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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 088 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 30 novembre 2017

[Enregistrement électronique]

  (0850)  

[Traduction]

    Bonjour. Je déclare ouverte la 88e séance du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration. Il s'agit de notre troisième réunion, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, sur les questions liées à la réinstallation des femmes et des filles yézidies et sur des sujets connexes qui ont été portés à notre attention.
    Nous voulons présenter au Parlement un portrait à jour de la démarche entreprise par le gouvernement pour accueillir des réfugiés yézidis au Canada, ainsi que de la situation des réfugiés dans notre pays. Même si le projet est en cours depuis très peu de temps, nous croyons qu'il est important de faire le point sur cette question.
    Nous aborderons aussi des sujets connexes soulevés lors de nos deux premières réunions, pour lesquels des membres du Comité ont proposé de convoquer d'autres témoins susceptibles de nous aider à mieux comprendre les problèmes d'établissement afin que nous puissions à notre tour éclairer l'action du gouvernement.
    Nous entendrons d'abord par vidéoconférence Mme Shannon Smith, de Calgary. Merci de vous être levée si tôt pour nous à Calgary.
    Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité. Merci de cette occasion de m'entretenir avec vous.
    J'ai fait connaissance avec la famille Morad ce printemps. C'est une famille yézidie de sept membres dirigée par Gule, qui est dans sa mi-trentaine. Elle est responsable d'une mère âgée, d'une soeur adulte gravement handicapée et de quatre filles âgées de 5 à 13 ans.
    Gule elle-même a été prisonnière de l'État islamique et victime d'horribles agressions, comme sa jeune fille. Tous les membres masculins de la famille ont été assassinés: son mari, son père, son frère, son oncle et son neveu en bas âge, souvent sous leurs yeux. L'autre frère de Gule, seul survivant masculin de la famille, se trouve dans le Nord de l'Irak dans un camp de réfugiés où il attend de venir au Canada. Il désespère de venir les aider.
    À cause de tous ces traumatismes et du stress actuel, Gule n'a guère progressé en anglais ces sept derniers mois ou à peu près. Elle a pris des cours. Elle les a suivis assidûment et elle a fait de grands efforts, mais je pense que le stress et les traumatismes l'empêchent tout simplement d'apprendre l'anglais.
    Sa fille aînée, Dunia, en arrache elle aussi. Elle aime l'école, mais elle est très angoissée. À la rentrée de septembre, elle était inscrite à une nouvelle école secondaire de premier cycle. Elle devait marcher plusieurs coins de rue et prendre deux autobus pour s'y rendre et c'était au-dessus de ses forces. Sa mère et elle ont décidé qu'elle n'aurait plus à subir cela, si bien qu'elle a abandonné l'école après le premier jour. Un peu avant l'Action de grâce en octobre, je suis passée à leur maison en plein jour et j'y ai trouvé la fille de 13 ans. J'ai demandé à Dunia ce qu'elle faisait à la maison. Elle m'a expliqué la situation. Je lui ai demandé si elle voulait aller à l'école. Elle est tombée à genoux en pleurant et m'a dit en tremblant que, oui, elle voulait y aller, mais ne savait pas comment.
    Je suis aussitôt rentrée au bureau et j'ai téléphoné au directeur de l'école, qui a été absolument formidable. Il était atterré que cela soit arrivé et il a convoqué une réunion d'urgence le soir même. Dès le lendemain et depuis ce jour, un taxi amène Dunia à l'école et la ramène le soir. Sauf qu'elle a passé 40 jours sans fréquenter l'école, à pleurer chez elle, sans que personne ne remarque rien. Il n'y a pas eu d'appels de l'école. Je ne dis pas cela pour critiquer les gens de l'école. Ils ont fait tout ce qu'il fallait à la fin, mais je ne comprends pas que cela ait pu arriver à cette jeune fille.
    Il y a de merveilleux bénévoles dans leur vie, qui leur rendent un immense service en les emmenant faire des sorties, mais c'est très difficile. Un des problèmes est que la soeur gravement handicapée, qui semble souffrir d'une forme de paralysie cérébrale, ne peut pas marcher ni communiquer. Elle est confinée à la maison. La famille est ici depuis sept à neuf mois et la maison n'est pas accessible en fauteuil roulant. Ces femmes toutes menues doivent la transporter dans des marches de ciment pour la sortir de la maison ou la faire entrer. Je ne comprends pas comment c'est arrivé. Je travaille avec des bénévoles pour essayer de faire installer une rampe d'accès.
    Gule a été vendue à l'heure comme esclave aux membres de l'EI pendant des mois. Elle est très traumatisée. Sa fille est très traumatisée. Elles s'éveillent la nuit en pleurant et en hurlant. Quand je leur rends visite, la mère âgée passe le plus clair de son temps à pleurer avec son tablier sur la tête. Des images viennent la hanter. Elle revit des souvenirs encore et encore. Je ne sais vraiment pas ce que la famille reçoit comme aide en santé mentale. Je sais qu'il y a eu de la thérapie de groupe au début — Gule me l'a dit —, mais le service de traduction a été supprimé six mois après l'arrivée de la famille. Moi, essentiellement, je communique au moyen d'images et en faisant des gestes. J'ai vu très peu de progrès en santé mentale aussi. Kifshe, la mère âgée, reste au chevet de sa fille handicapée, de sorte qu'elle ne sort pas non plus.
    J'ai demandé à Gule ce qu'elle aimerait que je dise au Comité. Elle m'a dit: « S'il te plaît, ma soeur et ma mère ont besoin de prendre l'air. Elles ont besoin de sortir. Il nous faut une rampe. » Elle m'a dit aussi: « S'il te plaît, pourquoi mon frère n'a-t-il pas le droit de venir au Canada? » Cela fait presque un an qu'il attend et je suis bien impuissante à lui expliquer pourquoi cet homme adulte, capable et plein de bonne volonté n'est pas ici pour aider sa famille.
    J'ai demandé à Dunia, la jeune fille de 13 ans, ce qu'elle aimerait que je dise au Comité. Elle m'a dit: « S'il te plaît, amène mon oncle. Nous avons besoin d'aide. Ma mère a besoin d'aide. » Puis elle a ajouté: « Amène mon père aussi », ce qui m'a alarmée parce qu'elle sait que son père est mort. J'ai demandé à Gule pourquoi sa fille demandait qu'on amène son père. Elle m'a répondu que Dunia n'allait pas bien. D'après ce que je vois, son état se détériore. Elle régresse. Gule ne sait pas trop comment me l'exprimer, aussi veuillez excuser ses propos, mais voici ce qu'elle m'a dit: « S'il te plaît, je suis folle. Ma fille est folle. Aidez-nous. » Je sais qu'elles ne sont pas folles, mais c'est la seule manière qu'elle connaît pour se faire comprendre. Elles se rendent compte qu'elles sont en détresse psychologique et c'est vrai qu'elles ont besoin d'aide.

  (0855)  

    Je vais devoir vous demander de conclure très rapidement.
    D'accord.
    En fait de ressources, elles peuvent compter sur un voisin très âgé, qui est bien mal équipé pour les aider.
    J'ai tellement de questions. Pourquoi n'ont-elles pas pu se réunir avec d'autres familles yézidies? Pourquoi ne leur fournit-on pas de soins de santé mentale? Pourquoi cette maison n'est-elle pas accessible en fauteuil roulant? Pourquoi le frère ne peut-il pas venir? Comment Gule peut-elle apprendre l'anglais avec tous ces traumatismes et tout ce stress?
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup.
    Je pense que vous pourrez ajouter des commentaires durant la période des questions.
    Nous entendrons maintenant M. Mohamed Al-Adeimi, qui se joint à nous par vidéoconférence aussi, depuis London.
    Vous avez sept minutes, monsieur Al-Adeimi.
    Je m'appelle Mohamed Al-Adeimi et je suis directeur du Service d'établissement des nouveaux arrivants au South London Neighbourhood Resource Centre, un des plus grands centres de ressources d'aide aux familles dans la ville de London.
    On a communiqué avec moi hier pour me demander de témoigner au sujet du soutien et des services offerts aux femmes et aux filles yézidies, mais je vais plutôt parler des mesures que nous avons mises en place aussitôt que nous avons entendu parler de familles yézidies qui avaient survécu à Daech.
    Le ministre est venu à London rencontrer tous les organismes pressentis pour accueillir les familles qui arriveraient dans notre ville. Aussitôt avant leur arrivée, nous avons constitué une sorte d'équipe d'encadrement avec les ressources que nous permettent les fonds du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration. Nous nous assurons que le personnel est bien informé des atrocités et des épreuves qu'ont subies les femmes yézidies et leurs familles. Lorsqu'elles sont arrivées, nous savions qu'elles étaient hébergées dans les écoles du voisinage.
    Je vais vous parler aujourd'hui d'une famille en particulier, celle d'une mère et de ses huit enfants. Le premier contact entre la mère et la travailleuse de l'établissement dans les écoles a eu lieu durant l'été avant que l'école ne ferme pour les vacances. La travailleuse s'est aussitôt adressée à la mère, qui était réticente au début, mais avec l'aide du professeur d'anglais langue seconde de l'école, elle a pu la rencontrer et écouter ses doléances, par le biais d'un interprète pour commencer.
    Plus tard, ayant compris les difficultés qu'éprouvait la mère, et sachant que les enfants étaient aussi en détresse après ce qu'ils avaient vécu... heureusement que nous avons de solides partenariats avec des organismes d'aide à la santé mentale dans le voisinage, pour les jeunes comme pour les adultes.
    La première tâche à laquelle la travailleuse s'est attaquée a été de mettre en liaison la famille au complet avec deux organismes qui offrent des services de santé mentale aux enfants de moins de 12 ans et aussi aux adolescents: Vanier Children's Services et Craigwood. Nous nous sommes aussi associés à un projet qu'on appelle à London le Centre RBC pour la santé mentale des immigrants et des réfugiés. Nous collaborons depuis trois ans avec le Centre des sciences de la santé de London, qui est aussi représenté dans notre centre. Nous lui confions des familles aux prises avec des problèmes de santé mentale allant de légers à graves.
    L'autre volet du service que nous avons créé pour veiller à la santé mentale de la famille consiste à offrir à la mère du temps de qualité où elle peut faire des courses ou rencontrer d'autres femmes du quartier. De nombreuses mères profitent d'une journée de répit grâce à un centre où leurs enfants peuvent aller jouer et s'amuser, et où elles-mêmes peuvent passer du temps.
    Les familles sont aussi inscrites à une liste d'attente auprès d'un autre organisme qui s'occupe de santé mentale: Family Service Thames Valley.

  (0900)  

    Voilà pour l'aspect de la santé mentale, qu'il fallait à notre avis traiter dès le début. L'autre aspect est celui des besoins essentiels. La famille se trouve dans un secteur où beaucoup de services sont offerts de manière globale dans un centre qui administre plus de 85 programmes. Nous avons l'impression que cette mère, qui a traversé tant d'épreuves, en arrache encore aujourd'hui. Son histoire ressemble à celle que vient de raconter le témoin précédent et je ne tiens pas à y revenir.
    Nous nous sommes assurés que les questions de transport, d'interprétation et les autres besoins essentiels qui touchent la famille entière... je suis certain que grâce à Citoyenneté et Immigration Canada et son programme d'aide à la réinstallation... Dès leur arrivée, les familles ont reçu l'essentiel, des meubles, des vêtements, etc. À l'approche de l'hiver, nous les avons confiées à des centres avec lesquels nous faisons affaire depuis 30 ou 40 ans — des églises, des groupes religieux — et aussi depuis deux ans, avec d'autres groupes religieux qui ont constitué des services pour répondre aux besoins essentiels des réfugiés et des immigrants.
    Nous avons aussi mis en place... pour que les enfants aient des activités de loisir. Durant tout l'été, ils ont fréquenté le Club garçons et filles, par exemple, les camps sportifs et les camps de jour du YMCA. Notre principal problème au début était que nous n'avions pas de financement pour soutenir cette famille, mais puisque nous sommes déjà financés par les programmes d'aide à l'établissement dans les écoles... nous offrons aussi des services d'orientation et d'information et des liaisons avec les ressources communautaires. Tous ces services existaient déjà lorsque nous avons réagi à l'afflux de réfugiés syriens. London, comme vous le savez, a accueilli un des plus grands groupes de réfugiés syriens.
    Nous avons déjà...

