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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 048 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 30 octobre 2012

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    La séance est ouverte. C'est la 48e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Conformément à l'ordre de renvoi du mardi 16 octobre 2012, nous étudions le projet de loi C-37, Loi modifiant le Code criminel, et nous allons entendre des témoins aujourd'hui.
    Avant de commencer, je dois signaler un petit problème d'horaire dans la mesure où la sonnerie doit se déclencher à 17 h 15, de sorte que notre séance va devoir se terminer un peu plus tôt et que nous aurons besoin de 15 minutes à la fin de la séance d'aujourd'hui pour parler des travaux du comité.
    Nous avons ici des témoins importants, mais je crois que nous allons devoir abréger quelque peu la période réservée aux témoins. Nous pourrions avoir une première session de 45 minutes et une deuxième de même durée ou nous pourrions prévoir une période un peu plus courte pour les deux sessions.
    Monsieur le président, mon collègue et moi parlions de cet aspect. Nous avons besoin de temps pour faire toutes ces choses et nous avons pensé, compte tenu de l'horaire d'aujourd'hui, que nous pourrions peut-être abréger la première moitié, parce qu'il n'y a qu'un seul témoin, et que la deuxième partie pourrait également être un peu plus courte, pour tenir compte des changements.
    Oui.
    C'est ce que nous allions suggérer; c'est la raison pour laquelle nous sommes presque en retard.
    Vous savez que j'aime commencer les séances à l'heure; je vous ferai simplement remarquer que vous avez toutes les deux une minute de retard.
    Nous allons entendre Susan O'Sullivan, l'ombudsman fédérale des victimes d'actes criminels, pendant la première session.
    Je crois que vous êtes déjà venue quelquefois devant le comité et que vous connaissez la formule. Si vous avez une déclaration préliminaire à faire, vous pouvez commencer.

[Français]

    Bonjour, monsieur le président et chers membres du comité.

[Traduction]

     Je vous remercie de m'inviter aujourd'hui à parler du projet de loi C-37, qui modifie les dispositions du Code criminel relatives à la suramende compensatoire fédérale.
    Le dépôt de ce projet de loi m'encourage grandement, car il donne suite aux recommandations formulées par notre bureau dans le but de mieux répondre aux besoins des victimes d'actes criminels au Canada.
    J'aimerais tout d'abord prendre un moment pour parler de mon rôle d'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels. Comme vous le savez peut-être, le Bureau de l'ombudsman fédéral a été créé pour donner une voix aux victimes au niveau fédéral. Nous accomplissons notre mandat en recevant et examinant les plaintes de victimes, en fournissant des renseignements et des références aux victimes d'actes criminels en vue de promouvoir et de faciliter l'accès aux programmes et aux services fédéraux, en promouvant les principes fondamentaux de la justice pour les victimes d'actes criminels, en sensibilisant le personnel de la justice et décideurs politiques les besoins et des préoccupations des victimes et en cernant les problèmes systémiques et nouveaux qui influencent négativement les victimes d'actes criminels.
    Le bureau aide les victimes de manière individuelle et de manière collective. Nous aidons les victimes individuellement, en leur parlant au quotidien, en répondant à leurs questions et en traitant leurs plaintes. Nous aidons les victimes collectivement en révisant des questions importantes et en présentant au gouvernement du Canada des recommandations sur la façon d'améliorer ses lois, ses orientations et ses programmes, de façon à mieux soutenir les victimes d'actes criminels.
    Je tiens d'abord à dire que notre bureau est très encouragé par les modifications proposées aux dispositions du Code criminel relatives à la suramende compensatoire dont nous parlons aujourd'hui. Le projet de loi C-37 propose trois modifications en particulier qui permettront de mieux répondre aux besoins des victimes d'actes criminels.
    La première modification fait en sorte que la suramende compensatoire sera appliquée dans tous les cas sans exception, en supprimant le pouvoir du tribunal de décider de ne pas l'infliger.
    Aux termes de la deuxième modification, les contrevenants qui seront incapables de payer la suramende pourront participer à des programmes provinciaux ou territoriaux de solutions de rechange au paiement d'une amende afin de s'en acquitter.
    La troisième modification a pour effet de doubler le montant de la suramende qu'un contrevenant doit payer. En pratique, le montant de la suramende représentera: 30 p. 100 de l'amende infligée ou, si aucune amende n'est ordonnée: 100 $ pour une infraction punissable par procédure sommaire; 200 $ pour une infraction punissable par mise en accusation.
    Dans les faits, ces modifications feront en sorte que les dispositions sur la suramende compensatoire seront appliquées de manière uniforme partout au Canada et que les contrevenants assumeront davantage leurs responsabilités envers les victimes dont ils ont changé la vie.
    Compte tenu des avantages qu'offrent les modifications proposées pour les victimes d'actes criminels, j'aimerais vous dire que nous appuyons sans réserve l'adoption du projet de loi C-37. La modification des dispositions relatives à la suramende compensatoire a constitué une priorité pour notre bureau. Nous entendons tous les jours des victimes d'actes criminels parler de leur difficulté à accéder aux services dont elles ont besoin. Les victimes expriment aussi leur frustration de voir que les contrevenants n'engagent pas leur responsabilité en ce qui concerne le paiement des montants ordonnés par le tribunal, un dédommagement ou la suramende compensatoire par exemple.
    De plus, les victimes sont confrontées à de nombreuses difficultés en raison des répercussions psychologiques et socioéconomiques des actes criminels commis à leur égard. Selon une étude récente du ministère de la Justice, on estime à près de 83 p. 100 les coûts associés aux crimes qui sont supportés par les victimes. Parmi ces coûts, mentionnons la perte de productivité et de salaire, les frais relatifs aux soins médicaux et psychologiques et les absences du travail pour assister aux instances criminelles. Des victimes nous disent également qu'elles n'ont pas les moyens de payer des séances de thérapie et nous parlent de l'absence de programme d'indemnisation des victimes d'actes criminels dans leur province ou leur territoire.
    L'insuffisance des fonds que devrait générer la suramende pour financer des programmes et des services pour les victimes contribue peut-être à ces obstacles. La suramende vise à s'appliquer automatiquement, mais le juge chargé de la détermination de la peine renonce régulièrement à l'infliger, souvent sans qu'il lui soit démontré qu'elle causerait un préjudice injustifié au contrevenant.
    Des données tirées d'un examen de l'application de la suramende compensatoire fédérale au Nouveau-Brunswick en 2006 révélaient que celle-ci n'avait pas été appliquée dans 66,5 p. 100 des cas étudiés. En outre, dans 99 p. 100 des affaires où elle n'avait pas été infligée, il n'y avait dans le dossier aucun document expliquant pourquoi.
    Comme la suramende n'est habituellement pas infligée, les recettes qui pourraient être consacrées aux services provinciaux et territoriaux d'aide aux victimes sont inférieures à ce qui était prévu. Il est donc évident que la suramende n'atteint pas ses objectifs et qu'elle doit être améliorée.
    La possibilité que le paiement obligatoire de la suramende cause un préjudice injustifié aux contrevenants suscite des préoccupations. En mettant l'accent sur cet aspect cependant, on ne peut pas tenir compte du préjudice injustifié causé aux victimes. Le projet de loi C-37 favorise une approche plus équilibrée qui assure que la suramende compensatoire est infligée de manière uniforme dans tous les cas, tout en permettant aux contrevenants de participer à des programmes de solutions de rechange au paiement d'une amende ou à d'autres mécanismes semblables afin de s'acquitter de la suramende.
    Les modifications proposées dans le projet de loi C-37 pour doubler le montant de la suramende assureront un meilleur financement des services aux victimes et permettront aux contrevenants de réparer les torts qu'ils ont causés, en participant au financement de services qui aident les victimes à faire face à la situation et à aller de l'avant après un crime.
    En conclusion, les modifications proposées aux dispositions relatives à la suramende compensatoire fédérale représentent un pas en avant important. Elles proposent un mécanisme plus efficace au moyen duquel les contrevenants peuvent réparer le tort qu'ils ont causé aux victimes et à la collectivité en général, tout en assumant leurs responsabilités pour les actes qu'ils ont commis.
     L'application efficace de la suramende compensatoire par l'adoption et la mise en application du projet de loi C-37 fera clairement savoir aux victimes que le système de justice pénale reconnaît les répercussions durables des actes criminels commis à leur égard, ainsi que la nécessité qui en découle de tenir les contrevenants responsables et de faire en sorte que les services provinciaux et territoriaux d'aide aux victimes soient adéquatement financés. En conséquence, j'encourage le comité et le Parlement à faire en sorte que le projet de loi soit adopté, car celui-ci permettra de mieux répondre aux besoins des victimes d'actes criminels au Canada.
    À titre d'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels, je suis reconnaissante au comité de m'avoir donné l'occasion de mettre en évidence les besoins des victimes d'actes criminels au regard de cet important projet de loi. Je vous remercie. Je serai heureuse de répondre à vos questions.

  (1535)  

[Français]

    Je vous remercie. Je serai heureuse de répondre à vos questions.

[Traduction]

    Merci.
    Nous allons commencer par Mme Boivin.

[Français]

    Merci, monsieur le président. Merci, madame O'Sullivan, de votre témoignage et d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer.
    Je pense que tout le monde au sein de ce comité est d'accord pour dire que ce projet loi est important puisqu'il y a beaucoup de trous dans ce qui existe présentement au sein Code criminel à la section 7.37 et au sein d'autres sections. On a entendu des témoins qui nous ont dit qu'il n'y avait à peine que 20 p. 100 des juges qui ordonnaient le versement de la suramende, ce qui me laisse songeuse pour les autres 80 p. 100. C'est fait sans l'utilisation du pouvoir discrétionnaire du juge de déterminer si la preuve était présentée par l'accusé, à savoir qu'il était dans l'incapacité de payer sans même avoir eu l'ombre d'une preuve à cet effet. Alors, à cet égard, il y a certainement une situation problématique.
    Je suis tout de même préoccupée en ce qui a trait au projet de loi C-37 parce que je le regarde dans la perspective des tribunaux qui devront l'appliquer par la suite. On sait que la Cour suprême, dans le dossier de R. c. Wu, a dit clairement qu'on ne pouvait pas emprisonner une personne qui était dans l'incapacité réelle de payer. Mon inquiétude est la suivante. Il n'y a pas de dispositions à cet égard. L'effet de cette loi est de retirer la discrétion au juge. C'est une discrétion qui était probablement mal utilisée à l'époque parce qu'il s'agissait de retirer l'imposition de la surprime ou de la suramende sans qu'il n'y ait eu une preuve relative à l'incapacité de payer.
    Toutefois, mon inquiétude est qu'en enlevant l'aspect discrétionnaire de ce pouvoir, on se retrouve avec des contestations. En fait, ce ne sont pas toutes les provinces, ni tous les territoires, qui ont des programmes qui permettent à l'accusé de payer et de s'inscrire à un programme de travail ou de travaux compensatoires. Ce ne sont pas toutes les provinces qui vont retenir le permis de conduire jusqu'à ce que l'amende soit payée.
    Avez-vous regardé le dossier sous cet angle ou simplement sous l'angle, comme vous le dites si bien, où les victimes sont souvent les laissés-pour-compte du système judiciaire? Tout le temps additionnel serait le bienvenu et tout le temps qui responsabiliserait l'accusé serait le bienvenu. Par contre, si ce n'est pas le résultat attendu, en définitive, on manque peut-être le bateau.

