si nous ne pourrions pas mettre sur pied un projet conjoint où nous prendrions réception de ces carcasses pour les épandre dans la forêt. J'ai donc eu à traiter avec les autorités responsables. Je faisais partie du secteur privé. À l'époque, en tout cas, l'élimination des carcasses relevait clairement du ministère de l'Environnement provincial.

Je crois savoir qu'il y a aujourd'hui des méthodes reconnues d'élimination...?

M. Robert Corlett: Oui.

M. John Duncan: Je crois, monsieur le président, qu'il doit exister une piste de vérification facilement retraçable pour savoir qui livre quoi. Si une pisciculture ne livre pas ses déchets à ces endroits agréés, ce doit être assez simple à déterminer. Je ne suis pas convaincu que ce soit notre travail. Je pense que c'est clairement une compétence provinciale.

Mais j'apprécie vos remarques, car s'il y a des pratiques répréhensibles, il faut s'en inquiéter et au moins les signaler aux autorités provinciales.

Je sais—ou crois savoir—que l'industrie, la B.C. Salmon Farmers Association, travaille actuellement à l'élaboration d'un code de déontologie.

M. Robert Corlett: Oui.

M. John Duncan: Le connaissez-vous?

• 1125

M. Robert Corlett: Je le connais très bien. En fait, j'en ai ici le texte.

M. John Duncan: Est-ce qu'il figure dans notre...?

M. Robert Corlett: Non. On me l'a remis sous réserve de confidentialité.

M. John Duncan: Bien.

M. Robert Corlett: Cependant, à la dernière page de ma documentation se trouve une lettre de la B.C. Salmon Farmers Association qui fait état de ce code de pratique. À mon avis, cela me délie de l'obligation de confidentialité.

M. John Duncan: Cela signifie-t-il que vous pouvez nous communiquer le texte?

M. Robert Corlett: Oui.

M. John Duncan: D'accord. Nous vous en sommes reconnaissants.

Avez-vous des remarques à formuler sur ce texte, en l'état actuel?

M. Robert Corlett: Je trouve que c'est un pas dans la bonne direction. Je l'ai dit dans mes remarques liminaires. Je crois que certains membres de l'association sont soucieux de l'éthique, de même que certaines sociétés. Ils essaient de faire ce qu'il faut, sur le plan social et environnemental.

M. John Duncan: Vous l'avez lu. Prévoit-il une forme d'accréditation? Autrement dit, établit-il une fonction de contrôle et ceux qui ne remplissent pas les conditions peuvent-ils être sanctionnés?

M. Robert Corlett: D'après ce que je vois, la seule sanction prévue par le code est l'exclusion de l'association.

M. John Duncan: Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Corlett. Si vous pouviez nous en remettre une copie, nous la ferons distribuer aux membres du comité, si vous êtes d'accord.

Merci beaucoup de votre franchise, comme je l'ai dit au début.

M. Robert Corlett: Merci.

Le président: M. Eric Taylor est-il dans la salle?

Bienvenue, monsieur, et merci de votre patience. Nous avons pris une demi-heure de retard, je crois.

La procédure que nous suivons est que vous avez de cinq à dix minutes pour une déclaration liminaire, ensuite de quoi nous passons aux questions. Vous avez la parole.

M. Eric Taylor (témoignage à titre personnel): Merci beaucoup.

Tout d'abord, merci d'avoir accepté ma demande de comparaître. Comme vous le verrez, mon exposé est extrêmement bref. Je me sens plein d'humilité en voyant les présentations exhaustives des témoins précédents. La mienne est brève pour deux raisons. Premièrement, ce que j'ai à dire est très simple et, deuxièmement, je veux laisser autant de temps que possible pour que vous me posiez des questions, si vous le jugez utile.

Les grandes lignes de mon mémoire sont assez simples, mais je vais les passer en revue rapidement pour l'auditoire.

Je suis professeur adjoint au département de zoologie de l'université de Colombie-Britannique, à Vancouver. Mes centres d'intérêt et mes spécialités sont la génétique évolutionnaire, l'écologie et la conservation de la biodiversité aquatique indigène.

J'ai eu à connaître du problème du saumon de l'Atlantique sur la côte Pacifique parce que c'est moi qui ai employé les techniques moléculaires pour identifier catégoriquement les saumons de l'Atlantique juvéniles dans les rivières de Colombie-Britannique et prouvé ainsi la reproduction naturelle dans ces rivières de saumons de l'Atlantique échappés.

Le problème le plus général sur lequel je veux attirer l'attention sont les effets néfastes potentiels de la présence de saumon de l'Atlantique exotique sur les poissons indigènes de Colombie-Britannique—du Pacifique en général, mais de la Colombie-Britannique plus particulièrement. Vous en avez évidemment beaucoup entendu parler, de la bouche de personnes fermement rangées dans l'un ou l'autre camp.

