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HESA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la santé


NUMÉRO 026 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 25 octobre 2016

[Enregistrement électronique]

  (0845)  

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte.
    Je souhaite la bienvenue à nos témoins. Nous avons un petit problème ce matin, dans la mesure où nous croyons qu'il y aura un vote vers 10 h 30 ou 10 h 40, et les députés devront aller voter. Nous allons revenir s'il reste du temps, mais, quoi qu'il en soit, nous ferons de notre mieux pour nous assurer d'entendre ce que vous avez à dire. Je sais que nous vous avons demandé de limiter votre déclaration préliminaire à 10 minutes, mais s'il est possible de resserrer cela encore un peu à cause des contraintes de temps que nous avons aujourd'hui, cela nous donnera plus temps pour vous poser des questions.
    Cela dit, je souhaite la bienvenue à tous les témoins. Je sais que nous allons entendre des témoignages intéressants. Nous allons commencer ce matin par le chef Isadore Day, chef régional de l'Ontario.
    Chef Day, je vous invite maintenant à présenter votre déclaration préliminaire.
    Tout d'abord, je veux reconnaître que nous sommes sur le territoire non cédé du peuple algonquin, et je tiens à rendre hommage au Créateur, à la création, aux prières et aux protocoles.
    Je vais tenter aujourd'hui de m’adapter aux contraintes de temps. Cependant, monsieur le président, j’aimerais commencer par dire que nous parlons ici de problèmes de longue date qui sévissent dans les communautés des Premières Nations de toutes les régions du pays. Les personnes qui souffrent des afflictions de la dépendance aux opioïdes vivent dans une prison où ils subissent une torture physique et psychologique, et je crois que nous devons nous assurer d’accorder le temps nécessaire à l’étude de cette question. Néanmoins, je vais m’adapter aux contraintes de temps imposées par la Chambre aujourd'hui. Je vais faire en sorte que mes collègues aient aussi du temps pour s’exprimer.
    Je témoigne ici à titre de chef régional de l'Ontario, de membre de l'exécutif de l'APN responsable du portefeuille de la santé et de président du Comité des chefs sur la santé de l'Assemblée des Premières Nations. De fait, je suis responsable des enjeux en matière de santé pour 633 nations au pays.
    Je suis ici parce que la crise des opioïdes qui frappe le Canada sévit dans de nombreuses communautés des Premières Nations. L'abus de médicaments d'ordonnance connaît une croissance exponentielle, et les communautés sont débordées par le nombre d'incidents de consommation de drogues illicites.
    La consommation et l'abus de substances a toujours été une priorité pour les peuples des Premières Nations et pour leurs dirigeants. De fait, selon un sondage national mené auprès des communautés des Premières Nations entre 2008 et 2010, la consommation et l'abus d'alcool et de drogues étaient considérés comme le plus grand défi que devaient relever les communautés dans les réserves au chapitre du mieux-être communautaire. Cet enjeu a été mentionné par 82 % des répondants, suivi du logement, à 70 %, et de l'emploi, à 65 %.
    L'abus de médicaments d'ordonnance est exacerbé par une violence répandue, par une pauvreté endémique, par la violence psychologique et par les traumatismes intergénérationnels persistants causés par la colonisation. Les retombées psychologiques et sociales des pensionnats ont aussi contribué énormément à l'ampleur du problème de la toxicomanie dans les communautés des Premières Nations, lequel affecte les gens de tous âges. Les jeunes des Premières Nations sont particulièrement vulnérables aux effets de la consommation abusive de substances.
    Cela nous amène à nous poser la question suivante: que pouvons-nous faire? Il faut en faire davantage, et c'est pourquoi nous sommes ici aujourd'hui.
    Pour réduire l’abus de médicaments d’ordonnance dans les communautés des Premières Nations, la décolonisation du système de soins de santé est essentielle. Il est impératif de mettre en oeuvre intégralement le « Cadre du continuum du mieux-être mental des Premières Nations ». Le cadre décrit des occasions de faire fond sur les forces communautaires et sur le contrôle des ressources pour améliorer les programmes de mieux-être mental existants qui visent les communautés des Premières Nations. Le cadre englobe les thèmes suivants: développement communautaire, propriété et renforcement des capacités; système de soins de qualité et prestation de services adaptés à la culture; collaboration avec des partenaires; financement souple et amélioré; et le fait de veiller à ce que la culture soit au centre du mieux-être mental et soit considérée comme un important déterminant social de la santé.
    Je le répète, nous avons fait le travail. Le continuum est le fruit de plusieurs années de travail, et nous avons ici un document que nous pouvons laisser aux membres du Comité.
    La mise en oeuvre complète comprend le fait d'accroître la quantité et la souplesse des ressources afin d'accroître la capacité, d'assurer la qualité des systèmes de soins et la prestation de services adaptés à la culture afin que toutes les Premières Nations aient accès au panier de services essentiels formant le continuum de soins. Un continuum de services complets et adéquatement financés comprend aussi l'octroi de financement à long terme pour des programmes communautaires liés à l'abus de médicaments d'ordonnance, comme le traitement de substitution aux opioïdes au moyen de la buprénorphine, ainsi que le traitement sur le territoire et d'autres traitements culturels.
    Je tiens à souligner, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, que nous sommes probablement des experts du recours à des solutions de rechange aux fins du traitement de la dépendance aux opiacés dans nos communautés. Toutefois, je dois insister sur le fait que nous découvrons que nombre de nos collectivités éloignées n'ont pas autant de services que d'autres régions. Dans les territoires éloignés et ruraux d'autres parties du Canada, il n'y a tout simplement pas suffisamment de ressources.

  (0850)  

    On arrive presque à régler le problème avec les solutions de rechange aux opiacés, mais il n'y a pas de suivi. Aucun investissement n'est effectué, et cela revient vraiment à jeter l'argent par les fenêtres. Cela revient en fait à perpétuer le cycle infernal de la toxicomanie. Ce qui arrive, c'est qu'il n'y a pas de soins de suivi, on ne mène pas à bien le continuum de soins de suivi, alors on n'obtient pas les résultats voulus, et cela complique les choses.
    L’une des choses que nous observons, monsieur le président, c’est qu'il faut absolument envisager le problème de la dépendance aux opiacés d’un… Si vous songez à ce qu'on fait dans le monde médical en situation de crise, on fait un triage, puis on envisage tous les aspects. On étudie l’environnement, la situation et la blessure et, dans le cas qui nous occupe, comme la toxicomanie est la blessure, on doit l’aborder d’une façon complète et très précise qui est fructueuse à l’échelle de la communauté. Dans le Nord, c’est une situation très différente. Nous avons effectivement besoin d’investissements fondés sur les résultats. Ces investissements doivent comprendre du financement pour des programmes sur le territoire. Ils doivent aussi englober les soins de suivi dans ces communautés du Nord.
    Quant au cadre du continuum de mieux-être mental, la création d'un cadre de promotion de la santé axé sur la culture et centré sur la collectivité est essentielle pour mettre au point des solutions de rechange efficaces au système de traitement actuel. Idéalement, un nouveau système permettrait aux Premières Nations d’intégrer leurs valeurs, leurs croyances et leur savoir traditionnel dans les programmes, de façon à faire reposer les soins de santé et la promotion de la santé sur la culture. C’est un plan qui procure un cadre général et qui permet aux communautés d’adapter les programmes et les services à leurs besoins particuliers afin de combler les lacunes actuelles dans les services.
    J'aime généralement terminer mes exposés, monsieur le président, mais j'ai avec moi Carol Hopkins, de la Thunderbird Partnership Foundation, qui est une experte du domaine. C'est une personne sur laquelle s'appuient les Premières Nations du pays. J'aimerais lui laisser quelques minutes de mon temps pour qu'elle puisse vous présenter des observations.
    Merci.

  (0855)  

