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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 009 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 1er novembre 2011

[Enregistrement électronique]

  (0845)  

[Traduction]

    La séance est ouverte. C'est la neuvième séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Nous étudions le projet de loi C-10.
    Nous recevons aujourd'hui un groupe de témoins. Je tiens à ce que tout le monde comprenne les règles. Le comité a décidé d'accorder cinq minutes à chaque témoin pour faire une déclaration préliminaire. Chaque député dispose de cinq minutes pour les questions et les réponses. Aujourd'hui, la situation est un peu différente. Nous recevons le ministre du Québec. Il est ici à la demande de l'opposition. Comme l'opposition ne présente qu'un témoin aujourd'hui, le ministre aura droit à 10 minutes. Nous allons essayer de respecter cet horaire parce que notre temps est précieux.
    Je dois prévenir les membres du comité que nous avons une petite question administrative à régler. Nous aurons besoin de deux minutes à la fin de la prochaine séance. Soyez prêts.
    Nous allons commencer par le chef de police adjoint Lemcke.
    Je m'appelle Warren Lemcke, chef adjoint commandant la Division d'enquête du Service de police de Vancouver. C'est pour moi un honneur d'être ici aujourd'hui.
    Je désire présenter le point de vue de l'Association canadienne des chefs de police au sujet de la partie 2 de la Loi sur la sécurité des rues et des communautés étant donné que cette partie du projet de loi apporte des changements à la loi au sujet des condamnations avec sursis.
    Même si c'est un outil utile dont les tribunaux doivent disposer, l'ordonnance de sursis ne devrait s'appliquer que si c'est approprié et la loi devrait le refléter en la supprimant pour les crimes graves. Au nom de l'ACCP et, je l'espère, des citoyens que nous servons dans les collectivités de tout le pays, nous appuyons ce projet de loi. L'ordonnance de sursis est un instrument approprié dans le cas des condamnations pour infraction criminelle mineure, surtout lorsque le délinquant n'a pas d'antécédents criminels aggravants.
    Les gens commettent des erreurs dans la vie. Nous l'acceptons. Pour ceux qui ont eu peu ou aucun contact avec le système de justice pénale et qui commettent une infraction mineure, ces ordonnances sont appropriées et devraient être favorisées. Néanmoins, lorsqu'une infraction plus grave est commise, surtout un crime violent contre une personne ou de graves crimes contre la propriété, les condamnations avec sursis ne sont pas appropriées.
    La loi supprime la possibilité de condamner avec sursis les personnes reconnues coupables d'avoir commis ce genre d'infractions. Elle vise à imposer des peines conséquentes pour les infractions graves. C'est ce que veulent les Canadiens, surtout les victimes d'actes criminels. Il faut que les Canadiens sachent que s'ils sont victimes d'un crime grave, la peine infligée au coupable aura pour but de le dissuader, de le dénoncer et de le punir et aussi de protéger les citoyens en incarcérant le criminel. Si ce n'est pas le cas, ils perdront confiance dans le système de justice pénale.
    Quand j'étais à l'académie de police, il y a 26 ans, on parlait beaucoup de la Charte des droits et libertés dans nos cours. Il y a eu énormément de discussions au sujet de l'article 24 où il est dit que si les preuves sont obtenues en portant atteinte à la charte et que leur utilisation est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice, ces preuves doivent être écartées. Cet article porte sur ce qui peut déconsidérer l'administration de la justice. Lorsqu'une personne reconnue coupable d'un acte criminel grave est condamnée à une peine avec sursis, c'est exactement ce qui se passe. Aux yeux de la victime et de la société, l'administration de la justice est déconsidérée.
    Il n'est pas rare que les Canadiens entendent parler dans les médias de criminels reconnus coupables de graves infractions qui reçoivent seulement des peines avec sursis. Je n'entrerai pas dans les détails et je ne critiquerai pas non plus les tribunaux, mais je voudrais mentionner deux cas récents, dont les médias de Vancouver ont parlé, de condamnations avec sursis qui ont énormément inquiété le public. Je vais laisser au comité le soin de les examiner. Je crois que cela figure dans la documentation qui vous a été remise.
    Les Canadiens veulent la certitude que s'ils sont victimes d'actes criminels, les coupables devront subir les rigueurs de la loi et faire face aux conséquences de leurs actes. Nous croyons que ce projet de loi prévoit des peines appropriées pour les actes criminels graves et qu'il renforcera la confiance du public dans le système de justice pénale. Les Canadiens doivent avoir confiance dans un système de justice pénale remis en ordre et peut-être raffermi. Les victimes doivent avoir la certitude que le système de justice pénale réagira comme il le doit. Les criminels doivent avoir la certitude que des peines conséquentes leur seront imposées pour leurs actes.
    Je me ferais un plaisir de répondre à vos questions.

  (0850)  

    Merci.
    Monsieur le ministre, voulez-vous commencer maintenant?

[Français]

    Monsieur le président, mesdames et messieurs membres du comité, j'ai l'honneur de présenter devant ce comité la position du Québec relativement au projet de loi C-10. Bien qu'il y ait des précédents, il demeure exceptionnel pour le gouvernement du Québec de se présenter devant un comité parlementaire étudiant un projet de loi fédéral. La gravité de la situation explique cette exception. Je me présente ici fort d'une motion unanime de l'Assemblée nationale présentée par ma collègue députée de Joliette.
    Pour témoigner de l'appui généralisé à la position que je vais vous présenter, je suis accompagné aujourd'hui d'un représentant du Barreau du Québec, de Me Murphy, procureure chef aux poursuites criminelles et pénales, ainsi que des représentants de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, de l'Association des centres jeunesse du Québec, de l'Association québécoise Plaidoyer-Victimes, de la Société canadienne de pédiatrie et du Regroupement des organismes de justice alternative du Québec. J'en profite pour indiquer qu'il ne s'agit pas d'une démarche contre le gouvernement, mais plutôt contre des dispositions d'un projet de loi aux conséquences négatives pour une protection durable du public. Je tiens à vous rappeler que c'est dans ce même esprit que je suis venu, en juin dernier, plaider auprès de la chef du Parti vert, Mme May, afin que l'on accélère le processus d'étude du projet de loi C-2 sur les mégaprocès. Quand c'est bon, on le dit, quand ce ne l'est pas, on le dit également.
    D'entrée de jeu, je me permets de vous dire que l'on ne peut accepter que soit retiré le concept de la protection durable du public. En retirant le critère durable, vous allez faire le choix d'une protection temporaire du public. Il est difficile d'y voir là une proposition sévère contre le crime. De fait, en retirant cette notion et en modifiant d'autres dispositions, le projet de loi C-10 devient, par rapport à la situation actuelle, une loi favorisant la récidive et multipliant les victimes. De nombreuses études, même des études fédérales, démontrent que l'emprisonnement ne réduit ni l'incidence du crime, ni la récidive. Au contraire, on peut envisager que l'emprisonnement puisse être un facteur de récidive en servant d'école du crime. Une chose est certaine, un combat efficace et durable contre la criminalité ne peut pas se limiter à emprisonner les contrevenants. Par définition, il arrive un moment où le criminel sort de prison et retourne dans la société. Lutter durablement contre le crime, c'est porter une attention particulière à cette réinsertion dans la collectivité. Le fait d'axer toute l'intervention sur l'emprisonnement pour une période de temps ne constitue qu'une solution temporaire superficielle, une solution clémente relativement aux crimes. Apprendre un comportement acceptable à un jeune délinquant, c'est permettre d'éviter la répétition d'un comportement inacceptable. Si aucun enseignement et aucun suivi n'est fait quant au comportement à adopter en société, nous les encourageons à recommencer. Les solutions proposées par le projet de loi C-10 ne rencontrent ni l'objectif avoué de sécurité publique, ni les besoins réels de pénalisation des délinquants, ni de prévention du crime et de la récidive.
    Je rappelle qu'à plusieurs reprises, le Québec a fait part de ses réticences et désaccords quant aux mesures mises de l'avant par le gouvernement fédéral. Plus que des réticences, nous avons même proposé par écrit au ministre Nicholson des amendements au défunt projet de loi C-4. Dit simplement, ce projet de loi ne contient pas les bons moyens pour protéger durablement la société et les victimes. Au Québec, depuis des décennies, nous faisons les choses différemment pour protéger la population à long terme. Nous le faisons d'ailleurs en incluant les corps policiers. Nous avons choisi de miser sur la rééducation, la réadaptation et la réinsertion sociale de l'adolescent, ce qui implique une sensibilisation aux torts qu'il a causés à la victime. En fait, l'approche de réadaptation fait plus de place à la victime que l'approche de l'emprisonnement. En effet, l'intervention auprès des adolescents contrevenants doit prendre en compte l'intérêt des victimes, l'impact que les délits ont eu sur elles, tout en s'assurant que leurs droits et leur dignité sont respectés. Les victimes ont notamment le droit d'être informées des procédures prises à l'égard de l'adolescent dans la prise en compte des torts causés à la victime. Un processus de réparation est imposé à l'adolescent lorsque c'est possible. Cette façon de traiter la délinquance juvénile fonctionne. Le Québec affiche le taux de criminalité le plus faible au Canada.
    Notre vision est fondée sur les enseignements de la Cour suprême du Canada qui soutiennent l'importance d'assurer un traitement distinct aux adolescents. Cette vision est aussi basée sur l'opinion d'experts, comme la Société canadienne de pédiatrie, qui soutiennent également que les adolescents doivent être traités différemment des adultes pour devenir des membres pleinement intégrés et utiles à la société.

  (0855)  

    On nous dira que le projet de loi C-10 maintient une distinction entre le traitement réservé aux adolescents et celui réservé aux adultes. Selon nous, ce n'est qu'une question d'apparence.
    En réalité, il introduit encore plus de principes uniformes qui doivent pourtant être réservés aux criminels adultes.
     De fait, la Cour suprême et les experts, y compris les procureurs qui interviennent quotidiennement auprès des adolescents et des contrevenants, sont catégoriques: cette façon d'envisager la délinquance juvénile ne fonctionne pas.
    Pire encore, elle est susceptible de maintenir les adolescents dans la criminalité en ne s'attaquant pas aux causes sous-jacentes de leurs comportements inadéquats et en choisissant de ne pas se poser deux questions fondamentales: qui sont-ils et pourquoi ont-ils agi ainsi?
    Le projet de loi C-10 offre donc une protection illusoire en insistant sur le court terme et sur le moment de l'emprisonnement. Il est aveugle envers le long terme en omettant de réfléchir sur le moment de la sortie de prison. C'est l'équivalent d'un pansement sur une plaie infectée. Pour un temps, on veut bien ne plus s'en soucier. Pourtant, le mal réapparaît inéluctablement.
    La réadaptation vise à guérir le mal. Un processus individualisé, qui inclut une prise de conscience par l'adolescent de ses responsabilités, est nécessaire pour assurer une protection durable du public.
    La bonne mesure au bon moment doit demeurer selon nous le principe phare du traitement de la délinquance juvénile.
    Nous vous demandons de ne pas radier, de ne pas évacuer le critère de la protection durable du public.
    Nous vous demandons aussi de ne pas inciter la publication de l'identité d'un adolescent, car cela compromet ses possibilités de réinsertion sans que la société ne retire de véritables bénéfices de cette information. La Cour suprême a d'ailleurs récemment rappelé l'importance de ce principe.
    Nous vous demandons d'écouter les intervenants des 40 dernières années qui, à coût d'études, de statistiques et de science, ont oeuvré à la rééducation des jeunes délinquants. Si vous choisissez de rejeter leur expertise et leur science, vous avez le fardeau de soutenir vos propositions au moyen d'études et d'analyses sérieuses.
    Nous vous offrons la collaboration du Québec pour partager un dialogue basé sur les connaissances scientifiques et statistiques et vous demandons de surseoir à l'adoption des dispositions concernant les jeunes contrevenants.
    L'imposition de nouvelles peines minimales est notre deuxième source de préoccupation. Doutant de l'effet dissuasif de ces peines, le Québec a exprimé des réserves à leur endroit, préférant de loin faire confiance aux procureurs et aux tribunaux pour recommander et déterminer la peine la plus appropriée.
    En effet, il est un principe de base que le juge, à la lumière de toutes les données du dossier qui sont portées à sa connaissance autant par la poursuite que par la défense, est le mieux placé pour prononcer une peine qui tient compte du contexte de l'infraction.
    La prolifération des peines minimales restreint aussi la possibilité pour le tribunal d'imposer l'emprisonnement avec sursis quand les circonstances le justifient, malgré les enseignements de la Cour suprême quant à sa valeur réparatrice.
    Comme le disait Me Jean-Claude Hébert, le projet de loi C-10 transforme les tribunaux en guichet automatique de peines d'emprisonnement.
    L'apaisement recherché dans la vengeance est une illusion. Il arrive un moment où la peine est terminée. Le projet de loi C-10 ne tient pas compte du retour du délinquant dans la société. Sans mesure de rééducation, sans l'apprentissage de nouveaux comportements, quand les portes de la prison s'ouvrent, elles s'ouvrent sur la récidive et font de nouvelles victimes.
    Encore une fois, sans aucune étude ou justification raisonnée ou soutien des propositions, nous vous demandons de ne pas adopter ces mesures aux effets contraignants pour les tribunaux qui ne peuvent plus jouer leur rôle.
    Notre troisième préoccupation est celle des impacts financiers des mesures proposées.

  (0900)  

[Traduction]

    Il vous reste une minute.