  (0905)  

    Je vais devoir vous demander de conclure assez rapidement.
    D'accord.
    Récemment, nous avons eu la chance d'engager un travailleur d'aide à l'établissement pour rejoindre la plupart, sinon la totalité, des familles yézidies et mettre sur pied un programme d'encadrement qui permettra de [Inaudible]. Allons-nous réussir? Je pense que ce sera une aide permanente et non une intervention ponctuelle. Nous espérons continuer de nous rendre utiles.
    J'ai un tableau que je compte envoyer au Comité, monsieur le président, si vous permettez.
    Ce serait très bien.
    Je crains de devoir vous arrêter là. Vous pourrez nous en dire un peu plus à l'étape des questions. Tout ce que vous ou tout autre témoin aimeriez soumettre au Comité nous serait très utile.
    Nous entendrons maintenant M. Khoudeida.
    Vous disposez aussi de sept minutes. Merci.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs, bonjour.
    Je m'appelle Omar Khoudeida, et je suis à la fois un militant de la communauté yézidie et un employé du Cross Cultural Learner Centre de London. Merci de m'avoir invité à assister aux travaux de votre comité et à faire le point sur les yézidis qui se sont réinstallés à London cette année.
    Comme nous le savons tous, le 3 août 2014, l'État islamique a commis le pire crime contre la population yézidie de l'Irak. Ce crime, comme tant d'autres avant lui, n'est cependant pas isolé. En 2017, le gouvernement canadien s'est engagé à réinstaller 1 200 réfugiés yézidis au cours de l'année. Depuis février, la ville de London a accueilli 68 familles totalisant 170 personnes.
    Depuis son arrivée et jusqu'à ce jour, la communauté yézidie collabore avec le Cross Cultural Learner Centre de London à pourvoir aux besoins immédiats des nouveaux arrivants, ce qui comprend entre autres les services suivants: l'hébergement temporaire et permanent; l'obtention de documents comme la carte de résident et la carte d'assurance-maladie; les demandes de prestations pour enfants; l'aide fédérale temporaire à la santé et aux nécessités de la vie quotidienne; l'accès aux séances d'information, d'orientation et d'éducation; l'accès aux soins médicaux en collaboration avec notre centre local de services communautaires; une prise en charge spécialisée, intensive et respectueuse des délais; l'évaluation des besoins, la coordination des dossiers, les visites à domicile et l'aiguillage vers de nombreux organismes; le counseling en matière d'établissement et l'accès au counseling provisoire offert sur place; la garde d'enfants sur place; l'évaluation linguistique et l'aiguillage vers les cours de langue pour immigrants au Canada et les cours d'anglais langue seconde; l'adhésion à des groupes sociaux, thérapeutiques, linguistiques et professionnels; le jumelage de familles avec des bénévoles du milieu.
    Nous avons repéré des mères monoparentales dont les enfants affrontent des difficultés supplémentaires et ont besoin d'aide à plus long terme. De plus, l'agglomération de London a vu affluer des réfugiés pris en charge par l'État qui ont été transférés de Toronto et d'autres villes en raison du coût de la vie plus abordable et des liens créés avec le milieu.
    C'est ainsi que nous soutenons 12 familles transférées qui comptent en tout 46 membres. Nous collaborons aussi avec le Merrymount Family Support and Crisis Centre à une clinique d'art-thérapie destinée aux enfants yézidis. On s'est rendu compte qu'en les laissant vivre leur enfance et pratiquer des activités créatrices, on favorisait la guérison et la résilience chez les enfants traumatisés par des conflits armés.
    Il y a de nombreux survivants du génocide et de l'esclavage sexuel des yézidis dans les camps de réfugiés du Kurdistan, dans le Nord de l'Irak, et d'autres déplacés... qui attendent avec impatience de se réinstaller quelque part. Beaucoup ne veulent pas ou ne peuvent pas rentrer chez eux à cause de l'instabilité qui secoue la région, faute de solutions locales durables.
    Nous vous implorons de prolonger l'engagement de votre comité, d'encourager le parrainage privé et de donner aux éventuels parrains l'accès aux camps de réfugiés du Nord de l'Irak. Continuez d'accorder des fonds fédéraux pour maintenir les services offerts à la communauté yézidie et à d'autres qui se font marginaliser et déplacer.
    Tout au long de l'histoire, les yézidis ont été marginalisés et traités comme des citoyens de seconde classe, sinon de troisième classe. J'ai confiance qu'aujourd'hui, vous conviendrez tous qu'en arrivant au Canada, ils se sentent bienvenus et confiants en leur identité et qu'ils ne seront pas marginalisés à nouveau.
    Votre engagement continu envers l'établissement, la santé mentale et le bien-être des yézidis ne peut que favoriser la guérison, la résilience et la prise en mains d'une communauté qui ne demande qu'à adopter la vie canadienne et ses valeurs.

  (0910)  

    La ville de London et le Cross Cultural Learner Centre ont accueilli depuis longtemps de nombreux groupes de réfugiés et ils ont les moyens et les ressources pour en accueillir davantage de la communauté yézidie.
    Je vous remercie beaucoup. Que Dieu vous bénisse.
    Merci aussi, monsieur Khoudeida.
    Nous entendrons maintenant les représentants des Services d'interprétation culturelle pour nos communautés, M. Chacon et Mme Tabet. Est-ce que je prononce correctement?
    Vous avez sept minutes, à vous deux.
    Monsieur le président, membres du Comité, invités et témoins, je remercie le Comité de nous donner l’occasion de faire connaître notre organisme et les défis que nous devons relever dans l’évaluation et le recrutement d’interprètes dans des langues de moindre diffusion.
    Le CISOC est un organisme local, créé en 1993, qui s'est donné pour mission de fournir des services d’interprétation et de traduction, d’évaluation linguistique et de formation des interprètes qui travaillent au sein de la collectivité. Il s’agit d’un groupe de bienfaisance, sans but lucratif.
    Bien entendu, certains de nos défis portent sur l’identification des langues qui doivent être créées et mises à l’essai. Nous formons des interprètes partout au pays et nous évaluons leurs capacités dans 50 langues. L’un des défis qu’il nous faut souvent relever porte sur le financement de l'intégration de nouvelles langues. À l’heure actuelle, nous avons déjà un test pour le kurmanji. Il s’agit d’une langue que parlent les Kurdes. Naturellement, l’une des difficultés que nous rencontrons tient à ce que plusieurs des membres de cette communauté qui ont immigré au Canada parlent des dialectes différents. Nous devons souvent élaborer des évaluations pour ces dialectes afin de mieux les représenter.
    Comme je l’ai dit, nous appuyons des organisations partout au pays. Le processus que nous suivons pour trouver des interprètes consiste d’abord à nous assurer qu’ils ont la compétence nécessaire pour être en mesure de fournir les services dans la collectivité. Nous devons leur donner la formation nécessaire et veiller à ce qu’ils respectent les protocoles que nous avons mis en place au Canada et nous devons élaborer le vocabulaire dans différents domaines comme en médecine, en droit et en environnement social.
    Le processus est un peu complexe, mais il est très efficace. L’une des principales difficultés, bien sûr, est d’élaborer des évaluations pour les langues qui sont moins répandues. Étant donné que nous sommes un organisme de bienfaisance, nous générons nous-mêmes des revenus pour élaborer ces évaluations; or, nous avons tendance à nous concentrer sur des langues qui font l’objet d’une forte demande, ce qui nous permet de récupérer une partie de notre investissement.
    Si nous devions élaborer des évaluations pour toutes les langues en demande au Canada, il nous faudrait un certain appui de la collectivité.
    Toute notre formation est offerte en ligne et elle est accessible dans chacune des provinces. Cela rend la tâche beaucoup plus facile et nous renforçons notre capacité à l’échelle du pays.
    À moins que vous n’ayez des questions, je pense que cela résume ce que nous faisons. J’espère que nous pourrons collaborer.
    Merci.

  (0915)  

    Merci beaucoup. Je vous remercie également d’avoir fourni au Comité des services d’interprétation en kurde kurmanji. Nous savons qu’il est difficile d’en trouver et vous nous avez rendu un grand service. Merci.
    Nous passons maintenant aux questions, en commençant par M. Sarai, pour une durée de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Tout d’abord, merci à vous tous d’être venus et merci de votre bon travail. Je sais qu’il s’agit d’un dossier difficile et que les services sont très limités au Canada, notamment en raison des obstacles linguistiques. Ces personnes, les femmes en particulier, ont subi des traumatismes parmi les plus graves qu’on puisse imaginer.
    Madame Smith, pouvez-vous nous parler des difficultés liées à la recherche d’interprètes pour des langues de moindre diffusion comme le kurde kurmanji?
    Il a été très difficile de trouver des services de traduction. Personnellement, j’ai dû m’appuyer sur tous mes contacts pour trouver des traducteurs.
    J’ai été journaliste pendant 20 ans. J’ai travaillé avec des réfugiés pendant cinq ans. J’ai travaillé pour des ONG internationales. J’ai de nombreux contacts. Il a été extrêmement difficile de trouver des traducteurs, surtout ici à Calgary.
    La semaine dernière, grâce à la chance et à la prière, un de mes amis a réussi à me mettre en contact avec une locutrice de kurde kurmanji. Elle et sa famille, que j’ai aussi rencontrée, sont originaires d’Alep, en Syrie. Heureusement, je suis maintenant en mesure de communiquer avec la famille et d’avoir accès à la traduction, mais il n’y avait pas vraiment de processus en place. Il s’agissait simplement de mettre à profit mes contacts, que la plupart des gens n’ont peut-être pas.
    L’an dernier, un psychologue a dit au Comité que les yézidis n’ont pas de mots kurdes pour exprimer la dépression ou le traumatisme. Il a aussi fait valoir que des traducteurs spécialement formés sont nécessaires.
    Collaborez-vous avec des traducteurs spécialement formés qui ont atteint un niveau d'aisance dans cette langue? Avez-vous recours à des technologies ou à des techniques pour vous aider dans des langues de ce genre?
    Non, et je crois que c’est vraiment évident dans ce que je vous ai dit au sujet du langage qu’ils utilisent. Elle dit: « Je suis folle. Ma fille est folle. » Ce sont des mots blessants, mais on peut ressentir son désespoir en ce sens qu’elle ne sait pas comment exprimer ses besoins profonds et ceux de sa fille. Les étiquettes comme « folle » sont évidemment très délicates, car la fille de 13 ans s’identifie maintenant de cette façon. Quand je lui demande: « Comment vas-tu aujourd’hui, Dunia? Est-ce que tu vas bien? », elle me répond, « Je suis folle. » En tant que mère de cinq enfants, il est vraiment difficile d’entendre une telle chose.
    Avez-vous réussi à trouver des psychologues qui ne sont pas... ou des locuteurs de kurde kurmanji qui peuvent vous aider à développer la langue, la terminologie ou les moyens de communiquer certains de ces traumatismes? Existe-t-il une traduction efficace des services ou des technologies? C’est un peu comme l’apprentissage de l’anglais langue seconde où, parfois, les gens ne possèdent pas la base, mais doivent apprendre le langage courant si la langue de leur interlocuteur n’est pas écrite. Il y a peut-être une sorte de... Je ne suis pas expert en la matière, mais j’aimerais savoir si des efforts ont été déployés.
    Oui, merci d’avoir posé cette question, monsieur Sarai.
    J’ai enseigné l’anglais pendant de nombreuses années comme bénévole et j’ai donné des cours de niveau pré-débutant à des réfugiés syriens arrivés il y a un an et demi. J’ai conçu des cours pour eux. Il s’agit d’un défi unique. J’en ai parlé à des amis. Comme je l’ai dit, mes vingt années d’expérience journalistique m’ont permis de rencontrer des milliers de gens. J’ai dû communiquer avec tous mes contacts afin de discuter de ce problème avec eux. Comme vous l’avez dit, il s’agit d’un défi.
    Je suis désolé, mais je dois tenir compte du temps que j’ai pour poser des questions.
    Le clergé ou les aumôniers offrent-ils ce genre de services? Je ne connais pas très bien le fonctionnement des services religieux dans une communauté yézidi. Est-ce que cela peut-être utile? A-t-on fait des efforts pour les rejoindre par le biais de la foi?
    Je vous adresse cette question, monsieur Khoudeida.
    C'est une excellente question, une question très intéressante, parce que je suis profondément chrétienne. Cela fait partie de ma vie et je leur ai demandé si je pouvais prier avec eux, ce qui les a enthousiasmés parce que la prière fait aussi partie de leur culture. Nous avons pu faire des choses comme prier ensemble et j’ai pu observer que cela avait un effet apaisant sur eux. Par ailleurs, il est intéressant de noter qu’ils vivent en face d’une église catholique. Un jour, pris de désespoir, ils sont allés frapper à la porte de l’église et un prêtre leur a répondu. Ils prient avec ce prêtre catholique depuis ce temps.
    Ce sont des gens très aimants, très ouverts, très réceptifs à toutes les religions, ce que j’apprécie profondément. C’est une dimension très importante de leur vie. Mais comme ils ne communiquent pas avec d’autres familles yézidis de la ville, je fais de la recherche sur Internet pour en savoir davantage sur leurs croyances dans le but de leur parler. Encore une fois, la langue est un obstacle. Est-ce que je tisse des liens avec ces gens...?

