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HESA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la santé


NUMÉRO 065 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 12 septembre 2017

[Enregistrement électronique]

  (0830)  

[Traduction]

    Bienvenue à tous à la réunion numéro 65 du Comité permanent de la santé.
    Nous souhaitons la bienvenue à nos témoins de ce matin et nous nous réjouissons à la perspective d’entendre leurs témoignages. Je suis persuadé que nous les trouverons très intéressants et utiles.
    Ce matin, nous accueillons des représentants de l’Association canadienne des chefs de police, soit Thomas Carrique, chef adjoint; Mike Serr, chef adjoint de police, Comité consultatif sur les médicaments; et Lara Malashenko, conseillère juridique, Service de police d’Ottawa.
    Nous accueillons aussi, de la Police provinciale de l’Ontario, Rick Barnum, sous-commissaire, Enquêtes et crime organisé; et John Sullivan, surintendant de police en chef, Bureau de la lutte contre le crime organisé.
    Du service de police de Saskatoon, nous recevons Mark Chatterbok, chef adjoint des opérations.
    Nous avons invité chaque groupe à prononcer des remarques liminaires pendant 10 minutes et nous leur poserons ensuite des questions.
    Nous allons commencer par l’Association canadienne des chefs de police.
    Je ne sais pas trop comment vous allez gérer votre temps. Est-ce qu’un seul d’entre vous parlera pendant 10 minutes ou allez-vous parler à tour de rôle?
    Je vais prononcer les remarques liminaires au nom de l’Association canadienne des chefs de police.
     D’accord, c’est parfait. La parole est à vous.
    Merci beaucoup.
     Distingués membres du Comité, au nom du directeur Mario Harel, président de l’Association canadienne des chefs de police, je suis ravi d’avoir l’occasion de vous rencontrer. En plus de mon rôle de chef adjoint du service de police d’Abbotsford, je suis président du Comité consultatif sur les médicaments de l’ACCP. Je suis accompagné du chef adjoint de la Police régionale d’York, Thomas Carrique, qui préside le Comité sur le crime organisé, et de Lara Malashenko, membre du Comité sur les modifications à la loi de l’ACCP et conseillère juridique auprès du Service de police d’Ottawa.
    L’ACCP a pour mandat d’assurer la sûreté et la sécurité de l’ensemble des Canadiens en favorisant un leadership policier novateur, mandat qu’elle honore par le truchement des activités et des projets spéciaux d’une vingtaine de ses comités ainsi que par les liens actifs qu’elle entretient avec divers ordres de gouvernement. La sécurité de nos citoyens et de nos collectivités est au coeur de la mission de nos membres et de leurs services de police. Le projet de loi C-45 est une mesure législative exhaustive, et nous en parlerons avec rigueur dans nos remarques liminaires. En plus de notre témoignage d’aujourd’hui, nous vous avons remis un mémoire écrit détaillé pour que vous puissiez l’étudier.
    Dès le départ, notre rôle a été de faire part de notre expertise au gouvernement pour tenter d’atténuer les répercussions de cette mesure législative sur la sécurité publique. Pour formuler nos avis, nous nous sommes fondés sur les discussions approfondies que nous avons tenues avec les membres de l’ACCP et divers comités. Nous avons participé à un certain nombre de consultations gouvernementales et présenté un mémoire au groupe de travail fédéral. Nous avons rédigé deux documents de discussion, intitulés « Recommandations du Groupe de travail sur la légalisation et la réglementation du cannabis » le 8 février 2017 et « Le gouvernement présente un projet de loi pour légaliser le cannabis » le 28 avril 2017. Nous avons couvert les thèmes des deux documents de discussion dans notre mémoire écrit.
    Les leaders de la police de partout au Canada ont dégagé sept thèmes clés de ce projet de loi qui influent directement sur le maintient de l’ordre, en l’occurrence: la formation et l’incidence sur les ressources policières, la culture et la possession personnelles, le crime organisé, la marijuana à des fins médicales, l’emballage et l’étiquetage, la restitution des biens, ainsi que la sensibilisation des jeunes et du public. Ces leaders ont aussi déterminé que la conduite avec facultés affaiblies par la drogue et notre capacité de la gérer efficacement influeront sur le maintien de l’ordre. Cependant, nous laisserons au projet de loi C-46 le soin d’aborder ce thème.
    Nous aimerions souligner l’annonce qu’a faite le gouvernement fédéral le 8 septembre 2017 concernant l’affectation du financement. Nous sommes intéressés à connaître les détails de la répartition des fonds consacrés à nos ressources policières fédérales, provinciales et municipales. Nous souhaitons insister sur le fait que, pour offrir des services de police, il est nécessaire d’avoir la formation, les outils et la technologie voulus pour contribuer à assurer la sécurité publique et à perturber la participation du crime organisé dans le marché du cannabis illicite.
    Afin d’appuyer la mise en œuvre efficace de cette mesure législative exhaustive, l’ACCP conseille vivement au gouvernement du Canada de, premièrement, reporter la date d’entrée en vigueur de juillet 2018 pour permettre aux services de police d’obtenir les ressources et la formation nécessaires, qui sont toutes les deux essentielles à la bonne mise en oeuvre de la Loi sur le cannabis proposée. Deuxièmement, nous lui demandons de mettre en place un cadre législatif établi avant la légalisation afin de donner aux organismes d’application de la loi des directives claires et de l’aide concernant le financement et la formation. Troisièmement, nous le prions de fournir suffisamment de détails pour permettre aux organismes d’application de la loi d’évaluer la disponibilité du financement compte tenu du besoin d’opter pour une approche plus normalisée et uniforme entre les provinces et les territoires à l’égard de la mise en oeuvre des ressources policières nécessaires pour légaliser la marijuana, et du besoin d’obtenir des directives supplémentaires au sujet de la formation des officiers de première ligne, notamment pour ce qui est de la saisie dans une installation de culture et de l’identification de cannabis illicite. Quatrièmement, nous lui suggérons d'accroître le financement destiné aux programmes de sensibilisation du public et des jeunes et la signification de contraventions au titre des dispositions prévues à cet égard dans la mesure législative. Cinquièmement, en raison des problèmes que l’on peut prévoir concernant la culture personnelle et l’application de la loi, nous demandons que les dispositions permettant aux adultes de faire pousser jusqu’à quatre plants de marijuana soient révoquées. L’ACCP prédit que l’application de ces dispositions serait problématique et qu’elle présenterait un risque supplémentaire pour les jeunes en faisant en sorte qu’ils soient plus exposés au cannabis et qu’ils y aient plus facilement accès qu’à l’heure actuelle.
    Nous avons été ravis de voir dans l’annonce du 8 septembre 2017 que Finances Canada tiendra des consultations sur un nouveau régime fiscal en ce qui touche le cannabis. Cette question est d’une importance capitale car, malgré la Loi sur le cannabis qui est proposée, le crime organisé continuera de chercher des occasions d’exploiter le marché et d’en tirer parti. Nous continuerons de recommander que le coût du cannabis légal reste aussi bas, ou soit moins élevé, que celui qui est vendu au marché noir afin de décourager le gâchage des prix et les ventes illicites. Nous demandons aussi au gouvernement fédéral d’instaurer des exigences strictes en matière de sécurité, qui feraient en sorte que les organisations criminelles ne deviennent pas des producteurs autorisés, comme nous l'avons observé dans le cas de la marijuana vendue à des fins médicales.

  (0835)  

    Les services de police doivent accorder la priorité aux enquêtes sur la drogue pour des raisons de sécurité publique. Il est bien établi que nombre de services de police se concentrent actuellement sur les opioïdes à l’origine d’un nombre sans précédent de morts par overdose. Cependant, alors que nous nous dirigeons vers un régime réglementé du cannabis, il importe de reconnaître qu’une application stricte est nécessaire dès le départ pour protéger les jeunes et contribuer à perturber le crime organisé.
    Bien que l’engagement pris le 8 septembre de verser du financement aux services de police pour appliquer la Loi sur le cannabis proposée soit positif, on se pose toujours des questions quant à la façon dont il sera affecté. Nous souhaitons réitérer qu’il est nécessaire d’avoir des équipes de police consacrées à l’application de cette mesure législative pour perturber le crime organisé et empêcher le cannabis de se retrouver entre les mains de nos jeunes.
    Compte tenu de l’infiltration du crime organisé dans l’industrie de la marijuana à des fins médicales, l’ACCP recommande la fusion de la Loi sur le cannabis et du Règlement sur l’accès au cannabis à des fins médicales afin d’éviter de la confusion, d’harmoniser les efforts de Santé Canada et des organismes d’application de la loi, et de limiter les activités du crime organisé en réduisant le nombre de producteurs et de distributeurs autorisés.
    L’ACCP recommande que les exigences en matière d’emballage soient rigoureuses afin que l’étiquetage soit clair de façon à permettre à la police de faire la distinction entre le cannabis légal et illégal et à donner aux utilisateurs des renseignements adéquats pour faire des choix éclairés concernant leur consommation de cannabis. En outre, comme autre mécanisme de protection et de dissuasion, nous recommandons que l’étiquetage contienne un avis concernant les sanctions imposées en cas de vente de cannabis aux jeunes.
    L’ACCP se préoccupe des dispositions sur la restitution des biens qui semblent exiger des policiers qu’ils conservent et restituent les plants de cannabis qu’ils auront confisqués. Les services de police au pays ne disposent pas des installations ou des ressources pour ce faire. En conséquence, nous demandons que le projet de loi tienne compte de ces préoccupations en déchargeant les services de police de toute responsabilité associée à la détérioration des plants de cannabis confisqués ou à un quelconque dédommagement.
    En terminant, on devrait continuer de s’attacher à protéger les jeunes en ayant recours à la sensibilisation et à d’autres moyens non prévus dans le Code criminel. À titre d’exemple, la Loi sur le cannabis permettra aux jeunes d’avoir en leur possession ou de partager cinq grammes ou moins avec des amis, ce qui est non conforme aux objectifs visés par le projet de loi. Des exemples du Colorado et de Washington ont montré que la légalisation pourrait encourager une consommation accrue de marijuana parmi les jeunes. En conséquence, les activités de sensibilisation menées par la police sur les effets de la consommation de marijuana sont primordiales pour décourager la consommation chez les jeunes.
    Nos recommandations ne visent pas à remettre en question l’intention du gouvernement de restreindre, de réglementer et de légaliser la consommation de cannabis au Canada, mais plutôt à jeter l’éclairage sur ces questions pour lesquelles on n’a toujours pas de réponses. Nous nous préoccupons de l’incidence de cette loi et, comme il a été dit précédemment, nous avons pour responsabilité d’atténuer son incidence sur la sécurité publique — notre principal objectif sur le plan du maintien de l’ordre.
    Il est clair que nous louons le gouvernement pour l’engagement qu’il a pris de consulter les intervenants et le public. Nous louons aussi les efforts des ministres, des parlementaires et des fonctionnaires déterminés à présenter la mesure législative la plus exhaustive qui soit dans le but mutuel de proposer un cadre responsable avant la légalisation de reconnaître que le monde entier est tourné vers le Canada dans le cadre de ce processus.
    Dans l’intérêt d’assurer la sécurité publique et de préserver la qualité de vie dont nous avons la chance de jouir au Canada, nous sommes reconnaissants de pouvoir faire part au gouvernement de notre expérience de la prévention de la criminalité et de l’application de la loi. Nous reconnaissons que les drogues illicites sont un problème dans le monde entier et qu’elles touchent les collectivités locales, les familles et les particuliers. Alors que le monde entier observe le Canada pendant ce processus complexe, nous sommes résolus à travailler avec le gouvernement et le public canadiens afin de veiller à ce qu’on adopte une réglementation exhaustive pour atténuer les risques pour la santé publique associés au cannabis avant d’en légaliser la consommation. Nous appuyons nombre des objectifs globaux de la mesure législative tout en reconnaissant que d’autres intervenants sont mieux outillés pour offrir des connaissances spécialisées dans les domaines de la santé publique et des services sociaux. Nous appuyons aussi les efforts pour dissuader les activités criminelles et en réduire le nombre en imposant de lourdes sanctions pénales à ceux qui enfreignent la loi, surtout ceux qui importent et exportent du cannabis et qui en fournissent aux jeunes.
    Nous remercions sincèrement tous les membres du Comité d’avoir permis à l’Association canadienne des chefs de police de formuler des commentaires et des suggestions concernant le projet de loi  C-45. Nous avons hâte de répondre à vos questions.
    Merci.

  (0840)  

    Merci de votre breffage exhaustif, tant à l’oral qu’à l’écrit.
    Nous allons maintenant entendre le témoignage du sous-commissaire de la Police provinciale de l’Ontario, Rick Barnum.
     Bonjour, monsieur le président, et merci de me donner l’occasion de témoigner aujourd’hui devant le Comité.
    En tant que service de police provincial de l’Ontario, la PPO est investie d’un mandat unique. Elle offre des services de police de première ligne à plus de 70 % des municipalités ontariennes, donc à plus de 13 millions de personnes. Elle est aussi responsable d’une vaste gamme de programmes et de services provinciaux, y compris des enquêtes criminelles, de l’expertise technique, des services de police autochtones, de la sécurité routière et des interventions spécialisées. L’unité chargée des enquêtes et du crime organisé s’attache notamment à protéger les collectivités de l’Ontario contre les personnes ou les groupes impliqués dans la criminalité grave ou organisée. Nous sommes résolus à rejoindre et à sensibiliser le public ainsi qu’à appliquer des mesures pour réduire les préjudices et la victimisation.
    En prévision du projet de loi C-45, il est important de tenir compte de l’incidence que cette mesure législative aura sur les opérations policières à la grandeur du pays. En tant que membre de l’ACCP, la PPO appuie les commentaires et recommandations présentés par nos éminents collègues. Mes remarques d’aujourd’hui porteront sur les principaux éléments du projet de loi qui sont le plus alarmants pour la Police provinciale de l’Ontario et qui pourraient compromettre la sécurité et le bien-être des Ontariens s’ils ne sont pas mis en oeuvre de façon stratégique et graduelle.
    Le premier sujet dont j’aimerais traiter est celui de la culture du cannabis à la maison. La PPO se préoccupe de l’incidence que la production à la maison aura sur nos collectivités et n’appuie pas l’approche fédérale permettant de faire pousser jusqu’à quatre plants de cannabis par résidence. La culture personnelle comporte un certain nombre de facteurs de risque, y compris l’exposition des jeunes au cannabis; les questions de santé et de sécurité, comme la moisissure et les risques d’incendie; la surproduction; et le potentiel de trafic. Le rapport que l’ACCP a présenté au Comité jette l’éclairage sur l’exploitation qui est survenue dans le cadre de divers programmes de marijuana à des fins médicales, et la PPO estime que ce type d’abus serait encore plus répandu dans le cas de la marijuana à des fins récréatives.
    Même si Santé Canada estime actuellement qu’un plant cultivé à l’intérieur donnera 28 grammes de cannabis, cette quantité n’est pas représentative de la réalité de la culture de la marijuana. Les experts de l’application de la loi en matière de drogue de la PPO estiment qu’un plant cultivé à l’intérieur produit entre 60 et 100 grammes de cannabis. En outre, la plupart des plants de cannabis cultivés à l’intérieur atteignent une hauteur d’environ quatre pieds, soit plus que la limite de 100 centimètres. Si la moitié des unités dans un complexe d’habitation de 200 appartements en centre urbain ou en banlieue cultivait quatre plants de marijuana, ou plus, on pourrait estimer qu’entre 400 et 600 plants sont cultivés dans un immeuble pendant l’année sans la ventilation ou les capacités électriques adéquates et à proximité des enfants. Pareille situation compromettrait sérieusement la sécurité publique. De plus, nous pourrions observer une hausse des violations de domicile ou de propriété, que les policiers connaissent sous le nom de « vols de culture ». La fréquence de ces cas dans les collectivités desservies par la PPO a augmenté régulièrement au cours des trois dernières années et continue de s’accroître.
    Les experts de la PPO s’attendent à devoir assumer une lourde charge de travail et subir de nombreuses pressions sur le plan des enquêtes concernant la surproduction de marijuana à la maison; les limites de possession; les introductions par effraction et les vols; ainsi que le détournement du cannabis vers le marché illicite. Il est impossible de gérer adéquatement tous ces problèmes avec les ressources dont on dispose actuellement.
    J’aimerais maintenant attirer votre attention sur les défis relatifs à la formation. Compte tenu des délais serrés de la légalisation fédérale, la PPO, comme bien des services de police partenaires, s’inquiète de la mesure dans laquelle elle sera prête à l’appliquer en juillet 2018.
    Environ 6 000 membres de la PPO en uniforme auront besoin de recevoir de la formation sur les lois et le système de contraventions. On s’attend à ce que les ressources supplémentaires pour offrir de la formation et des outils afin de faire en sorte que les agents connaissent leurs pouvoirs et les procédures adéquates engagent des coûts importants.
     La PPO prévoit de nombreuses difficultés pendant la transition vers un nouveau contexte d’application de la loi. Comment les agents détermineront-ils le poids à accorder aux cas d’accusation de possession? L’âge et les limites de possession pour divers types de cannabis porteront-ils à confusion? Comment les services de police géreront-ils les saisies et la restitution des biens? Procédera-t-on à des essais de validation? Quel sera le rôle de la police dans le contexte du processus d’inspection de Santé Canada?
    Pour ce qui concerne les questions de formation et d’application qui viendront par la suite, le projet de loi C-45 aura aussi une incidence très marquée sur les programmes de police autochtone de l’Ontario, y compris les 20 communautés autochtones gérées par la PPO. Certaines collectivités sont déjà aux prises avec des problèmes de toxicomanie, et on craint que la légalisation du cannabis ait d’autres conséquences sur le plan de la santé, en particulier pour les jeunes Autochtones. On s’attend à ce que les services de police autochtones, qui sont déjà sous-financés et incapables d’accroître leurs capacités, doivent aussi faire face à d’importants défis au chapitre de l’application de la loi.

  (0845)  

    La protection des jeunes, surtout autochtones, est l’une des principales préoccupations de la PPO. Elle reconnaît qu’il sera difficile d’essayer d’appliquer les dispositions concernant la possession de cannabis chez les jeunes et le partage de marijuana entre amis. Nous croyons que ce type de partage permet de dissimuler le trafic illicite de drogues. Bien que la loi fédérale fixe à 18 ans l’âge minimal et permette aux jeunes de posséder et de distribuer jusqu’à cinq grammes de cannabis, la PPO préfère que l’âge minimal soit fixé à 19 ans et que ceux qui ne l’ont pas atteint ne soient pas autorisés à posséder la moindre quantité de marijuana. Cela permettrait de faire de la possession chez les jeunes, de la consommation et du partage de cannabis une infraction provinciale passible de contraventions, ainsi que de saisir le cannabis dont les jeunes sont en possession.
    La PPO estime qu’un mécanisme provincial de contravention empêchera les jeunes de se retrouver dans le système de justice pénale lorsque des accusations relatives au cannabis sont portées contre eux. En collaboration avec le gouvernement provincial et nos partenaires communautaires et policiers, la PPO entreprendra une campagne de sensibilisation visant les jeunes afin de traiter des nouvelles lois en matière de possession, de conduite avec facultés affaiblies, ainsi que des dangers du cannabis illicite.
    Pour ce qui concerne le crime organisé, il est difficile de nier les occasions d’entreprendre des activités criminelles sur le marché du cannabis. Le commerce illégal du cannabis génère des milliards de dollars annuellement et s’est établi dans l’industrie de la marijuana à des fins médicales. La PPO a enquêté sur des douzaines d’opérations de culture de la marijuana à des fins médicales autorisées par Santé Canada dans lesquelles les plantes donnent beaucoup plus de marijuana que les quantités permises. À titre d’exemple, en enquêtant sur une installation de culture dans un immeuble commercial, on a déterminé qu’il était possible de faire pousser un total de 508 plants dans le contexte de quatre autorisations de Santé Canada. En fait, nous avons constaté que 979 plants se trouvaient dans l’immeuble. Certains plants matures atteignaient entre huit et neuf pieds de hauteur.
    Si nous appliquions le rendement estimé de Santé Canada, les 508 plants auraient dû produire 31 livres de marijuana séchée, alors que le rendement réel a été de 2 032 livres. S’il n’avait pas été saisi par la police, ce produit illicite se serait retrouvé entre les mains des vendeurs dans les rues et aurait été fourni à des dispensaires illégaux à la grandeur de la province.
     Bien que le gouvernement de l’Ontario ait annoncé qu’il prévoyait mettre en oeuvre une stratégie d’exécution de la loi pour mettre fin aux opérations illégales, on s’attend à ce que ces dispensaires continuent de poser problème au chapitre de l’application de la loi et à ce que le crime organisé cherche à détourner le système de vente au détail du cannabis légal en offrant à prix réduit les graines, les plantes clonées et le cannabis séché — comme il l’a fait dans l’industrie du tabac de contrebande. Le gouvernement fédéral doit s’assurer que le prix de la marijuana est raisonnable, sinon il encouragera la croissance du commerce illicite.
    La PPO croit aussi que les processus d’attestation de sécurité de Santé Canada ne sont pas suffisamment rigoureux pour prévenir l’infiltration du crime organisé dans l’industrie de la marijuana à des fins médicales. À l’approche de la légalisation du cannabis, les particuliers qui présentent des demandes pour posséder et administrer des installations de production réglementées par le fédéral doivent être assujettis à un processus de vérification plus rigoureux. Il en va de même pour leurs employés et toute entreprise avec laquelle ils passent des marchés.
    Nous sommes aussi favorables à cette approche dans le contexte de la vente au détail provinciale. Un manque de supervision de la production et de la vente de cannabis accroîtra aussi la probabilité que des abus soient commis.
    En outre, la PPO appuie les recommandations formulées par l’ACCP de combiner les modèles de production du cannabis à des fins médicales et à des fins récréatives et, par le fait même, d’éliminer les autorisations de production à des fins personnelles et médicales. Cette structure simplifiée aiderait la PPO et nos partenaires policiers à s’attaquer aux installations de culture illicites sous le contrôle du crime organisé.
    En terminant, il est important pour le gouvernement fédéral de donner des directives claires aux intervenants touchés et d’envisager de prolonger les délais d’application pour assurer la mise en oeuvre efficace de cette mesure législative. La PPO comprend que la légalisation du cannabis, de la marijuana, est un processus complexe et que, à titre d’organisation policière provinciale, elle a un rôle important à jouer. Les membres de la PPO sont résolus à faire respecter les lois canadiennes. Nous nous réjouissons à la perspective de travailler dans le contexte d’un cadre législatif conçu pour assurer la sécurité de nos collectivités et la protection des jeunes et des personnes vulnérables.
    Au nom de la PPO, encore une fois, je suis vraiment ravi de participer à la présente discussion.
    Merci.

  (0850)  

    Merci beaucoup de votre contribution.
    Nous allons maintenant entendre le représentant du service de police de Saskatoon, le chef adjoint Mark Chatterbok.
    Je m’appelle Mark Chatterbok et je suis chef adjoint des opérations au service de police de Saskatoon. Je co-préside aussi le Comité de l’apprentissage et des ressources humaines de l’Association canadienne des chefs de police avec Steve Schnitzer du Justice Institute of British Columbia.
    Je suis ravi d’être parmi vous aujourd’hui pour vous donner le point de vue du service de police de Saskatoon qui, comme tous les services de police municipaux au pays, se prépare à la mise en œuvre du projet de loi C-45. J’aimerais commencer par vous parler un peu de certains des défis auxquels nous sommes actuellement confrontés dans nos collectivités et notre province et à quel point il est essentiel que la mise en place de la nouvelle mesure législative se fasse de façon minutieuse et réfléchie.
    Saskatoon a connu une croissance et un développement économiques rapides, surtout grâce à son secteur des ressources naturelles, mais la période de ralentissement qu’elle traverse depuis quelques années a modifié les pressions exercées sur les services de police. Nous avons observé une hausse des infractions relatives à la propriété, laquelle se rapporte, en grande partie, au commerce illicite de drogues, surtout des méthamphétamines.
    Nous avons observé que le pourcentage de nos citoyens qui vivent chaque jour en situation de désavantage socioéconomique est constant. Certains deviennent sujets aux dépendances et à la victimisation criminelle, ils finissent par participer à des activités criminelles et vivent dans des logements insalubres ou se retrouvent sans abri. Bien qu’il s’agisse d’une question communautaire beaucoup plus vaste, elle contribue à l’environnement global dans lequel nous assurons le maintien de l’ordre.
    J’aimerais aborder la question de la conduite avec facultés affaiblies. Nous nous attendons à ce que la nouvelle loi ait pour effet de hausser le nombre de conducteurs avec facultés affaiblies. Cette augmentation se manifestera dans une ville et une province où les statistiques à ce chapitre sont déjà nettement trop élevées.
    La Saskatchewan se distingue depuis malheureusement longtemps comme province qui compte le plus de cas de conduite avec facultés affaiblies au pays. Afin de réduire ces nombres, la province a adopté une nouvelle loi pour alourdir les sanctions en cas de conduite avec facultés affaiblies, dont une politique de tolérance zéro pour les conducteurs de moins de 21 ans aux facultés affaiblies par l’alcool ou la drogue.
    En tant que service de police, nous sommes déjà proactifs au chapitre de l’application de la loi régissant la conduite avec facultés affaiblies. Chaque année, nous effectuons de nombreuses vérifications ponctuelles et en informons ouvertement le public par le truchement des médias sociaux et traditionnels, mais le nombre de cas reste élevé.
    En conséquence, le service de police de Saskatoon s’inquiète d’une hausse des cas de conduite avec facultés affaiblies par la drogue ou une combinaison d’alcool et de drogue. Comme notre chef de police, Clive Weighill, l’a déclaré publiquement, il aimerait savoir ce qui se produira lorsqu’on détectera la présence de THC dans le sang d’un conducteur dont le taux d’alcoolémie s’est révélé être de 0,07. Techniquement, ce conducteur pourrait être en deçà de la limite légale dans le cas des deux substances, mais quel serait l’effet de la présence de ces deux substances sur ses facultés?
    En 2015, on a enregistré 43 homicides contre 53 décès attribuables aux conduites avec facultés affaiblies en Saskatchewan. Avec une population comme celle de cette province, ces nombres sont très préoccupants. Malheureusement, notre service de police n’a toujours pas remarqué de changement de comportement appréciable lorsqu’il est question de conduite avec facultés affaiblies. Par conséquent, nous recommandons fortement que le gouvernement fédéral investisse considérablement dans une stratégie de sensibilisation du public avant de mettre en oeuvre la mesure législative.
    Nous sommes favorables aux amendements que l’on propose d’apporter au projet de loi C-46, et le service de police de Saskatoon veut participer à la mise en oeuvre efficace de cette nouvelle mesure législative. Nous croyons qu’il faudra, pour ce faire, obtenir la collaboration continue de tous les ordres de gouvernement et le soutien des organismes d’application de la loi, surtout pour nos agents de première ligne, qui feront face tous les jours aux conséquences de ces changements.
    À l’approche de la date de légalisation, il est de plus en plus important de créer une stratégie de sensibilisation du public. Nous abondons dans le même sens que l’ACCP pour dire que pareille stratégie devrait être mise en place immédiatement.
    Une stratégie de sensibilisation du public devrait s’attacher à informer les jeunes, les parents et les populations vulnérables. Cet élément doit être enrichi des commentaires de tous les organismes appropriés, et les services de police voudraient participer à cette discussion et à cette préparation. Les personnes qui élaborent pareille stratégie ne devraient pas porter de jugement, garder l’esprit ouvert et faire en sorte que les gens puissent s’y identifier et la comprendre. Les programmes éducatifs devraient offrir de vrais renseignements, et il faut dégager des preuves pour rejoindre ce public-cible.
    Nous devrons travailler étroitement avec le secteur de la santé et les conseils scolaires pour transmettre adéquatement cette information aux jeunes dans nos collectivités. Il faudra collaborer de près pour faire front commun. Dans nos écoles, les ressources sont déjà pleinement utilisées pour sensibiliser les jeunes aux drogues et leur offrir d’autres programmes, et ce projet de loi ne fera qu’accroître la demande d’informations supplémentaires à transmettre.
    J’aimerais maintenant discuter de l’incidence qu’aura le projet de loi sur la formation des policiers. Il faudra offrir une quantité considérable de formation pour que des agents formés à cette fin soient en mesure de repérer les personnes dont les facultés sont affaiblies par la drogue.

  (0855)  

    Selon la Colorado State Patrol, dans plus de 91 % des cas, les conducteurs sous l’emprise de la marijuana avaient été arrêtés pour excès de vitesse. Les études au Colorado ont aussi montré que le nombre de conducteurs ayant obtenu un résultat positif à un test de dépistage de THC était plus élevé pendant la journée qu'à tout autre moment. Nous savons qu’on considère que la période de pointe se situe pendant la journée, période pendant laquelle il y a le plus de véhicules, de bicyclettes et de piétons sur les routes.
    Dans les deux cas, ces statistiques prouvent le besoin d’offrir de la formation spécialisée à nos agents de première ligne.
    Le service de police de Saskatoon compte actuellement 11 experts en reconnaissance de drogues qui ont été formés, et je m’attends à ce qu’il doive au moins doubler ce nombre dans un avenir très proche. Je prévois que ce sera aussi le cas de bien d’autres services de police au pays. Cependant, cette formation est coûteuse; à l’heure actuelle, elle n’est offerte qu’aux États-Unis où les capacités sont limitées, si bien qu’on doit souvent attendre qu’une place se libère.
    Pour nombre de services de police, cette formation sera trop coûteuse, ce qui pourrait finir par entraîner des retards au bord de la route; cependant, les tribunaux ne verront pas cela comme une raison valable de ne pas respecter les droits que leur garantit la Charte — à juste titre. En conséquence, je recommande fortement que le gouvernement fédéral offre le financement et l’aide nécessaires à la mise en place d'un programme d’expert en reconnaissance de drogues ici au Canada, qui permettra de régler les questions liées aux coûts et aux capacités de formation que j’ai mentionnées.
    Nous avons notamment peur de l’inconnu; en particulier, de ne pas savoir avec exactitude l’incidence que cette nouvelle mesure législative aura sur nos ressources existantes. Nos ressources sont déjà sollicitées à droite et à gauche. Le Saskatoon Board of Police Commissioners a récemment embauché un cabinet d’experts-conseils pour procéder à un examen de nos opérations, et l’étude a révélé que nos agents de première ligne peuvent consacrer 29 % de leur temps à des activités proactives et suggère qu’ils y consacrent plutôt 40 %.
    Nous savons déjà que les principales enquêtes sur les drogues prennent un temps considérable, nécessitent des ressources spécialisées et sont très coûteuses. Pouvons-nous nous attendre à ce que le nombre d’enquêtes importantes sur les drogues augmente après l’adoption de cette mesure législative? Je pense que oui.
    Il est possible qu’il y ait une hausse du nombre de ce que je qualifierais de plaintes normales auprès de la police, par exemple, des différends entre voisins, des querelles en milieu familial, des activités douteuses, etc. Nous savons que l’alcool est un facteur qui contribue souvent à ces types de plaintes. La question à laquelle on ne peut répondre est celle de savoir si la consommation de marijuana donnera ou non des résultats semblables.
    Nombre de services de police municipaux, y compris en Saskatchewan, ont cerné d’éventuels coûts cachés que la nouvelle mesure législative pourrait entraîner. Ils se manifesteraient sous forme de problèmes sociaux, qu’il revient habituellement aux agents de première ligne de traiter.
    Je terminerai mon intervention en formulant des commentaires sur les dispositions du présent projet de loi relatives à la culture et à la possession à des fins personnelles dans une habitation. Le service de police de Saskatoon partage les préoccupations soulevées par l’Association canadienne des chefs de police et recommande que l’on remette en question la culture à des fins personnelles. Nous ne sommes pas favorables à la culture à domicile, quels que soient la taille des plants et leur nombre, car cela créera des occasions de détournement et augmentera le nombre de plaintes de surproduction sur lesquelles il sera difficile d’enquêter et qui auront une incidence négative sur nos ressources actuelles. La culture à domicile fera sans doute en sorte qu’il soit plus facile pour les enfants de s’en procurer.
    En terminant, en tant que service de police municipal qui ressentira directement les effets de la mise en oeuvre du projet de loi C-45, le service de police de Saskatoon souhaite souligner l’engagement qu’a pris le gouvernement de consulter les intervenants. Nous appuyons son désir de mettre en place la mesure législative la plus efficace possible. Nous sommes résolus à assurer la sécurité publique et à offrir quotidiennement des services à nos citoyens, quels que soient les défis auxquels nous sommes confrontés.
    Au nom du service de police de Saskatoon, je vous sais gré de nous avoir aimablement invités à vous faire part de nos commentaires ce matin.
    Merci.

  (0900)  

    Merci de les avoir formulés.
    Nous allons maintenant entamer notre première série de questions de sept minutes avec M. Eyolfson.
    Merci à tous d’être venus. Nous vous savons gré des efforts que vous déployez dans ce dossier.
    Ma première question porte sur ce que je pense vous avoir entendu dire, monsieur Serr, en l’occurrence, que la consommation de marijuana chez les jeunes au Colorado a augmenté depuis sa légalisation. Est-ce bien ce que vous avez dit?
    Les rapports que nous avons vus disent qu’au départ, la consommation a augmenté. Nous avons maintenant observé dans des rapports plus récents qu’elle a commencé à se stabiliser, mais les premiers rapports du Colorado après la légalisation montrent en effet une hausse de la consommation chez les jeunes.
    J’ai un message du procureur général du Colorado qui cite de multiples enquêtes, y compris celle de JAMA Pediatrics, selon laquelle ce nombre se situait dans la moyenne nationale.
    En fait, le National Survey on Drug Use and Health a montré qu’entre la légalisation — avant que le cannabis soit légalisé et par la suite — la consommation chez les jeunes du Colorado avait baissé de 12 %. C’est leur principale conclusion.
    Une quantité considérable de rapports ont été publiés concernant la consommation chez les jeunes. Je ne suis pas tout à fait sûr de savoir à quel rapport vous avez fait allusion, mais j’en ai vu qui estimaient qu’on avait enregistré une hausse de 20 % au départ. Il y a une semaine, j’ai pris connaissance d'un rapport qui révélait que la consommation chez les jeunes s’était maintenant stabilisée et qu’elle était légèrement inférieure à la moyenne nationale aux États-Unis. Au départ, on diffusait un message de sensibilisation publique concernant les dangers de la consommation de cannabis chez les adultes et les jeunes. Les données dont nous disposons nous montrent que la consommation a augmenté initialement.
    Je suis tout à fait d’accord en ce qui concerne la sensibilisation des jeunes; je pense que c'est une de nos responsabilités essentielles. On s’est dit préoccupé par la culture à domicile, notamment par l’exposition accrue des jeunes au cannabis, parce qu'ils pourraient être en mesure de s’en procurer. J’ai soulevé cet exemple précédemment. Nous avons depuis longtemps légalisé le brassage de bière et la fabrication de vin à domicile. Des éléments prouvent-ils qu’une quantité importante de cet alcool fabriqué à la maison s’est retrouvée entre les mains de mineurs? Est-ce un problème avec lequel nous devons composer depuis longtemps?
    Je ne pense pas que nous ayons la moindre statistique sur ce type de détournement, mais nous nous attendons à ce que les cultures à domicile soient nettement plus nombreuses que les brassages, ce qui explique pourquoi nous nous en préoccupons davantage. Ce n’est pas qu’une question d’accès, mais aussi de qualité du produit. Par le passé, nous avons détecté de la moisissure dans les résidences où on cultivait du cannabis ainsi que des risques associés aux systèmes électriques. En outre, les cultures à domicile seront une source de confusion supplémentaire pour nos agents sur la route qui doivent répondre à des appels et qui auront maintenant à faire face à une personne qui a peut-être deux, trois ou quatre plants supplémentaires ou un plant qui fait 50 centimètres de plus qu’il devrait. La leçon que nous avons tirée de l’expérience du Colorado est qu’il faut commencer par imposer des restrictions et démarrer lentement. Ensuite, au fur et à mesure qu’on comprend mieux la loi, on pourra commencer à envisager d’autres possibilités. Il est clair que nous aimerions que le projet de loi soit plus restrictif et qu’il ne permette pas les cultures à domicile.
    C’est clair, oui.
    On a mentionné une situation hypothétique — je ne me rappelle plus qui l’a fait — dans laquelle on demandait ce qui arriverait si on avait un immeuble de 200 unités et que, dans la moitié des appartements, on cultivait du cannabis à la maison. Avez-vous des données qui suggèrent que, dans un immeuble de 200 unités, on cultiverait des plants de cannabis dans la moitié des appartements?
    C’était ma situation hypothétique. Je n’ai pas de preuves à cet égard, mais je n’ai pas non plus de preuves que cela ne se produira pas. Nous estimons qu’il n’est pas nécessaire de permettre la culture à domicile puisque nous aurons un système légalisé qui permettra aux gens de se procurer de la marijuana. Hier, en route vers Ottawa, j’ai visionné un documentaire de la CBC. De nombreux propriétaires s’étaient réunis pour en discuter. Ils se préoccupent vivement de la façon dont ils s’y prendront pour protéger leurs immeubles si les cultures à domicile deviennent légales.

  (0905)  

    Je suis tout à fait d’accord avec tout le monde ici présent. Nous convenons tous que nous avons besoin de ressources pour offrir de la formation. Nous avons parlé du financement que le gouvernement fédéral consacre à cette question. Un des points qui ont été mentionnés a été d’accroître la formation pour savoir reconnaître les plants et les installations de culture. Quelle quantité de formation supplémentaire devrait-on prévoir à cette fin? Je suppose que les agents savent déjà comment reconnaître ces plants et ces installations. Quelle quantité de formation supplémentaire serait-il nécessaire de leur offrir? Je ne parle pas des autres questions comme celle de la conduite avec facultés affaiblies, mais seulement de la capacité de reconnaître et de gérer les installations de culture.
    Un des défis que pose pour nous la formation est que nous n’avons même pas été en mesure de commencer à nous y préparer car, à ce stade, nous ne savons pas ce que la mesure législative englobera, que ce soit à l’échelon provincial, fédéral ou municipal. Nous sommes, en quelque sorte, en attente. Il est clair qu’au départ, nous devrons nous assurer que nos membres comprennent pleinement la loi et les pouvoirs qu’elle leur confère, tant au provincial qu’au fédéral. Après avoir discuté avec les directeurs des académies de police, nous avons constaté qu’ils ne peuvent commencer leur préparation avant que nous ayons reçu la version définitive de la loi de tous les ordres de gouvernement. Voilà ce qui nous préoccupe et nous pose problème.
    Pour ce qui est de savoir combien de temps cela prendra, c’est difficile pour nous de répondre maintenant, car nous n’avons pas toutes les réponses nécessaires pour prendre des décisions éclairées quant au contenu de notre formation.
     D'accord. Je n'ai pas d'autres questions.
    Nous allons passer à Mme Gladu.
    Merci, monsieur le président, et merci à tous les témoins qui sont ici aujourd'hui.
    Je prends très au sérieux tout ce que vous avez dit sur les torts potentiels et j'aimerais poser à chacun de vous la question suivante: après avoir pris connaissance de toutes ces choses qui pourraient avoir une incidence négative sur la sécurité publique, croyez-vous que le gouvernement devrait aller de l'avant avec la légalisation de la marijuana en dehors du régime médical?
    Mark, voulez-vous répondre en premier?
    C'est une question à laquelle il m'est difficile de répondre, car mon savoir-faire n'est assurément pas dans ce domaine. Je crois que mes observations de tout à l'heure concernaient davantage la sécurité des collectivités, l'incidence sur nos ressources et l'incidence sur notre capacité de former nos agents afin qu'ils soient prêts lorsque la loi sera mise en application. Pour ce qui est de l'objet particulier de votre question, il faudra que je fasse appel à l'un de mes collègues.
    Nous appuyons une bonne partie des buts et objectifs de la légalisation. Si tout est fait correctement, si nous y mettons les efforts qu'il faut, si nous prenons le temps de faire les choses de la bonne façon, nous serons en mesure de perturber le crime organisé. Bien entendu, nous ne serons pas en mesure de l'éliminer, nous ne sommes pas naïfs, mais nous pourrons assurément secouer l'emprise qu'il a sur le marché. Cela pourra se faire par la sensibilisation, comme nous l'avons fait pour les cigarettes et la conduite avec facultés affaiblies. Il faut éduquer et sensibiliser nos jeunes sur les dangers associés à la consommation de drogues, mais il faut que ce soit fait correctement. Dans l'ensemble, nous appuyons bon nombre des objectifs, mais nous avons certaines réserves sur la mise en oeuvre. Nous devrons avoir la bonne approche — une approche très méthodique, très systématique —, pour veiller à ce que cela se fasse correctement et éviter de nous retrouver avec certains des problèmes que le Colorado et d'autres ont eus dans les premiers temps.
     Si je puis ajouter quelque chose à l'intervention de mon collègue, je crois qu'il est très important de faire la distinction entre la légalisation et la décriminalisation, et d'accorder beaucoup d'importance à la réglementation qui sera mise en place. Nous avons hâte de travailler à cela avec le gouvernement afin de nous assurer qu'il y aura une réglementation rigoureuse. Nous allons nous appuyer abondamment sur ces règlements pour repérer le crime organisé et lui mettre des bâtons dans les roues, mais aussi pour protéger le bien le plus précieux de notre pays et de nos collectivités, c'est-à-dire la jeunesse.
    C'est une question intéressante. J'ai travaillé à la lutte antidrogue pendant 12 ans, et je suis allé dans des milliers de plantations de marijuana. J'ai fait toutes sortes de missions d'infiltration, de missions au niveau de la rue. J'ai vu des jeunes cambrioler des maisons et voler des voitures pour se payer de la drogue, de la marijuana. J'étais juste à côté lorsque cela se produisait. J'estime que nous avons là une occasion incomparable de régler beaucoup de ces problèmes.
    Les problèmes associés à la culture à domicile me préoccupent beaucoup. À l'instar de mes collègues qui ont eu un parcours similaire au mien dans la police, j'accorde une très grande importance au sort que nous réservons à notre jeunesse. J'ai vu les études qui ont été menées en Ontario et je suis au courant du nombre de jeunes qui consomment de la marijuana. Les données sont très claires, alors nous devons faire quelque chose. Encore une fois, nous avons là une possibilité formidable de faire les choses correctement.
    J'ai des réserves au sujet de la culture à domicile. Je m'inquiète de la place énorme que le crime organisé joue dans le système de la marijuana médicale. J'ai un dossier qui montre cet engagement, et qui va beaucoup plus loin que ce que j'ai pu vous dire en quelques minutes. Nous avons la possibilité de sortir le crime organisé de là. J'y crois vraiment, alors nous devons saisir le processus administratif à sa base. Pour éliminer le crime organisé de l'équation, nous devons être rationnels et nous devons nous assurer que les processus d'inspection sont détaillés et complets.
    Je suis aussi tout à fait d'accord avec ceux qui affirment que nous ne serons pas prêts le 1er août si la loi entre en vigueur en juillet 2018. C'est impossible. Les dommages qui pourraient être faits entre le temps où la loi entrera en vigueur et le moment où les services de police seront prêts à la faire appliquer — dans six mois ou dans un an — feront en sorte qu'il sera très difficile de retrouver un jour cet ascendant.
    En tant que policier ayant travaillé à la lutte antidrogue au niveau de la rue, voilà mes préoccupations et mes mises en garde. Je crois que nous sommes très près du but. Je suis d'accord avec la nécessité de changer la donne. C'est un pas dans la bonne direction, mais il faut que cela se fasse comme il faut, sans précipitation et de manière appropriée.