[Français]

    Vous les connaîtrez peut-être lorsque nous aurons la possibilité d'échanger sur ces questions. Cependant, il est clair que ce projet de loi n'offre pas le soutien financier pour soutenir les propositions, et le Québec refuse d'assumer les coûts.
    Je termine en vous disant que, s'il y a une juridiction criminelle pour le Parlement fédéral, il y a une juridiction relative à l'administration de la justice pour les gouvernements des provinces.
    Nous devons collaborer. La Constitution nous y force. Cette collaboration, nous la souhaitons.
    Nous souhaitons pouvoir travailler ensemble et nous appuyer sur des études sérieuses, statistiques et scientifiques pour faire en sorte de protéger durablement le public. Durablement, cela veut dire aussi à long terme et d'aller au-delà des cas médiatiques pris les uns après les autres. C'est lorsqu'on regarde le portrait général et lorsqu'on fait l'étude avec des spécialistes qu'on se rend compte des meilleurs moyens à prendre pour toute notre société.
    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Merci, monsieur.
    Allez-y, s'il vous plaît.
    Monsieur le président et membres du comité, c'est un plaisir pour moi de comparaître devant vous ici aujourd'hui à titre de président de l'Association canadienne des policiers pour parler du projet de loi C-10, une mesure législative détaillée et complète qui prend des mesures concrètes et importantes pour fournir à la police les instruments dont elle a besoin pour rendre nos collectivités plus sûres comme c'est leur objectif.
    Pour ceux d'entre vous qui ne connaissent pas l'Association canadienne des policiers, nous sommes un organe fédéral représentant plus de 41 000 policiers de première ligne des quatre coins du pays. Notre effectif est constitué du personnel policier de 160 corps de police du pays, et cela va du service de police des petites villes et villages aux corps de police municipaux et provinciaux les plus importants. Cela comprend les membres de la GRC, de la police des chemins de fer et de la police des Premières nations.
     Pour être parfaitement clair, l'ACP soutient entièrement les objectifs et les méthodes prévus dans le projet de loi C-10, des règles de détermination de la peine s'appliquant à ceux qui commettent des infractions sexuelles contre les mineurs aux restrictions touchant les condamnations avec sursis pour certaines des infractions les plus graves. Ces changements contribueront largement à faire en sorte que les criminels qui sont attrapés suite à nos enquêtes seront punis avec la sévérité voulue pour leurs crimes.
     Il y a deux éléments de ce projet de loi dont j'aimerais parler brièvement ici aujourd'hui. Il s'agit premièrement des modifications à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances contenue dans la partie 2 du projet de loi C-10.
    Nos membres constatent quotidiennement les effets dévastateurs que les trafiquants et producteurs de drogue causent dans toutes nos communautés. Ces policiers sont ceux qui doivent constamment arrêter les mêmes vendeurs et producteurs de drogue pour les empêcher d'empoisonner nos enfants et petits-enfants et de les dépouiller de leur avenir.
    Que ces organisations criminelles soient présentes dans des grands centres urbains comme Vancouver, Toronto, Montréal ou Ottawa ou dans des petites localités comme Saint John et Gander, les policiers de première ligne voient chaque jour le crime organisé — et je dis bien le crime organisé — fournir des drogues dangereuses et illégales au mépris de la loi et sans aucune considération pour la vie et les familles que cela détruit.
    Depuis un certain nombre d'années, l'Association canadienne des policiers préconise une stratégie nationale à l'égard de la drogue qui intègre une approche équilibrée pour réduire les effets néfastes de la consommation de drogues. Cette stratégie limiterait à la fois l'offre et la demande de drogues illicites et permettrait la mise en place d'une approche intégrée pour l'éducation, la prévention, le traitement et la répression. À notre avis, ce projet de loi revêt une importance cruciale pour mettre en place l'élément de cette stratégie touchant la répression.
    Les délinquants violents ne sont pas dissuadés par les peines actuellement imposées, le système correctionnel ou la politique de libération conditionnelle. Les délinquants chroniques comprennent le système et s'en servent à leur profit. Les bandes criminalisées font régler leur loi dans nos prisons et dans certains quartiers. Nous avons besoin d'une intervention plus musclée alliant la dissuasion générale à une dissuasion spécifique, à la dénonciation et à la réforme.
     Que ce soit en empêchant les vendeurs et les producteurs de drogue de poursuivre leurs affaires ou en ayant un effet dissuasif sur les revendeurs potentiels, le projet de loi C-10 aidera nos policiers à faire leur travail et à assurer la sécurité dans nos collectivités.
    En résumé, si vous gardez ces criminels plus longtemps en prison, vous les empêcherez de faire le trafic de la drogue.
    Il y a eu énormément de débats au sujet du recours aux peines minimales et de la fréquence des récidives. Ne vous y trompez pas. Les récidivistes posent un grave problème. La police le comprend intuitivement, car elle a régulièrement affaire à eux.
    Les statistiques publiées par l'escouade des homicides de la Police de Toronto pour 2005 le démontrent précisément. Parmi les 32 personnes accusées de meurtre ou d'homicide involontaire coupable en 2006, 14 étaient en libération conditionnelle au moment de l'infraction, 13 étaient en probation et 17 faisaient l'objet d'une ordonnance d'interdiction d'arme à feu. Un système judiciaire où l'on entre et sort de prison comme dans un moulin ne réussit pas à dissuader ces récidivistes violents de continuer leurs activités criminelles.
    En tant que policiers, mais surtout en tant que membres de la société, nous trouvons inquiétant que nos adolescents et de nombreux adultes aient reçu le mauvais message au sujet de la drogue. La consommation de drogue a été banalisée par ce que les gens voient à la télévision, mais aussi par une mauvaise politique publique. Ce qu'ils ne voient pas, au début, c'est que la drogue va probablement dominer leur vie. Le message transmis à nos jeunes devrait être clair: la drogue est dangereuse.
    Une autre question que j'aimerais aborder brièvement est la création de deux nouvelles infractions dans ce projet de loi. La première est de rendre accessible à un enfant du matériel sexuellement explicite et la deuxième est de s'entendre ou de faire un arrangement pour perpétrer une infraction d'ordre sexuel à l'égard d'un enfant. Je ne saurais trop insister… sur la nécessité de mettre nos lois à jour, compte tenu surtout des technologies nouvelles, pour donner à la police la possibilité de maintenir une avance sur ceux qui se servent indûment de ces technologies pour commettre les crimes les plus horribles contre les enfants.

  (0905)  

    Enfin, je voudrais appuyer particulièrement les dispositions de la loi qui, si elles sont adoptées, autoriseront un agent de la paix à arrêter sans mandat un délinquant libéré sous condition s'il viole une condition de sa libération. Ce changement logique à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition s'imposait depuis longtemps. Par le passé, même si nous savions que quelqu'un violait les conditions de sa libération, nous ne pouvions pas l'arrêter.
    Avant de terminer, je voudrais parler, au nom de nos membres, d'une question qui nous préoccupe à propos du projet de loi C-10. Nous avons beaucoup entendu parler du coût de la loi, mais je tiens à rappeler à tous les députés de ne pas oublier que le budget des services de police de tout le pays ne suffit plus à la tâche. Pour assurer la sécurité dans nos communautés, nous avons besoin des outils et des ressources nécessaires pour éviter les réductions de service qui compromettraient inutilement les progrès que nous avons faits.
    Merci beaucoup. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
    Merci.
    Madame Boivin.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être parmi nous aujourd'hui.
     Étant donné que je suis du Québec, vous ne serez pas surpris de voir que mes questions s'adressent principalement au ministre de la Justice du Québec. Il est porteur d'un message unanime, si j'ai bien compris, de la part non seulement de l'Assemblée nationale, mais aussi des principaux intervenants qui ont à transiger avec toutes ces questions de nature pénale et criminelle sur le territoire du Québec.
    Comme vous l'avez dit, c'est une bataille à mener. Nous menons la même bataille, et il faut espérer qu'à l'instar de la plupart des gens qui sont venus s'opposer au projet de loi C-10, vous ne serez pas accusé de faire partie du lobby des criminels. En fait, je n'ai encore rencontré personne ici qui fasse partie de ce lobby.
    Cela étant dit, j'aimerais savoir si vous avez discuté avec vos homologues fédéraux des coûts associés au projet de loi C-10 que devrait assumer le Québec. Vous aviez commencé à en parler et j'aimerais vous donner un peu de mon temps pour que vous nous fassiez part de vos craintes à ce sujet.
    J'ai écouté l'opinion des policiers qui m'entourent. Lorsqu'on me parle des portes tournantes et du fait que les gens vont peut-être faire l'objet d'une libération conditionnelle, je ne peux pas nier qu'il y a des difficultés. Toutefois, même en suivant la logique voulant qu'on incarcère ces gens le plus longtemps possible et qu'il n'y ait aucune possibilité de libération conditionnelle, les portes vont quand même s'ouvrir à un moment donné. Alors, qu'est-ce qu'on aura fait pour éviter la récidive?
    Pour répondre à votre question, je vais m'arrêter notamment à la question de la récidive et parler ensuite des démarches qui ont été entreprises. Il est bien évident — tout le monde le dit et mon collègue de la Sécurité publique le dirait mieux encore — qu'en termes de sécurité publique, ce projet de loi vise à incarcérer plus de gens. Alors forcément, cela va représenter des coûts du côté des prisons.
    Je suis accompagné de Me Murphy, qui est procureur de la Couronne. Elle combat le crime tous les jours, mieux que vous et moi. Comme vous, je suis un parlementaire qui fait des lois. Comme vous, je vais participer à une commission parlementaire ce soir. Mais il y a des gens sur le terrain qui appliquent les lois et qui luttent. Or avec cette loi, ils vont faire face à des difficultés accrues. Il va y avoir des coûts en matière d'administration de la justice, non seulement dans le cas des poursuites, mais aussi par la suite dans celui des incarcérations.
    Avec ce projet de loi, on change de priorité. On ne veut plus s'intéresser de façon significative à la réadaptation, à la lutte durable contre le crime. Or lorsque les gens auront purgé leur peine — et je parle ici des jeunes —, ils n'auront pas appris d'autre type de comportement, ce qui va favoriser la récidive. Il va donc y avoir d'autres victimes, d'autres vacations devant les tribunaux et d'autres peines d'emprisonnement. Imaginez les coûts que cela pourrait représenter. Il est clair qu'au Québec, nous n'accepterons pas d'assumer ces coûts. Même si nous pouvons dire la même chose pour ce qui est des buts visés, il en va tout autrement pour les moyens utilisés. Nous n'allons donc pas partager ces coûts. Ils seront à leur charge, c'est certain.
    Pour ce qui est des démarches que nous avons faites, j'ai rencontré M. Nicholson le 9 mars dernier. Nous avons discuté d'un bon nombre de sujets, dont celui des méga-procès, ce qui m'a amené à revenir ici pour appuyer le projet de loi. Comme je l'ai mentionné, lorsqu'un projet de loi est bon, on le dit, et lorsqu'il ne l'est pas, on le dit aussi. À cette occasion, nous avons parlé du projet de loi C-4.
     De notre côté, nous avons ensuite soumis des amendements. Nous nous sommes dit que tout le monde devait être favorable à un objectif comme la protection durable du public. Nous avons donc présenté des amendements qui cadraient avec nos 40 années d'expérience, mais ils n'ont pas été retenus dans le cadre de la dernière mouture qu'est le projet de loi C-10.
    J'ai donc écrit de nouveau à M. Nicholson, de même qu'à mes homologues provinciaux, à l'ensemble des parlementaires et à tous les partis. En effet, je vois bien et je sais bien qu'il s'agit maintenant d'un processus législatif. Je souhaite vous faire part de toute l'émotion que je peux ressentir comme gouvernant — ce que vous êtes tous également —  et vous rappeler l'importance de réfléchir avant d'adopter un projet de loi. On a fait abstraction des études, de la science et de la force de l'expérience de ces 40 dernières années qui a permis de faire baisser le taux de criminalité. On pourrait discuter d'une foule d'autres sujets, mais il s'agit là des statistiques.

  (0910)  

[Traduction]

    Votre temps est écoulé, désolé.
    Monsieur Cotler.

[Français]

    Merci, monsieur le président. Ma question s'adresse au ministre.
    Le jeudi 20 octobre dernier, lors de la période des questions à la Chambre, le ministre de la Justice fédéral a dit, et je cite: « Les parties du projet de loi à l'étude ont été examinées par mes homologues provinciaux au fil des ans et j'apprécie leur soutien. »
    Aujourd'hui, vous avez parlé des conséquences négatives pour la protection durable du Québec. Est-il exact de dire que le ministre de la Justice apprécie le soutien de ses collègues provinciaux comme vous en tant que procureur général du Québec?
    Je vais laisser le ministre fédéral de la Justice utiliser les mots qu'il veut utiliser. Les lettres que j'ai envoyées, notamment celles du 14 mars et du 30 septembre dernier, sont publiques. La position du Québec est donc connue. Elle était d'ailleurs partagée par ma prédécesseure, Mme Kathleen Weil, qui occupait ces fonctions auparavant. Ce n'est pas un nouveau projet de loi, il existait bien avant quand on considère la question des jeunes contrevenants. Forcément, notre position était connue. Elle est d'ailleurs connue de toutes les autres provinces.
    Cela étant dit, vous me donnez l'occasion de réaffirmer au ministre fédéral de la Justice la position du Québec pour que ce soit très clair et que vous puissiez la partager tous ensemble. Nous voulons, comme vous le dites, la protection durable du Québec. D'ailleurs, la protection durable du public est inscrite dans la loi actuelle. La loi que l'on change parle de protection durable du public. Voulez-vous bien me dire pourquoi on enlève le mot « durable »? Quelle est l'idée derrière cela? Pourquoi voudrait-on une protection temporaire du public? Expliquez-moi cela.
    On pourrait, en fait, commencer par ce débat: pourquoi enlever le mot « durable »? Je crois que c'est parce que l'on veut favoriser l'emprisonnement plutôt que la réadaptation, plutôt que la réinsertion. Nous ne parlons pas ici de criminels qui ont 52 ans et qui vont passer 25 ans derrière les barreaux. Nous parlons de jeunes de 15, 16 ou 17 ans qui vont forcément revenir dans la société.
    Ce n'est pas de la poussière que l'on balaie sous le tapis. À un moment donné, le tapis se soulève. C'est prévu par le système qu'il y a une sortie de prison. Le tapis se soulève et la poussière revient. Parfois, il y en a plus. C'est comme une plaie infectée sur laquelle on met un pansement. Un pansement ne guérit pas, il cache la plaie. Arrive le moment où on enlève le pansement et la plaie est parfois encore plus infectée. Qu'est-ce que l'on fait?
    J'ai beaucoup de respect pour les corps policiers, mais ils veulent aussi une protection durable du public. Je me permets donc de me servir de votre question pour que vous sentiez toute la vigueur et l'émotion que je mets dans mon témoignage parce que je le fais au nom des milliers d'intervenants qui s'occupent de la jeunesse délinquante existante. Ils se battent chaque jour pour faire en sorte qu'il n'y ait plus de victimes, qu'il y ait moins de victimes. C'est en s'occupant de ces jeunes agresseurs que l'on réduit le nombre de victimes. Si on ne s'en occupe pas, la porte de la prison s'ouvre et la récidive et le nombre de victimes augmentent. En voulons-nous davantage ou moins?