  (0920)  

    J’aimerais aussi entendre M. Khoudeida à ce sujet avant que mon temps soit écoulé.
    Avez-vous pris connaissance d’autres moyens d’aider les personnes en désarroi, peut-être par le truchement de prêtres ou de services religieux, étant donné qu’il existe de toute évidence très peu de psychologues et d’experts en traumatologie qui parlent leur langue?
    Oui, nous avons des difficultés à London, mais pas autant qu’à Calgary, peut-être parce que notre communauté de London est importante. Nous les appuyons sur le plan de la langue. Je crois que nous sommes efficaces à cet égard. Pour ce qui est de la prière, la plupart d’entre eux prient à la maison. Pour ma part, je ne sais pas comment prier parce que j’ai quitté le pays il y a longtemps. Je leur ai demandé. Ils prient à la maison. La communauté de London est importante et ses membres sont bien branchés.
    Me reste-t-il du temps?
    Trente secondes.
    D’accord.
    Cette question s’adresse au South London Neighbourhood Resource Centre.
    Quelles difficultés les enfants yézidis rencontrent-ils dans le système scolaire canadien? La communauté yézidi de London demande-t-elle des services que votre organisme peine à fournir?
    Pour ce qui est des enfants, il suffit de garder à l’esprit qu’ils n’ont pas été scolarisés pendant la plus grande partie de leur vie, soit à cause de la guerre, soit parce que d’autres conflits internes sévissaient en Irak.
    Comme nous avons pu l’observer tous les jours, lorsque les enfants arrivent, ils n’ont pas envie d’aller à l’école parce qu’ils ne savent pas exactement ce que cela signifie. Quand ils sont en classe, la plupart du temps, ils ne peuvent pas rester assis. Ils se déplacent. Ils décrochent et quittent la classe.
    Le programme Travailleurs de l’établissement dans les écoles, le TEE, qui est financé par l’IRCC, a offert un appui enthousiaste lorsque les yézidis sont arrivés dans les systèmes scolaires de London. La plupart des écoles de London reçoivent ce genre de soutien.
    Malheureusement, je dois vous interrompre. Je suis certain que vous aurez d’autres occasions.
    J’aimerais apporter une précision quant à la terminologie et c’est en partie par respect pour nos interprètes. Il s’agit simplement d’un rappel: la « traduction » porte sur le mot écrit, alors que « l’interprétation » porte sur le mot prononcé. Il s’agit d’interprètes. Les traducteurs font un travail écrit. Il y a ensuite une troisième désignation professionnelle, la « terminologie ». Cette industrie, cette profession, comprend trois fonctions différentes. Je tiens à m’assurer que le Comité en est conscient. Ce n’est pas parce que nous n’avons pas besoin de ces trois disciplines lorsqu’il s’agit de langues de moindre diffusion, mais nous avons surtout parlé d’interprétation parce que c’est ainsi que les humains communiquent entre eux. Je le souligne par respect pour nos interprètes et leur travail consciencieux.
    Madame Rempel.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Khoudeida, d’après ce que j’ai compris, l’ensemble de la communauté yézidi du Canada est composée de quelque 1 000 personnes, ou alors il y en avait environ 1 000 auparavant, principalement concentrées à Toronto, London et Winnipeg. Est-ce exact?
    Oui. La communauté la plus importante se trouve à London, et ensuite à Winnipeg et à Toronto.
    Dans le cadre de cette étude et d’autres études, les témoins nous ont dit qu’une partie du défi dans la réintégration des réfugiés yézidis à la société canadienne comporte deux aspects: les traumatismes extrêmement sérieux et la très petite taille de la communauté au Canada. S’agit-il, à votre avis, d’une description correcte d’un problème plus vaste?

  (0925)  

    Par rapport au Canada, cette communauté est petite, mais à London elle compte actuellement 500 personnes environ.
    Bien.
    Nous avons entendu certaines recommandations quant à l’avenir, compte tenu du traumatisme et du fait que la communauté est plus petite que d’autres populations qui ont appuyé les réfugiés au cours des dernières années. La première recommandation porte sur la nécessité de pouvoir compter sur un réseau d’intervention original ou novateur et plus souple, notamment quant à la prestation de services de transport et d’interprétation pour les réfugiés yézidis lorsqu’ils arrivent. Il s’agit d’une lacune qu’on observe dans tous les centres où les yézidis ont été réinstallés. Est-ce exact, selon vous?
    Jusqu’à un certain point, oui, en ce qui concerne l’interprétation; nous devons former davantage de yézidis qui parlent un langage direct pour leur venir en aide et les appuyer.
    Merveilleux.
    Madame Smith, êtes-vous d’accord?
    Oui, absolument.
    Madame Smith, compte tenu de votre expérience à Calgary, êtes-vous d’avis qu’on devrait dorénavant réinstaller les familles qui viennent au Canada dans la plus grande communauté de London plutôt qu’à Calgary? Nous avons eu beaucoup de questions quant aux raisons pour lesquelles des familles ont été envoyées à Calgary alors qu’il y avait peu de soutien.
    Le dossier qui me préoccupe est un peu différent parce qu’il concerne un adulte qui souffre d’un grave handicap, ce qui nuit aussi à sa capacité de quitter la maison et de communiquer avec d’autres familles; cela pose un problème.
    Je me sens un peu gênée de dire que, selon moi, il devrait être installé dans un lieu en particulier, mais j’ai posé la question à Gule. Je lui ai demandé: « Aurais-tu préféré fréquenter d’autres familles? » Elle m'a donné une réponse intéressante. Elle semble perdue dans l’incertitude. Elle m’a dit qu’elle préférerait vivre dans une collectivité où il y a plus de yézidis, mais elle vient d’un milieu rural. L’un de ses passe-temps préférés est de regarder des photos de la ferme de ma famille dans le Nord-Est de la Saskatchewan parce que la vie rurale lui manque. Elle a le pire des deux mondes ici. Elle vit dans un grand centre.
    D’accord. Merci.
    Des gens de London, Toronto, Winnipeg et Calgary sont venus à mon bureau et ils m’ont également dit qu’il n’existe pas vraiment de réseau cohérent à l’échelle nationale pour coordonner les pratiques exemplaires. Il semblerait que les choses vont bien à London étant donné qu’on y trouve déjà une population. Winnipeg éprouve un peu de difficulté, mais elle s’en sort. Un scénario semblable s’applique à Toronto.
    À votre avis, notre comité devrait-il recommander que le gouvernement finance une conférence qui réunirait les fournisseurs de services pour discuter des pratiques exemplaires?
    Monsieur Khoudeida.
    Ce serait une bonne idée. Si Toronto éprouve des difficultés, nous pourrions rencontrer les membres de la communauté afin de les sensibiliser à la façon d’offrir de meilleurs services aux nouveaux arrivants. S’il n’y a pas assez d’interprètes, nous recommandons aux gens de se tourner vers d’autres communautés. Au besoin, nous pourrions offrir un service d’interprétation par téléphone.
    Merci.
    Madame Smith.
    Oui, absolument.
    Je suis très heureuse d’apprendre à quel point certaines autres villes se portent bien, parce que je tiens à préciser que je ne suis pas d’avis que la population yézidi devrait s’installer ici ou que nous ne devrions pas accueillir plus de ces femmes vulnérables au Canada. Je crois en effet qu’il est triste que certaines communautés semblent bien se porter et que ce n’est pas le cas pour d’autres. C’est le peuple yézidi qui en souffre.
    Nous avons entendu deux recommandations très précises quant aux efforts continus pour faire venir des yézidis au Canada.
     La première est qu’on devrait supprimer le plafond sur le parrainage privé des personnes du Nord de l’Irak, dans le but spécifique de permettre à un plus grand nombre de familles yézidis de venir au pays.
    Deuxièmement, le gouvernement devrait encourager les Nations unies à accorder la priorité aux survivants du génocide, en particulier aux yézidis, pour ce qui est de leur réinstallation au Canada dans le cadre du Programme des réfugiés parrainés par le gouvernement.
    Monsieur Khoudeida, êtes-vous d’accord avec cela?

  (0930)  

    Oui.
    Je suis tout à fait d’accord.
    On doit leur accorder la priorité. Leurs besoins sont immenses, mais leurs contributions sont également étonnantes. Ils vont enrichir et améliorer notre pays.
    J’aimerais faire un bref commentaire, étant donné que la question de la religion a été abordée. Afin d’empêcher que le génocide ne se perpétue, il est très important que nous permettions également aux yézidis qui viennent au Canada de préserver leur foi, de sorte que le génocide ne se poursuive pas lorsqu’ils arrivent ici.
    Êtes-vous d’accord avec cela, madame Smith et monsieur Khoudeida?
    Je suis tout à fait d’accord. Je vais aborder un sujet controversé, parce que je crois qu’il est très important de le faire.
     Dunia, la fille de 13 ans, m’a dit qu’elle n’avait pas l’impression de s’être fait une seule amie à l’école, même si elle est amicale et sociable. Elle m’a dit qu’elle vit dans une collectivité du Nord-Est où il existe une importante population musulmane. La langue arabe est un élément déclencheur pour Dunia, parce que ses ravisseurs parlaient arabe. Elle a tendance à éviter les enfants arabes.
    Cependant, en raison de son apparence physique, beaucoup d’enfants non musulmans pensent qu’elle est musulmane. Ils la poussent à côtoyer les enfants musulmans. Elle se sent très rejetée par les écoliers musulmans et non musulmans.
    Madame Kwan.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens à remercier les témoins, non seulement pour leurs exposés, mais aussi pour le bon travail qu’ils font au sein de nos collectivités.
    Il ne fait aucun doute que les yézidis font face à une situation très difficile. Il semble y avoir un grand besoin d’infrastructures et de soutiens. Dans les collectivités où il existe de meilleures infrastructures, les gens semblent mieux se porter, mais pas autant ailleurs.
    À cet égard, madame Smith, j’aimerais commencer par vous.
    Pour ce qui est des besoins en infrastructures dans votre collectivité, pouvez-vous nommer les trois principales mesures que le gouvernement pourrait prendre pour appuyer vos efforts et ceux d’autres intervenants qui oeuvrent dans ce domaine, surtout pour venir en aide aux familles dans le besoin?
    Oui, sans problème.
    Tout d'abord, il faudrait offrir des services d'interprétation qui s'étendent sur plus de six mois, puisque les problèmes de communication se répercutent sur tous les autres aspects, comme, par exemple sur les services de transport et les soins de santé mentale. Ce serait là mes deux priorités à venir: l'interprétation et l'accès à des soins de santé mentale personnalisés dispensés à domicile et non pas en groupe.
    On parle ici de traumatisme sexuel extrême, même dans le cas d'enfants. Sans le confort de leur maison et l'établissement d'une relation privée, fondée sur la confiance, il est très difficile pour eux d'exprimer l'expérience difficile qu'ils ont vécue. C'est pourquoi, je crois, cette expérience continue de les hanter.
    Le transport est un enjeu majeur, tout particulièrement à Calgary en raison du froid et de la neige. Il y a là une femme qui est clouée à son fauteuil roulant et une mère âgée qui ne la quitte jamais d'un pas. Elle était arrivée au pays neuf mois plus tôt quand je me suis rendu compte qu'elle n'avait même pas de poussette de marché. Elle portait 8 à 10 sacs dans chaque main, alors que nous ne pouvions l'aider avec son épicerie. Elle rapportait ses provisions chez elle dans la neige et le froid, pour tenter de nourrir sa famille de sept. Comment aurait-elle pu transporter suffisamment de provisions? Le transport est aussi un enjeu lorsqu'il s'agit de conduire la fille à l'école. Quand on a vécu un traumatisme et qu'on ne parle pas la langue, ces choses-là sont très accablantes. Pour nous, prendre l'autobus peut sembler trivial. Il en va autrement pour eux.
    Merci.
    Monsieur Chacon, j'aimerais vous entendre au sujet du travail d'interprétation et de traduction que vous effectuez au sein de votre organisme.
    Vous avez parlé d'un manque de fonds. Avec l'arrivée de ces nouvelles langues,vous ne disposez pas forcément de ressources pour mettre cela sur pied et former des gens. Pouvez-vous indiquer aux membres du Comité quels sont vos besoins en matière de ressources provenant du gouvernement, afin que, en collaboration avec celui-ci, nous arrivions à nous doter des moyens nécessaires pour accomplir ce travail si crucial?