  (0910)  

    L'Association canadienne des chefs de police est-elle aussi d'avis qu'elle ne sera pas prête dans 290 jours et qu'elle ne sera pas en mesure de faire appliquer quoi que ce soit?
    Oui, nous avons dit que nous ne pourrons pas vraiment commencer à nous préparer sans savoir tout ce que la loi signifiera sur le plan provincial, fédéral et municipal. C'est pour cela que nous demandons au gouvernement d'envisager la possibilité de nous laisser plus de temps avant de procéder à la mise en oeuvre intégrale de la loi, ce qui nous permettra de donner la formation qui s'impose et d'être prêts dès le premier jour de l'entrée en vigueur.
    Je suis tout à fait d'accord: il faut que cela se fasse correctement et sans précipitation.
    Votre observation au sujet des quantités limites en matière de possession m'a interpellée. Je conviens que pour envoyer le bon message aux jeunes de 12 à 17 ans, la quantité limite devrait être zéro. J'aime l'idée d'encadrer cela par des contraventions, car cela leur évitera d'avoir une infraction criminelle qui les hantera pour le reste de leur vie. Que pensez-vous de la limite de 30 grammes qui a été fixée pour les adultes? Avez-vous des observations à formuler à ce sujet?
     Je peux répondre à cela.
    Notre comité a discuté abondamment de cette question. Il y a deux côtés à cette médaille. D'abord, si nous rendons l'achat de cannabis trop difficile — si cela devient un problème pour les gens et s'il n'y a pas moyen d'avoir un accès raisonnablement facile à une certaine quantité —, nous allons rendre le marché plus vulnérable à une intervention du crime organisé, qui cherchera à combler le vide.
    Évidemment, nous ne voulons pas non plus que l'accès soit trop facile, puisque cela ouvre la porte au détournement de produit. Pour ce qui est des 30 grammes, nous devons être conscients qu'il s'agit d'environ 60 joints, mais nous devons aussi garder à l'esprit que si cette quantité ne suffit pas, les gens décideront peut-être de s'approvisionner ailleurs que dans un magasin — où quelque autre point d'accès. Après beaucoup de discussions et de débats, nous en sommes venus à la conclusion que nous n'aimerions pas que cette limite soit relevée; nous voudrions que 30 grammes soient vraiment la quantité limite maximale.
    Très bien, je vous remercie.
    Mon autre question porte sur le crime organisé. Nous avons entendu des témoignages selon lesquels le crime organisé est partie prenante, et ce, même dans l'industrie de la marijuana médicale. Sans égard pour la loi que nous adopterons, je ne crois pas, personnellement, que le crime organisé va se contenter de dire: « Eh bien, vous avez raison, nous avons eu une bonne passe, mais, que voulez-vous, des lois ont été adoptées, alors nous allons suivre les règles du jeu, nous procurer un permis et suivre le courant. » Croyez-vous vraiment que cette loi va régler le problème de l'implication du crime organisé?
    La loi n'éliminera pas le crime organisé, mais il y aura là une occasion d'atténuer l'impact du crime organisé sur nos collectivités. Cette occasion sera concrétisée par une réglementation améliorée, et par des attestations de sécurité qui ne se limiteront pas aux entreprises ou aux détenteurs de permis, puisqu'elles viseront aussi les investisseurs, les entrepreneurs et les fournisseurs, et qu'elles iront elles-mêmes au-delà des attestations de sécurité de base, et feront appel à des audits financiers judiciaires.
    C'est en suivant l'argent que l'on trouve le crime organisé. Au Canada, l'industrie illicite actuelle vaut 7 milliards de dollars. Plus de 300 organisations criminelles sont présentement impliquées dans la production, la distribution, l'importation ou l'exportation de cannabis. Nous pouvons faire reculer cette industrie, mais nous ne pouvons pas l'éliminer.
    C'est tout le temps que vous aviez.
    Monsieur Davies, nous vous écoutons.
    Merci à tous de votre présence.
    Je reçois un message très clair de chacun de vous. M. Barnum est probablement celui qui l'a formulé le plus clairement. « [...] nous ne serons pas prêts le 1er août. [...] C'est impossible. » Je pense que ce sont les mots que vous avez utilisés.
    Supposons que le gouvernement presse les choses pour respecter cette date limite artificielle de juillet 2018 et que vous n'êtes pas prêts. Dites-moi à quoi ressemblera pour vos corps policiers le jour suivant l'entrée en vigueur de la loi. Quelles seront les conséquences du fait que vous ne serez pas prêts?

  (0915)  

    Ce qui se passera n'est pas encore prévisible pour nous. Cela dépend de quand nous allons commencer à recevoir de l'information sur ce qui sera dans la loi. Si on nous donne cette information raisonnablement tôt — disons, à six ou sept mois de la date limite —, nous allons être en mesure de commencer à travailler et de fixer des priorités. Nous allons analyser toutes nos statistiques, nous allons regarder où les choses se passent, nous allons cibler les routes où il y a lieu de s'inquiéter pour la conduite avec facultés affaiblies, les régions où nous pourrions avoir du fil à retordre avec certains groupes impliqués dans la culture à grande échelle ou avec le crime organisé, etc. Nous allons faire de notre mieux pour mettre le pied dans la porte et le maintenir là sans que les choses se mettent à déraper.
    Cela dépend tellement de ce que la loi dira, du moment où nous la recevrons et du temps dont nous disposerons pour adapter notre organisation et notre formation en conséquence. C'est une question à laquelle il est difficile de répondre de façon nette et précise, mais quoi qu'il en soit, le plus vite nous l'aurons, le mieux ce sera pour nous. La suite des choses dépendra beaucoup de ce que la loi dira.
    Si vous me le permettez, j'aimerais ajouter quelque chose aux observations du sous-commissionnaire. L'une des répercussions dont nous devons tenir compte dans l'éventualité d'une adoption précipitée de la loi et de la situation subséquente où les corps policiers n'auraient pas eu de formation adéquate à ce sujet, c'est celle-ci: le fait de ne pas avoir les connaissances appropriées et la formation appropriée pourrait mener à de mauvaises décisions, lesquelles pourraient se traduire par une jurisprudence qui nuira à la nouvelle loi. En revanche, si nous profitons de l'occasion pour faire les choses comme il faut, nous allons renforcer la crédibilité des lois devant les tribunaux. Voilà pourquoi nous accordons tant d'importance à la formation.
    Merci.
    Vous représentez tous des corps policiers provinciaux et municipaux. Nous savons que ce système va nécessiter des décisions provinciales en matière de réglementation et peut-être même certaines décisions municipales concernant les questions de propriétaires et de locataires. Quelle proportion de ce que vous devez savoir dépend des règlements provinciaux et municipaux qui devront être mis en place?
    Passablement de choses ont été laissées aux provinces: le mode de vente, l'âge et l'aspect culture à domicile feront partie de leur mandat. Il y a donc beaucoup d'éléments qui devront être fixés par les gouvernements provinciaux avant que nous puissions mettre au point notre formation. Nous devons également nous assurer d'avoir les infrastructures nécessaires en place. Nous avons parlé de nos préoccupations concernant la saisie des plants et notre capacité à gérer cela. Quelles autres installations nous faudra-t-il pour gérer les saisies de cannabis? C'est une question à laquelle nous n'avons pas encore répondu. Pour nous, il y encore beaucoup de questions auxquelles nous devrons répondre avant même d'amorcer le processus.
    D'accord.
    La loi a pour objet de « protéger la santé et la sécurité publiques », et notamment, selon le paragraphe 7e), « de réduire le fardeau sur le système de justice pénale relativement au cannabis ». Lorsque la loi entrera en vigueur — le 1er juillet ou le jour où cela arrivera —, le cadre législatif proposé permettra-t-il selon vous de réduire le fardeau sur le système de justice pénale?
    Nous ne le croyons pas. Si nous nous reportons encore aux leçons apprises du Colorado et de l'État de Washington, nous constatons qu'en fait, il y a eu une augmentation de la capacité dès le début. Comme nous l'avons dit, il est d'importance névralgique que nous appliquions la loi avec rigueur tout de suite en partant si nous voulons que les nouveaux règlements soient respectés. Il s'agit d'un système complètement neuf, et nous devons veiller à faire les choses correctement et à être passablement rigoureux en matière d'application.
    Nous savons qu'en 2016, il y a eu environ 16 000 ou 17 000 accusations de possession simple de marijuana, mais nous croyons que ces accusations seront remplacées par des contraventions. Elles seront remplacées par des appels importuns. Elles seront remplacées si, hélas, on autorise la culture à domicile et qu'on nous confie le soin de gérer cet aspect de la réglementation. Vous comprendrez que ce nouveau mandat prendra beaucoup de temps à nos agents et qu'il nous coûtera cher. Il faudra saisir les plants et les apporter au service de police désigné ou à quelque installation d'entreposage, et s'astreindre à tout ce processus. Nous ne voyons pas comment cela fera gagner du temps à notre personnel, du moins, pas au début et pas avant plusieurs années.
    Permettez-moi une observation, car cela commence à me donner l’impression qu’il ne s’agit pas vraiment d’une légalisation. On cherche à rendre le cannabis moins illégal. À l’heure actuelle, vous ne pouvez rien avoir sur vous lorsque vous êtes sur la voie publique, mais la loi vous permettra d’être en possession de 30 grammes. Vous serez quand même obligés de sévir contre quelqu’un qui sera trouvé avec 35 ou 40 grammes en sa possession.
    Actuellement, vous n’avez pas le droit de cultiver de la marijuana à la maison. Or, avec cette loi, on vous laissera en cultiver une certaine quantité, ce qui signifie qu’il faudra quand même surveiller et faire appliquer la loi, mais vos interventions viseront des maisons où l’on fait pousser 10 plants. Puis, comme vous l’avez fait remarquer, il y aura les infractions pouvant faire l’objet de contraventions.
    Je n’y vois aucune diminution de votre charge de travail. En fait, avec la venue d’un nouveau régime, j’ai l’impression que vous allez devoir former beaucoup de vos agents. Si l’on ajoute à cela les dispositions sur la conduite avec facultés affaiblies par la marijuana, je ne vois aucune différence dans la charge de travail qui vous incombera. À vrai dire, si modification il y a, ce sera une augmentation.
    Je veux maintenant m’adresser à M. Barnum.
    Quelle est la taille moyenne des plantations que vous découvrez? Combien de plants y trouve-t-on en moyenne?

  (0920)  

    Je ne sais pas si je pourrais dire quelle est la taille moyenne. Je suis allé dans des plantations intérieures qui comptaient 45 000 à 50 000 plants. J’en ai vu d’autres qui comptaient huit ou neuf plants ayant un rendement énorme et du potentiel à revendre pour faire pousser beaucoup de marijuana. Je ne crois pas que je pourrais vous dire ce qu’est la taille moyenne d’une plantation. Cela dépend du crime organisé, du groupe, de ses habiletés, de la compétence de l’électricien, de son savoir-faire en la matière et des installations proprement dites.
    Pour un instant, j’aimerais me faire l’avocat du diable. Je dirais que la plantation moyenne a probablement plus que quatre plants. Permettez-moi les deux questions suivantes. N’aide-t-on pas à couper l’herbe sous le pied au marché noir en permettant aux gens de faire pousser quatre plants? Ainsi, ils n’auront pas à se procurer leur marijuana de sources desquelles nous ne voulons pas qu’ils s’approvisionnent. N’est-ce pas là une façon de miner l’emprise du crime organisé?
    Je préférerais utiliser le système légal qui sera mis en place.
    D’accord.
    Avec les grandes plantations, les inquiétudes comme la moisissure, le détournement d’électricité et d’autres choses semblables se matérialisent-elles vraiment? La maison moyenne abrite probablement plus de quatre plants à l’heure actuelle, alors le fait de fixer la limite à quatre plants n’est-il pas une façon raisonnable d’éviter les problèmes associés aux opérations à grande échelle dans les sous-sols comme la moisissure et le détournement d’électricité? Ce que j’essaie de dire, c’est que je pense que quatre plants n’ont probablement rien pour susciter des craintes quant à la moisissure et au détournement d’électricité. Y a-t-il quelque chose qui m’échappe?
    Je ne sais pas. Cela dépend de la personne qui fait la culture. Elle peut décider d'installer une ampoule de 2 000 watts au-dessus de ses quatre plants, ce qui l'obligera à augmenter l'apport en électricité; pour augmenter ses profits, elle peut opter pour un renouvellement des plants à intervalle de 14 semaines plutôt que 40; elle peut faire du détournement; elle pourrait aussi chercher à augmenter le taux de THC dans ses plants. Ce sont toutes des choses que les producteurs peuvent faire. L'alimentation électrique moyenne d'une maison ne comblera pas leurs besoins, alors on peut s'attendre à ce qu'il y ait des problèmes.
    Disons qu'un certain nombre de personnes s'associent, qu'elles trouvent un contact pour écouler leur production, et qu'elles se mettent chacune à faire pousser quatre plants, mais selon une méthode fixée d'avance. Si cette méthode est la culture hydroponique à base de produits chimiques, il y aura des problèmes de ventilation, ce qui occasionnera de la moisissure. Encore une fois, on visera une rotation à intervalle de 14 semaines. Les plants vont se succéder sans arrêt.
    Il y a beaucoup de scénarios envisageables. Je crois qu'il est important de ne pas prendre cela à la légère en pensant que ce sera seulement quatre petits plants dans des petits pots de terre posés sur le rebord de la fenêtre, et qu'un jour, quelqu'un décidera de se rouler un joint à partir des quelques cocottes qui auront apparu. Je ne crois pas que cette perspective est conforme au monde dans lequel nous vivons maintenant. Cela n'est pas du tout conforme à ce que nous voyons et à l'expérience que nous avons.
    Merci beaucoup.
    Passons maintenant à M. McKinnon.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais commencer par le sous-commissaire Barnum. Vous avez dit que les vérifications de sécurité pour les producteurs autorisés doivent être renforcées. À l'heure actuelle, Santé Canada fait appel à la GRC pour ses vérifications de sécurité. Croyez-vous qu'il y a quelque chose qui ne fonctionne pas avec ce processus? Croyez-vous que la GRC ne va pas assez loin ou que l'on devrait étoffer le processus?
    D'abord, en ce qui concerne les grandes plantations qui vont être réglementées et autorisées, il importe de comprendre que ce sont elles que le crime organisé va cibler. C'est mon opinion et je suis peut-être le seul à penser cela. C'est avec ces plantations que le crime organisé pourra faire le plus d'argent, mais c'est aussi la meilleure occasion que nous allons avoir de l'évincer. Je suis d'avis que nous avons besoin de processus plus rigoureux que ceux qui sont utilisés à l'heure actuelle pour la vérification des antécédents dans le domaine de la marijuana médicale.
     Je regarde ce que fait la Commission des alcools et des jeux de l'Ontario. Lorsque quelqu'un soumet une demande de permis de boisson pour un bar ou qu'il cherche à se procurer un permis de loterie pour un événement quelconque ou pour ouvrir un casino à temps partiel, etc., on procède à une vérification rigoureuse des antécédents et, comme le disait mon collègue, on fait aussi des vérifications d'ordre financier. Ce processus a plus d'un niveau. Ce n'est pas comme si on se contentait de mettre le nom du demandeur sur le permis, point à la ligne. Non, non, non. Nous devons connaître la composition du personnel et d'où provient l'argent qui permet au demandeur d'ouvrir un bar. Dans le cas de la marijuana, il faudra aussi savoir d'où proviennent l'argent et le financement qui permettront aux demandeurs d'avoir une plantation légale et autorisée. D'où provient l'argent? Nous devons faire ces vérifications de cette façon. À mon avis, le processus doit aller au-delà d'une simple vérification du casier judiciaire. Je suis d'accord avec ce qu'a dit Tom tout à l'heure: le processus doit avoir plusieurs niveaux.
    Je dirais que ce qui se fait dans le système médical n'est pas assez bon pour ce que nous voulons faire avec le système légal.

  (0925)  

    Le processus actuel se limite-t-il à de simples vérifications des antécédents criminels? Est-ce bien ce que vous dites?
    Oui, c'est ce que je dis.
    Je me pose des questions à ce sujet. Si quelqu'un veut investir dans un atelier de plomberie, ou dans quelque chose qui peut être très lucratif, nous ne procédons pas à une vérification exhaustive des antécédents. Ce n'est pas quelque chose qui se fait pour les entreprises légales. Si la culture du cannabis devient une entreprise légale, je me demande pourquoi nous devrions faire ces vérifications.
    Vous soulevez un très bon point.
    Dans un domaine légal comme celui de la plomberie, on ne trouvera pas les 300 organisations criminelles que l'on a aujourd'hui dans cette industrie illicite. Il y a aussi des groupes issus du crime organisé qui se sont incrustés dans le système de la marijuana médicale. Nous avons là une occasion d'améliorer le processus de vérification de sécurité, et d'essayer de cerner les éléments issus du crime organisé et d'atténuer leur influence.
    Merci.
    Je vais passer à autre chose. Je ne sais pas qui c'était, mais quelqu'un a formulé des réserves concernant le fait que la quantité limite permise pour les jeunes était de cinq grammes, et que c'était trop. Si la quantité limite était moindre, elle tomberait dans le registre de ce que les provinces pourraient faire pour interdire l'accès. Ce serait une question non criminelle. La limite de cinq grammes n'envoie pas le message que c'est acceptable d'en avoir, mais moins. Tout ce que cela veut dire, c'est que le régime criminel ne s'applique qu'à partir de cinq grammes.
    Par exemple, aux termes des règlements actuels de l'Ontario, vous pourriez donner une contravention à un mineur qui consomme de l'alcool. Pourquoi faudrait-il que ce soit différent de cela?
    Je pense que ce que nous recommandons, en essence, c'est que ce soit la même chose. C'est comme ce que prévoit la Loi sur les permis d'alcool. Si vous n'avez pas le droit d'en avoir sur vous parce que vous n'avez pas l'âge requis, vous recevez une contravention, ou il y a la possibilité d'en donner une. On ne criminalise pas ou quelque chose du genre. C'est ce que nous recommandons en Ontario, c'est-à-dire le même processus que dans la Loi sur les permis d'alcool. Nous avons parlé de cela en long et en large et nous aimerions voir un système qui miserait sur une sensibilisation obligatoire. Au lieu de donner une contravention, nous pourrions peut-être aiguiller le jeune — selon son âge et le nombre de récidives — sur un forum en ligne où il pourrait se renseigner sur la marijuana et sur l'effet que cette drogue peut avoir sur le cerveau en développement d'une personne de 15 ans.
    Nous aimerions beaucoup aller de ce côté-là. Ce serait encore mieux qu'un système axé sur les contraventions, mais force est d'admettre que c'est quelque chose qui sera long à concevoir et à organiser. Par conséquent, nous sommes d'avis que les jeunes n'ont pas besoin d'entrée de jeu qu'on les autorise à en avoir, et que nous pourrions, dans cette optique, fournir un système de contraventions pour des possessions de trois, quatre ou cinq grammes, bref, pour ce qui sera nécessaire.
     Alors, c'est vraiment aux provinces d'établir ces choses-là.
    Oui, monsieur.
    Il me semble qu'il s'agit d'une approche beaucoup plus efficace que la criminalisation des jeunes. J'aimerais vous demander si vous croyez que la limite de cinq grammes à partir de laquelle le système de justice pénale peut être activé devrait être relevée afin d'ouvrir plus grande la porte aux interventions provinciales en matière de saisies, de formation et de délivrance de contraventions pour les jeunes.
    Voulez-vous répondre à cela?
    De notre point de vue, nous sommes d'accord pour dire que la possession de petites quantités ne devrait pas être criminalisée. Nous devrons assurément faire des représentations auprès de nos provinces pour veiller à ce que soit mis en place un système qui nous permettra de confisquer la marijuana trouvée sur des enfants et d'empêcher que la marijuana soit partagée socialement à grande échelle dans les écoles. Nous sommes donc très associés à cette démarche. Malheureusement, ce sont des choses pour lesquelles nous n'avons pas de réponse dans la majorité des provinces, l'Ontario mis à part. Nous ne savons pas non plus comment cela pourra être géré efficacement.
    Pour ce qui est de relever la limite de cinq grammes, nous sommes contre. Nous sommes d'avis que la protection de la jeunesse est l'un des aspects importants de la loi. Le message que nous envoyons à nos jeunes sur la possession de marijuana est crucial. Je crois que si nous relevons la limite, nous allons envoyer un message. Je crois qu'il est d'importance capitale que les jeunes sachent que la marijuana n'est pas une drogue qui est bonne pour la santé, comme vous l'ont dit les spécialistes du domaine médical. Nous devons lancer un programme de sensibilisation dès maintenant pour veiller à ce que cela soit compris des jeunes. Nous serions contre l'allègement de cette limite. Nous essayons assurément d'inciter les provinces à nous donner les outils pour nous permettre de veiller à ce qu'aucun jeune ne soit en possession de marijuana ou qu'il n'y ait aucun partage social de cette drogue chez les jeunes.

  (0930)  

    Vous voyez donc une certaine valeur au fait de criminaliser les jeunes pour possession.
    Nous aimerions assurément que les tribunaux aient des options à cet égard. Comme le disait mon collègue, nous appuyons d'emblée — pour les premières infractions, etc. — la mise au point de programmes semblables à ceux de déjudiciarisation. Nous croyons que ces programmes sont extrêmement importants pour les infractions de ce type. Cela dit, qui que ce soit — qu'il s'agisse d'un jeune ou d'un adulte — qui essaie de vendre de la drogue à des jeunes est considéré comme un contrevenant très sérieux. Si nous voulons contenir ou gérer la consommation des jeunes dans notre pays, nous devons prendre cela très au sérieux. Bien entendu, dans le cas d'une personne qui serait prise en possession de, disons, six grammes pour usage personnel, nous nous en remettrons aux tribunaux afin qu'ils choisissent l'outil idoine parmi ceux dont ils disposent — y compris la déjudiciarisation — pour gérer cela de manière efficace.
    C'est tout le temps que vous aviez.
    Voilà qui termine la série de questions de sept minutes. C'est M. Carrie qui amorcera la série de questions de cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens à remercier bien sincèrement les témoins de leur présence. Je regrette vraiment que nous ne soyons pas en mesure de passer plus de temps avec vous. Je sais que les libéraux veulent précipiter l'adoption de ce projet de loi, mais vous sachant sur la première ligne et connaissant toute l'importance que vous accordez à la santé et à la sécurité des Canadiens, et en particulier à celles de nos enfants — comme nous d'ailleurs —, je trouve dommage que nous n'ayons pas beaucoup de temps à vous accorder.
    Force est de reconnaître que la conversation que nous avons avec vous aujourd'hui est un peu théorique puisque, sur le terrain, il n'y a encore aucune certitude à laquelle vous pouvez vous rattacher. Le processus doit en effet suivre son cours. Voilà qui est intéressant. D'après certaines questions que nous avons entendues aujourd'hui, les députés ministériels semblent penser que vous devriez déjà être en train de planifier et que vous devriez déjà avoir tout prévu, attendu que nous parlons de cela depuis deux ans, soit depuis que le premier ministre en a fait une promesse électorale.
    Quoi qu'il en soit, j'aimerais quand même avoir une idée de la façon dont cela va se traduire concrètement. Nous avons invité les provinces et les territoires à comparaître, mais seule la Saskatchewan a accepté de le faire. Par ailleurs, l'Ontario a annoncé qu'il avait un plan. Comme l'Ontario n'a pas voulu comparaître, je me suis dit que vous, sous-commissaire Barnum, pourriez nous donner vos premières impressions au sujet du plan de la première ministre Wynne.
    J'aimerais que vous nous disiez ce qui vous a plu dans ce plan, ce que vous y avez vu qui n'apparaît pas dans le projet de loi et, de façon plus spécifique, ce que vous avez l'intention de faire relativement à la culture à domicile.
    Eh bien, comme je tiens quand même à mon salaire, je vais faire attention à ce que je dis.
    Si vous croyez qu'il y a un risque, prenez toutes les précautions nécessaires.
    Non, je comprends cela.
    Je ne peux pas ajouter grand-chose à ce qui a été dit ce matin sur ce que nous considérons être d'une importance capitale. Encore une fois...
    Le plan de Mme Wynne prévoit-il quelque chose concernant la culture à domicile?
    Je n'ai rien vu à ce sujet. Je ne dis pas qu'il n'y a rien de tel; je dis plutôt qu'on ne nous a pas indiqué ce que le gouvernement de l'Ontario entend faire au juste à propos des activités de culture à domicile. Au fond, tout ce que nous avons vu, ce sont les renseignements qui ont été rendus publics.
    D'accord. Je n'ai rien vu là-dessus, moi non plus.
    J'aimerais parler un peu du raisonnement des libéraux. Au début, il s'agissait d'une promesse. C'était une surprise pour tout le monde, mais ils ont élaboré une justification. Un des arguments, c'était que le statu quo ne fonctionne pas. Or, d'après les témoins que nous avons entendus hier, ce n'est pas vrai. Ils ont réfuté cet argument en présentant des statistiques disponibles publiquement qui montrent une tendance à la baisse de la consommation de marijuana chez les jeunes.
    Le deuxième argument invoqué par les libéraux est celui d'éliminer les problèmes liés au crime organisé. Là encore, la GRC a dit hier que ce n'est pas vrai. Vous l'avez vous-même mentionné, sous-commissaire Barnum et, si je ne me trompe pas, monsieur Carrique, vous avez dit que cela ne vous permettra pas d'en retirer le contrôle au crime organisé.
    Je voudrais parler du troisième point que les libéraux ne cessent de répéter, à savoir que cette mesure permettra de garder le cannabis hors de la portée des enfants. Le projet de loi dont nous sommes saisis n'a aucune répercussion sur les jeunes de 12 à 17 ans. Vous avez parlé de partage social. Vous avez évoqué les problèmes liés à la culture à domicile, le risque de criminalité et même la possibilité que des jeunes soient la cible de bandes organisées à l'étape de la distribution. Nous parlons ici de jeunes de 12 ans et, dans le contexte scolaire public, ils sont les aînés. Quand j'allais à l'école, tout le monde prenait en exemple les plus vieux.
    D'après vous, le projet de loi contient-il une disposition quelconque qui aidera à garder la marijuana hors de la portée des enfants?
    Nous pourrions peut-être commencer par M. Serr.
    En ce qui a trait au projet de loi à l'étude, nous avons pris connaissance des sanctions pour la vente aux jeunes, et elles correspondent à la gravité d'un tel acte. C'est important pour nous.
    Pour ce qui est de notre capacité de bien gérer ce problème, ce n'est pas le cas; nous devons d'abord encourager les provinces à nous donner la capacité de saisir la marijuana auprès des jeunes. Ensuite, il y a la question de savoir quel type de mécanisme sera mis en place, qu'il s'agisse d'un mécanisme de contraventions ou non. Nous ne connaissons pas la réponse à cette question.
    Aux termes du projet de loi, comme je l'ai dit, la vente aux jeunes a été reconnue comme une sanction importante, mais au-delà de cela, nous n'avons pas beaucoup d'outils pour régler précisément la question des jeunes.

  (0935)  

    Oui, je ne vois pas rien de tel, moi non plus. Je songe au raisonnement des libéraux et, bien franchement, leurs arguments ont été démolis ici, après seulement les deux ou trois premiers jours de témoignages.
    On a attiré mon attention sur une autre question. Comment faites-vous pour déterminer la différence entre le cannabis légal et illégal, surtout compte tenu du fait que la culture à domicile est autorisée selon la version actuelle du projet de loi?
    La réponse courte, c'est qu'il nous est impossible de le faire.
    D'accord.
    Étant donné l'échéance proposée par les libéraux pour légaliser la marijuana au Canada, croyez-vous qu'on en fait assez au chapitre de la sensibilisation du public? Selon un des témoins que nous avons entendus hier, le gouvernement libéral aurait réservé, je crois, 9 millions de dollars pour la sensibilisation aux dangers de la marijuana. Dans le cas du tabac, il s'agit de 38 millions de dollars. Nous en savons déjà beaucoup sur le tabac. Comme l'a dit un témoin, la plupart des fumeurs savent que l'usage du tabac est mauvais, et nous dépensons 38 millions de dollars à cet égard. D'après vous, un montant de 9 millions de dollars aura-t-il le moindre effet dans le cadre d'un programme de sensibilisation?
     Nous plaiderons pour des messages d'intérêt public, car nous en avons absolument besoin. La leçon que nous avons tirée du Colorado et de l'État de Washington, c'est qu'il faut commencer dès maintenant. À vrai dire, nous devions commencer il y a un an. Il subsiste de fausses idées sur les jeunes et les dangers de la conduite avec facultés affaiblies par la drogue. Beaucoup de gens n'y associent pas les mêmes risques que ceux présentés par l'alcool.
    Quant à la question de savoir de combien d'argent nous avons besoin, je ne peux pas y répondre de façon précise, car nous ne connaissons toujours pas certains aspects du projet de loi. Je peux toutefois dire qu'il faut absolument investir dans un programme de sensibilisation rigoureux et permanent qui s'adresse non seulement aux jeunes, mais aussi aux parents, aux enseignants et à la population en général et qui porte sur les dangers de la consommation de la marijuana, en particulier chez les jeunes.
    Votre temps est écoulé. Désolé.
    Monsieur Ayoub.
    Merci, monsieur le président.

[Français]

     J'aimerais vous poser des questions sur la situation actuelle. Vous êtes des gens de terrain. Vous savez donc ce qui se passe dans les rues, dans les écoles et du côté des jeunes. Les jeunes consomment-ils présentement? J'imagine que la réponse est oui, mais est-ce la réalité? Selon vous, monsieur Barnum, le cannabis est-il consommé par les jeunes présentement?

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    Avons-nous assez d'effectifs? Traitons-nous suffisamment cette problématique présentement?

[Traduction]

    Cherchez-vous à savoir s'il y a assez d'effectifs du point de vue de l'application de la loi ou...?
    Peu importe la solution. Avez-vous l'impression d'avoir les outils nécessaires pour régler le problème à l'heure actuelle?
    Non, je crois que nous avons toujours besoin de ressources supplémentaires pour travailler auprès des jeunes dans nos collectivités afin de nous assurer qu'ils comprennent les effets néfastes de toute forme de drogue.

[Français]

    Là où je veux en venir, c'est qu'il s'agit d'une situation qui se répète. Or on peut toujours faire mieux et s'améliorer. Il y a toujours une prévalence du crime, ce n'est jamais pareil, ça monte et ça descend, et vous devez vous y ajuster.
    L'ensemble des gens qui travaillent en lien avec cette industrie disent que la situation actuelle ne marche pas. Depuis une centaine d'années, on fonctionne de la même façon, mais on constate que, dans notre monde moderne, nos jeunes sont les plus grands consommateurs de marijuana au sein des pays de l'OCDE. Nous devons donc changer nos façons de faire.
    Si je comprends bien vos propos, nous devons saisir l'occasion de faire mieux, mais vous dites qu'il faut relever des défis pour être prêt. À mon sens, on ne peut jamais être prêt à 100 %. Présentement, nous ne sommes pas prêts à bien gérer la situation actuelle. Vous pouvez toujours vous améliorer, vous pouvez toujours avoir plus d'employés, vous pouvez toujours faire plus.
    J'aimerais savoir si vous tenez des statistiques sur les crimes liés directement au cannabis, qu'il s'agisse de la conduite avec facultés affaiblies ou de possession de cannabis. En avez-vous comparativement à celles que vous donnez pour l'alcool au volant?
     Chaque fois que je pose la question à des membres de corps de police, ils ont plus de statistiques sur l'alcool au volant qu'ils en ont sur le cannabis. Avez-vous des statistiques spécifiquement liées au cannabis, comparativement à l'alcool au volant? Avez-vous ce genre de statistiques?

  (0940)  

[Traduction]

    Nous n'avons pas cette statistique en main. Chose certaine, en ce qui concerne la conduite en état d'ébriété ou avec facultés affaiblies, nous préparons, au nom de l'ACCP, une réponse au projet de loi C-46 dans laquelle nous pourrons examiner de plus près certaines de ces statistiques pour mieux comprendre la situation.

[Français]

     J'aimerais bien que vous communiquiez au Comité les statistiques dont vous disposez présentement, de sorte que nous puissions comparer l'avant et l'après.
    En ce qui a trait à la préparation, je suis un peu perplexe. Vous dites attendre que la loi soit adoptée. Celle-ci va inclure des éléments spécialisés, et je comprends qu'il faille les attendre pour s'assurer d'avoir un point de vue précis. Cela dit, j'aimerais savoir quelles démarches vous faites entre-temps pour vous préparer.
     Attendez-vous que la loi soit adoptée sans rien faire ou vous préparez-vous entre-temps?
    On parle tout de même depuis plus de deux ans d'adopter une loi pour légaliser le cannabis au Canada. Je suis certain que vous travaillez à cela. J'aurais aimé que vous nous en parliez, et si vous n'êtes pas en mesure de me répondre au cours des 45 secondes restantes, pourriez-vous nous faire parvenir un rapport sur votre état de préparation et sur la façon dont vous prévoyez atteindre le but?

[Traduction]

    Voulez-vous en parler du point de vue de votre comité?
    Volontiers.
    Dans le contexte du Service de police de Saskatoon, nous sommes en pleine discussion sur la façon dont nous interviendrons à l'avenir, mais il est vrai que tant que nous n'aurons pas vu la loi et le règlement, il sera difficile de savoir exactement à quoi nous en tenir.
    J'ai parlé, dans ma déclaration préliminaire, de la peur de l'inconnu et de l'impossibilité de savoir avec certitude à quel point le nombre d'appels d'intervention augmentera, etc. Voici l'une des difficultés qui se présentent: une fois que le projet de loi sera mis en oeuvre, nous commencerons à surveiller le nombre d'appels d'intervention et tout le reste au sein de la collectivité, mais nous ne pourrons pas y réagir tant que nous n'aurons pas une bonne idée de l'état de la situation.
    À ce stade-ci, nous collaborons également avec des fonctionnaires provinciaux assez haut placés. Nous devrons tenir davantage de consultations avec eux afin de savoir comment ils envisagent les règlements provinciaux.
    Votre temps est écoulé.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. Carrie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais revenir sur ma dernière question. Nous savons que les jeunes consomment beaucoup trop de cannabis. Voilà que nous disons que nous allons abandonner un système qui, de l'avis du gouvernement, ne fonctionne pas, même si les statistiques montrent le contraire, mais je me demande si vous pourriez, en votre qualité de policiers, nous expliquer les outils dont vous disposez à l'heure actuelle.
    Si vous immobilisez le véhicule d'un jeune de 17 ans et que vous sentez ou voyez de la marijuana dans la voiture, comme c'est illégal, vous n'avez pas besoin de prouver que la personne a les facultés affaiblies. Vous n'avez pas à vous inquiéter d'obtenir un frottis buccal pour voir si le jeune a consommé de la marijuana. Nul besoin non plus de faire un test sanguin. Vous avez ainsi des outils pour cibler les jeunes. Je crois que le but serait peut-être de les inscrire à un programme de traitement ou de parler à leurs parents.
    Comment la situation sera-t-elle différente maintenant dans le cadre de votre travail, c'est-à-dire lorsque vous intercepterez le véhicule d'un jeune en vertu de la nouvelle loi ou d'une nouvelle loi hypothétique? Disposerez-vous des mêmes outils à cet égard? La situation va-t-elle s'aggraver ou s'améliorer? Qu'en pensez-vous?
    Voulez-vous répondre à cette question?
    Je veux bien. Je crois que nous en avons la capacité, et l'ACCP a préconisé une telle mesure; d'ailleurs, nous défendons très clairement, et ce, depuis longtemps, l'établissement d'un régime d'imposition de contraventions pour les jeunes contrevenants. Ce serait bien d'avoir la possibilité de donner une contravention, le cas échéant. Nous aurions à notre disposition un outil de plus, pour ainsi dire.
    Faut-il passer par la légalisation pour en arriver là, ou pourriez-vous procéder de manière différente en vertu du cadre actuel, par la décriminalisation ou quelque chose de ce genre?
    Cela varie beaucoup d'une province à l'autre. À mon avis, il est bien établi que la Colombie-Britannique adopte une approche policière bien plus tolérante pour ce qui est de la marijuana. Bien souvent, très franchement, on ne fait que retirer la marijuana des mains des jeunes, et l'affaire est close.
    Nous voulons certes empêcher les jeunes d'y avoir accès. Nous voulons nous assurer d'avoir les pouvoirs nécessaires en vertu d'une loi provinciale pour confisquer la marijuana que possède un jeune. C'est là notre préoccupation première.
    Nous pensons également qu'il est important d'avoir, comme mon collègue l'a dit, un système qui nous permet de donner des contraventions et peut-être d'assurer une sensibilisation. Nous avons soutenu qu'un régime de sanctions pécuniaires n'est probablement pas la meilleure approche, surtout dans le cas des délinquants qui en sont à leur première infraction; il faudrait plutôt envisager des solutions comme une application en ligne ou un programme en ligne dans le cadre duquel un jeune doit suivre un cours obligatoire pour se renseigner sur les dangers auxquels s'exposent les moins de 25 ans.
    Nous avons besoin d'outils pour bien gérer la situation. À l'heure actuelle, certains de nos systèmes ne nous permettent que de confisquer la marijuana, mais ce n'est pas suffisant, car je ne crois pas que cela aide à tirer des leçons, d'où la persistance d'un taux de consommation élevé chez les jeunes. En fait, le résultat que nous souhaitons obtenir dans le cadre d'un programme de sensibilisation, à l'instar des campagnes rigoureuses contre le tabac, c'est une baisse de la consommation par les jeunes et la population en général grâce à des campagnes très dynamiques. Selon moi, nous pourrons arriver au même résultat si nous investissons un peu d'argent et si nous y consacrons le temps et les ressources nécessaires.

  (0945)  

    Je suis d'accord avec vous, mais nous conviendrons peut-être tous deux que le projet de loi du gouvernement fédéral ne prévoit rien de tel. Cette responsabilité sera laissée aux provinces et aux territoires.
    La prochaine question s'adresse au sous-commissaire Barnum.
    J'aimerais savoir comment on pourrait, d'après vous, renforcer davantage la vérification de sécurité des producteurs et des distributeurs. Récemment, Santé Canada... Il y a eu un rappel de grande envergure en raison de la présence de pesticides et de fongicides.
    Fait intéressant à noter, même dans le système de marijuana à des fins médicales, le gouvernement ne semble pas investir les ressources nécessaires pour inspecter adéquatement ces installations. Malgré son intention de légaliser la marijuana, en l'occurrence la marijuana récréative, le gouvernement n'investit pas assez aujourd'hui dans le recrutement d'inspecteurs et la surveillance des installations.
    Selon vous, que devrait faire le gouvernement fédéral en prévision d'une telle ouverture du marché?
     J'inviterai peut-être mon collègue, le chef adjoint Carrique, à compléter ma réponse.
    Tout d'abord, et je crois l'avoir déjà mentionné, il est important d'avoir un processus à plusieurs niveaux. L'octroi d'un permis de culture ne consiste pas simplement à apposer un nom sur un certificat après avoir demandé à quelqu'un de vérifier le casier judiciaire du demandeur et à donner le feu vert si la personne n'a pas de casier judiciaire ou si ses antécédents criminels remontent à loin. Je ne dis pas que c'est ce qui va se passer, mais il est important de comprendre qu'il faut une approche rigoureuse à plusieurs niveaux, assortie d'une vérification des antécédents.
    Encore une fois, dans le contexte de l'Ontario, je permets régulièrement aux policiers de voyager partout dans le monde afin de vérifier le dossier des gens qui affirment que des sociétés étrangères font partie du système de casino. Les agents de police parcourent le monde pour effectuer de telles vérifications afin de s'assurer que l'entreprise se trouve dans la collectivité, au pays... qu'elle existe réellement et qu'elle emploie un personnel qui travaille sur place. Nous effectuons ce genre de vérification, conformément à la réglementation.
    Selon moi, une telle approche est essentielle pour nous assurer que l'argent qui entre dans ces installations est légitime, qu'il sert à offrir un produit légal et que les profits reviennent à la collectivité en toute légitimité.
    Avez-vous toutefois la certitude que le gouvernement pourrait s'occuper d'un programme de marijuana à des fins récréatives, sachant qu'il n'y arrive pas du côté médical?
    Votre temps est écoulé.
    D'accord, je pensais pouvoir poser une dernière question.
    Eh bien, vous excellez dans ce domaine. Nous vous donnerons une autre chance.
    Oui, merci.
    Il y a tellement de questions. J'aurais voulu que nous ayons plus de temps à vous consacrer.
    Madame Sidhu.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous tous d'être des nôtres aujourd'hui.
    Ma question s'adresse à la Police provinciale de l'Ontario. Tout d'abord, je vous remercie de servir les 13 millions d'habitants de la province.
    Lors d'une table ronde que j'ai organisée dans ma circonscription, on m'a dit très clairement que certaines personnes ont accès à du cannabis illicite qui est additionné de certaines drogues dangereuses. Imaginez si on autorisait la culture de quatre plants à domicile sur le marché légal. Cela ne rendrait-il pas la consommation de cannabis beaucoup plus sûre, puisqu'on empêcherait ainsi les jeunes de consommer des drogues additionnées d'autres substances?
    Qu'en pensez-vous?
     Je suppose que si une personne cultivait son propre cannabis à des fins de consommation personnelle dans sa maison, alors elle pourrait contrôler le produit, du début à la fin. Ce serait probablement mieux que de devoir s'adresser à quelqu'un dans la rue et d'obtenir un produit qu'on ignore. Oui, je serais d'accord pour dire que, dans un monde parfait, ce serait une bonne chose.
    Par contre, je recommanderais aux gens de faire bien attention à la façon dont leur installation de culture à domicile est raccordée et ventilée, en plus d'en surveiller l'accès. Quelqu'un pourra-t-il entrer chez vous et décider de s'emparer de vos quatre plants?
    Beaucoup de facteurs entrent en ligne de compte. Dans les conditions idéales, une personne fumerait son propre cannabis dans l'intimité de son foyer, mais il faut franchir de nombreuses étapes avant d'en arriver là. Je crois que c'est ce que nous essayons de souligner ici.
    Merci.
    Pourriez-vous parler un peu de la situation actuelle en ce qui concerne la vente de cannabis dans des commerces liés d'une façon ou d'une autre au crime organisé?
    À l'heure actuelle, en Ontario, nous estimons qu'il y a environ 140 dispensaires à la grandeur de la province. Pour ce qui est de savoir s'ils sont directement liés au crime organisé, nous n'avons pas mené d'enquêtes dans toutes les collectivités. Bon nombre d'entre eux relèvent des forces policières au niveau municipal. Nous collaborons avec nos partenaires pour essayer de comprendre la situation.
    Je vais demander à mon collègue du comité sur le crime organisé de compléter ma réponse. Je dirais que la participation du crime organisé est certes une réalité, et nous savons précisément que c'est le cas dans certains dispensaires. Pour vous donner un chiffre exact, je dirais que cela représente probablement 10 % du total.