  (1540)  

[Traduction]

    Tout d'abord, nous reconnaissons bien sûr que certains contrevenants ne sont pas en mesure de payer, mais il ne faut toutefois pas oublier le fardeau que le crime impose aux victimes. Les coûts que ces dernières subissent résultent directement du crime. Cela peut être à l'origine de problèmes très concrets pour les victimes du crime, comme ceux que j'ai mentionnés dans mes commentaires préliminaires: soins médicaux, perte de salaire, et ce genre de choses. J'ai entendu des victimes de toutes les régions du pays me parler de leurs difficultés, des répercussions du crime sur elles et des obstacles à l'accès aux services.
    Les victimes ont besoin de services de soutien bien financés. Les fonds obtenus grâce à la suramende contribueront à ce financement. Je tiens à reconnaître que j'ai examiné ces déclarations ainsi que les témoignages des autres témoins. J'ai examiné le fait — d'après ce que j'ai compris — qu'il y a sept provinces et territoires qui ont un programme de solution de rechange à l'amende et que les trois autres provinces ont adopté d'autres mécanismes.
    La suramende compensatoire fédérale a été mise en oeuvre en 1988 et modifiée en 2000 pour qu'elle devienne automatique. Je pense que vous faites référence aux mêmes études que celles que j'ai examinées. L'étude du Nouveau-Brunswick de 2006 montrait que la suramende n'était pas imposée dans 66,5 p. 100 des cas et que dans 99 p. 100 de ces cas-là, les raisons pour lesquelles elle n'avait pas été imposée ne figuraient pas au dossier.
    Aucune raison...
    Nous savons donc qu'à l'heure actuelle, il semble que la suramende ne soit habituellement jamais imposée. Je pense que nous devons aux victimes d'adopter cette nouvelle orientation et de l'appliquer de façon uniforme dans l'ensemble du pays. Je crois que le temps est venu de le faire.
    Il existe à l'heure actuelle un programme de solution de rechange à l'amende dans sept provinces et territoires. En cas d'incapacité de payer, ces programmes donnent à l'accusé la possibilité d'effectuer des travaux communautaires, par exemple, de faire quelque chose pour la communauté. Cet aspect est lui aussi, comme vous y avez fait allusion, relié aux buts de la peine, soit la réparation du préjudice causé à la victime et à la collectivité, ainsi que la responsabilisation du contrevenant.
    J'espère que le ministère de la Justice examine avec les provinces le genre de programme qui pourrait être mis en place pour régler ce problème.
    Merci.
    Me reste-t-il encore du temps, monsieur le président?
    Oui.
    Excellent.
    Et les personnes à problèmes?

[Français]

    Que faire avec les personnes ayant des problèmes de santé mentale?
    Plus tard, des témoins vont venir nous expliquer qu'en ce moment, au sein du système carcéral, il y a des gens avec des problèmes de santé mentale ou des handicaps physiques. Doit-on appliquer ces mesures de manière générale?
    Je comprends que vous répondiez — comme d'autres l'ont fait fréquemment  — qu'il existe des programmes provinciaux et territoriaux.
    Une étude de notre excellente Bibliothèque du Parlement démontre que ces programmes provinciaux et territoriaux ne sont pas équivalents partout. Ils ne sont pas utilisables de la même façon.
    Je reviens toujours aux cas extrêmes. En tant que représentante des victimes à travers le Canada, verriez-vous un problème à ce qu'on circonscrive de façon très limitée les cas extrêmes? Cela éviterait qu'un tribunal nous dise un jour qu'on n'avait pas prévu ces cas extrêmes et qu'il retire purement et simplement l'article en question, parce qu'il serait trop discriminatoire par rapport à certains facteurs.
    En somme, nous avons le cas d'une personne en situation de pauvreté extrême, qui ne pourrait pas être compensée par un des programmes, et le cas d'une personne qui ne pourrait même pas s'inscrire à ce programme à cause d'un problème de santé mentale ou d'un handicap physique. Je me demande si vous avez cette ouverture.

  (1545)  

[Traduction]

    Une très brève réponse, s'il vous plaît. Elle ne disposait que d'une minute, mais nous avons largement dépassé cette limite.
    Des voix: Oh, oh!
    Oui, ma réponse aurait été plus longue.
    Je reviendrai à mes commentaires initiaux dans lesquels je reconnais qu'il y a des délinquants à problèmes. Je tiens également à mentionner que les victimes d'actes criminels connaissent des difficultés, elles souffrent de problèmes comme le TSPT et d'anxiété, elles ont besoin de ces services, ce qui est exactement ce que cette mesure a pour but de fournir.
    Je sais également qu'il existe dans le système de justice pénale des mécanismes pour les personnes qui souffrent de troubles graves, pour savoir si elles sont criminellement responsables ou non. Nous avons des tribunaux de santé mentale et d'autres choses dans ce domaine. Ce qui paraît important ici, c'est d'assurer une certaine uniformité, parce qu'un des problèmes que vous touchez est le fait que les services offerts aux victimes varient énormément d'un endroit à l'autre, en fonction du lieu de résidence.
    Merci.
    Madame Findlay.
    Merci, monsieur le président.
    Merci d'être venue aujourd'hui, madame O'Sullivan.
    Comme vous le savez, notre gouvernement a créé le Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels en 2007. Je sais que cela fait environ deux ans que vous occupez ce poste. Vos commentaires sont extrêmement précieux pour notre étude de ce projet de loi.
     Je sais bien sûr — et je crois que vous l'avez mentionné dans vos remarques préliminaires —, que dans votre rapport du 2 février de cette année, Réorienter la conversation, un titre que j'aime bien, vous recommandiez de doubler le montant de la suramende et de la rendre obligatoire. Je pense que vous conviendrez avec moi que ce projet de loi est conforme à la recommandation dynamique que vous proposiez. Vous avez été entendue.
    Je vous en remercie beaucoup.
     C'était effectivement une recommandation qui figurait dans notre rapport intitulé Réorienter la conversation. Il s'agissait de rééquilibrer les choses et d'assurer une uniformité dans ce domaine.
    Sur ce point, je me demande quels commentaires vous pourriez faire au sujet de la nécessité de rendre cette suramende obligatoire. Vous avez également mentionné dans vos remarques que non seulement elle n'était pas imposée, mais que nous ne connaissions même pas les raisons pour lesquelles elle ne l'était pas. Reconnaissez-vous avec moi que le fait de rendre cette suramende obligatoire veut dire que nous comprendrons mieux la façon dont cela fonctionne, notamment pour ce qui est de la situation de l'accusé et de la victime?
    Oui, absolument. Je reviendrai encore une fois sur mes premiers commentaires au sujet de nos recommandations. La suramende fédérale compensatoire a été introduite en 1988. Elle a été modifiée en 2000. Nous avons constaté qu'habituellement elle n'est pas imposée, de sorte que le but recherché n'a pas été atteint. L'objectif était d'obtenir des fonds pour que les provinces et les territoires fournissent des services aux victimes d'actes criminels.
    Je peux vous dire que les victimes d'actes criminels de toutes les régions du Canada communiquent avec nous. Je vais vous donner un exemple. J'ai parlé à une maman qui avait perdu sa fille. Sa fille avait été assassinée. Elle m'a dit qu'elle avait eu de la chance, parce qu'elle avait obtenu gratuitement 30 séances de counselling, mais que cela remontait à 18 mois et que le dossier n'en était même pas à l'étape de l'enquête préliminaire. Elle se demandait combien de séances elle devait mettre de côté. Eh bien, cela ne répond pas aux besoins d'une victime d'actes criminels. Comme tous ceux qui sont autour de cette table le savent, la victimisation est un traumatisme qui dure toute la vie et les besoins de la victime ne disparaissent pas à la fin du processus pénal, pas toujours — ils sont toujours là.
    Comme tout le monde ici le sait, la plupart des services directs sont fournis par les provinces et les territoires et nous voulons donner aux provinces et territoires un financement renforcé, pour qu'ils soient en mesure d'offrir ces services, de répondre aux besoins des victimes d'actes criminels, tant au moment de la perpétration de l'infraction que par la suite— et bien souvent, pendant des années — c'est vraiment quelque chose que nous devons faire. Nous devons commencer à prendre ces mesures positives. Nous devons commencer à reconnaître que les victimes ne sont pas de simples spectateurs dans le système de justice pénale et qu'elles ont des besoins qu'il faut combler.
    Compte tenu de votre position unique, et en raison de votre poste et de votre capacité de dialoguer avec les victimes, pensez-vous que les victimes d'actes criminels au Canada appuient pour la plupart ce projet de loi et en sont satisfaites?
    Oui. En fait, c'est ce que nous disent les victimes d'actes criminels. Je tiens également à dire que ces victimes ont des besoins nombreux et différents. Par exemple, des victimes d'actes criminels vous diront qu'elles sont tout à fait en faveur de la justice réparatrice et que ce type de justice leur paraît approprié. Vous en verrez d'autres qui...
    Mais quoi qu'il en soit, elles ont besoin de services de soutien, des services concrets. Je vais vous donner un seul exemple: l'indemnisation des victimes d'actes criminels. C'est un programme qui existe, mais pas dans toutes les provinces et territoires, comme vous le savez. Il facilite l'accès aux services: par exemple, cette indemnité peut servir à financer des séances de counselling. Il est essentiel que les victimes aient accès à ces fonds pour qu'on puisse les aider à s'ajuster à ce qui leur est arrivé et pour leur offrir les services nécessaires.
    Il faut bien savoir quelles sont les personnes qui ont subi un préjudice et une perte et encore une fois reconnaître... Ce n'est pas l'un ou l'autre, nous le savons. Les victimes ne souhaitent pas que ce qu'elles ont vécu arrive à d'autres, mais elles n'arrivent pas à comprendre — et c'est ce que j'entends dire constamment — pourquoi elles n'ont pas accès rapidement à ces services et dans certains cas, pourquoi elles n'ont pas accès à des services appropriés. Il y a bien sûr les séances de counselling, mais comme vous pouvez l'imaginer, il y a des victimes qui ont besoin de counselling spécial pour les traumatismes. Ce genre de counselling peut être coûteux, mais il faut que notre société réponde aux besoins des victimes d'actes criminels et que le système de justice pénale leur offre également un soutien.