  (0935)  

    Merci pour votre question, madame Kwan.
    Tout d'abord, nous avons commencé à former des interprètes à Calgary. Je crois que l'on peut recourir à leurs services par le biais de différents organismes dans cette ville. À mon avis, l'une des difficultés réside dans les réseaux et la communication entre les différentes villes pour s'assurer que des ressources sont disponibles à ces endroits.
    Pour répondre à votre question, nous avons déjà mis au point un test pour le kurmandji. Cependant, les gens de la communauté yézidie parlent plusieurs dialectes, d'où la difficulté. Pour répondre à leurs besoins et pour que des personnes compétentes leur viennent en aide, nous devons développer d'autres tests pour nous assurer que les candidats parlent la langue couramment.
    Pour ce qui est des coûts et du financement, nous sommes un organisme de bienfaisance, comme je l'ai dit. Nous sommes capables de générer et de créer des tests par nous-mêmes, mais étant donné nos moyens limités, nos ressources sont modestes. Ce serait fantastique si nous pouvions recevoir de l'aide du gouvernement pour...
    Dans ce domaine en particulier, comment le gouvernement peut-il répondre à vos besoins?
    En nous donnant du financement.
    Combien?
    Je dirais qu'une somme de 100 000 $ nous aiderait grandement à développer des ressources pour autant de langues que possible dans toutes les collectivités.
    Pourriez-vous mettre ces besoins par écrit et remettre le document au Comité afin que l'information soit consignée?
    Oui.
    En ce qui a trait à l'accueil de nouveaux yézidis au pays en vertu du programme des réfugiés, j'ai joint ma voix à d'autres pour revendiquer une mesure spéciale. Ainsi, nous soutenons que le programme d'accueil des yézidis devrait aller au-delà du nombre de réfugiés alloué par le gouvernement en 2018 — soit 7 500 —, et ce, afin d'éviter de déplacer d'autres réfugiés qui sont dans le besoin.
    Je me demande si vous seriez d'accord pour en faire une mesure spéciale. J'ai toujours cru que les 1 200 réfugiés que le gouvernement s'était engagé à accueillir relevaient d'une mesure spéciale, mais en fait, ce n'était pas le cas. Ce nombre a été soustrait du nombre de réfugiés que nous accueillions au pays. Croyez-vous aussi qu'il devrait s'agir d'une mesure spéciale?
    Commençons par ceux qui sont ici, puis nous passerons à ceux qui sont...
    Oui, nous devons en accueillir davantage, puisque notre communauté a souffert comme nulle autre et la plupart des gens sont déplacés. Trois ans plus tard, ils vivent encore dans des camps de réfugiés. Ceux qui viennent au Canada ne cessent de demander si le gouvernement en accueillera davantage. Ils disent que les membres de leur famille doivent aussi immigrer au Canada, parce qu'ils sont libres ici. Ils vont à l'école. Ils ont accès à des services comme l'éducation.
    Croyez-vous qu'il devrait y avoir une mesure spéciale pour dépasser la cible de 7 500 réfugiés fixée pour 2018?
    Oui.
    Merci.
    J'ignore si nos deux autres témoins ont un avis sur la question.
    C'est probablement...
    D'accord. L'interprétation est votre domaine.
    Passons aux témoins à l'écran, à commencer par Mme Smith.
    Tout à fait. Ce sont les victimes d'un génocide. Nous faisons partie de la communauté internationale et à ce titre, nous ne pouvons pas, en notre âme et conscience, les repousser. Plus tard, nous devons pouvoir dire que nous avons fait tout ce que nous pouvions, que nous avons fait de notre mieux et que nous n'étions pas indifférents.
    D'accord.
    Monsieur Al-Adeimi.
    C'est tout à fait vrai. Étant donné les épreuves qu'ont traversées les familles yézidies en 2016 et en 2017 — d'autres souffrent encore à ce jour —, l'engagement humanitaire qu'a pris le Canada aux Nations unies reflète véritablement les valeurs dont nos citoyens et notre pays ont fait preuve à l'international.
    Merci. Je crains de devoir vous interrompre encore une fois. Désolé. Nous en sommes à huit minutes.
    Madame Zahid.

  (0940)  

    Merci, monsieur le président. Merci à tous de votre présence aujourd'hui.
    Monsieur Khoudeida, des témoins nous ont dit que les nouveaux réfugiés yézidis avaient du mal à obtenir les services d'un interprète. En vous fondant sur le travail que vous avez accompli auprès de la communauté yézidie, vous diriez qu'il y a combien d'interprètes yézidis qualifiés au Canada, à votre connaissance?
    Comme je travaille seulement à London, je ne saurais vous répondre en ce qui a trait au Canada. En effet, je suis établi à London. Nous avons certifié 10 interprètes — dont je fais partie. Nous travaillons pour le London Cross Cultural Learner Centre. C'est là que nous avons été formés; nous travaillons avec les femmes et tous les nouveaux venus. Nous avons des filles qui sont formées pour oeuvrer auprès des femmes en particulier, pour les visites chez les médecins de famille ou les spécialistes, parce qu'elles se sentent plus à l'aise avec les femmes.
    Pouvez-vous nous dire quel rôle jouent les organismes d'accueil et d'autres types d'organismes pour aider les nouveaux venus yézidis à établir des liens avec la communauté yézidie de London? Vous avez dit qu'il y avait environ 500 personnes à London. Que faites-vous pour tisser des liens entre les communautés?
    Dès que l'annonce a été faite cette année, le London Cross Cultural Learner Centre a communiqué avec nous. Ils nous ont approchés pour nous demander notre aide. Nous leur avons donné notre réponse et nous y avons mis du nôtre. Nous avons reçu une formation en interprétation. Nous avons suivi des cours là-bas et depuis, nous travaillons avec eux. Nous mettons des familles en relation avec d'autres organismes. Nous les dirigeons vers tout ce dont elles ont besoin.
    Connaissez-vous des programmes conçus pour les jeunes, des programmes parascolaires de soir ou de fin de semaine qui aident les jeunes à tisser des liens entre eux?
    Nous avons des programmes pour les jeunes et nous encourageons tous les enfants à y participer. Nous avons aussi des programmes pour les femmes — des cours de couture ou de programmation informatique, par exemple — qui ont lieu après l'école et la fin de semaine.
    Est-ce que beaucoup de jeunes yézidis et de femmes yézidies suivent ces programmes?
    Oui.
    Que devrions-nous savoir afin d'être bien préparés pour accueillir les nouveaux réfugiés? Qu'est-ce qui doit être fait?
    Faites-les venir au Canada, tout simplement, et donnez-leur la deuxième chance dont ils ont besoin. Ces personnes ont perdu foi en l'humanité dans son ensemble. Elles prennent part à la vie de la communauté. Elles vont à l'école. Elles apprennent à leur manière. Elles s'intègrent, mais il leur faudra plus de temps que les membres d'autres communautés en raison des épreuves qu'elles ont traversées. Cela dit, elles vont bien. Elles s'intègrent.
    Avez-vous entendu parler de problèmes concernant les jeunes en particulier?
    Non, il n'y a pas de problèmes majeurs. Je discute avec les jeunes tous les jours et je peux affirmer qu'ils vont à l'école. Ils vont bien. Ils apprennent l'anglais. C'est là leur premier objectif, puisque, comme ils le disent eux-mêmes, « Sans la langue, nous sommes aveugles. » Ils travaillent très fort. La plupart suivent des cours supplémentaires et font du bénévolat à seule fin d'apprendre l'anglais.
    Madame Smith, combien de familles yézidies vivent à Calgary, selon vous?
    Je n'en suis pas certaine. J'ai tissé d'autres liens dans la communauté et, selon ce que j'entends, il y en a environ sept. J'ai demandé à Gule si elle était entrée en communication avec certaines d'entre elles. Elle m'a dit leur avoir parlé un peu au téléphone, mais elle n'a pas eu l'occasion de les rencontrer.
    A-t-on pensé à des façons ou des occasions d'établir des liens entre ces sept familles? Elles pourraient éventuellement se réunir les fins de semaine, par exemple.
    Oui, ce sera plus facile maintenant que j'ai trouvé une femme de la communauté qui parle le kurmandji. J'espère vraiment pouvoir aider à établir ces liens. Cela dit, je travaille à temps plein et je suis moi-même mère de cinq enfants. C'est parfois difficile, mais c'est là une chose que j'aimerais vraiment voir se réaliser.
    Selon vous, quelles leçons avons-nous apprises qui vont nous permettre de mieux aider et de mieux intégrer les familles yézidies qui arriveront au Canada?
    Comme je l'ai déjà dit, nous ne pouvons traiter les immigrants de cette communauté comme nous traitons les autres nouveaux arrivants. Ils ont des besoins très particuliers dont nous devons tenir compte.
    Comme l'a dit Omar, il faudra peut-être plus de temps, mais cela en vaut la peine. On devra peut-être prolonger la durée des services d'interprétation. Les soins en santé mentale devront peut-être aussi être prolongés et aller plus en profondeur. Nous faisons ce qu'il faut, mais nous ne le faisons pas sur des périodes de temps assez longues, ni d'une façon qui ait suffisamment de profondeur et de sens.
    Je crois sincèrement que nous sommes sur la bonne voie, mais nous devons envisager sérieusement des améliorations, parce que, à l'heure actuelle, cela ne fonctionne pas.

  (0945)  

    Monsieur Chacon et madame Tabet, souhaiteriez-vous ajouter quelque chose au sujet des leçons que nous avons apprises et des façons d'améliorer l'intégration des nouveaux arrivants au pays?
    Certainement. L'une des leçons que nous avons apprises — un aspect que nous avions sous-estimé — a trait à la langue. Quand nous avons appris leur arrivée prochaine, nous savions seulement qu'ils parlaient le kurmandji. Il est très important de comprendre toutes les langues et tous les dialectes qu'ils parlent pour pouvoir répondre à leurs besoins. Souvent, ce qui est vraiment nécessaire, c'est de bien se comprendre. Nous prenons des mesures, mais parfois nous nous trompons.
    L'une des difficultés que nous rencontrons dans notre ville réside dans le fait qu'on leur appose la mauvaise étiquette. Comme les yézidis viennent des frontières d'Iraq et de Syrie, on suppose qu'ils parlent l'arabe et on dépêche des interprètes de langue arabe. En raison des expériences qu'ils ont vécues, c'est une insulte à leur endroit, d'une certaine manière. Il faut mieux éduquer les gens dans les différents centres et faire en sorte que nous disposions des ressources linguistiques pour pouvoir les aider...
    Dans quelle mesure ces dialectes sont-ils différents? Combien de dialectes sont parlés?
    La langue kurde se divise en deux dialectes principaux. Je crois que le kurmandji se divise en 12 variantes régionales, dont certaines ont une forme orale uniquement. C'est l'une des principales difficultés que de reconnaître les différentes communautés, leur provenance dans cette région du monde et le dialecte que les gens parlent, afin de répondre à leurs besoins.
    Monsieur Khoudeida, vous avez dit qu'il y avait environ 10 interprètes qualifiés à London. Parlent-ils un seul dialecte ou plusieurs dialectes?
    Ils parlent le kurmandji. La plupart d'entre eux sont des yézidis et ils parlent tous le même dialecte.
    Puis-je demander un éclaircissement au sujet du processus de qualification pour les interprètes? Vous avez utilisé le mot « qualifié ». Voilà qui m'inquiète, parce qu'on parle ici de questions de terminologie et de santé mentale très pointues. Quel examen permet d'obtenir la qualification d'interprète?
    Nous avons un programme au London Cross Cultural Learner Centre. Ils suivent ce programme. On les forme en particulier pour ce type de cas où la confidentialité est cruciale. On leur apprend ce qui doit être dit et ce qui ne doit pas être dit. Dans ce cours, on leur enseigne ce qu'ils doivent dire.
    En ce qui nous concerne, nous nous assurons d'abord qu'ils parlent couramment les langues entre lesquelles ils doivent interpréter. C'est la première étape. Ensuite, nous devons nous pencher sur les protocoles qui sont d'usage dans la communauté. Enfin, nous enseignons la terminologie, celle du milieu médical tout particulièrement. Nous n'allons pas dans les détails; nous laissons cela aux experts. Nous nous en tenons à l'aspect linguistique.
    Reconnaissez-vous qu'il existe une différence entre le fait d'être bilingue et le fait d'être un interprète?
    Oui.
    J'estime que c'est très important. Merci.
    Voilà qui met fin aux échanges avec notre premier groupe de témoins. Nous allons faire une courte pause, puis nous passerons au second groupe.

  (0945)  


  (0950)  

    Nous reprenons nos travaux.
    Nous allons commencer par la directrice de Multi-Languages Corporation, Mme Bendana à Toronto.
    Je ne sais pas si vous avez écouté la première heure de la séance. Nous parlons de ce sujet depuis un certain temps. Nous discutons tout particulièrement des problèmes linguistiques liés à l'établissement d'une communauté dont la langue n'est pas largement parlée et de la difficulté de trouver des interprètes qualifiés pour y oeuvrer. Cela dit, vous êtes libre d'user de notre temps comme il vous plaira.
    Vous avez sept minutes pour commencer, madame Bendana.