    Allez-y, vous avez deux minutes.
    Bienvenue.
    Bonjour, je m'appelle Carol Hopkins, et je suis directrice exécutive de la Thunderbird Partnership Foundation. Nous avons pour mandat de mettre en oeuvre le cadre du continuum de mieux-être mental et le cadre renouvelé « Honorer nos forces ». Nous mettons l'accent sur le mieux-être mental, c'est-à-dire que nous nous intéressons à la toxicomanie et à la santé mentale.
    Je veux aussi commencer par vous remercier de l'invitation et vous témoigner notre reconnaissance pour cela et pour la possibilité de partager notre temps avec l'Assemblée des Premières Nations. Je tiens aussi à rendre hommage au peuple algonquin qui nous accueille sur son territoire aujourd'hui.
    Pour commencer, j'aimerais vous ramener en 2004, lorsque le troisième rapport de la vérificatrice générale critiquait la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits de Santé Canada pour la troisième fois, lui reprochant de ne pas en faire assez pour atténuer les problèmes liés à l'abus de médicaments d'ordonnance au sein de la population des Premières Nations et des communautés inuites. La Direction générale a ensuite établi un groupe de travail chargé de se pencher sur l'utilisation des médicaments, sur la prévention et sur la promotion.
    Le groupe de travail avait un mandat en trois volets. Le premier consistait à améliorer l'accès à l'information touchant les services de santé non assurés. Le deuxième était de communiquer avec les communautés des Premières Nations afin d'élaborer et d'instaurer une solution communautaire à l'abus de médicaments d'ordonnance. Le troisième consistait à travailler avec les prescripteurs afin de faire le point sur les pratiques et sur les situations de prescriptions excessives.
    C'était en 2004. Nous sommes 12 ans plus tard, et l'un de ces problèmes persiste, à savoir le fait que le financement destiné aux communautés des Premières Nations pour s'attaquer au problème de l'abus de médicaments d'ordonnance repose toujours sur des projets pilotes et des propositions. Le problème le plus critique, lorsque nous parlons de la crise des opiacés chez les Premières Nations, c'est que le financement annuel est octroyé à la lumière de propositions et que ces propositions ne sont pas toujours mises en oeuvre. Le financement est consenti une année à la fois, comme si on s'attendait, d'une façon ou d'une autre, à ce que la crise des opiacés qui sévit dans les communautés des Premières Nations soit enrayée en un an.
    La réaction à la crise des opiacés a été difficile, alors, surtout en raison du soutien inégal à l’égard de traitement dispensé par la communauté et fondé sur la culture. Une étude communautaire sur le mauvais usage des opioïdes a révélé que 28 % des adultes âgés de 20 à 30 ans participaient à un programme de traitement à la buprénorphine-naloxone. Pensez-y: 28 % de la communauté, c’est le double du taux de cas de diabète dans la même communauté. Nous avons du financement réservé, heureusement, pour nous attaquer aux problèmes liés au diabète dans nos collectivités, mais nous n’avons pas le même type de ressources lorsque vient le temps de réagir à la crise des opiacés.
    Le programme relatif à l’utilisation des médicaments, à la prévention et à la promotion a réussi à démontrer l’utilité d’un certain nombre de programmes communautaires et à lancer des projets pilotes. Nous avons aussi une étude de l’Université Lakehead faisant état du succès des programmes communautaires de lutte contre la dépendance aux opiacés. Vous entendrez parler d’autres programmes que nous avons dans le nord de l’Ontario qui démontrent l’importance et la portée de ce succès, qui ne repose pas sur l’apport d’intervenants des villes et d’autres collectivités, simplement parce que les programmes — fondés sur le travail d’équipe, centrés sur la communauté et fondés sur la culture — sont offerts. Pourtant, ces communautés ne comptent pas sur un financement annuel de base réservé à cet aspect dans leur budget pour les soins de santé.
    Madame Hopkins, je suis désolé, votre temps est écoulé.
    C'est le principal point que je voulais soulever. Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'en suis heureux. Merci beaucoup.
    Docteure Chase.
    Merci de me donner l'occasion de témoigner. J'ose espérer que cette consultation sera fructueuse et que nous n'allons pas poursuivre la tendance historique aux consultations qui ne mènent à aucune mesure, car il n'est pas exagéré d'affirmer que des vies sont en danger tous les jours à cause de la crise des opioïdes.
    Je vais vous parler aujourd'hui de ce que je connais le plus, c'est-à-dire les répercussions de la crise sur les Premières Nations du nord-ouest de l'Ontario. Je pratique au sein d'un cabinet qui sert des Premières Nations en région éloignée, et nous étions les premiers au pays, je crois, à lancer des programmes de traitement communautaires en partenariat avec les Premières Nations qui voulaient de l'aide.
    Je veux vous parler de trois choses aujourd'hui.
    La première est que les communautés ont travaillé avec leurs fournisseurs de soins primaires pour bâtir des programmes de traitement communautaires dirigés localement. Ils sont le fruit d'une initiative communautaire, ils sont novateurs et ils sont efficaces si vous les évaluez sous l'angle du nombre d'enfants qui retournent à leurs parents et du nombre de personnes qui sont capables de retourner au travail et aux études. Ils offrent un modèle qui pourrait être proposé aux peuples autochtones du Canada, et quand je dis « proposé », je ne veux pas dire imposé. Il y a des difficultés continues, et j'y arriverai, mais je tiens à exposer les trois points clés pour m'assurer d'avoir le temps de les présenter.
    La réaction de Santé Canada à cette crise s'inscrit dans un continuum allant du simple obstructionnisme au fait d'être tristement inadéquat. On interdit aux infirmières de travailler plus de 30 jours avec les clients du programme de traitement de la toxicomanie. J'ignore si les membres du Comité savent quoi que ce soit au sujet des maladies chroniques, mais on ne traite pas le diabète en 30 jours et on ne traite pas la toxicomanie en 30 jours; et la recherche scientifique démontrant qu'il s'agit d'une maladie chronique est abondante. Encore une fois, je vous parlerai plus tard des raisons pour lesquelles c'est problématique.
    Mon troisième point, et je crois qu’il est crucial, c'est la rupture. Notre premier ministre a utilisé la théorie de la rupture à des fins positives, et j’y crois. La rupture avec le statu quo des politiques coloniales archaïques et l’adhésion au principe de l’autodétermination pour les Premières Nations sont des éléments cruciaux pour mettre un terme aux traumatismes intergénérationnels. Je crois qu’une telle approche pourrait prendre la forme d'un soutien permettant aux gens d’élaborer des stratégies de guérison communautaires auxquelles ils croient, et j’entends par cela un soutien à long terme. Cela pourrait aussi supposer le financement de l’évaluation afin que des comptes soient rendus, mais je crois que c’est crucial.
    Je veux revenir à mon premier point au sujet des programmes de traitement et des défis connexes. Parmi les problèmes continus, mentionnons l’absence de financement stable ou adéquat et l’accès limité au traitement sur le territoire. Le prix du carburant dans les réserves est insensé. Nous avons constaté à maintes reprises que les clients se rétablissent lorsque les communautés peuvent s’engager envers ces programmes, mais que si les clients reviennent, surtout parce qu'ils ne sont sur le territoire qu’à court terme, le taux de rechute est élevé. Je crois que c’est un aspect très concret que vous pourriez offrir de soutenir, et c’est quelque chose que les communautés réclament depuis longtemps.
    Il n’y a pas de formation relative à la toxicomanie ni de traitement du traumatisme vicariant digne de ce nom pour le personnel de première ligne. Cela m'attriste chaque fois que j’y pense, car nos travailleurs se mettent en danger lorsqu'ils écoutent l’histoire de personnes qui ont subi des traumatismes incroyables. Nous avons peu de financement pour les former. Il s’agit de membres de la communauté qui, devant le refus de Santé Canada de redoubler d’efforts, ont décidé eux-mêmes de redoubler d’efforts. Ils font cela et sont traumatisés au quotidien, je n'ai pratiquement aucun moyen de les soutenir au-delà de mes fonctions en tant que médecin de famille. C’est inacceptable.
    Ma soeur travaillait dans une clinique d'Ottawa pour les gens de la rue. La formation qu'elle a reçue afin de pouvoir travailler à Oasis était incroyable. Les séances de verbalisation étaient phénoménales. Elle a été capable de faire ce travail pendant 16 ans. Je doute que nos travailleurs tiennent le coup aussi longtemps.
    Je peux vous parler un peu plus de Santé Canada. Je vous ai dit qu'il y a en fait une politique. Vous pouvez vous informer auprès de la section des soins infirmiers de la DGSPNI au sujet de la consigne qu'on a donnée au personnel infirmier. Je suis désolée de ne pas avoir apporté ce document, mais il a été distribué.
    Un membre du personnel infirmier peut aider tout au plus 21 patients pendant tout au plus 30 jours, alors ce qui est arrivé, c'est... J'hésite à même le mentionner, mais des personnes qui ne sont pas des professionnels des soins de santé s'occupent maintenant de l'entreposage, de l'administration et du dénombrement des doses de buprénorphine-naloxone, opiacé très puissant que nous utilisons pour traiter la toxicomanie, et elles font un travail fantastique.

  (0900)  

    Mais ce n’est pas acceptable. J’étais infirmière avant d’être médecin. Nous avions énormément de formation sur la responsabilisation entourant les stupéfiants, et pourtant… Ces membres de la communauté font ce travail, et je ne veux pas dénigrer leur travail, mais ce n’est pas juste. On ne verrait jamais un tel service — ou une telle absence de service, plutôt — ici dans le Sud. Cela crée un fossé entre les communautés et le poste de soins infirmiers. Les communautés disent que c’est leur préoccupation la plus urgente, et le personnel infirmier se fait dire par la DGSPNI qu’il ne doit pas se mêler de cela. Cela crée artificiellement… Cela crée un conflit à l’échelon local.
    Au sujet du dernier point, du fait d'adhérer au principe de l'autodétermination, j'ai inclus avec mon mémoire l'article rédigé par Chandler et ses collègues. Je suis désolée, mais il sera traduit; il ne l'a pas été encore. Cet article décrit de façon très convaincante un aspect qui servait de facteur de protection contre le suicide dans les collectivités autochtones de la Colombie-Britannique. Selon celui-ci, les facteurs de protection dans les communautés où le taux de suicide était inférieur à celui de la culture dominante ne tenaient pas à des aspects économiques. Ils étaient liés à l'autodétermination et à l'attachement à sa culture. Ce sont des choses concrètes que vous avez la possibilité de soutenir pour sauver des vies.
    Je pourrais vous raconter l'histoire — trop courante chez nous — d'une femme qui a commencé à renifler des Percocets parce qu'elle avait été agressée sexuellement pendant son enfance et dans sa vie adulte. Son mariage s'est effondré. Elle est passée du Percocet à l'oxy, et de l'inhalation à l'injection. Heureusement, elle a échappé à l'hépatite C, que nombre des personnes que je sers dans la communauté ont contractée. Trois de ses cinq enfants ont été pris en charge par l'État.
    Elle s'est inscrite à notre programme en 2011. Son mari est arrivé six mois plus tard. En toute franchise, d'après ce que j'avais vu, je ne croyais pas qu'elle s'en sortirait. Un jour, son mari est venu me voir; il m'a dit qu'il allait mieux et qu'il avait renoué avec son épouse. Il a dit qu'elle était vraiment forte. Je lui ai demandé qui était sa femme, et il a nommé cette femme dont j'avais présumé l'échec. Elle avait prouvé qu'elle était forte. Elle a retrouvé tous ses enfants. Elle a remis son mariage sur les rails.
    Son mari et elle-même travaillent, mais ses enfants ont des besoins multiples, y compris à l'égard des traumatismes qu'ils ont subis lorsqu'ils étaient séparés de leurs parents. Je n'ai accès à aucun service de thérapie familiale pour eux. Les enfants ont besoin d'évaluations. Je n'ai pas accès à des services d'évaluation. Ce n'est pas un niveau de soins acceptable. Mon collègue, le Dr Mike Kirlew, vous a parlé de l'absence de services à l'enfance dans les réserves situées en région isolée.
    Ce sont des choses concrètes que vous pouvez changer.
    Merci beaucoup de votre attention.

  (0905)  