  (1550)  

    Il est bien évident qu'en plus de la victime directe d'un crime, il y a aussi des familles entières qui sont victimisées. Je me demandais si vous pouviez nous parler de cet aspect, sur le besoin de soutien ou, en d'autres termes, comment définir le mot « victime ».
    Vous avez tout à fait raison, et en fait, je peux tout simplement vous renvoyer au témoignage que j'ai livré la semaine dernière au sujet du projet de loi C-44. Nous avons entendu des témoignages bouleversants de familles qui avaient perdu un être cher à la suite d'un homicide. Elles ont parlé des répercussions du crime sur les frères et soeurs de la victime pour ce qui est du soutien dont elles avaient besoin.
    Nous avons également entendu des commentaires au sujet de la définition de « victime ». Par exemple, au Royaume-Uni, on utilise les mots « victime-témoin ». Il y a beaucoup de gens qui sont touchés par un crime. Dans les familles, en particulier dans un cas d'homicide, on dit souvent que les frères et soeurs sont les victimes silencieuses qui ne s'expriment pas mais qui sont bien évidemment énormément touchées.
    La recherche et les études nous montrent que de nombreuses familles — et je prendrai l'homicide comme exemple — subissent non seulement une perte de revenu, mais qu'elles ont également besoin de soutien et d'aides diverses en raison des problèmes qui réapparaissent à la suite de leur victimisation. Nous avons besoin de pouvoir offrir des services pour que les familles et les victimes puissent s'adapter aux conséquences d'un crime, dans le cadre du système de justice pénale et au-delà.
    Merci pour ces précisions.
    Monsieur Cotler.
    Merci, monsieur le président.
    Merci d'être venue, madame O'Sullivan. Je sais que vous avez déjà parlé de ces questions.
    J'aimerais parler de votre rapport, Réorienter la conversation. Votre rapport spécial contient plusieurs recommandations dont une consisterait à multiplier par deux le montant de la suramende fédérale compensatoire. Je me demande comment vous en êtes arrivés à cette recommandation.
    Je sais que votre rapport fait référence à une étude de 2005-2006 effectuée par le ministère de la Justice du Nouveau-Brunswick. Cette étude mentionnait que les réponses variaient sensiblement. Il y avait ceux qui disaient qu'il ne faudrait même pas parler de suramende en cas d'incapacité de payer et il y avait des différences d'opinions au sujet du montant souhaitable.
    Voici ma question: avez-vous consulté les procureurs généraux des provinces et des territoires? Ont-ils présenté des recommandations sur ce point? Je mentionne cet aspect parce que je me souviens qu'à l'époque, en 2005, nous avions reçu une recommandation qui émanait de M. Chomiak, le ministre de la Justice du Manitoba à l'époque. Il recommandait de faire passer l'amende à 20 p. 100 et non pas à 30 p. 100 et je me demande comment nous en sommes arrivés au chiffre de 30 p. 100.
    La plupart des recommandations qui figurent dans Réorienter la conversation... Si vous remontez en arrière, vous vous souviendrez que le rapport Les droits des victimes — Participer sans s'entraver abordait les grands thèmes. Ce bureau a été créé en 2007. Cette recommandation a été formulée sous la direction de l'ombudsman précédent.
    J'ai eu la possibilité de parler au comité fédéral-provincial-territorial qui était dirigé par Pam Arnott du Centre de la politique concernant les victimes. J'ai présenté le rapport spécial au chef des services aux victimes. Lorsque je leur ai parlé, j'ai clairement exposé ce que nous avions demandé dans nos recommandations. Je n'ai pas reçu de commentaires proposant des changements; je leur ai communiqué la teneur de ces recommandations.
    Je peux également vous dire que ces deux dernières années, j'ai eu la possibilité de parler à des victimes dans toutes les régions du Canada et de parler également, par exemple, aux juges. Je me suis adressée à un groupe de juges, de procureurs de la Couronne, d'intervenants dans le système de justice pénale, de victimes, d'agences de service aux victimes et d'universitaires. Bien entendu, une partie de mon rôle consiste à informer la population des priorités en matière de victimes d'actes criminels.
    Chaque fois que je l'ai pu, j'ai parlé publiquement au Canada du rapport Réorienter la conversation et de ses recommandations. En fait, une des principales raisons à l'origine du rapport était d'amener les Canadiens à entamer un dialogue sur ces questions. Bien évidemment, nous avons consulté, pour élaborer ce rapport, les victimes et les agences qui leur offrent des services. Quant à la question de savoir quel devrait être ce montant, je n'ai pas procédé à des consultations. J'ai parlé de la recommandation, comme vous l'avez mentionné à juste titre, qui proposait de multiplier par deux la suramende et de la rendre obligatoire.

  (1555)  

    Cela m'amène alors à poser une question qui intéresse, je le sais, ma collègue Françoise Boivin. C'est la décision R. c. Wu que la Cour suprême a rendue et dans laquelle elle a déclaré que « Il est irrationnel d'emprisonner un délinquant qui n'a pas les moyens de payer au motif que cela l'obligera à payer ».
    Que pensez-vous de l'idée de faire de l'incarcération pour non-paiement de l'amende une solution qui ne peut être utilisée que s'il existe un programme de solution de rechange à l'amende?
    Excusez-moi: quelle est la question?
    Je disais que dans l'arrêt Wu, la Cour suprême avait déclaré que personne ne devrait être incarcéré en raison de l'incapacité de payer une amende. Autrement dit, les juges ont déclaré:
[...] l'emprisonnement pour non-paiement d'une amende ne constitue pas une sanction facultative — ils n'ont pas vraiment le choix. C'est du moins le cas jusqu'à la mise en place d'un mode facultatif de paiement d'une amende ou de programmes connexes.
    Si vous regardez la situation dans les provinces, vous constaterez qu'il y a une grande diversité; il n'y a pas toujours de programme de rechange à l'amende. Par exemple, il n'y a pas de tel programme en Ontario, ni à Terre-Neuve-et-Labrador. Au Manitoba et en Alberta, par exemple, l'accès au programme de solution de rechange à l'amende n'est autorisé qu'une fois le délinquant admis en prison.
    Que pensez-vous de l'idée de limiter l'incarcération en cas de non-paiement aux seuls cas où il existe dans la province concernée un programme de solution de rechange à l'amende, de façon à respecter l'arrêt de la Cour suprême, R. c. Wu.
    La situation me paraît être tout à fait comme vous la décrivez. Sept provinces et territoires ont des programmes de solution de rechange à l'amende et trois — Colombie-Britannique, Ontario et Terre-Neuve — n'en ont pas. Je crois comprendre que la personne qui n'est pas en mesure de payer une amende avec un programme de solution de rechange à l'amende peut toujours recourir à d'autres mécanismes.
    J'espère, comme je l'ai dit dans mes autres commentaires, que le ministère de la Justice va discuter avec la Colombie-Britannique, l'Ontario, Terre-Neuve-et-Labrador des façons de mettre en oeuvre un tel programme. En fin de compte, l'objectif final recherché est de donner aux victimes un accès aux services dont elles ont besoin pour s'ajuster au crime commis contre elles. En ce sens, c'est un aspect que nous pouvons essayer d'uniformiser, pour ce qui est de la façon d'aborder ces questions.
     En Colombie-Britannique, l'accusé peut demander à un juge, comme vous le dites, d'être emprisonné à titre de paiement de l'amende et également de transformer l'amende en travaux communautaires. C'est ce qui ressort d'une recherche que nous avons effectuée. En Ontario, la suspension du permis, l'exécution civile, les lettres de réclamation automatique, la compensation avec des versements fédéraux...
    Encore une fois, si nous prenons un peu de recul, nous constatons que la personne qui ne peut payer l'amende au moment du prononcé de la peine peut participer à un programme de solution de rechange à l'amende ou avoir accès à d'autres mécanismes. La personne qui est incarcérée dans un établissement fédéral, par exemple — nous parlons de délinquants fédéraux — gagne un certain salaire et elle peut également avoir un compte. Nous parlons de 100 ou de 200 $, s'il ne s'agit pas d'une amende. Y a-t-il vraiment une raison qui les empêche de payer ces sommes raisonnables pendant leur incarcération, ce qui permettrait, là encore, de respecter les buts de la peine? Il ne s'agit pas simplement de réparer le préjudice causé à la victime; il s'agit de responsabilisation et de l'obligation d'assumer cette dette.
    Merci.
    Monsieur Albas.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à nos témoins d'être ici aujourd'hui.
     Comme vous le savez fort bien, les services aux victimes sont extrêmement importants et permettent d'assurer le bien-être des Canadiens respectueux des lois qui ont malheureusement été victimisés en raison du comportement illégal d'une autre personne. Comme tous ceux qui sont assis autour de cette table le savent, ces services sont fournis au palier fédéral, mais surtout au palier provincial. En augmentant la suramende compensatoire et en la rendant obligatoire dans tous les cas, le projet de loi C-37 aura pour effet d'augmenter les fonds envoyés aux provinces dans le but d'améliorer les services offerts aux victimes dans l'ensemble du pays.
    Je devrais également mentionner que j'ai parlé à une famille particulière qui était victime d'un cas de conduite en état d'ébriété. Cette famille ne savait même pas que ces services existaient et était tout à fait en faveur du doublement du montant de la suramende.
    Dans un autre cas tragique dans ma circonscription, une mère a été assassinée. La famille fait à l'heure actuelle toutes les choses dont vous parlez dans votre rapport, y compris des séances de counselling, etc. Les membres de cette famille sont très en faveur du projet de loi et ils ne savaient même pas que ces ressources existaient.
    Pensez-vous que cette augmentation du financement des services aux victimes sera bien reçue par les provinces et par les organisations de première ligne?

  (1600)  

    Absolument, et en fait, j'ai parlé avec de nombreux intervenants de première ligne qui offrent ces services. Je peux vous dire qu'il y a des gens extraordinaires dans notre pays qui font vraiment bouger les choses, avec peu de moyens, et qui essaient d'offrir ces programmes. Ils veulent répondre aux besoins des victimes d'actes criminels. Si nous augmentons le soutien financier accordé aux victimes et aux agences d'aide aux victimes pour qu'elles puissent offrir un soutien aux victimes d'actes criminels... bien évidemment cela aura un effet positif.
    Si nous parlons de la santé et de la sécurité des collectivités, cela veut dire également prendre soin des victimes du crime. Elles doivent s'adapter aux répercussions du crime ainsi qu'aux réalités très concrètes auxquelles elles font face. Cela peut prendre la forme d'aspects aussi concrets que ce qui suit: si je dois aller devant le tribunal, comment vais-je m'y rendre? Si je dois me rendre au tribunal, est-ce que je vais avoir de la difficulté à faire garder mes enfants là-bas?
    Je vais vous donner un autre exemple. J'ai parlé à une autre mère dont le fils avait été assassiné dans une autre province. Elle grattait les fonds de tiroir pour amasser la somme qui lui permettrait de se payer une chambre d'hôtel pendant six semaines. Je sais bien que c'est une responsabilité provinciale, mais cela illustre également la diversité des services qu'offrent les provinces et les territoires. Nous espérons que les fonds supplémentaires qui vont découler de la suramende aideront les provinces et les territoires à améliorer l'accès des victimes d'actes criminels aux services dont elles ont besoin.
    Voici des exemples des programmes et des services qui sont financés grâce à cette suramende: l'information au sujet du système de justice pénale, comme la procédure pénale, la préparation des dossiers et le soutien judiciaire pour les personnes vulnérables — comme vous l'avez dit, cela va jusqu'aux services de garderie — et la notification des victimes lorsque le délinquant qui les a agressées est libéré d'un établissement provincial.
    J'imagine qu'en rendant cette suramende obligatoire, cela aura pour effet d'augmenter les fonds destinés aux services aux victimes. Il y a aussi l'aspect uniformité, de sorte que ces organismes pourront planifier leurs activités sur une plus longue période. Quel genre de programmes ou de modifications de programmes existants pensez-vous que ce projet de loi permettra?
    Je crois que c'est une question que vous devriez poser à d'autres personnes. Je dis toujours « Il faut demander au patient quel est le problème ». Comme nous le savons, nous avons des collectivités très particulières dans notre pays. J'ai eu le privilège d'habiter dans les régions du Nord, par exemple, et j'ai constaté les difficultés auxquelles faisaient face les collectivités qui étaient uniquement reliées par avion avec l'extérieur pour avoir accès à des services. Ce n'est qu'un exemple parmi d'autres. Il me semble qu'il appartient aux provinces et aux territoires de décrire quels sont les secteurs où les besoins sont les plus importants et où ces fonds pourraient être utilisés pour renforcer les capacités.
    Pensez-vous qu'en augmentant le montant de la suramende et en uniformisant cette mesure, nous allons donner aux provinces la certitude qu'elles peuvent consulter leurs collectivités, avoir ce genre de conversations, leur dire ce que vient de faire le gouvernement fédéral et leur demander ce que l'on peut faire de plus pour aider les victimes?
    Je crois savoir qu'il existe déjà des ententes sur la façon d'utiliser ces fonds, de sorte que je m'en remettrai tout à fait aux provinces et aux territoires sur ce point.
    Très bien, mais vous pensez tout de même que cela sera bien accepté et...
    Oh, oui.
    Très bien, j'en suis ravi.
    Monsieur le président, combien me reste-t-il de temps?
    Il vous reste environ 40 secondes.
    Je veux simplement vous remercier, madame O'Sullivan. J'ai lu les rapports que publie votre bureau. Je les trouve excellents. J'apprécie votre point de vue et le témoignage que vous avez livré aujourd'hui.
    Merci, monsieur le président.
    Merci.
    Merci.
    Monsieur Scott.
    Merci, monsieur le président. Je vais essayer d'être bref et donnerai le reste de mon temps de parole à M. Jacob.
    Merci d'être venue, Mme O'Sullivan.
    Je voudrais revenir un peu sur ce dont parlait M. Cotler. Les analystes du comité, qui travaillent pour la Bibliothèque du Parlement, ont préparé une excellente étude.
    Un des faits qui a été constaté est qu'il y a trois provinces et deux territoires — il y a peut-être d'autres éléments — dont les programmes de solution de rechange à l'amende ne peuvent s'appliquer aux suramendes fédérales. C'est leur loi qui le dit. La question qu'a posée M. Cotler était la suivante: devrions-nous soumettre l'application de ces changements à une condition, savoir supprimer l'obligation de ne pas imposer des difficultés trop lourdes, et introduire un mécanisme de rechange à l'amende dans le Code criminel fédéral? Devrions-nous réserver l'application de ces changements aux provinces dont le programme de solution de rechange à l'amende s'applique manifestement...?
     Avez-vous des renseignements à ce sujet ou avez-vous eu des discussions avec le ministère de la Justice ou avec les provinces pour savoir si celles-ci savaient que ce projet de loi était à l'étude et si elles étaient disposées à modifier leurs propres lois pour les harmoniser avec le projet de loi C-37?