  (0915)  

[Traduction]

    Il vous reste une minute et demie.

[Français]

    Je vous remercie.
    Le projet de loi compte différentes dispositions. Par exemple, on parle de peines minimales obligatoires pour une gamme de délits non violents. Quelle est votre réaction face à cette politique?
    Tous les experts dans le domaine vous diront que, depuis environ 100 ans, notre système de justice se veut individualisé et collé à la réalité des faits de la preuve transmise. Nous ne sommes pas juges, nous ne sommes pas devant un tribunal. Nous avons inventé un système qui s'appelle les cours de justice au sein desquelles travaillent des procureurs de la Couronne, dont Me Murphy, et des procureurs de la défense. Un juge préside pour juger à partir des actes qui ont été commis et des conditions où ils ont été posés. Il est en mesure d'imposer la bonne peine après s'être demandé comment protéger le public et porter le bon jugement. En empêchant cela, on limite la capacité d'agir des intervenants pour éviter une récidive.
    Dans le fond, tout ce débat revient à se demander si on fait confiance ou non à nos tribunaux. Je peux comprendre que quelqu'un me dise qu'il ne fait plus confiance aux tribunaux, mais à quelle étude se réfère-t-on pour dire que l'on ne fait plus confiance à nos tribunaux? Quelle est la science qui appuie ce changement de cap face à une situation qui est centenaire? Quelles sont les études et les documents à l'appui de cela? Où est la science et l'expérience? Je peux admettre qu'il y ait des cas médiatisés qui soulèvent des interrogations chez tout le monde. On se pose des questions, mais on ne peut pas gouverner en se basant sur un cas et sur un autre rapporté par les médias. Il faut prendre du recul et étudier. La science sert à quelque chose. À un moment donné, quelqu'un a découvert que la terre était ronde.

[Traduction]

    La présidence s'est trompée dans les tours. Les conservateurs devaient avoir de nouveau la parole.
    Ce sera M. Goguen, puis M. Woodworth.
    Merci, monsieur le président. Si je n'utilise pas tout mon temps, je demanderai à M. Woodworth de prendre ma suite.

[Français]

    Dans un premier temps, je remercie tous les témoins d'être venus ici ce matin. Je sais que vous avez des horaires chargés. C'est important que vous soyez venus comparaître devant nous et on apprécie beaucoup votre participation.

[Traduction]

    Je remercie tous les témoins d'être venus participer à cette réunion. Nous savons que vous êtes très occupés. Votre témoignage est vivement apprécié.

[Français]

    Ma première question s'adresse à M. Fournier.
    J'ai remarqué que vous avez mis beaucoup l'accent sur la science et les statistiques. Dans l'édition du 25 octobre 2011 du Journal de Montréal, un sondage mené par Léger Marketing dévoile que la majorité des Québécois estiment que notre système de justice est trop axé sur la réhabilitation et que 77 p. 100 croient que les crimes ne sont pas suffisamment punis.
    Près de la moitié des Québécois veulent que les peines soient plus sévères pour les jeunes contrevenants. C'est ce que le sondage nous dit. Le projet de loi C-10, qui comprend des amendements tels que proposés dans l'ancienne Loi de Sébastien, se concentre sur le traitement des 5 p. 100 de jeunes contrevenants violents et récidivistes. J'insiste sur l'aspect violent et récidiviste.
    D'après vous, les jeunes contrevenants récidivistes coupables d'actes violents sont-ils traités de façon adéquate au Québec? Le système reflète-t-il actuellement la nécessité de protéger la société, de réhabiliter les jeunes et de tenir suffisamment compte des besoins des victimes?

  (0920)  

    Je vous suggère tout simplement de répondre à ma question: pourquoi enlever le critère de protection durable du public? Pourquoi enlever le mot « durable »?
    Je suis du même avis que vous lorsqu'on voit des événements dans les journaux. Or, ni vous, ni moi, ni personne n'est favorable à la gouvernance au cas par cas.
    L'opinion publique a ses droits. De notre côté, nous avons l'obligation de poser le bon geste pour l'intérêt public. Ne suivre que l'opinion publique, si nous sommes avisés que cela va à l'encontre de l'intérêt public, est-il la bonne façon de gouverner?
    Or, nous avons nombre d'études, nombre d'expériences. Nous avons des années, des décennies de travail pour éviter la récidive dont vous parlez. Je ne dis pas qu'elle est éradiquée mais, je vous le fait remarquer, elle a diminué.
    Lorsqu'on compare la situation du Québec avec le reste du Canada, force est d'admettre que le système fonctionne. Des juridictions internationales viennent voir ce que nous faisons.
    Aujourd'hui, vous me dites que mes électeurs ne pensent pas comme moi. Je suis persuadé que si j'avais une discussion avec ces électeurs, un à la fois, je leur dirais que ma responsabilité est de m'assurer que l'intérêt public est servi, que la protection du public dure plus que le temps de l'emprisonnement et que l'on puisse s'assurer d'une société durablement civilisée. Je leur dirais aussi que lorsqu'un jeune n'apprend pas le comportement qu'il devrait adopter, il n'y a qu'une possibilité, une éventualité, à savoir qu'il répétera le comportement déviant. Pourquoi ferions-nous l'économie de lui montrer le bon comportement?
    Si j'avais l'occasion de discuter avec chacun des Québécois et de leur présenter toute la science qui existe, je crois qu'ils feraient le même plaidoyer avec la même émotion que j'y mets aujourd'hui.
    Par contre, je suis disposé à entendre la science, les études et les expériences que vous avez. Puisque le Québec, comme les autres provinces, est responsable de l'administration de la justice, travaillons ensemble à fournir aux citoyens du Québec et du Canada les meilleurs enseignements pour une protection durable du public. Je suis sûr que nous allons trouver un terrain d'entente.
    Il faut dire que ce serait une très longue campagne de convaincre quatre Québécois sur cinq de votre point de vue, mais vous êtes certainement convaincant.
    Les statistiques démontrent qu'il y a eu une augmentation de 36 p. 100 des crimes liés à la pornographie juvénile. Êtes-vous d'accord avec moi pour dire qu'il est important que le gouvernement fédéral signale aux Canadiens que ces infractions ne seront pas tolérées?
    Comme tous ceux qui viennent ici pour parler du projet de loi C-10 et soulever des aspects problématiques, nous ne sommes certainement pas des promoteurs de la criminalité en matière sexuelle. Toutefois, je ne ferai pas de discrimination entre l'un et l'autre. Personne ici n'est en faveur de la criminalité. Nous voulons simplement plaider contre la criminalité à long terme. C'est la seule différence.
    Je veux seulement vous dire que nous sommes dans le même camp, c'est-à-dire le camp de ceux qui veulent donner à nos concitoyens une société où la sécurité existe. Tout le monde est en faveur de ça. Je le suis avec vigueur. Il faut bien admettre, cependant, que le travail accompli depuis de nombreuses années a fait en sorte que les statistiques appuient notre thèse. Je parle ici d'études de psychoéducateurs, de criminologues, de procureurs et de tout le monde qui oeuvre dans ce domaine au quotidien.
    J'étais au Centre jeunesse Cité-des-Prairies vendredi dernier. Il y a là des jeunes, mais aussi des moins jeunes qui ont 30, 35 ou 40 ans et dont le rôle est d'accompagner les jeunes et d'essayer de leur enseigner de bons comportements. Ils préparent le moment de la sortie. Si on met un frein au travail qu'ils accomplissent, que propose-t-on à la société?
    Posez-vous uniquement cette question. Nous pouvons travailler ensemble pour faire en sorte qu'il y ait de bons moyens, de bonnes études et de bons procédés. Nous pouvons le faire pour tout le Canada et dire à chacun de nos concitoyens que nous travaillons ensemble à établir une protection durable.

[Traduction]

    Votre temps est écoulé.
    Monsieur Woodworth.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins de comparaître devant nous aujourd'hui.
    Je suis certainement d'accord avec le procureur général pour dire que nous sommes tous du même côté et que nous voulons tous assurer la protection du public.
    Je voudrais poser des questions concernant les dispositions de cette loi qui concernent les jeunes délinquants, surtout à M. Fournier.
    Tout d'abord, vous avez fait allusion aux peines minimales obligatoires. Je n'ai connaissance d'aucune disposition obligeant à imposer une peine minimale à un jeune contrevenant. Je veux donc être certain d'avoir bien compris que vous ne parliez pas des jeunes contrevenants lorsque vous avez parlé des peines minimales obligatoires.

  (0925)  

[Français]

    D'abord, je crois que vous avez entendu d'autres présentations, notamment de la part des représentants du Barreau du Québec, qui vous ont parlé de ces dispositions.
     Pour ce qui est du libellé relatif aux peines minimales, Me Murphy, qui est à la direction des poursuites criminelles et pénales, qui est en l'occurrence notre moyen de lutter contre le crime, va pouvoir vous indiquer avec plus de précisions ce qui est problématique dans le projet de loi C-10.
    Dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, il n'y a effectivement pas de peines minimales. Je pense que c'était votre question.

[Traduction]

    En effet.
    Si vous le permettez, nous avons eu quelques difficultés à cause du manque de temps, et je voulais seulement m'assurer que vous ne suggériez pas d'appliquer des peines minimales obligatoires aux jeunes contrevenants. Si c'est la réponse à ma question — et cela semble être le cas — j'aurais d'autres questions à poser.
    La deuxième question que je voudrais poser, monsieur Fournier, concerne le remplacement de la protection à long terme du public par la protection à court terme du public.
    Comme vous savez ce qu'est une enquête sur le cautionnement, je vais d'abord vous demander si, à votre avis, il est légitime qu'un juge considère, lors de cette enquête, que la détention d'un jeune contrevenant violent et hors de contrôle peut être justifiée, même si c'est seulement pour assurer la protection à court terme du public.

[Français]

    C'est une question intéressante, compte tenu notamment de la façon dont elle est formulée.
    D'une part, je crois que chaque cas — et c'est la façon dont le système de justice fonctionne — doit être évalué par l'autorité qui est en mesure de le faire, et certainement pas en vertu d'une loi d'un océan à l'autre et à l'autre. Un système de justice permet donc d'analyser les cas.
    Si, en termes de libération conditionnelle, on trouve des éléments à modifier relativement aux compétences exercées, vous pouvez envisager des propositions appuyées sur une expertise et des études. Comme législateur, il me semble que ce travail doit être fait avant d'arriver à cette étape. Je ne peux ni ne veux commenter le cas par cas ou légiférer en cette matière, mais je crois que nous disposons d'outils qui ont fait leur preuve, étant donné que les taux de criminalité sont plus bas au Québec qu'ailleurs. Je crois en effet que ces outils nous permettent de répondre.

[Traduction]

    Je veux juste savoir si vous êtes d'accord pour dire que, dans certains cas, un juge peut envisager la protection à court terme du public et tenir compte aussi, bien entendu, de la protection à long terme du public.

[Français]

    Ils sont en mesure d'étudier chacun des cas.
    Je nous mets en garde contre l'utilisation des expressions « long terme » et « court terme ». Face à un cas, il y a un juge, et celui-ci doit prendre une décision dans un cas particulier pour une sentence particulière.
    Quand je parle de durable, de court terme et de long terme, nous n'assistons pas au même débat. Quand vous enlevez le mot « durable » de la loi — avec d'autres dispositions, parce que ce n'est pas la seule —, vous favorisez la conception que la seule réponse — ou celle qui est préférée par le législateur — est l'emprisonnement, alors qu'il doit parfois y avoir d'autres solutions.
    En ce moment, le législateur va perdre l'outil qu'est le pouvoir de mesurer dans tous les cas s'il y a lieu d'utiliser un autre moyen, parce que vous allez favoriser le court terme.
    Le court terme, si vous me le permettez, consiste à dire, comme l'ont fait les policiers, que pendant que le jeune est en prison, il n'est pas dans la rue et la société est protégée. Quand je parle de long terme, je vous demande si vous êtes conscients qu'à un moment donné, il sortira de prison.

  (0930)  

[Traduction]

    Monsieur Jacob.