Mais l'aspect auquel je veux surtout en venir, et c'est mon quatrième point, concerne un problème majeur dans ce débat. Le problème majeur est l'absence de données scientifiques objectives et essentielles si l'on veut déterminer l'importance de l'enjeu. Autrement dit, le MPO pèche par défaut d'un programme de recherche exhaustif qui permettrait d'évaluer objectivement les effets écologiques et génétiques potentiels des saumons de l'Atlantique échappés sur les espèces indigènes.

Par «poisson indigène», je n'entends pas seulement le saumon du Pacifique. La Colombie-Britannique jouit d'une faune aquatique hautement diversifiée. On parle beaucoup des effets négatifs potentiels sur le saumon du Pacifique. Toutefois, beaucoup d'autres espèces de poissons qui font partie du biopatrimoine indigène peuvent se ressentir de l'aquaculture du saumon de l'Atlantique mal maîtrisée.

• 1130

Je cite principalement le MPO car c'est réellement lui qui est responsable de la conservation de la biodiversité du saumon du Pacifique, en particulier des espèces anadromes. Je pense que c'est lui qui devrait prendre l'initiative dans ce domaine.

Les témoins précédents ont indiqué que le MPO se fait le champion de l'aquaculture à toutes fins pratiques, au lieu d'être un arbitre objectif entre les deux camps dans ce débat. Je partage pleinement cette opinion. Si vous regardez son site Web, il n'y est question que d'évaluation des stocks, de comptage du poisson et de dynamique des populations. Le volet aquaculture est dominé par des activités de recherche qui ne visent en fait qu'à promouvoir l'aquaculture. La page Web sur l'aquaculture, dont j'ai amené quelques copies, annonce carrément que c'est là le but premier de son travail. Je sais bien que certains travaux objectifs sont menés pour évaluer les effets négatifs potentiels, mais il n'en est pratiquement pas fait état dans la littérature communiquée ou publiée par la Direction de l'aquaculture du MPO.

Les conséquences, comme je l'indique au point 4, sont doubles. Premièrement, les décisions sont généralement prises en l'absence d'information. Le meilleur exemple en est la décision d'autoriser l'élevage du saumon de l'Atlantique dans des cages à filet en Colombie-Britannique, à l'origine. À mon avis, cela a été fait sans études préalables rigoureuses de l'impact écologique.

Deuxièmement, les systèmes biologiques sont marqués par une haute incertitude. Quiconque vous dit que le saumon de l'Atlantique ne représente pas un danger méconnaît les processus biologiques. De la même façon, quiconque affirme qu'il y aura un problème méconnaît les processus biologiques. L'incertitude règne. Si vous ne faites pas les études au préalable pour évaluer objectivement cette incertitude, les décisions seront prises dans l'ignorance, ce qui n'est jamais bon. L'absence d'information ne fait qu'accroître cette incertitude.

Comment remédier à cet état de chose? Eh bien, faites pression sur le MPO et les organismes dont le mandat englobe la conservation des «ressources» aquatiques. Je mets ce mot entre guillemets car j'entends par là les ressources au sens le plus large. J'entends les ressources à la disposition de ceux qui ne mangent pas de saumon du Pacifique. J'entends les ressources pour ceux qui ne pêchent pas le saumon du Pacifique. J'entends les ressources qui forment notre biopatrimoine naturel, et qui font que le public est rassuré de savoir que nous avons des populations dynamiques de toutes les espèces de poissons sur la côte du Pacifique.

Ce sont là des ressources au sens large, et je pense que le MPO a perdu de vue sa mission première. La promotion de la pêche en fait certainement partie aussi, de même que l'aquaculture. Je pense qu'il faudrait faire pression auprès du MPO afin qu'il entreprenne un programme de recherches proactif sur la biologie de l'invasion et l'impact potentiel sur les espèces indigènes, afin d'évaluer de manière objective dans quelle mesure le point 3 représente réellement un problème, avant de promouvoir l'activité aquacole le long du littoral.

Qu'est-ce que j'entends par proactif? Eh bien, le ministère entreprend quelques activités relatives au saumon de l'Atlantique. Il y a le programme de repérage de saumon de l'Atlantique dont il fait relativement la publicité, mais à mon sens il s'agit là d'un programme réactif. Autrement, et je caricature un peu, il s'agit de deux personnes bien intentionnées, des biologistes compétents, assis près d'un téléphone, qui attendent qu'un particulier, le plus souvent, appelle pour dire: «Écoutez, nous avons pris un saumon de l'Atlantique, ou nous pensons avoir attrapé un saumon de l'Atlantique». Habituellement, les carcasses sont congelées et envoyées au MPO pour analyse. Il n'y a pas de programme de recherche proactif qui soit financé ou géré par le principal organisme responsable de la conservation de la biodiversité des salmonidés indigènes du Pacifique.