  (0955)  

    Monsieur le président, distingués membres du Comité, bonjour. Merci de m'avoir invitée à intervenir au sujet de cet enjeu très important.
    Merci aux interprètes, grâce auxquels notre voix sera entendue en français également.
    En plus de Multi-Languages Corporation, je travaille depuis 30 ans avec plusieurs associations et organismes à but non lucratif qui ont établi des normes de pratique, le programme de formation des interprètes et, récemment, un système d'agrément pour les interprètes communautaires en Ontario, ce qui constitue la base de la professionnalisation.
    Pourquoi avons-nous besoin d'interprètes professionnels? Pourquoi est-il important de soutenir l'agrément, la formation et l'évaluation des interprètes?
    J'aimerais d'abord raconter une petite histoire qui jette une lumière sur ce dont je parlerai ensuite.
    Un homme a appelé le 911. La police est arrivée. L'homme a dit que sa femme était folle, qu'elle sautait sur son lit. La policière s'est rendue dans la chambre à coucher et a constaté que la femme était agitée et incapable de lui dire ce qui se passait. Elle a décidé d'appeler une interprète, laquelle s'est présentée et a assuré les deux parties qu'elle allait interpréter avec exactitude et que tout allait demeurer confidentiel.
    Petit à petit, la femme s'est calmée. Par le truchement de l'interprète, la policière a appris qu'elle avait été agressée sexuellement de manière brutale. Son agitation était la conséquence de la douleur intense qu'elle ressentait. On a pu lui prodiguer des soins médicaux. La femme a pu communiquer avec précision qu'elle se sentait en sécurité à l'idée de recevoir ces soins. Voilà bien la différence que fait l'apport d'interprètes professionnels.
    Il y a une multitude d'exemples où cette différence s'est vérifiée. Nous la constatons tous les jours dans les domaines de la santé, de la justice et des services sociaux. Dans les groupes de réfugiés ayant des besoins importants, un immigrant qui reçoit les services d'un interprète professionnel rapidement aura un moins grand besoin en soins de santé. Il aura aussi moins de problèmes de santé mentale et coûtera moins cher à tous les paliers du gouvernement.
    Pour mettre les choses en contexte, nous savons — comme le montre l'exemple tout simple que j'ai donné — que les différences culturelles et linguistiques constituent les principaux obstacles à l'accès aux services publics au Canada, un pays où, comme on le sait, plus de 200 langues sont parlées. Nous savons aussi que les communautés ethnoculturelles présentent un faible taux de participation dans les programmes publics. Nous connaissons le rapport entre l'effet de « l'immigrant en bonne santé » et la barrière de la langue. Aussi, nous savons que les interprètes permettent de surmonter cette barrière. Par conséquent, le recours à des interprètes professionnels revient à donner à tous les Canadiens un accès égal aux services publics, tout particulièrement dans des domaines délicats comme les soins de santé, le milieu judiciaire, l'immigration, les services sociaux, les services d'établissement, etc.
    Je vais maintenant présenter brièvement le travail qui a été effectué au cours des 25 ou 30 dernières années au Canada, et plus particulièrement dans certaines régions de l'Ontario.
    En 2007, nous avons franchi une étape importante en publiant notre « Guide des normes nationales destiné aux services d’interprétation en milieu social ». Ces normes ont été utilisées à l'échelle nationale et internationale pour renforcer la certification des agences et l'agrément des interprètes communautaires. Nos tests destinés aux interprètes sont surtout utilisés en Ontario, mais ils le sont également en dehors de la province. Ils s'appellent ILSAT et CILISAT; je crois que vous en avez entendu parler lors de la dernière séance. Les deux examens évaluent les compétences des interprètes en interprétation consécutive et en traduction à vue. Ils sont offerts en plus de 70 langues.
    Nous disposons aussi d'un programme collégial, c'est-à-dire d'une formation postsecondaire de 180 heures qui a été mise sur pied en 2006 et qui est aujourd'hui offerte dans plusieurs collèges à travers l'Ontario. À l'heure actuelle, le programme peut être suivi en une année. Dans sa conception initiale, ce devait être un programme de deux ans. L'Université York offre aussi un programme d'un an.
    Je mentionnerai enfin une initiative plus récente que la formation et les normes, à savoir l'agrément pour les interprètes créé par le conseil ontarien pour l'interprétation communautaire, soit l'Ontario Council on Community Interpreting — l'OCCI. L'OCCI est un conseil multipartite regroupant des représentants d'organismes de différents secteurs, comme les interprètes, les collèges et les établissements de formation, les clients, les agences, etc. Cette accréditation, mise au point pour établir un étalon de mesure, a aussi été créée pour répondre au besoin constant en services d'interprétation de qualité au Canada. Cet agrément pour les interprètes communautaires — AIC en anglais — a été conçu pour tenir compte de toutes les langues qui font actuellement l'objet d'un examen d'interprétation.

  (1000)  

    Il y a plusieurs coûts et risques associés au fait de ne pas fournir de service d'interprétation professionnel. La mauvaise communication qu'engendrent les barrières linguistiques peut exposer les organisations à des problèmes juridiques et peut faire augmenter les coûts de santé à long terme, tant pour les nouveaux arrivants que pour le système de santé. Les immigrants en mauvaise santé imposent un coût social très élevé: augmentation du coût des soins de santé, absentéisme, handicap de courte ou de longue durée, productivité diminuée, chômage, pauvreté, etc.
    Vu les effets défavorables de services d'interprétation inadéquats sur des personnes dont la maîtrise de l'anglais est très limitée, les gouvernements municipaux, provinciaux et fédéral pourraient trouver difficile de réaliser la partie de leur mandat qui consiste à offrir l'égalité d'accès aux services à tous les Canadiens, comme le garantit la Charte canadienne des droits et libertés, la Loi sur la santé du Canada et le Code des droits de la personne de l'Ontario.
    Bien que la création de normes pour la formation et la certification constituent des avancées, plusieurs problèmes demeurent, comme le manque de financement pour mettre à jour le programme qui a déjà 10 ans et pour appuyer le processus de certification d'interprètes communautaires. Les interprètes qui oeuvrent dans les secteurs communautaires ont de très mauvaises conditions de travail, des taux horaires minimes, et ainsi de suite.
    Notre secteur a émis plusieurs recommandations. Premièrement, celle d'appuyer l'agrément. Deuxièmement, celle de soutenir les tests de langue. Troisièmement, celle de s'assurer que les gouvernements et les associations collaborent dans le but de faire progresser l'interprétation communautaire, afin qu'elle devienne une profession plutôt qu'une simple occupation, et de faire en sorte qu'un interprète soit mandaté chaque fois que la vie d'une personne est en danger.
    Nous aimerions vraiment obtenir cet appui et merci de votre temps.
    C'est très bien et cela fait exactement sept minutes. Je dois vous féliciter.
    Nous allons maintenant nous tourner vers Mme Labman de l'Université du Manitoba.
    Merci, monsieur le président, messieurs et mesdames les députés, pour cette occasion de m'exprimer devant le Comité.
    Je ne prétends pas être une experte de la crise des yézidis ou de leur réinstallation au Canada à ce jour. Mon rôle, tel que je le perçois, consiste à présenter une vision plus large du contexte du programme de réinstallation du Canada, comme certains des témoins que vous avez entendus jusqu'à maintenant. Je voudrais présenter trois arguments qui sont étroitement liés.
    Le premier porte sur les besoins de réinstallation des yézidis, qui pourraient augmenter, mais qui sont comparables aux besoins de tous les réfugiés nouvellement arrivés. Le deuxième est qu'en réaction à ces besoins, il semble y avoir eu jusqu'à maintenant un appui improvisé du privé, de groupes de bénévoles ici au Canada. Le lien entre les besoins énoncés et le parrainage privé doit être abordé. Finalement, il est important de garantir la dimension mondiale du programme de réinstallation du Canada.
    Si l'on examine les enjeux soulevés à ce comité ce matin par les autres témoins, il semble s'agir de problèmes de traduction. Le fait de prendre contact avec la communauté yézidie déjà au Canada, le logement, les retards dans le paiement des prestations pour enfants, la surcharge des travailleurs sociaux et le soutien pour traumatisme sont des défis que connaissent tous les réfugiés qui arrivent et qu'il faut aborder.
    Aucun de ces problèmes n'est le lot des seuls réfugiés yézidis et ils constituent l'aspect le plus difficile de la réinstallation. Ce que les témoins ont fait ressortir est le degré de dépendance du programme de réinstallation envers les organisations de bénévoles. Le mémoire de One Free World International mentionne qu'elles travaillent à « faire le pont entre les services » à Toronto. Le travail de Project Abraham, également de la région métropolitaine de Toronto, et d'Operation Ezra à Winnipeg semble confirmer ce besoin de combler les lacunes.
    Bien que je salue l'excellent travail de ces organisations, certaines préoccupations se font sentir là où il n'y a personne pour combler les lacunes. Même chez Operation Ezra à Winnipeg, que je connais mieux et qui accomplit un énorme travail, on constate un type de traitement et d'appui différent pour les réfugiés yézidis avec qui ils travaillent, par rapport aux réfugiés des autres régions qui arrivent dans notre collectivité, qu'ils soient parrainés par le gouvernement ou par le privé.
    On assiste à un traitement improvisé et différencié des réfugiés, dans les programmes de parrainage tant publics que privés, de même que dans le Programme mixte des réfugiés désignés par un bureau des visas. La demande insistante de Project Abraham de « les utiliser » doit être structurée de sorte que le soutien ne dépende pas de l'emplacement ou de la force et de l'organisation du centre de bénévolat.
    Je crois qu'une étude plus vaste en vue de l'expansion et de la promotion du Programme d'aide conjointe constitue une option valable. Project Abraham a fait remarquer qu'il était difficile d'avoir accès au Programme de parrainage d'aide conjointe. Lorsque des personnes d'Operation Ezra, qui soutiennent déjà 12 familles de réfugiés parrainés par le gouvernement, m'ont fait remarquer qu'ils préconisaient un modèle hybride de soutien aux réfugiés parrainés par le gouvernement, j'ai soulevé le problème du Programme de parrainage d'aide conjointe, qui ne leur avait pas semblé évident de prime abord.
    Le deuxième point concerne le fait que ces initiatives illustrent bien la privatisation de l'aide à l'installation par des bénévoles canadiens. Il y a un lien, car cela dépasse le parrainage privé. Je crois que c'est important, étant donné le passage du parrainage gouvernemental au parrainage privé qui est déjà en cours dans le programme de réinstallation du Canada.
    Au cours des dernières années, nous avons vu le nombre de parrainages privés surpasser celui des parrainages gouvernementaux, ce qui constitue un renversement de situation par rapport aux années précédentes. Selon les niveaux d'immigration prévus pour les trois prochaines années, le nombre de parrainages privés est plus que le double de celui des parrainages de réfugiés par le gouvernement. Vu l'augmentation croissante des parrainages privés, il est important de reconnaître l'importance du soutien privé des Canadiens et d'évaluer comment cette augmentation peut affecter leur capacité à combler les lacunes, comme cela a bien été articulé dans le cas des réfugiés yézidis et de leur installation.
    Il est également fort probable que l'on assiste à un effet d'entraînement au fur et à mesure que les réfugiés yézidis entreprendront de faire venir les membres de leur famille élargie et leurs amis. Vous avez entendu les précédents témoins y faire allusion. Operation Ezra a noté le besoin d'avoir plus d'ententes de parrainage pour les yézidis, tandis que d'autres témoins ont mentionné qu'il fallait faciliter la réunification familiale. Cela se concrétisera avec des parrainages privés, même si le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés a affirmé qu'il recevait, directement de la part des ONG canadiennes, des noms qui se retrouveraient dans le Programme des réfugiés parrainés par le gouvernement. Ainsi, bien que seuls 60 yézidis aient été admis dans le cadre du Programme de parrainage privé de réfugiés, ces chiffres augmenteront vraisemblablement.
    Finalement, c'est là mon troisième argument, je voudrais répéter certaines remarques que vous avez entendues du représentant du HCR.