    Merci beaucoup de nous avoir fait part de vos expériences personnelles
    Notre prochain invité est le Dr el-Guebaly, professeur au Département de psychiatrie de l'Université de Calgary.
    Merci beaucoup de l'invitation et de l'expérience. C'est la première fois que je comparais devant un de vos comités.
    Premièrement, j'appuie tout ce qui a été dit. Je me suis dit, en écoutant mes collègues ici, qu'il y a en fait un assez bon consensus sur la question, sur la nature des enjeux, et cela m'amène à me demander pourquoi, s'il y a un tel consensus, nous avons encore tant de mal à offrir les services requis.
    Histoire de mettre les choses en perspective... J'évolue dans le domaine en tant que médecin spécialiste des toxicomanies et psychiatre spécialiste des toxicomanies depuis 48 ans — trop longtemps —: lorsque nous parlons de drogues, nous ne devrions jamais oublier de parler d'abord de l'alcool et du tabac, puis des autres drogues.
    Je crois que nous sommes tous d'accord pour dire que le problème auquel nous faisons face est d'ordre biologique, psychologique, social et spirituel. Selon moi, il y a un solide consensus à cet égard. Chose certaine, les médecins qui se spécialisent dans le domaine en conviennent. Il ne s'agit pas d'agir sur un aspect ou sur l'autre. Il faut agir sur tous ces aspects. C'est tout ensemble.
    Je n'ai pu m'empêcher de penser qu'il y a 10 ans, je vous aurais probablement parlé de méthamphétamines. Avant cela, je vous aurais parlé de stimulants. Avant cela, je vous aurais parlé d'héroïne. Dans ce domaine, une crise n'attend pas l'autre; c'est une lutte continue.
    Je suppose que l'une des causes de notre présence ici est qu'à ce moment-ci, des centaines de nos patients dans l'Ouest du Canada succombent à des surdoses de fentanyl et de médicaments d'ordonnance. J'aime à dire aux gens que nous devrions malheureusement prévoir aussi la prochaine crise, et elle est déjà là. La prochaine crise ne tient pas au fentanyl. La prochaine crise est liée au carfentanil, qui est 100 fois plus puissant que le fentanyl. Qu'est-ce qui viendra après?
    Quelle est la grande différence dans la situation actuelle? La grande différence tient au fait que nos drogues pouvant entraîner une dépendance venaient autrefois des plantes. C'est maintenant chose du passé. Nos grandes drogues viennent maintenant de laboratoires. Par conséquent, la fréquence, la puissance et toutes ces qualités vont changer beaucoup plus rapidement qu'auparavant. C'est, à mon avis, un nouveau phénomène que nous devrions suivre de près.
    Je crois fermement qu'une crise est aussi une occasion, et, à la lumière de ce qui s'est produit dernièrement, j'aimerais seulement souligner quelques points qui pourraient nous donner de l'espoir.
    La crise actuelle comporte trois composantes.
    La première composante concerne les surdoses. C'est ce qui fait que les gens meurent. Des centaines de personnes ont perdu la vie. Sur le plan de la létalité, il y a bien longtemps que je n'ai vu autant de personnes mourir en si peu de temps. Elles ne sont pas toutes dépendantes: il pourrait s'agir de mon fils ou de ma fille qui se rend à un concert de rock et prend ces pilules bleues. Parfois, ils ne savent même pas ce qu'ils prennent. Tout à coup, la dépression respiratoire survient, c'est une situation d'urgence, et vous êtes chanceux si vous ne faites que perdre conscience. Il ne s'agit pas de toxicomanes. Ce sont des gens qui font des expériences. Ce que nous faisons maintenant, de plus en plus, pour prévenir les surdoses au sein de la population, c'est de faire des injections de naloxone. Je tiens à féliciter Santé Canada. Il ne m'arrive pas souvent de féliciter Santé Canada, alors saluons ses bons coups lorsque cela se produit. Le vaporisateur nasal de naloxone est un outil que nous n'avions pas il y a deux ans, et il est maintenant à la disposition de la population à l'égard des opioïdes.
    La deuxième composante est le gros problème entourant la douleur chronique. Nous avons de plus en plus de personnes âgées. Notre population vieillit et doit composer avec toutes sortes d'invalidités, toutes sortes de choses. En tant que médecin, j'ai assisté, durant les années 1980, à des conférences où on nous disait que nous étions opiophobes: les médecins avaient peur de prescrire des opioïdes, et on nous disait que le problème tenait au fait que nous ne savions pas comment traiter convenablement la douleur chronique, que nous ne savions pas ce que nous faisions, et que les opioïdes étaient la solution. Comme d'habitude, il y a ce retour du pendule, et maintenant nous devons composer avec cette épidémie à l'égard des médicaments d'ordonnance.
    Sur cette composante, deux choses. Premièrement, on déploie des efforts importants à l'heure actuelle pour informer les médecins. Il faut du temps pour renverser la tendance, mais je crois qu'il y a des signes montrant que la tendance sera renversée. Deuxièmement, le traitement de la douleur chronique ne se limite pas à la prescription d'opioïdes, au fait de donner de l'OxyContin à un patient. Le traitement de la douleur chronique est un programme complet qui suppose de recourir à un certain nombre de méthodes parallèles, dont les opioïdes font partie.

  (0910)  

    En passant, on observe de plus en plus que les opioïdes ne sont pas, en fait, aussi efficaces qu'on le croyait pour le traitement de la douleur chronique. La nature de ce médicament est telle que vous allez acquérir une dépendance après une période de trois à six mois.
    La troisième composante, alors, est la dépendance — et je suis d'accord avec mes collègues —, mais ce n'est pas la seule chose. Pour le traitement de la toxicomanie, à l'heure actuelle, il y a de nouvelles méthodes d'administration qui s'installent. En effet, l'un des aspects qui se sont avérés problématiques pour nous est l'inobservation des prescriptions par les patients. Les gens se font prescrire un médicament et ne le prennent pas. La même chose s'applique, en fait, aux patients schizophrènes, alors, en nous inspirant du traitement des schizophrènes, nous allons recourir de plus en plus à des médicaments administrés sous forme d'injection.
    Nous voyons un certain nombre de médicaments offerts aux États-Unis qui ne le sont pas encore ici au Canada. J'aimerais vraiment que le Comité formule une recommandation à ce sujet. Il y a un médicament qu'on appelle le Vivitrol. Certains des médicaments prennent la forme d'implants. Dans l'avenir, il y aura probablement des vaccins. Un certain nombre de choses s'en viennent. Pour une raison quelconque, on semble retarder son introduction au Canada, et je recommanderais qu'on fasse quelque chose à cet égard.
    Malheureusement, à mesure que les méthodes d'administration de nos médicaments changent, les méthodes de consommation des drogues changent aussi. Une des choses qui se démarquent à l'heure actuelle est la fameuse cigarette électronique. La cartouche pour la cigarette électronique, qui était censée ne pas poser problème et toutes ces choses, peut en fait être utilisée à un certain nombre de fins, y compris l'administration d'opiacés, y compris l'administration de votre drogue préférée. Cette nouvelle méthode d'administration est pour nous une grande source d'inquiétude.
    En remerciant le Comité de m'avoir écouté, je vais l'inviter à mettre la crise en perspective. Celle-ci présente un certain nombre de composantes, et je crois que des occasions s'offrent à nous. Je ne parlerai pas de solutions, car l'humanité a toujours eu à composer avec la dépendance, mais il y a certainement possibilité de réduire les méfaits aujourd'hui. Il y a donc aussi des possibilités qui s'offrent à nous.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous allons faire notre série d'interventions de sept minutes. Je fais habituellement preuve d'un peu de souplesse, mais je vais tenir tout le monde à sept minutes, car notre temps est limité par le vote qui s'en vient.
    Nous allons commencer ce matin par M. Kang.

  (0915)  

    Premièrement, je tiens à remercier tous les témoins de nous avoir fait part de leurs observations sur la crise à laquelle nous faisons face aujourd'hui.
    Ma question s'adresse à Isadore Day ou à Carol Hopkins. En Alberta, trois bandes de Stoneys Nakodas ont signalé en juillet de cette année que près de 60 % de leur population adulte était aux prises avec une dépendance aux opioïdes. En 2015, la Tribu des Blood a également déclaré l'état d'urgence à l'égard de ce problème. Quels sont les facteurs qui accroissent la probabilité que les Autochtones canadiens présentent une dépendance aux opioïdes.
    Je vais répondre à une partie de cette question, puis laisser la parole à Carol.
    C'est vraiment une question d'accès. Il faut se pencher sur l'histoire de la dépendance aux opioïdes dans nos communautés des Premières Nations. Il faut se pencher sur la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits et sur le programme des médicaments.
    J'ai été chef de la Première Nation de Serpent River pendant 10 ans. Nous recevions les rapports relatifs aux médicaments. Les deux principaux médicaments administrés dans notre communauté, les drogues affichant le taux le plus élevé, étaient la méthadone et les opiacés. C'était vraiment un problème systémique. La cause profonde de celui-ci est la façon dont la profession médicale réagissait aux problèmes de santé dans nos communautés. Les professionnels de la santé utilisaient les opiacés pour réagir aux problèmes et aux préoccupations en matière de santé de nos gens. Cela a donc permis l'établissement non seulement de la culture, mais d'une dépendance vraiment profonde aux opiacés.
    J'avancerai ici — sans aller dans les détails — que nous devons analyser ce problème selon une perspective systémique, car c'est une responsabilité partagée. Cela ne tient pas seulement à la personne. Le gouvernement fédéral doit vraiment cerner les aspects à l'égard desquels il est fautif. Le gouvernement fédéral est à blâmer pour une grande part des problèmes auxquels nous faisons face. Nos gens devront réagir à cela en tant que personnes, familles et communautés, mais c'est vraiment un problème systémique et chronique, et il tire ses origines des programmes qui sont administrés par le gouvernement fédéral.
    Carol.
    Oui, j'aimerais...
    M. Darshan Sing Kang: Vous...
    Mme Carol Hopkins: Allez-y.
    Vous pointez le gouvernement fédéral du doigt. Quelles sont ces erreurs que nous devrions étudier? Vous ne dites pas quelles choses... C'est une responsabilité partagée... Nous aimerions savoir où sont les erreurs du côté du gouvernement fédéral.
    Essentiellement, il n'y a pas de solutions de rechange. Nombre de nos gens n'ont pas accès à ces types de programmes psychosociaux ni à des façons de composer avec les traumatismes historiques ou la douleur physique. La réalité, c'est qu'il s'agit d'une occasion d'investir. Comme l'a dit mon collègue, c'est une crise, mais c'est aussi une occasion. Ce que cela veut dire, au bout du compte, c'est qu'il y a un système de soins de santé à deux vitesses dans notre pays. Les Premières Nations ne bénéficient pas du même niveau de soins de santé que le reste de la population canadienne. Les statistiques le prouvent. Nous savons qu'il y a un écart.
    Je crois qu'il faut égaliser cela. Lorsque nos Premières Nations auront accès à des programmes et services de santé appropriés, lorsque nous obtiendrons effectivement l'équité en matière de soins de santé au pays, les Premières Nations seront en mesure de s'attaquer à ce problème.
    Oui, comme je l'ai dit plus tôt et comme l'a déclaré mon amie la Dre Claudette Chase, le système de soins de santé primaires que nous avons dans les communautés des Premières Nations se résume au poste de soins infirmiers. Le personnel infirmier employé par Santé Canada n'est pas habilité à soutenir les personnes aux prises avec une dépendance aux opiacés dans leur propre communauté au-delà de 30 jours. C'est un des problèmes.
    Le deuxième, c'est que nous n'avons pas accès au traitement pour la dépendance aux opiacés, et lorsque cet accès est offert, il ne l'est qu'à court terme. Faute d'accès au traitement, nombre de personnes souffrent au sein de leurs collectivités, ce qui mène à la consommation de drogues illicites, et le problème se poursuit.
    Je vous remercie de mentionner le sud de l'Alberta, car je veux aussi souligner que la recherche relative à la toxicomanie montre que les lésions cérébrales occasionnées sont permanentes et irréversibles. Selon moi, le recours au traitement d'entretien à la méthadone est une solution raciste, car les gens des communautés autochtones ont dû quitter leurs collectivités pour accéder au traitement, et les médecins prescrivent surtout l'entretien à la méthadone, affirmant que le patient suivra ce traitement jusqu'à la fin de ses jours.