Je ne vois pas pourquoi c'est toujours le Trésor public qui paie pour cela. Je pense qu'il faudrait obliger l'industrie à engager des fonds pour de telles recherches. On pourrait imposer des prélèvements en argent sur les poissons échappés, par exemple, et obliger les piscicultures à effectuer des inventaires biologiques des bassins versants avant d'accorder des licences d'exploitation, et ce ne sont là que deux exemples.

De façon générale, il me semble que l'aquaculture devrait être mise davantage à contribution pour financer des recherches sur une activité dont l'industrie sera la principale bénéficiaire et qui a des conséquences potentielles néfastes sur d'autres espèces de poissons.

Je serais ravi de répondre à vos questions là-dessus ou sur tout autre sujet.

Le président: Merci, monsieur Taylor.

• 1135

En ce qui concerne la recherche menée par le MPO, lors d'une séance précédente on nous a remis un document où il était question d'un comité de revue scientifique établi par le MPO et chargé de se pencher sur les modifications de 1988 au protocole de la commission nord-américaine relatif à l'introduction et au transfert de salmonidés. En avez-vous connaissance? Dans la négative, nous pouvons vous en faire parvenir une copie. Il contient quelques conclusions. Nous pouvons vous le remettre.

M. Eric Taylor: Oui, je sais que toutes sortes de comités ont été formés pour se pencher sur la question. Mais habituellement, ces comités ne font que passer en revue les recherches effectuées par d'autres. Ils ne font pas de recherche eux-mêmes.

Le président: D'accord. C'est une remarque légitime. Je vous remercie.

M. Cummins, en premier.

M. John Cummins: Merci beaucoup de votre exposé, monsieur Taylor.

D'une certaine façon, votre mise en garde reflète celle de John Volpe, que nous avons rencontré à Victoria. Il a formulé la même observation que vous: il ne faut rien préjuger dans ce domaine, mais mener des recherches adéquates pour déterminer l'effet. Je pense que nous devrions tous prêter l'oreille, car cette mise en garde provient de deux personnes qui n'ont pas réellement d'intérêt actif dans l'industrie. Je veux dire par là que vous êtes indépendant—vous n'êtes pas partisan ni adversaire de l'aquaculture. Vous êtes un observateur scientifique désintéressé. Voilà ce que je veux dire par là.

M. Eric Taylor: Oui, c'est juste. Je signale que j'ai été entraîné dans tout ce débat un peu contre mon gré, en ce sens que M. Volpe avait besoin d'un endroit où faire les analyses, et j'étais en mesure de les faire. Je les ai donc faites. Voilà mon rôle dans cette affaire.

Je m'intéresse en fait beaucoup plus à la biodiversité aquatique indigène qu'au saumon du Pacifique. Ce dernier n'est pas seul en jeu. Bien que le MPO n'ait peut-être pas la responsabilité première à l'égard du poisson d'eau douce—il ne l'a pas—ce dernier doit néanmoins être pris en considération. Cela suppose un certain degré de communication entre les organismes fédéraux et provinciaux responsables du poisson.

M. John Cummins: Je comprends votre inquiétude concernant les effets que les saumons de l'Atlantique échappés pourraient avoir sur les espèces indigènes de la côte Ouest. Mais il n'y a pas que cela. On nous a dit, par exemple, que dans l'État du Maine, sur la côte Est, dans certains cours d'eau 85 p. 100 des couples reproducteurs sont des saumons d'élevage échappés, par opposition aux poissons indigènes.

Cette menace n'est peut-être pas aussi grande sur cette côte, car nous élevons peu le saumon du Pacifique. Mais il y a ce risque que le saumon du Pacifique d'élevage échappé s'impose dans les cours d'eau locaux. Cela vous préoccupe-t-il également?

M. Eric Taylor: Oui, certainement. C'est une possibilité, cela ne fait aucun doute. Avec le recul en nombre des populations sauvages, il y a la possibilité que des poissons produits en écloserie ou en pisciculture, élevés en nombre beaucoup plus grand, colonisent ces types d'habitats.

Évidemment, tout dépend de l'écart entre le poisson d'élevage et le poisson indigène qu'ils évincent. Ce genre d'extinction et de recolonisation est un phénomène naturel fréquent. Mais cela peut devenir un problème beaucoup plus grave s'il s'agit de poissons d'élevage qui diffèrent très largement des populations indigènes.

M. John Cummins: Mais, de façon générale, le saumon retourne dans la rivière où il est né. Je crois savoir que si l'on installe une écloserie sur une rivière donnée, on n'utilise que des oeufs venant de celle-ci. On s'en tient aux oeufs produits dans ce système—à moins, je suppose, que le poisson ait disparu de ce système.