  (1605)  

    Aux termes de mon mandat, je n'ai pas le pouvoir de faire des recommandations aux provinces et aux territoires. J'espère toutefois que le ministère de la Justice, qui a créé des comités pour parler de ces sujets avec les provinces et les territoires, a déjà eu ce genre de discussions.
    Votre rôle n'est pas de formuler des recommandations, mais vous ne savez pas si les provinces sont disposées à modifier leurs lois...?
    Non.
    Une des trois provinces qui n'a pas de solutions de rechange à l'amende, il y en a une qui n'a aucun mécanisme prévoyant une autre solution et c'est Terre-Neuve-et-Labrador. La Colombie-Britannique n'impose pas la suspension du permis. L'Ontario le fait.
     Pour ce qui est des provinces qui n'ont pas de solution de rechange, mais qui ont d'autres mécanismes, pensez-vous que nous devrions aborder cet aspect avec le projet de loi C-37? Pensez-vous que ces provinces devraient au moins mettre sur pied un mécanisme autre qu'une solution de rechange à l'amende? Il y aura un problème à Terre-Neuve-et-Labrador et peut-être en Colombie-Britannique, parce que c'est une mesure tout à fait discrétionnaire. Il n'est pas obligatoire de suspendre le permis de conduire lorsque son titulaire ne peut payer l'amende.
     Je vais revenir à mes commentaires précédents, à savoir que le projet de loi C-37 va assurer une uniformité au palier fédéral. Ce sera ensuite aux provinces et aux territoires de décider si elles veulent mettre sur pied un mécanisme et d'en définir les modalités.
    D'après ce que j'ai vu dans les provinces, je dirais qu'elles ont pris différentes mesures. À Terre-Neuve-et-Labrador, cela comprend des lettres, des avis, des appels téléphoniques, la recherche de biens, la suspension du permis de conduire, la compensation avec les versements fédéraux et les conseils financiers. Ils ont donc adopté certaines mesures. Je félicite les analystes de la Bibliothèque du Parlement pour la recherche qu'ils ont effectuée.
    Cette mesure va assurer une certaine uniformité en apportant aux provinces et aux territoires un soutien pour qu'ils améliorent les services aux victimes d'actes criminels. Il y a beaucoup de gens qui m'ont dit que les provinces et les territoires n'ont pas tous prévu des solutions de rechange à l'amende. Nous entendons la même chose pour ce qui est des services aux victimes. L'indemnisation des victimes d'actes criminels, par exemple, n'existe pas dans le Nord, ni à Terre-Neuve. Nous voulons faire en sorte que les victimes d'actes criminels aient accès à ces services, quel que soit l'endroit où elles résident dans notre pays. C'est une bonne orientation à prendre.
    Merci.
    Vous avez une minute.

[Français]

    Je vais tâcher d'être bref.
    D'entrée de jeu, le NPD appuie les victimes de crimes, leur famille et leur communauté, comme on l'a si bien vu au cours des derniers témoignages. Ces dernières sont souvent des victimes collatérales.
     Le Nouveau Parti démocratique appuie également un meilleur financement des programmes offerts aux victimes. On pense que c'est là qu'il faudrait injecter de l'argent.
     On reconnaît aussi l'importance d'appuyer les pouvoirs discrétionnaires des juges de la magistrature. Le juge est le mieux placé pour décider si une personne est en mesure de payer la suramende ou non. Les cas de pauvreté extrême, comme on l'a déjà souligné, de problème de santé mentale, de déficience intellectuelle et ainsi de suite posent des problèmes réels de paiement.
    De plus, j'ai déjà été criminologue. Je sais qu'un criminel aime s'en laver les mains, payer une amende de 100 $ ou 200 $ s'il en a les moyens et faire du temps peinard. C'est ce qu'il adore. Pour ma part, je suis en faveur de la prévention. C'est la meilleure façon de diminuer le nombre de victimes potentielles.

[Traduction]

    Je suis désolé. Vous avez utilisé votre temps de parole et même un peu plus, et nous devons respecter l'horaire.
    Monsieur Seeback.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, madame O'Sullivan. J'ai lu votre rapport. Je l'ai trouvé excellent et il sera très utile pour les victimes.
    Vous avez parlé du fait que ce sont les victimes qui assument 80 p. 100 des coûts de la criminalité, un aspect que l'on oublie bien trop souvent lorsqu'on parle de politiques pénales. C'est une excellente chose que vous ayez soulevé à nouveau cet aspect.
    Il est étrange de constater que, si ce projet de loi est appuyé par la plupart des groupes, il y en a quand même certains qui s'y opposent. Je ne comprends pas pourquoi. Il y a un groupe qui va venir témoigner plus tard cet après-midi, la Société John Howard, et je crois que ses représentants vont déclarer qu'ils ne sont pas favorables à ce projet de loi. Ils se sont opposés à toutes les mesures législatives pénales que nous avons présentées au cours de cette session du Parlement.
    Que dites-vous aux organisations qui n'appuient pas cette mesure et ne pensent pas que les individus qui commettent des crimes et victimisent les gens devraient jouer un rôle dans le financement des services destinés à aider les victimes?

  (1610)  

    Il ne faut jamais perdre de vue quelle est la personne qui a subi un préjudice et une perte. Si nous regardons les buts de la peine, nous voyons qu'il s'agit de réparer le préjudice causé aux victimes et à la communauté dans son ensemble, mais c'est également un moyen de responsabiliser le délinquant et de lui faire assumer la responsabilité de ses actes.
    Je vais revenir à mon idée de juger les choses sur le long terme. Je vais prendre un exemple des États-Unis, un pays où les gens comprennent que certaines personnes n'ont pas les moyens de payer immédiatement une amende.
    Avec ce projet de loi, la modification proposée autoriserait les délinquants à effectuer des travaux communautaires et de faire quelque chose pour leur collectivité. J'admets que certaines provinces devront examiner les mécanismes qui existent dans ce domaine.
    Le seul exemple que je vais vous présenter est celui des États-Unis où il existe un programme de responsabilité financière des détenus fédéraux. C'est un programme facultatif. Au cours des 10 dernières années, on a constaté une augmentation très importante du nombre de détenus qui y participaient et des montants amassés.
     Je pense donc que parfois... J'hésite à parler de la seule réunion que j'ai eue avec des contrevenants, mais lorsqu'il m'est arrivé de rencontrer des délinquants, ils m'ont dit qu'ils n'avaient pas accès à ce genre de mécanisme, qu'ils voulaient apporter quelque chose à la collectivité, de sorte que pour certains d'entre eux, la réadaptation doit être intégrée à leur plan correctionnel. Notre recommandation se trouve donc dans le rapport Réorienter la conversation qui examine les diverses façons d'assurer la participation des détenus et l'appui de la société... parce qu'en réalité, si l'on veut parler d'un système de justice pénale équilibré, il faut qu'il tienne compte des droits et des besoins des victimes d'actes criminels et qu'il prévoit des mesures de soutien.
    Je dirais que je souscris à votre commentaire au sujet de la prévention. Il y a toute une gamme d'étapes auxquelles il est possible d'intervenir. Cela commence avec la prévention. Lorsque cela ne fonctionne pas, c'est l'intervention précoce et lorsque cela ne fonctionne pas, c'est l'application de la loi et ensuite, il y a le système de justice pénale. Tous ces aspects sont importants. Il ne faut pas choisir entre l'un ou l'autre.
    Il ne faut toutefois pas oublier que pour les victimes, le système est loin d'être équilibré. Il faut rétablir un équilibre. Nous devons veiller à ce que les victimes disposent de mécanismes de soutien et puissent s'adapter au contrecoup du crime. Ce sont là les difficultés auxquelles font face les victimes. Elles comprennent que les délinquants vont retourner dans la collectivité et elles ne veulent pas qu'ils récidivent.
    Elles ne comprennent pas toutefois pourquoi elles n'ont pas accès à ces programmes de soutien et qu'elles ne bénéficient pas des droits reconnus. Cela me paraît être une mesure très positive.
    Certainement, une partie de tout cela — une partie de toute réadaptation, je pense — consiste à accepter les conséquences de ses actes. Un autre aspect de cette réadaptation ne consisterait-il pas à essayer d'atténuer le préjudice qui a été causé? Reconnaissez-vous que cela constitue aussi une composante importante de tout cela? Si nous continuons dans la même orientation, nous n'allons pas obliger toutes ces personnes à vraiment rendre compte de leurs actes, en particulier lorsqu'il s'agit d'actes graves avec violence.
    J'irais même plus loin et j'encouragerais les provinces et les territoires à s'engager à avoir ces conversations et ces discussions. Je ne peux pas leur faire de recommandations.
    L'autre chose qu'on entend est que le montant de l'amende est déraisonnable, et que les gens auront beaucoup de difficulté à la payer. Si l'on met de côté la situation particulière de certaines personnes — et je crois que c'est une situation assez rare —, pensez-vous qu'il est déraisonnable de demander 200 $ à une personne qui a commis un acte criminel et qui a très probablement causé un préjudice grave à un citoyen innocent?
    Je vais prendre comme exemple les délinquants fédéraux. Comme nous le savons, ils peuvent gagner un salaire et ils peuvent également ouvrir un compte dans le pénitencier fédéral. Je pense que la plupart des victimes d'actes criminels trouveraient raisonnable que l'on déduise une certaine partie de ces salaires pour qu'ils puissent ainsi s'acquitter de leur dette...
    Oui.
    ... pour ce qui est de verser 100 $ ou dans le cas d'un acte criminel, 200 $.
    Me reste-t-il du temps?
    Oui, un petit peu.
    Savez-vous le temps que cela prend pour les délinquants qui participent à un de ces programmes en prison pour payer une amende de 200 $, que ce soit en faisant un versement en espèces ou par l'intermédiaire de leur compte?
    Je ne sais pas combien ils gagnent par jour. Je sais que ce n'est pas une grosse somme, mais nous parlons de 200 $ environ, ce qui n'est pas un gros montant. Il y a des détenus qui ont des comptes dans lesquels se trouve pas mal d'argent.
    Merci. Voilà qui nous amène à la fin de cette session.
    Je vous remercie, madame O'Sullivan, d'être venue et d'avoir fourni au comité beaucoup d'information. Nous allons faire une courte pause pendant que vont s'installer les témoins que nous allons entendre au cours de la deuxième partie de la séance d'aujourd'hui.
    Encore une fois, merci.