  (0920)  

    Merci.
    Vous avez parlé un peu de la naloxone. À votre connaissance, est-ce que toutes les communautés des Premières Nations ont accès à la naloxone pour traiter les surdoses d'opioïdes?
    J'ai une autre question. Y a-t-il des différences dans la façon dont cette crise s'est fait sentir dans la population urbaine par rapport à la population rurale, et quelles sont les différences ou les similitudes dans la façon de réagir à cette crise?
    Ce sont deux questions.
    L'accès à la buprénorphine et à la naloxone pose problème pour les communautés des Premières Nations. Nous avons réussi à obtenir un accès accru à la buprénorphine et à la naloxone — en vertu d'une exception touchant les services de santé non assurés — et le ministre ontarien de la Santé vient d'annoncer un accès accru.
    Le programme dont parlait la Dre Chase connaît du succès parce qu'il utilise la buprénorphine et la naloxone. J'encouragerais le recours à la buprénorphine et à la naloxone comme traitement de premier recours pour les populations autochtones aux prises avec un problème de dépendance aux opiacés, car cela nous permet de veiller à ce que les gens restent dans leur collectivité et d'adopter une approche d'équipe. Santé Canada doit modifier ses politiques relatives aux soins infirmiers dans ces collectivités — pour qu'il soit question d'un programme de soins primaires fondé sur l'effectif plutôt que d'un programme de soins infirmiers — afin que le personnel infirmier puisse travailler avec d'autres intervenants dans la collectivité.
    L'autre question que vous avez posée... je ne suis pas certaine d'y avoir répondu.
    Non, les trousses de naloxone ne sont pas faciles à se procurer. C'est vrai. Nous avons besoin d'un meilleur accès à la naloxone, et nous avons besoin de soutien pour améliorer la distribution de naloxone aux populations à risque élevé.
    Votre temps est écoulé.
    Monsieur Carrie.
    Merci beaucoup aux témoins d'être ici aujourd'hui. Je crois que nous pourrions probablement passer beaucoup plus de temps avec vous, et c'est peut-être quelque chose que nous devrions envisager.
    J'aimerais avoir quelques précisions. Nous cherchons tous des solutions. Vous connaissez peut-être Alvin Fiddler, qui était grand chef adjoint de la nation Nishnawbe-Aski il y a quelques années. Avec Deb Matthews, qui était ministre en Ontario à l'époque, il faisait campagne pour que tous les emballages d'opioïdes soient inviolables, car un des aspects problématiques, je suppose, dans les Premières Nations... Mme Matthews a même dit que, dans une localité du nord de l'Ontario, 85 % des membres de la collectivité étaient dépendants aux opioïdes.
    Docteure Chase, vous avez parlé de gens qui se procurent de l'OxyContin générique et qui l'écrasent pour le renifler ou se l'injecter, ce qui est très problématique. J'aimerais savoir si vous appuyez toujours l'idée d'exiger des emballages inviolables pour toute cette catégorie de médicaments.
    Et je me demande si vous pourriez répondre à une autre question: combien d'argent est affecté à la santé mentale et à la toxicomanie chez les Premières Nations, et quels services sont offerts avec cet argent?
    Je vais parler d'abord des emballages inviolables. Ils ne fonctionnent pas. Les personnes qui sont dépendantes sont en proie à des douleurs physiques, affectives et mentales énormes, et cela les motive à trouver des moyens de contourner ces choses. Cela peut ralentir le processus menant à l'injection, mais cela n'empêche pas les gens d'y accéder.
    Je vais laisser les autres parler du montant affecté à ces aspects, mais je peux dire qu'à l'échelon communautaire à Eabametoong, la communauté a pris de l'argent destiné à d'autres projets afin de charger un titulaire d'une maîtrise en travail social de venir offrir des services de counseling. Il y a un intervenant en toxicomanie dans une collectivité où, selon un sondage mené il y a cinq ans, 400 personnes admettaient ouvertement leur dépendance aux opioïdes. Un seul travailleur. Ensuite, il y a trois intervenants en santé mentale ayant divers niveaux de formation et de compétence qui sont issus de la communauté et qui travaillent avec les gens dans le cadre du programme.
    Le programme obtient du financement de Santé Canada, et ce soutien est dans la partie supérieure du spectre pour ce qui est de l'utilité. Il s'agissait d'un programme annuel, alors les responsables du programme consacraient chaque année leur énergie à la rédaction d'une nouvelle proposition. Un informateur à Santé Canada m'a dit qu'on avait conseillé de financer ces programmes à environ 60 %. Je ne peux le garantir, mais je crois qu'il s'agissait d'un renseignement exact, alors nous avons un programme où le financement et l'effectif sont insuffisants. Nous avons des gens sur la liste d'attente qui attendent de participer à notre programme. Nous n'avons pas suffisamment de personnel pour administrer directement le Suboxone, alors peu importe le niveau du financement, il ne s'agit pas d'un financement adéquat pour un programme de traitement communautaire.
    Ensuite, il y a l'effet domino. La Première Nation de Pikangikum — dont la plupart des membres du Comité ont, j'en suis certaine, entendu parler — est aux prises avec une crise du logement énorme. J'ignore combien de maisons elle obtient par année, mais personne n'a jamais dit: « Voici combien de maisons il vous faut, et nous allons les bâtir cette année parce que nous savons que c'est la raison pour laquelle vous avez toujours des problèmes de tuberculose, de fièvre rhumatismale et toutes ces choses. »
    Je crois que c'est la même chose pour le traitement de la toxicomanie. Nous savons combien de personnes sont dépendantes. Les communautés le savent. Elles savent ce dont elles ont besoin. Prévoyons donc un financement adéquat. Reconnaissons que le financement doit être consenti pour des périodes de cinq ans, au strict minimum, et commençons à sauver des vies.

  (0925)  

    Je crois que nous avons entendu dire que la prévention était l'un des meilleurs moyens. Je crois que c'est le chef, peut-être — je ne me souviens pas de l'auteur de la citation — qui a dit: « Les vendeurs de drogue, dans ma collectivité, portent des sarraus blancs. » Nous avons reçu des témoins selon lesquels les médecins avaient un rôle à jouer dans ce dossier, et le chef Day a parlé du programme. Il semble que le plus simple, ce serait de distribuer les opioïdes plutôt que de chercher des traitements à long terme.
    Je me pose des questions sur toute cette notion de bonnes ordonnances. Encore une fois, nous vous demandons des conseils. Si vous aviez à élaborer une solution et à nous présenter quelques recommandations concrètes sur ce que le gouvernement fédéral devrait faire différemment, la surconsommation d'opioïdes, qu'auriez-vous à dire?
    Je ne peux parler que pour mon domaine de pratique, c'est-à-dire pour les médecins qui travaillent dans le secteur de Sioux Lookout. Nos habitudes touchant les ordonnances sont fondées sur la prudence. Lorsque nous prescrivons des opioïdes, c'est souvent en raison du manque de financement de la physiothérapie et de l'ergothérapie. Il y a des gens qui se blessent, au travail, et qui n'ont pas accès à des services de ce type. Les services de base, qui feraient en sorte qu'une douleur ponctuelle ne devienne pas une douleur chronique, ne sont pas accessibles.
    Nous faisons face à certains défis, mais, à Thunder Bay et à Winnipeg, les spécialistes sont de moins en moins portés à renvoyer chez eux des patients ayant besoin de soins orthopédiques après leur avoir remis une ordonnance de 200 comprimés de Percocet, qu'ils devront prendre en une semaine. Nous faisons bien attention à nos habitudes en matière d'ordonnance. Je vous remercie d'avoir soulevé la question. Je dois absolument remercier les médecins qui ont fait les premiers pas dans cette voie. Nos habitudes en matière d'ordonnance, en Ontario, sont à l'origine de tout cela, mais c'est souvent parce que nous n'avons pas d'autres services à offrir. Si nous pouvions avoir, dans ces collectivités, des services de physiothérapie, d'ergothérapie, de massothérapie ou de chiropractie, nous pourrions combler les besoins de bon nombre de mes patients arthritiques, à qui je me vois obligée de fournir...
    Je me demandais si les deux autres témoins ne pourraient pas eux aussi faire un commentaire.
    Dre Claudette Chase:Certainement.
    M. Colin Carrie:Je suis chiropraticien. Si l'on prescrit des opioïdes à 70 % des patients qui ont des maux de dos, c'est parce qu'il n'y a aucun autre service à leur offrir.
    Je crois que tout le monde voudrait faire un commentaire.
    Très rapidement, j'aimerais m'assurer que nous ne réagissons pas de façon impulsive en décidant, d'un seul coup, de ne plus prescrire d'opioïdes. Malheureusement, j'ai l'impression qu'une partie de la crise du fentanyl s'explique par le fait que certaines personnes ont été réduites au désespoir après avoir été subitement privées de leurs médicaments.
    Nous parlons d'une réduction progressive, en mettant l'accent sur la « progressivité », et nous parlons aussi de la réduction progressive avec solutions de rechange. Je sympathise avec la Dre Chase. Quand vous n'avez rien d'autre à offrir, il est, disons, difficile de trouver des solutions de rechange. Nous avons réellement besoin d'une approche systématique qui visera à financer ces solutions de rechange et aussi à les rendre accessibles.
    Je serai très bref.
    Permettez-moi de parler de la solution de très haut niveau. Il s'agit en fait d'une transformation sur le plan de la santé et de la compétence des Premières Nations en matière de santé. C'est la place que nous devons occuper, puisque, essentiellement, compétence veut dire autorité et qu'autorité veut dire responsabilité. Jamais, dans notre histoire, notre capacité de régler nous-mêmes nos propres problèmes n'a été respectée.
    Prenons par exemple le régime de la Loi sur les Indiens. Ce régime, en réalité, est au cœur de l'oppression et des règles imposées par autrui qui ont affecté au quotidien la vie des Premières Nations, c'est-à-dire leur territoire, leurs peuples, leur économie. C'est la première chose.
    Réfléchissez une seconde à ce qui s'est passé ici, semble-t-il, au cours des deux dernières décennies, vous vous rendrez compte que deux études importantes ont été réalisées. Il y a, d'une part, la Commission de vérité et réconciliation. Il y a, d'autre part, la Commission royale sur les peuples autochtones. Ces deux études ont fourni les jalons dont nous avions besoin. Le premier a trait à l'autodétermination sur le plan institutionnel, c'est-à-dire, en réalité, l'imposition de la Loi sur les Indiens. Cela concerne l'appartenance à une nation et l'ensemble de la collectivité. L'autre jalon, c'est la Commission de vérité et réconciliation qui a débouché sur 94 recommandations de mesures concrètes. Toutes les solutions s'y trouvent. Voilà la solution de très haut niveau.
    Les Premières Nations de l'Ontario se sont penchées sur cet enjeu. Il y a quelques années, nous avons décidé d'étudier la question. Dans ce rapport, nous avons présenté notre position et examiné quatre domaines stratégiques visant à régler le problème de la dépendance aux médicaments d'ordonnance.
    Le premier domaine, évidemment, s'attache à la prévention et à la promotion de la santé. Le second s'attache à l'établissement de relations saines à tous les niveaux dans le but de régler ces problèmes complexes, car il s'agit d'un problème très complexe. Cela suppose que tout le monde fera partie de la solution.
    Le troisième vise à réduire l'approvisionnement, et je crois que l'approche progressive qui vise à mettre fin à cette insidieuse accoutumance est vraiment l'approche à adopter. Le quatrième a trait au continuum de soins dont nous avons besoin, qui doit être mis en place ici, et, encore une fois, il faut que les Premières Nations en soient responsables, qu'elles puissent le gérer et qu'elles soient respectées, dans ce processus.
    De manière générale, il faudra avoir accès aux investissements nécessaires pour régler le dossier. Le problème qui nous préoccupe, aujourd'hui, en ce qui a trait à l'examen commun des services de santé non assurés offerts au Canada aux Premières Nations, c'est le fait que, historiquement, le programme n'est pas fondé sur les besoins. Il est fondé sur des niveaux de financement, et l'argent alloué par le Conseil du Trésor n'est pas vraiment fonction du coût de la solution. Encore une fois, on jette de l'argent par les fenêtres sans nous attaquer réellement aux racines du problème pour éradiquer les terribles difficultés que pose par exemple l'accoutumance aux opiacés.
    J'aimerais souligner au Comité que nous avons besoin de dépenses en investissement. C'est la seule façon de faire.