La crainte est-elle donc que le stock sauvage vienne d'un autre bassin et soit génétiquement différent de l'espèce locale? On dit qu'il pourrait ne pas être aussi résistant aux maladies dans ce bassin, etc. Est-ce cela que l'on craint?

• 1140

M. Eric Taylor: Oui. Il ne fait aucun doute que c'est une préoccupation justifiée. On pense généralement que l'on n'utilise jamais de poissons non indigène dans un programme d'éclosion. C'est le principe, mais qui n'est pas toujours strictement respecté. C'est l'objectif théorique.

Je connais certains cas où l'on soupçonne fortement que ce ne soit pas vrai, que des poissons non indigènes sont utilisés dans certaines circonstances, par exemple s'il n'y a pas suffisamment de poissons indigènes. Je ne peux pas citer de cas précis, et je ne devrais peut-être même pas en parler, mais je ne serais pas surpris que ce principe ne soit pas strictement respecté.

M. John Cummins: J'ai posé il y a quelque temps une question au ministre concernant l'anémie infectieuse du saumon. J'ai reçu une réponse écrite le 31 juillet 1998 et de nouveau en septembre 1998, suite à une question que j'avais inscrite au Feuilleton.

Dans sa lettre, le ministre disait que la maladie a été détectée la première fois en Norvège en 1984. Il a dit qu'ici au Canada, son ministère a testé plus de 100 saumons et truites sauvages et, comme en Norvège, on n'a trouvé aucune trace de la maladie. Il précisait bien qu'au Nouveau-Brunswick, l'AIS n'a été rencontrée que dans les saumons de l'Atlantique d'élevage, pas dans la population sauvage.

Est-il exact, à votre connaissance, que certaines maladies ne se rencontrent que chez le saumon en cage ou dans les piscicultures, pas dans la nature? C'est ce que le ministre m'a indiqué, et j'ai trouvé cela surprenant.

M. Eric Taylor: Nous sortons là largement de ma spécialité. Toutefois, en tant que scientifique, je n'accorderais pas trop d'importance à un échantillon de 100 sujets face à des milliers d'échantillons potentiels. Je ne sais pas où cet échantillon a été prélevé ni rien, mais je ne considère pas cela comme une estimation terriblement fiable du risque potentiel.

M. John Cummins: Mais il dit ici que la maladie n'a pas été rencontrée dans le poisson sauvage, ni au Canada ni en Norvège, où elle a été détectée en premier lieu. C'est ce qu'écrit le ministre en réponse à ma question: l'AIS n'a pas été rencontrée chez le poisson sauvage, ni au Canada ni en Norvège, où la maladie a été observée en premier lieu. Cela m'a paru une affirmation plutôt catégorique venant du ministre des Pêches.

M. Eric Taylor: Je suis d'accord. D'une certaine façon, c'est une affirmation véridique. On ne l'a pas rencontré. Mais il faut se demander dans quelle mesure on a cherché. Je n'ai pas l'impression que l'on ait beaucoup cherché... Cette possibilité n'a pas été étudiée de très près, compte tenu du désastre potentiel. C'est donc une affirmation qui ne nous apprend pas grand-chose.

M. John Cummins: Merci.

Le président: Merci, John.

M. Stoffer, puis M. Sekora.

M. Peter Stoffer: Merci, monsieur le président.

Je vous remercie de votre exposé. Vous avez raison, il faudrait consacrer beaucoup plus d'argent et de recherches à cet aspect, car nous avançons littéralement à l'aveuglette.

Quelqu'un m'a remis un article du magazine New Scientist en date du 6 février 2000. On y dit que Ray Peterson, un généticien spécialisé dans le bétail, retraité de l'Université de la Colombie-Britannique, a rédigé une étude pour le ministère—il s'agit du MPO—où il prétend que le saumon sauvage bénéficierait de l'apport de nouveaux gènes. Voilà ce qu'il dit:

    «L'isolement des stocks de saumons est à éviter» écrit Peterson. Il dit qu'ils ont perdu leur diversité génétique.

J'aimerais avoir votre avis, s'il vous plaît.

M. Eric Taylor: Eh bien, je n'ai pas vu ce rapport, mais...

M. Peter Stoffer: Est-ce qu'il est dans le vrai...

M. Eric Taylor: Je répondrai sur la base de ce que vous venez de lire.

Il est totalement faux que les populations de saumons sauvages aient perdu leur diversité génétique. Au contraire, les populations de saumons possèdent la plus grande variabilité, du point de vue génétique. Typiquement, il y a une grande variabilité dans les populations de saumons indigènes. C'est donc totalement faux.

M. Peter Stoffer: C'est exactement ce que disait Carl Walters dans son commentaire: c'est complètement stupide.

M. Eric Taylor: C'est complètement stupide. C'est un exemple classique, je pense, du phénomène que je veux faire surtout ressortir.