  (0950)  

    Vous avez également expliqué qu'il faut offrir une formation à 6 000 policiers. Le gouvernement fédéral s'est engagé à investir 161 millions de dollars dans la formation des agents de première ligne pour les aider à reconnaître les signes et les symptômes de la conduite avec facultés affaiblies par la drogue. S'agissant des forces de l'ordre à l'échelle du pays, n'êtes-vous pas d'avis qu'une telle mesure aidera à lutter contre ce crime?
    Si j'ai bien compris votre question, vous dites que l'investissement prévu aidera à la formation...?
    Non. Vous dites que 6 000 policiers ont besoin de formation dès le départ. Le gouvernement s'est engagé à verser 161 millions de dollars pour la formation des agents de première ligne. Ne pensez-vous pas qu'une formation plus poussée sur cet aspect aidera les policiers dans le contexte de la légalisation?
    Je suis d'avis que l'argent aidera à former nos policiers, mais je crois aussi qu'il y aura des coûts supplémentaires. Encore une fois, songez à la diversité de la Police provinciale de l'Ontario et aux défis que nous devons relever sur le plan géographique pour former 6 000 policiers. Il faut beaucoup de temps pour faire venir un agent de police d'une collectivité de l'extrême Nord-Est ou Nord-Ouest à un emplacement central en vue de le former. C'est coûteux et très long. Nous distribuons des trousses de naloxone depuis maintenant quatre mois et demi à chacun de nos agents, et cela comprend un programme de formation. Il s'agit d'un processus de longue haleine.
    Je ne pense pas que nous essayons d'être déraisonnables, et nous ne disons pas que c'est impossible. Nous avons bien hâte de passer à l'action et de travailler en collaboration, mais nous demandons seulement qu'on nous donne un délai raisonnable afin de faire le travail de façon organisée et efficace.
    Merci.
    Monsieur Serr, vous avez dit que la consommation de cannabis chez les jeunes est très... Tout le monde sait qu'il s'agit d'un grave problème. Pour y remédier, nous devons sensibiliser les jeunes. Quel genre de programme de sensibilisation faudra-t-il mettre en place? Pouvez-vous nous dire un mot à ce sujet?
     Oui. De toute évidence, nous avons besoin d'un programme de sensibilisation qui s'adresse expressément aux jeunes et qui les interpelle. Pour ce qui est d'une campagne de messages d'intérêt public, je m'en remettrais certainement aux experts. C'est là, à mon avis, le premier volet. Il y a aussi un deuxième volet, à savoir la nécessité de former les agents de liaison avec les écoles, en plus de la formation dont nous venons de parler, afin qu'ils puissent collaborer avec les écoles et les éducateurs pour faire connaître les dangers de la consommation chez les jeunes et changer les perceptions actuelles.
    N'oublions pas non plus qu'il faut sensibiliser les parents, parce que l'éducation commence à la maison. Nous devons veiller à ce que les parents comprennent les inquiétudes et les dangers liés à la consommation chez les jeunes. Par exemple, nous avons observé qu'au Colorado, si je ne trompe pas, 22 % des jeunes s'étaient procuré de la marijuana auprès de leurs parents; voilà de quoi nous inquiéter. Les efforts de sensibilisation doivent donc viser non seulement les jeunes, mais l'ensemble de la société, pour que nous puissions commencer à faire changer les statistiques sur la consommation chez les jeunes au Canada.
    Votre temps est écoulé.
    Monsieur Davies, vous avez trois minutes.
    Merci.
    Je comprends qu'il y a différentes approches philosophiques en matière de politique antidrogue au pays, et je respecte cela, mais je veux insister un peu sur l'idée générale du passage à la légalisation. Songeons à ce qui s'est passé dans les années 1930 pendant la période de la prohibition de l'alcool: crime organisé, distilleries illégales, présence de mitrailleuses dans les rues, vols, introductions par effraction, et j'en passe.
    Nous avons ensuite procédé à la légalisation de ce produit, qui, soit dit en passant, est un produit dangereux — je crois que nous reconnaissons tous que l'alcool est à l'origine de beaucoup de problèmes de santé, de décès et d'actes de violence —, si bien qu'aujourd'hui, les gens peuvent s'en procurer légalement, et on peut même fabriquer du vin et de la bière maison. Je parie que tout le monde ici présent a chez lui une armoire à alcool. L'alcool est présent dans les maisons. Il n'y a pas de détournement d'alcool vers le marché noir. On ne voit pas de gens s'introduire par effraction dans des maisons pour y dérober des boissons alcoolisées; c'est loin d'être un problème à grande échelle.
    Voici donc ma question: pourquoi est-ce que ce serait différent si nous ajoutions tout simplement le cannabis à la liste des substances intoxicantes que les gens choisissent de consommer? Je reconnais qu'il y aurait une période de transition, mais avec le temps, ne pourrions-nous pas nous attendre à voir une acceptation sociale très semblable dans le cas du cannabis? Quelle est la différence entre le cannabis et l'alcool quant à la façon dont la société y réagit?

  (0955)  

     Je trouve intéressant de parler de la période avant la prohibition, parce que nous parlons de statistiques et de preuves, et j'ignore les données dont nous disposons pour cette période. Il serait très intéressant d'en savoir plus sur les taux de criminalité à l'époque.
    Ce que nous savons pourtant, c'est que la conduite avec facultés affaiblies par l'alcool est la principale cause criminelle de décès au pays. Si nous devons nous attendre à ce que la consommation de cannabis augmente, une telle éventualité nous inquiète beaucoup. Cela met en péril nos collectivités, même s'il n'y a qu'un seul autre incident de conduite avec facultés affaiblies par la drogue, et nous savons que c'est le cas de nos jours. Nous ignorons ce que représente la combinaison de drogue et d'alcool. Nous avons entendu toutes sortes de statistiques de la part de nos voisins du Sud, qui indiquent que cela a une grande incidence. Il y a une hausse de 28 % du niveau d'intoxication. Voilà qui crée un grand danger derrière le volant.
    Vous avez raison de dire que nous ne voyons pas autant d'introductions par effraction dans des maisons pour de l'alcool, mais je peux vous dire qu'il y a 10 ou 15 ans, une des raisons principales pour lesquelles les jeunes s'introduisaient par effraction dans des endroits, c'était pour se procurer de l'alcool. Nous savons tous que les jeunes vont chercher de l'alcool dans le bar de leurs parents. Vous avez donc raison: nous devons vraiment nous concentrer sur l'éducation et la sensibilisation des jeunes, des parents, des éducateurs et des professionnels de la santé pour pouvoir atténuer l'impact de la légalisation du cannabis et protéger nos jeunes le plus possible.
    Nous sommes en avance sur notre programme; donc, s'il y a consentement unanime, nous procéderons à une autre série d'interventions de quatre ou cinq minutes. Je sais que M. Carrie est impatient de poser d'autres questions.
    Je tiens à féliciter le groupe de témoins. Vous donnez les réponses les plus concises que nous ayons jamais obtenues; c'est un peu pour cela que nous sommes en avance sur notre programme.
    Nous allons entamer les interventions de cinq minutes, en commençant par M. Oliver.
    Merci beaucoup.
    On a laissé entendre que le Comité précipite les choses. Si cette rencontre avait lieu un jour de séance normal, nous aurions deux heures d'interrogation et de témoignages, et c'est exactement ce qui se passe ici. Merci infiniment de votre participation.
    J'ai cru comprendre, d'après un de vos témoignages, que l'on craignait que le crime organisé ait infiltré les installations de production de marijuana à des fins médicales. À ma connaissance, la GRC fait des vérifications très rigoureuses dans le cadre de toute demande de licence des producteurs de marijuana à des fins médicales. Ces vérifications portent sur les 20 dernières années. La GRC examine les associations actuelles et passées des propriétaires. Elle étudie les renseignements criminels qu'elle a recueillis relativement à ces demandes. Cela comprend une vérification des associations des conjoints et des membres de la famille sur une période 20 ans. Par exemple, si votre beau-frère était propriétaire d'un bar fréquenté par les Hells Angels, on pourrait vous refuser une licence de production de marijuana thérapeutique.
    Je suppose que je suis un peu préoccupé par le commentaire que vous avez fait. Estimez-vous que la GRC ne fait pas son travail adéquatement? Ai-je mal compris votre observation? Pourriez-vous me donner plus de précisions à ce sujet, je vous prie?
    Les producteurs autorisés sont, nous le savons, soumis à des vérifications rigoureuses...
    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    Nous avons ici un invité, le secrétaire parlementaire Blair. Je le respecte beaucoup, mais tout au long de ces réunions, il a pris l'habitude de se pencher en avant et d'avoir des conversations avec nos témoins. C'est tout à fait inapproprié. Je sais bien qu'il s'agit de ses anciens collègues. Comme je l'ai dit, je le respecte. Je suis conscient que ce dossier relève de sa responsabilité, mais s'il veut être à la table du Comité, il devra cesser de se pencher en avant et d'interagir avec nos témoins. Je ne sais pas ce qu'il leur dit, mais c'est au moins la deuxième fois que je l'ai vu agir ainsi. J'invoque donc le Règlement, monsieur le président, pour vous demander de régler cette question tout de suite.
    En tant que député, il a le droit d'être ici. Il a le droit d'être à la table.
    Et que fait-il donc?
    Eh bien, il est à la table, et je l'inviterais peut-être à nous dire un mot à ce sujet.
    Merci, monsieur le président. Je prends acte de la préoccupation exprimée par le député, et je vais m'abstenir d'avoir d'autres conversations.
    Merci.
    Merci.
    Pour répondre à votre question, nous savons que la GRC effectue des inspections ou des vérifications assez rigoureuses des producteurs autorisés. Une de nos principales préoccupations à l'égard du régime médical en vertu du Règlement sur l'accès à la marihuana à des fins médicales, ce sont les licences de production à des fins personnelles et à titre de personne désignée, qui n'exigent pas le même niveau de rigueur, loin de là. Nous savons sans l'ombre d'un doute que le crime organisé est impliqué dans ces deux catégories. Voilà notre principale préoccupation, et c'est pourquoi nous demandons...

  (1000)  

    Ce sont des gens qui ont obtenu un permis pour cultiver leur propre...
    C'est exact.
    ... marijuana à des fins médicales, et cela vous préoccupe. Donc, soyons clairs: les producteurs autorisés sont soumis à un contrôle très rigoureux. Je tenais à le préciser.
    Oui.
    Le projet de loi est-il meilleur que le statu quo, particulièrement pour ce qui est d'atténuer ou, du moins, de réduire en partie l'accès des criminels organisés à ce secteur? À l'heure actuelle, il s'agit d'un approvisionnement illégal à 100 %. Tout se fait sur le marché noir, mis à part la vente de marijuana à des fins médicales. Je pense que vous en avez déjà parlé, mais pourriez-vous le répéter? Entrevoyez-vous une réduction de l'accès des criminels organisés à une partie de ce marché grâce au projet de loi?
     Nous avons certes l'occasion de contrer le crime organisé lié au cannabis. Comme nous l'avons mentionné, il s'agit d'une industrie de 9 milliards de dollars. Si la loi sur le cannabis est couronnée de succès et si elle entraîne une diminution des profits du crime organisé sur le marché noir, nous devrons alors nous demander, en notre qualité de responsables de l'application de la loi, comment une telle réduction des profits... Vers quoi les membres du crime organisé vont-ils tourner leur attention? Vont-ils se concentrer sur d'autres drogues illicites qui présentent plus de dangers pour notre collectivité et les mettre à la disposition des jeunes?
    Ils ne manqueront pas de le faire. Il n'y a aucun doute là-dessus.
    C'est un aspect qui fait partie de la profession policière...
    Je crois d'ailleurs que le gouvernement fédéral vient d'injecter des fonds pour appuyer les enquêtes criminelles. Est-ce exact?
    Nous avons pris connaissance de l'annonce. Nous reconnaissons que l'aide financière annoncée nous aidera dans nos efforts. Comme je l'ai dit, nous devons nous assurer d'avoir une longueur d'avance sur les membres du crime organisé. Si nous réduisons leur part de ce marché, vers quoi porteront-ils leur attention pour récupérer ces profits?
    Je comprends.
    En ce qui a trait à votre capacité de préparation à cette mesure législative, je crois qu'il faut établir une distinction bien claire entre les responsabilités qui relèvent du gouvernement fédéral et celles qui relèvent des provinces, des territoires et des municipalités.
    Au niveau fédéral, c'est très clair pour l'instant. Si vous avez moins de 18 ans et que vous avez en votre possession moins de cinq grammes, il n'y a aucune accusation au criminel. Les règles sur la culture à domicile sont également claires.
    Bref, au palier fédéral, en ce qui concerne les accusations au criminel, les choses sont très claires, n'est-ce pas? C'est surtout au niveau provincial et territorial que l'incertitude plane quant à la question de savoir comment les contraventions et les demandes provinciales seront appliquées. Dans l'hypothèse que le projet de loi soit adopté, vous pourriez vous préparer à l'application de la loi fédérale dès aujourd'hui, n'est-ce pas?
    À supposer qu'il n'y ait pas de changements, le projet de loi apporte quelques éclaircissements, et nous pouvons certainement nous fonder là-dessus. Cela dit, la marche à suivre pour les contraventions n'a pas encore été déterminée. Comment ce processus sera...
    Cela relève du provincial, n'est-ce pas?
    Il y a aussi le fédéral... ou les conséquences pour une personne qui a en sa possession entre 30 et 50 grammes. Nous devons quand même travailler avec le ministère de la Justice et Santé Canada pour l'application des diverses lois qui tomberaient sous le coup du projet de loi.
    Nous avons certaines idées, mais nous ne pouvons certainement pas élaborer un programme de formation solide et complet tant que nous n'aurons pas un portrait global de la façon dont le tout sera déployé.
    Le temps est écoulé.
    Très bien, madame Gladu. Allez-vous partager votre temps de parole?
    Je le partagerai avec M. Carrie.
    Cinq minutes passent très vite.
    J'en suis consciente.
    Considérez-vous comme un problème que le gouvernement fédéral ait en quelque sorte délégué une grande partie de la question aux provinces et les laisse établir leurs propres règles? Vous vous retrouverez peut-être avec 13 régimes différents au pays. Ma question s'adresse à M. Serr.
    Nous avons certainement fait valoir que plus c'est uniforme au pays et plus c'est avantageux pour nous; je ne dis pas cela seulement du point de vue de la formation. Il ne fait aucun doute que les provinces prendront la décision quant à l'âge, et cela pourrait venir compliquer la donne. Si certaines provinces permettent la consommation de cannabis à un plus jeune âge, cela pourrait engendrer du tourisme cannabique.
    Nous préférions qu'il y ait davantage un cadre national en la matière.
    Très bien.
    L'une des conséquences imprévues ou l'un des éléments que je trouve troublants au Colorado a trait aux suicides chez les adolescents de 10 à 19 ans. Dans 16 % des cas, de la marijuana a été retrouvée dans leur système.
    Avez-vous des données sur la situation qui prévaut au Canada en ce qui concerne les suicides, qui se veut un fléau chez nos jeunes? Combien de gens avaient de la marijuana dans leur système à leur mort?
    Non. Nous n'avons pas de données précises concernant les suicides chez les jeunes et la présence de THC dans leur système.

  (1005)  

    D'accord.
    Je cède la parole à M. Carrie.
    Merci beaucoup.
    Je souhaite simplement mentionner quelque chose en ce qui concerne le discours ayant trait à la prohibition de l'alcool et à l'interdiction de la marijuana.
    Des représentants de l'AMC ont témoigné au Comité hier et ont affirmé que ce n'était pas la même chose, en particulier pour ce qui est des jeunes et du développement du cerveau. Mon oncle, qui est policier, m'a demandé pourquoi nous voudrions légaliser une autre substance qui nous compliquera la tâche pour la seule raison que nous en avons légalisé une autre, qui est, comme vous l'avez dit avec justesse, la principale cause de décès sur les routes.
    Je crois que, selon le statu quo qui prévaut actuellement, si vous interceptez un automobiliste, vous pouvez immédiatement le retirer de la route. La sécurité publique est protégée. Vous n'avez pas besoin de faire de prélèvements. Vous n'avez pas besoin de réaliser des analyses de sang. Vous n'avez pas à prouver devant les tribunaux que l'automobiliste avait les facultés affaiblies.
    Ma question porte sur les policiers sur le terrain qui doivent actuellement assumer cette responsabilité. Pouvez-vous nous expliquer la différence qui existe entre un policier qui est formé pour faire passer des tests de sobriété pour détecter l'affaiblissement des facultés par les drogues et un évaluateur spécialisé en reconnaissance de drogues, qui est maintenant reconnu comme un expert, si je ne m'abuse?
    Monsieur le président, puis-je invoquer le Règlement?
    Oui.
    Je m'excuse de vous interrompre. La conduite avec facultés affaiblies est un sujet très important. Tous les Canadiens souhaitent que nous ayons en place des mesures de contrôle adéquates en la matière, mais nous traitons aujourd'hui du projet de loi C-45. À un moment donné, nous passerons à l'étude article par article du projet de loi C-45, qui ne porte aucunement sur la conduite avec facultés affaiblies. Le projet de loi C-46 traite de ces questions et de ces préoccupations diverses et de la formation à cet égard. Le Comité de la justice se penche sur cette mesure législative. Je crains que nous perdions un temps précieux pour poser des questions à nos témoins sur le projet de loi C-45 en posant plutôt des questions sur le projet de loi C-46, qui relève d'un autre comité et qui est un projet de loi distinct.
    Je ne sais pas si c'est un rappel au Règlement, monsieur Carrie, mais n'empêche que nous devrons en fin de compte procéder à l'étude article par article du projet de loi C-45 et qu'il n'est nullement question de cet élément dans le projet de loi.
    Je vous remercie énormément de votre commentaire, parce que l'un des éléments dont nous devons traiter au sein du Comité de la santé est la santé et la sécurité des Canadiens. Pour des raisons de sécurité publique, je crois qu'il est vraiment important d'entendre les opinions des gens sur le terrain qui veillent à la santé et à la sécurité des Canadiens sur la route. Nous avons de bonnes raisons de croire qu'il y a une substance offerte. Nous parlons d'une autre substance pour entendre l'opinion des témoins sur la question, et je crois que cela respecte la portée de notre étude.
    Merci. Je vous suis reconnaissant de m'avoir laissé m'exprimer à ce sujet.
    Au sujet du rappel au Règlement, j'aimerais brièvement mentionner que j'ai aussi eu de la difficulté avec le même concept, à savoir qu'il y a une mesure législative distincte pour traiter de la question de la conduite avec facultés affaiblies. Cependant, en toute justice envers M. Carrie et les membres du Comité, je crois qu'il s'agit d'un projet de loi complémentaire rendu nécessaire par cette mesure législative. Nous ne discuterions probablement pas de la nécessité de modifier les dispositions du Code criminel ayant trait à la conduite avec facultés affaiblies si nous ne légalisions pas la marijuana. Je ne voudrais pas empêcher tout membre du Comité d'aborder la question s'il le souhaite. J'essaierai dans la mesure du possible de limiter mes commentaires au projet de loi C-45, mais je tiens à faire valoir que M. Carrie peut aborder cette question s'il le souhaite, en particulier du point de vue de la santé.
    Il s'agit du Comité de la santé, mais nos échanges avec nos témoins portent tantôt sur des enjeux liés à la justice, tantôt sur des enjeux liés à la santé. Essayons de mettre l'accent sur les enjeux en matière de santé, et poursuivons nos travaux. Tout le monde soulève un bon point, mais nous traitons de questions relatives à la justice. Nous n'avons qu'à regarder les uniformes dans la pièce. Même s'il s'agit du Comité de la santé, ces enjeux sont interreliés.
    Il y a vraiment une science derrière tout cela, monsieur le président, lorsque nous parlons d'un simple policier qui a reçu une formation pour réaliser des tests de sobriété. Je crois que tous les policiers reçoivent une telle formation, mais nous avons des experts en reconnaissance de drogues qui seront d'une absolue nécessité, comme nous l'avons entendu. Si le gouvernement va de l'avant avec son projet, ces experts doivent être sur le terrain et doivent être prêts. Les seuls spécialistes que les tribunaux acceptent devant la cour sont les experts en reconnaissance de drogues. Cette substance est en voie de devenir légale, et il y a une science derrière cela. Il ne fait aucun doute que des questions relatives à la santé en découlent, et j'aimerais entendre les commentaires des gens sur le terrain. Ils ne peuvent actuellement compter que sur un très petit nombre d'experts en la matière.
    Le premier ministre insiste énormément pour dire que c'est une promesse qu'il respectera dans 290 jours. Je tiens à m'assurer que la santé et la sécurité des Canadiens sont abordées. Ces experts seront d'une nécessité absolue. Le coût connexe est aussi un élément important à aborder au Comité, parce que je crois comprendre que la formation pourrait s'élever jusqu'à 20 000 $ par policier. J'aimerais entendre les commentaires des gens sur le terrain.
    Merci de votre témoignage. Allez-y.
    Le site Web de l'Association internationale des chefs de police affiche le processus de certification de la formation pour les experts en reconnaissance de drogues. Tous les participants au programme doivent d'abord suivre la formation sur les tests de sobriété normalisés avant de s'inscrire au programme pour les experts en reconnaissance de drogues. Ce programme comporte trois étapes. La première étape consiste en une formation préliminaire de deux jours. La deuxième étape est un programme en classe de sept jours qui est suivi d'un examen exhaustif. Ensuite, de 60 à 90 jours suivant la deuxième étape, les candidats participent à un programme aux États-Unis où ils doivent évaluer des sujets qui sont soupçonnés d'avoir les facultés affaiblies par la drogue. Selon ce que j'en comprends, les candidats doivent réussir au moins 12 évaluations pour obtenir leur certification.

  (1010)  

    Quel est le pourcentage des candidats qui obtiennent leur certification et combien de temps la formation d'un policier par l'entremise de ce processus prend-elle?
    Je ne connais pas la réponse.
    Je crois comprendre que ce ne sont pas tous les policiers qui obtiennent leur certification. Il s'agit d'un programme de formation très précis, et je crains que, si le gouvernement va de l'avant avec son projet, ces policiers ne soient pas sur le terrain et que nous n'ayons pas les ressources adéquates pour veiller à la santé et à la sécurité des Canadiens.
    Il vous reste encore du temps.
    D'accord.
    Je vais peut-être poser une question au témoin de la Saskatchewan. Avez-vous une opinion sur la meilleure façon de distribuer la marijuana lorsque nous l'aurons légalisée? Quel modèle serait le plus facile à surveiller du point de vue des forces de l'ordre?
    J'aimerais savoir exactement les modèles auxquels vous faites référence.
    L'Ontario a établi un modèle. Je crois que cela repose sur la LCBO. À mon avis, nous avons vu un excellent modèle qui a recours, à tout le moins pour la marijuana médicinale, à du courrier sûr. Je ne sais pas, et vos collègues pourraient nous faire part de leurs commentaires sur la question, mais je crois comprendre que le détournement du courrier sûr n'est pas vraiment monnaie courante. Il y a beaucoup de modèles différents, et une province peut le faire différemment d'une autre, compte tenu de toutes ces possibilités.
    Nous avons vu ce que propose l'Ontario. La province ne veut évidemment pas témoigner au Comité et répondre à nos questions à ce sujet. Du point de vue des policiers, quel est le meilleur système de distribution qui vous permettra de surveiller le tout et de veiller à la sécurité des Canadiens?
    Selon moi, le meilleur système nous permettrait de faire la différence entre de la marijuana illicite et licite. Je ne peux pas précisément vous dire la forme que prendrait un tel système, parce que je n'ai pas suffisamment de connaissances en la matière, mais ce serait certes un système qui nous permettrait de faire appliquer les lois et les règlements du mieux que nous le pouvons.
    Votre temps est maintenant écoulé.
    Monsieur Davies, vous avez la parole.
    Merci.
    Monsieur Chatterbok, si j'ai bien compris vos commentaires, vous avez mentionné avoir l'impression que le nombre d'enquêtes augmentera lorsque le projet de loi C-45 entrera en vigueur. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet? Pourquoi croyez-vous que le nombre d'enquêtes augmentera en raison de ce projet de loi?
    Lorsque la mesure législative entrera en vigueur, en particulier compte tenu de son libellé actuel, je m'attends à une hausse des plaintes concernant précisément la culture à domicile. Comme je l'ai également mentionné dans mon exposé, nous nous attendons également à une augmentation du nombre d'appels de service en ce qui a trait notamment aux vols dans la rue et aux introductions par effraction et surtout aux installations de culture.
    Merci.
    Chef Barnum, je crois vous avoir entendu parler des défis d'ordre géographique. La Police provinciale de l'Ontario doit évidemment s'occuper de l'ensemble de la province. Pouvez-vous nous dire quelques mots au sujet des défis liés à l'application de la loi dans les régions rurales en Ontario qui pourraient, selon vous, découler du projet de loi?
    En Ontario, nous avons 164 détachements répartis dans la province, dont certains qui sont seulement accessibles par la voie des airs. Nous devrons également former les policiers, parce qu'il est important de comprendre que nos policiers peuvent se présenter le lundi matin à leur détachement, peu importe l'endroit, et peuvent être affectés le lundi après-midi à un événement quelque part dans la province. Nous ne pouvons pas établir avec certitude les policiers qui seront formés ici et là; il faut que ce soit fait de manière uniforme dans la province. C'est un défi perpétuel pour notre organisme, et un défi avec lequel nous devons composer régulièrement, mais nous le faisons grâce à des formations spécifiquement conçues et à une académie qui s'en occupe. Voilà l'un de nos défis.
    Du point de vue de l'application de la loi, il est encore une fois important de reconnaître que nous sommes présents dans 373 collectivités en Ontario. Les rues de certaines de ces collectivités sont éclairées, tandis que d'autres ne le sont pas. Je répète que nous avons 54 districts judiciaires. Cela comprend tous les districts judiciaires en Ontario. La Police provinciale de l'Ontario est chargée de présenter les preuves et d'être présente dans ces districts judiciaires. L'uniformité est absolument essentielle au sein de notre organisme, comme mon collègue l'a mentionné plus tôt. Nous ne voulons pas faire la manchette, parce que nous avons pris de mauvaises décisions et avons mal fait notre travail de policiers. La formation est l'une des pierres d'assise pour nous assurer de le faire adéquatement. Nous sommes bien placés pour offrir cette formation, lorsque nous savons ce qu'il en retourne, et nous sommes aussi bien placés pour respecter les échéanciers en la matière. Nous pouvons le faire et nous pouvons y affecter des ressources pour nous assurer que c'est fait. Voilà nos principales préoccupations à ce sujet.

  (1015)  

    Merci.
    Chef Serr, je vais terminer avec vous, si c'est possible.
    Lors d'une entrevue accordée en mars 2017 sur la légalisation au Canada, Mario Harel, le président de l'Association canadienne des chefs de police, a dit:
Nous avons besoin d'environ 2 000 experts en reconnaissance de drogues pour effectuer adéquatement le travail. [...] Nous en avons actuellement environ 600.
Nous avons besoin de plus de formation, et ce sera un processus de longue haleine. Nous devons comprendre que nous n'aurons pas suffisamment formé de policiers d'ici l'année prochaine.
    J'ai deux petites questions. Êtes-vous d'accord avec son commentaire? Deuxièmement, je crois que c'était M. Chatterbok qui a parlé de la possibilité d'établir une capacité de formation au Canada au lieu de devoir envoyer nos policiers canadiens aux États-Unis. Pouvez-vous nous expliquer brièvement qui s'en chargera, d'où proviendra l'argent et si c'est possible?
    Pour répondre rapidement à vos questions, je suis d'accord avec le chef Harel. En ce qui concerne les 2 000 experts, je crois que c'est une excellente estimation de sa part. Nous ne pouvons pas dire exactement ce que sera le nombre. L'un de nos défis est que les policiers sont formés et se déplacent ensuite en fonction de leurs diverses affectations, ce qui représente un défi continu sur le plan de la formation. Nous avons certainement besoin d'un plus grand nombre d'experts en reconnaissance de drogues.
    Quant à la deuxième partie de votre question, je m'excuse...
    Cela portait sur la formation au Canada.
    Nous nous inquiétons qu'actuellement la capacité pour y arriver et offrir cette formation passe par les États-Unis. C'est dispendieux, et les organismes policiers américains se préoccupent actuellement de la formation de leurs propres policiers et y accordent la priorité dans bien des cas. Nous avons besoin d'une solution adaptée aux besoins de formation des forces de l'ordre au Canada. Nous devons offrir cette formation ici, si possible, si nous souhaitons former un tel nombre de policiers le plus rapidement possible.
    Merci.
    Monsieur Ayoub, vous avez cinq minutes.

[Français]

     J'aimerais connaître votre opinion sur un sujet dont on a parlé un peu plus tôt. Monsieur Carrique, vous avez dit qu'il y avait du mouvement au sein du crime organisé. Lorsqu'on dessine une tarte représentant les ressources financières du crime organisé, pour qui le cannabis est une source de revenus, si on réduit la portion dont dispose le crime organisé, pourrait-on, logiquement, réduire son emprise et lui faire mal sur le plan financier?
    Selon vous, cette hypothèse permet-elle de changer les paradigmes? Vous avez dit que cela déplacerait un peu le problème. Il faut quand même trouver une solution aux problèmes que l'on connaît. Si on pouvait prévoir les choses, ce serait bien, évidemment. Avez-vous une idée d'où le mouvement partirait? J'aimerais entendre votre opinion à cet égard.

[Traduction]

    Vous avez parfaitement raison, monsieur; nous n'évitons pas d'aborder un problème, parce que cela modifiera le problème. Nous devons utiliser les systèmes et adopter une approche stratégique à ce sujet. Nous n'avons qu'à examiner la consommation de drogues au Canada actuellement. L'une de nos principales préoccupations est évidemment la consommation d'opiacés et en particulier de fentanyl. Les forces de l'ordre consacrent une grande partie de leurs ressources et de leur attention à la consommation de fentanyl, et nous continuerons de mettre l'accent sur la distribution de fentanyl et de nous assurer de consacrer beaucoup de temps, d'énergie et de ressources à atténuer tout intérêt que le crime organisé peut avoir à étendre ses activités dans ce domaine.
    Nous savons que la cocaïne est un produit illicite très payant pour le crime organisé, et c'est une substance à laquelle nous consacrons beaucoup d'attention et de temps. C'est également un enjeu transnational. Il y aura donc toujours des drogues illicites qui demanderont notre temps et notre attention.

[Français]

    J'ai souvent entendu des commentaires faits par certaines personnes sur le terrain. Je ne parle pas des policiers, mais d'étudiants et de jeunes qui fréquentent l'école secondaire et le cégep au Québec. Ils nous disent qu'ils peuvent se procurer beaucoup plus facilement du cannabis que des cigarettes ou même de l'alcool, des produits qui sont déjà contrôlés et dont les balises sont bien installées.
     Comment réagit-on? Peut-on identifier le problème des jeunes, qui est à l'origine de ce projet de loi à parfaire et que l'on doit mettre en oeuvre pour protéger notre jeunesse? C'est particulièrement là qu'on veut faire mal au crime organisé, en lui retirant des moyens et des sources de revenu tout en protégeant nos jeunes.
     Que pensez-vous du fait que nos jeunes avouent qu'il est plus facile pour eux de se procurer du cannabis que de l'alcool et des cigarettes?

  (1020)  

[Traduction]

    Nous ne nions pas que les jeunes ont actuellement facilement accès à la marijuana, et c'est certainement un défi pour nous dans les forces de l'ordre. Nous sommes d'avis que les jeunes continueront d'avoir accès à la marijuana, même si c'est réglementé comme l'est l'alcool. Nous ne nous berçons pas d'illusions; voilà pourquoi nous croyons qu'il est très important d'avoir un régime hautement réglementé. Cela rend la tâche plus difficile aux responsables des enquêtes sur le crime organisé d'exercer des pressions sur le crime organisé pour le dissuader de vendre de la marijuana aux jeunes. La sensibilisation des parents sera également très importante.
    Comme je l'ai mentionné, d'après ce que nous voyons au Colorado, je crois que 48 % des jeunes ont reçu de la marijuana d'une personne qui l'a achetée de manière légale. Je répète que c'est la raison pour laquelle nous militons pour l'adoption d'un emballage qui explique les mesures très strictes d'application de la loi qui peuvent être prises contre une personne qui fait en gros de la contrebande de marijuana. C'est de la plus haute importance.
    Les jeunes auront toujours le moyen d'avoir accès à de la marijuana. Si des plants sont cultivés à la maison, nous croyons que cela accroît les occasions pour les jeunes d'y avoir accès. Toute mesure pour restreindre et limiter ces occasions sera utile, mais ce ne sera pas suffisant en soi. Nous avons certainement besoin de sensibilisation comme nous le faisons dans le cas du tabac pour diminuer la consommation chez les jeunes.

[Français]

     Dans le cadre du présent débat sur la légalisation du cannabis, un des aspects que j'apprécie énormément est le fait qu'on parle de cette situation. On admet maintenant qu'il y a un problème et que celui-ci est présent tous les jours. Avec une facilité déconcertante, on peut se procurer du cannabis dans la rue, ce qui est illégal présentement. On ne parlait pas de cela auparavant. Pourtant, le problème existait. On n'abordait pas les problèmes qui touchent les jeunes. L'éducation est extrêmement importante. En effet, les parents ont un rôle à jouer, qu'il s'agisse de l'alcool, de la cigarette ou, à l'avenir, du cannabis.
    Je trouve très intéressant de pouvoir faire le point sur l'éducation et la réglementation. Vous faites des interventions de concert avec des municipalités et des organismes communautaires, notamment. Des services sont offerts directement à la population et aux écoles. Il est important de poursuivre ces efforts. Je pense que nous allons dans cette direction en ce qui a trait au cannabis. Le fait de pouvoir être un leader dans ce domaine fait honneur au Canada. En effet, nos jeunes sont les plus importants consommateurs de cette drogue. Si nous ne faisions pas cet exercice, nous perdrions des occasions d'agir. Je suis très heureux que vous abordiez ces questions de façon positive et que vous considériez la possibilité de traiter éventuellement le problème. Je vous en félicite. Nous pourrons effectivement travailler ensemble. Vos commentaires sont réellement pris en considération. Merci.
    Je n'ai pas d'autre question.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Voilà qui conclut notre session. Au nom du Comité, je tiens à mentionner que nous entendons au Comité certains des meilleurs spécialistes au pays, et vous en faites partie. Nous vous sommes vraiment reconnaissants de votre contribution. Au nom du Comité, je tiens à vous remercier. Vous avez très bien réussi à communiquer vos points de vue et à nous aider à comprendre le point de vue des forces de l'ordre.
    Avant de vous laisser partir, j'aimerais poser une question. Il y a environ une heure et demie, le chef adjoint Chatterbok a dit dans son exposé que les agents de première ligne consacrent 29 % de leur temps à des activités proactives.
    Pouvez-vous nous aider à comprendre les tâches que font les policiers le reste du temps, soit 71 %?
    Avec plaisir. Le policier consacre la majeure partie de son temps à répondre à des appels de service, mais il doit également consacrer du temps à des tâches administratives, notamment préparer des rapports d'incidents, remplir de la paperasse et appeler des témoins. Les tâches administratives incluent une vaste gamme d'éléments.

  (1025)  

    Merci beaucoup encore une fois. C'était un plaisir.
    Nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 10 h 45.

  (1025)  


  (1045)  

    Il est 10 h 45; nous allons donc reprendre nos travaux. Il s'agit de la 65e séance du Comité permanent de la santé, et nous étudions le projet de loi C-45.
    Je souhaite la bienvenue à nos témoins; nous avons hâte d'entendre vos commentaires.
    À titre personnel, nous accueillons Neil Boyd, professeur de criminologie à l'Université Simon Fraser; nous avons également Christian Leuprecht du Département de sciences politiques du Collège militaire royal, qui témoignera par vidéoconférence en direct d'Australie. Je ne m'étais pas rendu compte que le Collège militaire royal du Canada était en Australie, mais cela me va. Nous avons aussi des représentants du Barreau du Québec: Paul-Matthieu Grondin, bâtonnier du Québec, Luc Hervé Thibaudeau, président du Comité sur la protection du consommateur, et Pascal Levesque, président du Comité en droit criminel. Enfin, nous accueillons Anne London-Weinstein, ancienne directrice de la Criminal Lawyers' Association.
    Je tiens à remercier tous les témoins de leur présence, et nous sommes heureux de votre participation aux délibérations de notre Comité.
    Chaque témoin à titre personnel pourra faire un exposé de 10 minutes, puis le Barreau du Québec et la Criminal Lawyers' Association auront également chacun 10 minutes pour présenter leur exposé.
    Nous entendrons en premier l'exposé de M. Boyd. Ensuite, lorsque tous les témoins auront présenté leur exposé de 10 minutes, nous passerons aux séries de questions.
    Merci beaucoup. C'est un honneur et un privilège de témoigner ce matin devant le Comité. J'ai transmis un mémoire au Comité et j'aimerais faire quelques autres commentaires et souligner certains points contenus dans ce mémoire.
    Premièrement, je dois dire que je louange l'approche adoptée par le gouvernement en ce qui concerne la légalisation du cannabis. Une réglementation qui veille à la santé publique est essentielle. Je crois que c'est une approche qui accroîtra nos connaissances des effets néfastes et des avantages de la consommation du cannabis. J'aimerais aussi me faire l'écho de certains points présentés hier par Mark Ware sur l'étendue de ce que nous ignorons et de ce que nous devons savoir et la mesure dans laquelle les données semblent parfois pointer dans les deux directions. L'un des grands avantages de la légalisation est que nous serons beaucoup mieux outillés pour répondre à de telles questions.
    Je crois qu'il est important de reconnaître qu'à bien des égards il s'agit d'une question liée aux droits de la personne. La marijuana a été criminalisée en 1923 par une simple déclaration de la Chambre des communes affirmant qu'une nouvelle drogue était inscrite à l'annexe. Nous n'avions aucune connaissance sur la drogue à l'époque, et il est maintenant évident que, pour la majorité des utilisateurs dans la majorité des cas, l'alcool et le tabac sont plus toxiques et plus invalidants et entraînent une morbidité beaucoup plus grande.
    Nous ne devons jamais perdre de vue qu'il est question ici de la formidable force du droit pénal et que les adultes qui consomment cette drogue ne méritent pas que des dispositions pénales s'appliquent à eux, et il en va de même pour les enfants et les mineurs qui en consomment. J'aimerais ajouter que la Loi sur les stupéfiants adoptée en 1961 prévoyait les sanctions les plus sévères pour la possession et la distribution de cannabis, alors que pratiquement aucune accusation n'avait été portée relativement à cette drogue depuis 50 ans. Entre 1908 et 1961, il y a eu environ 1 000 condamnations toutes drogues confondues. En 1961, nous avons adopté la Loi sur les stupéfiants après un long débat en vue de déterminer si la peine capitale serait une sanction appropriée pour les trafiquants de drogues, dont le cannabis. Or, en 1967, déjà plus d'un millier de Canadiens avaient été condamnés pour possession simple de cannabis, et plus de la moitié d'entre eux avaient passé du temps derrière des barreaux. Cette période a été décrite comme la période de lutte contre le cannabis. Cependant, déjà en 1975, 40 000 personnes étaient reconnues coupables chaque année, et l'emprisonnement n'était plus une option pratique.
    Pour ce qui est de mes commentaires concernant la réduction au minimum des effets néfastes chez les jeunes, je crois que l'âge de 18 ans — l'âge serait probablement plutôt de 19 ans dans la majorité des provinces — me semble raisonnable, ce qui est similaire à ce qui prévaut pour l'achat d'alcool. Je crois que nous ne devons pas perdre de vue qu'il ne s'agit pas d'une drogue aussi dangereuse que l'alcool, et les types d'approches à adopter doivent donc être en quelque sorte similaires. Parallèlement, j'aimerais souligner qu'à bien des égards nous n'avons pas très bien réussi à limiter, par exemple, la promotion de l'alcool.
    L'établissement de l'âge minimal à 25 ans ne ferait qu'encourager la poursuite des activités illicites, de même que l'achat de cannabis pour les jeunes par des personnes de plus de 25 ans. Je crois que l'annexe 4 doit être élargie pour inclure les produits comestibles et les bombes, tout en nous assurant que ces produits sont emballés de manière à n'entraîner aucun dommage non intentionnel, en particulier aux enfants et aux jeunes. J'aimerais également souligner que le paragraphe 62(7) donne le pouvoir au ministre de refuser une demande de permis de production à une personne qui a déjà fait l'objet d'une condamnation relative au cannabis. Je soutiens que la participation actuelle au commerce illicite ne devrait pas être une raison suffisante pour refuser une telle demande, mais les menaces, l'utilisation de la force ou une preuve de mauvaise foi découlant d'autres condamnations au pénal semblent toutes de bonnes raisons pour empêcher une personne de participer à cette industrie.
    J'avance également que l'utilisation d'un domicile pour la culture d'au plus quatre plants peut à juste titre faire l'objet de restrictions sur le plan du zonage; c'est fort probablement le cas pour une habitation multifamiliale. Cela se fera parfois par l'entremise d'une copropriété, d'un contrat de location ou parfois d'une municipalité. Je crois que cela se fera par l'entremise de la municipalité. Je répète qu'il faut veiller à la sécurité publique en ce qui concerne la culture du cannabis.
    Je comprends que le régime de distribution ne relève pas du gouvernement fédéral, mais j'aimerais faire valoir les commentaires suivants. Si les autorités n'offrent pas un accès raisonnable grâce à un nombre suffisant d'établissements gouvernementaux ou privés qui seront soumis à une réglementation publique, les activités sur le marché noir risquent de se poursuivre. Je crois également que le modèle de gestion de la marijuana médicinale semble plus utile et plus compatible avec la santé publique que le modèle dans le cas de la marijuana à des fins récréatives. Dans la mesure du possible, je crois que nous devons mettre l'accent sur les avantages potentiels de l'utilisation du cannabis.

  (1050)  

    En ce qui concerne la question de la sécurité et de la protection du public, j'ai beaucoup de difficulté à comprendre la logique et l'application pratique de l'article 8 de la Loi sur le cannabis, soit la création d'une infraction criminelle pour la possession de cannabis illicite. Compte tenu de la possibilité de cultiver jusqu'à quatre plants, comment les autorités détermineront-elles qu'une personne est en possession de cannabis illicite et surtout pourquoi traiterions-nous cela comme un crime?
    En ce qui a trait à l'article 9, je comprends l'envie de restreindre le commerce à ceux qui suivent les règles, mais notre approche concernant le cannabis est beaucoup plus sévère et contraignante que notre approche relative au tabac et à l'alcool. Compte tenu du risque relatif à la santé publique de chacune de ces drogues, ce n'est pas logique.
    J'aimerais revenir sur la question des droits de la personne. L'idée d'adopter une mesure législative qui maintiendrait une infraction criminelle pour la possession de cannabis me semble incohérente avec au moins une partie de la logique derrière la mesure. Je sais que le premier ministre a répété que l'objectif est d'éliminer le marché noir et de réduire l'accès, mais n'empêche qu'une partie de l'objectif est aussi de reconnaître que les personnes qui ont consommé du cannabis ou qui en consomment ne méritent pas d'être considérées comme des criminelles.
    Il faut utiliser les leviers économiques pour restreindre le commerce par tous les moyens. Les injonctions civiles et les amendes non criminelles semblent appropriées. Nous ne devons pas perdre de vue que la consommation ou la production de cannabis par des adultes ne sont pas plus moralement choquantes que la production de bière, de vin ou de spiritueux. Cet aspect doit ou devrait au moins être l'une des raisons qui nous ont poussés en premier lieu à déposer cette loi.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup.
    J'ai appris aujourd'hui que la marijuana est devenue une nouvelle drogue en 1923. Je l'ignorais.
    Oui, c'était en 1923.
    Merci.
    Nous allons maintenant écouter le témoignage de M. Leuprecht, qui nous parle à partir de Brisbane, en Australie.