[Français]

    Bonjour. Ma question s'adresse à M. le ministre Fournier.
    Vous avez dit plus tôt que vous aviez eu des discussions sur le défunt projet de loi C-4 avec votre homologue fédéral. Avez-vous eu les mêmes discussions ou consultations avec votre homologue fédéral au sujet du projet de loi C-10?
    Je ne peux pas dire qu'on a eu des consultations équivalentes à une commission parlementaire.
    J'ai écrit au ministre Nicholson en décembre 2010. D'autres avant moi, comme la ministre Weil, avaient aussi écrit à ce sujet. C'est un dossier qui ne date pas d'hier.
    J'ai indiqué alors que je souhaitais le rencontrer. Une rencontre a eu lieu le 9 mars dernier. On a échangé sur plusieurs sujets et comme les rencontres sont brèves, ce qui est normal, j'ai offert à M. Nicholson la collaboration du Québec, tout comme je l'offre encore ce matin. Je lui ai offert notamment de lui fournir des libellés d'amendement au projet de loi C-4 qui permettraient de protéger durablement le public.
    Ces amendements, de toute évidence, ne se retrouvent pas dans le projet de loi C-10. Je suis donc intervenu de nouveau auprès du ministre Nicholson pour souhaiter encore une fois que ça puisse être le cas.
    Ma démarche n'est pas une démarche contre M. Nicholson, ni contre le gouvernement. Je l'ai déjà prouvé par le passé. Je suis déjà venu, non pas devant un comité, mais dans les corridors, pour parler à Mme May et pour lui demander qu'un projet de loi du gouvernement conservateur puisse être adopté rapidement.
    Ma démarche est donc constructive. Je la fais au nom de ceux et celles qui, par milliers au jour le jour, fréquentent la délinquance juvénile et souhaitent la transformer. Si on oublie ces gens, si on met un frein à leur travail, c'est un peu comme si on se dit qu'il n'y a pas d'issue, qu'on ne pourrait pas améliorer les comportements et qu'il n'y a que l'emprisonnement.
    Imaginez-vous quel monde on aurait, avec une suite de délits, une suite de procès et une suite de victimes?
     Si on veut vraiment éviter d'avoir des victimes, si on veut prévenir ou guérir la plaie sous le pansement, il faut réfléchir sur les meilleurs moyens d'y arriver. Je n'ai pas entendu jusqu'ici de justification raisonnée qui soutient notamment les éléments sur les jeunes contrevenants.
    J'offre la collaboration du Québec pour qu'ensemble nous puissions étudier et analyser le tout correctement, que nous nous inspirions de la science pour éviter les victimes, pour diminuer le nombre de crimes et pour nous assurer durablement d'une protection du public. C'est tout.
    Je ne suis pas en train de bouleverser le monde. Je suis en train de dire de prendre le temps de faire les choses correctement.
    Ma deuxième question porte sur les statistiques.
    Existe-il des statistiques sur les infractions criminelles au Québec gérés par les tribunaux du Québec? Si oui, serait-il possible d'obtenir ces statistiques?
    Nous allons vous fournir tout ce que voulez. Précisez-nous ce que vous voulez et nous allons vous offrir le plus de matériel possible. Nous avons entre les mains 40 ans d'études, de statistiques, de documents scientifiques disponibles que nous pouvons vous fournir. Nous vous les offrons et nous les offrons au gouvernement fédéral.
    Cependant, je vous encourage à le faire vous-même ici, à Ottawa. Ici même, au gouvernement fédéral, notamment au ministère de la Sécurité publique, il y a aussi des études qui attestent que l'emprisonnement n'est pas le meilleur moyen de réhabilitation. Ces études sont disponibles ici. Vous les avez chez vous. Marions nos études et tentons de trouver le vrai moyen qui protégera la société à long terme.
    L'un des intervenants me disait tout à l'heure qu'il faudra peut-être un long débat pour amener nos électeurs à connaître ce dossier. Toutefois, ne faisons pas l'économie de notre temps et de notre énergie et posons le bon geste. Les citoyens nous ont élus pour cela, nous à Québec et vous à Ottawa. Faisons-le.
    Merci.
    J'ai une troisième question, s'il me reste du temps.
    Vous avez souligné l'importance de l'individualisation de la peine en matière de justice pour les adolescents. Pouvez-vous, s'il vous plaît, nous expliquer pourquoi cette approche est essentielle en matière de justice pénale pour les adolescents?

[Traduction]

    Monsieur Fournier, vous pouvez répondre brièvement.

[Français]

    Depuis une centaine d'années, nous souhaitons que lorsque justice est rendue, ce ne soit pas seulement une justice objective où on rend un jugement pour M. Untel uniquement en fonction du type de crime qu'il a commis. Au contraire, il faut se poser des questions sur la personne, sur ses motivations et sur le contexte.
    Tantôt, on parlait du crime organisé et des groupes de délinquants. Nous sommes tous contre ces groupes, mais les criminels ne font pas tous partie d'un groupe. Si on analyse objectivement l'acte criminel, on va donner une peine à un jeune individu qui a posé un geste seul, comme s'il faisait partie d'un groupe. Pourtant, ce n'est pas le même crime.

  (0935)  

[Traduction]

    Monsieur Jean.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup, mesdames et messieurs, d'être venus témoigner aujourd'hui.
    J'ai eu l'occasion d'exercer le droit pendant un certain temps dans le nord de l'Alberta, à Fort McMurray. Dans les années 1990, je peux vous assurer que c'était un endroit où avaient lieu toutes sortes d'activités criminelles. Au cours de cette période, j'ai eu l'occasion de voir plusieurs juges à l'oeuvre. Je ne vois d'ailleurs pas pourquoi j'avais un bureau étant donné que je passais le plus clair de mon temps au tribunal.
    Aujourd'hui, mes questions s'adressent à M. Stamatakis. Je remarque, monsieur, que vous êtes le président de Vancouver Police Union, de la British Columbia Police Association et le vice-président de l'Association canadienne des policiers.
    Occupez-vous toujours tous ces postes, monsieur.
    Je suis maintenant le président de l'Association canadienne des policiers.
    Très bien. J'ai lu quelques vieux articles.
    Nous avons entendu dire tout à l'heure que l'administration de la justice est proche du point de rupture sur le plan du financement, mais je voudrais examiner des solutions à long terme plutôt qu'à court terme. Je parle en tant qu'ancien avocat de la défense. Êtes-vous d'accord pour dire que la plupart des crimes sont commis par des membres du crime organisé et des récidivistes? Diriez-vous que la plupart des gens qui se retrouvent devant les tribunaux sont soit des récidivistes soit des membres du crime organisé?
    En tant que policiers de première ligne, nous pouvons attribuer la majorité des actes criminels qui sont commis à des groupes du crime organisé, des individus associés au crime organisé ou à des récidivistes irréductibles.
    Par conséquent, en tant que législateurs, nous devons veiller à dissuader le crime organisé par tous les moyens et à punir les récidivistes de façon appropriée.
    Oui, je suis d'accord, et je suis également d'accord avec le ministre. Tous les policiers que je représente seront d'accord pour dire, je pense, que nous devons nous attaquer aux problèmes sous-jacents et essayer de sortir les gens de situations dans lesquelles ils participent à des activités criminelles. Toutefois, à court terme, c'est exactement ce que nous devons faire: nous devons trouver un moyen de protéger les citoyens pour qu'ils ne soient pas constamment victimes des membres du crime organisé ou des récidivistes irréductibles qui commettent crime après crime.
    Le gouvernement a pris certaines initiatives contre le crime organisé pour sévir contre cette criminalité ainsi que contre les récidivistes. D'ailleurs, ce projet de loi cible largement les récidivistes. Selon moi, il contribuera certainement à protéger la société à long terme.
    En fait, monsieur, si nous regardons cela sous l'angle financier, si nous nous débarrassons du problème du crime organisé et des récidivistes en les réadaptant ou en les incarcérant, nous économiserons de l'argent à long terme parce que nous nous attaquerons au problème à sa source.
    Êtes-vous de cet avis?
    Je dirais que oui. J'irais même plus loin en disant que si vous prenez ce que le crime organisé coûte à la société et à l'économie, les infractions que commettent les récidivistes ainsi que le coût des enquêtes menées sur le crime organisé et les récidivistes pour les faire comparaître devant un juge en espérant obtenir une condamnation, ces coûts sont plus importants que ceux dont tout le monde semble parler à l'égard du projet de loi C-10 et des dispositions concernant l'incarcération.
    Je suis entièrement d'accord avec vous. Pour avoir moi-même passé plus de 10 ans dans les tranchées du système de justice pénale, je peux vous dire que je suis entièrement d'accord.
    Je voudrais maintenant aborder la question des adolescents, si vous le permettez, monsieur. Lorsque j'ai eu affaire à la Loi sur les jeunes contrevenants et à des adolescents, j'ai constaté que ces derniers pouvaient être divisés en trois catégories, disons. Si vous n'êtes pas d'accord, dites-le-moi, mais, en général, il y a le jeune qui participe à des activités criminelles pour s'amuser, rechercher des sensations fortes ou sous la pression de ses copains et qui se retrouve parfois devant la justice après une infraction. Il y a aussi le récidiviste qui commet des crimes contre la propriété pendant un certain temps, généralement de façon sporadique pendant une période de trois, quatre ou six mois, qui reste sans se faire prendre pendant un certain temps, mais qui finit par se faire arrêter sans avoir à subir de conséquences. J'ai eu affaire à ces jeunes. Ils se moquaient bien d'avoir des démêlés avec la justice.
    Êtes-vous d'accord?
    J'ai eu affaire à de nombreux jeunes contrevenants qui se moquent bien d'avoir affaire à la justice. Sans aucun doute.
    La troisième catégorie est celle du jeune qui est franchement vicieux; je regrette de vouloir le dire, mais il y en a. Ces jeunes commettent continuellement des infractions, qu'ils soient ou non dans le système de justice pénale. Ils ont besoin d'une garde ouverte ou fermée pendant un certain temps. Ils ont besoin de counseling et d'aide.
    Telles sont les trois catégories. Seriez-vous d'accord?

  (0940)  

    Je serais d'accord.
    Ce projet de loi porte, je pense, sur la réinsertion des jeunes, et nous devons nous en occuper, mais j'entends constamment répéter, dans les cercles de sentence autochtones ou par les parents et les avocats, y compris les avocats de la défense, qu'en réalité, nous devons faire entrer le jeune dans le système de justice pénale. Lorsqu'il se retrouve devant le tribunal, ce dernier peut prendre les choses en main.
    Si vous me permettez de raconter une histoire, il y avait un juge, le juge Peck, qui était au tribunal…
    Votre temps est écoulé.
    … et qui les envoyait en prison la première fois qu'ils se présentaient devant le tribunal, simplement pour leur faire peur. Et cela fonctionnait.
    Madame Borg.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président. J'adresserai ma première question au ministre Fournier.
    Il y a quelque temps, j'ai lu un article dans Le Devoir, que vous avez peut-être lu, qui relevait que le Québec avait manifesté son inquiétude au sujet des coûts. Je comprends d'ailleurs votre position de refuser d'assumer les coûts. L'article rapportait que le ministre fédéral, ou son représentant, avait répondu qu'on avait déjà offert des transferts au Québec et qu'il lui appartenait de décider ce qu'il voulait en faire.
    J'aimerais obtenir vos commentaires à cet égard.
    Effectivement, il y a d'abord une question de coûts qui interpelle beaucoup mon collègue de la Sécurité publique.
     Je crois que, lorsqu'on voudra mettre en application ce projet de loi, on va se retrouver dans une spirale d'emprisonnements.
    J'écoutais le témoin représentant l'Association canadienne des policiers. Je crois que je suis obligé de dire que je ne partage absolument pas le point de vue selon lequel nous allons faire des économies. Cependant, je souligne au passage que si c'est la conviction profonde du gouvernement, alors qu'il investisse les sommes d'argent pour les places en prison puisque, semble-t-il, il va faire des économies ailleurs.
     Probablement qu'on peut déjà s'entendre sur le fait que des budgets seront alloués aux provinces pour les places en milieu carcéral, pour qu'il y ait aussi plus de disponibilités avec l'ajout de juges et de procureurs et que l'on aide aussi les corps policiers — je vais plaider pour eux — afin qu'ils puissent avoir plus de moyens.
    Force est d'admettre que, selon moi, ce projet de loi ne porte pas le bon titre. Les moyens qui y sont prévus, plutôt que de sécuriser, vont favoriser la récidive et multiplier les victimes. À ce moment-ci, je constate qu'on se dirige vers une spirale d'emprisonnements et de procédures et qu'il y aura des coûts additionnels, si on veut seulement parler des coûts.
    Alors, on peut se renvoyer la balle à l'un et l'autre pour dire qu'on envoie des transferts. Le net de l'histoire, si vous me permettez l'expression, est qu'aujourd'hui, il y a le projet de loi C-10. On peut bien dire que des transferts ont été donnés et je ne veux pas le nier. Je suis venu moi-même témoigner ici des bonnes intentions législatives du gouvernement relativement aux mégaprocès.
     Je peux moi-même témoigner du bonheur que nous avons d'avoir réglé le dossier de l'harmonisation des taxes. On est très heureux. On conclut beaucoup d'ententes avec le gouvernement fédéral. Lorsqu'on n'est pas heureux, cela ne doit pas nous rendre muet. Il faut le dire et il faut le dire avec force et conviction quand on pense aux gens qui travaillent tous les jours avec les jeunes.
    Le projet de loi C-10 vient modifier l'équilibre des budgets et notre conviction profonde. Je ne suis pas le seul à le penser. Beaucoup de gens disent que cela va engendrer des coûts additionnels. Alors, je ne fais que vous dire qu'il y a une lumière rouge et qu'on ne paiera pas. Je ne sais pas si c'est assez clair? On ne paiera pas.
     Si le gouvernement fédéral est convaincu que c'est une loi économique en termes de mesure de sécurité publique, il faut octroyer les budgets pour soutenir les provinces, surtout celles qui vous disent que ça ne sera pas le cas.
    Il y a deux choix. Ce que je vous propose, et c'est le but de ma visite ici — je comprend que la séance se terminera bientôt —, c'est de faire un temps d'arrêt et de regarder les études, la science et de départager les cas qui peuvent parfois être des cas de grande criminalité et de penser aussi aux jeunes. Comme cela a été souligné précédemment, il y a différents groupes. Il y a des jeunes qui sont isolés et qui ont eu un mauvais comportement pour une multitude de raisons.
    On est chanceux. On vit ici dans des espaces et un climat de travail formidables. Le péril n'est pas dans cette demeure. Il y a des gens qui vivent dans les villes et villages du Canada et du Québec et qui n'ont pas la chance qu'on a eue et qui n'ont pas les familles qu'on a eues. On se demande si on veut les laisser s'engloutir dans une spirale de criminalité ou si on veut éviter qu'ils s'y retrouvent.
    Alors, à la question que vous posez, je dis ceci: essayons de faire un temps d'arrêt. Voyons les bonnes façons de faire pour protéger la société, éviter qu'il y ait des victimes et essayer de rééduquer cette jeunesse délinquante. Faisons ça. On pourra par le fait même regarder combien ce projet de loi coûte de plus.
     Peut-être même que le gouvernement fédéral pourrait investir pour protéger les victimes et les indemniser. J'ai eu l'occasion de parler avec le sénateur Boisvenu pour lui dire que le Québec, à lui seul, investit plus que toutes les provinces pour l'indemnisation des victimes. Le Québec n'est pas favorable à ce qu'il y ait plus de victimes, il les soutient.
    Le gouvernement fédéral, qui a à coeur le sort des victimes, pourrait aussi s'engager là-dedans. Alors, il y a beaucoup de pistes pour investir de l'argent pour avoir une meilleure société qui est protégée durablement.