• 1145

L'affirmation que des populations sauvages pourraient bénéficier de l'introduction de gènes venant de populations d'élevage est un syndrome classique des pratiques génétiques agricoles ou aquacoles. Autrement dit, si pendant des siècles ou des décennies vous sélectionnez le bétail sur la base du rythme de croissance, vous aboutissez souvent à une perte de diversité génétique dans le stock sélectionné. Vous obtenez donc une vache réellement grosse et grasse, mais la diversité est perdue sur le plan de la taille ou du taux de croissance, et habituellement aussi à l'égard d'autres caractéristiques.

Lorsque vous perdez ce genre de diversité, il peut en résulter ce que l'on appelle la dépression consanguine, puisque vous accouplez des bêtes apparentées entre elles. La dépression consanguine consiste en l'apparition fréquente de caractéristiques génétiques délétères ou néfastes dans une population. Autrement dit, on obtient un nombre accru de difformités à la naissance, des taux de survie réduits, une viabilité réduite—une production de gamètes réduite.

Une stratégie classique pour remédier à cela dans l'élevage agricole ou aquacole consiste à introduire des gènes d'une autre population, c'est-à-dire à procéder à des croisements hétérogènes pour ce stock consanguin. C'est courant en génétique du maïs, du riz, de tout ce que vous voulez.

Une fois la variation génétique épuisée dans une population agricole ou aquacole, le remède consiste à introduire des gènes d'une autre variété ou d'une autre population d'un autre centre d'élevage. Il en résulte souvent une augmentation de la variabilité et un rétablissement de ce que l'on appelle la vigueur hybride dans cette population déprimée.

Cette situation n'existe pas dans les populations indigènes ou sauvages. Il y a dans les populations de saumons naturels des tonnes et des tonnes de variabilité génétique. Elles représentent un excellent point de départ, reconnu dans toute la communauté scientifique, pour l'étude des variations génétiques dans les populations, simplement parce qu'elles en ont tellement, et que cette variation est souvent structurée cours d'eau par cours d'eau ou bassin versant par bassin versant.

Il est tout à fait faux de dire qu'il n'y a pas de variabilité ou une variabilité limitée dans les populations naturelles et qu'elles pourraient donc bénéficier de cet apport de gènes provenant de populations d'élevage.

M. Peter Stoffer: La réalité est que dans la région Atlantique, le saumon n'est pas réellement du saumon, c'est plutôt une truite. N'est-ce pas? On nous a dit hier que le saumon de l'Atlantique n'est pas réellement un saumon, qu'il appartient plutôt à la famille de la truite.

M. Eric Taylor: Nous entrons là dans la science assez confuse de la taxonomie. C'est un saumon parce qu'on l'appelle saumon de l'Atlantique, mais c'est un genre différent, si vous voulez, de celui du véritable saumon du Pacifique, l'oncorhynchus. C'est un salmo, et le saumon du Pacifique est un oncorhynchus, mais il sont étroitement apparentés.

M. Peter Stoffer: Avez-vous eu l'occasion d'examiner les travaux de M. Volpe?

M. Eric Taylor: Oui. Je siège à son comité de recherche.

M. Peter Stoffer: Je suppose qu'il sera un jour docteur dans sa spécialité. Il dit qu'il est le seul à faire ce genre de travail sur le terrain, ce que je trouve assez étonnant.

M. Eric Taylor: Je trouve cela étonnant aussi. Je dois avouer que j'ai examiné une partie de ses travaux, mais pas l'ensemble. Je fais partie de son comité de recherche, et cela devra attendre qu'il ait tout rassemblé. Mais d'après ce que j'ai vu, il fait un bon travail et il est réellement, pour autant que je sache, le seul à le faire.

J'ai une copie de la publication de 1998 du MPO émanant de la Direction scientifique, région du Pacifique, et c'est le numéro le plus récent, je viens de le recevoir par la poste. Elle est scindée en deux sections. L'une contient les publications primaires, et représente le principal moyen de contrôle de la qualité pour des gens comme moi et les scientifiques du MPO qui publient dans la littérature scientifique. Il y a d'excellents scientifiques qui font beaucoup de bon travail dans d'autres domaines, mais absolument rien n'a été publié sur les effets écologiques ou génétiques possibles sur les populations indigènes du saumon de l'Atlantique ou du Pacifique d'élevage.

Cela ne signifie pas que nul ne s'intéresse à la question. J'ai remarqué, en effet, qu'un scientifique du nom de Glen Jamieson, que je ne connais pas, a fait une étude en 1998 des effets écologiques potentiels de l'introduction du crabe vert européen sur la côte de la Colombie-Britannique, au Canada, et de l'État de Washington, aux États-Unis.