  (1005)  

    Le HCR a 17,2 millions de réfugiés sous son mandat et 189 000 d'entre eux ont été réinstallés en 2016. On prévoit que plus de 1,2 million de personnes auront besoin d'être réinstallées en 2018. Les Syriens constituent 40 % de ce nombre, suivis des ressortissants de la République démocratique du Congo, avec 12 %, et de la République centrafricaine avec 8 %. L'Afrique est la région dont les besoins en réinstallation sont les plus importants, avec plus d'un demi-million de réfugiés de 34 pays différents qui ont besoin d'être réinstallés.
    Pendant ce temps, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés a vu diminuer de façon importante les engagements de réinstallation des États-Unis et de certains États européens. Bien qu'il faille parfois se concentrer sur certaines régions ou certains groupes dont les besoins sont particulièrement pressants, il revient au Canada d'établir un plan de réinstallation global qui s'appuie sur les priorités du HCR pour la sélection des réfugiés dont le besoin de réinstallation est le plus urgent.
    Il importe de signaler que les réfugiés parrainés au privé n'ont pas nécessairement été référés par le HCR, non plus qu'ils ne proviennent de sélections basées sur des critères spécifiques.
    Merci de m'avoir invitée à m'exprimer ici aujourd'hui. Je serais ravie de répondre aux questions.
    Merci beaucoup.
    Madame Taylor.
    Merci de m'avoir invitée à vous parler aujourd'hui, monsieur le président et membres du Comité.
    Tout comme la dernière intervenante, je ne me présente pas ici en qualité d'experte de la communauté yézidie. D'autant que je sache, nous avons accueilli très peu, peut-être même aucun membre de la communauté yézidie. Je suis ici pour représenter des milliers de membres de collectivités du Canada entier, particulièrement d'Ottawa, qui se sont mobilisés pour accueillir des réfugiés, particulièrement depuis le projet de réinstallation de Syriens.
    Réfugié 613 a été fondée en 2015 en réaction à l'énorme mouvement d'appui du public envers les réfugiés. Les Syriens nous ont rassemblés, comme nous nous plaisons à le dire, mais nous travaillons pour les réfugiés de tous les pays. L'infrastructure existante destinée à l'accueil de nouveaux arrivants n'était pas prête pour cette immense vague d'intérêt public envers le parrainage des réfugiés syriens ni pour les dons et le bénévolat à leur endroit. Il y a eu des failles de communication et d'information, faisant en sorte que les gens comprenaient difficilement comment ils pouvaient s'engager, s'engager de façon sécuritaire, garder le contact et comprendre leur rôle.
    C'est là que Réfugié 613 entre en scène. Nous n'offrons pas de services de première ligne, mais nous appuyons les gens qui le font avec des outils d'information, de communication et de mobilisation. Cela comprend: des bulletins d'information et des tables de réunion; des messages dans les médias sociaux; des présentations dans les écoles et dans des arénas publics; de l'aide aux personnes qui veulent aider les réfugiés à trouver les ressources et les partenaires qui les aideront. Nous avons été créés par un réseau d'agences de réinstallation de réfugiés, de conseils scolaires, de banques alimentaires, d'hôtels de ville et de personnes agissant dans l'intérêt des réfugiés.
    Nous croyons que le fait d'accueillir des réfugiés renforce la collectivité et qu'une collectivité mieux informée est une collectivité plus accueillante. Nous avons accueilli des réfugiés parce que nous savons qu'ils apportent des aptitudes et des perspectives nouvelles de même qu'ils sont des citoyens du futur, mais également parce que la réinstallation de réfugiés crée une occasion pour les Canadiens d'accomplir quelque chose de façon collective. Grâce au projet syrien, nous savons que des voisins ont appris à se connaître, qu'ils connaissent mieux leur ville, qu'ils connaissent mieux leurs organisations et qu'ils en savent plus sur le reste du monde. Outre un élan humanitaire évident pour l'accueil de réfugiés, nous y voyons une façon de souder les membres d'une collectivité.
    L'essentiel est de voir à ce que chacun se sente chez soi, incluant nos nouveaux résidents. Comment amener cela dans une population comme celle des yézidis, qui ont connu de tels traumatismes? Comme l'a fait remarquer le témoin précédant et d'autres témoins également, il s'agit d'une population très vulnérable. Cependant, nous savons également que le Canada a accueilli des populations très vulnérables auparavant et les défis sont les mêmes, à un degré différent. La langue, le logement, l'interprétation et l'inclusion sociale sont tous des défis que les réfugiés, peu importe leur provenance, doivent affronter.
    Nous croyons qu'il est d'une importance capitale de permettre à cette communauté d'établir ses propres priorités et de lui donner une voix, de l'écouter. De toute évidence, en ce qui a trait à cette communauté, il est important d'investir dans le soutien psychologique, mais je dirais que l'investissement dans le suivi psychologique est important pour toutes les catégories de réfugiés. Se voir délogé contre son gré est un traumatisme en soi, sans égard au reste. C'est ce que nous avons observé chez les Syriens. Nous devons investir dans un soutien psychologique créatif et souple qui puisse contrecarrer la stigmatisation culturelle à chercher du soutien. Nous savons que l'argent investi à présent protégera de précieuses vies pour l'avenir.
    Nous croyons également qu'il est important de comprendre et de nous adapter aux besoins de cette population dans toute sa diversité. Toutes les personnes n'aborderont pas l'intégration de la même façon, non plus qu'elles auront les mêmes problèmes, alors il est important d'éviter d'investir dans des programmes rigides qui imposent aux clients une manière de faire précise.
    J'écoutais les invités précédents et je voulais souligner l'importance d'investir dans le développement de pratiques exemplaires pour les professionnels de la réinstallation sur le terrain et les membres de la collectivité, afin de les aider à les propager dans toutes les collectivités où l'on réinstalle des yézidis.
    Les Canadiens veulent aider et cet élan constitue la base de l'intégration sociale. Cependant, le projet syrien nous a enseigné que l'aide de bénévoles n'est pas toujours nécessaire, qu'elle n'est pas toujours offerte de la meilleure façon ou acheminée de la meilleure façon. Nous croyons qu'il est important de tirer avantage de cette énergie et de former des gens, ce qui est d'une importance capitale dans le cas d'une population vulnérable comme celle des yézidis.

  (1010)  

    Nous croyons qu'il est important d'investir dans des programmes qui donnent aux collectivités d'accueil les outils et le soutien nécessaires à la formation d'une relation avec les nouveaux arrivants. Il faut financer les programmes de jumelage qui permettent de former les bénévoles en soins post-traumatiques et leur enseignent le comportement approprié, les couplent avec des familles de nouveaux arrivants et les soutiennent afin qu'ils entretiennent de saines relations. Voilà comment on crée un sentiment d'appartenance et qu'on s'offre une seconde chance dans la vie.
    Une autre façon consiste à investir en information, afin d'aider la collectivité d'accueil à mieux comprendre les nouveaux arrivants. Nous avons entendu plus tôt l'exemple d'une jeune fille de Calgary qui se sentait tiraillée entre deux groupes. Si vous le pouvez, organisez des formations discrètes, bien documentées et ciblées pour ceux qui travaillent avec ces groupes dans les écoles, comme le personnel soignant et ceux qui offrent des services. Ne tenez pas pour acquis que tous les employés affectés à l'installation comprennent ce groupe. Ils n'auront encore jamais travaillé avec eux et ils ont également besoin d'être formés. Cela facilitera leur expérience de l'intégration.
    En résumé, j'aimerais répéter ce qui a été dit auparavant sur les niveaux, de sorte qu'on mette les yézidis dans une catégorie à part, au-delà des niveaux actuels. Quiconque travaille avec des réfugiés se préoccupe du niveau de réfugiés parrainés par le gouvernement au cours des trois prochaines années et du recours au parrainage privé. Nous travaillons beaucoup avec des parrains privés. Nous croyons beaucoup en eux. Nous croyons qu'il s'agit d'un moyen extraordinaire et d'une innovation à l'échelle mondiale, mais ils ne constituent pas la seule réponse aux besoins de parrainage et ils ont besoin de soutien.
    Le mois dernier encore, j'ai eu la chance de me rendre en Europe, d'assister à des conférences et de rencontrer des dirigeants de la société civile européenne. Le plus souvent, venant de l'Europe, on n'entend parler que de xénophobes. C'était fantastique de se trouver dans des salles pleines de leaders de la société civile qui travaillent dur pour accueillir des réfugiés et qui sont à même d'apprécier tout le travail que nous accomplissons. Ils s'inspirent de nous, au Canada, pour notre leadership mondial. Ils s'inspirent de nos pratiques exemplaires pour prendre contact avec leurs gens, leur donner des idées, leur offrir du soutien moral et affirmer, en montrant l'exemple, que nous ne pouvons pas laisser nos voisins vulnérables souffrir.
    Ce n'est pas le moment de relâcher nos efforts. Je crois que nous devrions poursuivre notre engagement envers la communauté yézidie et d'autres communautés vulnérables qui souffrent ailleurs dans le monde, comme l'ont déjà souligné certains témoins.
    Je vais m'arrêter ici.

  (1015)  

    Merci beaucoup.
    Monsieur Anandasangaree.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais remercier les experts de leur présence.
    J'aimerais prendre une seconde pour revenir sur une remarque de Mme Labman.
    Vous avez laissé entendre — et je crois que cela se retrouve dans votre présentation, madame Taylor — qu'il y a 1,2 million de réfugiés qui devront être réinstallés en 2018.
    La façon d'établir des priorités demeure une question difficile. De quelle façon recommanderiez-vous que le gouvernement établisse ses priorités, entre les réfugiés parrainés par le gouvernement et, dans une moindre mesure, les réfugiés parrainés au privé, vu le nombre de conflits dans le monde qui ont atteint des niveaux catastrophiques? Il y a des conflits en Birmanie et au Bangladesh. Vous avez mentionné le nombre de pays africains où certains conflits ont créé des millions de réfugiés.
    Quelle grille d'évaluation utiliseriez-vous pour établir des priorités quant à la façon dont le Canada devrait accueillir des réfugiés?
    Dans une vie antérieure, j'ai travaillé comme conseillère auprès du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés à Delhi. Le HCR a des critères pour la réinstallation. Ils commencent par accepter ceux qui ont des besoins au détriment des autres. Je pense qu'il faut reconnaître que le HCR fait des évaluations basées sur les besoins dans les populations mondiales de réfugiés pour déterminer lesquels ont besoin d'être réinstallés. Ils catégorisent les gens en fonction de leurs besoins, en fonction de leurs besoins de protection juridique et physique, de leur situation comme survivants à la violence et à la torture, de leurs besoins médicaux, de leur situation de femmes à risque, etc.
    Notre programme gouvernemental de réinstallation se fonde sur ces références du HCR; notre programme de parrainage privé ne fonctionne pas nécessairement de cette façon. On a récemment assisté à des tentatives de contenir cela à l'aide du Programme mixte des réfugiés désignés par un Bureau des visas, en se limitant à des groupes de cinq qui avaient besoin de réinstaller des réfugiés reconnus.
    Cependant, la portée plus large des parrainages privés comprend généralement la réunification avec la famille élargie ou avec la communauté. Cela a pour effet que les yézidis que nous accueillons actuellement voudront à leur tour accueillir d'autres membres de leur communauté, et les gens que ces personnes voudront faire venir ne respecteront pas nécessairement les paramètres établis selon les critères du HCR.
    L'avantage des parrainages privés est qu'ils offrent en complément cette possibilité d'expansion. Mais ce que nous constatons — et à mon avis, cela constitue un problème — est que l'on compte de plus en plus sur les parrainages privés pour s'occuper de la sélection de nos réfugiés et de ce fait, nous perdons de vue les critères établis en fonction des besoins.
    Alors j'imagine, pour poursuivre dans la même veine, comment feriez-vous...? L'une des choses que le HCR ne fait pas est de catégoriser les gens selon leur ethnie ou leur religion, selon ce qu'on nous dit. Comment microcibler des zones de vulnérabilité pour cibler des réfugiés, les yézidis, par exemple? Ce n'est pas une communauté que le HCR peut normalement reconnaître comme groupe.

  (1020)  