  (1615)  


  (1615)  

    Reprenons.
    Nos témoins n'étaient peut-être pas ici, mais j'ai mentionné que nous avions un petit problème de temps aujourd'hui, ce qui semble être la situation habituelle. Nous avons abrégé quelque peu la première partie de notre séance et nous allons faire la même chose pour la vôtre. Nous devons terminer d'ici 17 heures pour parler des travaux du comité, tout en tenant compte du fait que nous serons appelés à voter aujourd'hui.
    Bienvenue, monsieur Waller et madame Latimer. C'est un sujet important.
    Si vous voulez faire une déclaration préliminaire, allez-y. Madame Latimer, si vous voulez commencer, ce serait très bien.
    Comme vous le savez, la Société John Howard du Canada est un organisme caritatif communautaire qui a pour mission d'appuyer les mesures justes, efficaces et respectueuses des droits de la personne que l'on prend pour lutter contre les causes et les conséquences du crime.
    La société a plus de 60 bureaux de première ligne dans le pays, et offre de nombreux programmes et services destinés à aider les victimes du crime en leur offrant des services directs, des services reliés à la justice réparatrice et la médiation victime-contrevenant.
    Presque toutes nos sociétés contribuent à la prévention des victimes en travaillant avec ceux qui risquent de récidiver ou qui l'ont déjà fait. Nos activités renforcent la sécurité des collectivités.
     Je vous remercie de m'avoir aimablement invitée à venir vous parler du projet de loi C-37, qui propose de doubler la suramende compensatoire et à supprimer le pouvoir des juges de ne pas l'imposer, dans le cas où elle entraînerait des difficultés financières.
    Ces amendements simples auront, sous leur forme actuelle, des conséquences graves et injustes pour les Canadiens les plus marginalisés qui sont traduits devant les tribunaux criminels et cela placera un fardeau supplémentaire sur un système de justice et correctionnel déjà surchargé.
    J'aimerais aborder principalement quatre points à propos du projet de loi C-37. Le premier traite des difficultés financières injustifiées.
    La suppression du pouvoir des juges de ne pas imposer la suramende lorsqu'elle entraînerait des difficultés financières aura de lourdes conséquences pour les pauvres, les malades mentaux et les marginaux. Il est parfois possible de participer à un programme de solution de rechange à l'amende, mais ces programmes ne sont pas offerts partout et de nombreuses personnes ne peuvent, pour des raisons dues à leur âge, à l'ETCAF, à des questions de santé mentale et à d'autres problèmes, suivre jusqu'à la fin ces programmes.
    Aux termes du paragraphe 734(2) du Code criminel, le juge ne peut imposer une amende à titre de peine s'il n'est pas convaincu que le délinquant a la capacité de la payer ou de s'en acquitter en suivant un programme de solution de rechange à l'amende. La suramende devenant obligatoire, le tribunal n'est pas tenu d'examiner la question des moyens ou de la capacité de payer de l'accusé. Il est probable que le nombre de ceux qui ne sont pas en mesure de payer la suramende vont être en défaut d'acquitter l'amende et risqueront d'être emprisonnés.
     Cette situation soulève des questions très importantes. En mai 2011, par exemple, les journaux ont rapporté qu'un Albertain avait refusé de payer la suramende compensatoire pour une infraction au code de la route et qu'il avait été tué pendant qu'il se trouvait dans un centre de détention d'Edmonton. De nombreux établissements correctionnels provinciaux sont surpeuplés et la violence y règne, en particulier pour ceux qui sont vulnérables en raison de problèmes de santé mentale.
    Le deuxième point que j'aimerais souligner touche le manque de proportionnalité des peines. La peine doit être proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du contrevenant. Les suramendes constituent des peines supplémentaires imposées aux accusés condamnés au moment où l'on fixe leur peine. Elle vient s'ajouter à ce que le juge estime être la peine appropriée.
    Ces peines supplémentaires viennent aggraver ce qui serait autrement des peines équitables. Si elles entraînent en fin de compte des conséquences pénales disproportionnées, elles risquent d'aller à l'encontre des protections qu'offre l'article 12 de la Charte. Des suramendes d'un montant fixe qui ne peuvent être adaptées à la gravité de l'infraction ou à la capacité de payer du délinquant auront un effet particulièrement dur sur les personnes démunies.
    Troisièmement, on peut s'interroger sur la question de savoir si les suramendes obligent davantage les délinquants à rendre des comptes à leurs victimes. De nombreux programmes — je suis sûre que M. Waller vous en parlera davantage — notamment la justice réparatrice, réussissent à sensibiliser les délinquants à l'effet qu'ont eu leurs crimes sur les victimes, à aider les victimes et à essayer de réduire la récidive. Il est peu probable que la suramende ait à elle seule pour effet d'amener le délinquant à rendre des comptes à sa victime.
    Les suramendes ne sont pas reliées à la gravité du préjudice subi par la victime. En fait, elles s'appliquent aux crimes sans victimes ou lorsque le délinquant se cause à lui-même un préjudice en commentant une infraction, comme la consommation de drogue. L'absence de lien entre la suramende et la situation de la victime n'aura pas pour effet d'obliger le délinquant à rendre des comptes à sa victime. Cela va probablement le rendre plus cynique, ce qui va à l'encontre de l'intention initiale. Les suramendes seront considérées par le délinquant comme une peine supplémentaire ou au mieux, comme une source de revenus pour les services offerts à certaines victimes.
    Il est également possible de se poser certaines questions au sujet de la nécessité d'augmenter les fonds destinés aux services provinciaux aux victimes. L'évaluation de la stratégie fédérale d'aide aux victimes, affichée sur le site Web du ministère de la Justice, montre que le volet provinces et territoires du fonds est gravement sous-utilisé. Le tableau 7 montre que sur les 16 millions de dollars prévus, les provinces utilisent 3 millions de dollars, ce qui laisse un montant de 13 millions de dollars qui demeure inutilisé.
    Il est possible qu'il s'agisse là d'un fonds ciblé, mais avant de mettre en oeuvre des changements qui vont nuire aux pauvres, il serait bon de savoir comment les provinces utilisent à l'heure actuelle les recettes provenant de la suramende compensatoire et si d'autres ressources demeurent également inutilisées. Les provinces obtiennent aussi des recettes à partir des suramendes associées aux infractions provinciales.

  (1620)  

    Dans une autre étude affichée sur le site Web du ministère de la Justice: « Imposition de la suramende compensatoire fédérale au Nouveau-Brunswick: un examen opérationnel », le procureur général du Manitoba proposait de faire passer la suramende compensatoire de 15 à 20 p. 100 des amendes imposées. Relier l'augmentation aux amendes et aux considérations relatives à la capacité de payer prévues par la loi accorderait une protection utile aux démunis. Cela entraînerait une augmentation beaucoup plus modeste des recettes qui vont probablement découler de ces modifications.
    En conclusion, la Société John Howard appuie vivement les programmes efficaces destinés aux victimes et à la prévention de la victimisation. L'augmentation des suramendes et leur caractère désormais obligatoire ne permettront pas d'atteindre l'objectif qui consiste à obliger les délinquants à rendre des comptes à leurs victimes.
    Les modifications proposées dans le projet de loi C-37 vont toutefois avoir de graves conséquences pour les personnes les plus pauvres et les plus marginalisées qui font face à des accusations pénales. En l'absence d’une modification permettant de ne pas imposer les suramendes parce qu'elles entraîneraient des difficultés financières, il est inévitable que la mise en oeuvre de ce projet de loi entraînera des injustices et des mesures inhumaines. Le nombre de personnes qui ont subi un traumatisme crânien, accusent des retards de développement, sont séniles ou atteintes de maladies mentales qui vont être en défaut de payer ces suramendes va augmenter, et elles vont peut-être se retrouver dans des prisons provinciales de plus en plus surpeuplées et dangereuses.
    Nous invitons le comité à ne pas proposer l'adoption du projet de loi. S'il le fait, nous lui demandons de modifier le projet de loi C-37 pour autoriser les juges à ne pas imposer la suramende lorsque cela entraînerait des difficultés excessives pour l'accusé.
    Je vous remercie.
    Merci.
    Monsieur Waller, si vous avez une déclaration préliminaire, vous pouvez commencer.
    Je suis le président de l'International Organization for Victim Assistance. Je travaille depuis près de 40 ans à obtenir des services pour les victimes et à défendre leurs droits; mes activités sont reconnues aux États-Unis et dans un certain nombre d'autres pays. J'ai récemment publié un livre, qui a en fait été écrit pour les gens qui se trouvent autour de la table, intitulé Rights for Victims of Crime: Rebalancing Justice (Les droits des victimes du crime: rééquilibrer la justice).
     Pour ce qui est du projet de loi C-37, j'écris dans ce livre que les services destinés aux victimes devraient être financés à même les recettes générales. C'est la façon dont nous finançons la plupart des autres services. Je suis toutefois pragmatique et si cela peut aider les victimes, cela vaut la peine. J'ai été partisan — quoique réticent  — des suramendes depuis qu'elles ont été introduites aux États-Unis dans les années 1970 et au début des années 1980 et qu'elles l'ont été au Canada en 1989.
     Je pense que le projet de loi C-37, qui prévoit le doublement du montant des suramendes, est une mesure raisonnable. Je pense toutefois qu'il est extrêmement important de reconnaître que le Canada est très loin derrière les autres pays lorsqu'il s'agit de l'aide apportée aux victimes et qu'il ne faudrait pas confondre le doublement de la suramende avec l'adoption d'une véritable stratégie répondant aux besoins des victimes.
    Le préjudice de 83 milliards de dollars causé aux victimes est tout à fait inexcusable dans un pays comme le Canada; c'est une donnée qu'a utilisée le Bureau du premier ministre au début de cette année, ou peut-être à la fin de l'année dernière. Le fait que 440 000 crimes violents aient été rapportés à la police est tout à fait inexcusable dans un pays aussi riche. En outre, sont également totalement inexcusables, les 1,3 million d'infractions contre les biens signalées à la police.
    La statistique la plus inexcusable utilisée par le Bureau du premier ministre est que seulement 69 p. 100 des victimes s'adressent à la police. Ce sont là des données statistiques dignes du tiers monde. En fournissant des services aux victimes, en amenant les services de police à fournir de l'information aux victimes et en mettant sur pied un régime d'indemnisation des victimes d'actes criminels raisonnablement cohérent, il est évident que le nombre des victimes qui s'adresseront à la police ne pourra qu'augmenter. Je crois que c'est ce que l'on constate lorsque l'on examine ce qui se fait ailleurs.
    Pour revenir à ce que l'on peut constater dans d'autres pays, prenons l'exemple des États-Unis pour un moment et voyons ce qui s'est passé avec les suramendes pour les victimes. Les autorités ne s'en sont pas prises uniquement aux petits délinquants. Elles se sont attaquées aux grandes sociétés. Le Victims of Crime Act (Loi sur les victimes) qui remonte à 1984 a permis de percevoir plus de 1 milliard de dollars par an. Ce sont là des amendes imposées aux grandes sociétés qui ne respectent pas la loi.
    Je crois qu'en plus de doubler le montant des suramendes, nous devons faire en sorte que nos tribunaux et nos règlements nous permettent de recueillir, peut-être pas des amendes de 1 milliard de dollars, mais des centaines de millions de dollars et je pense que cela nous permettra d'offrir, d'un bout à l'autre du pays, les services dont nous avons besoin.
    Permettez-moi de parler un moment de l'Union européenne. Les autorités ont récemment adopté une directive qui s'applique à 27 pays— non pas 10 provinces, mais 27 pays — dont les habitants ne parlent même pas la même langue et les 75 millions de victimes qui résident dans une région où vivent 500 millions de personnes auront désormais un accès garanti aux services aux victimes.
     Cela ne veut pas dire que les victimes canadiennes auront accès à de tels services. Nous devrions pourtant veiller à ce que cela se fasse. Si l'Union européenne peut le faire, nous pouvons alors certainement le faire nous aussi.
    Le premier ministre du Royaume-Uni a récemment déclaré que la prévention était la façon la plus efficace et la plus rentable de lutter contre le crime et que tout le reste n'était que du rattrapage. Eh bien, devinez ce qui est arrivé? Le Royaume-Uni vient tout récemment d'introduire un mécanisme de justice réparatrice pour toute l'Angleterre et le Pays de Galles. Les autorités l'ont fait parce que les études montrent que les victimes sont beaucoup plus satisfaites avec la justice réparatrice et que cela constitue une façon efficace de lutter contre la récidive.
    Je vous invite donc à adopter ce projet de loi, mais de proposer également un projet de loi qui soit bipartisan, voire tripartisan. Tous les ans, je fais un discours au caucus bipartisan du Congrès des États-Unis. Il n'est pas nécessaire de politiser cette question. C'est un aspect sur lequel tous les députés peuvent s'entendre.