• 1150

Donc, au moins une partie de la structure scientifique du MPO considère les répercussions écologiques potentielles d'espèces potentiellement envahissantes comme un problème important pour des groupes d'organismes aquatiques d'intérêt commercial, tel que le crabe de la côte du Pacifique. Et ce n'est là qu'une seule étude. On est en droit de se demander pourquoi on ne déploie pas un effort parallèle dans le cas du saumon du Pacifique.

Toujours sur le plan transgénique, des expériences génétiques sont en cours pour approfondir certains de ces éléments—croiser du saumon du Pacifique avec du saumon de l'Atlantique pour déterminer la viabilité de cette descendance. Ce travail a souvent été mentionné par les deux camps dans ce débat et ces travaux sont toujours en cours. Ils sont menés par un excellent chercheur, mais rien n'a encore été publié. Mais de l'aveu de cette personne elle-même, ce travail est plus ou moins marginalisé au sein de la structure du MPO. Donc, la personne qui est extrêmement compétente, qui est un excellent généticien et scientifique faisant un tel travail d'évaluation, est marginalisé, de son propre aveu, au sein de la Division de l'aquaculture.

Une voix: Quel est son nom?

Le président: Merci.

Peter, dernière question.

M. Peter Stoffer: Non, j'ai fini.

Le président: D'accord. Monsieur Sekora.

M. Lou Sekora: J'ai déjà posé ma question.

Le président: D'accord. John Cummins.

M. John Cummins: Merci, monsieur le président.

Je vous ai posé une question sur ce virus AIS et j'ai apprécié votre réponse. Je rappelle seulement que cette maladie a d'abord été décelée au Nouveau-Brunswick dans le poisson d'élevage. Plusieurs flambées d'infection sont survenues depuis 1986. Ce n'est qu'en 1999 que ce virus a été découvert dans la population sauvage. Mais à en juger d'après votre réponse... Les lettres du ministre que je vous aie lues ont été écrites en 1998, lorsque la maladie n'avait pas été encore détectée dans les stocks sauvages. Mais à l'automne 1999, en octobre 1999, on l'a décelée chez les saumons sauvages.

La question est donc celle-ci. Je suppose, qu'avec toutes les études effectuées sur les populations sauvages... La maladie aurait été décelée à un moment ou à un autre si elle avait son origine dans les populations sauvages du Nouveau-Brunswick. Ne pensez-vous pas qu'elle aura été identifiée à un moment quelconque?

M. Eric Taylor: On pourrait le penser, à condition, comme je l'ai dit, d'avoir un programme rigoureux de suivi des populations sauvages.

M. John Cummins: Aurait-il fallu savoir quoi chercher, à votre avis?

M. Eric Taylor: Oh, je ne sais rien des manifestations de cette maladie. Je ne sais pas. Mais j'imagine qu'il aurait fallu des symptômes bien précis, oui, certainement.

M. John Cummins: Ce que j'essaie de savoir, c'est si la maladie pouvait avoir existé dans les stocks sauvages avant son apparition dans les piscicultures.

M. Eric Taylor: Oui, c'est difficile à dire. Selon la rapidité avec laquelle la mort survient, la maladie peut être extrêmement difficile à détecter dans une population sauvage parce que les sujets ne parviennent jamais à un âge où elle devient apparente. Il est un peu plus facile de détecter ce genre de choses dans une situation de culture de masse, où la contagion est évidemment beaucoup plus un problème. La capacité de détecter la maladie dans différentes circonstances devient presqu'un problème statistique.

M. John Cummins: À votre connaissance, vous qui êtes un scientifique, est-ce que la transmission de la maladie du poisson élevé dans ces cages aux poissons sauvages est facile, à défaut d'un meilleur terme—ou bien est-elle...?

M. Eric Taylor: Désolé, je ne peux pas me prononcer là-dessus. Je ne connais rien à la transmission des maladies. Mais il est bien connu que, selon les caractéristiques de transmission d'une maladie ou d'un virus donné, l'entassement des sujets... Ce n'est pas seulement le cas des piscicultures... Si les vecteurs sont tous entassés au même endroit, il est évident que la transmission est beaucoup plus facile.

• 1155

Le président: Merci, monsieur Taylor.

Monsieur Duncan.

M. John Duncan: Ça va.

Le président: Je me suis trompé et je n'ai pas suivi le bon ordre. Allez-y, monsieur Duncan.

M. John Duncan: Non, je cède mon tour.

Le président: Il nous reste un peu de temps, John, si vous voulez l'utiliser. Nous avons quatre minutes.

M. John Duncan: Avons-nous un autre témoin?

Le président: Oui, nous avons un autre témoin.

Monsieur Stoffer, dernière question.