  (0930)  

    Monsieur Davies.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins de s'être présentés ici aujourd'hui. Vos témoignages sont très convaincants et utiles.
    J'aimerais pour commencer établir un point de référence.
    Docteur el-Guebaly, vous avez très bien fait à mon avis de souligner que, à bien des égards, nous sommes aux prises avec ces enjeux depuis longtemps. Les substances changent, mais les causes, les défis, le manque d'activités et l'absence de mesures demeurent les mêmes.
    J'aimerais demander à chacun de vous de me dire rapidement si, selon votre expérience, les taux de dépendance augmentent, diminuent ou restent à peu près les mêmes.
    Madame Hopkins.
    Le problème de la dépendance reste en tête des problèmes signalés par les Premières Nations. Les répondants de l'Enquête régionale longitudinale sur la santé des Premières Nations ont dit — dans une proportion de 82 % à l'échelle du pays — que la toxicomanie était l'obstacle numéro 1 au bien-être des collectivités des Premières Nations. Cela ne vous surprend peut-être pas, mais il est surprenant de constater que 82 % des répondants affirment que la toxicomanie est le problème numéro 1, avant le logement et avant l'emploi.
    Les collectivités des Premières Nations cherchent depuis longtemps à régler le problème de la toxicomanie dans leurs collectivités, mais, encore une fois, elles ne peuvent compter que sur des formules dépassées plutôt que sur une analyse des besoins. Certaines collectivités reçoivent un financement per capita, ce qui n'arrive même pas...
    [Note de la rédaction: inaudible] J'aurais quelques questions à poser.
    Mme Carol Hopkins: D'accord.
    M. Don Davies: J'essaie tout simplement de savoir si la situation s'améliore ou si elle empire. Je sais que c'est d'une importance cruciale.
    Nous constatons que les programmes actuellement offerts donnent de bons résultats, mais est-ce qu'ils répondent aux besoins? Non.
    D'accord.
    Monsieur Day, est-ce que le problème de la toxicomanie est plus important, moins important ou toujours aussi grave?
    Je crois que vous devez voir la toxicomanie comme un problème systémique. Je crois que nous pouvons certes regarder les chiffres, générer des statistiques, mais c'est un problème très complexe. Par exemple, le coût financier de l'alcoolisme ou de la surconsommation de la marijuana est, dans certains cas... je n'aime pas faire cette comparaison, parce que toute toxicomanie est mauvaise, mais quand vous parlez du fentanyl et du type d'opiacés qui font des ravages dans nos collectivités, le coût est énorme.
    J'aimerais également dire que, à mon avis, il faudrait peut-être commencer à établir des corrélations entre la pauvreté, l'alimentation, le diabète et la toxicomanie. Puisque nous avons des taux élevés de diabète, nous sommes plus susceptibles de présenter également des taux élevés de toxicomanie. C'est tout ce que j'avais à dire.
    Docteure Chase, est-ce que la toxicomanie devient plus importante ou moins importante?
    Je travaille dans la région de Sioux Lookout depuis 1982; quand j'y suis arrivée, j'étais infirmière dans un avant-poste. À mon arrivée, l'alcoolisme était le problème le plus important. De nombreux patients m'ont dit que l'OxyContin, lorsqu'il a été introduit et prescrit, leur a permis pour la première fois de toute leur vie de se sentir détendus plutôt qu'anxieux. Vous connaissez tous l'histoire. Le médicament a été conçu pour avoir cet effet-là.
    Je dirais que les gens sont plus nombreux à consommer de la drogue qu'ils l'ont jamais été à consommer de l'alcool; je dirais que les taux augmentent et que les consommateurs sont de plus en plus jeunes. Nous avons vu, dans certaines collectivités, des utilisateurs de drogues injectables âgés de 12 ou de 14 ans.
    Les chiffres me semblent élevés, mais une partie du problème, c'est que nous n'avons pas tous les chiffres. J'aimerais répéter qu'il s'agit d'un problème systémique complexe et que nous avons besoin de données.

  (0935)  

    Je vais parler des enquêtes auprès de la population générale et donner quelques chiffres qui s'appliquent aux États-Unis. À l'heure actuelle, si l'on repense aux 20 dernières années, les taux d'alcoolisme — votre réponse peut se diviser drogue par drogue — sont restés plus ou moins stables, ils ont peut-être légèrement augmenté, mais en réalité, ils sont restés stables.
    Il se passe un phénomène intéressant pendant les dernières années d'école. Même si nous sommes tous très fiers de constater que les taux de tabagisme ont diminué, qu'ils ont en fait bien diminué, les taux de consommation de marijuana ont augmenté. Voilà la situation, aujourd'hui.
    Les opioïdes, je crois, sont un phénomène plus épisodique. Je ne crois pas que nous ayons en main des études sur 20 ans, pour ce phénomène. Pour le moment, les données sont élevées, en particulier pour les surdoses, des choses comme cela.
    Merci.
    La raison pour laquelle j'ai posé cette question, c'est que, à certains égards, quand on pense à des études comme celles-ci, c'est un peu, je crois, comme si nous disions que l'eau était mouillée. Nous savons que c'est complexe. Nous savons que des déterminants sociaux incroyables sont en jeu, entre autres la pauvreté, le manque de logements, le manque d'emplois, l'impact de la colonisation, si nous parlons des Premières Nations, les traumatismes, l'absence d'installations de traitement, les différences entre les régions, et aussi le fait que notre système de santé ne rembourse pas les frais de physiothérapie, de chiropractie ou de counseling. Vous pouvez consulter un médecin, quand vous êtes malade, vous obtenez une ordonnance pour des pilules et cela vous est remboursé; mais si on vous adresse à un psychologue, vous ne pouvez pas obtenir trois ou quatre séances, ce qui aurait été une façon appropriée d'offrir des soins.
    En passant, j'ai vu que, à l'occasion d'une réunion à Ottawa en 2011, l'APN avait adopté une résolution appuyant la déclaration du Conseil des Mohawks d'Akwesasne, selon laquelle le taux alarmant de toxicomanie au sein de la collectivité constituait une crise. Il y a cinq ans, j'avais exhorté les gouvernements fédéral et provinciaux à trouver du financement et des ressources afin d'offrir des programmes et des services aux collectivités. En 2012, l'assemblée extraordinaire des chefs de l'APN a demandé au chef national et au comité exécutif d'exhorter le gouvernement fédéral à élaborer et à financer une stratégie de prévention et de traitement de la dépendance aux opiacés pour les Premières Nations. C'était il y a quatre ans. Cela fait des années que nous demandons des programmes et des interventions. Mais il ne se passe jamais rien.
    Ma dernière question vous donnera l'occasion de répondre à la question de M. Carrie. Quelle suggestion feriez-vous au gouvernement fédéral quant à la résolution qu'il devra adopter? Si vous étiez ministre de la Santé, ministre des Affaires autochtones et du Nord, ou si vous étiez le premier ministre, qu'ordonneriez-vous, dès aujourd'hui, pour nous aider à régler le problème de la dépendance aux opioïdes et aux autres drogues, à l'échelle du pays, dans les collectivités des Premières Nations et ailleurs?
    Je suggérerais au gouvernement fédéral de réfléchir sérieusement aux ressources nécessaires à la mise en oeuvre complète du Cadre du continuum du mieux-être mental des Premières nations. Ce cadre s'applique à toute la durée de la vie. Il prévoit les services de base qui sont nécessaires.
    Le taux du syndrome de sevrage néonatal a été multiplié par quatre. Les écoles des Premières Nations comptent maintenant des classes pleines d'élèves dont la mère consommait de la méthadone pendant la grossesse. Nous ne connaissons pas les impacts à long terme de la méthadone. Nous ne savons pas ce que seront les impacts à long terme de la consommation de méthadone sur le foetus, le nourrisson, le tout petit et le jeune enfant, mais il y a des classes pleines d'enfants aux prises avec ce problème. Nous comptons également une population de personnes âgées qui ont des problèmes de santé chronique et des problèmes de dépendance.
    Le Cadre du continuum du mieux-être mental est un modèle qui a pour but de régler tous ces problèmes, et il s'appuie sur la culture autochtone et sur la gouvernance des services par les Autochtones. Nous avons besoin de ressources pour mettre ce cadre en oeuvre. Nous développons un cadre après l'autre, mais nous n'avons pas les ressources nécessaires pour les mettre en oeuvre.
    M. Don Davies: Monsieur Day.
    Vous n'avez plus de temps, monsieur Davies.
    Je crois que, si nous voulons faire cela, nous ne devons pas nous contenter d'un simple rapport de comité. Je crois qu'il faut commander une stratégie d'intervention ciblant la crise des opiacés au Canada. Cet exercice passerait notamment par la mise au point d'une intervention nationale significative, commune et efficace ciblant la dépendance aux opiacés et la crise des opiacés. En Ontario, par exemple, nous avons une stratégie axée sur la prise de position, mais elle ne réunit pas toutes les sphères de compétence qui pourraient investir ensemble dans une solution et une intervention communes, qui y feraient participer la personne. Cela inclurait également les familles, et, certainement, les collectivités des Premières Nations.
    Je crois que nous devons passer à un niveau supérieur. Il faut commander cette stratégie, et il faut la financer de façon appropriée.

  (0940)  