  (1055)  

    Je vous remercie de me donner le privilège d'être avec vous aujourd'hui. C'est un sujet qui me tient à coeur et que je suis de près.
    J'ai remis un mémoire au Comité, et j'espère vous en présenter certains des faits saillants.
    Il semble y avoir des éléments un peu déconcertants dans la logique commune qui sous-tend l'ensemble de la question. Puisque les gens fument du cannabis, nous pourrions tout aussi bien le légaliser. Suivant la même logique, nous pourrions dire que puisque les jeunes boivent à l'âge de 18 ans, autant se débarrasser carrément de l'âge légal pour consommer de l'alcool. Je suis toutefois troublé par la logique sur laquelle nous nous appuyons.
    Selon les recherches médicales, il semble que le cerveau continue de se former jusqu'à l'âge de 25 ans. Étant donné que la consommation de cannabis nuit à ce développement, toute politique gouvernementale fondée sur la science en général fixerait à 25 ans l'âge légal pour en acheter. Tout autre chiffre est complètement arbitraire.
    La légalisation du cannabis semble être tout à fait incompatible avec l'objectif gouvernemental de réduction du tabagisme. Comme vous le savez, des dispositions législatives exigent un emballage neutre, apparemment dans le but de réduire le tabagisme. Pendant ce temps, le gouvernement incite et encourage volontiers la population canadienne à fumer davantage. Je ne sais pas exactement si les conséquences sur la santé sont différentes.
    Des informations en provenance des États de Washington et du Colorado donnent à penser que des coûts faramineux sont associés à la légalisation du cannabis. Puisque ces sommes seront en grande partie assumées par les provinces — coûts en santé publique, pour les services sociaux, l'application de la loi et le système de justice —, je crois que nous devons en évaluer le coût. Je pense que les dépenses connexes justifient un paiement de péréquation du gouvernement fédéral, car celui-ci légalise le cannabis essentiellement sur le dos des provinces et de leurs contribuables.
    À titre d'exemple, les affaires de conduite avec facultés affaiblies par la drogue sont moins susceptibles d'être classées par mise en accusation: 59 % par rapport à 71 % lorsque les facultés sont affaiblies par l'alcool. Les poursuites prennent plus de temps devant les tribunaux: 28 % d'entre elles durent plus de 30 jours, comparativement à 16 % pour les infractions liées à l'alcool. Le délai médian de traitement des causes portées devant les tribunaux était de 227 jours, comparativement à 127 dans le cas de l'alcool. Les poursuites sont également moins susceptibles d'aboutir à un verdict de culpabilité, de sorte que nous allons monopoliser encore plus des tribunaux déjà occupés avec ces mesures législatives sur la conduite avec facultés affaiblies.
    En 2015, le taux de conduite avec facultés affaiblies était le plus faible enregistré en 30 ans de données disponibles. Sur quelque 72 000 infractions, les jeunes sont représentés de manière disproportionnée. Un sur six d'entre eux était récidiviste. Dans environ 2 700 cas, les facultés étaient affaiblies par la drogue. C'est près du double des quelque 1 400 cas répertoriés en 2009. C'est peut-être simplement attribuable à la consignation des données, mais cela semble montrer que tandis que la conduite avec facultés affaiblies par l'alcool baisse, celle avec facultés affaiblies par la drogue augmente.
    Il y a eu environ 2 500 accidents de la route mortels en 2012, dont 614 conducteurs avaient consommé de la drogue, soit 24 % environ. La drogue la plus courante était d'ailleurs le cannabis. Il y en a 407 autres qui avaient consommé à la fois de la drogue et de l'alcool. Autrement dit, le cannabis est en cause dans environ le quart des accidents de la route mortels au Canada. Puisque la tendance semble être à la hausse, le projet de loi rendra les routes canadiennes moins sécuritaires et entraînera des accidents qui causeront la mort de plus de gens. La seule façon d'éviter le pire consiste à prendre des mesures draconiennes dans le Code criminel pour endiguer le problème.
    Le Canada risque également de devenir l'Uruguay de l'Amérique du Nord. Lorsque ce pays a légalisé le cannabis, il est devenu le noyau de la culture et de l'exportation du cannabis en Amérique du Sud. Pour ce qui est du Canada, sachez que le Canada et le Paraguay sont les deux seules grandes sources d'approvisionnement des cigarettes de contrebande sur un marché tel que le Mexique. Compte tenu de la relative mollesse de nos lois sur la culture et la fabrication, nous avons pu constater la présence de réseaux de transport.
    Pour ce qui est de la vente, la légalisation incitera davantage les gens à produire le cannabis au Canada, puis à l'exporter dans l'ensemble du continent. Le profit généré par le crime organisé ne se limitera donc pas au Canada; ces groupes exploiteront les conditions favorables du pays afin de fabriquer la drogue.
    Compte tenu des défis qui entourent le tabac de contrebande, la légalisation du cannabis devrait s'accompagner de la création d'un ombudsman qui pourra coordonner les efforts d'application de la loi entre les organismes fédéraux, de même qu'entre les instances fédérales, provinciales et locales ainsi que les organismes. Si nous comparons les marchés des cigarettes de contrebande de l'Ontario et du Québec, la situation du Québec démontre qu'une application de la loi systématique et méthodique permet de réduire considérablement la taille du marché noir tout en augmentant les recettes fiscales.

  (1100)  

    Sur le plan des recettes fiscales, j'aimerais ajouter que le gouvernement ne va probablement pas les augmenter autant qu'il l'espère. Étant donné qu'une taxe est imposée sur le produit, un marché de contrebande vendra nécessairement le cannabis moins cher. Compte tenu de la taille et la maturité du marché des cigarettes de contrebande dans l'ensemble du pays, et plus particulièrement en Ontario, on peut raisonnablement s'attendre à ce qu'un marché de contrebande aussi important demeure en place, puisqu'il sera probablement géré par les mêmes individus qui s'occupent du marché de la cigarette de contrebande. Par exemple, certains détenteurs de permis vont probablement produire du cannabis légalement, puis seront incités à le vendre illégalement moyennant une meilleure marge bénéficiaire. C'est possiblement ce qui motive actuellement le gouvernement ontarien à ne pas octroyer de permis aux fabricants individuels.
    Pour conclure, je dirais que la décriminalisation est peut-être souhaitable, mais pas la légalisation.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant écouter les représentants du Barreau du Québec. J'ignore qui prendra la parole.

[Français]

     Monsieur le président, messieurs les vice-présidents et chers membres du Comité, bonjour.
    Je me présente. Je suis Paul-Matthieu Grondin, bâtonnier du Québec. Je suis accompagné, à ma droite, de Me Pascal Levesque, président de notre Comité en droit criminel, et, à ma gauche, de Me Luc Hervé Thibaudeau, président du Comité sur la protection du consommateur.
    Nous vous remercions, monsieur le président, d'avoir invité le Barreau à vous faire part de sa position sur la question de la légalisation et de l'encadrement du cannabis au Canada. Sans toutefois prendre position sur l'opportunité de légaliser le cannabis, de façon générale, le Barreau accueille favorablement le projet de loi C-45, qui propose un régime complet et des mesures claires relativement à la production, la distribution et la vente de cette substance.
    Dans une perspective de protection du public, nous tenons toutefois à revenir sur quelques enjeux majeurs qui méritent d'être soulignés.
    Nous tenons à réitérer l'importance des mesures de sensibilisation, de prévention et d'éducation, notamment sur le plan juridique, s'adressant au public et plus particulièrement aux jeunes. Afin de permettre au public de faire un choix éclairé quant à la consommation de cannabis à des fins récréatives, il est essentiel d'allouer des fonds à la recherche dans des domaines les plus variés, notamment en santé, en sociologie et, évidemment, en droit.
     Il faut rappeler que ce sont les plus jeunes qui consomment davantage de cannabis. En effet, Statistique Canada nous informe que le groupe d'âge qui consomme le plus de cannabis est celui des jeunes de 14 à 24 ans, comme vous le savez. Ainsi, les jeunes devraient être davantage ciblés par les efforts de sensibilisation et de prévention.
    Pour parler des enjeux découlant du régime applicable aux mineurs, l'une des questions importantes pour le Barreau du Québec, je cède maintenant la parole à Me Levesque.
     Le projet de loi criminalise la possession de cannabis d'une manière qui est plus stricte pour les personnes mineures que pour les personnes majeures. En matière de possession, il impose en effet aux mineurs une limite de 5 grammes et moins, alors qu'il s'agit de 30 grammes et moins pour les personnes de 18 ans et plus. À ce sujet, le Barreau rappelle l'importance de ne pas criminaliser les personnes mineures pour des comportements qui sont permis chez les adultes. Il faut se rappeler qu'il s'agit d'une population particulièrement vulnérable, qui doit être protégée adéquatement.
     À cet égard, rappelons que le système de justice pénale pour les adolescents est distinct de celui destiné aux adultes. Il est fondé sur le principe voulant que la culpabilité morale soit moins élevée, et il met notamment l'accent sur la réinsertion sociale ainsi que sur la réadaptation des jeunes. Ainsi, il faut éviter de soumettre ces derniers aux conséquences que peut engendrer une condamnation au criminel. Compte tenu de l'importance de ne pas criminaliser les jeunes pour la possession simple de cannabis en deçà de la limite permise, nous vous recommandons dans leur cas de décriminaliser la possession de moins de 30 grammes de cannabis, c'est-à-dire de 5 à 30 grammes, et de prévoir une infraction pénale pour toute possession de plus de 5 grammes, et ce, jusqu'à 30 grammes.
    En matière pénale, l'amende est la conséquence la plus commune. En revanche, au criminel, une conséquence peut impliquer l'emprisonnement. Mentionnons également que le régime de contraventions prévu dans le projet de loi ne s'applique pas aux personnes mineures. À cet égard, on nous renvoie plutôt à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Dans le projet de loi, on prévoit que les personnes de 18 ans ou plus commettant certaines infractions peuvent être poursuivies et qu'une sommation peut être remise, à la discrétion de l'agent de la paix. Les jeunes, qui constituent une population particulièrement vulnérable, sont exposés à un processus criminel régulier en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Ainsi, nous considérons que la sensibilisation, l'éducation et la prévention sont les meilleurs moyens pour éradiquer la consommation de cannabis chez les jeunes. En effet, il ne faut pas avoir recours au système de justice criminelle pour compenser un système de prévention et d'éducation inadéquat.
    Concernant le régime de contraventions, le projet de loi prévoit la possibilité que, dans certains cas, un agent de la paix impose une contravention à une personne qui commet une infraction liée au cadre juridique proposé. Le paiement de la contravention implique une inscription dans le dossier judiciaire, qui est distinct du casier judiciaire. En effet, on parle d'un dossier judiciaire et non d'un casier judiciaire dans le projet de loi. Or la notion de dossier judiciaire n'est pas définie dans la loi. Nous nous demandons qui est responsable de ce dossier, quand il est créé, quelles informations il comprend, quand les informations seront détruites, qui aura accès à ce dossier et à quelles fins ces informations seront utilisées. Par ailleurs, il y aurait lieu de prévoir un régime de sanctions pour toute infraction aux obligations de classification et d'utilisation du dossier.
    Je cède maintenant la parole à Me Thibaudeau, qui va vous entretenir des questions relatives aux normes d'étiquetage prévues dans la Loi sur le cannabis proposée et de la vente de cannabis par les provinces.

  (1105)  

[Traduction]

    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, bonjour. Je vous remercie de nous écouter aujourd'hui.
    Pour le Barreau du Québec, il va sans dire que des règles d'étiquetage strictes seront nécessaires pour atteindre les objectifs. Les trois principaux sont l'information, la prévention, de même que la dissuasion dans bien des cas, surtout chez les jeunes de moins de 18 ou 25 ans. Des règles d'étiquetage strictes doivent être établies afin de régir le cadre légal du cannabis, à l'instar de l'alcool et du tabac.
    À ce sujet, le projet de loi C-45 prévoit actuellement un emballage neutre, dont les caractéristiques sont reconnues comme étant neutres. En revanche, peu de détails nous sont fournis pour nous éclairer sur les conditions particulières de la commercialisation du cannabis. Nous estimons que le gouvernement fédéral doit établir des normes nationales rigoureuses, soit en modifiant le projet de loi, soit à l'aide de règlements établissant un cadre similaire à celui de la législation sur le tabac, relatif aux mises en garde et à la description du contenu.
    Aux alinéas 139(1)o) et 139(1)k), on constate que le projet de loi compte déjà des dispositions sur l'établissement de règlements relatives à la puissance du cannabis qui sera mis en marché.
    Pour l'instant, il n'y a rien sur le cannabis comestible, qu'il s'agisse d'aliments ou de boissons. À l'heure actuelle, le projet de loi autorise les gouvernements provinciaux à réglementer la distribution et la vente de cannabis, mais nous trouvons que la liste de l'article 69 n'est pas assez exhaustive et détaillée pour donner des indications précises aux provinces sur le cadre qui doit entourer la commercialisation du cannabis. Voilà qui peut porter à confusion quant aux dispositions que les provinces doivent respecter lorsqu'elles proposent des projets de loi pour réglementer la commercialisation. Tout cela est dans le but, bien sûr, de protéger les consommateurs de même que les producteurs.
    Merci.

  (1110)  

    Merci.
     C'est excellent.
     Nous allons maintenant écouter Anne London-Weinstein, de la Criminal Lawyers' Association, qui dispose de 10 minutes.
    Bonjour. Je remercie infiniment le président et les membres du Comité d'avoir invité la Criminal Lawyers' Association à parler ce matin de ce projet de loi des plus important.
    Je suis l'ancienne directrice de l'association, ainsi que la présidente de la Defence Counsel Association of Ottawa. Je suis une avocate criminaliste qui pratique depuis près de 20 ans, ainsi que professeure auxiliaire à la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa.
    J'aimerais dire d'emblée que les objectifs et les buts du projet de loi sont louables, à savoir protéger la santé et la sécurité publiques en établissement des exigences strictes en matière de sécurité et de qualité du produit, ainsi qu'en réduisant le fardeau que représentent actuellement les infractions liées à la marijuana dans notre système de justice pénale. Nous savons que les Canadiens sont des consommateurs relativement grands de marijuana. Nous savons aussi qu'il est fort probable que les jeunes essaient la marijuana à un moment donné. À la lumière de ces deux faits inéluctables, il est judicieux de faire tomber les préjugés associés au cannabis chez les Canadiens.
    À la lecture du projet de loi, qui est assez complexe et détaillé, on constate que même si les dispositions éliminent de nombreux aspects de la stigmatisation liée à la consommation de marijuana, les auteurs s'en remettent encore beaucoup au droit pénal pour appliquer la loi. Je trouverais toutefois préférable de ne pas dépendre du droit et des sanctions pénales pour appliquer ce qui devrait être un texte réglementaire concernant un produit qui devrait être légal.
    Des spécialistes en criminologie comme Anthony Doob et Rosemary Gartner, du Centre de criminologie et d’études sociojuridiques de l'Université de Toronto, nous ont appris que la prison n'a pas plus d'effet dissuasif sur la criminalité que des peines moins sévères. Or, nous savons précisément que c'est la certitude de détection qui a un effet dissuasif. Nous savons également qu'un individu envoyé en prison n'est pas moins susceptible de récidiver qu'une personne dans une situation semblable qui arrive à obtenir une peine sans incarcération. Malgré ces constatations, les gens écopent de longues peines d'emprisonnement parce que la société est incapable de concocter des peines judicieusement adaptées à la gravité du comportement.
    Nous savons également que les enfants de parents emprisonnés sont plus susceptibles d'avoir à leur tour des démêlés avec la justice. Parmi les autres effets collatéraux de parents incarcérés, on remarque que ces jeunes sont plus susceptibles de devenir sans-abri et de vivre dans la pauvreté. Ce ne sont là que quelques exemples des conséquences de l'imposition d'une peine d'emprisonnement pour la possession ou la distribution de cannabis.
    Le recours au droit pénal pour assurer le respect des règlements d'application de la loi expose également les jeunes à des accusations criminelles. Même si les affaires relèvent de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, ou LSJPA, il peut y avoir une période de garde en milieu fermé. Voilà qui a des répercussions graves et importantes sur la vie d'un jeune. Nous devons vraiment y réfléchir sérieusement lorsque nous parlons d'un produit comme la marijuana, sachant que nous souhaitons décourager les jeunes d'expérimenter la drogue, mais que certains d'entre eux en consommeront fort probablement. Nous souhaitons leur éviter les pires conséquences de l'expérimentation, à savoir être mêlé au système.
    Comme M. Levesque l'a souligné, il y a une anomalie dans le projet de loi du fait qu'un adulte puisse être en possession d'une quantité de marijuana sèche plus importante qu'un jeune. Cela signifie que les jeunes sont plus susceptibles d'écoper d'une sanction pénale ou d'avoir des démêlés avec le système de justice pénale. Je trouve cela quelque peu anormal, étant donné qu'un adulte devrait être plus moralement coupable qu'un enfant. Même s'il est clair qu'on essaie de dissuader les jeunes d'avoir des quantités importantes de marijuana, la solution n'est pas de les exposer davantage aux sanctions pénales.
    Il y a selon moi un autre problème important, à savoir la structure de la disposition sur les contraventions dans le projet de loi. En effet, le pouvoir discrétionnaire conféré aux policiers leur permet de décider si un individu sera poursuivi en vertu du Code criminel ou de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (LRCDAS), ou s'il écopera d'une simple contravention. Il y a toutefois très peu de lignes directrices concrètes dans le projet de loi qui indiquent aux policiers comment agir et, dans le même ordre d'idées, qui indiquent aux procureurs comment exercer leur pouvoir discrétionnaire et décider de procéder par voie de mise en accusation ou par voie sommaire, ce qui entraîne une conséquence moins sérieuse.
    Si l'objectif de la sanction pénale est d'avoir un effet dissuasif sur toute infraction à la loi — autrement dit, éliminer le marché noir et le crime organisé, et décourager toute violation de la loi —, le fait qu'une option de contravention soit prévue et que la population ignore si les contrevenants écoperont de poursuites pénales en vertu du Code criminel ou d'une contravention signifie que la loi ne sera pas claire dans l'esprit des gens. Le résultat ne sera pas certain. Or, cette imprécision ou incertitude quant aux conséquences mine l'objectif avoué de la disposition sur la contravention et le recours au droit pénal.

  (1115)  

    Nous souhaitons que la loi soit bien comprise pour qu'elle soit respectée uniformément. Si nous donnons aux policiers tout le pouvoir discrétionnaire de décider, sans ligne directrice, si un individu écopera d'une contravention ou d'une poursuite criminelle, ce pouvoir discrétionnaire sera appliqué inégalement.
    La LSJPA en vigueur est un bon exemple. Cette loi prévoit une façon précise de prendre des mesures de rechange à l'égard des jeunes. Le paragraphe 6(1) de la loi permet à l'agent de police d'évaluer si des mesures de rechange sont appropriées. Il peut soit ne prendre aucune mesure, soit émettre un avertissement ou une mise en garde, soit renvoyer l'adolescent à un programme ou un organisme convenable. D'après mon expérience, cependant, le recours à ces programmes de déjudiciarisation préalables à la mise en accusation varie d'un agent à l'autre. Certains connaissaient ces dispositions de la LSJPA et les offrent aux jeunes, mais nombreux sont ceux qui ne le font pas, ou qui ignorent complètement les critères à invoquer pour justifier la décision d'offrir ces programmes ou non.
    Grâce à une loi déjà en vigueur, nous pouvons donc constater que s'en remettre entièrement à la discrétion du policier peut entraîner une application inégale de la loi. Nous savons aussi que les Autochtones sont généralement surreprésentés dans le système de justice pénale. Par conséquent, un modèle d'application de la loi qui repose uniquement sur le pouvoir discrétionnaire, sans la moindre orientation législative, fera inévitablement en sorte que ceux qui sont déjà surreprésentés dans le système continueront de l'être.
    Il se peut aussi qu'un jeune de 18 ans qui passe un joint à un adolescent plus jeune s'expose à une longue peine pour avoir fourni de la marijuana à un jeune; je crois que M. Spratt a abordé la question hier. Pour ce qui est des facteurs relatifs à la peine, selon les dispositions sur la détermination de la peine qui sont énoncées au paragraphe 15(2), le fait que l'individu soit « dans tout ... lieu public normalement fréquenté par des jeunes ou près d’un tel lieu » est considéré comme une circonstance aggravante. La LRCDAS propose d'ailleurs une disposition similaire.
    Je suis d'avis que c'est un terme bien trop large qui pourrait faire l'objet d'une contestation fondée sur l'article 7. D'après mes interactions avec les procureurs qui ont affaire à cette disposition de la LRCDAS, ceux-ci sont très réticents à s'adresser aux tribunaux pour lancer une contestation constitutionnelle. Je suis d'avis que la disposition pourrait être contestée parce qu'elle est bien trop large. Un lieu public où des jeunes pourraient se trouver peut désigner pratiquement n'importe quel endroit.
    Je tiens cependant à souligner que le paragraphe 15(4) permet au juge de reporter la détermination de la peine pour permettre à l'individu d'obtenir des services de réadaptation avant sa peine. C'est une chose que nos juges font souvent de toute façon, mais le fait de le codifier dans la loi les encourage dans cette voie. C'est une disposition utile puisqu'elle met l'accent sur la réadaptation au sein de la loi.
    Pour conclure, j'aimerais dire que le projet de loi est un pas dans la bonne direction. Il compte de nombreux objectifs fort louables, le moindre n'étant pas de protéger la santé publique et les jeunes, ainsi que de décourager la production et l'approvisionnement de drogue au sein du crime organisé.
    En revanche, le recours aux sanctions pénales pour un produit faisant l'objet de mesures législatives et réglementaires constituera toujours un défi quant au maintien de la proportionnalité, surtout lorsque les jeunes sont exposés à la menace de poursuites criminelles.
    En outre, on ignore quels seront les effets d'une condamnation, suivant le système de contravention, sur les déplacements, surtout aux États-Unis, sur les certificats de polices et sur l'emploi. On ignore aussi si ce sera considéré comme une infraction antérieure en matière de drogue dans l'examen d'autres infractions. Les Canadiens qui choisissent de plaider coupable en envoyant le formulaire de contravention par la poste doivent être conscients des conséquences indirectes qui pourraient en découler.
    Merci beaucoup.
    Je vous remercie tous infiniment de soulever des questions importantes et de nous aider à comprendre vos points de vue sur le sujet.
    Nous allons commencer par des interventions de sept minutes. Le premier député est M. Oliver.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je remercie les témoins de leur témoignage et de leur présence aujourd'hui.
    Lorsque nous en aurons terminé avec les témoignages, l'objectif du Comité sera de réaliser l'examen article par article du projet de loi. Nous pensons surtout à ce que nous entendons. J'ai écouté attentivement vos réflexions et recommandations sur ce qui, à votre avis, fonctionne ou non dans ce projet de loi.
    Des questions ont été soulevées sur le fait que le statu quo serait mieux que le projet de loi C-45. Je pense vous avoir tous entendus dire que vous appuyez le projet de loi, et qu'il est préférable au statu quo.
    Est-ce que quelqu'un n'est pas d'accord et pense que le statu quo est mieux que le projet de loi? Vous avez soulevé de nombreuses préoccupations, mais de façon générale, trouvez-vous que c'est un pas dans la bonne direction?

  (1120)  

    J'aimerais simplement apporter une précision au nom du Barreau du Québec. Nous ne faisons pas de politique, mais lorsqu'il est décidé d'aller de l'avant, nous essayons d'apporter notre aide de notre mieux. C'était peut-être une précision.
    Si j'ai bien compris, la solution de rechange aux accusations criminelles serait le pouvoir discrétionnaire du policier de donner une contravention. Je pense que cela s'applique à la possession de 30 à 50 grammes, ou encore de six plants. Veuillez m'excuser, c'est plutôt quatre à six plants.
    Y a-t-il d'autres domaines où vous croyez que le pouvoir discrétionnaire relatif aux contraventions pourrait s'appliquer? Aussi, avez-vous des conseils sur la façon dont la loi pourrait mieux orienter et assurer l'uniformité du travail des policiers? D'autres craignent que certaines populations vulnérables courent un risque accru d'accusations criminelles, plutôt que de contraventions.
    Savez-vous comment le projet de loi pourrait être modifié pour mieux répondre à cette inquiétude?
    Je pense que la notion de contravention est intéressante, pour autant qu'il n'y ait aucune conséquence pénale ou quasi pénale. C'est vraiment ce qui me préoccupe: que les gens subissent des conséquences pénales en raison d'un produit qui devrait selon moi faire l'objet d'une loi réglementaire sur la façon de le traiter.
    Dans le cas d'un régime de contraventions où un officier doit prendre une décision en usant de sa discrétion, j'aimerais que la loi comporte des lignes directrices sur la façon dont les policiers sont censés prendre la décision. Il faut mettre l'accent sur l'objectif de la loi, qui n'est pas nécessairement de criminaliser tout contact avec le cannabis.
    Cela serait-il dans la loi ou la réglementation?
    Ce serait possiblement dans la réglementation. J'aimerais qu'il y ait des lignes directrices sur la façon dont les agents doivent exercer leur pouvoir discrétionnaire, surtout aux premiers jours du projet de loi, jusqu'à ce qu'ils soient à l'aise avec le nouveau régime. Je ne parle évidemment pas au nom de la police, mais ces gens proviennent du milieu de la loi et de l'ordre public où de nombreuses enquêtes sur le cannabis ont entraîné des accusations criminelles. Ils devront changer radicalement leur façon de voir les choses.
    Il y a autre chose. Deux ou trois d'entre vous ont soulevé le problème de permettre aux jeunes de 18 ans et moins de posséder une quantité maximale de cinq grammes seulement. Des accusations criminelles pourraient être portées contre eux s'ils sont en possession d'une quantité supérieure. Un témoin précédent nous a dit que les règles pour les jeunes et les adultes ne devraient pas être différentes. Les adultes peuvent avoir 30 grammes, alors que les adolescents seraient accusés en vertu de la LSJPA. Pouvez-vous m'aider à comprendre, étant donné qu'il existe une loi différente pour eux?
    Souhaitez-vous répondre, maître Lévesque?
    Oui, je peux répondre. Corrigez-moi si je me trompe, Anne.
    Si des accusations sont portées aux termes du Code criminel, le régime normal s'applique. En revanche, si les accusations sont portées en vertu de la LSJPA, la peine maximale demeure la même, mais le juge adopte un paradigme différent quant aux principes et objectifs de la peine. Cette loi prévoit aussi des programmes de déjudiciarisation, mais il faut ensuite s'assurer que les critères employés sont au moins aussi généreux que ceux qui mènent à une contravention. Dans les faits, nous ne voulons pas exposer un jeune à des conséquences plus sérieuses qu'un adulte.
    C'est vraiment une question de quantité. Un jeune qui est en possession de 5 grammes s'exposera à une responsabilité pénale, alors que la limite est de 30 grammes pour un adulte. Un adulte, qui est sans doute plus moralement coupable, a le droit de posséder une quantité supérieure de cannabis; voilà qui l'éloigne encore plus de la portée de la loi, en quelque sorte. Il est vrai que le jeune serait poursuivi aux termes de la LSJPA, mais cela représente tout de même des conséquences réelles pour lui. Il ne faut pas l'oublier.

  (1125)  

    Je pense qu'un ou deux d'entre vous ont parlé des produits comestibles. Si nous cherchons vraiment à réduire l'emprise du crime organisé dans ce secteur, les produits comestibles devraient faire partie des produits légalement permis. Mais les rédacteurs du projet de loi nous disent qu'il est très complexe de les intégrer. Il y a d'autres considérations en matière de santé et de sécurité entourant la production de ces produits et la conception adéquate de lignes directrices, de sorte qu'il faudra plus de temps pour mettre en place ce régime. Nous avons aussi entendu des témoins qui viennent d'autres territoires, comme le Colorado et ailleurs, et qui ont déjà intégré ces produits. Les lignes directrices sont déjà en vigueur. Il existe donc des prototypes dont nous pourrions nous inspirer à ce chapitre.
    Que pensez-vous des autres pays ou États? Les lignes directrices du Colorado sur les produits comestibles sont-elles applicables au Canada? Est-ce logique?
     Je pense que l'expérience du Colorado démontre effectivement que la dose peut être titrée. Lorsque les gens pensent aux produits comestibles dans le contexte canadien ou nord-américain en général, ils songent à ceux qui mangent du cannabis et subissent des expériences très imprévisibles et parfois fort désagréables. Ce n'est pas le cas des produits comestibles.
    D'après ce que j'ai appris lors de ma tournée des propriétaires de dispensaires axés sur l’aspect médical de la Ville de Vancouver, il semble que les produits comestibles et les bombes représentent une grande portion de la demande des patients et des clients. Ces gens ne veulent ni fumer ni vapoter le cannabis. À l'instar du Colorado, ces établissements cherchent en général un titrage beaucoup plus efficace de la dose.
    Le temps est écoulé.
    Merci beaucoup.
    Monsieur le président, j'ai un rappel au Règlement que j'aimerais présenter maintenant, pour ne pas interrompre M. Carrie. Si j'ai bien compris, et je m'excuse si j'ai tort, j'ai entendu M. Oliver mentionner qu'il n'y a que deux segments sur les contraventions dans le projet de loi.
    La partie 2 définit les contraventions. Le projet de loi compte donc 17 dispositions distinctes.
    Je ne pense pas que ce soit un rappel au Règlement, mais vous pourrez en discuter lorsque vous aurez du temps.
    D'accord.
    À vrai dire, ce n'est pas ce que j'ai affirmé. Je savais qu'il y avait deux dispositions, mais je n'ai jamais dit qu'il n'y en avait que deux.
    Je vois, vous les donniez en exemple.
    Merci.
    Bien.
    Monsieur Webber.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie tous d'être ici aujourd'hui. Je vous en suis reconnaissant.
    Je vais d'abord m'adresser à M. Boyd.
    J'ai bien aimé vos remarques. Certains passages étaient intéressants; la plupart l'étaient. Je suis plutôt d'accord avec certains éléments, mais bien sûr, vous vous réjouissez du projet de loi alors que ce n'est certainement pas mon cas. Le caucus conservateur ne l'appuie pas non plus.
    Vous avez dit qu'il y a beaucoup de choses que nous ignorons, mais que nous devons savoir. Croyez-vous que d'ici 290 jours, moment où le projet de loi deviendra une obligation légale et sera mis en œuvre, nous aurons suffisamment de temps pour résoudre bon nombre des problèmes qui sont présentés à notre comité, et qui seront abordés dans les prochains jours?
    Vous disposez déjà d'un système de producteurs autorisés de cannabis à des fins médicales. Comme vous le savez, le nombre de consommateurs a augmenté considérablement dans le réseau de la santé, passant d'environ 7 000 à plus de 130 000. Le même système pourrait être créé pour les consommateurs à des fins récréatives. Les produits recherchés par ces utilisateurs ne sont pas si différents, et même aucunement différents des produits recherchés par les consommateurs à des fins médicales.
    Voilà un système qui pourrait être mis en place. Il pourrait y avoir des différences entre les provinces. Certains sont alarmés par ce qui s'est passé en Ontario, par exemple. Mon opinion est légèrement différente. Je pense que différentes provinces adopteront des solutions diverses, ce qui permettra d'étudier les meilleures pratiques.
    La province dans laquelle je vis, la Colombie-Britannique, prendra probablement une voie différente de celle de l'Ontario. Il se pourrait aussi que les diverses instances passent à l'action à des moments différents. L'une des mesures de protection visant à freiner l'expansion du marché noir est le système de vente par correspondance des producteurs autorisés. Tout changera quelque peu lorsque les provinces iront de l'avant.
    Je considère que la légalisation pourrait entrer en vigueur à des moments différents dans les diverses provinces, mais la vente par correspondance devrait être en place d'ici juillet prochain grâce aux 58 producteurs actuellement autorisés.
    Croyez-vous que le crime organisé sera durement touché par la légalisation?
    En ce qui concerne bon nombre de groupes du crime organisé dont les gens se préoccupent surtout, je pense à des crimes comme le recours à la force ou la violence, les menaces ou la corruption. Or, la plupart des individus impliqués dans la production de cannabis n'appartiennent pas à cette catégorie. Dans le cas des gens Kootenay et la plupart des gens de la ville de Vancouver, il s'agit d'un type de crime organisé fort différent, si on inclut toute personne impliquée dans cette industrie.
    Je pense bel et bien que le crime organisé délaisse déjà l'industrie. Il y a des signes à cet effet. Encore une fois, c'est une question d'accès. Si les consommateurs ont accès aux produits qu'ils veulent dans une zone géographique suffisante, je doute que le crime organisé s'en mêle. En revanche, ne prétendons pas qu'il va disparaître du jour au lendemain. Il faudra un certain temps.

  (1130)  

    Personnellement, je crois que cela prendra un sacré bout de temps, notamment parce que les règlements actuels concernant les producteurs titulaires d'une licence sont très détaillés. J'appuie tous ces règlements. Contrairement au crime organisé, les producteurs titulaires d'une licence doivent engager beaucoup de frais généraux pour développer leur produit. À mon avis, ils ne peuvent pas concurrencer au chapitre du prix.
    Auriez-vous des commentaires à formuler sur l'équité du prix entre le crime organisé et les producteurs titulaires d'une licence?
    Les prix qu'affichent les dispensaires à Vancouver ne sont pas si différents de ceux qu'affichent les producteurs titulaires d'une licence. On pourrait dire qu'une grande partie des produits offerts par les dispensaires proviennent du crime organisé, car, par définition, les producteurs titulaires d'une licence perdraient cette licence si les autorités apprenaient qu'ils approvisionnent les dispensaires.
    Le prix unitaire d'intoxication pour le cannabis est remarquablement bas. Contrairement au prix de l'alcool, il n'a pas augmenté depuis 30 ans. La plupart des gens ne veulent pas vraiment consommer du cannabis. Ils en font l'expérience lorsqu'ils sont jeunes et ont tendance à délaisser le produit par la suite. Pour environ 5 $, on peut se procurer suffisamment de cannabis sur le marché illicite pour permettre à trois personnes d'avoir un high. Si vous cherchez à obtenir le même résultat avec l'alcool, bonne chance. La plupart des consommateurs préfèrent simplement l'alcool.
    Oui, mais, j'aurais une autre question pour vous, monsieur Boyd. Vous dites que 18 ou 19 ans semblent être un âge minimum raisonnable pour la consommation, notamment.
    La culture à domicile et la facilité de l'accès pour les jeunes au produit sont une grande source de préoccupation. Selon vous, des restrictions de zonage dans certaines régions pourraient empêcher la culture à domicile en raison...?
    Je pense à la quiétude des lieux et au risque d'incendie si les gens décident d'utiliser des lampes à halogénure. C'est une chose qu'il faudrait étroitement réglementer. La plupart des gens ne voudraient pas vivre dans un édifice à logements où il y a constamment une forte odeur de cannabis. Il existe peut-être des solutions technologiques à ce problème. J'ai entendu dire qu'il est possible de cultiver le cannabis sans ce genre de dérangement et de risque d'incendie.
    Les préoccupations relatives à l'accès pour les jeunes à des plantes cultivées sur place...
    Je crois que l'analogie de l'alcool fonctionne très bien ici. Nous savons que la plupart des jeunes peuvent avoir accès à de l'alcool. On dit qu'il est plus facile d'avoir accès à du cannabis qu'à de l'alcool. J'étais curieux. Donc, la semaine dernière, j'ai posé la question à mes étudiants de première année. Je dirais que la grande majorité d'entre eux ont dit que, non, il est beaucoup plus facile d'avoir accès à de l'alcool.
    Je le répète, je crois qu'il est possible de réglementer le cannabis et d'intégrer le produit dans notre culture. À mon avis, la criminalisation d'un produit beaucoup moins dommageable que certains des médicaments que la plupart d'entre nous consomment chaque jour est un problème de longue date.
    Oui, mais, qu'en est-il du développement du cerveau des jeunes de 18 et 19 ans? Vous savez que le cerveau se développe jusqu'à l'âge de 25 ans.
    Oui, mais je ne crois pas qu'une application rigoureuse de la loi permettrait de résoudre ce problème. À mon avis, nous devrons procéder de la même façon que nous l'avons fait pour le tabac: une éducation dynamique en matière de santé publique et une réglementation rigoureuse des droits des non-fumeurs. Dans la mesure où les jeunes comprennent les risques associés à la consommation de cannabis, ils seront beaucoup plus prudents.
    Je me souviens d'une époque où lorsque nous montions dans un avion, on nous demandait si nous voulions nous asseoir dans la section fumeurs ou non-fumeurs. Je suis heureux que ce ne soit plus le cas aujourd'hui.

  (1135)  

    Votre temps est écoulé.
    Monsieur Davies, vous avez la parole.
    Merci.
    Dès que ce projet de loi sera adopté, que ce soit ou non le 1er juillet 2018, des dizaines voire des centaines de milliers de Canadiens se retrouveront avec un casier judiciaire pour des infractions qui, en vertu de ce projet de loi, ne seront plus considérées comme des infractions, notamment la possession simple.
    Selon Michael Lacy, vice-président de l'Association des avocats criminalistes, il serait très facile pour le gouvernement de modifier la Loi sur le casier judiciaire de façon à pardonner automatiquement toute condamnation liée à une infraction qui n'en sera plus une. Madame London-Weinstein, selon vous, le projet de loi C-45 devrait-il être modifié en ce sens?
    Je ne pourrais me prononcer sur ce que devraient faire les législateurs ou sur les intentions du projet de loi, mais il est clair qu'à un certain moment, il faudra examiner s'il est dans l'intérêt de tous les Canadiens de rendre plus facile l'obtention d'un pardon pour des comportements qui ne sont plus criminels.
    Merci.
    Nous avons déjà parlé des produits comestibles. L'article 7 dresse la liste des objectifs de cette mesure législative. D'ailleurs, le premier ministre a défendu à maintes reprises un de ces objectifs, soit de limiter les activités du crime organisé en ce qui a trait au cannabis. Je tente d'évaluer cette mesure législative afin de voir si elle nous permettra d'atteindre cet objectif et j'aimerais me concentrer sur les produits comestibles.
    Au cours de la dernière journée, les membres ministériels ont adopté différentes positions par rapport à ce projet de loi en ce qui a trait aux produits comestibles. D'abord, ils ont dit que la question serait abordée plus tard en raison des problèmes qu'elle soulève. Ils ont dit également que le projet de loi tient déjà compte des produits comestibles et qu'il pourrait simplement être édicté par règlement à tout moment. D'ailleurs, si je ne m'abuse, c'est ce qu'a affirmé M. Blair hier soir à la télé. Puis, ils ont dit que des travaux sont en cours. Ce que je sais, c'est que l'annexe 4 du projet de loi dresse la liste des catégories de cannabis qu'une personne autorisée peut vendre, soit du cannabis séché, de l'huile de cannabis, du cannabis frais, des plantes de cannabis et des graines provenant d'une plante de cannabis. Ce projet de loi ne légalise pas les produits comestibles. Selon ce que nous avons appris, environ le tiers du marché — selon les meilleures données que nous ayons — se compose de consommateurs qui préfèrent consommer du cannabis en format non fumable, soit des produits comestibles ou des concentrés sous une forme ou une autre.
    Ma question, monsieur Boyd, est la suivante. Si nous légalisons tous ces autres produits, mais que nous laissons le marché illicite offrir des produits comestibles — un segment en croissance sur le marché —, pourrons-nous dire que ce projet de loi a atteint l'objectif visant à limiter la présence de ces produits disponibles sur le marché illicite? Où les Canadiens se procureront-ils ces produits?
    À mon avis, si les produits comestibles ne sont pas ajoutés à l'annexe 4, on risque évidemment d'encourager le marché illicite de ces produits. Cela me paraît particulièrement regrettable, car, souvent, ceux qui consomment des produits comestibles le font à des fins médicales et non à des fins récréatives. Je crois que c'est une question qui devrait nous inquiéter et sur laquelle nous devrions concentrer davantage nos efforts.
    Encore une fois, le Colorado a connu beaucoup de problèmes au début en ce qui a trait à l'emballage, notamment. Je crois donc qu'il faudra faire preuve de beaucoup de prudence en qui a trait à l'emballage pour éviter que ces produits ne se retrouvent entre les mains des enfants. Le Colorado a fait la preuve qu'il est possible d'inscrire la proportion de la dose sur l'emballage. Les produits sont donc beaucoup plus sécuritaires que ceux que l'on retrouve sur le marché illicite. Un des problèmes, c'est que ceux qui se tournent vers le marché illicite pour trouver des produits comestibles et consommer de grandes quantités de cannabis sont plus à risque de surdose et de vivre des expériences très déplaisantes, à moins que ce marché illicite soit...
    Au cours des 40 dernières années, ce n'est certainement pas l'expérience offerte par le marché illicite. Au Colorado, l'expérience a été tout autre. Les difficultés ont été beaucoup moins nombreuses au cours de la dernière année en raison des règlements adoptés.
    Professeur Boyd, vous me devancez. C'est justement le sujet que je voulais aborder. Le Colorado, Washington et l'Alaska ont tous légalisé les produits comestibles sous une forme ou une autre. Il y a donc beaucoup de pratiques exemplaires et d'erreurs qui sont ressorties de cette expérience pour nous guider. On dit que, puisque ce projet de loi légalise l'huile de cannabis, les Canadiens pourront fabriquer leurs propres produits comestibles à domicile. D'un point de vue de santé et de sécurité, ne serait-il pas préférable que le gouvernement légalise et réglemente toutes les questions relatives aux produits comestibles plutôt que de laisser libre cours au marché noir ou aux Canadiens qui fabriquent leurs propres produits comestibles sans pouvoir contrôler la concentration de ces produits et savoir exactement ce qu'ils contiennent? Évidemment, ces produits ne sont pas étiquetés.

  (1140)  

    Vous avez raison. Je crois que Santé Canada finira par adopter cette position, car ces expériences ont été menées assez récemment. J'ai confiance que l'annexe 4 sera modifiée et que les produits comestibles seront ajoutés à la liste des produits légaux. J'espère ne pas me tromper.
    Monsieur Boyd, vous avez dit dans votre exposé que la vente de cannabis par correspondance à des fins récréatives sera un élément fondamental du système de distribution de cannabis. Sur le plan géographique, le Canada est un grand pays où l'on compte de nombreuses communautés éloignées ou relativement éloignées. Pourtant, à ma connaissance, le projet de loi C-45 ne propose aucun système électronique permanent de distribution nationale. Nous recommanderiez-vous de mettre en place un tel système de distribution national?
    Je dois dire qu'à certains égards, la question du commerce électronique et de l'approche relative à un système de paiement, notamment, dépassent quelque peu mon domaine d'expertise, mais je suis d'accord avec vous que la mise en place d'un réseau de vente par correspondance est fondamentale au succès d'un système de distribution. Je crois que de nombreuses petites communautés au pays, et même de nombreuses municipalités, n'auront pas de points de vente. À Richmond, où je vis, il est clair qu'il n'y aura pas de points de vente, mais il y en aura à Vancouver. Ce n'est pas un obstacle considérable pour décourager le marché noir, puisque ces municipalités sont pratiquement l'une à côté de l'autre. Mais, je suis d'accord avec votre point de vue général.
    Merci.
    J'aimerais maintenant m'adresser aux représentants du Barreau du Québec. Étant donné que ceux qui vendent des produits du tabac à des mineurs au Canada ne sont pas accusés au criminel, mais qu'ils se voient plutôt imposer des amendes civiles importantes, quelle est la logique derrière l'imposition de sanctions aussi sévères pour la possession, la distribution ou la production de cannabis?
    C'est la raison pour laquelle nous exprimons des doutes et pour laquelle nous recommandons l'adoption d'une philosophie semblable à l'égard des jeunes, soit pénaliser sans exposer les jeunes à des conséquences pénales réelles, notamment, des peines d'emprisonnement.
    Madame London-Weinstein, professeur Boyd, partagez-vous cette opinion?
    Oui.
    Oui, mais je crois également que si vous souhaitez faire augmenter les frais généraux du crime organisé, l'imposition d'amendes très lourdes serait une façon d'y parvenir.
    Merci.
    Monsieur Eyolfson, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président, et merci également aux témoins d'avoir accepté notre invitation.
    Professeur Leuprecht, si j'ai bien compris, vous vous trouvez à Brisbane. Je suis jaloux. J'y étais au début août et c'est une ville très jolie.
    Vous avez soulevé quelques points qui ont attiré mon attention. D'abord, vous dites préférer la décriminalisation à la légalisation. Toutefois, cela n'aurait aucun impact sur le marché noir. Êtes-vous d'accord avec moi que la décriminalisation du cannabis à elle seule ne changerait rien au marché noir si le produit demeure illégal?
    La décriminalisation entraînerait quand même un changement de comportement. Elle aurait un certain impact sur le marché, mais pas un impact aussi important.
    Êtes-vous d'accord avec moi que la présence de producteurs légaux, qui permettraient aux gens qui le souhaitent de se procurer du cannabis de façon légale et sans craindre de sanctions, aurait un impact plus important sur le marché noir?
    Tout dépend de la façon dont vont les choses. Prenons, par exemple, le marché de la cigarette, un sujet sur lequel j'ai beaucoup écrit. Les résultats seraient différents d'une province à l'autre. Le professeur Boyd a souligné un point important. L'approche adoptée dans chaque province déterminera l'état du marché noir.
    Si une province fait un effort concerté, comme ferait probablement le Québec, si l'on se fie à ce qu'a fait la province concernant les cigarettes de contrebande, elle aura plus de chance de restreindre ce marché. Dans une province comme l'Ontario, où il y a relativement peu d'effort concerté en ce qui a trait aux cigarettes de contrebande, il y aura [Difficultés techniques]. Tout dépend de l'approche des 10 provinces.