M. Peter Stoffer: J'ai une suggestion, et cette idée provient de mon collègue, M. Bernier.

A-t-on jamais suggéré, soit au ministère des Pêches de la Colombie-Britannique soit au MPO d'acheter une pisciculture quelque part pour permettre à des scientifiques comme vous d'étudier de façon exhaustive les effets d'un élevage? Y a-t-on jamais songé? On nous a dit que l'industrie rédige un code de pratique, mais elle le fait sans recherche scientifique préalable. Est-ce exact?

M. Eric Taylor: Oui, à ma connaissance. Mais je ne suis pas sûr.

M. Peter Stoffer: C'est possible.

M. Eric Taylor: C'est possible.

M. Peter Stoffer: Il vaudrait probablement mieux le faire en disposant de toutes les données scientifiques possibles. Ne serait-ce pas une bonne idée que le MPO et le ministère provincial des Pêches exploitent une pisciculture juste pour voir quels en sont les effets à long terme? Nous entendons toutes sortes d'informations contradictoires sur les répercussions de ces cages.

M. Eric Taylor: Je suis heureux que vous abordiez cela, car c'est justement à quoi je voulais en venir dans mon exposé.

Le problème, justement, est l'existence de toutes ces données contradictoires. Les arguments de part et d'autre tendent à être de nature économique ou passionnelle. La raison pour laquelle les deux camps peuvent dire des choses aussi extrêmes est qu'il n'y a pas d'informations objectives pour dire: «voilà, ces dix objections sont totalement erronées car des scientifiques indépendants ont fait ces expériences et on peut écarter ces craintes avec une certitude raisonnable; mais ces deux-là restent valides. Il va falloir concevoir les installations de production de telle ou telle façon pour minimiser ces risques si l'on veut continuer».

Donc, oui, c'est précisément mon argument, les deux niveaux de gouvernement devraient engager des recherches. Mais, à mon avis, c'est réellement le MPO qui est le gros poisson—pardonnez le jeu de mots. C'est lui qui, à mon avis, promeut l'aquaculture, beaucoup plus que le gouvernement provincial. En fait, la station biologique du Pacifique possède une installation de mariculture juste à côté d'une station biologique, un petit élevage où on effectue des expériences génétiques quantitatives, portant sur les caractères génétiques de production, surtout sur le saumon du Pacifique, je crois. Mais il me semble qu'il y a là aussi des populations captives de saumons de l'Atlantique sur lesquelles on effectue certaines de ces expériences.

Mais ces expériences, et c'est là mon reproche, tendent à être biaisées en faveur de la production de saumons de l'Atlantique. Elles ne portent pas sur les conséquences néfastes éventuelles de cette production sur les populations indigènes. Il y a un déséquilibre de l'effort de recherche en faveur de l'industrie, plutôt que d'étudier les conséquences néfastes possibles de cette industrie.

Tout ce que je dis, c'est qu'il faut rééquilibrer les recherches. D'accord, faites les expériences de production, aidez l'industrie aquacole, mais en même temps, ayez l'esprit ouvert, soyez objectifs et faites les autres expériences essentielles pour déterminer les éventuelles conséquences négatives. C'est tout. Ainsi, on sera totalement équitable envers les deux camps et on laissera la science trancher la controverse.

Enfin, vous avez suggéré des scientifiques comme moi. Je ne suis nullement intéressé à faire cette recherche. C'est en dehors de ma discipline. Cela ne m'intéresse pas. Ma spécialité, c'est la génétique des populations naturelles et la conservation de la biodiversité des espèces aquatiques indigènes, et il y a toutes sortes d'autres domaines de recherche qui m'intéressent beaucoup plus. Mais je considère comme un problème grave ce manque d'études menées par des gens beaucoup plus compétents que moi.

Il n'y a pas de biologistes de la conservation au MPO. Il y a des gens qui travaillent là-dessus, mais aucun scientifique, à ma connaissance, qui ait réellement une formation de biologiste de la conservation. La conception de la conservation du MPO consiste à faire appliquer les règlements, à lutter contre le braconnage et la surpêche, c'est tout. Je pense qu'il devrait porter un intérêt beaucoup plus scientifique à la conservation de ces ressources qu'il a mission de protéger. Il faut mettre beaucoup plus l'accent là-dessus.

M. Peter Stoffer: Merci.

• 1200

Le président: Merci, monsieur Taylor.

Juste une dernière question sur la recherche, de façon générale. Pour vous, elle ne se limite pas au poisson mais doit porter aussi sur les coquillages, toute l'aquaculture, tout ce qui concerne cette industrie?

M. Eric Taylor: Je pense. Il me semble que cela devrait faire partie du coût d'exploitation. Je ne vois pas pourquoi... Évidemment, le problème du saumon de l'Atlantique—la plupart des gens n'ont jamais entendu parler du crabe vert, et je ne sais même pas s'il est apparu naturellement ou s'il a été introduit... En fait, je pense qu'il est apparu naturellement, mais quoi qu'il en soit, le problème est de nature beaucoup plus générale.