  (1625)  

    Préparons un vrai plan d'action qui va vraiment réduire le nombre de victimes et qui aura pour effet de fournir des services à toutes les victimes qui en ont besoin. Ce n'est pas une mesure très coûteuse pour un pays comme celui-ci. Il faudra veiller à ce que les services de police fournissent de l'information — y compris la GRC, qui est régie par une loi fédérale — pour amener les victimes à participer davantage au processus, en adoptant une véritable politique qui permette de réduire ce montant de 83 milliards de dollars.
    Au cours des cinq prochaines années, grâce au leadership du gouvernement fédéral, nous pourrions réduire ces chiffres sur les crimes avec violence et contre les biens, y compris ceux qui ne sont pas rapportés à la police, de 40 à 50 p. 100, en dépensant une faible partie de ce que nous dépensons actuellement pour réprimer ces infractions. C'est ce que nous devons faire. C'est l'effet qu'aurait une véritable politique qui viserait à répondre aux besoins des victimes.
    Merci.

  (1630)  

    Merci, monsieur Waller.
    Monsieur Jacob.

[Français]

    Pour ceux qui n'étaient pas là, je vais répéter ce que j'avais commencé à dire.
    Nous appuyons les victimes de crime, leur famille et leur communauté, ainsi que les recommandations de l'ombudsman des victimes. Toutefois, nous reconnaissons l'importance d'appuyer les pouvoirs discrétionnaires des juges.
    Aussi, je me pose plusieurs questions.
    Madame Latimer, on a pu constater que les régimes provinciaux en matière d'amendes n'étaient pas standardisés. Trois provinces n'ont pas de programmes compensatoires. Comment s'assurer que l'argent de cette suramende va réellement être alloué aux groupes de victimes qui en ont besoin?
    L'autre question qui me dérange concerne les personnes incapables de payer, que ce soit pour des raisons de pauvreté extrême, de santé mentale, de déficience intellectuelle ou pour d'autres raisons. Vous en avez parlé un peu lors de votre intervention. Pouvons-nous faire une exception, de façon à ne pas en venir à invalider complètement cette loi?
    Par ailleurs, j'ai été agréablement surpris d'entendre M. Waller parler de prévention. Il nous a dit, si mes souvenirs sont exacts, que celle-ci était rentable en Grande-Bretagne. C'est vrai. C'est réellement la façon de diminuer le nombre de victimes potentielles. Certes, on peut augmenter le nombre de policiers, mais il faut améliorer la qualité du tissu social, entre autres l'éducation, les services sociaux, etc.
    De plus, je ne crois pas que le fait de faire payer les délinquants ou les criminels 100 ou 200 $ de plus va faire en sorte que ceux-ci vont réellement se responsabiliser. Il faut accroître dans les pénitenciers les programmes de réhabilitation et ceux qui confrontent les personnes aux actions qu'elles ont posées pour qu'elles aient vraiment une chance de se responsabiliser et d'être réinsérées dans la société. Ensuite, elles pourront participer à des programmes de justice réparatrice.
    Je suis conscient d'avoir formulé une longue question.
    Est-ce que je peux répondre en anglais?
    Bien sûr.

[Traduction]

    C'est une longue question, mais je crois que vous avez touché un point très important qui est que nous aimerions tous que les victimes aient accès à davantage de programmes.
    La question qui se pose — et je crois que M. Waller l'a également posée — est comment financer tout ceci? Vous signalez un aspect, qui est une possibilité prévue par la loi pour ceux qui n'ont pas les moyens de payer, à savoir les programmes de solution de rechange à l'amende, mais ils ne sont pas offerts partout. Certaines sociétés John Howard offrent de tels programmes, mais un bon nombre d'entre elles ne le font pas.
    Le recours à ces programmes, à la différence de la suramende, ne sera pas uniforme. Il y aura tout un groupe de personnes vulnérables qui se verront imposer automatiquement une suramende et qui n'auront pas les moyens de la payer. Le Code criminel du Canada prévoit des mécanismes, comme le paragraphe 787(2), qui autorise l'incarcération des personnes qui ne sont pas en mesure d'effectuer des versements ordonnés par un juge.
    Le nombre des personnes démunies qui vont se retrouver dans les prisons provinciales va probablement augmenter avec ce projet de loi, à moins que vous n'apportiez un amendement qui autorise les tribunaux à ne pas imposer la suramende lorsqu'il est évident que l'acquittement de la suramende par cette personne lui causerait des difficultés financières.

[Français]

    Merci.
     Je vais vous permettre de parler de prévention et de programmes de justice réparatrice.

[Traduction]

    Je voudrais faire un commentaire à ce sujet, lorsqu'on pense que le taux de signalement des infractions par les victimes à la police est de 40 p. 100 au Québec contre 30 p. 100 en Ontario. À mon avis, cela vient directement du fait que le gouvernement du Québec a décidé de demander à des fonctionnaires publics de fournir des services aux victimes au milieu des années 1980. Le gouvernement a disséminé dans l'ensemble de la province les points de service professionnels pour les victimes. La situation n'est pas encore parfaite, mais cela va du moins dans la bonne direction.
    Le Québec verse également des indemnités bien supérieures à celles de l'Ontario, où un récent rapport a qualifié le programme d'indemnisation de moyen de « tourner encore le fer dans la plaie ».
    Il est important d'offrir des services vraiment améliorés, de les financer de façon appropriée, et que le personnel qui offre ces services soit bien rémunéré. Pour ce qui est de la prévention, le comité m'a déjà entendu mais je vais quand même en reprendre les principaux points.

  (1635)  

    Nous avons largement dépassé l'horaire, je vous demande donc d'être très bref.
    Très bien.
    L'exemple le plus spectaculaire que l'on puisse trouver dans le monde entier sur le plan de la réduction du crime est celui de Winnipeg où les vols de voiture ont diminué de 85 p. 100. L'ancien président de l'Association canadienne des chefs de police va sans doute être chargé des questions reliées aux victimes, puisqu'il est maintenant le sous-ministre en Saskatchewan et qu'il a adopté le modèle de Glasgow.
    Il y a beaucoup de choses que nous pouvons faire ici pour réduire un préjudice global qui s'élève à 83 milliards de dollars. Il faut faire ces choses. C'est sur une base annuelle. Peu importe que le nombre des crimes signalés à la police augmente ou diminue: le préjudice est là. Nous devons en tenir compte et agir.
    Allez-y, monsieur Goguen.
    Je remercie les témoins d'avoir témoigné et d'avoir partagé avec nous leurs connaissances.
    Madame Latimer, tous ceux qui sont autour de la table savent que votre organisation s'oppose toujours au programme du gouvernement en matière de justice, et bien sûr, ce programme a pour but d'obliger les criminels à rendre des comptes et à assurer la sécurité des victimes et des Canadiens respectueux des lois. Bien sûr, nous savons que votre organisation a pour mission de défendre les criminels, mais je trouve votre position désolante dans la mesure qu'elle ne tient aucun compte de la protection des victimes.
    M. Waller a mentionné le fait que le coût des actes criminels causés aux victimes s'élève à 83 milliards de dollars. Je crois qu'en 2008, le coût du crime s'élevait à 99,6 milliards de dollars; parlons donc de 100 milliards de dollars, aux fins de notre discussion. Le coût du crime qu'assument les victimes est de 83 milliards de dollars. C'est un montant stupéfiant. Remettons-le en perspective. Cela représente quatre fois la taxe sur le carbone de 21 milliards de dollars proposée par le NPD. C'est stupéfiant, de sorte que j'aimerais savoir si votre organisation...
    Très amical, comme d'habitude...
    Des voix: Oh, oh!
    ... a jamais pensé aux droits des victimes avant de prendre position au sujet de ce projet de loi?
    Eh bien, je suis vraiment contente que vous ayez posé cette question.
    Premièrement, permettez-moi de vous expliquer que la Société John Howard est en faveur des mesures justes, équitables et respectueuses des droits de la personne, à la fois pour les délinquants et pour les victimes du crime et ses conséquences. Nous pensons que les délinquants doivent être obligés de rendre des comptes lorsqu'ils commettent des crimes et qu'ils doivent recevoir des peines justes et proportionnées. Il est incontestable que notre organisation est favorable à une approche juste et équitable.
    Pour ce qui est de prendre en compte les intérêts des victimes, je vous mentionne que nous fournissons de nombreux services aux victimes dans l'ensemble du pays. Nous voulons réduire le préjudice que subissent immédiatement les victimes. Nous faisons beaucoup d'efforts pour empêcher d'abord la victimisation, ensuite la revictimisation, en travaillant avec ceux qui risquent de récidiver ou qui ont peut-être déjà récidivé.
    Oui, nous connaissons les préoccupations des victimes et nous en tenons compte lorsque nous adoptons une position au sujet d'une politique en matière de justice qui reflète les valeurs et la mission de la Société John Howard.
    Je me demande, madame Latimer, si ce n'est pas un changement radical dans la position qu'a adoptée votre organisation parce qu'en mars 2011, votre prédécesseure, Kim Pate, a témoigné devant le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles. Elle témoignait au sujet du projet de loi C-59, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (procédure d'examen expéditif) et apportant des modifications corrélatives à d'autres lois et le projet de loi C-475, Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (méthamphétamine et ecstasy).
    Elle a déclaré à l'époque, en mars 2011: « Je veux qu'il soit bien clair que, comme nous l'avons indiqué au comité de la Chambre, nous n'appuyons pas ce projet de loi. Nous [n'] appuyons [pas] les mesures visant à protéger les droits des victimes et les victimes de façon générale. Si c'était là l'objectif visé avec cette mesure législative, on pourrait entreprendre bien d'autres initiatives plutôt que de présenter, après le fait, un projet de loi comme celui-ci. »
    Incroyable: 180 degrés...
    Eh bien, Kim Pate est la directrice exécutive de l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry; elle ne fait pas partie de la Société John Howard et ne représente pas notre position. Je ne pense pas que cela reflète vraiment un changement radical dans la position de la Société John Howard.