  (1145)  

    Vous dites qu'un pourcentage élevé de victimes d'accidents de la route ont une quantité détectable de cannabis dans le sang. A-t-on réussi à établir une corrélation entre les accidents et la quantité de cannabis dans le sang ou le niveau d'intoxication? Le test de dépistage des drogues au travail aux États-Unis a suscité la controverse au fil des ans, car les quantités détectables ou les métabolites peuvent demeurer dans le sang pendant des jours ou des semaines après l'intoxication. Les statistiques que vous avancez au sujet des accidents concernent-elles uniquement les quantités détectables consommées ou est-ce qu'une corrélation a été établie avec l'intoxication?
    Vous devrez demander à Statistique Canada comment ces données ont été recueillies. C'est la raison pour laquelle nous avons présenté ces données-ci. Il est effectivement difficile de déterminer quelles autres drogues sont présentes dans le sang des victimes, mais, ce qui est irréfutable, c'est que, dans ces circonstances, la drogue la plus souvent présente était le cannabis. Aucune autre drogue n'était plus présente que le cannabis chez les victimes d'accidents liés à la drogue.
    D'accord, mais comment savoir s'il s'agit d'un accident lié à la drogue si l'on ignore la quantité ou si la quantité dénote une intoxication? Parle-t-on d'un accident lié à la drogue simplement parce que la victime avait dans son sang une quantité détectable qu'elle aurait pu consommer 10 jours plus tôt? Qu'est-ce qui fait qu'il s'agit d'un accident lié à la drogue?
    Il serait fondamentalement difficile de déterminer la causalité. Un individu peut être très ivre au volant, mais c'est la sonnerie de son téléphone qui le distrait et entraîne un accident. Les gens métabolisent le cannabis de façons différentes, comme c'est le cas pour l'alcool. Je crois qu'il sera fondamentalement difficile de déterminer la causalité, mais je crois que nous convenons tous que conduire « high » n'est probablement pas une bonne idée.
    Je suis tout à fait d'accord avec vous à cet égard. Ce que je dis, c'est que la présence de cannabis dans le sang ne signifie pas nécessairement que l'individu est « high ». C'est la prémisse. La présence d'une quantité détectable ne veut pas dire qu'il y a nécessairement corrélation. C'est le point que je voulais souligner.
    Merci.
    Monsieur Boyd, vous avez soulevé certaines préoccupations — vous avez parlé du zonage — en ce qui a trait à la culture. Vous dites que les gens qui habitent des édifices à logements pourraient s'opposer à cette culture. Nous savons que les propriétaires d'édifice à logements peuvent interdire toutes sortes de choses par l'entremise du bail. Ils peuvent interdire les animaux de compagnie, ce que je trouve très étrange, mais c'est possible. Au Manitoba, de nouveaux propriétaires de biens locatifs interdisent aux locataires de fumer dans les unités locatives.
    Selon vous, pourrait-il y avoir des problèmes si les propriétaires de biens locatifs décident d'interdire sur les baux la culture de plants de cannabis dans les unités locatives?
    Je ne crois pas, pas moins, j'imagine, qu'il y ait absence de logique derrière la décision, mais je crois qu'il y a plusieurs raisons qui pousseraient les propriétaires d'édifices à logements à imposer cette restriction — éviter que les locataires ne fument dans les unités à logements, limiter les odeurs et les cultures. On m'a dit qu'il est possible de faire la culture ou qu'il existe une technologie permettant la culture du cannabis dans des espaces restreints, et ce, avec des risques relatifs. Cela reste à voir, mais je crois que nous verrons ce genre de restrictions. D'ailleurs, ce sont peut-être les municipalités qui imposeront ce genre de restrictions. Il est clair que les municipalités tenteront de limiter les points de vente.
    Absolument. C'est l'une des préoccupations que m'ont soulevées les courtiers immobiliers. Ils s'inquiètent que beaucoup de locataires dans leurs édifices s'adonnent à la culture du cannabis.
    Nous savons que cela a toujours été un problème, mais, bien entendu, la grande difficulté était de confirmer la nature illicite du commerce. La création d'un marché légal permettrait d'éliminer essentiellement ce genre de problèmes dans l'industrie immobilière où les locataires s'adonnent à la culture.
    Merci.
    Combien de temps me reste-t-il?
    Il vous reste 28 secondes.
    Je ne crois pas avoir suffisamment de temps en 28 secondes pour poser une question et obtenir une réponse utile. Merci beaucoup.
    Merci beaucoup.
    Ceci met fin à cette série de questions. Au cours de la prochaine série de questions, les intervenants disposeront chacun de cinq minutes. Monsieur Carrie, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je dois admettre que j'aime bien accueillir des avocats comme témoins, car les points de vue semblent très différents. De plus, certaines choses doivent être précisées en ce qui a trait à cette mesure législative. Toutefois, une chose est claire: vous, et les avocats, allez faire des affaires d'or grâce à tous ces recours judiciaires. Je suis impatient de voir les retombées pour la profession.
    Monsieur le président, j'aimerais corriger la transcription. Selon M. Oliver, des gens ont dit que le statu quo serait préférable à la légalisation. Je crois qu'il faisait référence à la question que j'ai répétée au sujet du message des libéraux selon lequel le statu quo ne fonctionne pas. C'est ce que j'ai dit moi aussi, mais je n'ai pas dit que le statu quo était nécessairement une option préférable. J'espère que cette mesure législative sera plus efficace, car, à mon avis, les jeunes Canadiens consomment beaucoup trop de marijuana, mais, nous verrons. Je demanderai au gouvernement de rendre des comptes sur l'efficacité de cette approche.
    J'aimerais m'adresser à M. Leuprecht.
    Vous avez parlé des leçons retenues à l'échelle internationale. Je sais très bien que le Canada a signé trois conventions et traités internationaux desquels, semble-t-il, le gouvernement libéral n'a pas indiqué qu'il allait se retirer. Ce qui m'inquiète, c'est que ma communauté, Oshawa, est une ville frontalière et que des camions franchissent régulièrement cette frontière. D'un point de vue fédéral, de nombreux pays considèrent encore cette pratique comme étant illégale et nous remarquons un épaississement de la frontière, notamment avec nos voisins américains.
    Je me demande quel sera l'impact de cette mesure législative sur les emplois et le commerce international? J'aimerais avoir votre opinion sur le fait que les libéraux ne semblent pas vouloir émettre les avis qu'ils sont censés émettre. Selon vous, le fait que le Canada se dirige dans une direction opposée à celle de ses partenaires commerciaux aura-t-il un impact sur les emplois et le commerce international?

  (1150)  

    Les données sont plutôt claires. Les drogues plus dures ont tendance à être importées des États-Unis au Canada et une bonne partie du cannabis produit au Canada est exportée aux États-Unis. Ce qui m'inquiète, c'est que le marché de l'exportation risque d'augmenter, ce qui risque également de pousser les États-Unis à adopter des mesures plus strictes.
    Nous savons également que les programmes d'expéditeurs fiables sont l'un des moyens que préfèrent utiliser les citoyens pour expédier des choses à l'étranger, car leurs colis risquent moins d'être interceptés. Je crois qu'il serait judicieux pour le gouvernement de mettre en place un mécanisme approprié de gestion du risque par l'entremise de l'ASFC afin de s'assurer que la plateforme des expéditeurs fiables ne soit pas compromise à un point tel que les Américains décident de l'abandonner.
    Il ne faut pas oublier qu'il y aura une augmentation de la culture de cannabis dans certaines régions, comme à Kingston, là où j'habite. La raison est simple: Kingston se trouve à six heures de route de bon nombre des principales villes du littoral de la côte Est. Pour des raisons purement géographiques et en raison du fait que, comme je l'ai souligné, la plupart des lois et sanctions au Canada sont moins sévères que celles aux États-Unis pour des infractions similaires, il demeure plus intéressant de faire des affaires dans ce domaine au Canada et d'exporter les produits aux États-Unis.
    Bien qu'il serait fondamentalement difficile d'harmoniser nos lois aux lois américaines, il est clair que cette mesure législative élimine davantage les incongruités entre le Canada et les États-Unis. Le fait d'élargir ces deux approches législatives pourrait compliquer les choses pour ceux qui vivent du transport transfrontalier.
    Le fait que le Canada n'adopte pas la même orientation que ses principaux partenaires commerciaux à cet égard me préoccupe.
    Vous dites que ce sont principalement les provinces qui devront assumer les coûts et porter le fardeau. De plus, on vertu de cette nouvelle mesure législative, il sera plus difficile et dispendieux d'intenter des poursuites pour conduite avec facultés affaiblies et les verdicts de culpabilité seront moins probables. Je sais que l'Association canadienne des chefs de police a recommandé la décriminalisation du cannabis et, dans votre exposé, vous avez dit qu'il s'agissait d'une bonne façon d'éliminer du système de justice pénale les poursuites pour petites quantités et de permettre ainsi au système de se concentrer sur les trafiquants et le crime organisé.
    J'aimerais connaître votre opinion à ce sujet. Dans quelle mesure sera-t-il plus difficile d'obtenir des verdicts de culpabilité s'il s'agit d'un produit légal et qu'il faut prouver les facultés affaiblies que s'il s'agit d'un produit illégal que l'on confisque, tout simplement?
    Si je ne m'abuse, d'autres témoins ont souligné qu'il y a beaucoup d'ambiguïté et que les autorités jouiront d'une discrétion considérable et que cela entraînera beaucoup de problèmes. Il est clair que les tribunaux ne seront pas moins occupés. De plus, il sera difficile d'assurer l'uniformité à l'échelle du pays.
    Deux choses pourraient se produire. Les autorités pourraient choisir de ne pas porter d'accusations, car les policiers sont trop occupés. Ils pourraient tout simplement décider de ne pas appliquer certaines dispositions de la loi qui, selon eux, feraient traîner les affaires devant les tribunaux. Ou, les autorités pourraient choisir de faire preuve de prudence et de porter les accusations les plus sévères afin de tenter d'établir un point de référence qui fera en sorte que leur discrétion ne sera pas remise en question.
    Il est clair que cette question soulève certaines préoccupations. Parmi tous mes amis qui travaillent dans le milieu policier, je n'en ai encore trouvé aucun qui se sent à l'aise avec cette mesure législative.

  (1155)  

    Votre temps de parole est écoulé.
    Merci.
    Allez-y, monsieur McKinnon.
    Merci, monsieur le président.
    Ma question s'adresse à M. Leuprecht. Je crois que vous avez exprimé votre inquiétude quant à la possibilité que la légalisation entraîne une augmentation des cas de conduite avec les facultés affaiblies.
    Nous avons obtenu une lettre du gouverneur et de la procureure générale du Colorado à l'intention du procureur général des États-Unis, qui fait valoir que l'État a formé environ 5 000 agents de la paix sur la législation relative à la marijuana, notamment sur la conduite sous l'influence de la drogue, qu'il a augmenté de 68 % le nombre d'experts formés en matière de reconnaissance des drogues et qu'il a formé 1 155 agents de la paix en vue d'effectuer des contrôles routiers approfondis des facultés. On a également investi 2,3 millions de dollars en éducation.
    Étant donné la capacité avancée de l'État de détecter les facultés affaiblies par la drogue, au cours des six premiers mois de 2017, le nombre de conducteurs dont les facultés ont été jugées affaiblies par la marijuana par le service de patrouille de l'État du Colorado a diminué de 21 % par rapport aux six premiers mois de 2016. Bien que je croie que l'éducation a joué un rôle à cet égard, je me demande si vos préoccupations relatives à l'augmentation du nombre de cas de conduite avec les facultés affaiblies reposent sur un quelconque fondement.
    Oui. J'aimerais qu'on offre la même formation et qu'on déploie autant d'efforts au Canada qu'on l'a fait aux États-Unis au sujet de la détection et de l'application de la loi en matière de conduite avec les facultés affaiblies. C'est aussi là mon explication.
    On sait qu'aux États-Unis, la conduite avec les facultés affaiblies est sévèrement punie à de nombreux égards et que les sanctions sont très sévères. Ainsi, à mon humble avis, le Canada fait face à des contraintes endogènes parce que les États-Unis avaient déjà une importante culture d'exécution de la loi en matière de conduite avec les facultés affaiblies, tandis que le Canada tend à offrir une plus grande latitude en la matière.
    Merci.
    Ma prochaine question s'adresse à Mme London-Weinstein.
    Vous avez parlé du manque de directives au sujet de la procédure sommaire par opposition à la mise en accusation. Pourriez-vous nous expliquer comment cela fonctionne habituellement et quelles directives pourraient être émises à cet égard?
    Bien sûr.
    Rapidement, pour répondre à votre commentaire précédent, monsieur McKinnon, la Cour suprême a récemment facilité la tâche aux agents afin qu'ils puissent témoigner à titre d'experts en reconnaissance de drogues sans passer par le cycle complet du litige, sans un voir-dire ou un procès à même un procès pour déterminer leurs qualifications. Nos tribunaux s'adaptent aux cas qui leur sont présentés et avec une formation adéquate, je ne crois pas que la légalisation du cannabis entraîne un fardeau supplémentaire sur nos systèmes judiciaires.
    En ce qui a trait à la façon dont la Couronne exerce son pouvoir de discrétion, cela passe habituellement par le procureur général. On mettrait en place des lignes directrices qui désigneraient les facteurs contextuels qui caractérisent chaque cas et qui orienteraient la Couronne quant aux cas qui devraient être mis de côté sans que des accusations criminelles soient portées, à ceux qui devraient donner lieu à une déclaration de culpabilité par procédure sommaire — ce qui est moins grave — et à ceux qui devraient donner lieu à une mise en accusation lorsque certains facteurs se superposent, comme une déclaration de culpabilité grave ou la présence du crime organisé ou d'un autre type de criminalité, et exigent une telle mesure.
    Pour répondre à votre question, ces lignes directrices émaneraient du procureur général et feraient partie du manuel des politiques de la Couronne.

  (1200)  

    D'accord, mais je croyais que vous aviez dit que vous aimeriez voir ces lignes directrices intégrées à la loi.
    Si l'on s'éloigne de la criminalisation et qu'on se dirige vers ce que je considère être un modèle de réglementation, il serait utile de voir certaines directives dans la loi sur la façon d'exercer le pouvoir de discrétion.
    D'accord.
    En ce qui a trait au cannabis et aux jeunes, vous vous êtes dite inquiète de la limite de cinq milligrammes, qui entraînerait un fardeau supplémentaire sur le système de justice pour les jeunes.
    Croyez-vous qu'on doive augmenter la limite et mettre en place un programme exhaustif ou une politique visant la confiscation, la formation, l'imposition d'amendes, etc. pour les quantités inférieures?
    Je ne voudrais pas qu'on augmente la limite. Je tiens à dire que je suis mère et grand-mère, alors je m'inquiète de voir les jeunes pris dans le système de justice. Je comprends, en lisant la loi, qu'on a établi une telle limite pour éviter que les jeunes soient utilisés par le crime organisé aux fins du trafic de drogues. Je ne veux pas outrepasser cela, mais je crois que l'intention de cet article est d'éviter que les membres du crime organisé ou d'autres adultes utilisent les jeunes parce que les sanctions sont moins sévères pour eux et d'éviter que les jeunes aient de grandes quantités de marijuana en leur possession. Je comprends cela, mais je suis tout de même inquiète, puisque les jeunes sont plus susceptibles d'être exposés au système de justice que les adultes à cette étape et je ne voudrais pas que leur comportement soit criminalisé.
    Je crois qu'il faut protéger les jeunes et leur éviter le système de justice, sauf pour les vrais gestes criminels.
    C'est tout. Votre temps de parole est écoulé.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur le président. Je remercie aussi nos témoins.
    Ma question s'adresse à Me Levesque et Mme London-Weinstein. Je vais poser mes questions en anglais.

[Traduction]

    Pour veiller à ce que les enfants ne soient pas criminalisés par cette loi et pour expliquer clairement ce que les agents de police devraient faire avec les adultes — donner une amende ou porter des accusations —, on propose notamment de réduire la quantité à zéro, mais de donner une contravention — sans égard à la quantité — en cas de possession de marijuana. Ainsi, on ferait comprendre aux jeunes qu'on ne veut pas qu'ils aient de la marijuana sur eux, mais qu'ils ne seraient pas criminalisés le cas échéant. Pour les adultes, on ferait de la possession de 30 à 50 grammes une infraction donnant lieu à une contravention et de la possession d'une quantité supérieure à 50 grammes une infraction punissable par la loi. De plus, si la violence était un facteur dans les cas de possession de 30 à 50 grammes, alors l'infraction serait punissable par la loi également.
    Est-ce que cela dissiperait vos inquiétudes?
    Je suis d'accord. À notre avis, la possession de 5 à 30 grammes de marijuana ne doit pas entraîner de conséquences criminelles. En ce qui a trait à la limite zéro, ce sera au Parlement de décider, mais comme le dit le vieil adage, il y a plusieurs façons de plumer un canard. Je crois que le plus important, sur le plan de la sécurité publique et de la santé, c'est de canaliser les habitudes des gens de sorte qu'elles ne soient pas criminalisées, sans nécessairement les approuver. Le Parlement peut atteindre cet objectif de nombreuses façons.
    M. Levesque soulève d'excellents points, mais il a fait écho plus tôt à mes inquiétudes au sujet de la disposition sur les contraventions. J'aimerais savoir comment on consignera ces dossiers avant d'adopter cette position et savoir s'ils affecteront... Disons qu'une famille veut aller en Floride... Si un enfant a reçu une contravention, la famille pourra-t-elle passer la frontière? C'est le genre de questions que je me pose.
    À l'heure actuelle, il n'y a aucun plan en place. C'est illégal à l'échelle fédérale aux États-Unis. On demande aux gens s'ils ont fumé du cannabis et s'ils répondent oui, ils ne peuvent pas entrer. On n'a pas abordé la question. C'est inquiétant, surtout qu'il ne reste que 292 jours avant l'entrée en vigueur de la loi.
    Au début, la loi visait notamment à réduire le nombre d'accusations de possession qui engorgeaient le système de justice, puisque cela entraîne l'annulation de certains procès pour meurtre ou pour agression sexuelle, mais la loi prévoit également de nombreuses dispositions sur le trafic. Croyez-vous qu'on remplacera la surcharge d'accusations de possession par une surcharge d'accusations de trafic de stupéfiants?

  (1205)  

    Je crois que la meilleure réponse est: « Cela dépend. » J'espère que non. Je crois qu'une partie de la réponse passe par la mise en place d'un système de distribution provincial. Comme je l'ai dit plus tôt, je suis surpris de voir que la possession de cannabis illicite est un crime et je ne sais pas trop comment les choses vont se passer ni comment cela sera défini au fil du temps, mais il y a aussi la production de cannabis illicite. Nous permettons aux gens de faire pousser un maximum de quatre plants, mais nous allons passer beaucoup de temps à appliquer les lois contre... Je crois qu'il s'agit d'une transition.
    Certains ont dit qu'il s'agissait d'une manoeuvre pour atténuer les craintes relatives à la modification de la loi. Je dois dire que je fais partie des gens qui espèrent que ce soit le cas. Je veux que tout se passe bien. En même temps, chez nous par exemple, je ne sais pas ce qu'on va faire des dispensaires qui ne respectent pas les règlements de la ville de Vancouver. Comment allons-nous les faire fermer, puisque nous voulons une certaine forme de réglementation en place? Allons-nous devoir utiliser le peu de ressources policières que nous avons pour le faire? Pourrons-nous avoir recours à des injonctions civiles et à d'autres types de recours? Ce n'est pas clair.
    J'ai une question pour mon professeur en sciences politiques à Brisbane.
    Vous avez parlé de contrebande et on a pris l'exemple de l'industrie du tabac. Je vis en Ontario et selon ce que je comprends — vous me corrigerez si je me trompe —, environ 40 à 60 % du tabac y est vendu par nos partenaires des Premières Nations parce que cela fait partie de leurs droits en vertu des traités. Est-ce qu'ils pourront faire des affaires similaires avec le cannabis?
    Je ne devrais pas parler au nom des Autochtones quant à leur opinion au sujet du cannabis, mais je crois que ce ne sont pas seulement les habitants des réserves qui se prévalent de la possibilité de ne pas imposer de taxes pour encourager l'achat de produits dans les réserves. Les entités légales et le crime organisé déploient des efforts considérables pour exploiter certaines réserves en fabriquant les produits pour ensuite les distribuer. Ces collectivités se retrouvent donc prises dans la grande machine du crime organisé.
    Puisque le crime organisé utilisera volontiers les voies existantes pour faire du profit, je crois que ses membres déploieront des efforts concertés pour trouver la meilleure façon de maximiser les profits. Je ne serais pas surpris de les voir exploiter la vulnérabilité de certaines Premières Nations pour atteindre l'un des objectifs principaux du crime organisé actuel.
    Merci.
    Vous n'avez plus de temps.
    Monsieur Ayoub, vous avez la parole.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie tous d'être ici pour parler d'un sujet extrêmement important. Comme mon confrère l'a dit, je vais en profiter pour entendre l'avis de certains avocats sur des points de droit. En fait, je me pose des questions au sujet de l'âge légal minimum.
    Dans les relations entre les gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux, il y a une collégialité quand vient le temps de créer une législation. L'âge minimum pour voter est 18 ans. Dans notre société, on reconnaît qu'à partir de 18 ans, une personne est adulte et maître de ses décisions, en tout cas pour élire un gouvernement. Par contre, pour ce qui est de la décision de prendre une médication ou une drogue qui deviendra probablement légale, l'âge légal minimum variera d'une province à l'autre.
    Qu'en est-il de l'aspect légal de la chose? Y a-t-il une possibilité que cette marge de manoeuvre qu'ont les provinces soit disputée en cour et qu'elle soit contestée éventuellement jusque devant la Cour suprême?

  (1210)  

     Le Barreau du Québec ne se prononcera pas quant à l'âge minimal. Nous tenons pour acquis que c'est 18 ans. Cependant, si on hausse cet âge ou si on l'abaisse, il y a un risque, comme vous le disiez, que quelqu'un conteste cela en invoquant une discrimination fondée sur l'âge.
    Le gouvernement fédéral et les provinces ont chacun leur compétence en ce qui a trait à la détermination d'un âge minimal. Il faut donc qu'il y ait une espèce de collaboration, si c'est possible.
    Je sais que, selon certaines données, il faut faire attention pour ce qui est de l'âge, mais il n'y a pas nécessairement de données probantes selon lesquelles il y a un âge minimal donné absolu. Plus on s'éloigne de l'âge minimal de 18 ans, plus on augmente...
    On ouvre une porte.
    On augmente un peu le risque qu'il y ait des contestations. Est-ce que cela veut dire que la loi ne réussirait pas à soutenir un débat constitutionnel? C'est une autre question.
    Je ne dispose que cinq minutes et je m'excuse de vous restreindre un peu.
    Faisons une comparaison entre le cannabis et l'alcool pour ce qui est de la quantité. Il y a un âge légal auquel on peut consommer de l'alcool, mais il n'y a pas de quantité limite pour l'achat d'alcool. Je ne parle pas de l'aspect santé, car il y a des indications en la matière, je parle plutôt du plan légal. Ne serait-il pas plus simple de ne pas fixer de quantité?
     Ce serait peut-être plus simple, mais je pense que l'objectif est d'éduquer le public et de sensibiliser les jeunes.
    L'éducation sur l'alcool est là: tous les jours, on fait de l'éducation. On regarde des budgets et ils ont augmenté, passant de 9 millions à 36 millions de dollars.
    Ne faudrait-il pas plutôt mettre plus l'accent sur l'éducation des parents relativement à leurs enfants? Certains médicaments ne doivent pas être donnés aux enfants de moins de 12 ans, mais les parents ont ces médicaments et ils peuvent se les procurer à la pharmacie sans ordonnance. On parle de médicaments de moindre quantité.
    J'ai parfois l'impression que, lorsqu'on veut réglementer et aller plus en détail, on finit par perdre le sens. On veut assurer la protection, je le comprends, mais parfois la simplicité est plus claire et permet une meilleure application de la loi.
    Un peu plus tôt, des policiers se demandaient comment ils allaient pouvoir régir la quantité. Il y a toutes sortes d'embûches qui ne sont pas techniques, mais plutôt philosophiques en ce qui a trait à l'application d'une loi sur le cannabis que nous voulons légaliser. Sur le plan légal, cela ne serait-il pas plus simple?
     Comme je disais plus tôt, c'est une des possibilités qui existe dans le cadre de la loi...
    Au lieu de parler en détail des quantités, le Barreau du Québec ne pourrait-il pas recommander de simplifier les choses? Vous ne faites pas de politique, vous l'avez dit, c'est très bien, mais puisque l'intention est de légaliser le cannabis, n'avez-vous pas de recommandation à faire en ce sens?
     Je vais répondre rapidement à cette question précise. Le nombre de grammes constitue quand même une question politique. Vous parlez de simplifier les choses, mais comme vous l'avez dit, la prévention est extrêmement importante. Selon le Barreau du Québec, une chose est très claire, les jeunes ne devraient pas recevoir de peine plus sévère que les adultes pour un même comportement.
    Nous nous entendons là-dessus. Je suis d'accord avec vous.
    Merci.

[Traduction]

    Nous revenons à M. Davies. Allez-y, monsieur.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Boyd, vous êtes professeur de criminologie. Est-ce exact?
    Oui.
    Un groupe de policiers qui a témoigné devant nous a fait valoir que l'établissement d'une limite de quatre plants pour la culture à domicile entraînerait plusieurs conséquences déviantes — dans le sens sociologique du terme — et criminelles. À leur avis, on détournerait le cannabis vers le marché noir et il y aurait plus d'entrées par effraction dans les maisons. Ils prévoyaient aussi un accès accru des jeunes au cannabis.
    Étant donné l'expérience similaire avec l'alcool au cours de l'histoire, j'aimerais savoir si vous partagez ces inquiétudes. S'agit-il là des conséquences prévisibles d'une transition vers la culture à domicile?

  (1215)  

    Non. Je crois qu'il est important de tenir compte du contexte. S'il n'y a pas de point de vente dans la province, par exemple, alors ces préoccupations pourraient être valides, mais si on vend le cannabis... Je crois que c'est la même chose que les gens qui fabriquent leur vin ou leur bière. La plupart des gens ne veulent pas le faire. Ils préfèrent aller au magasin et acheter le produit. Je crois que la situation sera similaire à cela.
    La culture du cannabis est compliquée, dans une certaine mesure, tout comme la fabrication de la bière ou du vin. Il y a cette crainte, mais je crois que lorsqu'on aura suffisamment de commerces de détail et que lorsque les consommateurs auront un choix de produits, un petit nombre de personnes choisiront d'en faire pousser à la maison. C'est ce que le groupe de travail recommandait. Je crois qu'il y aura certaines limites, comme je l'ai dit tout à l'heure, en raison de la façon dont les gens vivent et de leur lieu de vie, comme les unités multifamiliales et d'autres. Ce serait une préoccupation seulement s'il n'y avait pas le commerce de détail.
    J'aimerais terminer par une question de philosophie pour vous tous.
    Monsieur Boyd, je vais commencer par revenir à la dernière phrase de votre déclaration. Vous dites qu'il faut reconnaître un point plus général, mais important: les raisons qui poussent les gens à consommer le cannabis — la quête de plaisir ou le soulagement de la douleur — ne font pas toujours partie de catégories dichotomiques, mais sont souvent des motivations qui se chevauchent.
    Je crois que vous avez tous dit d'une manière ou d'une autre que vous remettiez en question l'idée de continuer de criminaliser le cannabis. Vous avez dit que le projet de loi C-45 se fondait toujours sur le droit criminel, mais qu'il faudrait qu'il soit réglementaire pour ce qui devrait être un produit légal.
    Monsieur Boyd, je crois que vous avez dit que le cannabis ne devait pas être associé à des sanctions pénales. J'ai entendu dire que les personnes qui consomment du cannabis ne devraient pas être traitées comme des criminels. Vous avez dit que cela contrevenait aux droits de la personne, mais le projet de loi C-45 continue de faire exactement cela. C'est une approche fondée sur les sanctions pénales. Vous ne pouvez pas avoir plus de 30 grammes de cannabis en votre possession, car vous risqueriez de passer jusqu'à cinq ans en prison. Vous ne pouvez pas faire pousser plus de quatre plants de cannabis, car vous risqueriez l'incarcération. Un jeune de 19 ans qui vend du cannabis à un jeune de 17 ans risque 14 années de prison.
    Puisque nous avons légalisé l'alcool — il n'y a aucune sanction pénale associée à la possession ou à la consommation d'alcool —, devrait-on avoir recours à une réelle approche légale en matière de cannabis et à une approche purement réglementaire? Le projet de loi vise-t-il juste à cet égard?
    Je pense que le projet de loi est correct dans une très grande mesure.
    Ce qui me préoccupe, selon ma compréhension des choses, c'est que le projet de loi essaie de légaliser l'usage du cannabis pour les Canadiens ordinaires. Il a aussi comme objectif d'éliminer le crime organisé, qui a gagné du terrain jusqu'à maintenant parce que le cannabis est illégal. Les deux objectifs du projet de loi sont de décriminaliser l'usage du cannabis pour les Canadiens ordinaires et d'empêcher les criminels et le crime organisé de produire et de distribuer de la marijuana.
    Pourquoi devrais-je être un criminel parce que je possède 40 grammes de cannabis? Qu'est-ce qui fait que je suis un criminel, comparé à la personne qui en possède 28 grammes?
    C'est un exemple arbitraire.
    L'intention de la loi est d'éliminer l'influence exercée par le crime organisé. Puisqu'on essaie de faire ces deux choses, il faut un léger compromis. C'est ce qui me préoccupe, car cela a dans une certaine mesure l'effet de criminaliser la simple possession.
    Je vois.
    Monsieur Boyd.
    Je veux que la loi soit adoptée. C'est une bonne loi, qui s'en va dans la bonne direction.
    J'y vois beaucoup de défauts. Il y a une trop grosse part de criminalisation. Pour en revenir à ce qu'on disait précédemment, pourquoi établir des limites? Il n'y en a pas pour l'alcool. Je crois que tout cela va changer avec le temps, mais commençons par cesser de criminaliser les gens à cause de cela. Reconnaissons que les gouvernements doivent y aller lentement afin d'atténuer les craintes de ceux qui s'y opposent ou qui s'inquiètent des effets que la loi pourrait produire.
    J'aimerais que l'article 8 soit éliminé. Je ne comprends vraiment pas la criminalisation de la possession de cannabis illicite. Il sera nécessaire de contrôler le commerce, et j'espère que nous n'aurons pas besoin de faire appel à la police pour cela. J'espère que notre approche pourra se fonder sur des mesures réglementaires civiles.
    Au bout du compte, la réglementation sera très semblable à celle de l'alcool. Je suis absolument convaincu que même en tenant compte des taux d'utilisation, nous constaterons que cette drogue est bien loin d'être aussi dangereuse pour la santé publique que l'alcool ou le tabac.

  (1220)  

    D'accord. Merci.
    C'est une excellente façon de conclure.
    Nous avons entendu d'excellentes questions, et d'excellentes réponses.
    Au nom du Comité, je tiens à vous remercier d'avoir participé à nos travaux et d'avoir exposé votre perspective au Comité. De toute évidence, vous avez tous beaucoup travaillé à ce sujet. Nous vous remercions de vos mémoires et de vos exposés. Vos contributions nous sont très précieuses.
    Merci beaucoup à vous tous.
    Sur ce, je vais interrompre la séance. Nous reprendrons à 13 h 45.

  (1220)  


  (1345)  

    Il est 13 h 45, et nous reprenons la 65e séance du Comité permanent de la santé. Nous étudions le projet de loi C-45.
    Nous souhaitons la bienvenue à nos invités d'aujourd'hui, tant ceux qui sont présents que celui qui participe par vidéoconférence. Nous sommes impatients de vous entendre et nous vous écouterons avec un grand intérêt, car bon nombre d'entre vous sont allés là où nous nous apprêtons à aller et que vous pouvez nous fournir beaucoup d'information.
    Nous allons commencer par l'exposé de 10 minutes de chaque témoin, puis nous allons passer à des séries de questions de 7 minutes, de 5 minutes puis de 3 minutes.
    Je vais d'abord présenter nos participants.
    Nous sommes ravis d'accueillir M. Sam Kamin, professeur des politiques sur la marijuana à l'Université de Denver, qui comparaît à titre personnel; M. Michael Hartman, directeur exécutif du département du revenu du Colorado; M. Marc-Boris St-Maurice, directeur général, et Mme Abigail Samson, coordonnatrice régionale de la National Organization for the Reform of Marijuana Laws; et M. Rick Garza, directeur du Washington State Liquor and Cannabis Board, par vidéoconférence.
    Nous voulons vraiment entendre ce que vous avez à nous dire.
    Nous allons commencer par vous, maître Kamin.
    Donc, veuillez commencer par votre déclaration liminaire de 10 minutes.
    Merci beaucoup.
    Je m'appelle Sam Kamin et je suis le professeur Vicente Sederberg des politiques sur la marijuana à la faculté de droit Sturm de l'Université de Denver. Je possède un doctorat en sciences juridiques et un Ph. D. de l'Université de la Californie à Berkeley, et j'enseigne le droit constitutionnel et le droit pénal depuis plus de 18 ans.
    En 2012, le gouverneur Hickenlooper m'a demandé de participer au groupe de travail qu'il mettait sur pied pour mettre en oeuvre l'amendement 64 légalisant l'usage de la marijuana chez les adultes au Colorado.
    L'année suivante, le lieutenant-gouverneur de la Californie, Gavin Newsom, m'a nommé à un poste semblable au sein d'une commission d'experts qu'il a créée en Californie pour l'examen des meilleures pratiques en matière de réglementation et de légalisation de la marijuana.
    Depuis, je continue de travailler comme conseiller pour l'État et pour les administrations locales concernant la réglementation de la marijuana. J'ai beaucoup écrit sur l'interaction entre les lois des États et les lois fédérales dans ce domaine, et j'ai donné aux étudiants en droit des cours sur la réglementation de la marijuana et la politique publique en cette matière.
    La semaine dernière, j'ai soumis un mémoire au Comité exposant mes impressions sur la façon dont la réglementation sur la marijuana a été prise au Colorado. Comme je l'ai indiqué dans mon mémoire, je crois que le Colorado a essentiellement réussi malgré diverses embûches. En fait, de nombreux opposants à la légalisation dans notre État en sont venus à convenir du succès de la réglementation de la marijuana.
    Étant donné que vous avez divers témoins qui peuvent parler directement des détails de l'expérience de réglementation du Colorado, en particulier à ma droite, j'aimerais utiliser le temps que j'ai aujourd'hui pour parler de ce que le Canada peut espérer apprendre de l'expérience américaine alors qu'il envisage de prendre des mesures réglementaires visant la légalisation et la réglementation de l'usage de la marijuana chez les adultes.
    Dans mon mémoire, j'énonce cinq leçons que nous avons retenues de notre expérience et qui pourraient être utiles au Canada et au Comité, et je serai ravi de répondre à toutes les questions que vous aurez à leur sujet.
    Premièrement, je pense qu'il est important de comprendre les limites de la réglementation de la marijuana. Des mesures réglementaires fermes comme celles de la Californie et de Washington peuvent empêcher le crime organisé de faire la production autorisée de marijuana et peuvent contribuer à assurer que les produits de marijuana sont uniformes, bien étiquetés et exempts de contaminants. Cependant, la réglementation ne peut à elle seule résoudre tous les problèmes liés à l'interdiction de la marijuana. En fait, je pense que la réglementation des entreprises titulaires d'un permis est peut-être la tâche la plus facile, dans la légalisation de la marijuana, et je vais vous illustrer cela par un exemple.
    Le détournement de marijuana du Colorado, où elle est légale, vers d'autres États où elle ne l'est pas est rarement attribuable aux méfaits d'entreprises soumises aux lois du Colorado. En fait, je pense qu'il y a deux grands facteurs qui contribuent au détournement de la marijuana vers l'extérieur du Colorado, soit, pour commencer, les criminels qui profitent de la prévalence de la production de marijuana au Colorado afin de la produire à cet endroit en vue de l'exporter ailleurs.
    Cela est interdit par la loi de l'État et la loi fédérale, et seuls les organismes d'application de la loi peuvent intervenir, plutôt que les organismes de réglementation. Le Colorado continue de travailler de concert avec ses partenaires du système fédéral afin de mettre au jour la production illégale de marijuana et d'arrêter les personnes qui en sont responsables.
    Le deuxième grand facteur, c'est que les gens achètent de la marijuana légalement au Colorado, pour aller la vendre illégalement ailleurs. Encore là, ce que le système réglementaire peut faire pour empêcher cela est limité. Il est possible d'éduquer les consommateurs sur les lois applicables, mais s'ils choisissent d'ignorer la loi, cela relève des organismes d'application de la loi plutôt que des organismes de réglementation.
    La deuxième grande leçon apprise de l'expérience de réglementation de la marijuana par le gouvernement américain et le Colorado, c'est qu'il est essentiel d'établir des mesures pertinentes d'évaluation du régime de réglementation de la marijuana et de commencer à les mettre en application dès que possible, dans tous les cas avant la mise en oeuvre des mesures réglementaires.
    Le seul moyen de savoir si la légalisation permet de réaliser les objectifs est de fixer des objectifs clairs à l'avance et d'établir les mesures de succès pertinentes. Par exemple, le projet de loi C-45 a comme principal objectif de réduire l'usage du cannabis chez les jeunes — bien qu'on puisse se demander si passer de l'interdiction à la réglementation représente la meilleure façon d'en réduire l'usage.
    Il faut aussi étudier les autres torts associés à la consommation de cannabis, notamment l'usage du cannabis par les groupes vulnérables, l'usage intensif ou problématique chez les adultes, et la consommation qui peut représenter un danger pour autrui, comme la conduite avec les facultés affaiblies.

  (1350)  

    Dans ce contexte, il est aussi important de ne pas examiner la question du cannabis en vase clos. Personne ne veut voir une augmentation de la consommation de cannabis parmi les groupes vulnérables, mais il est important de déterminer si le cannabis s'ajoute à la consommation d'autres substances comme l'alcool, le tabac ou des drogues dures, ou la remplace. Si les adolescents choisissent la marijuana plutôt que l'alcool, par exemple, c'est certainement moins grave que s'ils ajoutent la marijuana à la combinaison de substances qu'ils consomment déjà.
    De plus, il est important de comprendre que les changements apportés aux pratiques d'application de la loi peuvent influer sur les mesures du comportement en perturbant l'analyse des données. Par exemple — et nous avons vécu cela au Colorado —, si nous formons comme il se doit les patrouilleurs à reconnaître les signes d'une intoxication à la marijuana, nous pouvons nous attendre à un nombre accru d'arrestations pour conduite avec les facultés affaiblies par la marijuana, que cela se produise davantage ou pas. Tout simplement, former plus d'agents à le faire mène à un plus grand nombre d'arrestations, ce qui peut donner à croire que les cas de conduite avec les facultés affaiblies augmentent alors que ce n'est pas le cas.
    Le troisième principe à retenir d'après moi est le suivant. En légalisant le cannabis à l'échelon fédéral, le Canada donnera aux provinces l'occasion d'adopter des modèles de réglementation qui ne sont pas possibles en ce moment aux États-Unis. Tant que le cannabis sera interdit par les lois fédérales, dans notre pays, les États seront nécessairement limités quant aux types de régimes de réglementation pouvant être mis en oeuvre.
    Par exemple, l'interdiction qui demeure à l'échelon fédéral rend impossible la livraison de cannabis par la poste fédérale, contrairement à ce que le Canada peut faire. De même, il est impossible pour les États américains de concevoir un modèle de distribution géré par l'État et correspondant à celui qui permet de vendre de l'alcool au Canada et dans certains États américains, alors que l'Ontario semble envisager cela pour la distribution du cannabis.
    Le contrôle de la distribution par l'État comporte de nombreux avantages éventuels. Le gouvernement peut contrôler les prix, reconnaître facilement les fournisseurs autorisés, percevoir tous les revenus plutôt que de simplement taxer le produit, et contrôler la façon dont on fait la promotion du produit auprès des consommateurs. Cependant, étant donné qu'avec un tel modèle, les employés de l'État violeraient directement les lois fédérales, il y aurait dès lors un conflit direct entre les lois de l'État et les lois fédérales, aux États-Unis. Aucun État américain n'a donc essayé de le faire.
    Les provinces seront libres de déterminer s'il faut réglementer la distribution du cannabis sur leur territoire, ainsi que la façon de le faire, ce qui leur offre de formidables possibilités. Si les diverses provinces adoptent divers modèles de réglementation, nous pourrions en venir à bien mieux comprendre les façons dont les divers modèles de réglementation influent sur les comportements des consommateurs. Nous n'avons pas été en mesure de mesurer cela aux États-Unis. La plupart de nos régimes de réglementation sont assez semblables. S'il y avait une variété de modèles de distribution au Canada, avec les modèles et les mesures dont j'ai parlé tout à l'heure, nous pourrions en apprendre beaucoup sur les régimes de réglementation qui sont efficaces et sur ceux qui ne le sont pas.
    Le quatrième principe, c'est qu'il est important de ne pas trop faire valoir les avantages financiers de la légalisation du cannabis. Il est tentant de voir la légalisation du cannabis comme étant financièrement avantageuse sur deux plans. On consacre moins d'argent à l'application de la loi tout en tirant plus de revenus de l'imposition d'une substance qui était auparavant vendue sur le marché noir. Je crois qu'il faut être prudent sur ce plan, pour deux raisons.
    Premièrement, comme je l'ai décrit précédemment, réglementer la production et la vente de cannabis ne signifie pas qu'on cesse d'appliquer la loi. Il faudra prendre des mesures pour éradiquer la production et la vente illégales et pour canaliser la production vers le marché autorisé. De plus, il ne faut pas négliger les coûts liés à l'établissement et au fonctionnement d'un solide régime de réglementation du cannabis.
    Deuxièmement, il faut être prudent concernant les incidences financières du cannabis, car les législateurs ne doivent pas s'attendre à ce que la taxe sur le cannabis donne des recettes marquantes, surtout au début. L'observation de la réglementation par les producteurs s'accompagnera de coûts élevés, et pour que le cannabis réglementé soit concurrentiel par rapport au cannabis du marché noir, il faudra initialement que les taux d'imposition demeurent bas. Je crois qu'il y a de bonnes raisons de renoncer à l'interdiction du cannabis, mais gonfler les coffres de l'État n'en fait pas partie.
    La cinquième et dernière leçon apprise, c'est qu'il est important de comprendre que la décision de légaliser et de réglementer le cannabis plutôt que de l'interdire ne représente que le premier pas. La réglementation du cannabis est un processus itératif plutôt qu'unique. L'une des leçons essentielles que le Colorado et d'autres États ont apprises, au cours des cinq dernières années, c'est que les comportements des consommateurs changent rapidement en réaction à la réglementation et aux forces du marché. La légalisation s'accompagnera de conséquences non voulues, et les organismes de réglementation devront faire preuve de souplesse et d'agilité pour être en mesure de suivre. Il faudra de la patience pour cerner et résoudre les lacunes de la réglementation.
    Je crois qu'avec l'expérience du Colorado et d'autres États américains, on peut dire que le jeu en vaut la chandelle, mais que le processus ne se fait pas sans complications ni frustrations.