  (0945)  

[Traduction]

    Nous devons nous arrêter là.
    Je tiens à remercier nos témoins pour leur présence ici aujourd'hui. Comme vous l'avez constaté, nous disposons de très peu de temps.
    Nous allons reprendre la séance pour l'audition du prochain groupe dans deux minutes.

  (0945)  


  (0950)  

    Nous reprenons la séance. C'est la deuxième partie. Un autre témoin est en route. Nous espérons qu'elle se joindra à nous sous peu.
    Pour que les témoins comprennent bien, le comité a décidé d'accorder à chacun cinq minutes pour faire une déclaration préliminaire. Quand vous en serez à quatre minutes, je vous signalerai qu'il vous reste une minute. Ne vous laissez pas décontenancer quand je vous le signalerai. C'est simplement parce que nous disposons de peu de temps.
    Si vous avez une déclaration préliminaire à nous faire, allez-y, madame Vandergrift.
    Bonjour. Merci de m'avoir invitée à comparaître devant vous.
    La Coalition canadienne pour les droits des enfants est un groupe de coordination national qui réunit des organismes qui travaillent avec les jeunes et le public pour promouvoir le respect des droits des enfants.
    Nous aimerions formuler des suggestions reposant sur la Convention relative aux droits de l'enfant que le Canada a ratifiée en 1991.
    Premièrement, nous appuyons l'amélioration de la protection des enfants contre l'exploitation sexuelle dans la partie 2.
    Deuxièmement, nous suggérons de supprimer la partie 4 de ce projet de loi omnibus et de ne pas prendre d'autres mesures avant que tous les parlementaires sachent exactement si ces changements sont conformes ou contraires aux obligations du Canada en vertu de la Convention relative aux droits de l'enfant.
    Nous avons trois raisons de formuler cette recommandation.
    Premièrement, le système de justice pour adolescents doit être différent du système pour adultes, comme vous en avez entendu parler aujourd'hui. Les changements proposés au système de justice pour adolescents devraient être examinés séparément pour que l'intérêt supérieur de l'enfant soit jugé prioritaire à toutes les étapes de l'étude du projet de loi.
     Deuxièmement, l'évaluation de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents actuellement en vigueur n'a pas recommandé les changements proposés dans le projet de loi C-10. Ce qui a été recommandé, c'est d'améliorer la mise en oeuvre de la loi actuelle. Aucune preuve n'a été présentée pour justifier l'adoption précipitée de ces changements sans un examen attentif de leurs conséquences.
     Troisièmement, les députés n'ont pas reçu une évaluation indiquant si les changements proposés répondent ou non à leur obligation de respecter la Convention relative aux droits de l'enfant. Cela a été demandé au cours de l'examen du projet de loi C-4, mais l'évaluation n'a pas été fournie. Ce genre d'examen est censé être fait pour tous les projets de loi touchant les enfants, selon les documents du gouvernement. Les députés devraient savoir si ce projet de loi répond à leur obligation de veiller à ce que les droits des enfants soient respectés au Canada.
    Je voudrais vous offrir notre analyse. Nous estimons que la partie 4 viole les articles 3, 37, 39 et 40 de la Convention relative aux droits de l'enfant. Il y a des documents supplémentaires du comité sur le sujet ainsi que des normes internationales supplémentaires. D'autre part, le Canada a reçu des recommandations, en 2003, à l'égard du système de justice pour adolescents. Elles seront probablement formulées de nouveau lorsque le Canada fera l'objet d'un examen, en 2012.
     L'article 37 de la convention prévoit que la détention doit « n'être qu'une mesure de dernier ressort, et être d'une durée aussi brève que possible ». Le projet de loi C-10 élargira le recours à la détention au-delà de toute notion couramment acceptée de dernier ressort. Les révisions proposées aux définitions d'infractions graves et violentes ont une portée trop vaste et vont probablement entraîner la détention d'un plus grand nombre d'adolescents pour des crimes moins graves. Je peux donner des exemples précis.
     L'article 40 exige que la loi pénale tienne compte de la nécessité de « faciliter la réintégration de l'enfant dans la société et de lui faire assumer un rôle constructif au sein de celle-ci ». Le projet de loi C-10 change l'orientation de la loi vers la réinsertion et la réintégration en ajoutant la dissuasion et la dénonciation dans les principes de détermination de la peine pour les jeunes contrevenants. Je me reporte ici au mémoire du Dr Nicholas Bala et à celui que vous avez reçu d'UNICEF Canada. Ils fournissent largement la preuve que la dissuasion n'est pas efficace pour les jeunes.
     Le projet de loiC-10 exige que les jeunes soient détenus séparément des adultes, ce qui est conforme à la convention et nous en sommes satisfaits. Mais il n'exige pas que les établissements de détention pour adolescents offrent le genre de programmes propres à faciliter la réintégration de l'adolescent dans la société et à le préparer à assumer un rôle constructif, comme l'exige la convention.
     L'article 40 protège le droit de l'enfant au respect de sa vie privée et nous estimons que le projet de loi C-10 viole cette disposition.
    L'article 39 requiert une intervention précoce pour les jeunes qui entrent en conflit avec la loi et qui ont été victimes de négligence.
     Enfin, l'article 3 exige que les États fassent de l'intérêt supérieur de l'enfant une considération primordiale. Ce principe n'est pas cité dans le projet de loi C-10.

  (0955)  

    Pour passer rapidement à nos recommandations, nous jugeons préférable de supprimer la partie 4 jusqu'à ce que vous obteniez une évaluation détaillée et complète des droits de l'enfant. Cette évaluation se traduira, nous en sommes convaincus, par les recommandations suivantes: reconnaître le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant; ne pas modifier l'article 38.2 pour ajouter la dissuasion et la dénonciation; réviser les définitions des actes graves et violents et maintenir l'interdiction de publication du nom des jeunes contrevenants.
    Merci.
    Merci.
    Voulez-vous faire une déclaration préliminaire?
    Bonjour. Je vous remercie de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui. Je fais partie d'Étudiants canadiens pour une politique raisonnable en matière de drogue ou CSSDP. Nous sommes un réseau national de sections dirigées par des jeunes et des étudiants qui se préoccupent de la consommation de drogue. Comme vous, nous aspirons à des collectivités plus sûres et plus saines pour tout le monde au Canada.
    Je vais essayer de vous résumer brièvement notre mémoire. Je pense que vous avez seulement reçu une page. Il en manque plusieurs autres. Je vais essayer de résumer ce qui figurait dans les autres pages et je vous les ferai parvenir plus tard.
     En raison des préoccupations énumérées dans notre mémoire, la recommandation principale de CSSDP est que les dispositions du projet de loi C-10 modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances soient retirées. Il est évident que ce projet de loi ne sera pas efficace. Tout semble indiquer qu'il causera des torts sociaux et financiers à la société.
    Si ce n'est pas possible, CSSDP recommande également des modifications touchant certains articles. Ce sont ceux qui, à notre avis, auront le plus d'effets sur les jeunes.
    La justification donnée pour ce projet de loi est qu'il cible les trafiquants de drogue. CSSDP ne croit pas que ce soit le cas. Les dispositions du projet de loi qui sont censées cibler les vrais trafiquants étendent, en fait, le filet à tous ceux qui se feront attraper. Au lieu des barons de la drogue, cette loi jettera en prison des délinquants primaires et des petits trafiquants.
    La loi fait une distinction qui n'existe pas toujours entre le consommateur et le trafiquant. Ce n'est pas une stratégie efficace ou viable. Le projet de loi a été justifié comme une étape nécessaire pour protéger les jeunes. CSSDP croit que cette loi causera plus de torts que de bien aux jeunes. Par exemple, la clause visant à faire cesser le trafic dans les écoles est libellée de façon si vague qu'elle vise les jeunes où qu'ils se trouvent. Si l'on ajoute à cela la suppression du pouvoir discrétionnaire du juge, on obtient une stratégie inefficace et non viable. Le fait de donner une pilule d'ecstasy à un copain peut vous valoir une peine fédérale de deux ans. Avec un tel scénario, les torts causés par la loi l'emportent sur les torts causés par la drogue.
    Certains ont fait valoir que ce projet de loi envoie le bon message au sujet des substances illicites. CSSDP ne croit pas que ce soit vrai. On n'envoie pas le bon message en ignorant les faits et la réalité; on n'envoie pas le bon message en perpétuant au lieu de corriger une mauvaise stratégie à l'égard de la drogue.
    Rien dans le projet de loi ne créera de barrières efficaces entre les substances qui sont actuellement illégales et les jeunes. Rien dans la loi ne préviendra les tragédies causées par la consommation de drogue. Cela n'envoie pas le bon message. Cette partie du projet de loi fera plus pour promouvoir l'injustice que la justice.
    CSSDP croit que pour envoyer le bon message aux jeunes, il faudrait abandonner ce projet de loi pour se lancer dans une discussion plus large sur la réforme de la politique à l'égard de la drogue.
    Pour résumer les pages que vous n'avez pas vues aujourd'hui, nos préoccupations fondamentales sont le manque de preuves démontrant que cette loi aura des effets positifs. L'élimination du pouvoir discrétionnaire du juge dans le processus de détermination de la peine nous préoccupe énormément. Les facteurs aggravants prévus dans cette loi ne limitent pas et ne ciblent pas son application. L'incarcération n'est pas une bonne stratégie de lutte contre la drogue chez les jeunes. L'augmentation des peines pour la possession d'une plus grande quantité de drogue n'est pas une bonne stratégie antidrogue. Rien dans ce projet de loi ne permettra d'éviter des tragédies causées par la consommation de drogue.
    Sur ce, je vous remercie encore une fois de votre attention. Bien entendu, vous aurez tout le temps de poser des questions.

  (1000)  