  (1640)  

    Eh bien, je me demande quelles sont les initiatives en matière de justice que votre organisation a véritablement appuyées? Pouvez-vous en mentionner quelques-unes? Je n'arrive pas à me souvenir d'avoir vraiment obtenu l'appui de votre organisation.
    Ce serait un point de vue très étroit. Il y a des éléments du projet de loi C-10 que nous avons appuyés. Par exemple, il y avait une disposition qui touchait la justice pour les jeunes qui avait pour but de veiller à ce que les jeunes ne soient pas détenus dans le même établissement que les adultes. Nous étions en faveur de cette mesure.
     Nous avons appuyé un certain nombre de dispositions précises, mais le problème vient du fait qu'elles sont regroupées dans des projets omnibus géants qui contiennent des dispositions auxquelles nous nous opposons parce qu'elles ne respectent pas l'objectif de la Société John Howard qui est d'adopter des mesures justes, efficaces et respectueuses des droits de la personne et nous avons donc de la difficulté à appuyer l'ensemble du projet de loi, c'est certain. Oui, vous avez raison.
    Eh bien, il ne s'agit pas ici d'un projet de loi omnibus. Je ne pense pas qu'il contienne beaucoup d'articles. Je me demande s'il est possible de dire que, pour une initiative législative aussi raisonnable que le projet de loi C-37, qu'elle le soit d'ailleurs ou pas, est-ce que la Société John Howard va nécessairement s'y opposer?
    Nous ne nous opposons pas au projet de loi C-37. Nous nous opposons à la suppression du pouvoir des tribunaux de ne pas imposer la suramende lorsque le condamné n'est pas en mesure de la payer. C'est un principe tout à fait fondamental de notre système de justice qui se reflète dans d'excellentes dispositions, qui se retrouvent dans le Code criminel, et qui a été reconnu par la Cour suprême dans l'arrêt R. c. Topp.
    Il ne faut pas demander l'impossible. Si nous essayons d'obtenir de l'argent de personnes qui n'ont pas les ressources suffisantes ou qui ne sont pas en mesure de participer à une autre solution, qui serait le programme de solution de rechange à l'amende, nous allons finir par mettre en prison les gens qui ne sont pas en mesure de payer. Nous allons nous retrouver avec une nouvelle forme d'emprisonnement pour dette et la Société John Howard n'est certainement pas en faveur d'une telle conséquence.
    Merci.
    Monsieur Cotler.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais simplement faire savoir à M. Goguen — et je sais qu'il l'appréciera — que Mme Latimer a été une haute fonctionnaire du ministère qui travaillait notamment sur les questions liées aux droits des victimes. Je ne pense pas que nous devrions nous demander si telle personne est favorable aux droits des victimes pour la seule raison qu'elle occupe le poste de directeur exécutif dans une organisation donnée. Tenons pour acquis que toutes les personnes qui sont ici s'intéressent aux droits des victimes, parce que cela fait partie de notre intérêt pour la justice pénale.
    Permettez-moi d'aborder les vraies questions. Je pourrais ajouter entre parenthèses que l'on pourrait s'opposer au projet de loi parce qu'on accorde une grande valeur aux droits des victimes, dans le sens où ce projet de loi a pour effet de supprimer le pouvoir des tribunaux à l'égard des accusés pauvres, qui vont se retrouver en prison. Il pourrait également se poser des questions de santé mentale. Le souci de défendre les droits des victimes pourrait amener quelqu'un à critiquer le projet de loi en se fondant sur les droits des victimes.
    Il y a un aspect dont je voulais parler et sur lequel je voulais vous interroger, parce que, dans votre exposé, monsieur Waller, vous nous avez présenté d'excellentes remarques sur toute la question d'élaborer une politique et une stratégie globales dans ces domaines, qui s'attaqueraient aux problèmes de... Vous nous avez présenté des arguments très convaincants, et je ne vais pas y revenir.
    Vous avez fait une remarque incidente, mais qui n'est pas dépourvue d'importance, lorsque vous avez dit que nous pourrions fort bien adopter ce projet de loi, mais que nous devrions également faire autre chose. Je crains que, si nous adoptons ce projet de loi, nous n'allons pas faire toutes les autres choses dont vous avez parlé parce que les gens diront que nous avons déjà fait ce qu'il fallait faire au sujet des droits des victimes. Je pense que nous devrions prendre très au sérieux vos observations et j'espère que cela pourra se faire sur une base bipartisane, voire tripartisane, comme vous l'avez dit.
    Premièrement, pensez-vous que l'adoption du projet de loi n'aura aucune conséquence négative? Parce que je pense que Mme Latimer a soulevé quelques problèmes.
    Deuxièmement, sur un plan pratique, ne risquons-nous pas, en adoptant ce projet de loi, de ne jamais arriver au point où nous ferons les choses que vous avez présentées avec tellement de conviction dans votre exposé?
    Eh bien, je ne suis pas un politicien, mais j'observe bien sûr ce qui se fait dans d'autres pays. Le gouvernement actuel a déclaré publiquement qu'il voulait défendre les droits des victimes. Je tiens pour acquis qu'il s'agit là d'une première mesure et que le gouvernement examinera ensuite ce qu'il peut faire pour agir sur le plan de la prévention, des services et des droits des victimes selon les normes internationales dans ce domaine.
    Ce qui s'est passé en 2012 est intéressant parce que l'Union européenne vient de montrer qu'il est possible d'avoir des normes applicables à différents pays — 27 pays — et je crois que c'est un document qu'il serait fort utile d'examiner. Nous avons également toute une série de lois aux États-Unis depuis 20 ans, y compris la Justice for All Act (Loi sur la justice pour tous), une mesure très importante adoptée en 2004. Je crois que nous nous trouvons dans une situation riche de possibilités, parce que nous pouvons examiner ce qui se fait dans d'autres pays et en tirer des leçons.
    Ce que je crains surtout, ce n'est pas que le gouvernement n'agisse pas dans le domaine des services et des droits, et ne fasse pas preuve de leadership pour aider les provinces; c'est qu'il n'équilibre pas ces mesures avec le genre de prévention dont nous avons besoin. Je crois que les provinces vont s'occuper de prévention, mais, à mon avis, le gouvernement fédéral doit respecter ses engagements.
    Si vous prenez la Loi sur les victimes d'actes criminels de 1984, vous constaterez que ce montant d'un milliard de dollars n'a pas été uniquement affecté à des services, mais également à des indemnités aux États-Unis. Cela montre ce qui peut être fait.
    Le rapport d'évaluation de McMurtry en Ontario parlait de l'importance d'informer les victimes. Il mentionnait également — et c'est là un point qui me paraît très important — d'essayer de savoir si nous répondons vraiment à leurs besoins. Si nous voulons faire aussi bien que les autres pays, nous devons commencer à nous demander si ce que nous faisons pour les victimes répond vraiment à leurs besoins.
     Je ne voudrais pas ralentir l'adoption du projet de loi C-37, parce qu'il n'est pas nécessaire d'adopter une loi pour évaluer ces besoins. Dans le budget, le montant de 16 millions de dollars, ou à peu près, que le gouvernement affecte aux victimes ne représente pas grand-chose. Il devrait financer une étude sur les écarts qui demeurent entre les services et les besoins, en collaboration avec les provinces. Ce sont là toutes des choses qui ont déjà été recommandées. Il s'agit simplement de décider d'agir.

  (1645)  

    Merci.
    Madame Findlay.
    Merci à tous deux d'être ici aujourd'hui.
    Je dirais simplement que Justice Canada finance de nombreux programmes de prévention et qu'en fait, il y a d'autres directions du gouvernement qui, à l'heure actuelle, financent des programmes de prévention du crime pour ce qui est du crime commis par les jeunes ainsi que par les adultes. C'est un aspect que notre gouvernement prend très au sérieux, et nous finançons effectivement de nombreux programmes, ce qui ne veut pas dire qu'il pourrait y en avoir davantage, mais ceux qui existent sont bien accueillis par les collectivités et les provinces.
    Je pense qu'il faudrait replacer ce projet de loi dans son contexte parce qu'avec l'initiative soumise à l'étude du comité, la suramende pour les victimes passerait à 30 p. 100 dans le cas où une amende est imposée, à 100 $ pour une infraction sommaire et à 200 $ pour un acte criminel. Je pense que dans l'esprit de la plupart des Canadiens, ce sont là des sommes modiques.
    J'ai écouté votre témoignage, madame Latimer, au sujet des mesures justes, efficaces et respectueuses des droits de la personne. Vous dites qu'à votre avis ce projet de loi est inéquitable. Êtes-vous prête à convenir avec moi qu'il est raisonnable de demander à un accusé condamné, en particulier lorsqu'il s'agit d'un acte criminel, de contribuer à la réadaptation de sa victime?
    Tout d'abord, je félicite le gouvernement et j'aimerais vous dire que la Société John Howard appuie les mesures que vous avez prises dans le domaine de la prévention du crime. Je pense que nous sommes tous d'accord sur ce point.
    Pour ce qui est de faire contribuer les délinquants aux efforts que déploient les victimes pour surmonter leur trauma et le reste, oui, je pense qu'ils devraient faire quelque chose. Je pense qu'une façon équitable de le faire serait de dire que, lorsque le juge impose une amende — et c'est un élément que l'on retrouve à l'heure actuelle dans la Loi sur la justice pénale pour les adolescents —, la province peut ordonner qu'une partie de cette amende soit affectée à un but particulier, notamment aux services aux victimes. L'intégralité de l'amende, qui devrait constituer une sanction équitable et proportionnée qui oblige l'accusé à rendre des comptes, pourrait être remise entièrement aux services aux victimes. Je pense qu'un bon nombre d'entre nous trouverait une telle mesure louable et utile.