  (1355)  

    Je vous remercie du temps que vous m'accordez aujourd'hui, ainsi que de l'invitation à comparaître devant le Comité. Je suis impatient de répondre à vos questions.
    Je vous remercie de votre contribution.
    Nous passons maintenant à M. Hartman, du département du Revenu du Colorado.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie beaucoup de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui. Il est vraiment malheureux que je doive parler après Me Kamin, car je vais essentiellement répéter ses propos. Il est à espérer que vous verrez cela comme une preuve suffisante de notre accord quant aux diverses tendances qu'il a exposées.
    Je vais commencer par vous parler un peu de mon cheminement, qui est, je pense, un peu inhabituel. Après mon exposé, si vous avez des questions, je serai ravi d'y répondre. Je possède un diplôme de premier cycle en comptabilité de l'Université du Colorado, à Boulder, et une maîtrise en administration des affaires de l'Université de Chicago, qui se trouve en Illinois. Je suis un homme d'affaires. Je ne suis pas un avocat ni un législateur. Cependant, j'ai une perspective unique, puisque du point de vue du gouverneur, j'ai une approche équilibrée qui met l'accent à la fois sur la santé publique et la sécurité publique, et que j'envisage ce qu'il faut en réalité au marché des affaires, avec la croissance continue de cette industrie et la légitimité qu'elle acquiert dans notre État.
    Je joue ce rôle depuis un total de cinq semaines. Donc, si je me trompe sur des détails ou si je ne réponds pas bien à une question, je vous prie de me pardonner, et je suis sûr que Me Kamin me l'indiquera. Cela étant dit, je précise que j'apprends très vite, sans quoi je n'aurais pas accepté votre invitation à venir témoigner aujourd'hui.
    En ce qui concerne mon travail au département du revenu, je suis responsable de quatre entreprises de l'État: la loterie du Colorado, la division de l'imposition, la division des véhicules à moteur et la division de contrôle. Cette dernière division comporte cinq domaines d'application précis: l'alcool et le tabac, les jeux, les courses de chevaux, les concessionnaires automobiles et le cannabis. Pour l'ensemble du département, les quatre entreprises représentent environ 12 milliards de dollars en revenus de l'État, ce qui correspond à environ 50 % des revenus annuels de l'État. La division de contrôle du cannabis visant la marijuana représente quant à elle 200 millions de dollars, sur les 12 milliards. Comme Me Kamin l'a souligné, c'est une industrie importante de l'État, et mes collègues et moi y consacrons une bonne partie de notre temps, mais en réalité, les avantages économiques découlant de cette industrie sont relativement minimes.
    Je vais vous parler des observations faites par notre gouverneur au moment de l'adoption de l'amendement initial. Le cannabis à des fins médicinales a été approuvé au moyen de l'amendement 20, et il a fallu que nos citoyens votent pour que cet amendement de la constitution de l'État soit permis. À ce moment-là, notre gouverneur s'opposait franchement au processus de légalisation. Quoi qu'il en soit, la vente au détail de cannabis a été approuvée en 2012 et mise en oeuvre en 2014. Cela allait à l'encontre des voeux de notre gouverneur. Deux ans plus tard, il tenait des propos un peu plus neutres. Au moment de la légalisation, il aurait dit que les revenus additionnels en impôt ne valaient pas la difficulté de mettre en place les mesures réglementaires nécessaires. Récemment, il a affirmé croire que l'expérience fonctionnait, en fait. Les recettes fiscales sont certainement une bonne chose. Nous ne savons pas si cela vaut le travail qu'il a fallu accomplir. Les citoyens du Colorado ont parlé, et il nous incombait de faire respecter la loi qu'ils ont incluse dans notre constitution.
    Le marché au Colorado comporte trois segments. Nous avons ce que nous estimons être le marché noir et gris — le segment criminel —, le segment des particuliers, qui comprend les dispensateurs de soins et ceux qui cultivent leurs propres plants à domicile, et le secteur commercial homologué et réglementé. C'est ce dernier segment qui relève de la division de contrôle du cannabis — mon domaine d'expertise. Je ne peux parler des deux autres que sur une base anecdotique, mais je n'en ai pas l'expertise. Je vais cependant revenir sur les observations de Me Kamin voulant que le déroutement semble dans une grande mesure venir du secteur qui n'est pas soumis à la réglementation, soit le marché noir ou gris, ou le segment des particuliers, dont certains fournissent le marché noir et gris. J'espère bien pouvoir répondre à quelques questions sur la limite du nombre de plants sur le marché de la culture à domicile, et je vous dirai qu'il est judicieux de le faire, si vous envisagez la légalisation.
    Pour vous donner une idée de la taille du marché, je suis l'autorité chargée de la délivrance des licences pour l'État du Colorado, ce qui signifie que toute entreprise ou tout employé souhaitant se lancer dans cette industrie doit passer par mon département, la division de contrôle du cannabis. Ils doivent se soumettre à une vérification des antécédents réalisée par le FBI, ce qui comprend la vérification des antécédents judiciaires, et ils doivent se soumettre à un processus de vérification de la solvabilité permettant de déterminer que leurs finances sont conformes et qu'aucune entreprise criminelle ne les soutient.

  (1400)  

    Le total au 1er septembre 2017 est d'environ 2 900 licences réparties assez également, avec 1 500 licences médicales et 1 388 licences pour la vente au détail. La différence entre les deux est importante, comme vous le savez certainement.
    J'ai énuméré les intervenants que nous avons cernés au cours des diverses itérations de notre processus de légalisation et dans le cadre de notre processus de réglementation qui se poursuit. Nous croyons très fermement qu'il faut encourager un processus axé sur la collaboration. C'est aussi vrai au sein de notre État qu'à l'extérieur, parce que nous travaillons avec les trois autres États qui ont légalisé le cannabis depuis que nous avons entrepris cela, ainsi qu'avec le département de la Justice à l'échelon fédéral, et les autres entités touchées par la légalisation du cannabis à des fins récréatives dans les États en question.
    De plus — et c'est franchement ce qui importe le plus d'après moi —, nous travaillons en très étroite collaboration avec le public, qu'il s'agisse des exploitants — des entreprises qui s'adonnent à ce commerce —, des consommateurs qui achètent le produit et, surtout, des professionnels de la santé.
    Pour nous, selon notre façon de voir ce marché, ce qui passe avant toute chose, c'est la santé et la sécurité du public. Il faut absolument que cela soit déterminant. Premièrement, c'est la bonne chose à faire. Deuxièmement, il y a une sensibilisation accrue à cela parce que ce n'est pas légalisé à l'échelle fédérale. Troisièmement, nous estimons important de veiller à ce que nos citoyens soient en santé et qu'ils respectent les lois de sorte que nous ne leur permettions pas d'avoir des ennuis qu'ils ne pourraient avoir autrement.
    Les principaux intervenants avec lesquels nous travaillons régulièrement sont les législateurs de l'État. Je tiens à souligner qu'à titre d'administrateur au sein du gouvernement, je n'estime pas avoir la responsabilité de faire les lois. C'est l'assemblée législative du Colorado qui les adopte, dans une grande mesure comme vous le faites ici. Il m'incombe de prendre les lois qu'elle adopte, de les interpréter et de les mettre en oeuvre sans parti pris dans toute la mesure dont nous sommes capables pour veiller à ce que nous réalisions la volonté des citoyens et de l'assemblée législative du Colorado.
    Le groupe suivant que je signalerais est celui des gens de la santé publique et de la sécurité publique. Le troisième groupe est celui des médecins. Le quatrième est celui des intervenants des domaines juridique et judiciaire. Le cinquième est celui de l'industrie du cannabis, et le sixième, celui des consommateurs.
    L'enjeu, pour mon bureau et pour la division de contrôle du cannabis, est de trouver un juste équilibre entre, d'un côté, la sécurité et la santé du public, et de l'autre, la qualité marchande et la capacité des entreprises de l'industrie de fonctionner sans porter le poids d'une réglementation excessive, tout en ayant la réglementation gouvernementale nécessaire à la protection de la santé et de la sécurité du public. Nous chercherons toujours à maintenir cet équilibre naturel, et il y aura toujours cette tension naturelle.
    Notre processus d'établissement des règles est très axé sur la collaboration. Dans notre travail d'interprétation des lois adoptées par l'assemblée législative, nous encourageons fortement tous les intervenants que j'ai mentionnés précédemment à participer à la conversation et à nous faire part de leurs points de vue, afin que nous puissions très bien comprendre les éléments essentiels à examiner quand nous mettons la réglementation en oeuvre.
    Encore une fois, notre principal souci, qui passe avant toute chose, c'est la santé et la sécurité du public. Nous avons trois lignes directrices, quand il s'agit de la réglementation à mettre en oeuvre. La première est d'empêcher les mineurs d'avoir accès au cannabis. La deuxième est de tenir les criminels à l'écart. La troisième est d'empêcher le cannabis de se rendre dans les autres États.
    Étant donné que vous envisagez la légalisation à l'échelle fédérale, je ne pense pas qu'empêcher le cannabis de se rendre ailleurs est un élément important de cette conversation, mais empêcher les mineurs d'y avoir accès et tenir les criminels à l'écart sont des éléments vraiment importants. Je serai ravi de répondre à toutes les questions que vous aurez à ce sujet, surtout pour ce qui est de protéger les mineurs et de les empêcher d'avoir accès au cannabis.
    Nous trouvons important d'avoir un service chargé des communications publiques qui fait activement part de nos préoccupations au marché du cannabis. Sur ce plan, nous avons deux grands messages, soit, premièrement, ce qu'il est bon de savoir et, deuxièmement, ce qui viendra ensuite. La raison pour laquelle nous nous concentrons sur ces deux choses est qu'il est important que nos mineurs comprennent les préoccupations et les problèmes de santé potentiels qui sont liés à l'usage de ce produit à un jeune âge. Ce que nous avons constaté, grâce à des études de marché visant ce qui reste à venir, c'est que ce qui empêche les mineurs d'utiliser ce produit illégalement ou de manière inappropriée est l'accent qu'ils mettent sur leurs buts pour le reste de leur vie. Nous croyons que si nous arrivons à communiquer ces messages de façon efficace et succincte à nos jeunes, cela a beaucoup d'effet sur leur choix d'en consommer ou pas. Nous croyons que les données viennent confirmer que la consommation actuelle et historique que font la population en général et les jeunes du Colorado est inférieure à la moyenne aux États-Unis et que la tendance est à la baisse depuis quelques années. Nous croyons que cela témoigne d'un environnement réglementaire solide et bien pensé.
    Sur ce, je vais vous laisser le reste du temps.

  (1405)  

    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à l'Organisation nationale pour la réforme des lois sur la marijuana au Canada.
    C'est à vous, monsieur St-Maurice.
    Si le Comité le veut bien, est-ce que ma collègue peut présenter son exposé avant moi?
    Certainement.
    Merci.
    Vous pouvez y aller.
    Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité.
    Je m'appelle Abigail Sampson, et je suis la coordonnatrice régionale pour l'Ontario de NORML Canada — l'Organisation nationale pour la réforme des lois sur la marijuana au Canada.
    Depuis sa fondation en 1970, NORML a pour mission d'influencer suffisamment l'opinion du public pour qu'on en vienne à légaliser la consommation raisonnable de cannabis par des adultes, ainsi que de revendiquer pour les consommateurs l'accès à du cannabis de qualité, sûr, pratique et abordable. NORML compte en ce moment, à l'échelle mondiale, plus de 150 chapitres qui travaillent très fort à la réforme des lois sur le cannabis dans leurs collectivités.
    NORML Canada félicite le gouvernement pour l'engagement qu'il a pris de légaliser le cannabis à l'échelle fédérale et de faire du Canada le premier pays du G20 à réglementer la production et la vente de cannabis pour tous les adultes. Un peu partout dans le monde, d'autres États ont déjà, pour le cannabis, une culture florissante, et nous pouvons tirer des leçons de leurs politiques, de leurs expériences et de leurs succès.
    Voici les cinq éléments que nous souhaitons présenter au Comité.
    Le premier est qu'il faut cesser les arrestations d'ici à ce que le cannabis soit légalisé. NORML Canada affirme que le gouvernement doit immédiatement mettre fin aux arrestations pour possession simple et autres infractions liées au cannabis d'ici à la légalisation, en juillet 2018. Si des accusations sont portées contre quelqu'un, le gouvernement doit cesser de chercher à obtenir des peines d'emprisonnement et doit plutôt se concentrer maintenant sur des solutions de rechange constructives. Les Canadiens ne doivent pas continuer d'avoir un dossier criminel pour une substance qui sera légale dans moins d'un an. Le Canada épargnera ainsi d'importantes ressources liées au maintien de l'ordre et à la poursuite de ces infractions simples à l'encontre de Canadiens qui sont par ailleurs respectueux des lois.
    Le deuxième vise les sanctions pénales pour les cas de non-conformité à la Loi sur le cannabis. NORML félicite le gouvernement d'avoir créé un régime de contravention pour les transgressions mineures. Cependant, les peines maximales s'appliquant aux contraventions graves devraient être semblables à celles qui sont prévues dans la Loi sur le tabac au Canada. Nous croyons que l'incarcération devrait être réservée uniquement aux violations les plus graves, et que les peines ne devraient pas être supérieures à celles qui sont imposées pour le tabac et l'alcool. De plus, les mesures législatives sur le cannabis ciblent de manière disproportionnée nos populations et nos communautés les plus vulnérables, représentent un fardeau pour notre système de justice pénale et se sont révélées plus dommageables que le cannabis lui-même.
    Quant aux exemples venant d'autres États, il existe des peines plus sévères pour ceux qui ont commis des infractions plus graves aux lois sur le cannabis, mais en Californie, la personne de plus de 18 ans qui vend ou livre du cannabis à des personnes qui ont entre 14 et 17 ans s'expose à une accusation d'acte délictueux grave s'accompagnant d'une peine d'emprisonnement de 3 à 7 ans. Par comparaison, la distribution de l'équivalent de plus de 30 grammes de cannabis séché, en vertu de la Loi sur le cannabis qui est proposée, est considérée comme une infraction punissable par mise en accusation s'accompagnant d'une peine maximale de 14 ans de prison, ce qui est nettement plus sévère, en plus d'être disproportionné par rapport aux torts causés par l'usage du cannabis. Notre Commission Le Dain, qui remonte à 1972 — il y a 45 ans —, recommandait que le gouvernement fédéral convertisse en infraction mixte le trafic de cannabis, prévoyant une peine maximale de 6 mois sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire ou de 5 ans sur déclaration de culpabilité par mise en accusation.
    Le troisième vise des exigences accessibles pour la participation au marché légal du cannabis, y compris la culture en coopérative. NORML Canada croit en un contexte juridique diversifié permettant aux jardins communautaires, aux coopératives et aux producteurs désignés de participer au marché et de faire concurrence aux grandes sociétés. Il est essentiel que les exigences relatives à la participation à l'industrie du Canada soient accessibles pour que la stratégie de légalisation fonctionne, et il faut que ces exigences favorisent l'intégration de divers intervenants dans le marché nouvellement légal du cannabis, y compris l'expertise du marché gris ou du marché illégal.
    Si l'on regarde les exemples d'ailleurs, la Californie est un État où la transition des pratiques existantes au contexte réglementé se fait de manière inclusive. Pendant près de 19 ans, des jardins communautaires et des coopératives ont produit du cannabis hors des cadres d'un système de réglementation. Le libellé actuel de la Medical Cannabis Regulation and Safety Act — la MCRSA — permet à ces établissements de poursuivre leurs activités jusqu'à janvier 2018, à condition que les entreprises soient conformes au zonage, aux exigences locales et aux exigences de l'État. Cela leur donne le temps de faire une demande de licence en bonne et due forme. Plutôt que de fermer ces commerces, on donne aux bons joueurs la possibilité de poursuivre leur commerce, de servir leur clientèle et de faire le nécessaire pour entrer dans le cadre légal.

  (1410)  

    Le quatrième est le pardon des infractions antérieures liées au cannabis. NORML Canada va continuer de réclamer un régime du cannabis légal qui permet le pardon des condamnations antérieures liées au cannabis et qui couvre non seulement le préjudice causé par les condamnations, mais aussi les cas d'arrêts de procédures, de retraits et d'acquittements, ainsi que les dossiers et les bases de données de la police, même en l'absence d'un verdict de culpabilité. De plus, un dossier lié au cannabis ne devrait pas empêcher un Canadien de participer au nouveau marché du cannabis légal, que ce soit en production ou en distribution.
    Je vous donne des exemples d'ailleurs. Cherchant à réparer les torts causés à des résidents d'Oakland ayant été incarcérés pour des infractions liées à la possession de cannabis au cours des 10 dernières années, le conseil municipal a approuvé un programme visant à aider les criminels condamnés d'infractions liées à la drogue à faire leur entrée dans l'industrie du cannabis légal. L'Equity Permit Program — le premier programme du genre au pays — permettra aux personnes incarcérées récemment d'obtenir des permis liés au cannabis médicinal. En mettant ce programme en oeuvre, Oakland s'assure ainsi que les personnes qui font leur entrée dans l'industrie du cannabis légal possèdent l'expérience et l'expertise qu'il faut pour exploiter et faire croître une entreprise de cannabis prospère. De plus, Oakland reconnaît les torts causés par la lutte antidrogue en permettant à ceux qui ont été incarcérés d'y participer.
    Le cinquième élément est la conduite avec les facultés affaiblies. NORML Canada ne favorise pas la conduite de véhicules à moteur ou l'opération de machinerie complexe sous l'effet du cannabis, mais estime que le gouvernement devrait continuer de se pencher sur la création d'un système juste qui cible les conducteurs dont les facultés sont affaiblies et qui évite d'arrêter et d'accuser des Canadiens innocents pour la simple présence de cannabinoïdes dans leur système, selon une limite légale. La limite légale correspond à une concentration précise d'une substance, par exemple le THC ou l'alcool dans le sang, qui entraîne une accusation criminelle en cas de dépassement de la limite. Cependant, les limites légales ne tiennent pas compte de l'affaiblissement des capacités et peut mener à des accusations criminelles pour toute personne qui dépasse la limite, même en l'absence de signes à cet effet. Il faut accorder une attention spéciale aux utilisateurs de cannabis à des fins médicales qui en font peut-être un usage quotidien, ou presque quotidien, pour gérer leurs symptômes. Il faut aussi veiller à ce qu'ils ne soient pas injustement ciblés ou criminalisés à cause d'un niveau arbitraire mesuré en nanogrammes. Nombreux sont ceux qui dépasseront cette limite, sans que cela réduise de quelque façon que ce soit leur capacité de conduire en raison de leur tolérance élevée.
    Je passe aux exemples d'autres endroits. Pour protéger les patients, le Royaume-Uni a adopté des mesures législatives qui permettent une défense de nature médicale pour les personnes qui consomment des drogues, dont le cannabis, pour des raisons médicales sans pour autant avoir les facultés affaiblies. Selon la défense de nature médicale, les conducteurs ne sont pas coupables des infractions en soi si leurs facultés ne sont pas affaiblies et s'ils répondent aux conditions suivantes: le médicament a été prescrit, fourni ou vendu pour traiter un problème médical ou dentaire, et il a été pris conformément aux directives données par le prescripteur ou à l'information fournie avec le médicament. Une défense de nature médicale accompagnant une limite légale garantit qu'il faut établir la preuve de la conduite avec facultés affaiblies, outre la simple présence de THC, pour que les patients ne soient pas injustement criminalisés pour avoir simplement dépassé la limite légale. Les limites légales sont arbitraires et, surtout, si elles ne sont pas réfutables, elles iront à l'encontre de l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés.
    En conclusion, si le Canada étudie les expériences de réglementation du cannabis d'autres États, il pourra tirer des leçons des mesures qu'ils ont prises, adopter des politiques qui fonctionnent et éviter de commettre des erreurs menant à de mauvaises politiques.
    Merci.

  (1415)  

    Merci beaucoup.
    Transportons-nous à Olympia, dans l'État de Washington, au Liquor and Cannabis Board de cet État. Monsieur Rick Garza, soyez le bienvenu. Vous disposez de 10 minutes pour votre déclaration préliminaire.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, bonjour.
    Je me nomme Rick Garza, directeur du Liquor and Cannabis Board de l'État de Washington. Je vous ai communiqué un diaporama que je vous présenterai et dont vous avez, je pense, une version imprimée. Je ne dispose que de 10 minutes. Comment, en si peu de temps, résumer les cinq années d'existence de la loi, dont ce sera l'anniversaire en novembre. Je ferai de mon mieux.
    En ce qui concerne le premier objectif de notre organisme, il est vraiment intéressant de constater que les auteurs de l'initiative 502 se sont inspirés fidèlement de notre loi sur les alcools, adoptée en 1934, après la Prohibition.
    La deuxième diapo expose notre objectif, créer un marché étroitement contrôlé et réglementé pour le cannabis, tout comme celui que nous régissons pour l'alcool. Nous avons ainsi créé un système de réglementation du cannabis à trois niveaux, contrairement aux autres États.
    Sachez que peu importe l'origine des lois, référendum, assemblée législative, modification de la Constitution, celles qu'ont adoptées le Colorado, l'État de Washington, l'Oregon et l'Alaska présentent des différences.
    L'une d'elles, inspirée par l'ancienne loi sur les alcools, était de ne pas autoriser l'intégration à trois niveaux. Autrement dit, le producteur ou le transformateur de cannabis dans l'État de Washington ne peut pas détenir d'intérêts financiers directs ou indirects dans l'entreprise d'un détaillant, et, manifestement, la réciproque est vraie. Cette exigence remonte à la loi originelle sur les alcools, alors qu'on déplorait que tous les bars, avant la Prohibition, étaient contrôlés par les grands brasseurs et distillateurs du pays et de l'État.
    Pour la rédaction du projet de loi sur le cannabis, on s'est inspiré du système créé en 1934. On a créé des permis pour les producteurs, les transformateurs et les détaillants. La commission applique aussi les lois et les règlements touchant ces détenteurs et, comme pour l'alcool, nous prélevons et répartissons les taxes et les droits.
    Au début, nous avons notamment dû attendre neuf mois pour savoir si le gouvernement fédéral nous autoriserait, nous, le Colorado et l'État de Washington, à tenter cette expérience. En août 2013, les deux États ont adhéré en commun au protocole Cole, essentiellement l'énoncé de huit directives que, désormais, ils devaient appliquer.
    Je pense que le directeur Michael Hartman, du Colorado, a parlé des thèmes vraiment les plus importants de ces directives. Comment empêcher la distribution de la substance aux mineurs et sa consommation par eux? Comment tenir les entreprises criminelles à l'écart du groupe des détenteurs de permis et de nos fondements juridiques et comment réagir au problème de détournement vers d'autres États ou de l'entrée de produits illégaux dans le système des produits légaux? Voici, très rapidement, comment nous nous y sommes pris.
    Essentiellement, en novembre 2012, les adultes de plus de 21 ans étaient assujettis à des limites de possession, tout comme pour l'alcool: 1 once de marijuana prêt à consommer, 16 onces sous forme solide et 72 onces sous forme liquide. Comme je l'ai dit, la loi avait créé un système à trois niveaux, producteur, transformateur et détaillant.
    Elle frappait le cannabis d'une taxe d'accise de 37 %. Jusqu'à maintenant, notre État a frappé l'alcool des taxes parmi les plus élevées du pays; les cigarettes, des taxes les plus élevées; le cannabis, d'une taxe d'accise assez élevée.
    J'ai notamment oublié de préciser que le régime réglementaire auquel l'État de Washington assujettit les alcools, depuis la Prohibition, s'inspire du modèle canadien, plus précisément de celui de la Colombie-Britannique.
    Vous verrez dans la nouvelle loi sur le cannabis des coïncidences intéressantes que voici entre les deux lois. La loi sur le cannabis a aussi établi à cinq nanogrammes un seuil de THC sanguin pour la conduite avec les capacités affaiblies; elle a limité le nombre d'emplacements pour les points de vente, la publicité, le nombre de points de vente, encore une fois comme dans les lois et règlements originels puis elle a réservé la répartition des recettes entre les soins de santé, la recherche et l'éducation.
    Le premier élément du protocole Cole concernait la façon de tenir à l'écart les éléments criminels de l'obtention de permis pour cette industrie. Comme le Colorado, nous enquêtons sur les antécédents criminels de tous les demandeurs. Leurs empreintes digitales sont donc communiquées à la police de l'État de Washington, puis confiées au FBI, pour qu'il examine leurs antécédents criminels, pas seulement dans notre État, mais, aussi, dans tous les États-Unis.

  (1420)  

    Nous soumettons aussi les financiers ou les investisseurs aux mêmes processus. L'enquête sur les antécédents criminels est même poussée plus loin que pour l'alcool. Le financier ou l'investisseur potentiel doit également se soumettre à une vérification de ses antécédents criminels, y compris la prise des empreintes digitales. De toute évidence, le demandeur est soumis à une enquête sur ses antécédents financiers, tout comme nous le ferions pour le demandeur d'un permis de débit d'alcool. Nous voulons connaître l'origine de l'argent qui servira à créer l'entreprise, les moyens financiers du demandeur, qui doit satisfaire à l'exigence de résidence dans l'État depuis au moins six mois. Au début, on exigeait trois mois.
    On exige aussi que ces entités — producteurs, transformateurs ou détaillants de cannabis — ne puissent être éloignés de moins de 1 000 pieds d'une école, d'une garderie, d'un centre de transit, d'une salle de jeux électroniques, d'une bibliothèque, d'un terrain de jeu, d'un parc public, tous des endroits où, manifestement, se trouveraient des enfants.
    Pour prévenir le problème du détournement, un système logiciel robuste et exhaustif retrace pour nous le produit depuis le début du cycle, le semis, jusqu'à sa vente en en captant tous les déplacements depuis le producteur jusqu'aux détaillants en passant par le transformateur.
    Comment limitons-nous l'accès? Tout comme dans l'État de Washington, pour l'alcool, par des vérifications du respect de la loi régissant la vente du produit aux jeunes. Nous en faisons trois par année et par détaillant. Le taux de respect, aujourd'hui, est de 93 %. En fait, pour les deux derniers mois, je crois qu'il était de 98 %, mieux même que pour la vente d'alcool dans l'État.
    Nous avons limité le nombre d'établissements de production et de vente au détail. La possibilité de détournement et les craintes du gouvernement fédéral nous ont amenés à établir ce que la demande était à l'égard des personnes de plus de 21 ans dans l'État de Washington, et nous avons limité notre production à cette population, et le nombre de points de vente au détail à environ 500 à l'échelle de l'État, en nous inspirant encore une fois du vieux modèle de vente des alcools par lequel, jusqu'en 2011, notre État a distribué et vendu au détail les spiritueux, comme vous pouvez vous le rappeler. Nous nous sommes inspirés de ce même modèle pour déterminer le nombre de points de vente dans l'État. J'ai effleuré les limites de possession, tout à l'heure, et, manifestement, comme pour l'alcool, il existe une limite d'âge.
    Encore une fois, une autre différence entre nous et les autres États est que nous n'autoriserons pas la culture à domicile du produit destiné à une consommation récréative ou personnelle, et des lois ont été adoptées après cette initiative pour autoriser cette culture. De fait, on nous a chargés d'examiner des solutions et de formuler des recommandations, ce que nous sommes en train de faire, à un comité législatif sur l'éventuelle autorisation de la culture à domicile. Elle serait autorisée pour la consommation à des fins médicales, mais pas pour celle à des fins personnelles.
    Voyons maintenant les ventes. Elles se sont chiffrées à 250 millions des dollars à notre premier exercice, à près de 900 millions au deuxième et à 1,3 milliard en juillet dernier. Les ventes journalières moyennes s'élèvent à environ 4 millions. Voyez les recettes de la taxe d'accise et les prévisions de recettes initiales et celles qui se sont concrétisées. C'est intéressant. Il a fallu rédiger une note financière sur l'initiative pour déterminer les prélèvements de taxe d'accise ou les recettes éventuelles de l'État. L'estimation était de zéro à deux milliards de dollars en cinq ans, parce que, bien sûr, personne ne connaissait d'avance la croissance de l'industrie. D'après ces chiffres, les recettes des cinq premières années s'élèveront peut-être à 1,3 milliard de dollars.
    L'intérêt de l'initiative est que, aussi, les recettes sont destinées aux services sociaux, y compris les soins de santé. En fait, la moitié de l'argent finance le programme d'assurance-maladie de l'État et le programme fédéral homologue, puis, évidemment, il y a le fonds général qui est l'affectation de l'État. Il prélève un pourcentage assez élevé, mais vous pouvez constater qu'on s'est efforcé de financer la prévention et la diminution des toxicomanies. Le ministère de la Santé a mis sur pied des programmes de santé publique pour discuter avec les parents et les jeunes du cannabis, et nos universités reçoivent elles aussi du financement.
    Le document présente des exemples de financement. La prévention et le traitement des toxicomanies sont assurés pour toutes les drogues, puis le ministère de la Santé reçoit des recettes assez importantes pour créer une campagne de sensibilisation exemplaire par les médias sociaux, semblable à celle qui a été réalisée contre le tabagisme, il y a quelques années.

  (1425)  

    La sécurité du consommateur a été un élément inattendu. Voyez, sur la diapo, des exemples de friandises (oursons de gélatine, sucettes et barbe à papa) qui étaient distribuées sur le marché noir et le marché gris des produits médicaux dans l'État de Washington. La commission a rédigé un règlement. Les produits comestibles ou infusés peuvent être particulièrement attrayants pour les enfants, comme tout ce qui ressemble à des friandises. Le croira qui voudra, mais ça se trouvait sur les marchés noir et gris de produits médicaux. La commission a créé un comité de quatre personnes qui examine tous les conditionnements, tout l'étiquetage et tous les produits. Beaucoup de produits ont été refusés. Encore une fois, tout ce qui pourrait attirer les enfants n'est pas autorisé.
    Quant à certains enjeux actuels, visiblement le conflit avec le droit fédéral continue de faire problème. Si nous en avions le temps, nous pourrions parler des problèmes ou des difficultés d'accès aux services bancaires. Grâce au processus rigoureux que nous avons prévu pour l'attribution des permis, nous avons mieux réussi que les autres États. Quatre caisses de crédit régional et banques à charte de l'État ont fourni des services bancaires. En règle générale, après que les demandeurs de permis ont signé une décharge, nous communiquons aux banques leur dossier, qui renferme les résultats de la vérification des antécédents criminels et l'énumération des sources de financement. C'est souvent coordonné avec notre système de traçabilité pour voir les montants et les ventes déclarés à l'État, pour contrôler leurs correspondances avec les comptes bancaires des détenteurs.
    Monsieur Garza, je dois vous demander de terminer. Vous avez dépassé votre temps.
    Je tiens seulement à ajouter une observation sur la sécurité des consommateurs, relativement aux pesticides. En général, nous pouvons demander les orientations de l'Agence de protection de l'environnement, mais le problème subsiste en raison du conflit avec le droit fédéral.
    Monsieur le président, je vous suis reconnaissant de votre temps.
    Merci beaucoup.
    Commençons maintenant la période de questions. Nous avons commencé par un cycle...
    Monsieur St-Maurice.
    J'ai demandé à mon homologue de commencer, mais je ne voulais pas renoncer à mon exposé.
    Oh! Je suis désolé. Vous n'étiez inscrit que pour un seul exposé.
    Ce sera très court, seulement trois minutes.
    D'accord. Allez-y.

[Français]

     Je vous remercie beaucoup, mesdames et messieurs, membres du Comité.
    Je m'appelle Marc-Boris St-Maurice. J'ai été directeur général de NORML Canada. Je suis également le fondateur du Bloc Pot, un parti politique provincial du Québec qui est favorable à la légalisation de la marijuana, et du Parti marijuana, au niveau fédéral. Je dirige aussi le Centre compassion de Montréal, un dispensaire de cannabis. Je suis en outre membre du Parti libéral, mais cela ne m'empêchera pas de critiquer votre projet de loi, soyez-en assuré. Il y a 25 ans que je me bats pour la légalisation de la marijuana. Je vous demande pardon si mes propos vous semblent choquants, mais ce n'est pas une affaire personnelle. Il est de mon devoir de critiquer ce projet de loi.
    D'abord, il ne faut pas oublier que, si nous sommes ici aujourd'hui, c'est parce que des militants comme nous sont descendus dans les rues pour revendiquer leurs droits, se sont battus pour les faire valoir et se sont fait arrêter. Parce que c'est nous qui sommes le plus touchés et concernés et qui sommes victimes de la prohibition, vous vous devez d'accorder une importance significative à nos propos. Je ne veux rien présumer des intentions de votre gouvernement. Par contre, mon expérience des 25 dernières années fait que j'ai énormément de craintes quant à la façon dont le gouvernement prévoit légaliser le cannabis.
     Comme j'ai été persécuté, criminalisé, incarcéré et aliéné, vous pardonnerez ma méfiance. Je me sens directement visé lorsqu'on parle d'éliminer l'élément criminel du marché. Je suis l'un de ces criminels. Comme plusieurs autres Canadiens, j'ai un dossier criminel qui ne comporte que des infractions liées au cannabis et rien d'autre. C'est pourquoi je suis devenu militant. Je me sens menacé lorsque j'entends dire qu'on veut m'éliminer du marché. Or, quand je me sens menacé, je prépare ma défense. On devrait plutôt parler de façons de récupérer, intégrer et légitimer des gens comme moi. Il faudrait en quelque sorte nous légaliser. Je me rassure en me disant que si la prohibition n'a pas réussi à m'éliminer, ce n'est sûrement pas la légalisation qui le fera.
     Vous devriez vous inspirer de l'exemple d'Oakland, en Californie, où l'on permet aux gens qui ont des dossiers criminels liés au cannabis d'être les premiers à faire une demande de permis pour la distribution ou la production de cannabis.

  (1430)  

[Traduction]

    Il s'agit d'une opération de vérité et de réconciliation, à Oakland, en Californie, pour dédommager les consommateurs de cannabis.

[Français]

    Là-bas, on admet les torts causés aux consommateurs par les autorités, on s'excuse auprès d'eux et on tente de réparer ces torts. C'est le premier pas vers la réconciliation.
    Nous ne sommes pas non plus le crime organisé. Le cannabis, c'est plutôt le crime désorganisé. Nous devons créer un marché diversifié et ouvert à tous. Ce qui m'importe le plus, c'est le droit des entrepreneurs qui sont issus du milieu du cannabis de pouvoir s'intégrer et participer à cette nouvelle industrie.
    On ne demande pas à la communauté hétérosexuelle de gérer tous les commerces dans le village gai. On ne demande pas à l'Église catholique de gérer la distribution des produits kascher ou halal ni à un végétarien de s'occuper de l'association des bouchers du Canada. Alors pourquoi mettre la responsabilité du marché du cannabis entre les mains de gens qui ne connaissent rien à ce produit?
    Nous, les usagers, les producteurs, les fournisseurs et les militants, avons créé une industrie et possédons une expertise inégalée en la matière. La perte de cette expertise et de ces connaissances serait un désastre pour la nouvelle industrie de la marijuana. Le marché existant est trop bien établi et intégré pour ne pas avoir un rôle à jouer dans l'évolution de la distribution du cannabis. Jamais ne pourrons-nous accepter d'être mis à l'écart de cette nouvelle industrie pour laquelle nous nous battons depuis plus de 25 ans. Ce serait une autre injustice et une insulte à tous ceux qui ont payé le prix de la lutte contre la prohibition.
    Plusieurs catégories de producteurs devront être créées pour permettre à toutes sortes de modèles de coexister dans un marché dynamique, et cela devra inclure les gens de ma communauté. Il semble y avoir une espèce de honte, de culpabilisation systémique autour du plaisir que les gens peuvent avoir à consommer du cannabis. Pourquoi cette honte autour du pot mais pas autour de l'alcool? Nous célébrons nos microbrasseries et nos viticulteurs comme de grands artisans. Les grands crus, les millésimes et les cépages sont considérés à juste titre comme du grand art. Nous trinquons allègrement pour célébrer mariages, anniversaires et toute autre occasion. Or le fumeur de cannabis, lui, doit se cacher dans la ruelle pour savourer son péché mignon. Pourquoi? Pour la grande majorité des utilisateurs, le cannabis est un loisir, un divertissement et une détente qui ne cause aucun problème majeur.
    Je crains que le problème que pose la légalisation telle que proposée, c'est que nous cherchons à tempérer cette honte envers le cannabis au moyen d'un modèle légal qui donnera l'illusion d'une bonne conscience sociale. Nous devons donc aborder ce sujet en gardant en tête cette majorité pour qui la consommation pose peu ou pas de problème. Essayer de trouver un système qui arrivera à régler les difficultés de cette minorité de cas problématiques est tout à fait futile.
    En conclusion, si 100 ans de prohibition ne nous ont pas arrêtés, une légalisation mal exécutée ne le fera sûrement pas.
    Sur ce, avec tout le respect que je vous dois, j'apprécie cette invitation et je suis ouvert à toutes vos questions pour contribuer à élaborer un projet qui sera équitable pour tous les Canadiens et Canadiennes.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Commençons maintenant les interventions d'une durée de sept minutes. Madame Sidhu.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup pour vos renseignements utiles.
    Ma question est destinée à M. Garza, du Colorado.
    Ma circonscription, dans la région de Peel, ressemble à beaucoup d'autres, au Canada, en ce qui concerne la consommation de marijuana par les jeunes. D'après un rapport rédigé par la région en 2015, sur les questions de santé, le taux des consommateurs de marijuana qui essaient cette drogue pour la première fois est passé de 5 à 11 % en deux ans. D'après le même rapport, 44 % des élèves de Peel estimaient qu'il était très facile de s'en procurer.
    Nous devons agir pour réduire la consommation chez les jeunes, puisque le modèle actuel ne donne pas de résultats. Vu votre expérience dans la légalisation du cannabis au Colorado et dans l'État de Washington, estimez-vous que le projet de loi C-45 est un bon point de départ pour la légalisation du cannabis au Canada?

  (1435)  

    Monsieur Garza, voulez-vous répondre le premier ou préférez-vous que je commence?
    Allez-y, Michael.
    D'accord. Parfait. Merci.
    Je ne veux pas nécessairement vous livrer mon opinion sur votre choix de stratégie. Je serai heureux de répondre aux questions sur nos expériences en la matière et les résultats des règlements que nous avons promulgués. La consommation par les jeunes nous préoccupe beaucoup tous, et tous, nous y réfléchissons beaucoup.
    Un élément à mon avis perfectible de votre projet de loi est les montants affectés à la sensibilisation des jeunes et leur éducation à l'intérieur d'un délai donné. Au Colorado, nous y avons affecté 12 millions de dollars, pour une population d'environ 5 millions de personnes. À ce que je sache, le Canada est bien plus peuplé. D'après les documents que j'ai consultés hier dans l'avion qui me transportait ici, vous y auriez affecté 9 millions de dollars pour tout votre pays. D'après moi, c'est perfectible.
    Jusqu'ici, comme M. Garza l'a dit, sur le marché réglementé, nous nous focalisons beaucoup sur le respect de la loi. Pour vérifier le respect des règlements sur la consommation des mineurs, nous envoyons soit des agents de police de la division du respect des règlements sur la marijuana soit des agents qui collaborent avec les services locaux d'application de la loi, pour essayer d'acheter de la marijuana avec des moins de 21 ans, l'âge légal au Colorado.
    Nos statistiques ressemblent beaucoup à celles qu'a dévoilées M. Garza pour l'État de Washington. Je pense que notre taux de conformité est de 92 %. Je crois qu'il a parlé de 93 % dans son cas et de 98 % au cours des derniers mois. Ce sont des résultats admirables, et j'espère vraiment que nous pourrons faire aussi bien.
    Un point que, franchement, nous pourrions améliorer est le nombre de ces vérifications, qui n'a pas été assez élevé. Ces quatre dernières années, nous en aurions réalisé environ 600 en tout; dont 350 ces deux dernières années. Le rythme a commencé à s'accélérer. Nous prévoyons d'en faire plus.
    Je pense que le fait d'avoir établi des tactiques rigoureuses pour assurer le respect des règlements en vigueur dans cette partie du marché est une mesure extrêmement importante, qui s'ajoute au volet de sensibilisation du public.
    D'accord.
    Monsieur Hartman, pourriez-vous parler de l'expérience réalisée au Colorado pour le maintien de l'approvisionnement en produits médicaux après la légalisation pour usage récréatif?
    Malheureusement, ça m'est impossible. Le volet consommation à des fins médicales n'est pas de mon ressort. Nous nous occupons de la consommation à des fins récréatives et nous accordons aussi des permis à ceux qui oeuvrent dans le volet consommation à des fins médicales, mais je ne peux rien dire de cette expérience.
    Peut-être que M. Garza pourra en parler mieux que moi.
    D'accord.
    Monsieur Garza, pouvez-vous...
    Ou M. Kamin.
    N'importe qui.
    Je peux répondre à la partie de la première question concernant la consommation par les jeunes.
    Pour les élèves de 8e, 10e et 12e année de nos écoles, nous faisons notamment une enquête sur la santé des jeunes. C'était un projet que nous envisagions après la légalisation. L'enquête comporte une question sur la consommation au cours des 30 derniers jours, et le résultat le plus intéressant que nous ayons obtenu l'année dernière était la non-augmentation du nombre de ces consommateurs. C'était un résultat attendu de la légalisation. On craignait notamment une perception moins forte des effets néfastes, du fait, peut-être de la légalisation, une croyance en un risque moins grand qu'auparavant. Nous nous attendions à une augmentation de la consommation chez les jeunes, particulièrement ceux de 10e et de 8e année dans l'enquête, mais, dans certains comtés, nous avons observé une baisse.
    L'un des faits les plus évidents est que le cannabis, dans l'État de Washington, fait partie de l'environnement de nos jeunes et de nos adultes depuis bon nombre d'années. Parfois — je le sais parce que mes enfants sont des ados — c'était plus facile de se procurer de la marijuana que de l'alcool avant la légalisation, grâce aux produits médicaux du marché noir ou du marché gris.
    Il est encore tôt, mais nous sommes heureux de ce que l'enquête n'ait pas révélé d'augmentation de la consommation chez les jeunes de 8e et de 10e année.
    Si vous permettez, je dois préciser quelque chose. J'ai dit que nous ne réglementions pas l'espace médical. Je suis désolé: c'est tout à fait faux. J'ai mis dans le même sac ce domaine et celui des dispensateurs de soins, celui de la culture à domicile.
    Dans le cadre de notre expérience, nous avons constaté que l'espace médical était resté plus robuste que ce à quoi je me serais attendu en ma qualité de simple citoyen. Ce n'est pas nécessairement l'opinion de notre État. Cependant, ce marché continue d'exister. Une explication possible est le poids notablement différent de notre fiscalité, plus légère pour l'utilisation à des fins médicales que pour la consommation à des fins récréatives: taux de taxation de 2,9 % contre 15 %.