    Si je comprends bien, le Canada a travaillé de concert avec le HCR pour cibler ce groupe, aux fins des intérêts particuliers du Canada, mais il ne se situe pas dans la norme habituelle du HCR. Comme le témoin précédant l'a mentionné, je crois que cela constitue une approche en soi que d'accorder à ces groupes particuliers une place en surplus des quotas, des cibles et des ambitions actuels. Lorsque vous faites venir ces groupes, vous le faites à cause d'un désir au sein du public canadien, d'un besoin de protection particulier qui existe sans l'ombre d'un doute. Mais si cela se situe hors du mandat de réinstallation de notre gouvernement, fondé sur l'évaluation réelle des besoins du HCR, on devrait en faire une catégorie différenciée. On devrait séparer cela du reste.
    D'accord.
    Madame Taylor, voulez-vous vous exprimer à ce sujet?
    Non, je pense qu'elle a tout dit.
    Passons à notre vision à plus long terme pour les années à venir, quand la crise frappera et que nous aurons une population hautement vulnérable, comment voudriez-vous que le gouvernement réagisse? Devrions-nous prévoir un engagement ou un espace pour disposer d'un système d'alarme, afin de réagir automatiquement aux situations de réinstallation de réfugiés?
    Est-ce que cette question s'adresse à moi?
    Oui.
    C'est ce qui s'est passé, je pense, lors de la crise syrienne, particulièrement en 2015-2016. On s'est rendu compte de la situation et le gouvernement a agi rapidement. Il y avait eu, avant cela, de nombreux messages des Nations unies auxquels nous aurions peut-être pu réagir beaucoup plus vite. Cela dépasse mes compétences, de toute façon, mais je pense qu'il s'agit d'être à l'écoute des messages de la communauté internationale.
    En fait, les répondants du secteur privé sont parfois plus près de ce qui se passe sur le terrain. Le parrainage privé est une solution qui fonctionne bien pour répondre aux besoins immédiats de protection. Il s'agit simplement que le gouvernement réponde aux messages émanant de la communauté internationale, aux messages émanant de la région touchée ainsi qu'aux messages du public canadien quant à l'importance de fournir une protection.
    J'aurais quelque chose à ajouter.
    Nous avons pu largement constater, ces deux dernières années, l'importance d'avoir des bonnes voies de communication et une bonne information. Il est vraiment important que le gouvernement prenne l'initiative d'expliquer aux gens de quelle population il s'agit et pourquoi il importe de continuer à l'accueillir. La diffusion d'une bonne information favorise un discours public sain et c'est vraiment primordial.
    Je crois qu'il me reste environ 30 secondes.
    En effet.
    Pour ce qui est de l'aide sur le plan de la langue, sur le plan de l'interprétation, une fois qu'une personne ou une famille arrive ici, quelle est la durée raisonnable de l'aide gouvernementale apportée pour la transition?
    Pourriez-vous préciser un peu ce que vous entendez par aide gouvernementale?
    On a mentionné notamment que sans communication, ces réfugiés ne peuvent pas s'intégrer. Les barrières linguistiques empêchent de leur fournir des services de soins de santé et des services d'accueil.
    La question est de savoir comment dispenser une formation en langues émergentes? Voilà la grande question. Nous avons peut-être suffisamment d'interprètes pour les principales langues, celles qui sont établies au Canada, car ils sont formés depuis de nombreuses années.
    Pour ce qui est de la durée, que voulez-vous exactement? Voulez-vous un interprète entièrement accrédité ou voulez-vous une formation expresse? C'est une chose que certains organismes sans but lucratif qui travaillent auprès des réfugiés essaient déjà de faire en dispensant une formation d'urgence ou expresse pour les langues émergentes.
    Au lieu de la formation habituelle qui dure toute une année, l'apprentissage peut se faire plus rapidement, peut-être en deux ou trois mois. Pour assurer une formation complète et maintenir les normes que nous souhaitons, nous devons veiller à ce que les personnes qui sont formées puissent faire le travail à un niveau satisfaisant.
    J'ai bien peur de devoir vous interrompre. Le temps de M. Anandasangaree est écoulé.
    Monsieur Kmiec.

  (1025)  

    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais commencer par Réfugié 613 et revenir sur la réinstallation des yézidis.
    Quand je suis venu au Canada, je ne parlais pas français ou anglais et j'ai commencé l'école cinq mois plus tard. Cela a été rapide. Pour pouvoir commencer, j'ai dû apprendre la langue très rapidement. Les témoins précédents ont mentionné une dame, Gule, que j'ai rencontrée à Calgary. Elle m'a expliqué les difficultés qu'elle avait eues à obtenir les bons services, mais ses problèmes, et ceux de toute la population yézidie, je pense, sont un peu plus importants. Vous avez mentionné la communication.
    Quand le gouvernement a décidé de faire venir des dizaines de milliers de réfugiés de la région, puis plus particulièrement les yézidis, il aurait dû prévoir, je pense, qu'il fallait des interprètes à l'aise en kurmanji, mais aussi en sorani, en zaza, en gorani ou les langues de la région. Il aurait dû comprendre qu'il y a différents dialectes de la langue kurde qui sont parlés différemment d'une région à l'autre. Ensuite, le gouvernement aurait dû le faire savoir.
    Vous avez mentionné la communication et l'importance qu'elle revêt pour les organismes bénévoles sur le terrain. Le gouvernement ne peut pas tout faire et j'ai constaté —  je suis allé à Calgary; je suis allé voir Operation Ezra, à Winnipeg et je suis allé à Toronto — qu'il y avait très peu de communication, même avec les différentes associations de la communauté kurde dans ces différentes villes.
    Quels échanges avez-vous avec ces groupes communautaires pour trouver...? Ce ne sont peut-être pas des interprètes qualifiés, mais ils pourraient combler les lacunes pendant les premières semaines. Ces personnes pourraient peut-être vous aider à comprendre d'où viennent les réfugiés, ce dont ils ont besoin et quels genres de services ils recherchent. Communiquez-vous avec les associations kurdes et les groupes kurdes sur le terrain de façon ponctuelle ou avez-vous des contacts réguliers?
    Ici, à Ottawa, nous n'avons pas de relations avec les organismes kurdes comme tels. Nous avons des relations avec les gens parce que Réfugié 613 ne fournit pas directement des services.
    Pour la communauté syrienne, de nombreux interprètes bénévoles sont venus nous voir en disant qu'ils parlaient l'arabe et qu'ils voulaient apporter leur aide. Nous avons aidé à organiser une formation pour l'accueil de la première vague étant entendu qu'il vaut toujours mieux recourir à des interprètes professionnels pour de nombreuses raisons. Néanmoins, dans une situation d'urgence, vous pouvez prendre des gens qui connaissent la langue en leur faisant comprendre que l'éthique et la confidentialité sont importantes et qu'ils doivent vraiment interpréter et non pas conseiller et guider.
    Néanmoins, nous n'avons pas l'expérience que vous recherchez pour pouvoir vous répondre.
    Vous n'avez pas été avertis? Un organisme comme le vôtre n'a reçu aucun avis, aucune instruction ou information du gouvernement?
    Dans le cas des Syriens?
    Dans le cas des Syriens et des yézidis, disons des Kurdes du Rojava.
    Je précise que nous n'avons pas participé à la réinstallation des yézidis.
    Pour ce qui est des Syriens et des autres groupes, nous savons que ce groupe linguistique arrive au pays. Nous voulons toujours plus de renseignements. Nos partenaires de la réinstallation obtiennent beaucoup de renseignements, mais ils en veulent toujours davantage.
    Recommandons-nous de fournir davantage d'information aux gens sur le terrain quant à savoir qui sont les gens qui arrivent et quels sont leurs besoins? Absolument.
    Je sais que pour la population syrienne, tout s'est passé si vite que tout le monde a fait de son mieux et que nos homologues de l'IRCC ont travaillé 24 heures sur 24. Ce ne sera jamais trop.
    L'important est de continuer à investir dans l'enseignement de la langue et de permettre aux gens d'apprendre la langue tout en exerçant un emploi afin qu'ils ne soient pas forcés de choisir entre les deux et qu'ils puissent s'intégrer sur les deux plans.
    À ce propos, il y a les services linguistiques appelés CLIC. Les services de réinstallation enseignent généralement jusqu'au niveau cinq de CLIC, ce qui ne permet même pas de soutenir une conversation en anglais ou en français.
    Quelqu'un comme Gule, par exemple, ainsi que de nombreux autres yézidis que j'ai rencontrés ont ce niveau de capacité, mais ces personnes préfèrent quand même se faire accompagner d'un ami ou de quelqu'un en qui elles ont confiance. À d'autres occasions, j'ai téléphoné à des résidants kurdes pour leur demander s'ils pouvaient me trouver quelqu'un parlant un certain dialecte et s'ils étaient d'accord pour interpréter pour moi afin que je puisse comprendre ce que les gens essaient de dire.
    Je pense que vous avez mis le doigt sur le problème. C'est d'abord une question d'interprétation et vient ensuite l'apprentissage de la langue, mais aussi la capacité de travailler dans la langue.
    Que constatez-vous chez les réfugiés avec qui vous travaillez? Apprennent-ils la langue? Le font-ils grâce aux services de réinstallation ou simplement en regardant la télévision et en essayant de l'apprendre avec leurs téléphones intelligents?
    La participation aux cours de langue a été considérable. J'ai rarement entendu parler de réfugiés qui ont refusé de suivre les cours de langue qui leur étaient offerts. La plupart d'entre eux profitent au maximum de chaque possibilité. Dans certains cas, le problème était le manque de disponibilité.

  (1030)  

    Il n'y a pas suffisamment de cours?
    En effet. Ensuite, il y a les gens qui veulent simplement travailler. Des gens m'ont dit: « J'ai été dans un camp pendant quatre ans. Je me suis tourné les pouces et je veux avancer dans la vie. Je veux travailler. » Ils veulent trouver un emploi qui leur permettra de joindre les deux bouts et cela soulève toute la question des répercussions à long terme. Néanmoins, j'ai constaté que la plupart des gens profitent de la formation linguistique qui leur est offerte.
    Les services offerts actuellement ne sont pas suffisants…
    C'est exact.
    … pour passer du niveau cinq au niveau huit de CLIC qui vous permet de travailler dans la langue.
    Oui. Je voudrais aussi mentionner — mes collègues qui connaissent mieux que moi la question linguistique pourront peut-être donner leur avis — qu'à ma connaissance, vous pouvez seulement suivre les cours CLIC si vous n'êtes pas citoyen. Une fois que vous obtenez la citoyenneté, cette porte vous est fermée. Ce problème existait déjà avant l'arrivée des Syriens et des yézidis. Les gens qui ont accepté un emploi de subsistance et suivi une formation linguistique, mais auraient vraiment besoin de poursuivre leur apprentissage n'en ont plus la possibilité.
    Monsieur le président, combien de temps me reste-t-il?
    Il vous reste environ une minute.
    Une minute?
    Non, une minute et demie, car j'ai accordé un peu plus de temps aux libéraux.
    Vous êtes tellement bon. Merci, monsieur le président.
    Madame Bendana, pourrais-je vous poser une question au sujet des services d'interprétation?
    Bien entendu, tout le monde préférerait avoir un interprète qualifié qui rendra vraiment le sens du message au lieu de faire du mot à mot. Vous voulez que l'interprète vous donne le sens de l'ensemble des mots prononcés afin que vous compreniez parfaitement ce qu'on essaie de vous dire. À votre avis, quelle devrait être la durée de ce service? Un réfugié, une personne qui arrive devrait être capable, à un moment donné, d'apprendre la langue. À votre avis, pendant combien de temps faudrait-il fournir des services d'interprétation avant qu'une personne maîtrise raisonnablement la langue avec l'appui, bien sûr, du gouvernement et des organismes privés?
    Cela dépend beaucoup des circonstances dans lesquelles la personne a besoin d'aide. Nous connaissons des gens qui sont ici depuis 20 ans, qui exercent des emplois et qui fonctionnent parfaitement au travail, mais dont les connaissances linguistiques sont insuffisantes lorsqu'ils vont à l'hôpital pour un problème cardiaque.
    Il y a différents niveaux de langue. La langue de tous les jours peut certainement se maîtriser en deux ans ou un an. Cela dépend vraiment de la communauté, de la personne et de son accès à des cours. Néanmoins, vous ne pouvez pas vraiment dire qu'une personne devrait, dans ce délai, maîtriser l'anglais à n'importe quel niveau. Si vous allez devant un tribunal, même si vous n'avez pas besoin de services d'interprétation pour travailler, vous pouvez en avoir besoin dans un tribunal. Ou si vous avez des problèmes de santé mentale, vous pourriez ne pas être à l'aise pour communiquer.
    À propos des interprètes qui se qualifient, constatez-vous qu'un grand nombre d'entre eux viennent de la région, qu'ils sont nés là-bas ou que ce sont des personnes de la deuxième génération qui ont une affinité naturelle…
    Oui.
    … ou parlent la langue en question? Ils la parlent couramment et perfectionnent simplement leurs connaissances pour pouvoir vraiment interpréter fidèlement.
    Dans ma propre famille, j'ai dû interpréter de l'anglais au français, de l'anglais au polonais, dans différentes langues, mais je ne suis pas qualifié pour le faire. Je parle couramment, mais pas dans les situations dont vous parlez, devant les tribunaux, la justice, dans le contexte médical…
    Je vois que vous répondez à la question du député par l'affirmative et nous allons donc prendre note, mais je vais passer à M. Cannings, qui a eu tout le temps de se préparer pour notre comité, je suppose.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous d'être venus aujourd'hui.
    Je voudrais faire suite aux questions de M. Kmiec sur les problèmes de langue.
    Jusqu'à tout récemment, ma fille enseignait l'anglais comme langue seconde à des réfugiés syriens et à d'autres immigrants dans un établissement de la Colombie-Britannique. C'était financé par des subventions du gouvernement fédéral, mais malheureusement, le budget a été réduit année après année. Quand nous avons fait venir des milliers de réfugiés syriens, le nombre de ses élèves a augmenté, ses heures ont diminué et comme il y a eu de moins en moins d'argent pour la réinstallation des réfugiés, il n'a pas été possible d'offrir des services de garderie aux parents qui avaient des enfants. Ma fille a fini par quitter son emploi, car elle ne pouvait plus vivre avec son salaire.
    J'aimerais que vous parliez tous les trois du fait que nous voulons faire venir davantage de réfugiés, mais sans leur offrir le soutien nécessaire et les compétences voulues pour qu'ils s'intègrent dans nos collectivités.
    Mme Taylor pourrait peut-être commencer.