    D'accord.
    Nous passons tout de suite à M. Oliver.
    Merci beaucoup.
    Merci de vos témoignages d'aujourd'hui. Comme vous le savez, nous menons une étude sur la crise des opioïdes au Canada.
    Claudette, j'aimerais dissiper vos préoccupations en disant que l'objectif de notre comité, à mon avis, est de présenter quelques recommandations concrètes au ministre, au Parlement et à Santé Canada de façon à mettre fin à cette crise.
    Ce que j'en comprends, c'est que les répercussions de la crise des opioïdes au Canada sont on ne peut plus amplifiées dans les collectivités des Premières Nations, tant au chapitre des taux de consommation qu'au chapitre de l'absence de traitement.
    Le cadre sur lequel je me suis appuyé, pour cela, et qui nous vient d'un des témoignages que nous avons précédemment entendu, veut que nous passions d'un modèle spécialisé de traitement de la toxicomanie à des soins primaires. Nous avons besoin de médecins et de personnel infirmier en soins primaires, qui pourront offrir des traitements. Nous avons besoin d'un plan de traitement qui convient à tous les intervenants du pays et qui est fondé sur les données probantes, de façon que nous nous servions tous du même cadre et que nous fassions tous un pas pour ce qui est du traitement. Il faut que l'accès aux programmes de traitement soit beaucoup plus facile, qu'il s'agisse de patients référés par les urgences ou par des centres de consommation supervisée, de façon que les patients soient suivis plutôt qu'abandonnés à leur dépendance.
    Il faut également une augmentation marquée — et c'est à cela que je voulais en revenir — du financement versé aux centres de traitement; le financement ne doit pas être filtré par le cadre de la santé mentale, il doit être versé directement au centre de traitement.
    Après avoir entendu votre témoignage, je me suis mis à chercher des recommandations spécifiques, adaptées à la situation des collectivités des Premières Nations. J'ai entendu dire que, dans les collectivités nordiques, en particulier, il sera très difficile d'offrir des programmes de traitement et de mettre en place des centres de traitement destinés aux collectivités nordiques. Je crois que l'expression exacte était « traitement sur le territoire ». Est-ce que cela veut dire que les services seront offerts dans les collectivités en question? Nous ne voulons pas que les gens aient à prendre l'avion pour obtenir un traitement, c'est bien cela?
    C'est bien cela.
    Nous voulons que les services et les traitements soient offerts sur place.
    La deuxième chose que j'ai entendu dire, c'est que les restrictions associées au programme de Santé Canada posent des problèmes importants, en particulier en ce qui concerne le champ de pratique des infirmières autorisées, à qui on impose des délais quasi artificiels quant aux services qu'elles peuvent fournir.
    La troisième chose dont je voulais parler, c'est du fait que les Premières Nations comptent beaucoup trop sur le financement des projets pilotes et le financement d'une année sur l'autre. Il est impossible d'établir ce type de programme et de les financer et d'embaucher du personnel permanent. Il est vraiment difficile d'embaucher des gens pour des contrats qui se renouvellent année après année, que ce soit dans le sud de l'Ontario ou, pire encore, dans le nord de l'Ontario ou dans les collectivités nordiques du Canada.
    La quatrième chose, c'est l'épuisement professionnel des travailleurs de la santé et le fait qu'ils ne semblent pas avoir accès à une formation adéquate ou à des services de consultation adéquats. Ils s'épuisent beaucoup plus rapidement lorsqu'ils travaillent dans des collectivités nordiques.
    D'abord et avant tout, est-ce que ce résumé est juste? Ces quatre choses différencient un tant soit peu les Premières Nations, mais on ne s'attaque pas aux causes profondes, on ne va pas jusqu'à...
    J'aimerais préciser quelque chose. Le problème ne concerne pas seulement les collectivités nordiques du Canada; il concerne les Premières Nations et les collectivités autochtones. Bien sûr, les collectivités nordiques, éloignées et isolées font face à des problèmes de transport et d'accès à des ressources humaines en santé stables. Mais la crise des opioïdes ne sévit pas seulement dans les collectivités éloignées et isolées, toutefois...
    Oui.
    ... et je pense par exemple à l'Alberta du Sud. Dans chacune des collectivités des Premières Nations aux prises avec la crise des opioïdes...
    Outre les centres de traitement, pour les autres de parlais de manière générale de toutes les Premières Nations.
    Oui.
    Outre ces quatre-là, y aura-t-il d'autres choses que vous voudriez ajouter à la liste de tout ce qui complique les traitements dans les collectivités des Premières Nations.
    Oui. Je crois qu'il faudrait ajouter l'intégration du suivi des soins. Je crois qu'il est vraiment important de reconnaître que la pauvreté est un des grands enjeux et qu'il est complexe. Il arrive souvent que les gens deviennent dépendants, par exemple...
    Je m'excuse, Isadore, je ne dispose que de sept minutes. Je comprends très bien le fait qu'on a mis en place un cadre sur le mieux-être mental. En fait, je voulais vous poser de nouveau une question.
    Le logement, le revenu social...
    Oui.
    ... sont des aspects très importants. Il y a des besoins fondamentaux.
    Voici ma question à ce sujet. Nous avons entendu le témoignage d'un médecin qui disait que nous devons mettre fin immédiatement à cette crise et prendre en charge de manière efficace les gens qui souffrent d'une dépendance importante, qui risquent la surdose et la mort. Nous devons financer directement les programmes de traitement, non pas en utilisant la lentille de la santé mentale qui, d'une certaine façon, filtre le financement, ce qui fait que, apparemment, les programmes de traitement ne reçoivent au bout du compte que des fonds limités.
    Étant donné le continuum du mieux-être en santé mentale des Premières Nations, et je le comprends tout à fait, est-ce que votre priorité serait de financer cela, aujourd'hui, ou de faire en sorte que des centres de traitement reçoivent de l'argent? Si vous aviez à choisir, qu'est-ce que vous...?

  (0945)  

    Nous avons besoin des deux.
    Vous avez besoin des deux.
    Nous avons absolument besoin des deux. Sur ce continuum, le travail s'est fait. Nous avons la capacité. Nous avons des experts, dans nos collectivités. Nous avons besoin des deux.
    Nous avons besoin de traitements et nous avons besoin de financer le continuum.
    Me permettez-vous de parler brièvement? Je ne crois pas que la mise en oeuvre du programme dans la collectivité pose un problème quelconque. Les compétences que j'ai vues, à l'échelon local, m'ont donné une leçon d'humilité.
    Ce qui manque, c'est le soutien.
    Il y a une chose en particulier que l'on pourrait faire, à mon avis, pour diminuer la mortalité. Il faudrait que les postes de soins infirmiers soient autorisés à distribuer des trousses d'injection sécuritaire, entre 8 heures et 17 heures, et je crois qu'il faudrait fournir avec ces trousses du naloxone.
    Merci de ce commentaire.
    Est-ce que quelqu'un d'autre veut faire des recommandations touchant le traitement?
    J'aimerais seulement mentionner que nous faisons aujourd'hui même face à une crise, et je crois que la solution à court terme est la solution à long terme. Les solutions à court terme ne durent pas aussi longtemps, et il y a des gens qui meurent tous les jours. Il faut faire quelque chose. Nous aurons ainsi l'occasion de réfléchir aux solutions à long terme.
    Nous avons déjà fait quelque chose, je crois, car nous ne sommes pas satisfaits de la façon dont les services sont fournis, dans notre pays. Je suis certain que ces services sont meilleurs qu'ailleurs, mais si nous envisageons cela sous l'angle international, c'est une leçon d'humilité de constater que je ne connais pas un seul pays dans le monde qui ait trouvé une solution magique, ni même les pays scandinaves, qui offriraient supposément un coussin social plus épais que le nôtre. Toutefois, allez-y, vous verrez qu'il y a des opioïdes et qu'il y a aussi tout le reste, ce qui fait que c'est réellement dégrisant.
    À mon avis, il faudrait s'attacher aux surdoses et à la formation continue des médecins — les professionnels de la santé, d'ailleurs, pas seulement les médecins — il faudrait s'attacher aux données probantes et à tout cela, car, je dois l'admettre, les services que nous offrons pour le moment ne sont pas fondés sur des données probantes.
    [Note de la rédaction: difficultés techniques] Les grandes sociétés pharmaceutiques: les habitudes de prescription des médecins semblent s'inspirer des conseils, de l'orientation et de la formation offerts par les sociétés pharmaceutiques et touchant la consommation des opioïdes. Auriez-vous des réflexions ou des commentaires à propos du rôle et des responsabilités des sociétés pharmaceutiques, dans cette crise?
    Elles doivent prendre la responsabilité des renseignements qu'elles diffusent. Nous sommes au courant de l'affaire impliquant Purdue Pharma, et, en particulier, des renseignements erronés quant aux problèmes que pouvait poser le médicament OxyContin que la société avait communiqué aux médecins prescripteurs.
    La seule autre chose que j'ajouterais sur votre liste, puisque j'ai maintenant la parole, ce serait la réduction des méfaits.
    Je m'excuse?
    Nous devons renseigner davantage les gens quant à la réduction des méfaits.
    Je tiens à souligner le travail de la ministre Philpott, qui s'est portée à la défense de la réduction des méfaits sur les tribunes internationales. Nous devons faire cela ici. Nous devons investir bien davantage dans les ressources éducatives afin de soutenir la réduction des méfaits.
    Un exemple touchant les grandes sociétés pharmaceutiques, c'est cette affaire de l'approbation temporaire. Quand j'ai vu cette proposition, je m'en souviens, j'ai démissionné du comité qui avait présenté la recommandation. C'est une blague, tous nos patients se retrouvent dans l'eau bouillante... cela a marqué la fin de l'approbation temporaire...
    D'accord. Cela met fin à notre série de sept minutes. Nous commençons maintenant notre série de cinq minutes.
    Nous allons commencer par M. Webber.
    Merci, monsieur le président.
    Ma première question s'adresse au Dr Nady el-Guebaly.
    Docteur, vous avez parlé dans votre exposé des gens qui font une première expérience ou une seule expérience, les jeunes enfants qui vont à un « rave » et consomment peut-être de l'ecstasy ou de la marijuana. Il arrive dans un certain nombre de cas que ces substances soient coupées de fentanyl, ce qui entraîne la mort ou une visite aux urgences. J'ai fait quelques lectures au sujet des tests que l'on peut faire sur ces drogues et de l'accès aux tests par ces jeunes ou par des personnes qui en consomment. On pourrait faire ces tests pour savoir si une drogue en particulier contient du fentanyl ou si du fentanyl a été mélangé à de la marijuana.
    Est-ce que vous connaissez ces bandelettes de test, docteur, et savez-vous comment elles fonctionnent; savez-vous si elles fonctionnent, en fait?
    Je crois que j'ai un peu de difficulté... premièrement, j'aimerais faire la distinction entre les différentes étapes de la dépendance. Ce ne sont pas tous les enfants qui meurent, aujourd'hui, qui sont dépendants. Parfois, c'est la première, la deuxième et la troisième fois qu'ils consomment. Ils cherchent quelque chose d'autre, une substance qui aurait été coupée d'une autre substance quelconque. Et cela continue ainsi.
    Ensuite, en ce qui concerne les bandelettes, je ne crois pas que les gens qui les utilisent vont... vous pensez que, tout d'un coup, les jeunes — je ne sais pas pourquoi je dis « jeunes », parce que cela concerne toutes sortes de gens — vont tester le produit qui leur a été remis? Des choses comme ça ne m'encouragent pas.

  (0950)  