  (1440)  

    Merci.
    Puis-je répondre à votre deuxième question sur l'accès à des fins médicales?
    Bien sûr.
    Je pense que les deux États, Colorado et Washington — et M. Garza me corrigera si je me trompe — ont ressenti une tension entre les deux marchés, la consommation à des fins récréatives et médicales, comme ce que vient de décrire M. Hartman. Au Colorado, les taux de taxation diffèrent. Le client peut aussi se procurer plus de produits dans un magasin de produits médicaux; jusqu'à deux onces à la fois, et je pense que, ce qui est aussi notable et problématique, on peut obtenir une recommandation médicale autorisant l'achat de marijuana à des fins médicales dès 18 ans, tandis que, pour la consommation à des fins récréatives, l'âge minimum est de 21 ans.
    Je pense que tant que ces deux régimes réglementaires coexisteront en parallèle, où il est plus avantageux d'acheter un produit que l'autre, il y aura des tensions entre les deux.
    Nous l'avons vu, particulièrement au Colorado, chez les dispensateurs de soins, qui, comme l'a dit M. Hartman, se situent à l'extérieur du marché réglementé, car ils peuvent cultiver le produit pour eux-mêmes ou pour d'autres, et il est arrivé que certains cultivaient peut-être des centaines de plants au même endroit. Quand la police se présentait, elle ne pouvait pas trancher sur la légalité ou l'illégalité absolue de la culture ni déterminer si c'était une culture entre les deux. Cette confusion la réduisait à l'impuissance, du fait de cette tension, de cette ambiguïté. Je pense que c'est l'une des tensions réelles qui existent dans tout système à deux marchés entre lesquels existent des fuites.
    Votre temps est écoulé. Je suis désolé.
    Allez-y, monsieur Hartman.
    J'allais dire que l'élément important et essentiel que M. Kamin vient d'apporter est que, au Colorado, il était possible de cultiver, sur le marché des dispensateurs de soins, un nombre important de plantes, des centaines, selon le nombre de patients approvisionnés.
    Au cours de la dernière session législative, récemment, nous avons réduit le nombre de plantes qu'on est autorisé à cultiver à domicile, sans égard au nombre de patients dont on s'occupe. On l'a réduit à 12. Je crois que ça correspond au nombre que vous proposez dans le projet de loi, qui est de 4. Je pense que ça contribuera beaucoup à répondre aux tactiques destinées à faire diversion, qu'on employait avant, et je sais que M. Garza a parlé de l'interdiction de la culture à domicile de plantes destinées à un usage personnel dans l'État de Washington, pour la même raison.
    Madame Gladu.
    Merci. Je remercie tous les témoins.
    Parlons d'abord de la culture à domicile. J'ai noté que l'État de Washington a décidé de ne pas l'autoriser, une excellente décision à mon avis, mais le droit de cultiver le produit chez soi existe pour la consommation à des fins médicales. Les observations de M. Kamin sur les réactions de la police, au Colorado, à l'égard des cultures à domicile m'ont intéressée. A-t-elle constaté des problèmes? Y en a-t-il eu d'autres? Qu'avez-vous constaté sur l'exposition accrue des enfants?
    Comme je viens de le dire, je pense que, au début, du moins, c'était l'une des lacunes de notre régime réglementaire qui étaient à l'origine de l'une des tensions observées. C'est-à-dire qu'on pouvait cultiver des dizaines ou des centaines de plantes chez soi ou dans un autre lieu privé et souvent pour soi-même, à des fins médicales, ou pour des patients dont on était le dispensateur de soins. Dans certaines situations, c'était simplement faux. Quant aux problèmes que vous soulevez, l'exposition des enfants est réglementée par le Colorado. La culture ne doit pas mettre les enfants en danger, mais, encore une fois, ç'a été l'une des causes des tensions.
    Parlons un peu de l'âge. Je sais que, tous les deux, dans l'État de Washington et le Colorado, vous avez fixé à 21 ans l'âge où on peut consommer du cannabis. Dites-moi pourquoi vous avez choisi cet âge et, aussi, s'il diffère de l'âge auquel, dans vos États, la consommation d'alcool est autorisée. Le Colorado d'abord, l'État de Washington ensuite.
    Je demande tout de suite à M. Kamin de me relayer, lui qui a participé activement à la modification de la loi.
    J'ai plutôt participé à la mise en oeuvre. L'initiative du Colorado visait officiellement à réglementer la marijuana comme l'alcool et, de manière très explicite, elle a choisi l'âge de 21 ans, parce que c'était l'âge où, déjà, on pouvait consommer de l'alcool. Comme je l'ai dit, il existait une tension entre cette loi et nos lois du domaine médical, qui autorisent l'obtention de la recommandation d'un médecin dès l'âge de 18 ans. Ça risque de poser un problème dans le voisinage des collèges.
    Si je peux, rapidement, le préciser, même si l'âge légal est 21 ans, toute notre publicité sur la santé publique est centrée sur l'âge de 25 ans. Nous sommes convaincus que le cerveau poursuit son développement jusqu'à cet âge et que la consommation, avant, de produits de la marijuana, importante ou faible, risque d'être néfaste. Voilà pourquoi tous les messages de notre campagne publique sont centrés sur l'âge de 25 ans.

  (1445)  

    Nous avons entendu le même témoignage de l'Association médicale canadienne. Ces messages doivent donc rendre un bon service au public.
    Monsieur Garza, voulez-vous nous dire comment vous êtes arrivés à l'âge de 21 ans?
    Ça n'a pas été nous. C'est le législateur qui, je pense, s'y est pris exactement de la façon dont nous avons entendu parler au Colorado, c'est-à-dire qu'il a retenu le même âge que pour la consommation d'alcool.
    Si, à l'échelon fédéral, c'est illégal et que, dans l'État c'est légal, avez-vous constaté des problèmes pour vos citoyens qui voyagent à l'étranger, dans des pays où le cannabis n'est pas légal?
    Je vois le problème se poser pour certains visiteurs aux États-Unis. Une histoire a retenu l'attention récemment, celle d'une femme qui voulait rendre visite à son copain aux États-Unis, au Colorado, où il vivait. Elle venait d'Amérique du Sud, et s'est vue refuser l'entrée aux États-Unis parce qu'elle a admis avoir déjà consommé de la marijuana une fois, lors d'un voyage au Colorado. Elle a rétorqué: « Mais c'est légal, au Colorado. » Les agents frontaliers lui ont patiemment expliqué que c'était peut-être légal selon la loi d'État, mais que ce ne l'était pas pour les États-Unis. En raison de cet aveu, elle a perdu le droit de se rendre aux États-Unis.
    Monsieur Garza, avez-vous quelque chose à ajouter?
    Rien.
    Très bien.
    J'ai une autre question à poser, sur l'incidence de la conduite avec facultés affaiblies par le cannabis. J'aimerais que vous nous parliez de la façon dont la situation a évolué, selon votre expérience, depuis la légalisation du cannabis jusqu'après vos campagnes de sensibilisation publique. Commençons par les représentants du Colorado, après quoi nous pourrons entendre ceux de Washington.
    C'est l'une des choses les plus importantes dont je souhaite vous faire part au moment où vous envisagez de prendre ce virage. Je pense que dans tous les États, mais particulièrement au Colorado, parce que je souhaite vous parler de ce qui se passe chez nous, il y a un certain désaccord sur l'interprétation à faire des statistiques. Comme vous envisagez la légalisation, il importe que vous établissiez les principaux indicateurs de santé publique que vous souhaitez utiliser et suivre au fil du temps. Vous devez même surtout, à mon avis, établir qui seront les experts habilités à recueillir des données, pour que leur objectivité et leur impartialité ne fassent pas de doute et que vous puissiez dire: « Voici ce qui se passe vraiment dans notre marché. »
    Dans notre cas, il y a eu une petite augmentation de la consommation, mais elle demeure limitée. Nous suivons la chose de très près, mais je dirais que ce n'est pas très inquiétant à ce stade-ci. Je pense qu'il faut tenir compte de ce qu'a dit M. Garza, c'est-à-dire que certaines données n'étaient pas consignées auparavant, si bien que les augmentations relevées ou l'incidence accrue des infractions peuvent être attribuables à une hausse des signalements plutôt qu'à une occurrence réelle accrue, donc c'est à prendre en considération.
    Monsieur Garza, je ne sais pas si vous avez vécu les choses différemment.
    Non, c'est très semblable. Je pense que ce qu'il faut retenir, c'est qu'il n'y avait pas de concentration maximale de THC dans le sang avant la légalisation, de sorte que dans notre État, comme dans bien d'autres, la consommation à des fins médicales était intégrée verticalement, qu'elle n'était pas réglementée du tout. C'est pourquoi il nous a fallu quelques années pour rassembler les données en un seul et même système, qui est entré en vigueur en juillet dernier.
    Les patients s'inquiétaient beaucoup de la limite de cinq nanogrammes. Elle n'est pas inscrite dans la loi; elle découle de l'initiative qui a suivi. Il y a beaucoup de gens qui estiment qu'elle est beaucoup trop basse. Il est assez clair qu'avant que la chose ne soit réglementée, l'application de la loi posait problème puisque les patients pouvaient cultiver du cannabis pour leur usage personnel. Nous avons parlé avec les responsables de l'application de la loi après la légalisation. Pendant des années, ils se sentaient impuissants devant la consommation à des fins médicales, soit depuis l'initiative de 1998, donc cela faisait un bout de temps. Comme ce n'était pas réglementé, les policiers hésitaient à arrêter les gens, parce qu'il n'y avait pas de seuil établi.
    C'est difficile à dire. Nous n'avons pas observé d'augmentation massive, mais je crois qu'il y a une augmentation du nombre d'infractions, parce que la loi est appliquée comme elle ne l'était pas auparavant. Il y a désormais un seuil de cinq nanogrammes. Ainsi, les policiers peuvent faire appliquer la loi si une personne ne détient pas de carte médicale, ou même si elle en a une.
    Je pense que Mme Sampson a fait valoir un point important, c'est-à-dire que nous n'avons pas nécessairement encore la technologie requise pour déterminer si la substance détectée dans le sang est du THC ou un cannabinoïde. Il s'agit d'une différenciation fondamentale, parce que le THC peut évidemment affaiblir les facultés, contrairement aux cannabinoïdes. Je mentionne au Comité que c'est un peu comme quand l'alcool a été légalisé, mais que la technologie des alcootests n'était pas au point. Il faut tenir compte du fait que cette industrie continuera de se développer. La technologie continuera de se développer. C'est l'une des choses sur lesquelles nous devons nous concentrer pour assurer la sécurité et la santé publiques.

  (1450)  

    Très bien, merci.
    Si vous me permettez d'intervenir, NORML Canada estime qu'il faut mettre l'accent sur la formation requise pour évaluer l'affaiblissement des facultés plutôt que sur la détection chimique, parce qu'à l'heure actuelle, la science ne permet pas d'établir une corrélation entre la concentration de THC et l'affaiblissement des facultés. Cela ouvrirait la porte à de nombreuses contestations judiciaires. Le cannabis peut être détecté dans le sang jusqu'à 90 jours après sa consommation. Ainsi, la quantité de cannabinoïdes détectée dans le sang n'équivaut pas nécessairement à un niveau X d'affaiblissement des facultés. Je pense que ce serait une grave erreur qui pourrait donner lieu à de nombreuses contestations judiciaires. Il y a d'ailleurs déjà des personnes accusées de conduite avec facultés affaiblies par le cannabis qui ont contesté avec succès les accusations qui pesaient contre elle. Il serait beaucoup plus productif d'adopter au Canada une politique régissant la formation des agents habilités à évaluer l'affaiblissement des facultés sous l'influence du cannabis ou pour bien d'autres raisons.
    Merci.
    Monsieur Davies.
    Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins.
    Maître Kamin, si une personne n'ayant pas la citoyenneté américaine cherche à entrer aux États-Unis et qu'elle admet, quand on lui pose la question, avoir déjà consommé du cannabis quelque part, est-elle automatiquement jugée inadmissible aux États-Unis ou est-ce une décision à la discrétion de l'agent?
    Je crois que ces personnes peuvent être exclues, mais qu'elles ne le sont pas toujours.
    Très bien. Pouvez-vous me donner une idée de la probabilité que ce soit le cas? Ces personnes sont-elles généralement interdites d'entrée ou admises?
    Je n'ai pas de statistiques à ce sujet, j'aimerais bien pouvoir vous le dire.
    Je sais que ce sera une source de frictions. Il y a une très longue frontière entre nos deux pays, et la nouvelle donne ici compliquera l'application de la loi à la frontière, dans les deux sens. Je n'ai pas de bonnes données sur la façon dont c'est géré à l'heure actuelle. J'entends toutefois parler de personnes qui ont été exclues.
    Très bien, merci.
    Ma question s'adresse aux témoins du Colorado et de l'État de Washington. En général, quel est le pourcentage des produits de cannabis vendus dans votre État qui sont des concentrés ou des produits à manger, plutôt qu'à fumer? En avez-vous une idée approximative?
    J'aimerais bien connaître cette statistique par coeur, et bien franchement, je le devrais. Je m'excuse. Nous la ferons parvenir sans faute ultérieurement au Comité. Je peux toutefois vous dire que nous observons une tendance qui nous surprend un peu, c'est-à-dire que les produits comestibles gagnent beaucoup en popularité sur notre marché, par rapport aux produits à fumer.
    Maître Kamin, en avez-vous une idée approximative?
    Je sais que la première année, nous avons été renversés par la prévalence des produits comestibles ou en infusion. Ils représentaient au départ environ la moitié du marché. Je ne sais pas comment cela a évolué depuis, mais la réglementation d'origine a vraiment été pensée pour les fleurs à fumer. Quand j'ai parlé du processus itératif, au début, c'est l'une des choses pour lesquelles nous avons dû créer des équivalences d'entrée de jeu, entre les fleurs à fumer et les produits à manger ou à infuser; nous avons dû adopter un règlement concernant l'apparence et l'étiquetage des produits comestibles. C'était un segment de marché beaucoup plus grand que ce que nous avions prévu au départ, et j'ai l'impression que si l'on inclut aussi les huiles et les produits à vaporiser, ils représentent probablement plus de la moitié du marché.
    J'ai mentionné dans mon exposé l'importance de la collaboration pour notre État. Je dois souligner aussi l'importance tout aussi grande de la transparence, pour que nous puissions produire un rapport annuel faisant état de toutes sortes de statistiques différentes. C'est l'une des statistiques qu'on trouve dans le rapport.
    D'accord, je vais vérifier.
    Monsieur Garza, quel serait le pourcentage approximatif dans votre État des produits comestibles ou consommés sous forme non fumable?
    C'est intéressant. Les tendances n'ont pas vraiment changé au cours des trois dernières années, depuis l'ouverture des premiers comptoirs de vente. Environ 68 % des produits consommés aujourd'hui sont des bourgeons et des fleurs. Ils représentaient environ 72 % du marché la première année, alors que les produits à manger ou à infuser représentaient 12 %. Il y a aussi les concentrés. Le vapotage gagne en popularité. Cependant, l'expérience semble différente au Colorado. Il est intéressant de souligner que même chez les personnes qui en consomment à des fins médicales, l'utilisation est la même: ils consomment surtout des fleurs et des bourgeons. Je pense que c'est assez différent de ce qui s'observe dans d'autres États.
    Très bien.
    Je crois qu'au Colorado, au moment de la légalisation, il y a eu des problèmes concernant les produits comestibles, que vous avez dû corriger par la suite au moyen de règles sur les portions individuelles et l'étiquetage des produits. Comment est-ce que cela fonctionne? Arrivez-vous à rendre les produits comestibles accessibles de manière sécuritaire et réglementée?

  (1455)  

    Tout à fait, mais les choses ont bien changé depuis les débuts de la légalisation. Dans le mémoire et la documentation contextuelle que je vous ai fournis, vous verrez des photos d'emballage et des renseignements connexes.
    Je vous avouerai en toute candeur qu'au début, nous n'avions pas prévu de norme définissant la portion individuelle. Nous n'avions pas de norme pour coter les différents produits comestibles. Il y avait des gens qui ne connaissaient pas le marché, qui pouvaient manger un biscuit gros comme cela, alors qu'il contenait 10 portions. Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais j'aime les biscuits, et quand j'en ai un, je le mange habituellement au complet. De toute évidence, cela n'avait pas été bien prévu.
    Monsieur Hartman, Je pense qu'il est évident que j'adore les biscuits.
    Je vais vous interrompre ici, si vous me le permettez.
    Bien sûr. Aucun problème.
    Maître Kamin, dans votre mémoire, vous avez écrit ce qui suit:
Tout d'abord, il importe de comprendre que, pour garantir le bon fonctionnement de n'importe quelle réglementation, la plus grande partie possible de la production de marijuana doit passer par le marché autorisé et réglementé.
    Est-ce que cela s'applique aux produits comestibles et aux concentrés?
    Oui.
    Je pense que c'est tout à fait juste. Je tiens à préciser clairement ce que je voulais dire. La plus grande partie possible de la production doit passer par le marché autorisé. L'objectif est que ce soit la plus grande partie possible.
    Oui, je comprends.
    Je pense que c'est tout à fait juste. Il y a eu une controverse chez nous sur la pertinence d'autoriser les huiles à concentration élevée, des produits qui comprennent plus de 90 % de THC. On frémit en entendant ce chiffre.
    Finalement, nous avons décidé de ne pas interdire ces produits, contrairement à d'autres États. Cette décision se justifie en partie par le fait que nous avions peur qu'en les retirant du marché licite, ils se retrouvent sur le marché illicite, parce que leur production sur le marché noir faisait intervenir la manipulation de butane et d'autres procédés d'extraction qui causaient des explosions dans tout le Colorado. L'idée était de rendre le produit accessible et d'obliger les gens à utiliser l'extraction au CO2, qui coûte plus cher, plutôt qu'un produit plus dangereux à la maison.
    Vous avez anticipé ma question. La légalisation de ces produits a-t-elle, à votre avis, contribué à réduire l'ampleur du marché noir?
    Absolument. Je pense que le fait que la population puisse acheter des produits dont on peut prévoir la qualité, éprouvés tant pour ce qui est de leur puissance que des contaminants qu'ils contiennent, réduit grandement les risques potentiels.
    Monsieur St-Maurice, il me reste quelques minutes.
    Vous avez affirmé qu'une loi mal gérée serait problématique, et je suis d'accord avec vous. Quelles seraient les lacunes du projet de loi C-45, d'après vous?
    Sa première lacune, à mon avis, est l'exigence d'absence de casier judiciaire, particulièrement relativement au cannabis. En excluant toute personne ayant déjà été arrêtée pour des raisons liées au cannabis, on se trouve à exclure la majorité des personnes qui s'intéressent à ce marché et y participent. Si nous voulons éliminer le marché noir, nous ne voulons pas le faire en balayant la réalité sous le tapis, comme nous le faisons depuis un siècle. C'est vain. Il faut intégrer ces personnes.
    Il faut leur trouver une place dans le nouveau marché, pour qu'elles puissent s'adonner à leurs activités conformément à la réglementation. Ces personnes ne veulent pas être criminalisées. Elles veulent faire partie de la société. C'est exactement le but de la lutte pour la légalisation: légitimiser ces personnes.
    Nous nous trouvons à frapper aux portes du palais. La criminalisation nous exclut et nous repousse vers le marché noir. Nous avons besoin d'une forme de réconciliation ou de réparation; il faut que ces personnes aient leur place dans le système. Ce sont de bonnes personnes. Je ne parle pas du crime organisé. Je parle de mères et de pères de famille animés d'une passion pour le produit, qui connaissent la clientèle, qui connaissent le produit et qui peuvent faire un excellent travail.
    Je pense que le gouvernement perdra énormément de ressources humaines en excluant ces personnes d'emblée. Qui sont-elles? Ces personnes sont jugées criminelles parce que c'est illégal. Une fois ces activités légalisées, techniquement, ce ne seront plus des criminels. Si une personne a décidé de commencer à utiliser du cannabis avant sa légalisation, elle sera exclue, alors que si elle a décidé d'en utiliser le lendemain, soudainement, elle aura sa place dans le système.
    C'est paradoxal et illogique, à mon avis.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Oliver.
    Monsieur le président, si vous me le permettez, j'aimerais ajouter que nous avons un système de points, dans l'État de Washington, pour évaluer les antécédents criminels d'une personne. Nous cherchons les cas flagrants d'activités illégales ou criminelles. Nous avons le même genre de système pour les titulaires de permis de vente d'alcool. Je pense, pour répondre à monsieur, qu'on s'efforce d'évaluer les antécédents de la personne. Lorsqu'un délit a été commis il y a plus de 10 ans... Nous examinons chaque demandeur au cas par cas.
    Je pense qu'il faut tenir compte de l'argument que ce monsieur fait valoir, c'est-à-dire que le but est d'éliminer le marché noir et de légitimiser ces personnes. Je ne voulais pas laisser entendre que nous ne tolérons aucune activité criminelle ni aucun casier judiciaire. Nous avons un système de points. Encore une fois, nous évaluons les tendances criminelles sur une période de temps donnée.
    Merci.

  (1500)  

    Merci.
    Monsieur Oliver.
    Merci beaucoup. Je vous remercie beaucoup de votre témoignage.
    J'ai devant moi une lettre de l'État du Colorado à l'honorable Jefferson Sessions à l'égard de quelques questions qui vous ont été posées, de toute évidence. L'un des éléments qui m'a vraiment frappé, c'est que selon le plus récent sondage national sur la santé et la consommation de drogue, entre 2013-2014 et 2015-2016, soit la période pendant laquelle la vente de marijuana aux adultes a été autorisée, la consommation de marijuana chez les jeunes a diminué de 12 %. Je compare ces chiffres aux statistiques canadiennes pour la même période, et je constate que la consommation a augmenté ici de 1 % et d'un peu plus chez les femmes.
    Je suppose qu'il y a trois facteurs potentiels à cela. Je vois également dans cette lettre que 22 millions de dollars tirés des recettes fiscales issues de la vente de marijuana ont servi à financer des campagnes de sensibilisation publique. Vous avez clairement intensifié l'éducation publique. Il y a de fortes dispositions réglementaires régissant la vente de marijuana aux jeunes, dont l'obligation de vérifier l'âge du client, ainsi que des interdictions de publicité et d'emballages susceptibles de plaire aux jeunes. Ensuite, il y a l'exclusion des fournisseurs illicites, ou de plus grandes restrictions qui s'y appliquent probablement.
    Je sais que ces trois facteurs sont probablement entrés en ligne de compte pour réduire la consommation chez les jeunes. Avez-vous l'impression que l'un d'eux en particulier a fait la différence, qu'il y en a un en particulier qui dissuade les jeunes de consommer de la marijuana?
    J'aimerais pouvoir vous répondre avec assurance, mais malheureusement, je ne le peux pas.
    Oui, c'est la même chose pour moi.
    Je pense qu'il serait illusoire d'espérer que le taux de consommation chez les jeunes diminue considérablement grâce à la légalisation. La réglementation crée un accès accru, le produit sort du marché noir, et on peut espérer détruire le marché noir, donc...
    Au sujet du marché noir, justement, je crois vous avoir entendu dire, en réponse à la question de M. Davies, que le marché noir s'est affaibli. Savez-vous dans quelle proportion, environ? Évidemment, il représentait 100 % du marché avant la légalisation.
    Oui, et je sais qu'il y a eu une bonne étude à ce sujet dans l'État de Washington, c'est donc le portrait...
    Oui.
    Brièvement, si je peux dire un mot avant de céder la parole aux représentants de Washington, nous avons publié une étude sur la demande en 2014. Elle montre que le marché réglementé permettait de répondre à 70 % de la demande dans l'État du Colorado à l'époque. Une nouvelle version de cette étude est en cours de préparation. Elle devrait sortir d'ici quelques mois. Je m'attends à y voir une augmentation importante de ce pourcentage. Je n'ai pas de données sur lesquelles m'appuyer pour vous le dire, mais c'est ce que je perçois sur le marché.
    À Washington, avez-vous une idée de la proportion du marché noir qui a été remplacée?
    Il y en a qui ont avancé des chiffres à ce sujet, mais nous ne les avons pas analysés.
    Nous prévoyions qu'après la première année, entre 5 et 13 % du marché serait remplacé. Aujourd'hui, la valeur de 1,3 milliard de dollars au troisième exercice est beaucoup plus élevée que ce que nous avions prévu. Nous allons nous pencher sur la question.
    Je serais porté à dire que nous devons avoir remplacé entre 50 et 65 % du marché noir.
    D'accord, merci.
    Concernant les produits comestibles, selon le libellé actuel du projet de loi canadien, ces produits ne seraient pas licites. Cette décision se justifie en partie par les leçons tirées de l'expérience du Colorado, je crois, parce que vous avez connu des problèmes à ce chapitre au départ. Je pense que vous nous en avez parlé un peu et que vous en déduisez qu'il vaut mieux procéder lentement et nous occuper d'abord des produits les plus courants avant de nous pencher sur les produits fabriqués à partir de la marijuana.
    À la lumière de tout le travail que vous avez réalisé, y a-t-il des données probantes ou de bons renseignements sur la santé publique qui se dégagent de l'exemple du Colorado dont le Canada pourrait s'inspirer afin de réglementer adéquatement l'usage de produits comestibles.
    Oui, je dirais assurément que nous avons un bon volume de données et de leçons acquises que nous pourrions partager avec vous et dont vous pourriez tenir compte dans la mise en place de votre infrastructure réglementaire tant pour les usages médicaux que récréatifs. Nous serons ravis de mettre à votre disposition toute l'information possible pour collaborer avec vous.
    Je crois que le Colorado, tout comme l'État de Washington, a mis en place des pratiques exemplaires. Des emballages refermables, non transparents, de l'information claire sur les portions individuelles, des concentrations maximales de THC par emballage sur les articles individuels afin qu'ils demeurent identifiables comme des produits de cannabis même lorsqu'ils sont sortis de leur emballage: voilà autant de mesures qui réduisent les risques. Il vous revient de décider si ces mesures atténuent assez le risque pour qu'on les autorise, mais je pense que notre expérience, l'expérience américaine en général, montre que nous avons appris à réduire les risques.

  (1505)  

    Je pense que j'ajouterais...
    Je m'excuse, mais je vais continuer. Je vous remercie.
    Nous avons entendu ce matin nos policiers nous dire qu'ils ne se sentent pas prêts à faire appliquer les nouvelles lois dans leur forme actuelle. C'est très complexe. Les compétences fédérales et provinciales entrent en ligne de compte.
    Lorsque vous repensez au début de la légalisation chez vous, y avait-il des questions ou des enjeux similaires du point de vue de l'application de la loi? Ces questions se sont-elles réglées graduellement ou aviez-vous déjà des solutions avant l'entrée en vigueur des nouvelles règles?
    Mes prédécesseurs, Barb Brohl et Ron Kammerzell, qui ont joué un rôle central dans la mise en place de notre architecture, disaient souvent que l'avion volait pendant même que nous le construisions. C'est malheureux, mais effectivement, les choses ont déboulé beaucoup plus vite que nous l'aurions souhaité. Cela présente des défis, mais on peut les relever au fur et à mesure si l'on y accorde toute l'attention nécessaire.
    Merci.
    Était-ce la même chose dans l'État de Washington?
    Vous en souvenez-vous, monsieur Garza?
    Je pense qu'il y avait énormément de cynisme dans notre État au sujet de l'application de la loi, parce que la marijuana médicinale n'était pas réglementée et qu'on se demandait vraiment si elle pouvait être réglementée ou si la loi serait applicable. Encore une fois, je pense que la convergence entre le marché médical et le marché récréatif qui a eu lieu l'an dernier a changé radicalement la donne, mais il reste que nous avions deux marchés parallèles, un marché licite fortement taxé et réglementé et un marché illicite pas réglementé du tout. Cela a été un combat pendant des années.
    Mais pour répondre à votre question, je pense que les policiers ont eu du mal. S'il y a une chose que nous avons retenue de l'exemple du Colorado, c'est que nous devions prendre notre temps. Même si tout le monde hurlait pour que nous commencions à délivrer immédiatement des permis, nous avons pris plus d'un an pour mettre notre réglementation en place.
    Il n'y a pas que les services policiers, mais toutes les entités gouvernementales qui joueront un rôle dans la sphère publique et qui...
    Merci. J'aimerais essayer de poser une dernière question. Je m'excuse de vous interrompre.
    Ma dernière question porte sur le pardon dans les cas d'accusations criminelles récentes pour des activités désormais légales. Avez-vous appliqué le pardon au Colorado ou dans l'État de Washington? Je sais que l'État de Washington a utilisé un système de points pour évaluer la gravité des accusations criminelles portées contre une personne, mais vous êtes-vous engagés dans un processus de pardon après l'adoption de la nouvelle loi?
    Je suis en poste depuis cinq semaines, et je n'ai vu aucune demande de pardon sur mon bureau. Je ne sais pas s'il y en a eu avant.
    Peut-être Me Kamin peut-il mieux vous renseigner.
    Nous n'avons pas de mécanisme de pardon. Les gens pouvaient toutefois demander l'annulation de leurs condamnations passées par un tribunal.
    Je sais que le temps nous manque, mais brièvement, cela pose problème, parce que nous dépendons énormément des négociations de plaidoyers. Bien souvent, le procureur acceptera qu'une personne plaide coupable au motif de possession de moins d'une once ou de moins de six onces. Cela dit, nous ne savons pas si c'est véritablement ce qui s'est passé. Il peut également y avoir de la cocaïne dans l'histoire, les quantités en cause peuvent être plus grandes, même si on a laissé la personne plaider coupable de possession d'une plus petite quantité. Les procureurs hésitent beaucoup à ce qu'on révise des condamnations antérieures.
    C'est la même chose dans l'État de Washington.
    Très bien. Cela vient clore les interventions de sept minutes. Il y aura maintenant une série d'interventions de cinq minutes, et nous commencerons par M. Webber.
    Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins.
    Ma première question s'adresse à notre ami de l'État de Washington, M. Garza.
    Je vous remercie de toute l'information que vous nous donnez sur les ventes et l'activité fiscale. Je trouve ce que vous dites très intéressant, particulièrement en ce qui concerne les prévisions de recettes fiscales tirées de la vente de cannabis. Avec une taxe d'accise de 37 %, comment arrivez-vous à rivaliser avec le marché noir, malgré le taux de taxation élevé? Comment vos prix se comparent-ils à ceux du marché illicite ou du marché noir? J'ai déjà posé la question, mais pas à un Américain qui connaît le produit aux États-Unis.
    Ensuite, comment vos produits se comparent-ils à ceux du marché noir, dans l'État de Washington comme celui du Colorado?
    Ce qui est intéressant, c'est que la taxe d'accise s'applique à la fois au cannabis médicinal et au cannabis récréatif, si bien que le problème du Colorado ne se pose pas chez nous. Au Colorado, les gens s'en tiennent au programme médical et peuvent obtenir facilement une autorisation de consommation de cannabis à usage médical. C'est vraiment plus compliqué quand les deux programmes sont fusionnés, à tout le moins pour les patients médicaux, qui estiment que la taxe d'accise ne devrait pas s'appliquer à eux.
    Ils peuvent toutefois obtenir une exemption de la taxe de vente, qui peut être de 7 à 10 %. Cela dit, il est incroyable que les prix soient rendus à environ 7,48 $ le gramme. Au moment de la légalisation, en 2011 et en 2012, nous estimions le prix sur le marché noir de l'État de Washington entre 9 et 11 $ le gramme. Quand les prix sont tombés à environ 10 $ le gramme dans l'État de Washington, il y a environ un an et demi, nous avons vu les ventes bondir. En gros, nous croyons que lorsque les prix sont arrivés à parité avec ceux du marché noir — et à l'époque avec ceux du marché gris qui était celui de la marijuana médicinale —, il n'y avait plus de raison pour les clients de ne pas acheter leurs produits à un comptoir de vente, où les produits ont été testés, comme je l'ai déjà dit, et portent un emballage et un étiquetage particuliers.
    Nous avons tiré des leçons de l'exemple du Colorado pour ce qui est de l'usage médicinal. Je n'en ai pas vraiment parlé, mais le produit se vendait en doses de 10 milligrammes par portion ou de 100 milligrammes, par exemple, et les choses sont allées encore plus loin après leur... Les doses étaient auparavant de 5 milligrammes et de 50 milligrammes par produit.
    Mais pour répondre à votre question, je pense que l'ampleur du marché à l'heure actuelle, qui représente environ 4 millions de dollars de ventes par jour, porte à croire que les prix sont équivalents, voire même inférieurs, à ceux du marché noir.
    Un député: J'allais dire que c'est notre expérience à nous aussi.

  (1510)  

    Oui, et je pense que c'est parce qu'on réalise des économies d'échelle. Pendant que je suis ici, mes étudiants sont en train de visiter une serre de plusieurs centaines de milliers de pieds carrés au Colorado. Les économies d'échelle sont telles, aujourd'hui, qu'on se demande si le prix risque de trop baisser. Faut-il fixer un prix plancher parce que la marijuana sera si abordable qu'elle risque d'être exportée hors des frontières de l'État ou d'être revendue aux jeunes au point de créer un nouveau problème? Malgré les taxes, les prix continuent de baisser de façon considérable.
    Compte tenu de la réglementation stricte, je ne comprends tout simplement pas comment les producteurs autorisés peuvent maintenir des prix aussi bas. Comment peuvent-ils y arriver, compte tenu des coûts indirects, des coûts liés à la sécurité et de tout le reste? Les acteurs du marché noir ne sont astreints à rien de tel.
    C'est une vraie face: leur volume est immense.
    Oui. D'accord.
    Exactement. Je pense que les acteurs du marché noir s'exposent à des risques judiciaires très grands et que bien honnêtement, si ces risques étaient inclus dans leur structure de prix, ils rendraient leurs marges bénéficiaires substantiellement inférieures à ce qu'elles sont.
    D'accord.
    Oui, monsieur?
    Si je puis ajouter une chose, concernant la situation des producteurs autorisés au Canada et leur prix de vente, ces entreprises sont financées et cotées en bourse. Beaucoup fonctionnent actuellement à perte, dans l'espoir de pouvoir récupérer les pertes plus tard. Il y a beaucoup de spéculation, et je suis pratiquement sûr qu'il y a des joueurs qui courent à la faillite à force d'essayer de devenir le Walmart de la marijuana. Pour un qui réussira, neuf autres échoueront. Je ne crois pas que ce soit un mode de fonctionnement très sain. Il y a des sociétés cotées en bourse qui sont évaluées à des millions, à des centaines de millions de dollars sur le marché boursier, qui n'ont encore jamais vendu un seul gramme de produit. Ce n'est pas ainsi qu'on gère une entreprise de manière responsable. C'est une excellente recette pour se diriger vers un échec retentissant.
    C'est intéressant.
    J'aimerais que nous parlions un peu des conditions de permis.
    Je regarde les chiffres et l'information fournis par M. Garza. Bien sûr, la liste de conditions est longue et comprend la vérification des antécédents criminels, ainsi qu'une vérification par le FBI. Qu'en est-il une fois le permis accordé et la production de marijuana lancée? Avez-vous des inspecteurs qui passent périodiquement vérifier qu'il n'y a pas de surproduction, qu'il n'y a pas de plants manquants, des choses du genre?
    Avez-vous des exigences aussi robustes au chapitre du maintien de l'ordre?
    Je vous avouerai candidement que j'aimerais qu'elles soient plus robustes pour les producteurs-transformateurs. La plus grande partie des efforts déployés à l'origine visait à limiter l'accès aux jeunes et à assurer que les vérifications de la conformité soient faites en bonne et due forme pour que les jeunes n'aient pas accès au produit sur le marché. Le système de traçabilité est notre indicateur de prédilection, et il est intégré au système, mais nous voudrions effectivement nous rendre plus souvent chez nos producteurs-transformateurs pour veiller à ce qu'il n'y ait pas de détournement.
    C'est un très bon argument. Il faut faire en sorte que l'organisme de réglementation ait les ressources nécessaires pour effecteur ce genre d'inspection souvent chez les producteurs et les transformateurs.
    Si vous le permettez, j'aimerais insister sur ce point, parce qu'il est extrêmement important.
    Dans notre État, il y a trois outils principaux. Il y a la surveillance 24 heures sur 24, il y a le système de suivi d'inventaire de la graine à la vente — qui est extrêmement important — et il y a les transactions bancaires, quand les producteurs ont accès aux banques. Si nous pouvons analyser ces trois volets parallèlement dans l'espace réglementé, nous pouvons avoir une très bonne idée de ce qui se passe, et la clé ici, c'est le système de suivi d'inventaire métrique de la graine à la vente.

  (1515)  

    Merci beaucoup.
    Monsieur Eyolfson.
    Merci beaucoup.
    Je vous remercie tous d'être parmi nous aujourd'hui.
    J'aborderai principalement la question du point de vue de la sécurité publique et plus particulièrement, de la médecine. Je suis un urgentologue en rémission. J'ai exercé cette profession pendant presque 20 ans, et l'une des choses que j'ai constatées dans ma pratique médicale — et nous étudiions aussi la question en toxicologie —, c'est qu'on trouvait souvent des versions adultérées du produit. Je le voyais. Je n'ai jamais vu personne se présenter à l'urgence pour avoir consommé du cannabis seulement. Les patients croyaient avoir consommé du cannabis, mais il s'agissait d'autre chose.
    Heureusement, bien que nous nous inquiétions énormément des opioïdes, il n'y a pratiquement aucun cas déclaré de contamination aux opioïdes ou de surdose.
    Il y avait d'autres choses aussi, comme des alcaloïdes à base de plantes susceptibles de rendre les gens malades au point où ils se retrouvaient aux soins intensifs, aux prises avec des douleurs atroces. Bien sûr, c'est le risque dans un marché illicite non réglementé, où il n'y a pas de contrôle de la qualité.
    Avez-vous des données sur l'incidence des consultations à l'urgence ou des appels médicaux attribuables à l'adultération d'un produit non réglementé et la donne a-t-elle changé depuis la légalisation?
    Je ne sais pas trop si je peux affirmer que nous avons assez de données pour déterminer si ces visites sont attribuables à des produits adultérés ou non. Nous consignons assidûment les visites à l'urgence, comme les hospitalisations, et c'est ce à quoi je faisais allusion quand je parlais des incidents déclarés par rapport aux incidents qui se sont produits au début de mon témoignage.
    Le nombre de visites à l'urgence et d'hospitalisations a augmenté. Curieusement, il y a eu une légère hausse dans la catégorie des zéro à huit ans, ce qui me porte à croire à une consommation accidentelle, mais la hausse la plus forte enregistrée est celle dans la catégorie des plus de 35 ans, ce qui me porte à croire que l'effet s'observe surtout chez des personnes qui l'essaient peut-être pour la première fois.
    Nous n'avons pas de données à ce sujet, mais on ne sait pas trop si c'est parce qu'il y a plus d'incidents qu'avant ou parce que les médecins sont plus enclins qu'avant à poser la question, puisque le cannabis a été légalisé, et que les patients sont plus enclins à admettre que la marijuana est intervenue dans l'incident.
    Monsieur Garza, quelle est votre expérience?
    Nous vivons la même chose dans l'État de Washington. Nous avons eu des discussions au début avec le centre antipoison de Washington, parce qu'il constatait une hausse du nombre de visites et d'appels dans les hôpitaux pour des attaques de panique, chose normale, mais dont je n'étais même pas au courant à l'époque, en toute honnêteté. Cela dit, je pense que c'est l'un des...
    Je dois mentionner un autre facteur, celui de la puissance des produits. Qu'il y ait ou non augmentation de la consommation chez les jeunes adultes, nous observons que les substances consommées par les adultes sont de plus en plus puissantes, et nous nous en inquiétons.
    De même, compte tenu de la chute de prix, devrions-nous envisager d'établir un prix minimal, comme la Scandinavie en fixe un pour l'alcool, par exemple? Parce que comme le Colorado, nous constatons une chute des prix du cannabis d'une ampleur inattendue.
    Merci. Voici une autre question. Je ne sais pas si l'un de vous pourra y répondre, du Colorado ou de Washington. Je ne sais pas s'il y a des États où le gouvernement a le monopole de la vente de spiritueux, comme c'est le cas dans certaines provinces canadiennes. Je viens du Manitoba, où il y a un monopole gouvernemental. Ce n'est pas aussi vrai pour la bière et le vin, mais il s'applique assurément aux spiritueux. Plutôt que d'acheter les produits au dépanneur ou dans un magasin indépendant, on ne les trouve qu'aux points de vente du gouvernement.
    L'Ontario vient d'annoncer qu'elle souhaite que le cannabis ne soit pas vendu dans les mêmes établissements que les spiritueux, mais qu'il relève de la même entité que les spiritueux. D'autres provinces devront décider si elles souhaitent que le produit passe par des boutiques privées. D'après votre expérience, quelles seraient vos recommandations sur ce qui fonctionne le mieux? Commençons par le Colorado, après quoi nous entendrons l'avis des gens de Washington.
    Comme je l'ai mentionné dans mon mémoire, ce genre de modèle est impossible aux États-Unis pour le cannabis pour l'instant, parce qu'il demeure interdit à l'échelle fédérale et qu'on se trouverait à obliger des employés de l'État à poser des gestes interdits par la loi fédérale.
    Quand je faisais partie du groupe de travail responsable de mettre en oeuvre le 64e amendement, des responsables de la santé publique sont venus nous dire que pour l'alcool, on arrive à beaucoup mieux protéger la santé publique quand la distribution relève du gouvernement que du secteur privé. Il n'y alors pas d'inquiétudes quant à la clientèle ciblée et au marketing. Il n'y a pas lieu de s'inquiéter de la vente à des personnes n'ayant pas l'âge minimal. Tous ces éléments sont régis bien plus facilement.
    Nous ne pouvons pas dire que ce modèle nous sert très bien aux États-Unis, parce que nous n'avons jamais eu l'occasion de l'essayer. J'espère qu'au moins une province en fera l'essai, pour que nous puissions en connaître les effets.

  (1520)  

    Vous convenez donc que c'est un meilleur système du point de vue de la santé publique, à tout le moins pour les spiritueux.
    C'est ce que nous ont dit des responsables de la santé publique. Je n'ai pas eu l'occasion d'en juger par moi-même.
    Très bien. Monsieur Garza.
    Sans entrer dans les détails, je peux vous dire que, jusqu'en 2011, nous détenions le monopole de la vente de spiritueux dans l'État de Washington, mais ensuite, Costco, en raison de la privatisation de la vente de spiritueux... On avait toujours voulu restreindre l'accès et interdire la publicité. Les employés de l'État exploitaient les magasins d'alcool et il n'y avait aucun incitatif. Qu'ils vendent 50 ou 500 bouteilles en une journée, cela n'avait pas d'importance, car il n'existait aucun incitatif pour vendre. C'est le modèle qui prévaut dans 12 autres États du pays depuis 1934. Nous avons été le premier État à y mettre fin.
    Cependant, il ne fait aucun doute que, lorsque le gouvernement exerce un contrôle, l'accès et la consommation sont moins élevés que dans les États où il y a eu privatisation. Habituellement, les taux sont de 18 à 20 % plus bas, car le nombre de magasins est limité et leurs heures d'ouverture sont restreintes. Ironiquement, c'est en partie à cause de cela que la population souhaitait pouvoir acheter des spiritueux comme elle peut acheter de la bière et du vin.
    Il ne fait aucun doute que le contrôle exercé par le gouvernement, que ce soit dans le domaine de la distribution ou de la vente au détail, entraîne le résultat souhaité, c'est-à-dire minimiser les effets négatifs.
    Merci.
    Monsieur Carrie.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président. Je tiens à remercier les témoins de leur présence. Vous percevrez peut-être un peu de frustration dans ma voix. Monsieur Garza, vous avez dit, je crois, dans votre déclaration liminaire, qu'il est difficile de raconter une telle histoire en 10 minutes. Les députés de l'opposition ressentent une grande frustration parce que le gouvernement souhaite condenser l'étude du projet de loi en une semaine. Je crois que vous nous donnez un conseil très judicieux lorsque vous dites que nous devons prendre notre temps.
    Monsieur Hartman, lorsque vous avez vécu la légalisation, vous avez dit que c'était comme faire voler un avion en même temps qu'on le construit. Le scénario est le même ici, sauf que je ne vois personne piloter l'avion.
    Quant à la situation au Canada, je ne sais pas si vous êtes au courant, messieurs, mais la consommation chez les garçons adolescents a atteint un sommet, à savoir 50 %, en 2002. Ce taux est maintenant descendu à 22 %. Le gouvernement affirme qu'il veut légaliser le cannabis pour en diminuer l'utilisation chez les jeunes. Je suis très préoccupé, monsieur Kamin, car vous avez dit qu'on ne devrait pas s'attendre à ce qu'il y ait une diminution si nous légalisons le cannabis.
    Dans son projet de loi, le gouvernement permet aux jeunes de 12 à 17 ans de posséder jusqu'à 5 grammes de marijuana pour leur consommation personnelle. Uniquement sur le plan des répercussions sur la santé, il y a de très sérieuses questions auxquelles il faut répondre, et j'espère vraiment que le gouvernement nous permettra d'entendre d'autres témoins comme vous. J'ai plus d'une page et demie de questions à vous poser et je dispose de très peu de temps, alors je vais en poser quelques-unes et vous laisser y répondre.
    Qu'en est-il dans vos États en ce qui concerne l'âge du consentement? Quelles règles s'appliquent aux jeunes de moins de 21 ans? J'aimerais aussi parler de l'application de la loi, car on envisage notamment au Canada de rendre obligatoires les analyses de sang. Je ne crois pas qu'il existe un précédent à cet égard, mais je crois que dans vos États, les policiers peuvent effectuer des analyses de sang sur les lieux. Comme nous l'avons entendu ce matin, nos policiers sont réellement préoccupés par la façon dont cela se fera.
    Pouvez-vous nous dire quelles règles s'appliquent aux jeunes de moins de 21 ans? Existe-il des limites légales qui ont été établies pour eux quant à la possession aux fins de consommation personnelle? Pouvez-vous aussi nous parler un peu de l'application de la loi et des analyses de sang?
    Pour répondre brièvement à votre première question, je peux dire que, pour l'utilisation chez les jeunes de moins de 21 ans, nous permettons l'utilisation à des fins médicinales chez les jeunes de 18 ans et plus qui disposent d'une ordonnance d'un médecin. Je ne peux pas répondre à l'autre question, car je ne suis pas suffisamment au courant des données à ce sujet, alors j'espère que M. Garza ou M. Kamin pourront vous répondre.
    Pour ce qui est de la possession chez les jeunes de moins de 21 ans qui ne détiennent pas une ordonnance d'un médecin, nous considérons qu'il s'agit d'une infraction, au même titre que la possession d'alcool. Essentiellement, il s'agit d'une infraction criminelle mineure.
    Monsieur Garza.
    Comme c'est le cas au Colorado, si vous êtes âgé de 18, 19 ou 20 ans, vous pouvez acheter de la marijuana médicinale si vous possédez une ordonnance, et, si vous êtes plus jeune, vous pouvez l'obtenir d'un fournisseur.
    Dans l'État de Washington, une personne mineure qui possède du cannabis ou essaie d'en acheter commet un acte délictueux grave, ce qui constitue une infraction beaucoup plus grave que dans les autres États dont on vient de parler. Je suis étonné qu'il n'y ait pas eu de changement à cet égard au cours des dernières années, car dans l'État de Washington la loi est assez sévère là-dessus.