    Merci.
    Monsieur Wamback, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président et membres du comité.
     Étant donné le temps limité dont nous disposons aujourd'hui, mes observations porteront seulement sur la partie 2 du projet de loi C-10 qui concerne la détermination de la peine.
    Le système de justice pénal et le système correctionnel du Canada doivent répondre aux besoins de tous les Canadiens, et pas seulement à ceux des criminels et des groupes d'intérêt particulier. Pour être vraiment efficaces, ces systèmes doivent être transparents et prévisibles, mais surtout, les Canadiens doivent les percevoir comme tels. Si ce n'est pas le cas, cela sape tout simplement leur efficacité et diminue donc leur capacité de fonctionner.
    Je me suis toujours inquiété de la perte de confiance dans le système de justice, surtout chez les jeunes Canadiens. Le manque de confiance dans le système et l'impression qu'il est injuste sapent la confiance dans nos tribunaux et ont de dangereuses conséquences, notamment une importante sous-dénonciation des activités criminelles.
     Nos tribunaux existent et fonctionnent uniquement parce que les gens ordinaires qui sont victimes de la criminalité dénoncent les crimes commis contre eux et leurs proches et sont prêts à dire la vérité quand on leur demande de témoigner. Si les choses ne se passent pas ainsi, à cause d'une méfiance ou d'un manque de confiance, la conséquence inévitable est que le système cessera de fonctionner. Les dispositions du projet de loi C-10 concernant la détermination de la peine représentent un début pour rétablir la confiance.
    Je ne vis pas dans le monde aseptisé de la recherche universitaire ou des statistiques. Je vis dans le monde réel. Je sais ce que c'est qu'être victime. J'ai vu les résultats de la criminalité sur des familles canadiennes innocentes. Nous avons la responsabilité de protéger les valeurs qui nous sont les plus chères: le droit à la vie, à la sûreté et à la sécurité. Nous devons garantir des communautés saines et sûres où les familles respectueuses des lois peuvent s'épanouir et prospérer à l'abri de l'intimidation et de la peur et nous devons rétablir la conviction que les criminels devront payer pour leurs crimes.
    Au cours des 12 dernières années, j'ai rencontré des victimes, leurs familles, les policiers et le personnel du système de justice. Ils ont toujours exprimé leur désarroi face à la loi actuelle qui ne prévoit pas de peines minimales pour les récidivistes ou des peines sévères pour les criminels violents et face à une justice qui permet que les criminels entrent et sortent de prison « comme dans un moulin ».
    J'espère que les dispositions du projet de loi C-10 concernant la détermination de la peine fourniront aux tribunaux les outils, les lignes directrices et la prévisibilité qui les aideront à prendre des décisions pour assurer la sécurité de tous les Canadiens tout en préservant nos valeurs et nos principes. La détermination de la peine ne concerne pas seulement le crime commis, le criminel reconnu coupable ou les tribunaux. Cela concerne les simples citoyens, les survivants et les victimes de crimes violents.
    La peine infligée doit refléter la gravité du crime et doit avoir pour effet de dissuader et de dénoncer. Mais surtout, elle doit clairement démontrer aux Canadiens que la vie des victimes a également de la valeur. Les peines trop légères et les peines de détention à domicile imposées dans les cas de violence, de pornographie juvénile, de trafic de drogue et d'agression sexuelle envoient actuellement un message très clair aux Canadiens. On leur fait comprendre que leur vie, ainsi que la vie et l'avenir de leurs enfants sont sans valeur ou ont moins de valeur que la vie des criminels.
    J'ai vu trop de familles innocentes être victimisées une seconde fois par des peines trop indulgentes ou une détention à domicile qui permettent à leurs agresseurs de retourner dehors pour aller faire d'autres victimes.
     Le projet de loi C-10 ne vise pas à punir les jeunes trouvés en possession d'un joint ou quelqu'un qui commet une erreur innocente. Il vise le crime organisé, les prédateurs et les fabricants et distributeurs de drogues qui détruisent des vies innocentes et la qualité de vie au Canada, pour leur bénéfice personnel.
    Le principal problème que causent les dispositions actuelles du Code criminel visant la détermination de la peine est qu'il n'y a pas de système. Il y a des principes directeurs très généraux, mais pas de normes dans le Code criminel canadien et peu de renseignements statistiquement valides à la disposition des avocats et des juges. Cela crée donc de l'incertitude et des disparités qui deviennent maintenant la norme nationale. Les crimes doivent être punis et la punition doit être prévisible.
    Bien des gens, y compris les parents des jeunes contrevenants, déplorent que leurs enfants aient peu de conséquences à subi, voire aucune, pour avoir enfreint la loi, ce qui les porte à croire qu'il est acceptable au Canada d'avoir des activités criminelles. Il y a des années, les prisons étaient appelées des « pénitenciers », ce qui signifie pénitence ou punition. Nous les appelons maintenant des « établissements correctionnels » où nous réadaptons ou cherchons à corriger les comportements criminels. Cependant, le recours à la détention à domicile en cas de comportement criminel va à l'encontre de cette initiative. Les experts de renommée mondiale en comportement criminel ou en psychologie à qui j'ai parlé me disent qu'il faut en moyenne trois années d'intervention clinique pour modifier un comportement criminel. La libération anticipée ou la détention à domicile ne donneront aucun résultat si notre véritable objectif est la réinsertion.
    Nous reconnaissons que les peines infligées peuvent inévitablement entraîner une hausse des coûts, mais ce n'est pas bien important à côté des pertes subies par les victimes et leurs communautés. Nous sommes convaincus que la « prévisibilité des conséquences » aidera à réduire la criminalité et à accroître les efforts de réinsertion. Nous le devons à nos enfants.

  (1005)  

    Enfin, nous reconnaissons que les victimes de crime ne jouent pas un rôle actif dans le système de justice canadien. Il faudrait au moins que leurs opinions soient entendues ici aujourd'hui.
    Merci.
    Merci, monsieur Wamback.
    Madame Pousoulidis, bienvenue. Vous pouvez faire une déclaration préliminaire de cinq minutes. Je vous ferai savoir lorsqu'il vous restera une minute.
    Je m'appelle Elizabeth Pousoulidis et je suis la présidente de l'AFPAD qui est l'Association des Familles des Personnes Assassinées ou Disparues.
    Il est très difficile pour nous, les victimes, de venir parler de ce que nous avons vécu, mais il est très important que nous le fassions. Sinon, rien ne changera pour nous.
     Je suis ici aujourd'hui en tant que présidente de l'AFPAD. C'est aussi en tant que fière Québécoise et Canadienne. Nous appuyons entièrement le projet de loi C-10. Si nous l'appuyons, c'est parce qu'avant que quelqu'un tue quelqu'un, avant qu'un meurtre ne soit commis, il y a des signes d'activité criminelle. Il y a un « dossier » criminel très épais, comme j'ai entendu le juge le dire. Avant que les victimes, les gens comme moi, ne perdent un proche, il existe une possibilité d'éviter que les meurtriers causent cette douleur et deviennent des meurtriers.
    Ce que je constate dans le projet de loi C-10, et c'est pourquoi je m'en réjouis, c'est que finalement, le Canada va être plus sévère envers les criminels. Quiconque s'imagine que la possession de drogue ou un crime jugé mineur n'a pas de répercussions sur les meurtres et les disparitions criminelles se trompe. Il suffit de vérifier les statistiques concernant tous les meurtriers et le nombre de fois où ils ont eu maille à partir avec la justice.
    Je félicite mon pays, le Canada, de respecter la vie humaine. Bien souvent, quand une personne est assassinée, nous l'oublions. On ne pense qu'aux criminels, au système justice, aux droits des victimes, etc.
     Ma province, le Québec, appuie ce projet de loi C-10 à 77 p. 100 d'après le dernier sondage réalisé par Le Journal de Montréal. La province de Québec sait parfaitement ce qu'est le projet de loi C-10. J'ai parlé à un grand nombre de membres de mon association, mais aussi à d'autres personnes qui assistent à nos événements et qui comprennent pourquoi le Canada devient plus sévère à l'égard des criminels.
    M. Wamback a mentionné de nombreuses familles et nous en connaissons un bon nombre. Nous recevons beaucoup d'appels téléphoniques parce qu'elles ne savent pas à qui s'adresser. Ce sont des parents, des mères qui ne savent pas quoi faire de leurs enfants lorsqu'ils tournent mal et font malheureusement de nombreux séjours en prison. C'est aux parents d'assumer cette responsabilité et de veiller à ce que leurs enfants soient en sécurité. Je veux dire par là qu'ils doivent veiller à ce qu'ils ne commettent pas de nouvelles infractions.
    Les membres de mon association et d'autres personnes disent que si leur enfant avait été arrêté avant ou s'il avait passé un peu de temps en prison après avoir été arrêté, ou s'il avait pu, pendant ce temps, travailler à sa réinsertion, il serait peut-être encore vivant aujourd'hui.
    Quand nous parlons des coûts de cette loi, je vous implore de parler avec les victimes des coûts qu'elles subissent lorsqu'un membre de leur famille est assassiné. Cela a un coût non seulement pour les victimes, mais en fin de compte, pour les contribuables. Si je ne travaille pas, je ne paie pas d'impôts. Nous devons également tenir compte de cet aspect des coûts lorsque nous discutons de savoir combien cette mesure coûtera à notre système, à notre gouvernement.
    Je suis moi-même une victime. J'ai vu ma mère enterrer son enfant. Aucun de nous ne pouvait travailler, mais nous avons tous été forcés d'aller au travail pour faire face à nos obligations financières. Nous avons tous des blessures qui ne guériront jamais et nous avons donc le devoir d'appuyer cette loi et d'en parler, aussi difficile cela soit-il.
    Je félicite le gouvernement. Je vous remercie infiniment. Je me sens un peu plus en sécurité au Canada.
    Merci.

  (1010)  

    Merci beaucoup.
    Je rappelle simplement au comité que nous aurons besoin de deux minutes à la fin de la séance pour régler quelques questions.
    Monsieur Harris.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie pour vos déclarations de ce matin. Nous avons des positions bien arrêtées d'un côté comme de l'autre. Ce que nous cherchons notamment à faire ici, c'est trouver des arguments pour étayer nos décisions, du moins de ce côté-ci de la table.
    Monsieur Chepesiuk, vous n'avez pas présenté votre mémoire et je crains donc un peu que nous ne comprenions pas certains des enjeux et des problèmes. Vous recommandez que la définition du trafic soit modifiée, mais quelles sont les activités que cette définition engloberait qui ne devraient pas l'être à votre avis?
    Je vous demande de me donner quelques exemples du genre de comportements qui seraient visés, selon vous, par cette loi et qui ne devraient pas l'être.
    Merci.
     Aux termes de la loi, tel que cela a été présenté au comité, le trafic peut être défini non seulement comme la vente, mais également comme le fait de donner, de partager ou de se faire passer un joint. Je sais que cela a été mentionné à plusieurs reprises. Toutes ces activités tomberaient sous le coup du projet de loi C-10 en raison de ces dispositions.
    Si cette loi est adoptée, nous recommandons que la vente n'entraîne une peine minimale obligatoire que s'il y a une transaction financière. Les jeunes obtiennent le plus souvent la drogue par l'entremise de leurs réseaux de copains, ce qui veut dire leurs amis et les gens qu'ils fréquentent dans leurs classes. Ce n'est pas toujours un revendeur ou le voyou qui traîne dans les terrains de jeux ou les personnages caricaturaux dont on parle.
    Cela nous préoccupe, car les facteurs aggravants du projet de loi élargissent la définition en disant que c'est n'importe quel endroit que les adolescents fréquentent. Si vous allez à une fête et que vous partagez une pilule ou s'il y a une petite quantité de drogue répondant à la définition du trafic, cela déclenche la peine minimale obligatoire.
    Je ne cherche pas à minimiser la gravité de ce genre de choses. Il s'agit d'examiner d'un oeil critique si la peine de prison obligatoire est la bonne stratégie pour faire face au problème et nous croyons que non.
    Cela répond-il à votre question?
    Oui, merci.
    Madame Vandergrift, je vous remercie de votre exposé et de souligner les préoccupations concernant les obligations internationales du Canada.
    Voulez-vous dire qu'une analyse adéquate n'a pas été faite et qu'on n'a pas cherché à comparer la loi avec les obligations qui sont celles du Canada en vertu de la convention? Dites-vous qu'on n'a pas examiné la convention pour la comparer avec les dispositions de la partie 4 concernant la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents afin de s'assurer que le Canada respecte ses obligations?
    Vous avez mentionné une ou deux parties. Pourriez-vous confirmer cela et peut-être nous en dire un peu plus?
     C'est exact. La politique actuelle du gouvernement stipule, en réponse à d'autres études sur les droits des enfants, que lorsque des projets de loi touchent les enfants, il faut faire une évaluation des droits de l'enfant. Au cours de l'examen du projet de loi C-4, nous avons demandé cette évaluation. J'ai contacté les députés qui ont formulé une demande en ce sens et, à ma connaissance, personne n'a vu l'évaluation des droits de l'enfant qui a été faite.
    Je dis simplement que tous les députés devraient au moins savoir si les changements proposés respectent ou violent leur obligation de protéger les droits des enfants au Canada. Nous estimons qu'il y a dans les changements proposés des éléments importants qui violent la convention.

  (1015)  

    Nous venons d'entendre le plaidoyer passionné du ministre de la Justice du Québec au sujet des dispositions du projet de loi C-10, particulièrement celles qui concernent la justice pour adolescents.
    Il a notamment fait valoir que l'on a largement la preuve d'un lien entre l'incarcération des adolescents et le risque d'augmenter le nombre de criminels, d'accroître la récidive et donc le nombre de crimes et de victimes.
    Avez-vous connaissance d'études qui pourraient le confirmer ou l'infirmer?
    Veuillez répondre très brièvement, s'il vous plaît.
    D'accord.
    Nous en avons clairement la preuve et l'expérience qui a été faite dans le cadre de la Loi sur les jeunes contrevenants en recourant à des mesures autres que l'incarcération a été très positive. Nous avons vu diminuer certains taux de détention.
    Je partage les préoccupations à l'égard des jeunes, mais tous nos membres qui travaillent auprès des jeunes nous disent que le problème est qu'il n'y a pas suffisamment de bons programmes de la qualité nécessaire pour s'occuper du genre de jeunes auxquels nous avons affaire. Je pense que c'est là qu'il faut centrer les efforts.
    Monsieur Rathgeber.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins pour leur présence ici et leurs témoignages de ce matin.
    Mes questions s'adresseront seulement à vous, monsieur Chepesiuk. J'ai lu votre mémoire hier soir, car vous avez eu l'amabilité de l'afficher dans votre site Web. J'ai également examiné certaines de vos autres publications. J'avoue que ce que j'ai lu m'inquiète un peu. J'espère que vous pourrez m'aider à comprendre certaines choses.
    J'ai lu — je pense que c'était dans votre mémoire — que selon votre organisme, les jeunes, les adolescents et les étudiants, devraient être encouragés à prendre leurs propres décisions concernant leur santé physique et mentale. Je crois que c'est bien votre politique?
    Oui.
    Mais j'ai lu aussi que votre organisme croit que la drogue est un problème qui concerne la santé et non pas la justice.
    Oui, et nous croyons que la drogue devrait être considérée comme une question de santé publique avec certaines ramifications du côté de la justice pénale.
    Les gens ne peuvent généralement pas prendre de décisions au sujet de leurs maladies, mais ils peuvent en prendre au sujet de leur traitement. Toutefois, si la drogue est réellement une question de santé et s'il faut centrer les efforts contre la toxicomanie, aidez-moi à comprendre.
    Les gens ne peuvent pas choisir s'ils vont devenir ou non toxicomanes, mais vous dites qu'ils devraient pouvoir faire eux-mêmes des choix au sujet de leur santé physique et mentale.
    Les gens ne peuvent pas choisir de devenir toxicomanes. Je suis d'accord avec vous.
    Notre organisme a pour mission de responsabiliser les jeunes grâce à l'éducation — une éducation honnête — quant aux réalités de la consommation de drogue. Il est assez évident que la consommation de drogue est dangereuse et a de quoi faire peur, mais cela ne veut pas dire que nous sommes toujours écoutés. Les jeunes ont montré, au cours des années, que malgré tous les efforts pour les empêcher de consommer certaines drogues, certains d'entre eux continueront de le faire.
    C'est exact. Vous serez toutefois d'accord avec moi pour dire que certaines personnes ont une prédisposition à devenir dépendantes et que ce n'est donc pas uniquement une question de choix.
    Êtes-vous d'accord sur ce point?
    Je ne suis pas au courant des dernières données scientifiques, mais je sais qu'il y a à la fois des facteurs sociaux, chimiques et biologiques et…
    Très bien. Je voudrais maintenant aller un peu plus loin, en ce qui concerne le MDMA ou ce qu'on appelle vulgairement l'ecstasy.
    Vous avez dit, dans votre déclaration préliminaire, que les peines prévues dans ce projet de loi causeront plus de torts que ceux causés par la drogue. Ai-je bien compris?
    Oui, si vous prenez les études sur les méfaits de la consommation de drogue… CSSDP a présenté le classement des méfaits des drogues dans le cadre de mémoires antérieurs concernant ce projet de loi.
    Je vis à Edmonton, en Alberta. Je suppose que les noms Cassandra Williams, Leah House ou Trinity Bird ne veulent pas dire grand-chose pour vous?
    Je crois… mais vous pouvez me dire ce dont il s'agit.
    Au printemps 2009, lors de deux incidents séparés, Cassandra Williams, âgée de 14 ans, Leah House, âgée de 14 ans et Trinity Bird, âgée de 15 ans ont toutes fait une overdose d'ecstasy et en sont mortes.
    Je ne suis pas d'accord avec vous pour dire que les dispositions de ce projet de loi concernant les sanctions causeront plus de méfaits que la drogue. Je voudrais savoir ce que vous en pensez.
    Certainement. Je ne connais pas les circonstances de ce drame. J'ignore si elles ont fait une overdose en prenant une pilule d'ecstasy ou plusieurs. Nous avons bien veillé à inscrire « une pilule » dans notre déclaration, car d'après les études sur les substances et l'ingestion…