    Je m'en préoccupe tout simplement parce que le gouvernement libéral envisage de légaliser la marijuana, un jour, et que cette substance sera bien sûr très présente dans la société. Étant donné les problèmes que nous avons aujourd'hui avec la marijuana coupée de fentanyl, nous allons voir ces cas-là beaucoup plus fréquemment. Je crois que nous devrions chercher des façons de tester ces drogues avant qu'elles n'arrivent...
    En passant, monsieur Webber, comme vous le savez, j'ai assisté la semaine dernière à une conférence internationale à Montréal. La Dre Chase y a assisté également. Je crois que, selon la sagesse populaire actuellement, nous recommanderions aux médecins de passer par une phase de décriminalisation, laquelle est instamment nécessaire, l'étape suivante étant la légalisation. Nous sommes inquiets, en tant que médecins, de passer de la criminalisation à la légalisation sans passer par une étape de décriminalisation.
    Merci.
    J'aimerais parler à nos représentants des Premières Nations ici présents aujourd'hui concernant l'éducation. Elle fait un peu partie de mes antécédents politiques.
    Quant à la façon dont vous éduquez vos jeunes ou votre collectivité, que faites-vous pour joindre vos populations, les éduquer et les mettre en garde contre les risques en jeu?
    Y a-t-il des mises en contexte dans vos classes? Ou leur faites-vous peur constamment en leur disant que c'est dangereux et qu'ils ne devraient pas en faire l'expérience? Pouvez-vous parler un peu de l'éducation des enfants des Premières Nations?
    Nous avons élaboré un programme d'intervention précoce. Il est intitulé « Buffalo Riders ». Il éduque principalement des enfants de septième et de huitième année exposés à un risque de toxicomanie, mais il est aussi offert dans chaque collectivité. Nous avons mis en oeuvre le programme dans un certain nombre de collectivités des Premières Nations. Elles ont trouvé le programme tellement bénéfique qu'elles l'ont utilisé non pas seulement pour les enfants exposés à un risque, mais pour éduquer les élèves de septième, de huitième et même de neuvième année, de même que leurs parents sur les risques liés aux problèmes de toxicomanie. C'est un programme qui respectait chaque norme provinciale et territoriale relativement au programme de santé, alors des écoles dans des collectivités ont mis en oeuvre le programme.
    Encore une fois, un des problèmes tient à ce qu'il n'y a pas assez de ressources pour lui donner de l'expansion. La Thunderbird Partnership Foundation a le mandat de servir tout le Canada, et j'ai huit employés. Nous sommes à élaborer un modèle de formation des formateurs pour renforcer la capacité d'offrir ce programme d'intervention précoce. Il a obtenu de bons résultats pour ce qui est de réduire la toxicomanie. On l'a aussi utilisé comme mesure de justice alternative, alors il a obtenu de bons résultats.
    C'est intéressant.
    Je vais adopter une approche différente et examiner l'enjeu de la légalisation de la marijuana et de sa consommation à des fins récréatives.
    Un processus très important est actuellement en cours au Canada. C'est l'examen du paysage réglementaire entourant la consommation de marijuana. Je crois qu'il sera essentiel que les Premières Nations participent directement à cet examen parce que, selon l'évolution de la situation pour ce qui est de l'accès à la marijuana dans nos collectivités, il y aura un impact très intéressant et complexe et parfois insidieux.
    À mon avis, nous devons tous participer. On a besoin d'une approche fondée sur une solution partagée. Si nous adoptons une telle approche dès le début du processus dans le cadre du paysage réglementaire relatif à la consommation de la marijuana à des fins récréatives et à la décriminalisation de la marijuana, alors certainement les collectivités des Premières Nations devront participer à l'éducation très élargie à l'égard de ces problèmes.
    Monsieur Ayoub.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    En entendant vos commentaires et en lisant à propos de l'existence de la crise des opioïdes, particulièrement à Sioux Lookout, j'ai le vertige. Ce n'est pas un jeu de mots. Nous parlons du naloxone comme étant un traitement rapide pour sauver une vie dans un cas de détresse. C'est toutefois une solution à court terme.
    La situation à Sioux Lookout n'est pas nouvelle. Elle n'existe pas depuis une semaine, deux semaines, un mois ou depuis que nous avons constaté la crise. Des études à ce sujet remontent à 2013 et peut-être même avant.
    Je suis intéressé à connaître les causes de ce phénomène. Il faut évidemment que nous ayons un plan à court terme pour sauver des vies immédiatement. Il faut aussi un plan à long terme pour changer la situation pour ne pas se retrouver dans deux ans ou dans cinq ans et observer encore les mêmes problèmes.
    J'aimerais connaître vos opinions à ce sujet. Quel est votre plan à moyen et à long terme? Qu'attendez-vous de la part du gouvernement? Qu'est-ce qui a déjà été fait qui n'a pas fonctionné et qu'est-ce qui selon vous pourrait fonctionner? En effet, il faut vous consulter et il faut aussi changer les choses. Il ne faut pas entreprendre les mêmes actions qui n'ont peut-être pas fonctionné. J'aimerais vous entendre à ce sujet.
    Je sais qu'une période de cinq minutes représente un temps très court pour en discuter, mais il faut se pencher sur cette question.
    Je vous remercie.
    Madame Hopkins, je pense que vous voulez prendre la parole.

  (0955)  

[Traduction]

    Une des choses que j'aimerais ajouter aux réponses des témoins, c'est que ce cadre régit les changements de paradigmes nécessaires pour mettre en oeuvre la légalisation — alors c'est un changement de systèmes —, et une d'elles est la couleur de fond du modèle. La couleur est ce qu'on appelle « rouge Î.-P.-É. ». C'est une couleur qui représente la culture. Un des changements importants que nous devons apporter est de passer d'une absence de connaissances et de pratiques culturelles autochtones fondées sur des données probantes à l'inclusion de connaissances et de pratiques culturelles autochtones.
    Cela n'a pas toujours fait partie de notre façon d'aborder tous ces problèmes qu'éprouvent les collectivités des Premières Nations parce que les éléments culturels ne sont pas reconnus comme des données probantes, mais nous en avons maintenant qui montrent que la culture change la donne. De fait, au centre du cadre, nous parlons de quatre mesures de résultats — l'espoir, l'appartenance, la signification et la raison d'être —, et il y a 13 indicateurs mesurables. Nous avons l'instrument pour mesurer cela et pour démontrer l'impact de la culture, mais, encore une fois, nous devons avoir la capacité d'aider les collectivités à utiliser des instruments pour recueillir des données et pour démontrer le changement qu'elles apportent au bien-être des personnes et de l'ensemble de la collectivité. Il s'agit de passer de l'absence de données probantes à l'inclusion de données probantes.

[Français]

     Avez-vous pu obtenir des résultats quant à cette façon de faire?

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    Avez-vous eu l'occasion de la mettre en oeuvre et d'en arriver à des résultats efficaces?

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    Il faut qu'elle soit reconnue pour qu'on puisse continuer à la mettre en oeuvre.

[Traduction]

    J'étais directrice d'un centre de traitement pour jeunes pendant 13 ans. À cette époque, 100 % des jeunes terminaient le programme. À l'échelle nationale, peu importe le programme, ceux offerts à la population générale ou ceux offerts aux Premières Nations, le résultat est de 50 %. Non seulement ils ont terminé leur série de traitements, mais ils sont aussi retournés à l'école; il y a eu une augmentation de 40 %: 40 % reçoivent des traitements et un 40 % de plus retournent à l'école après les traitements. Au total, 86 % des jeunes ont cessé d'inhaler de l'essence et des solvants après les traitements, et la raison pour laquelle ils ont réussi était l'accès à la culture. Ce qu'ils nous disaient tous, c'était: pourquoi est-ce que j'ai été emporté par la tourmente avant d'avoir accès à la culture? C'est seulement une petite observation.
    Avec l'évaluation du bien-être autochtone, nous constatons une augmentation d'au moins 30 % du bien-être global de la personne, ce qui signifie une augmentation de 30 % de l'espoir dans leur vie, du fait de savoir à quelle culture ils appartiennent et d'avoir une raison d'être et un sens dans leur vie grâce aux pratiques culturelles.
    Merci.
    Votre temps est écoulé.
    Je dois obtenir le consentement unanime pour que nous poursuivions. La cloche sonne.
    Combien de temps avons-nous? Le savez-vous?
    Je crois qu'il s'agit seulement de l'ouverture du Parlement actuellement.
    Ils doivent s'occuper des affaires courantes.
    D'accord. Nous allons continuer.
    Monsieur Ritz, bienvenue devant notre Comité. Vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, mesdames et messieurs. Vous possédez d'excellentes connaissances, et j'imagine que vous avez devant vous certaines des réponses. Le problème est le suivant: comment pouvons-nous coordonner tout cela pour obtenir une empreinte qui signifie quelque chose?
    Une grande partie de ce que disait M. el-Guebaly, c'est que nous sommes dans une situation fragile dans la société. Comme vous l'avez dit, il y a eu des dépendances tout au long de l'histoire. Vous avez parlé de l'héroïne et de l'alcool, et maintenant ce sont les drogues de confection. Comment pourrons-nous jamais prévenir cette situation et commencer à faire vraiment évoluer les choses? Quelles conditions faudra-t-il réunir? Je sais que le financement est une grande partie de la solution, mais comment pouvons-nous investir cet argent directement là où on en a besoin pour obtenir les résultats qui ensuite mobiliseront davantage de financement? C'est la clé avec le financement gouvernemental: montrer des résultats précoces puis s'appuyer sur les réussites.
    Madame Hopkins, vous avez parlé de certaines réussites que vous avez connues. Comment pouvons-nous vous assurer de transmettre ce message?

  (1000)  

    Nous avons démontré les résultats.
    [Note de la rédaction: inaudible] Je ne suis pas au courant d'un programme de prévention qui a obtenu beaucoup de succès, et lorsque j'entends...
    Je comprends. Il n'existe pas de recette magique.
    Non, il n'en existe pas. Je crois qu'actuellement certains des programmes qui fournissent les meilleures données ont, d'abord, deux degrés de prévention: la prévention primaire pour tout le monde dans les écoles, par exemple, et ensuite le deuxième degré, pour les personnes exposées à un risque. Ça commence avec les enfants dont les parents sont déjà toxicomanes.
    Ma préférence personnelle serait de commencer par les personnes exposées à un risque, dans le cadre d'un bon programme de prévention, mais je n'ai pas de programme de prévention magique.
    Madame Hopkins.
    Comme je l'ai dit plus tôt, un certain nombre de projets pilotes ont été mis à l'essai et ont produit de bonnes données probantes, mais il n'y a jamais eu de continuité de ces programmes, et les investissements à leur égard ont souvent été à court terme. Nous avons effectivement une démonstration. Nous avons effectivement les données probantes. Il existe un certain nombre d'articles de revues scientifiques qui montrent que c'est le type de données probantes qu'on recherche. Certaines d'entre elles témoignent de la réussite de programmes comme ceux du District de Sioux Lookout dans le nord de l'Ontario.
    Nous avons les données probantes du programme de prévention de la toxicomanie et d'un programme de promotion qui n'ont pas été maintenus à long terme. Les programmes de traitement pour les jeunes et les programmes de traitement résidentiels génèrent aussi de bonnes données, mais ils n'ont pas les ressources voulues pour faire avancer les choses.
    Par exemple, avec ce réseau de ressources, ils pourraient faire partie de la solution en soutenant les jeunes lorsqu'ils retournent à la maison. Il pourrait y avoir des ressources supplémentaires pour des services de santé mentale axés sur le Web ou des services axés sur les réseaux sociaux. Nous n'avons pas cette capacité actuellement de rejoindre les jeunes. Une mise en oeuvre d'une toute nouvelle ligne secours a été mise en oeuvre, ce qui est fantastique, mais c'est insuffisant. Nous devons toujours continuer.
    Une grande partie de la solution tient à la continuité.
    Il manque de continuité, oui.
    Je comprends votre préoccupation avec le financement projet par projet et année par année. Vous ne rejoignez jamais la masse critique qui vous permettrait de poursuivre jusqu'à la ligne d'arrivée et de montrer que vous pouvez en réalité le faire.
    Je crois que c'est le chef Day qui a mentionné les soins de suivi et à quel point il est important de maintenir le continuum.
    Oui.
    Comment voyez-vous la situation évoluer? Est-ce que ce sera fait sur place, avec une combinaison d'Aînés et de mentors et axé sur la collectivité...
    Oui.
    ... des soins de suivi avec des professionnels?
    C'est tout ce qui précède. Je crois que nous avons déjà les solutions. Tout est ici.
    Je crois qu'un contrat social est nécessaire au Canada. Cette dépendance touche tout le monde. Ce n'est pas seulement dans les régions éloignées. C'est partout. Nous devons avoir une nouvelle configuration de la responsabilité assortie de dépenses d'investissement novatrices pour aborder les problèmes d'aujourd'hui. Cela ne s'est pas encore produit. Nous nous renvoyons toujours la balle.
    Nous cherchons toujours des données. Nous cherchons toujours des solutions et des approches, mais nous devons aborder le problème du point de vue de la responsabilité partagée. Je crois qu'il revient au Comité de convoquer tout le monde en même temps à la table pour reconfigurer une responsabilité partagée et investir dans celle-ci.
    Il y a aussi des lacunes et des chevauchements: les personnes qui vivent dans une réserve relèvent de la compétence fédérale, alors que les gens qui ne vivent pas dans celle-ci font appel aux services sociaux à l'échelon provincial. Bien sûr, il y a beaucoup de failles entre les deux. Comment pouvons-nous rationaliser cette opération pour combler les failles?
    C'est là où les Premières Nations interviennent. Nous sommes les experts. Nous comprenons le paysage des chevauchements intergouvernementaux relatifs aux soins de la santé et aux politiques. Nous avons la capacité de faire cela. Je crois que nous devons participer aux solutions et devons nous trouver à la table pour aider à configurer ces solutions.
    L'hon. Gerry Ritz: Docteure Chase.
    Je voulais seulement parler du fait que nous avons les données probantes sur la prévention dans cette pièce: une bonne alimentation, une bonne éducation, un logement solide et un sentiment général de bien-être. En tant que membres de la culture dominante, nous avons délibérément interdit cela aux Premières Nations et aux peuples autochtones du Canada. Je crois que nous convenons tous que les données probantes sur la prévention sont fiables. Nous devons seulement les reconnaître et soutenir ce dont mes collègues ont parlé: un nouveau contrat social.
    Votre temps est écoulé, monsieur Ritz.
    J'aimerais ajouter quelque chose. Le fait d'arracher des enfants à leur culture et de les envoyer quelque part en avion est une catastrophe absolue. Malheureusement, j'ai vu Santé Canada le faire plusieurs fois. S'il y a une crise, on envoie les enfants ailleurs. Nous avons vécu cette expérience à Calgary, où des gens des collectivités du Nord arrivaient en ville. Je ne suis pas certain de savoir ce qu'était le taux de guérison, mais je crois qu'il était près de zéro. Il est essentiel d'établir des programmes dans la collectivité des personnes.