  (1035)  

    Je compte sur les autres personnes qui sont plus compétentes que moi. Oui, nous pensons toujours qu'il faudrait davantage de services, surtout pour l'apprentissage de la langue, et faire preuve de créativité, par exemple en ce qui concerne l'acquisition de la langue au travail en collaboration avec les employeurs pour améliorer et accroître ces possibilités. Il faudrait des modèles innovateurs afin que quelqu'un… L'exercice d'un emploi est étroitement relié au sentiment de dignité et d'appartenance, mais quand c'est aux dépens de votre réussite à long terme dans la société. Comme on l'a dit, les gens peuvent vivre ici pendant 20 ans et se débrouiller, mais sans maîtriser suffisamment la langue pour améliorer leurs perspectives de carrière.
    Vous constaterez sans doute que tout le monde, dans le secteur des services et les secteurs communautaires, vous dira qu'il faut davantage de services. Quand vous allez à l'étranger, les gens sont sidérés par l'investissement que nous faisons au Canada dans l'infrastructure de réinstallation et par l'attitude accueillante que nous avons vis-à-vis des immigrants.
    Nous avons tendance à être très critiques envers nous-mêmes et à voir surtout ce qui laisse à désirer, j'ai donc un avis partagé. Je vois tout ce que nous faisons, combien c'est positif et j'en vois les avantages. Je rencontre tous les jours des gens qui ont bénéficié des services linguistiques, des services d'orientation professionnelle ou de consultation traumatologique, mais je vois aussi des gens qui n'y ont pas accès parce qu'il y a des listes d'attente ou parce que les programmes dont ils ont besoin ne sont pas assez souples.
    Une des personnes qui témoignent par vidéoconférence pourrait-elle parler de cette situation ironique où plus nous faisons venir d'immigrants et de réfugiés, moins nous consacrons d'argent à leur réinstallation?
    Je pourrais en parler.
    J'éprouve toujours des craintes quand il est question d'intégration et de réinstallation, car je souhaite voir la protection des réfugiés mettre l'accent sur la protection. Les discours au sujet des services, de l'intégration et de l'argent à dépenser pour bien réinstaller les réfugiés risquent toujours d'avoir pour conséquence une diminution du nombre d'arrivées.
    Jusqu'ici, le Canada a été très généreux et vraiment formidable. Je suis d'accord avec la personne qui m'a précédée pour dire que notre modèle surpasse largement celui des États-Unis, qui vous permet seulement de surnager ou celui des autres pays qui vous fournissent seulement un gilet de sauvetage. Nous offrons un soutien plein et entier qui reste quand même insuffisant, comme nous le constatons.
    Néanmoins, nous ne voulons pas sélectionner les réfugiés en fonction de ce qu'ils nous coûteront à réinstaller. Nous risquons de nous détourner de notre objectif de protection. C'est là que le public canadien se montre formidable en apportant son aide et son soutien. L'organisme Operation Ezra, à Winnipeg, offre des cours d'apprentissage de la langue aux réfugiés qu'il parraine et maintenant, les réfugiés à la charge du gouvernement peuvent également en bénéficier et c'est donc une aide supplémentaire. Je voudrais que l'on organise davantage le soutien du public aux réfugiés à la charge du gouvernement.
    Il vous reste une minute.
    Très bien.
    Au cours de cette dernière minute, l'un de vous voudrait-il parler de la situation des yézidis et du fait qu'il y a 65 millions de personnes déplacées dans le monde? Le NPD espère que toute aide aux yézidis s'ajoutera aux chiffres établis pour l'accueil des réfugiés et j'aimerais savoir ce que vous en pensez.
    Je tiens à dire que certains organismes de réinstallation, surtout à Toronto, ont adopté des stratégies pour former certains réfugiés comme interprètes. Il leur est difficile de terminer la formation, car il faut assurer la transition entre l'acquisition des compétences linguistiques et celle des connaissances supplémentaires nécessaires pour jouer le rôle d'interprète.
    Un autre élément très important est que ces personnes doivent guérir de leurs traumatismes pour pouvoir bien travailler comme interprètes. Les organismes de réinstallation y travaillent et bien sûr, un des problèmes est le manque de financement, car il s'agit d'un programme de formation de six mois. C'est un moyen de relever les défis que posent les langues peu répandues comme dans ce cas.

  (1040)  

    Merci beaucoup.
    M. Tabbara et M. Whalen se partagent le dernier tour.
    Monsieur Whalen.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Bien entendu, nous avons beaucoup entendu parler des besoins supplémentaires à combler sur le plan des ressources, de la capacité ou de l'infrastructure afin que si nous acceptons, l'année prochaine, jusqu'à 43 000 réfugiés et personnes protégées, nous soyons sûrs que l'aide gouvernementale nécessaire sera en place.
    Pour commencer par la langue, M. Khoudeida était ici avec le groupe précédent. Il est au Canada depuis 17 ans, je crois. Il fournit maintenant des services d'interprétation, mais cela lui a pris beaucoup de temps. Il a dit qu'il faut des années pour s'installer, devenir bilingue, et ensuite, devenir interprète.
    Madame Bendana, que peut faire le gouvernement fédéral pour aider à développer la capacité des services d'interprétation? Nous aurons peut-être besoin d'aider d'autres Rohingyas. Serions-nous prêts à fournir un service d'interprétation aux Rohingyas? Combien? Combien de temps cela prendra-t-il? Une approche patiente et mesurée a du bon, mais il semble nécessaire d'aller au-devant de certains de ces problèmes. Comment le gouvernement fédéral peut-il se préparer en vue de la prochaine crise?
    Absolument. Il y a des organismes qui travaillent pour soutenir la formation expresse dont j'ai parlé tout à l'heure. J'ai mentionné brièvement l'Ontario Council on Community Interpreting. Ce conseil compte des représentants des différents intervenants, y compris divers services de réinstallation de tout l'Ontario. Nous communiquons également avec des organismes en dehors de l'Ontario.
    Nous collaborons avec l'OCCI à la formation expresse qui ne durera pas une année complète, mais qui servira à évaluer les besoins immédiats des personnes parlant les langues courantes et émergentes. Bien entendu, un financement sera nécessaire, par conséquent, la communication… Je crois aussi qu'il faut définir ce dont une personne a besoin pour bien interpréter…
    C'est très intéressant, madame Bendana. En ce qui concerne le processus d'intégration existant pour les yézidis, avons-nous fait tout le nécessaire sur ce front ou avons-nous encore besoin d'évaluer la situation? Nous avons une bonne idée de la nature du problème et nous avons seulement besoin de plus d'interprètes?
    Oui, absolument.
    Une chose qu'une des autres personnes a mentionnée... Je ne suis pas une spécialiste de la communauté yézidie, mais je sais qu'en Ontario, il y a, dans les différentes associations, uniquement deux ou trois interprètes inscrits pour ces langues, ce qui évidemment n'est pas suffisant. J'en parlerai avec le conseil dont plusieurs associations membres pourraient fournir leur aide pour l'intégration de ce groupe.
    Merci beaucoup.
    Madame Taylor, en ce qui concerne les besoins d'infrastructure pour les organismes de réinstallation avec qui vous travaillez par l'entremise de Réfugié 613, quelles sont les aides mesurables et l'infrastructure que vos organismes requièrent pour répondre aux besoins non seulement des yézidis qui arrivent, mais de tous les réfugiés supplémentaires que nous allons accepter dans le cadre des niveaux établis?
    Ils ont besoin, je pense, d'une augmentation de leurs ressources actuelles, c'est-à-dire de plus d'argent pour le counseling en réinstallation, surtout le counseling en emploi; pour aider les employeurs canadiens à comprendre la valeur que les réfugiés peuvent avoir pour eux, leurs compétences et comment en faire le meilleur usage; et aussi pour mieux comprendre les pratiques interculturelles.
    Accueillons-nous les nouveaux arrivants et les réfugiés aussi rapidement que nous pouvons le faire? Les accueillons-nous trop rapidement? Avons-nous la capacité voulue ou la capacité dont nous disposons est-elle quelque peu insuffisante?
    Je me sens vraiment sur la sellette.
    Je dirais que pour les Syriens, nous avons procédé le plus rapidement possible et c'était à un rythme insoutenable. Tout le monde s'y est mis avec énormément d'enthousiasme et personne ne regrette de l'avoir fait, mais la capacité d'accepter davantage de réfugiés n'est limitée que par notre capacité ou notre désir d'investir pour les accueillir. Nous avons l'argent et nous avons la volonté. Si nous sommes prêts à faire cet investissement, nous pourrons faire venir beaucoup plus de réfugiés.
    Désolé, je vais céder la parole à M. Tabbara. Nous manquons de temps.
    Je voudrais faire suite aux questions de M. Whalen au sujet des ressources nécessaires.
    Madame Labman, vous avez mentionné que la région de l'Afrique a le plus grand besoin et qu'il y a une diminution du nombre d'immigrants accueillis aux États-Unis et en Europe.
    L'initiative du Canada a-t-elle été bien reçue sur la scène internationale? De quelles autres ressources avons-nous besoin ici pour atteindre notre objectif de 43 000 immigrants pour 2018?

  (1045)  

    Je peux fournir une réponse partielle. Je ne suis pas sûre de pouvoir répondre à la deuxième moitié de la question.
    Le Canada a toujours été un chef de file de la réinstallation des réfugiés. Nous avons été l'un des trois premiers pays depuis que nous avons signé la Convention sur les réfugiés et c'est seulement depuis la fin des années 1980 que nous nous considérons comme un pays de premier asile parce que, jusque-là, notre priorité était la réinstallation outre-mer. Le Canada a une bonne réputation à cet égard. À l'heure actuelle, le Canada est en train de partager son savoir-faire et ses connaissances à l'égard de parrainage privé avec les pays européens et autres qui cherchent des moyens différents de faire face à l'afflux des réfugiés en Europe où la situation est très différente de celle que nous connaissons ici.
    Je pense donc que le Canada est digne d'éloges. Je crois que nous devons examiner l'ensemble de notre processus. Nous devons nous pencher sur la protection que nous accordons aux réfugiés de l'intérieur qui viennent ici et demandent le statut de réfugié. Nous devrons examiner le programme de réinstallation du gouvernement ainsi que le parrainage privé. Il est absolument incroyable de voir à quel point le public canadien est prêt à faire venir des réfugiés, mais nous devons reconnaître que les personnes qu'ils font venir dans le cadre de ces programmes ne sont pas toujours les réfugiés dont le HCR a reconnu le besoin de protection. C'est problématique si cela fait augmenter nos niveaux.
    Je vais poser à Mme Taylor une dernière question. Vous avez mentionné dans votre témoignage comment se construit le sentiment d'appartenance et je crois que c'est grâce au logement, à l'emploi et à l'éducation. Une des mesures que nous avons récemment annoncées était une stratégie de logement de 40 milliards de dollars sur 10 ans qui va contribuer, je pense, au sentiment d'appartenance de nombreux Canadiens en plus des immigrants et des réfugiés. Pouvez-vous parler de la façon dont nous pouvons créer un sentiment d'appartenance? Êtes-vous d'accord pour dire que ces trois éléments sont une bonne façon de donner un sentiment d'appartenance aux nouveaux immigrants et aux réfugiés?
    Absolument, et je mettrais le logement en tête de liste. À Ottawa, le manque de logements abordables nous pose beaucoup de problèmes et les réfugiés comptent parmi les principales victimes de cette situation. Nous avons hâte d'avoir des précisions au sujet de cette initiative et de sa mise en oeuvre.
    Néanmoins, même quand vous avez une maison, un emploi et que vous pouvez parler la langue, si vous n'avez pas d'amis, si vous ne connaissez pas vos voisins, il est très difficile de ressentir un sentiment d'appartenance. Nous croyons que bien souvent, le sentiment d'appartenance ne naît pas spontanément. Vous devez le nourrir et offrir aux gens la possibilité de s'engager au moyen d'initiatives bénévoles, en les aidant à comprendre la culture canadienne et à s'y retrouver et, de façon générale, à créer les liens qui ne s'établissent pas toujours du jour au lendemain.
    Monsieur Whalen, vous pouvez remercier M. Cannings, qui m'a fait cadeau de 20 secondes dont vous pouvez bénéficier.
    Madame Taylor, vous avez utilisé tout à l'heure le mot « sidéré » et bien sûr, quand on lit que les Européens sont sidérés par ce que nous avons fait, on ne comprend pas forcément s'ils sont contents que nous en fassions autant. Pourriez-vous préciser ce qu'il en est?
    Tout dépend à qui vous parlez en Europe. Les gens de la société civile à qui je parle sont extrêmement jaloux. Il est certain qu'ils ne comprennent pas comment nous activons la société civile au Canada. Ils s'attendent à ce que le gouvernement fasse tout alors qu'au Canada, nous activons la société civile. Il leur faut un certain temps pour comprendre qu'il ne s'agit pas forcément de privatiser la réinstallation, même s'il y a un risque de ce côté-là comme on l'a mentionné plus tôt. La plupart des gens aimeraient avoir l'idéologie et l'attitude accueillante du Canada.
    Merci de l'avoir précisé.
    Merci beaucoup.
    Sur ce, la séance est levée.
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