  (1020)  

    Mais vous savez comment opère le MDMA. Vous savez qu'il provoque une sensation d'euphorie parce qu'il augmente la pression sanguine, n'est-ce pas?
    À ma connaissance, oui.
    D'autre part, comme ces drogues sont généralement fabriquées dans des laboratoires à domicile, il n'y a pas de recette précise. Elles diffèrent d'un vendeur à l'autre et d'un fabricant à l'autre. Vous serez d'accord sur ce point.
    Oui, et c'est un problème qui nous préoccupe. Ce que nous voulons faire valoir est que si les jeunes font ce choix… Encore une fois, nous ne pouvons pas choisir à la place des jeunes, mais il faut davantage les renseigner sur ces réalités pour que les jeunes…
    Ce médicament augmente la pression sanguine jusqu'à ce qu'un vaisseau éclate. Je pense l'avoir lu dans votre site Web.
    Il faudrait m'indiquer la source.
    Et savez-vous ce qui se passe lorsqu'un vaisseau éclate dans le cerveau? Vous faites une hémorragie et vous mourez.
    Je conteste donc sérieusement votre affirmation selon laquelle les dispositions concernant les sanctions causeront plus de torts que la drogue.
    J'ai une dernière question s'il me reste une minute.
    Il vous reste 30 secondes.
    Très bien.
    Vous dites que le projet de loi supprime le recours à la déjudiciarisation. Si vous l'avez lu, vous connaissez certainement le paragraphe 43(2), qui élargit le rôle du programme judiciaire de traitement de la toxicomanie.
    Reconnaîtrez-vous au moins que c'est un élément positif de ce projet de loi et qu'il offre aux gens la possibilité d'échapper à la peine minimale obligatoire s'ils cherchent à guérir leur dépendance?
    Certainement. Pour répondre à votre dernière remarque se rapportant à la question précédente, nous prenons ce genre de cas extrêmement au sérieux. Nous avons de nombreux membres qui se sont joints à nous à cause de situations similaires. Nous faisons valoir que cette loi ne fera rien pour éviter ces tragédies à l'avenir.
    Pour ce qui est du programme judiciaire de traitement de la toxicomanie, cela aura des effets positifs pour certains, mais nous nous inquiétons du manque de tribunaux dans l'ensemble du pays, du manque d'accessibilité à ce programme. Il faut également remplir diverses exigences comme celle d'être toxicomane, par exemple. Ceux qui le sont seront admissibles au programme, mais pour bien des jeunes que cela pourrait…
    Désolé, votre temps est écoulé.
    Monsieur Cotler.
    Merci, monsieur le président.
    Ma question s'adresse à Mme Vandergrift. Elle concerne la Convention internationale relative aux droits de l'enfant. À ma connaissance, ce traité international a peut-être été ratifié par un plus grand nombre d'États que tout autre traité. En fait, je me souviens qu'il a été ratifié plus rapidement par plus de pays que tout autre traité. Une certaine contraignabilité se rattache à ce traité international et les obligations que nous assumons en vertu de ce traité.
    Si la loi n'est pas modifiée et reste telle quelle et que l'organisme de surveillance du traité examine la façon dont nous l'avons appliquée, quel sera, selon vous, le résultat de cet examen?
    Merci.
    En 2003, le Canada a reçu des recommandations lui demandant d'examiner son Comité sur la justice et les jeunes pour mieux se conformer à la convention. Ces recommandations sont restées sans suite. S'il y a un nouvel examen, je suis certaine qu'il y aura une nouvelle enquête et de nouvelles recommandations.
    Je m'inquiète également des conséquences pour la réputation du Canada sur le plan de la promotion des droits de la personne. Si nous ne respectons pas cette convention, nous ne pouvons pas demander aux autres pays de les respecter. Le Canada était un chef de file sur le plan des droits de l'enfant et je crains fort que nous ne perdions ce leadership en violant la convention chez nous.
    Je dirais que la protection des droits de l'enfant et la protection du public vont de pair. Ce n'est pas seulement pour respecter la convention. C'est logique du point de vue de la justice pour adolescents.
    Je vais vous poser une question complémentaire, si vous le permettez. On a laissé entendre que même si elle instaure des nouvelles peines minimales et alourdit les peines minimales existantes, cette loi ne s'applique pas aux jeunes.
    Toutefois, si on examine la loi, que ce soit les infractions reliées à la drogue ou concernant les enfants, il semble que les peines minimales et leurs conséquences s'appliqueraient aux jeunes et pourraient donc se traduire par des peines disproportionnées et injustes, comme d'autres mémoires l'ont laissé entendre.
    Pouvez-vous répondre à cela?
    Si vous le désirez, monsieur Chepesiuk, vous pouvez répondre aussi, si nous en avons le temps.

  (1025)  

    C'est le genre de question à laquelle répondrait une évaluation d'impact approfondie comparant cette loi avec les droits protégés dans la convention. C'est pourquoi je dis que tous les députés devraient avoir cette évaluation sous les yeux avant d'adopter ce projet de loi. À mon avis, c'est le meilleur endroit où examiner cette évaluation détaillée.
    Monsieur Chepesiuk, voulez-vous répondre?
    Je pense que cela répond à la question. De plus, je crois que les dispositions qui modifieront la Loi réglementant certaines drogues et autres substances s'appliqueront aux personnes âgées de 18 ans et plus. Néanmoins, lorsque nous parlons de mettre des gens en prison, ils peuvent également être des parents, ce qui a aussi un impact indirect sur les jeunes.
    L'hon. Irwin Cotler: Monsieur Wamback.
    Personnellement, je suis exaspéré lorsque ceux qui défendent ardemment les droits de l'enfant restent totalement silencieux lorsqu'il est question des droits des enfants victimes. Nous avons besoin d'un meilleur équilibre dans notre pays.
    Le Canada ne se conforme pas à la convention des Nations Unies en ce qui concerne les droits des victimes ou les droits des enfants victimes. Il faudrait faire beaucoup plus de recherches sur la façon dont la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents traite les jeunes qui enfreignent les lois du Canada. Nous les traitons avec diligence. La façon dont nous les traitons leur laisse entendre qu'il est acceptable d'enfreindre les règles du Canada et de la société et d'enfreindre la loi.
    J'invite tous les membres du comité et les témoins à lire le rapport d'enquête de David Bruser, du Toronto Star, concernant la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et les tribunaux de la jeunesse de Toronto. Non seulement cela vous ouvre les yeux, mais c'est ce que nous avons répété depuis 10 ans. C'est maintenant à la disposition de tous.
    Merci, monsieur Cutler. Votre temps est écoulé.
     Monsieur le président, j'ai suivi la série d'articles publiés dans le Toronto Star dont M. Wamback a parlé.
    Merci.
    Monsieur Woodworth.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à souhaiter la bienvenue à nos témoins et à les remercier.
    Avant de poser des questions, je désire clarifier deux choses.
    Un témoin a dit craindre que nous n'adoptions trop vite ces dispositions, sans les examiner, particulièrement en ce qui concerne les jeunes contrevenants. Afin que tous ceux qui nous écoutent sachent à quoi s'en tenir, je tenais à mentionner qu'au cours de la législature précédente, il y a eu 16 séances du Comité de la justice portant sur ces dispositions auxquelles des dizaines de témoins ont comparu et que le ministre de la Justice y avait des représentants pour entendre et examiner tous ces témoignages. Bien entendu, il y a aussi les réunions que nous tenons depuis le début de cette législature, depuis un peu plus de trois mois, et où l'on a fait également comparaître des dizaines de témoins.
    Je tiens aussi à aborder la question des peines minimales. En fait, l'article 39 de la loi en vigueur prévoit précisément l'inverse, à savoir que les juges ne peuvent pas mettre des adolescents en prison à moins que certaines conditions ne soient remplies ce qui va, selon moi, totalement dans le sens de ce que le procureur général du Québec a mentionné tout à l'heure. Aucune disposition ne prévoit une peine minimale obligatoire pour un adolescent.
    Monsieur Wamback, j'apprécie particulièrement de vous voir de retour. Je siégeais au comité lorsque vous avez comparu avant et j'apprécie toujours quand les témoins qui ont vécu une tragédie viennent au comité. Je sais qu'il n'est pas facile de penser à ce qui s'est passé, mais c'est très important pour nous.
    Je crois, monsieur Wamback, que vous avez à un moment donné lancé une pétition demandant que quiconque est accusé d'un crime violent soit jugé dans un tribunal pour adultes. Cette pétition mentionnait le cas de Clayton McGloan, un jeune de 17 ans, de Calgary, qui a été tué de multiples coups de poignard après avoir été attaqué un soir d'Halloween, en 1998, et aussi celui de Dimitri Baranovski, 15 ans, tué à coups de pied dans un parc de Toronto. Dans ces deux cas, les coupables avaient moins de 18 ans.
    Je ne me trompe pas au sujet de cette pétition?
    M. Joe Wamback: Oui, je l'ai lancée.
    M. Stephen Woodworth: Je crois aussi que l'idée de cette pétition vous est venue lorsque vous étiez dans un couloir d'hôpital à vous inquiéter du sort de votre fils Jonathan. Je sais que c'est un peu difficile, mais parlez-nous, si vous voulez bien, de votre expérience. Comment vous a-t-elle conduit à lancer cette pétition et en quoi se rapporte-t-elle plus précisément aux dispositions du projet de loi C-10 que vous appuyez?

  (1030)  

    Merci.
    En ce qui concerne les jeunes contrevenants, je pense que le projet de loi C-10 est un début. Il ne va certainement pas aussi loin que je le souhaiterais. Je voudrais qu'il soit plus proactif. Je voudrais qu'il insiste plus sur une intervention précoce auprès des enfants à risque.
    Nous avons aujourd'hui les instruments permettant de les repérer. Il nous manque simplement la volonté politique voulue pour décider de les orienter vers une vie productive.
    Cette pétition, que j'ai lancée pendant que mon fils était grièvement blessé, a été signée par 1,3 million de Canadiens, des gens exaspérés de ne pouvoir rien faire, de voir que la loi ne les soutient pas, que notre gouvernement ne les soutient pas ni eux ni leurs enfants s'ils sont victimes d'un jeune âgé de moins de 18 ans.
    Ceux qui ont blessé mon fils sont retournés à l'école le lendemain. Ils sont retournés à l'école avec une réputation de courage plus grande qu'avant d'avoir blessé mon fils, parce qu'ils se sont vantés de ce qu'ils avaient fait. C'est d'ailleurs comme cela qu'ils ont été attrapés.
    La sanction ultime, après la dépense de 4,5 millions de dollars sur l'argent des contribuables et près de quatre ans devant les tribunaux, a été une peine de cinq mois et demi.
    Les coupables, que je ne peux pas nommer parce qu'ils ont été condamnés en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, ont continué à s'attaquer à d'autres jeunes pendant qu'ils étaient libérés sous condition. Lorsqu'ils ont été arrêtés de nouveau, ils ont présenté une carte de crédit au juge de paix.
    Voilà le respect que les jeunes qui sont prédisposés à avoir un comportement violent ont pour le système de justice pénale de notre pays.
    Pensez-vous que le procureur de la Couronne devrait avoir l'obligation de demander au moins une peine pour adultes dans tous les cas où le jeune a commis une infraction grave avec violence?
    Pour les infractions graves avec violence, et surtout en cas de récidive, sans aucun doute; je pense que les sanctions qui sont actuellement imposées dans le cadre de la LSJPA pour ce genre de crime ne contribuent absolument pas à faire comprendre au reste des jeunes que l'on doit répondre de tels actes. Elles ne font rien pour protéger les Canadiens moyens et leurs familles contre des prédateurs et des psychopathes extrêmement violents.
    Vous naissez psychopathe. Vous ne le devenez pas à l'âge de 35 ans. Il faut que nous puissions faire face à cette réalité. Si cela signifie une plus longue période d'incarcération et de plus gros efforts de réadaptation, tant pis. Il faudrait que ce soit une priorité. La priorité devrait être de protéger nos familles et nos enfants.
    Merci.
    Monsieur Jacob.