  (1005)  

    Merci beaucoup.
    Monsieur Eyolfson.
    Merci beaucoup à vous tous d'être ici et d'apporter votre précieuse contribution.
    Je suis désolé, mais je devais m'absenter un moment, et dans un autre ordre d'idées, je crois comprendre que l'on craint que la légalisation de la marijuana ne mène à une augmentation des cas de marijuana contenant du fentanyl. De ce que je comprends, une partie de l'objectif de la légalisation est d'avoir une chaîne d'approvisionnement légalisée, réglementée et inspectée qui de fait empêcherait cela. C'est une des raisons de la légalisation de la marijuana. Lorsqu'on l'achète d'une source légale, on n'a pas ce problème. Je voulais préciser que c'est qui sous-tend cette stratégie.
    Pour revenir à ce dont nous parlions auparavant, il existe quelques groupes de médecins — le Collège des médecins de famille et l'Association des médecins indigènes du Canada —... et un guide intitulé Conséquences du racisme systémique sur la santé des populations autochtones du Canada et les soins de santé qui leur sont offerts a été publié en 2016. Il soulignait le fait qu'il y avait du racisme involontaire qui se manifesterait sous la forme de suppositions erronées. Encore une fois, ayant oeuvré dans le système de soins de santé pendant 20 ans, je dirais que ce n'était pas l'ensemble du racisme qui était involontaire. Le guide précise que ces suppositions changeraient la façon dont les fournisseurs de soins de santé, des premiers répondants jusqu'aux infirmiers et aux médecins, prodigueraient des soins.
    Madame Hopkins et monsieur Day, selon votre expérience, ce type de racisme dans le système de soins de santé a-t-il affecté la façon dont les toxicomanes sont traités?
    J'aimerais revenir à ce que j'ai dit précédemment concernant la méthadone. Nous avons eu d'importants problèmes concernant des cliniques de méthadone et le risque couru par les collectivités des Premières Nations.
    Je crois en la méthadone. Elle fait absolument partie de la solution. Mais lorsque la solution ne tient pas compte de la gouvernance des Premières Nations et ne respecte pas ces dernières, qui doivent ensuite assumer le fardeau des risques liés à la méthadone dans leurs collectivités, cela, selon moi, est du racisme, tout comme dire aux membres des Premières Nations qu'une fois qu'ils subissent un traitement à la méthadone, ils doivent le suivre le restant de leur vie, ce qui signifie qu'ils ne peuvent plus revenir à la maison. Vous ne pouvez pas emmener vos nouveaux enfants rencontrer leurs grands-parents dans une collectivité isolée et éloignée. Vous devez vivre dans un environnement urbain, dans la pauvreté, sans le soutien d'un système familial. C'est du racisme.
    Nous avons observé des données probantes selon lesquelles des membres des Premières Nations sont passés de la méthadone au Suboxone, puis n'ont plus dû besoin de suivre un traitement de substitution aux opiacés et ont pu bien vivre dans leur collectivité. Le lien avec le territoire, les gens, leurs racines et leur langue est essentiel pour leur bien-être général. C'est un exemple que je donne.
    J'aborderai ce sujet rapidement.
    La semaine dernière, nous avons rencontré environ de 40 à 50 fournisseurs de services; il y avait des dentistes, des optométristes et des rhumatologues. Ce que nous faisions, monsieur, c'est poser des questions sur la fourniture de services aux Premières Nations dans le cadre du programme des services de santé non assurés à l'heure actuelle et sur la nature des problèmes. Chacun d'entre eux vivait la même chose. Ils disaient qu'ils veulent régler les problèmes et désirent offrir des solutions, mais ne le peuvent pas en raison de contraintes et de lignes directrices de politiques fondées sur le régime de la Loi sur les Indiens. C'est ce qui est au coeur du problème parce qu'il s'agit d'un programme fondé sur la race.
    Ce que nous constatons, c'est que la situation et les impacts sont exacerbés par le racisme à l'échelon institutionnel au sein du programme des services de santé non assurés. Actuellement, l'examen conjoint est essentiel. Je crois que le comité devrait examiner de près les résultats et combattre le racisme à la source.
    Merci.
    Je suis allé à l'école de médecine au début des années 1990. Il y avait de la formation sur la santé de populations précises. La plus grande partie de celle-ci visait les membres des Premières Nations. Je suis allé à l'école de médecine à Winnipeg, ville qui, comme vous le savez, compte une grande population de membres des Premières Nations. Croyez-vous qu'il y a eu une amélioration de la formation des fournisseurs de soins de santé pour que ces derniers soient davantage sensibilisés aux défis particuliers auxquels font face des membres des Premières Nations?

  (1010)  

    Je crois qu'il y a un intérêt. Certainement, il y a un grand mouvement relativement à la formation en savoir-faire culturel, mais avons-nous des mesures pour démontrer l'impact du savoir-faire culturel et les résultats pour les clients? Actuellement, nous n'avons pas ces données.
    Je sais que le Collège des médecins de famille est davantage soucieux de s'assurer que les médecins ont la formation appropriée relativement à la toxicomanie, mais aussi pour comprendre la façon de fournir des soins adaptés au traumatisme aux populations des Premières Nations. Nous ne connaissons pas encore les résultats à cet égard.
    D'accord. Merci.
    Votre temps est écoulé.
    Monsieur Davies, vous avez trois minutes.
    Merci.
    Docteure Chase, dans un article récemment publié, vous avez décrit un programme qui offre aux patients un traitement sur le territoire. Pour vous citer, vous avez dit:
Il y a peu de choses auxquelles j'ai participé au cours de ma carrière de médecin qui me permettent de dire qu'elles ont fait évoluer les choses autant que ce programme. Il est très impressionnant.
    Pouvez-vous nous parler un peu plus du programme et de la façon dont il peut offrir de l'aide?
    J'ai mentionné que la nation d'Eabametoong a un programme qui a évolué au fil des années. Nous avons commencé en 2010 en réaction à l'état d'urgence, et les choses ont évolué. Chaque fois qu'il y a du financement, on les emmène sur le territoire avec la participation des Aînés. Ils s'y rendent par canot ou par bateau à moteur et reprennent contact avec leur culture.
    Une des réussites mineures que nous avons connues dans le cadre du programme était lorsqu'une personne m'a dit: « Pour la première fois en trois ans, mon épouse et moi-même sommes sortis pour aller chercher du bois. » Cela peut vous sembler simple, mais il ne s'agissait pas seulement d'un voyage pour aller chercher du bois. C'était une journée sur le territoire. Ils ont ri et travaillé ensemble. Ils sont revenus en se sentant très fiers de ce qu'ils avaient ramené. C'est un lien spirituel que je ne comprends pas entièrement — je ne suis pas de la Première Nation des Anishinaabe —, mais j'en ai été témoin. Voilà d'où viennent les réussites.
    La bande de Sandy Lake a aussi un programme. Ils ont emmené des personnes sur le territoire pendant deux semaines. Elles ont été abstinentes pendant deux semaines et se sentaient très bien à la fin de cette période. Lorsqu'elles sont retournées dans leur collectivité, où il n'y a pas grand-chose à faire ni de soutien continu réel, elles ont rechuté. Le taux de rechute était de 100 %.
    Chef Day, le 1er octobre 2013, à la suite de l'accord-cadre tripartite de la Colombie-Britannique sur la gouvernance de la santé par les Premières Nations, la Régie de la santé des Premières Nations de la Colombie-Britannique a commencé à administrer les programmes et les services et à exercer les responsabilités qui relevaient anciennement de Santé Canada. Ce transfert ou ce type de transfert de pouvoir a-t-il aidé à soutenir l'amélioration de la santé et du bien-être des peuples et des collectivités autochtones dans cette province? Est-ce un modèle que vous nous suggéreriez qui pourrait aider au transfert de pouvoirs aux collectivités des Premières Nations?
    Merci, monsieur Davies.
    Nous allons certainement dans cette direction. La semaine passée, nous avons rencontré les ministres de la Santé. Nous sommes, dans les collectivités autochtones, à la table pour représenter l'Assemblée des Premières Nations. Ce que nous avons mis de l'avant, c'est le programme de transformation de la santé des Premières Nations. Dorénavant, cela fera partie des discussions et des négociations relatives aux accords touchant la santé. Il précise essentiellement que, à l'avenir, on doit faire participer les Premières Nations au processus relativement à la compétence en matière de santé des Premières Nations.
    Nous savons que l'expérience de la Colombie-Britannique se déroule dans de petites régions isolées partout au Canada. Pour les Premières Nations, une fois que nous avons un endroit pour configurer nos solutions et une fois que nous avons ce pouvoir, nous commençons ensuite à mettre de l'avant les véritables coûts de traitement et de prévention, et nous obtenons des résultats. Certainement, la compétence des Premières Nations en matière de santé est essentielle.
    Nous avons terminé tous nos témoignages à temps. La cloche vient tout juste de sonner pour le vote.
    Je tiens à remercier les participants de leurs réponses concises à nos questions et les membres de leurs questions.
    Docteure Chase, vous avez dit que vous espérez que cela ne tombe pas dans l'oreille d'un sourd. Je ne suis pas certain de la manière exacte dont vous vous êtes exprimée au début, mais vous nous avez offert un point de vue unique relativement à ce débat, et il sera reflété dans le rapport de notre comité aussi clairement que nous pouvons le présenter.
    Merci à tous de vos excellents exposés.
    Nous allons maintenant aller voter. La séance est levée.
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