L'étude des effets d'espèces d'élevage échappées—ou d'organismes produits par la mariculture—sur la génétique et l'écologie des populations indigènes, cela fait partie du coût d'exploitation. Ce n'est pas différent du coût de la construction d'une mine, qui exige d'étudier l'influence sur les routes de migration du caribou, tout ce que vous voulez. Ce n'est pas différent du coût d'exploitation dans l'industrie forestière. C'est pareil. Je ne vois pas pourquoi l'aquaculture ne serait pas soumise aux mêmes contraintes que ces autres industries d'exploitation des ressources naturelles. Et le fait qu'elle en soit à son début n'est pas une excuse. Si vous ne pouvez pas faire les recherches au départ, abstenez-vous.

Le président: Merci beaucoup de cette excellente présentation qui nous a fait couvrir beaucoup de terrain, monsieur Taylor. Je crois qu'il n'y a pas d'autres questions. Merci beaucoup.

Le prochain témoin est Charles McKee. Monsieur McKee, avant que vous commenciez, j'aimerais savoir si le mémoire que le greffier m'a remis est bien celui que vous avez l'intention de présenter.

M. Charles H. McKee (témoignage à titre personnel): Oui, c'est cela.

M. Carmen Provenzano (Sault Ste. Marie, Lib.): Monsieur le président, j'aimerais que l'on montre le mémoire à ce monsieur afin qu'il puisse l'identifier.

Le président: Je suis sûr que c'est le sien.

M. Charles McKee: Oui, effectivement.

Le président: Monsieur McKee, le comité se penche sur l'aquaculture, la stratégie relative à la pêche des Autochtones et la Loi sur les océans. Dans la lettre que vous avez adressée à M. Farrell, vous disiez que votre intervention porterait sur l'impact environnemental des piscicultures. Le mémoire que vous avez l'intention de présenter ici ne porte pas sur ces questions. C'est une attaque contre des partis politiques, une attaque contre des personnalités, tant politiques que non politiques, et je ne puis autoriser ce témoignage. Si vous voulez témoigner à ce comité sur le sujet qui l'occupe, je vous y autoriserai.

M. Charles McKee: Monsieur le président, monsieur Taylor a terminé son exposé en disant qu'il ne comprend pas ce qui se passe, qu'il ne comprend pas ce problème incroyable, le fait que cette industrie reste ignorée et est en fait promue par le ministère fédéral des Pêches et des Océans. Eh bien, j'aimerais expliquer à M. Taylor exactement le pourquoi. Chaque membre libéral de ce comité sait exactement pourquoi le MPO est...

Le président: Monsieur McKee, comme je l'ai dit, si vous voulez faire une présentation portant sur le sujet de nos audiences, nous vous écouterons; sinon, s'il s'agit d'une attaque contre un parti politique—et j'agirais de même si c'était une attaque contre le Parti réformiste, le Bloc ou le NPD, et je pense que tous les membres du comité le savent. Nous travaillons dans un esprit non partisan. Vous vous en prenez dans votre mémoire non seulement à des partis politiques, mais aussi à des chercheurs et d'autres personnes, et je ne vais tout simplement pas accepter ce témoignage. C'est aussi simple que cela. Si vous ne pouvez pas passer au sujet sur lequel le comité tient des audiences, je vais lever la séance jusqu'à 13 h 30.

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M. Charles McKee: Le comité s'intéresse-t-il aux raisons pour lesquelles le ministère des Pêches et des Océans ne fait aucune recherche et déforme les résultats des recherches effectuées sur ce sujet lors des enquêtes du gouvernement provincial?

M. Carmen Provenzano: Rappel au règlement, monsieur le président. Il est évident que cette personne ne saisit pas le sens de vos propos. Nous ne pouvons entendre ce mémoire pour les raisons que vous avez données. Il n'y a pas moyen d'extraire de ce mémoire le genre de témoignage que ce comité est venu ici pour entendre.

Nous n'avons donc pas le choix. Nous ne pouvons entendre ce mémoire et il faudrait conseiller à cette personne, pour son propre bien, de consulter un avocat avant de faire devant quiconque le genre de déclarations contenues dans ce mémoire.

M. Charles McKee: Monsieur le président...

Le président: Je vais écouter monsieur McKee, et je reviendrai ensuite à vous sur le rappel au règlement.

M. Charles McKee: S'agissant d'avis juridique, je suis arrivé cinquième de ma promotion en faculté de droit. Je suis prêt à parler ici, sur Granville Street, n'importe où et à dire exactement ce que j'ai écrit ici.

Le président: Je peux vous le dire, monsieur McKee, si vous voulez présenter ce qui figure dans ce mémoire, vous ne prendrez pas la parole ici. C'est aussi simple que cela.

La séance est levée et reprendra à 13 h 30.