[Français]

    Ma question s'adresse à Mme Kathy Vandergrift.
    Dans votre mémoire sur le projet de loi C-4, dont le contenu est en grande partie repris par le projet de loi C-10, vous soulignez le fait que le Canada a signé et ratifié la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant.
    Pouvez-vous nous dire quels sont les principes prévus par cette convention et s'ils sont repris dans la partie 4 du présent projet de loi C-10?

[Traduction]

     Un des principes fondamentaux que j'ai mentionnés est qu'il faut tenir compte de l'intérêt supérieur de l'enfant, ce que ne font pas le projet de loi C-10 et le système de justice pénale pour les adolescents.
    L'article 40 de la convention porte précisément sur la justice pénale se rapportant aux jeunes âgés de moins de 18 ans. Nous estimons que le projet de loi C-10 viole l'article 40.
    L'article 37 porte que la détention ne peut être qu'une mesure de dernier ressort. Nous estimons que le projet de loi C-10 contrevient à cette disposition.
    L'article 39 préconise d'aider les personnes qui sont des victimes. Comme nous l'avons mentionné ici, nous sommes certainement d'accord pour une intervention précoce. Cela irait dans le sens de la convention. Néanmoins, ce n'est pas vers cela que nous dirige le projet de loi. Il fera en sorte que plus de jeunes seront détenus pendant des plus longues périodes pour des infractions graves et nous savons que les prisons ne sont généralement pas propices à la réinsertion des jeunes.
    Par conséquent, une responsabilisation appropriée à l'âge est un principe fondamental des droits de l'enfant et c'est ce que nous voulons voir: une responsabilisation appropriée à l'âge.
    Cela répond-il à votre question?

  (1035)  

[Français]

    Oui, merci beaucoup.
     Il me reste combien de temps? Je pense que c'est quatre minutes?

[Traduction]

    Il vous reste trois minutes.

[Français]

    Je vais céder le temps qui m'est alloué à Mme Charmaine Borg.
    Ma question s'adresse aussi à Mme Vandergrift.
    Vous avez mentionné dans la réponse précédente que lorsqu'on incarcère les jeunes plus longtemps, les prisons ne sont pas nécessairement des endroits où les jeunes peuvent se réhabiliter. De plus, un témoignage précédent affirmait que les prisons peuvent parfois être des collèges pour les criminels. Je crois que cet énoncé comporte une certaine réalité. Un jeune qui sort de prison aurait davantage tendance à rejoindre le monde criminel.
    Pouvez-vous commenter ce sujet?

[Traduction]

    C'est ce que démontrent les recherches.
    Je comprends que certains jeunes ont peut-être besoin de services en milieu fermé, mais ce ne doit pas être ceux que nous avons dans nos prisons. Si vous prenez l'évaluation qui a été faite, dans l'ensemble du pays, de l'application de la loi actuelle, on recommande une gamme plus importante de bons programmes pour les adolescents.
    Une étude réalisée en Colombie-Britannique montre que 50 p. 100 des jeunes qui entrent dans le système de justice pénale ont été des clients du système d'aide à l'enfance. Nous avons donc toute une série de questions à résoudre à l'égard de ces jeunes. C'est ce que réclament ceux qui travaillent avec eux aux quatre coins du pays. Il ne suffit pas de modifier la loi pour régler le problème.
    Voilà pourquoi nous vous exhortons de centrer vos efforts sur la mise en oeuvre de la loi actuelle, puis de l'évaluer à fond et d'y apporter des ajustements.

[Français]

    Me reste-t-il du temps?

[Traduction]

    Un petit peu.

[Français]

    Vous avez aussi écrit dans un de vos rapports que la publication du nom des jeunes contrevenants pourrait les transformer en héros auprès de leur groupe. Monsieur Wamback a mentionné tout à l'heure que lorsqu'ils retournent à l'école, ils se vantent de leurs méfaits comme si c'était quelque chose de positif.
    Pourriez-vous commenter à ce sujet?

[Traduction]

    C'est exact. La Convention relative aux droits de l'enfant préconise, pour une bonne raison, de protéger la vie privée des enfants. C'est parce que nous voulons qu'ils apprennent à être des adultes responsables. La publication de leur nom les amène souvent à joindre une communauté qui les pousse à commettre des crimes plus graves. C'est là qu'ils peuvent se faire accepter.
    Il y a donc une bonne raison de protéger leur vie privée pour assurer leur réadaptation, leur donner la possibilité de devenir des adultes responsables au lieu de tirer fierté de leurs activités criminelles.
    Monsieur Seeback.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Pousoulidis, merci d'être venue. J'ai toujours de la difficulté à poser des questions à des gens qui ont subi des traumatismes si terribles, mais je voudrais revenir sur une des choses que vous avez mentionnées.
     Dans votre déclaration préliminaire, vous avez parlé d'une sondage selon lequel 77 p. 100 des Québécois appuient le projet de loi C-10. Vous avez beaucoup de contacts avec les gens du Québec par l'entremise de votre organisme et d'autres et je me demande donc si, à votre avis, cela correspond ou non à ce que vous disent vos membres et l'ensemble de la collectivité.
    Je vous remercie beaucoup de poser cette question.
    Bien entendu, les membres de mon association appuie le projet de loi. Ils le font en connaissance de cause. Ils savent que lorsqu'on s'inquiète trop des droits des criminels, de ne pas les offenser et de veiller à ce qu'ils aillent bien… Finalement, ils ont tué leurs enfants.
     J'aimerais dire que j'ai parlé à tous nos membres, mais nous savons tous que je représente les personnes assassinées, les personnes disparues. Oui, nos membres appuient la loi. Oui, ils s'en réjouissent. Oui, ils nous ont adressé beaucoup d'appels téléphoniques pour dire qu'ils étaient très satisfaits après avoir reçu notre communiqué. Et oui, un de nos membres, Mme Lacasse, s'est battue énergiquement pour une des lois que contient le projet de loi C-10.
    À part cela, comme notre association est bien connue au Québec, les gens nous confondent parfois avec le 911. Nous recevons beaucoup d'appels de gens qui demandent de l'aide et nous les aidons. Nous recevons beaucoup d'appels téléphoniques, surtout de mères qui veulent notre avis au sujet de la justice et comment elles peuvent aider leurs enfants délinquants.
    Elles savent que leur enfant est un délinquant. Elles savent ce qu'il fait. Mais chaque fois que leur enfant va en prison, elles le font sortir immédiatement. Une des principales difficultés d'être parent, d'après ce qu'elles nous disent, c'est qu'elles doivent elles-mêmes prendre le téléphone pour dire: « Mon fils est en train de… »
    C'est vraiment difficile à faire pour un parent. Nombreux sont ceux qui ne le font pas eux-mêmes.
    Par conséquent, à part nos membres, qui soutiennent entièrement le projet de loi, et Mme Lacasse, qui a été la championne d'une des lois qui sont là, les autres personnes à qui nous avons parlé le soutiennent également.

  (1040)  

    Vous parlez des parents qui vous appellent lorsque leurs enfants se livrent à des activités criminelles et qui ne savent pas que faire d'eux.
     J'en conclus qu'à votre avis certains aspects du projet de loi C-10 aideront les parents en ce qui concerne la gravité des infractions que commettent les enfants et les conséquences.
    Les peines plus sévères y contribueront. Les peines légères à répétition n'aident pas la société. Elles n'aident pas non plus les enfants. Lorsqu'ils sortent, comme l'a dit M. Wamback, un bon nombre d'entre eux pensent qu'il y a de quoi se vanter.
    Je suis allée au tribunal pour voir le meurtrier de mon frère. Ses amis, qui étaient les membres d'une petite bande, des jeunes de 13 et 14 ans — je ne pouvais pas le croire — ont fait une sorte de salut à l'accusé en entrant dans le tribunal. Comme l'audience était à huis clos, certains d'entre eux sont venus avec de la drogue — au tribunal — et ils savaient qu'ils allaient…
    J'aimerais dire que la société est merveilleuse, que nous n'avons rien perdu en cours de route, mais ce n'est pas le cas. C'est évident. Si nous ouvrons les yeux, nous le constatons. Il est temps d'y remédier.
    J'entends dire que nous devons réinsérer les criminels et faire toutes ces choses-là. Je le comprends. Mais en attendant de le faire, pourquoi risquer des vies humaines? En attendant que vous trouviez une solution, que vous ayez des meilleurs programmes dans les prisons, en attendant que les prisons deviennent un meilleur lieu de réadaptation, pourquoi risquer des vies humaines?
    Je ne le comprends toujours pas.
    Je voudrais aborder un autre sujet, celui des audiences de la Commission des libérations conditionnelles. Je sais que c'est également important pour vous.
    Pourquoi est-il si important pour vos membres d'obtenir des renseignements sur les audiences de la Commission des libérations conditionnelles?
    C'est parce que nous avons droit à cette information; parce que je paie comme contribuable pour cette information; parce que je veux savoir où est le criminel, s'il va sortir; parce que je ne veux pas avoir la surprise un jour, quand j'irai au restaurant, de le voir assis à côté de moi.
    Cela va m'affecter sur le plan psychologique et je veux donc savoir. Je veux être sûre de pouvoir me faire entendre quand viendra pour lui le temps de sortir, c'est tout. J'en ai le droit.
     Y a-t-il dans le projet de loi C-10 d'autres mesures que votre association appuie particulièrement?
    Nous appuyons tout ce qui concerne les victimes. Nous aimons la suppression de la détention à domicile.
    Nous aimons l'information sur la libération conditionnelle. C'est une mesure que nous appuyons vraiment. Nous nous sommes battus pour cela. Il n'y a rien de plus exaspérant que de demander des renseignements sans rien obtenir. Il n'y a rien de plus décourageant que de savoir que votre enfant, le membre de votre famille n'existe pas parce qu'il est mort; vous avez l'impression d'être une simple statistique.
    Nous appuyons donc ces deux éléments et aussi les sanctions plus sévères pour les jeunes.
    Merci.
    Cela met fin à la séance. Malheureusement, le temps passe très rapidement.
    Je tiens à remercier nos témoins pour leur présence ici aujourd'hui. Tout cela fait partie de ce processus au cours duquel nous avons tous quelque chose à apprendre et nous avons certainement beaucoup appris de ce groupe de témoins. Merci beaucoup.
    Si le comité veut bien rester un instant, nous avons une petite question à régler.

  (1040)  


  (1045)  

    Pourrais-je demander aux membres du comité de revenir un instant? Vous pourrez poursuivre vos conversations plus tard. Ce ne sera pas très long.
    Le greffier a distribué un budget pour ces audiences. Je dois le présenter jeudi, avec le greffier, au comité de liaison qui va l'étudier.
    Si vous avez eu l'occasion d'y jeter un coup d'oeil, je demanderais à quelqu'un de proposer une motion pour que nous l'adoptions. Ensuite, je le présenterai.
    M. Robert Goguen: Je propose la motion.
    Le président: Tous ceux qui sont pour?
    Des voix: D'accord.
    Le président: Monsieur Harris.
    Quelqu'un a soulevé une question très intéressante: comment se fait-il que pour faire venir un témoin de Saskatoon, cela coûte 3 200 $ contre seulement 1 600 $ pour en faire venir un de Vancouver?
    Je ne sais pas vraiment si ce sont des coûts exacts ou des coûts moyens.
    Il n'y a qu'une personne. Il est seulement question d'une personne de Saskatoon. Cela ne peut donc pas être un coût moyen.
    Regardez dans l'autre colonne, monsieur Harris. Je pense que vous regardez seulement une colonne. Vous devez vous reporter à la deuxième colonne. C'est par personne. La deuxième colonne indique le total.
    Oui, c'est exact. Dans la deuxième colonne, le sous-total est de 3 200 $. Le prix unitaire est de 3 200 $ et comme il n'y a qu'une personne, c'est 3 200 $.
    Je ne sais pas de quelle colonne vous parlez.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président, car la motion a déjà été proposée et appuyée et nous avons voté. Nous n'avons pas à discuter une fois qu'une motion a été adoptée.
    Oui, mais nous pourrions aussi bien régler la question afin que la prochaine fois…
    Je pensais que vous nous demandiez de voter — ou était-ce pour l'ajournement?
    Non, nous vous avons demandé de voter sur la motion, monsieur Harris.
    Vous préféreriez donc qu'on se contente de l'adopter sans en discuter.
    J'ai invoqué le Règlement parce qu'un vote a été demandé et a eu lieu. Si on voulait en discuter, il aurait fallu le faire avant le vote et non après.
    Très bien. J'accepte ce rappel au Règlement. Je donnerai des explications à M. Harris plus tard. Je pense que cela le satisfera.
    Quoi qu'il en soit, je vais présenter le budget jeudi.
    Pour que nous ne perdions personne jeudi, nous allons avoir des téléconférences, ce qui peut causer certaines difficultés; comme vous le savez, pour la dernière téléconférence, nous avons perdu quelqu'un et gagné quelqu'un d'autre.
    La séance de jeudi n'aura pas lieu dans cette salle. Le greffier vous fera savoir où elle aura lieu. Ce sera peut-être rue Queen. L'équipement est un peu plus ancien là-bas qu' ici. Consultez simplement l'avis de séance.
    La séance est levée.
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