  (1650)  

    Vous parlez de la suramende sur les amendes?
    Non, je parle de l'amende elle-même, pas de la suramende.
    De sorte que l'amende serait affectée dans sa totalité aux services aux victimes.
    Bien évidemment, c'est à chaque province de décider. Je viens de la Colombie-Britannique. Il se trouve que ma province est une de celles qui n'ont pas mis sur pied de programme de solution de rechange à l'amende; cependant, j'ai pratiqué comme avocate pendant de nombreuses années, et je sais qu'il y a d'autres mécanismes qui permettent de percevoir les amendes.
    Je vois que mon collègue, M. Jean, vient d'arriver. Je vais partager avec lui le reste de mon temps de parole.
    Monsieur Jean, vous avez deux minutes.
    J'aimerais poursuivre sur cet aspect. Vous avez parlé d'amende équitable et proportionnelle. Bien sûr, comme vous le savez, j'ai travaillé au sein du système de justice pénale pendant une certaine période et j'ai eu la possibilité de voir que les suramendes n'étaient habituellement pas imposées, même dans le nord de l'Alberta.
    Je vois que vous hochez la tête pour exprimer votre accord; vous comprenez donc que c'est bien là la situation: dans 80 à 90 p. 100 des cas, la suramende n'est pas imposée. Qu'est-ce qui serait équitable et proportionnel de votre point de vue?
    Le caractère équitable et proportionnel dépend de diverses choses. Cela fait appel aux buts de la peine, et il faut prendre en compte la gravité de l'infraction et le degré de responsabilité du délinquant. C'est une mesure qui reflète ces deux éléments.
    Mais évidemment, les juges doivent se baser sur un élément très subjectif. Le tribunal a habituellement le pouvoir discrétionnaire d'imposer une amende à l'intérieur d'une certaine fourchette. Considérez-vous qu'à l'heure actuelle, toutes les infractions prévues par le Code criminel sont équitables et proportionnelles ou non?
    Je suis d'accord avec vous. Cela dépend du montant de l'amende que le juge décide d'imposer dans une circonstance particulière.
    Absolument, mais à l'heure actuelle, diriez-vous que la gamme des amendes que peuvent imposer les juges est équitable et proportionnelle? Ou devrait-on augmenter ou réduire ces montants? Ou pensez-vous...
    Vous soulevez un point intéressant. Je dirais que ces montants sont probablement équitables, mais l'aspect qui vous dérange est que les tribunaux renoncent régulièrement à imposer une suramende et il faudrait trouver le moyen de modifier cela. Je ne suis pas sûre que rendre ces suramendes obligatoires soit la bonne façon de répondre au fait que les juges ne les imposent pas.
    Le problème, d'un point de vue pratique, est que les juges disposent d'un tel pouvoir discrétionnaire qu'ils n'imposent jamais ou très rarement ces suramendes. Dans l'ensemble, j'ai remarqué que c'était souvent au dernier moment que le juge décidait de ne pas l'imposer. L'aspect qui m'intéresse est la proportionnalité, le caractère équitable de l'amende. Vous ne pourrez jamais me faire croire qu'avec ces amendes ou avec les suramendes, les criminels paient des sommes qui se rapprochent de ce qu'ils coûtent à la société dans son ensemble.
    Ma question est la suivante, pensez-vous que les criminels devraient assumer le coût des crimes qu'ils commettent, des actes qu'ils ont commis intentionnellement et qui causent un préjudice psychologique et financier aux victimes ou pensez-vous que c'est l'État qui devrait intervenir et assumer le fardeau que représentent les criminels?
    À mon avis, vous introduisez des notions de droit civil dans une question de droit pénal.
    Pas nécessairement — il est désormais possible, en droit pénal, d'ordonner une réparation de nature civile.
    Oui, mais le fait est que la façon de mesurer la responsabilisation n'est pas nécessairement reliée au coût du crime; elle est reliée à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité de son auteur. La société demande à l'accusé de rendre des comptes pour ce qu'il a fait, mais pas nécessairement pour les répercussions financières plus larges...
    Voilà ma question, est-ce à moi de payer ou à la victime de le faire? C'est ce que je voulais savoir.
    Je serais heureuse de parler de cela...
    Le temps de parole est écoulé.
    Monsieur Côté.
    Mme Catherine Latimer: Eh bien, je serais heureuse de...
    Je vous en prie: vous pouvez y répondre pour M. Côté.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Avant d'interroger nos témoins, j'aimerais faire une remarque en ce qui a trait à l'intervention de M. Goguen Je demande à tous les membres d'être rigoureux par respect pour nos témoins, d'autant plus que notre temps est précieux.
    Madame Latimer, monsieur Waller, je vous remercie beaucoup d'être présents parmi nous. Je dois avouer, madame Latimer, qu'une donnée parmi celles que vous nous avez présentées m'a troublé. Je voudrais avoir une confirmation à ce sujet. Vous avez dit qu'une grande partie des fonds attribués à l'indemnisation des victimes, soit 13 millions de dollars, n'était malheureusement pas utilisée. Est-ce exact?

[Traduction]

    Cela vient d'une évaluation intitulée Évaluation de la stratégie fédérale d'aide aux victimes, Rapport final, 2012. Le tableau 7 montre le « Volet Provinces et territoires du fonds d'aide aux victimes » qui indique qu'une somme de 16 475 000 $ avait été affectée à ce fonds et que seulement 2 956 000 $ avaient été dépensés en réalité, ce qui laissait un écart de 13 518 000 $.

[Français]

    C'est très troublant.
     Mon bureau a pu mettre la main sur une étude faite en Ontario en 1994 par Lee Axon et Bob Hann. Ces auteurs avaient remarqué que 45 p. 100 des personnes ayant reçu une amende n'ont pas pu la payer. Par conséquent, si cette amende est imposée sans permettre aux juges d'exercer leur pouvoir discrétionnaire, êtes-vous confiants que les personnes condamnées pourront faire face à leurs obligations?

  (1655)  

[Traduction]

    Je ne suis pas du tout certaine qu'elles pourront remplir cette obligation. Le fait est qu'il y a beaucoup de gens marginalisés et démunis qui sont inculpés et qui peuvent fort bien avoir commis les infractions dont ils sont inculpés — je ne le nie pas. Mais l'obligation de trouver des ressources supplémentaires pour pouvoir payer la suramende, en plus de l'amende qui a pu être très justement imposée, va créer de graves difficultés à certaines de ces personnes qui n'ont pas suffisamment d'argent avec leurs prestations d'invalidité pour subvenir à leurs besoins pendant un mois entier. Elles n'ont pas suffisamment d'argent pour acheter de l'épicerie; elles vont dans les banques alimentaires. Elles ne peuvent pas y parvenir sans une aide. Cela va créer de graves problèmes.

[Français]

    Il y a une autre chose que nous apprend cette étude qui est très troublante.
    En effet, les juges et les procureurs de la Couronne ontariens refusaient d'imposer la suramende simplement parce que ces fonds n'étaient pas attribués au fonds des victimes, mais versés au Trésor de la province de l'Ontario. L'argent n'était pas affecté directement aux victimes, ce qui ne mettait pas en confiance ces personnes.
    Pensez-vous que le gouvernement fédéral aurait à s'entendre avec les provinces pour donner confiance à la magistrature à cet égard?
    Je vais répondre à cette question

[Traduction]

    Il ne faut pas oublier que la Déclaration relative aux droits des victimes de l'ONU a été adoptée en 1985 et qu'à partir de 1986 avec le Manitoba, la plupart des provinces ont adopté des lois relatives aux services aux victimes qui créaient un système de suramende. L'Ontario a attendu 1996 pour agir, et je pense que les juges n'imposent pas ce genre d'amende parce qu'il n'y a pas de loi en vigueur à ce sujet. La Déclaration des droits des victimes de l'Ontario a été adoptée en 1996.
    Le fait que les juges n'imposent pas cette suramende pose un très grave problème. Il n'est pas unique au Canada. Cela s'est produit dans d'autres pays. L'ombudsman fédéral parle de « réorienter la conversation »; il faut réorienter notre action. Les juges ont grandi dans un monde qui était axé sur la rétribution. Cela remonte à plus de 200 ans à Beccaria et c'est une conception où l'État s'oppose aux délinquants. Nous vivons dans une période où le préjudice causé par les crimes représente 83 milliards de dollars et il n'y a pas de services adéquats, pas d'information, pas de recours au dédommagement, et les indemnités varient considérablement.
    Nous devons modifier la façon dont le système de justice fonctionne et nous devons commencer par les policiers, qui ont énormément à gagner en fournissant l'information aux personnes concernées. J'estime que ce projet de loi est une façon assez radicale d'amener les juges à faire ce qu'ils devraient faire.
    Par contre, généralement, les montants ne sont pas très élevés et le projet de loi contient beaucoup de bonnes choses, comme l'a dit l'ombudsman. Il y a des gens qui travaillent dans les pénitenciers fédéraux; ils pourraient fort bien payer une amende.
    Il ne me paraît pas souhaitable d'examiner uniquement la situation des pauvres, mais plutôt celle des personnes qui pourraient faire des paiements très élevés. C'est de cette façon que le système des États-Unis est financé. Il n'est pas financé par des impôts que paient les jeunes Noirs qui font partie de gangs à Chicago; il est financé par les lourdes amendes imposées aux sociétés qui peuvent les payer. C'est ce qui nous permettra d'être un pays qui atteint — ou commence à atteindre — les normes internationales pour ce qui est des victimes.
    Merci.
    Monsieur Jean, très brièvement. Nous allons terminer à 17 heures.
    Merci, monsieur le président.
     Je voudrais poursuivre un peu plus cette discussion sur cette situation. À la page 4 de votre document intitulé Sentencing in Canada (Les peines au Canada), publié en 1990, la Société John Howard déclare expressément que le dédommagement et les amendes ont pour but de couvrir les frais et de restituer aux victimes ce qui leur a été pris. C'est là leur objet.
    De mon point de vue, je n'ai jamais vu les choses se passer ainsi. Je n'ai jamais vu un tribunal imposer une amende qui se rapprochait du montant des dommages causés. J'aimerais poursuivre sur cet aspect parce que je pense qu'il y a dans ce cas particulier la présence de deux payeurs pour les victimes. Le premier est la société, qui à mon avis, victimise un très grand nombre de personnes; l'autre est le criminel lui-même, qui a la possibilité de verser une somme par le biais de mesures de rechange, ou en travaillant, ou tout simplement, en utilisant l'argent qu'il possède déjà.
    Qui devrait, à votre avis, payer pour ceci? Pensez-vous que la société devrait payer — et victimiser encore davantage de personnes, à mon avis — ou pensez-vous que le criminel devrait payer?

  (1700)  

    Je pense que les criminels ou plutôt le délinquant devrait être obligé de rendre compte de ses actes dans la mesure de sa responsabilité et pour qu'il facilite la vie des victimes par le dédommagement, la prestation de services aux victimes ou la participation à des mesures de justice réparatrice. Alors je dirais que oui.
    Par exemple, ils devraient rembourser les dommages causés ainsi que les objets volés.
    Eh bien, nous pouvons bien sûr...
    Parce que c'est la restitution.
    Excusez-moi?
    C'est la restitution.
    Il y a également restitution si je dérobe votre bague en diamant, que je l'ai dans la main et que je vous la redonne, n'est-ce pas?
    Eh bien, en fait, ce n'est pas une restitution, mais...
    Eh bien, nous pouvons examiner les définitions...
    C'est une action en replevin...
    Merci.
    Nous pourrions entamer...
    Merci.
    Je remercie les deux témoins d'être venus aujourd'hui.
    Nous étudions un projet de loi important et nous apprécions les renseignements que vous nous avez fournis.
    Nous allons faire une courte pause. Nous allons ensuite siéger à huis clos et parler de nos travaux futurs.
     [La séance se poursuit à huis clos.]
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