  (1525)  

    Pouvez-vous aborder la question des analyses de sang. Comment s'y prend-on dans vos États?
    Nous devons amener la personne dans un établissement de santé pour effectuer un prélèvement sanguin. On s'affaire actuellement à élaborer une technologie qui permettrait d'effectuer, par exemple, un écouvillonnage sur les lieux. Cependant, pour l'instant, on doit amener la personne dans un établissement de santé pour effectuer un prélèvement sanguin.
    D'accord, alors il faut amener la personne dans un établissement de santé pour faire une analyse.
    Oui.
    Est-ce coûteux?
    Oui, je suis certain que c'est coûteux.
    Dans votre État, comment procède-t-on?
    Je présume qu'on fait la même chose. Je ne crois pas que ce sont les agents qui effectuent cela sur les lieux.
    Les représentants de NORML veulent répondre également.
    Je vous remercie de me permettre de répondre. Je veux simplement aborder la question de la mesure du degré d'intoxication, précisément la mesure des taux de cannabinoïdes ou de THC. Comme je l'ai mentionné plus tôt, ces taux constituent les limites prescrites. Cela signifie qu'ils quantifient la concentration de certains produits dans le sang.
    Il est important de souligner, comme on l'a mentionné plus tôt, que les chefs de police n'approuvent pas l'utilisation des limites prescrites. Ils ont dit ceci:
Les limites permises fondées sur des faits ne sont pas étayées par des données scientifiques.
Il n'existe aucune preuve que les limites prescrites quantifient adéquatement l'état d'ébriété. Par conséquent, nous craignons qu'elles soient contestées devant les tribunaux. Nous savons que les gens réagissent différemment aux effets du cannabis. Les limites prescrites doivent être fondées sur les résultats de recherches et sur des données scientifiques pour asseoir leur crédibilité.
    Ainsi, bien qu'il soit possible au Canada de procéder sur les lieux à un écouvillonnage ou à une analyse sanguine, les limites prescrites n'indiquent pas nécessairement que la personne est en état d'ébriété, alors il serait problématique de tenir compte de ces limites pour déterminer l'état d'ébriété.
    Oui, nous sommes conscients qu'il n'existe pas de données scientifiques à l'appui.
    Je vous remercie, monsieur Carrie.
    J'ai beaucoup d'autres questions.
    Je sais, mais...
    J'ose espérer que vous nous permettrez d'inviter à nouveau ces personnes à comparaître devant le Comité.
     Brièvement, au sujet des statistiques sur l'utilisation par les jeunes, je peux dire que les taux ont tendance à monter et à descendre, mais qu'en moyenne, ils sont assez constants. Selon le Centre canadien sur les dépendances et l'usage de substances, les taux s'élevaient à 26 % en 2009, 20 % en 2012 et 25 % en 2015, alors je mets en doute les chiffres qui indiquent qu'il y a une diminution de la consommation. J'aimerais connaître les sources de ces données, car d'après ce que nous savons, la consommation chez les jeunes est demeurée assez constante au cours des 10 dernières années; il y a eu seulement des variations mineures. Je ne crois pas qu'on puisse affirmer que nous avons véritablement réussi à diminuer le taux de consommation chez les jeunes.
    Je vous ferai part de ces données si je les trouve.
    Monsieur McKinnon.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Premièrement, je tiens d'abord à dire à Mme Sampson et à M. St-Maurice qu'ils nous ont donné pas mal de renseignements à propos de l'état d'ébriété, de la mesure de l'état d'ébriété, des limites prescrites, etc. Ces renseignements ne concernent pas du tout la portée du projet de loi, mais je vous conseillerais de les transmettre au Comité de la justice dans le cadre de son étude du projet de loi C-46, qui débutera la semaine prochaine. Vous avez également demandé qu'on cesse les arrestations jusqu'à ce que la légalisation soit en vigueur, mais cela bien entendu n'est pas du tout du ressort du Comité.
    J'aimerais vous poser des questions au sujet des dispositions du projet de loi concernant la culture à des fins personnelles. Est-ce que ces dispositions posent un problème selon vous? Croyez-vous qu'elles pourraient être une source de détournement vers le marché criminel? Que pensez-vous du nombre et de la taille des plantes qui ont été établis?
    En ce concerne la culture à des fins personnelles en vue de la consommation par des adultes, la Loi concernant le cannabis prévoit de limiter la culture à quatre plantes pour les personnes de plus de 18 ans au sein d'un ménage. Même si c'est une amélioration par rapport à zéro, certaines des limites sont assez arbitraires lorsqu'on connaît la mesure dans laquelle les plantes poussent et la façon dont les adultes peuvent gérer cette croissance. Actuellement, la Loi concernant le cannabis prévoit que les plantes ne peuvent pas dépasser un mètre, ce qui est très restrictif puisque certaines souches peuvent naturellement croître bien davantage.
    Marc-Boris, avez-vous quelque chose à ajouter?

  (1530)  

    Je crois que la limite de quatre plantes est très basse et évite le risque de détournement. Bien entendu, peu importe ce qui est prescrit, les gens trouveront une façon de contourner la loi, que ce soit en faisant pousser la plante de cinq mètres à l'horizontale plutôt qu'à la verticale, pour éviter d'avoir à respecter la limite concernant la taille, ou bien en demandant aux voisins qui ne cultivent pas de cannabis s'ils peuvent cultiver quatre plantes dans leur cour. On établit une règle, et immédiatement quelqu'un trouve une façon de la contourner.
    Toutefois, il est certain que la loi doit permettre la culture à des fins personnelles pour donner le choix aux gens. S'ils ne veulent pas avoir recours au système établi par le gouvernement, ils pourront cultiver leur propre cannabis. On peut faire pousser ses propres tomates et on peut également faire pousser ses propres plants de tabac, mais je ne sais pas quel est le nombre autorisé. On peut également faire son propre vin et sa propre bière. Pourquoi en serait-il autrement en ce qui concerne la marijuana?
    Je crois que les limites sont plutôt basses, mais j'imagine qu'il faut trouver un juste milieu. Alors, on commence par quatre plantes.
    Je crois que toutes les dispositions du projet de loi devraient être réexaminées. On a parlé de piloter l'avion pendant qu'on est en train de le construire. C'est exactement ce que nous faisons en ce moment. Nous sommes en terrain inconnu. Il y a très peu d'endroits sur la planète où la marijuana a été légalisée, alors nous devons pouvoir réexaminer plus tard ces mesures et peut-être accroître le nombre de plantes permis ou établir d'autres mesures. Je sais qu'aux États-Unis on a opté pour le pied carré. On peut avoir une centaine de plantes dans un espace d'un mètre carré ou on peut avoir une seule plante de la taille d'un arbre de Noël. Fixer un nombre de plantes n'est peut-être pas la meilleure façon d'atteindre l'objectif visé.
    Est-ce que M. Kamin ou M. Hartman voudrait commenter sur le détournement possible d'une culture à des fins personnelles vers le marché criminel?
    Certainement.
    Comme je l'ai dit plus tôt, dans le marché des aidants naturels, qui ne fait pas partie du marché réglementé, on permettait jusqu'à 99 plantes par personne. Il était possible, comme M. St-Maurice l'a souligné, d'utiliser le droit de cultiver de ses voisins.
    Nous avons constaté que cela représentait une occasion de détournement, ce qui posait problème. Par conséquent, l'année dernière, notre assemblée législative a déterminé que le nombre de plantes qu'on pouvait cultiver à la maison serait ramené à 12, peu importe le nombre de personnes dont on s'occupe à titre d'aidant naturel.
    Je ne sais pas quel est le nombre adéquat, mais je peux vous dire qu'il est extrêmement important d'établir des balises pour que les agents d'application de la loi puissent évaluer clairement la situation et appliquer les lois et les règlements.
    Est-ce que cette limite quant à la taille est utile? Y a-t-il un lien entre le rendement d'une plante et sa taille?
    Selon la souche, une plante d'un mètre peut produire entre zéro et plusieurs centaines de grammes de cannabis, mais tout dépend de la façon dont la plante est cultivée et élaguée, des compétences de la personne qui la cultive et de la souche de marijuana en particulier. Si vous avez une plante d'un mètre et que vous oubliez de l'arroser et qu'elle meurt, votre rendement sera de zéro.
    C'est arbitraire. J'imagine qu'il faut commencer quelque part, mais je trouve un peu drôle d'établir cette limite d'un mètre. J'imagine les agents d'application de la loi se promenant avec leur ruban à mesurer et dire à la personne « Je suis désolé, votre plante dépasse la taille limite d'un centimètre. » Vont-ils couper ce centimètre supplémentaire et le saisir ou bien vont-ils enlever toute la plante? C'est un peu kafkaïen, à mon avis, d'avoir établi cette limite arbitraire.
    Très bien. Le temps est écoulé.
    Notre tour de cinq minutes est terminé. La parole est maintenant à M. Davies pour trois minutes.
    Je vous remercie.
    J'aimerais savoir ce qu'on fait au Colorado en ce qui concerne la marque, la publicité et l'étiquetage. L'un des objectifs du projet de loi est de retirer le produit du marché illicite. De nombreuses personnes qui cultivent le cannabis m'ont dit qu'elles souhaitent... Tout le monde convient qu'on ne doit pas faire de la publicité qui s'adresse aux enfants et que les produits doivent être sécuritaires et bien étiquetés. Tout cela est clair, mais d'après ce que j'ai entendu, la marque dans le marché légal doit servir à éliminer le produit du marché illicite.
    Je me demande comment vous gérez la question de l'étiquetage et de la marque.
    Je ne suis pas d'accord avec votre dernière affirmation. Je crois que tout dépend de la distribution et de la vente au détail pour que l'accès soit légal et pratique. Je suis conscient que nos défis sur le plan géographique sont différents des vôtres, alors la question est peut-être différente.
    Pour ce qui est de l'emballage, il s'agit d'une discussion que nous avons actuellement avec l'industrie et les autorités sanitaires, afin de déterminer précisément les informations qui doivent y figurer. Si une personne se présente à l'urgence et que le médecin ne sait pas ce qu'elle a consommé et que cette personne n'est pas en mesure de le dire, comment le médecin peut-il le savoir?
    On se demande également ce qu'il est raisonnable d'exiger de l'industrie en ce qui concerne les informations qui doivent figurer sur l'emballage. Comme je l'ai dit au début, nous allons toujours préconiser la santé et la sécurité du public, et il y aura toujours une tension naturelle. Je crois qu'il est extrêmement important que les emballages soient à l'épreuve des enfants, aussi près que possible du produit, et il faut savoir comment les consommateurs vont utiliser le produit de sorte que l'emballage à l'épreuve des enfants ne soit pas jeté à la maison avec l'emballage du point de vente.

  (1535)  

    Monsieur Kamin.
    Je ne suis pas d'accord au sujet de la marque. Je crois que c'est un aspect qui est utile pour les consommateurs. Je crois que particulièrement dans un nouveau marché où il y a de nouveaux consommateurs, pouvoir obtenir à chaque fois le même produit et la même expérience contribue à diminuer la consommation excessive. Cela permet aux gens d'avoir l'expérience qu'ils souhaitent. Vous pouvez comparer les marques d'un magasin à l'autre. Je crois que c'est important.
    Au Colorado, la publicité ailleurs qu'au magasin est interdite. Au magasin, on peut annoncer qu'on vend de la marijuana à des fins récréatives ou médicinales et on peut vendre une marque en particulier. On ne peut pas afficher quoi que ce soit d'autre, notamment les prix. On ne peut pas non plus offrir de dépliants. Rien de tout cela n'est permis. Si on a un magasin d'alcool à côté d'un magasin de cannabis, le premier aura une enseigne lumineuse et affichera les prix, mais le deuxième sera très sobre. Je crois que ce concept fonctionne très bien.
    À mon avis, on peut avoir des marques mais pas de la publicité.
    Cela ne s'applique peut-être pas aux États-Unis, mais au Canada, nous allons passer aux emballages neutres pour les produits du tabac. En ce qui concerne l'alcool, qui est très réglementé, les étiquettes des bouteilles de vin sont colorées et nous renseignent sur le produit. Au Colorado, est-ce qu'on a choisi l'emballage neutre ou est-ce qu'on fait comme dans le cas des spiritueux et du vin?
    Je dirais que c'est davantage comme les spiritueux et le vin, en ce sens qu'il y a des marques et que l'image est attrayante. À l'extérieur du magasin, par contre, c'est beaucoup plus...
    Je parle de l'étiquetage du produit en tant que tel.
    Monsieur Garza, je vous ai vu hocher la tête. Vouliez-vous dire quelque chose?
    Je voulais simplement dire que dans notre État c'est très similaire à ce qui se fait au Colorado. Essentiellement, ce qui nous préoccupe le plus à propos de la marque ou de la publicité, c'est la question de savoir si c'est attrayant pour les enfants ou les jeunes. Je dirais que les règles à cet égard s'apparentent à celles qui s'appliquent à l'industrie des spiritueux et de l'alcool. Je ne dirais pas que ce doit être différent.
    Je suis d'accord, sauf en ce qui concerne la publicité. On peut avoir des produits de marque, mais ils ne doivent pas être attrayants pour les enfants. Il ne doit pas non plus y avoir de commandites d'événements sportifs ni de publicité dans les journaux...
    Pardonnez-moi, je voulais parler de l'étiquetage, mais j'ai dit « publicité ».
    J'ai une brève question. Lorsque vous avez légalisé le cannabis, qu'en était-il de l'offre? Le premier jour, est-ce que l'offre était suffisante? Que s'est-il passé?
    Il y a eu un rationnement au début. Nous avons légalisé le cannabis neuf mois, je crois, avant l'État de Washington, alors nous avons été les premiers au pays à le faire. Des gens venaient de partout. Nous n'en avions probablement pas suffisamment au début. Les prix étaient très élevés dès le départ. Il y avait une grande différence entre le cannabis utilisé à des fins récréatives et celui consommé à des fins médicinales, ce qui a causé des problèmes. Tout est rentré dans l'ordre en l'espace de quelques mois.
    Je vais vous interrompre, car je veux que Mme Sampson ait le dernier mot.
    Madame Sampson, qu'avez-vous à dire?
    Qu'ai-je à dire concernant les leçons que le Canada peut tirer de nos camarades du Colorado, de Washington et de la Californie? Je comprends parfaitement le désir d'y aller petit à petit. On dit la même chose dans le milieu du cannabis, qu'il soit consommé sous forme de produit comestible ou par inhalation.
    Le cannabis existe depuis des milliers d'années, mais pour le Canada comme pour nombre d'autres pays, le cannabis légalisé est une nouveauté. Nous comprenons la volonté d'adopter une approche axée sur la santé publique et de procéder lentement, mais en même temps, l'exemple du Colorado nous montre que malgré les difficultés que l'État a connues, il est quand même allé de l'avant. Il a tout de même procédé à la légalisation, et ce sont les épreuves qu'il a essuyées qui lui ont permis de perfectionner son cadre de réglementation et d'en faire ce qu'il est aujourd'hui: une industrie florissante à laquelle les entrepreneurs peuvent participer. La légalisation permet d'offrir une gamme de produits à des adultes consentants et elle génère des recettes fiscales énormes pour l'État, qui s'en sert, selon ce que j'ai entendu, pour bâtir des écoles et réparer les infrastructures.
    Ce que j'ai à dire au Canada par rapport à ce qui se fait ailleurs, c'est: « Allez-y. »
    D'accord. C'est tout. Le temps que nous avions pour ce groupe est écoulé.
    Merci à tous les témoins. Nous sommes très chanceux d'avoir accès à vos connaissances et à votre expérience, et nous vous en sommes très reconnaissants. Au nom des membres du Comité, je vous remercie de nous avoir permis de bénéficier de vos connaissances et de votre expérience.
    J'ai une question pour M. Kamin.
    Vous avez parlé d'une personne sud-américaine, je crois, qui s'est présentée à la frontière américaine et à qui on a refusé l'accès parce qu'elle avait fumé de la marijuana. Si cette personne avait été un citoyen américain qui rentrait aux États-Unis, il n'y aurait pas eu de pénalité, de questions ou quoi que ce soit.

  (1540)  

    Oui. Un citoyen américain a le droit de rentrer au pays. Toutefois, comme je l'ai déjà dit, nous partageons une très longue frontière. Les priorités en matière d'application de la loi du gouvernement fédéral suivent les politiques. C'est difficile de savoir exactement comment cela fonctionnera.
    Merci beaucoup.
    Merci d'avoir participé, monsieur Garza.
    Merci à tous les témoins d'avoir participé.
    Nous allons suspendre la séance et la reprendre à 16 heures.

  (1540)  


  (1600)  

    Nous reprenons la 65e séance du Comité permanent de la santé et nous poursuivons l'étude du projet de loi C-45.
    Cet après-midi, nous recevons, à titre personnel, M. Marco Vasquez, chef de police à la retraite de la ville d'Erie, au Colorado. Merci beaucoup. Il se joint à nous par vidéoconférence.
    Nous accueillons également M. Andrew Freedman, directeur de Freedman and Koski, une société d'experts-conseils qui se spécialise dans la mise en oeuvre de lois sur la marijuana, et M. Kevin Sabet, président de Smart Approaches to Marijuana. Aussi, avec la permission du Département de la Santé de l'État de Washington, nous accueillons, par vidéoconférence d'Hawaï, Mme Kristi Weeks, directrice des relations gouvernementales.
    Voici comment nous procédons: chaque personne a droit à 10 minutes pour présenter une déclaration préliminaire, puis nous faisons 3 séries de questions. Nous allons commencer par le chef Vasquez. Je vous invite à vous présenter et à faire votre déclaration de 10 minutes. Je le répète, vous êtes au Colorado, et nous vous remercions de vous joindre à nous.
    C'est un honneur pour moi de m'adresser au Comité; je vous remercie. Je m'appelle Marco Vasquez et je suis chef de police à la retraite au Colorado. J'ai travaillé dans des services de police au Colorado pendant plus de 40 ans. J'ai passé 32 de ces années au Denver Police Department, où j'ai travaillé à l'application de la loi sur les stupéfiants pendant environ 12 ans. Je me suis retiré du service de police de Denver en 2008 et j'ai été nommé chef du Sheridan Police Department, près de la frontière sud-ouest de Denver. Puis, en 2011, je suis devenu le premier chef des enquêtes de la nouvelle division d'application de la loi sur l'usage de la marijuana à des fins médicales, ou la MMED.
    J'ai aidé à élaborer le cadre de réglementation visant les entreprises de marijuana utilisée à des fins médicales au Colorado. En 2013, je suis revenu à la police municipale: j'ai été nommé chef de l'Erie Police Department, une ville située à environ 25 milles au nord de Denver. En même temps, je suis aussi devenu coprésident de la Colorado Association of Chiefs of Police pour les questions relatives à la marijuana.
    Durant mes 40 années de carrière au sein de la police, la sécurité publique et la protection de nos collectivités ont toujours été mes priorités. J'ai une certaine connaissance de l'expérience vécue au Colorado par rapport à la légalisation de la marijuana puisque j'ai été chef des enquêtes de la MMED pendant deux ans et, je le répète, puisque j'ai occupé le poste de président de la Colorado Association of Chiefs of Police.
    En 2013, la CACP a préparé un exposé de position sur la marijuana. Il a été publié le 13 mars 2014. J'aimerais vous en lire un extrait:
Philosophie et position:
La Colorado Association of Chiefs of Police (CACP) reconnaît que l'amendement 20 et l'amendement 64 de la Constitution du Colorado ont été adoptés par les électeurs en 2000 et en 2012 respectivement. L'Assemblée générale du Colorado a adopté des lois dans le but de légaliser la culture, la distribution, la possession et la consommation en privé de petites quantités de marijuana et de marijuana à des fins récréatives. En 2013, l'Assemblée générale du Colorado a adopté des lois qui ont légalisé et réglementé la culture commerciale et la vente au détail de petites quantités de marijuana. Les lois portant sur la culture, la vente et la possession de marijuana à des fins médicales et récréatives ont été adoptées par l'Assemblée générale du Colorado et promulguées par le gouverneur. La CACP reconnaît que les points de vue et les normes de la société à l'égard de la consommation de marijuana évoluent, mais nous croyons que la sécurité publique est aussi de la plus haute importance pour nos citoyens, nos entreprises et nos visiteurs.
La Colorado Association of Chiefs of Police est d'avis que la mission et la préoccupation principales des agents chargés de l'application de la loi qu'elle représente sont la prévention et la réduction de la criminalité et du désordre. La légalisation de la marijuana aura des conséquences néfastes sur la sécurité routière et sur la sécurité des collectivités du Colorado. La CACP effectue des recherches et travaille à la mise en place de pratiques et de stratégies qui protégeront nos collectivités.
Il est reconnu que les agents de la paix du Colorado ont le devoir et la responsabilité de faire respecter la Constitution du Colorado, les amendements qui y sont apportés, ainsi que les lois locales, étatiques et fédérales.
L'incompatibilité de la législation fédérale et de la législation de l'État en ce qui touche la marijuana demeure un obstacle important qui doit être supprimé dès que possible.
La Colorado Association of Chiefs of Police croit que l'usage répandu de la marijuana pourrait nuire à la sécurité, à la santé et au bien-être des citoyens et des entreprises du Colorado, ainsi que des visiteurs. La consommation de marijuana risque de compromettre notre sécurité routière, et la légalisation de la marijuana risque de causer une augmentation de la consommation de marijuana et d'autres drogues dans nos écoles.
La Colorado Association of Chiefs of Police soutient les efforts de sensibilisation visant à réduire la consommation de marijuana chez les jeunes et à souligner les dangers que la consommation de marijuana pose pour les collectivités et les individus.
    Je le répète, ce que je viens de vous lire est un extrait de l'exposé de position publié en mars 2014. J'ai été membre de nombreux groupes de travail et comités, notamment le sous-comité d'application de la loi du groupe de travail sur la mise en oeuvre de l'amendement 64, ainsi que des comités sur la collecte de données, les produits comestibles et la puissance. J'ai discuté avec de nombreuses parties intéressées, y compris des propriétaires d'entreprises, des agents chargés de l'application de la loi, des organismes de réglementation et des décideurs politiques. Je crois avoir une bonne compréhension de ce qui s'est produit durant le processus de légalisation de la marijuana au Colorado.

  (1605)  

    C'est un honneur pour moi de m'adresser à vous en compagnie de plusieurs spécialistes de la légalisation de la marijuana. Les autres témoins en savent beaucoup plus long que moi sur la légalisation de la marijuana, mais je peux parler de ses répercussions sur l'application de la loi au Colorado.
    J'utilise une formule simple pour décrire ce qui se passe au Colorado. Lorsqu'on accroît l'accès à un produit, qu'on diminue la perception du risque et qu'on augmente l'acceptabilité sociale, l'usage du produit se répand. Une fois que l'usage est répandu, il devient très difficile de faire en sorte que la marijuana ne tombe pas dans les mains des jeunes. Des études dont les résultats ont été confirmés montrent que la consommation de marijuana chez les jeunes de moins de 30 ans, surtout la consommation chronique, peut nuire au développement du cerveau. Nous savons aussi qu'un jeune sur six devient dépendant à la marijuana.
    Nous avons certainement constaté une augmentation de la consommation de marijuana au Colorado, et je suis d'avis que cette augmentation finira par intensifier le désordre et les facteurs de risque chez les jeunes. Nos collectivités sont déjà en proie à un désordre accru.
    Parce que la légalisation de la marijuana au Colorado touche la consommation, la culture et la distribution à la fois commerciales et non commerciales, les organismes d'application de la loi ont eu beaucoup de choses à apprendre rapidement. Nous avons eu des difficultés surtout par rapport à l'industrie non commerciale et non autorisée des marchés gris et noir. M. Andrew Freedman pourra parler de certaines mesures que l'État a prises à l'égard de l'industrie de la marijuana non réglementée au Colorado.
    Les questions ayant eu une incidence sur l'application de la loi au Colorado que nous avons cernées au cours des dernières années comprennent le manque de systèmes de collecte de données permettant de quantifier les répercussions de la légalisation de la marijuana et le manque de clarté dans la mise en oeuvre des amendements 20 et 64. Les organismes de réglementation et d'application de la loi essaient toujours de comprendre l'intention du législateur, notamment le terme « en public ».
    Par ailleurs, les produits comestibles et les concentrés nous ont pris par surprise, et ils ont eu des répercussions négatives sur la santé et la sécurité publiques. Les concentrations élevées de THC trouvées dans les produits de vapotage et les extraits remettent en question nos connaissances sur le cannabis. Quelques explosions ont été causées par l'extraction d'huile de cannabis au butane au Colorado.
    La toxicomanie demeure très courante au Colorado, et la légalisation de la marijuana n'a pas entraîné une diminution du recours aux opioïdes pour le traitement de la douleur. Le Colorado a la particularité d'occuper le deuxième rang de la consommation abusive d'opioïdes aux États-Unis.
    En outre, la détection et la poursuite des conducteurs aux facultés affaiblies posent problème depuis le début. Au Colorado, nous avons une norme permissive de 5 nanogrammes, mais la marijuana est très différente de l'alcool, et nous n'avons pas les outils nécessaires pour évaluer à quel point les facultés sont affaiblies par le THC. Le nombre de décès liés au THC a augmenté.
    La culture dans des milieux non réglementés, comme chez les dispensateurs de soins et dans les coopératives, a contribué au détournement vers les jeunes et au trafic à l'extérieur de l'État. Des criminels organisés se sont installés au Colorado et font pousser de grandes quantités de marijuana dans des maisons louées et des entrepôts. Presque toute leur marijuana est envoyée à l'extérieur de l'État.
    Il y a eu une hausse du désordre et de la criminalité à Denver, au Colorado. Le nombre de sans-abri a augmenté, et beaucoup de sans-abri nous disent qu'ils se trouvent dans cette situation à cause de la légalisation de la marijuana.
    Enfin, les organismes d'application de la loi du Colorado ont de la difficulté à porter certaines accusations criminelles pour des comportements manifestement illégaux. À certains endroits, il y a eu ce qui semble être des cas d'invalidation de la part du jury, et nous avons constaté que les ordonnances municipales sont plus efficaces que les lois de l'État.
    Selon un article paru hier, je crois, dans le Washington Post, aux États-Unis, le nombre de consommateurs de marijuana qui sont des utilisateurs chroniques grimpe; le nombre de personnes qui en consomment tous les jours aurait augmenté de 19 % en 2016. Les utilisateurs quotidiens ont augmenté de 50 % depuis 2002. Selon une étude menée en 2014 par le Département du Revenu du Colorado, 20 % des utilisateurs chroniques consomment 80 % du cannabis au Colorado.
    Ainsi, sur le plan de l'application de la loi et de la santé publique, d'après moi, les plus grandes préoccupations sont l'utilisateur chronique, ainsi que les répercussions de la situation sur la sécurité routière et la sécurité des collectivités.
    Merci.

  (1610)  

    Merci beaucoup.
    Je vais maintenant donner la parole à M. Andrew Freedman, de Freedman and Koski. C'est intéressant de souligner que M. Freedman a été directeur de la coordination de la marijuana pour l'État du Colorado de 2014 à 2017.
    Monsieur Freedman, vous avez 10 minutes.
    Je suis ravi d'être ici. Je tiens à dire que c'est un grand honneur pour moi de pouvoir m'adresser à vous et je vous remercie de me recevoir.
    C'est vrai que j'ai été directeur de la coordination de la marijuana pour l'État du Colorado, un poste qui, à sa création, en a rendu plus d'un perplexe; les gens se demandaient quelles étaient les qualifications requises. Je vous assure que j'ai été sélectionné strictement parce que j'étais avocat et je connaissais bien les lois du Colorado, et parce que j'étais, à l'époque, le chef du personnel du lieutenant-gouverneur.
    Je me suis demandé quelles leçons tirées de notre État vous seraient les plus utiles aujourd'hui. Je me suis dit qu'un des points les plus importants, c'est la distinction entre les moments où la meilleure stratégie était de sensibiliser les Coloradans et ceux où il était préférable d'avoir recours à des principes punitifs d'application de la loi. J'ai donc tenté de diviser mon exposé principalement entre ces deux catégories. Je vous présenterai aussi d'autres informations pertinentes qui nous auraient été utiles à l'étape où vous en êtes.
    J'aimerais parler d'abord de la consommation chez les jeunes. Bien sûr, l'éducation par rapport à la consommation chez les jeunes est importante; je pense que personne ne dirait le contraire. Au Colorado, nous n'avons pas employé le bon ton au début, ce qui a certainement eu une incidence sur l'influence de nos campagnes de sensibilisation de la population et sur notre capacité d'éduquer les jeunes dès le départ. L'administration ne le voyait pas comme une tactique d'effarouchement, mais le message de la première campagne était: « Ne sois pas un rat de laboratoire. » Le but était d'informer les jeunes que les résultats des premières études étaient négatifs et de leur demander s'ils voulaient que ce soit leur cerveau que la science étudie plus tard.
    Ce à quoi nous n'avons pas songé en créant cette campagne, c'est que les jeunes sont toujours un peu sceptiques lorsqu'ils écoutent le gouvernement parler de la marijuana. Dans les campagnes suivantes, comme « Protège l'avenir », nous nous sommes efforcés d'évacuer toute forme de condescendance; nous avons tentons de parler aux jeunes de leurs objectifs de vie. Nous leur avons posé des questions comme: « Veux-tu obtenir ton permis de conduire? », « Veux-tu avoir des bonnes notes, veux-tu que quelqu'un t'accompagne à la danse, veux-tu faire partie d'une équipe sportive? », et « Penses-tu vraiment que la marijuana va t'aider à y arriver? ».
    Nous avons obtenu de bien meilleurs résultats aux post-tests réalisés après cette campagne. Nous avons donc tiré une leçon sur la façon de formuler le message de manière à sensibiliser les jeunes plutôt qu'à les réprimander.
    En outre, au Colorado, nous nous sommes appuyés fortement sur de très bonnes recherches issues de l'État de Washington concernant le recours à des spécialistes de la santé comportementale dans les écoles pour repérer les jeunes à risque, qui peuvent ensuite participer en tant que bénévoles à des programmes de santé comportementale. Jusqu'à maintenant, c'est la méthode la plus fructueuse que nous avons trouvée à la fois pour prévenir la consommation chez les jeunes et pour éloigner les jeunes de la toxicomanie.
    L'autre domaine qu'il vaut la peine de mentionner, c'est la consommation responsable. Après la légalisation, vous allez probablement entendre beaucoup parler de gens qui se rendent à l'hôpital ou qui appellent les centres antipoisons. La plupart des études ont montré que dans la majorité des cas, il s'agit de consommateurs naïfs — les touristes étant les consommateurs naïfs par excellence — qui essaient de nouveaux produits.
    L'exemple que les gens connaissent le mieux, bien que ce ne soit certainement pas le seul, ce sont les produits comestibles. Des touristes arrivent, ils n'ont nulle part où fumer et, franchement, les produits comestibles se consomment plus facilement. Ils en achètent et ils en prennent trop, comme ils prendraient trop d'alcool, mais c'est probablement pire avec la marijuana parce que l'effet n'est pas immédiat. Ils finissent par en consommer trop, ils prennent parfois aussi d'autres substances, comme de l'alcool, et ils se retrouvent à l'urgence.
    La bonne nouvelle, c'est que l'effet principal est un court épisode psychotique; on pourrait croire que ce n'est pas une bonne nouvelle, mais ce l'est. La personne est un danger pour elle-même et pour autrui durant l'épisode, mais il n'y a aucun effet à long terme sur la santé; il faut simplement attendre la fin de l'épisode.
    L'autre point à souligner et la raison pour laquelle j'ai placé cette question dans cette catégorie, c'est que nos efforts de sensibilisation ont contribué à réduire le nombre de cas. Les taux d'hospitalisation et le nombre d'appels aux centres antipoisons ont diminué depuis que nous avons mené notre campagne de sensibilisation aux effets considérables que les nouveaux produits peuvent avoir sur les utilisateurs et, de façon générale, depuis que nous travaillons à éduquer les consommateurs naïfs.
    Le troisième secteur est la conformité des titulaires de permis.

  (1615)  

    Nous avons remarqué que notre système comprend assez d'incitatifs pour que les titulaires de permis veuillent respecter la loi, et plus nous leur montrerons les moyens de se conformer à la loi, plus les taux de conformité augmenteront. L'éducation doit toucher à tout, des pesticides jusqu'à la consommation chez les jeunes.
    En général, du moins de la façon dont le régime a été construit au Colorado, les titulaires de permis avaient beaucoup trop d'argent en jeu. Comme ils ne voulaient pas perdre leur permis, les taux de conformité étaient très élevés dans certains cas, beaucoup plus élevés que les taux de conformité chez les titulaires de permis d'alcool se trouvant dans des situations comparables.
    Les secteurs où il faut s'attendre au pire ont déjà été abordés à quelques reprises. Le plus important est le détournement vers l'extérieur du pays et, dans le cas du Colorado, vers l'extérieur de l'État. Malheureusement, aux États-Unis, la légalisation se fait une région à la fois plutôt que dans tout le pays en même temps. Bien sûr, lorsque vous partagez une frontière avec un État qui pratique la prohibition, l'incitatif économique de cultiver le produit et de l'expédier est très grand. Vous devez donc être en mesure d'examiner votre système et de déceler les failles qui pourraient ouvrir la porte aux abus.
    Au Colorado, cette faille était la culture à domicile. Comme le chef Vasquez l'a mentionné, c'est principalement le régime de marijuana à des fins médicales qui permettait la culture à domicile dans une assez grande mesure, mais le régime de marijuana à des fins récréatives la permettait aussi. Les organismes d'application de la loi ne s'y retrouvaient donc plus entre les deux, et il y a eu beaucoup de cas d'invalidation de la part du jury. Nous avons dû retourner à la table de travail et rectifier nos lois. C'est aussi par cette porte que le crime organisé est entré au Colorado, et, franchement, le crime violent aussi.
    Ainsi, le premier conseil que je donne à tous, c'est d'examiner attentivement le régime non autorisé. Penchez-vous également sur le régime autorisé, et partout où vous constatez de l'abus lié au détournement vers l'extérieur de l'État ou du pays, prenez vite des mesures pour y mettre fin.
    Par ailleurs, il y a des questions sur lesquelles nous en savons trop peu, et honnêtement, nous avons hâte de voir ce que le Canada fera afin d'en apprendre davantage. Il y a certainement des tendances qui méritent notre attention.
    La conduite avec facultés affaiblies par la drogue en est une. Nous employons deux ensembles de données à cet égard. D'abord, nous avons les données sur les arrestations pour conduite avec facultés affaiblies par la drogue. Je vous dirais qu'à ce point-ci, ces données ne sont pas fiables et ne valent pas la peine d'être examinées, parce que chaque État qui a adopté des lois sur la marijuana a ensuite adopté de nouvelles lois sur la conduite avec facultés affaiblies par la drogue. De plus, ils ont employé une partie des fonds pour former les policiers afin qu'ils puissent contrôler les gens pour conduite avec facultés affaiblies par la drogue.
    Le FARS, un système d'information sur les accidents mortels, est bien plus utile. Il n'a pas beaucoup changé depuis la légalisation et il est plus objectif que nos systèmes liés à la conduite avec facultés affaiblies par la drogue. En ce moment, nous ne pouvons pas établir la causalité, mais selon les tests, le nombre de personnes qui conduisent avec facultés affaiblies par la drogue a augmenté, et cela comprend le THC actif. Cela signifie que chez les personnes impliquées dans un accident mortel, les tests révèlent une plus grande présence de THC actif chez un plus grand pourcentage de conducteurs qu'avant la légalisation. Il s'agit d'un secteur qui nécessite à la fois beaucoup plus de recherches et, franchement, l'adoption de pratiques exemplaires parce que peu de travail a été fait sur ce plan jusqu'à maintenant.
    La consommation chez les adultes a aussi été mentionnée. Au Colorado, nous n'avons pas de données de qualité qui montrent dans quelle mesure l'incapacité fonctionnelle, la consommation excessive et les troubles liés à la consommation de cannabis ont changé depuis la légalisation. Honnêtement, si je pouvais refaire les sondages d'il y a 10 ans, je poserais des questions sur la fréquence de consommation, mais nos questions principales concernent la consommation sur une période d'un an et de 30 jours. Vous devriez faire en sorte que vos systèmes de données recueillent ces informations dès que possible, et non dans 5 à 10 ans. Nous n'avons même pas de ligne de tendance encore au Colorado.
    Pour aborder très brièvement d'autres questions pertinentes, je sais que la taxation et l'utilisation des recettes seront toujours des sujets de discussion. D'après moi, l'argument du marché noir n'est pas le facteur le plus important en ce moment. Les économies d'échelle sont beaucoup plus étroitement liées à la réduction progressive du prix de la marijuana que les recettes fiscales. C'est certainement possible d'établir des taux d'imposition trop élevés et de créer un marché noir — comme avec les cigarettes —; vous devez donc en tenir compte.
    Durant les premières années de la légalisation, toutefois, le prix de la marijuana dépendra beaucoup plus des économies d'échelle que de questions relatives aux recettes fiscales. Peu importe ce que vous avez en tête, gardez l'esprit ouvert parce que le prix diminuera rapidement en fonction des économies d'échelle.
    Cela étant dit, à mon avis, les recettes fiscales ne devraient pas être un des moteurs de la légalisation. Au Colorado, elles représentent moins de 1 % de notre revenu total, mais dans l'esprit des électeurs, elles en constituent environ 95 %. Les médias en parlent donc constamment, ce qui porte les gens à croire que c'est assez pour réparer les écoles ou le transport, alors que ce ne l'est pas.

  (1620)  

    Je vous encourage à songer à investir les fonds dans des problèmes de santé publique précis, les sans-abris par exemple, des dossiers dans lesquels on ne verse habituellement pas de flux de rentrées et où il est possible d'apporter des changements considérables, car peu importe le dossier dans lequel vous choisirez d'investir les fonds issus de la marijuana, vous devrez être prêts à ce que ces fonds cessent de se renouveler. Tout le monde pense qu'on peut tout régler grâce aux recettes générées par la marijuana.
    Enfin, je vais parler des données, de la façon de les analyser, et je vais présenter des suggestions. Nous avons cinq normes relatives aux données.
    Premièrement, vous devez prendre les mesures nécessaires pour avoir de très bonnes données de base. Nous n'avions pas de bonnes données de base sur les exclusions temporaires de l'école liées à la marijuana. Nous avions juste des données sur les exclusions temporaires liées à la drogue. La marijuana est peut-être la cause de 50 à 60 % de ces exclusions, mais cette approximation n'est pas suffisante. Vous devez absolument avoir des données au préalable, y compris sur la conduite avec facultés affaiblies par la drogue; cela vous aidera à percevoir rapidement les problèmes de santé et de sécurité publiques.
    Deuxièmement, dans la mesure du possible — et c'est très difficile —, il faut éviter l'observation orientée. D'après moi, un des effets de la légalisation, c'est que tout le monde devient très conscient de la marijuana, y compris les médecins. Ils diront qu'ils notent plus souvent la présence de marijuana qu'auparavant parce qu'ils posent plus de questions. Si vous pouvez éviter l'observation orientée, encore une fois, vous aurez de meilleures données qui vous permettront de remarquer les problèmes de santé et de sécurité publiques.
    Troisièmement, on vous incitera à recueillir des données pour déterminer si la légalisation est une bonne ou une mauvaise idée. À mon avis, ce ne sont pas les données qu'il faut chercher. Votre pays a déjà décidé ce qu'il voulait faire. Vous devriez plutôt chercher des données pertinentes relatives à la santé et à la sécurité publiques qui pourront mener à des changements.
    Enfin, quatrièmement, les données doivent être recevables. Je connais beaucoup d'organismes qui disposent de bonnes données sur le suivi du cannabis de la semence jusqu'à la vente, mais qui ne sont pas prêts à les présenter devant le tribunal. Si vous n'avez pas suffisamment confiance en vos données pour les utiliser de la manière dont vous avez besoin de les utiliser, elles sont inutiles. Vous pouvez faire beaucoup de choses avec vos données. Je vous recommande de veiller à ce que tous vos systèmes, surtout celui de suivi du cannabis de la semence jusqu'à la vente, communiquent avec vos systèmes de données de santé et de sécurité publiques afin que vous déceliez les problèmes le plus rapidement possible.
    Sur ce, je serai ravi de répondre à vos questions. Merci d'avoir pris le temps de m'écouter.

  (1625)  

    Merci beaucoup.
    Je donne maintenant la parole à Mme Kristi Weeks, directrice des relations gouvernementales du Département de la Santé de l'État de Washington, qui se joint à nous par vidéoconférence.
    Merci beaucoup. Je vous demande pardon pour les problèmes techniques. Je suis en vacances à Hawaï et je n'ai donc pas accès à mon réseau de soutien habituel.
    Aujourd'hui, j'aimerais vous parler de l'expérience de l'État de Washington et de sa transition d'un système non réglementé de consommation à des fins médicales à un système réglementé de consommation à des fins récréatives et médicales. Le système relatif à l'usage médical a été approuvé au moyen d'une initiative des électeurs en 1998. L'initiative était très simple. Elle permettait la défense affirmative pour les poursuites criminelles intentées contre les patients et leurs fournisseurs de soins qui possédaient un approvisionnement en marijuana de 60 jours ou moins. Elle n'autorisait pas la production ou le traitement commercial, la vente ou d'autres transactions, la réglementation par un organisme gouvernemental quelconque, le droit de consommer de la marijuana, ainsi que la légalisation ou la protection des patients et de leurs fournisseurs de soins contre les arrestations.
    Comme je travaille au département de la Santé, je m'intéresse beaucoup au rôle du fournisseur de soins de santé. Les médecins, les ostéopraticiens, les adjoints aux médecins, les infirmières praticiennes autorisées avancées et les naturopathes peuvent autoriser la consommation de marijuana à des fins médicales. Ils peuvent discuter des risques et des avantages, signer le formulaire d'autorisation du patient et témoigner en cour. Ils devraient aussi offrir de l'information sur la marijuana, mais ils ne peuvent pas légalement fournir ou administrer de la marijuana.
    Ensuite, peu de choses se sont passées pendant de nombreuses années, jusqu'à l'adoption, en 2012, de l'initiative concernant l'usage récréatif, qui permet, bien sûr, aux adultes âgés de 21 ans et plus d'acheter jusqu'à une once de marijuana et les quantités équivalentes de liquides et de produits comestibles, obtenus à partir d'un réseau de producteurs privés, de transformateurs et de détaillants autorisés par l'État. Les caractéristiques du marché récréatif qui manquait au marché médical étaient la réglementation et l'application de la loi, le suivi des semences jusqu'à la vente, les exigences relatives aux essais et à l'étiquetage, les portions limitées, les restrictions applicables aux produits qui pourraient attirer les enfants, ainsi que toute forme de taxation.
    Lorsque l'initiative relative à l'usage récréatif a été adoptée en 2012, elle a attribué un certain pourcentage des recettes fiscales au département de la Santé pour créer et maintenir un programme d'éducation et de santé publique qui comprend une ligne d'information sur la consommation de marijuana, des subventions et des programmes pour les autorités sanitaires locales, ainsi que des campagnes médiatiques d'éducation ciblant les jeunes et les adultes séparément. Un des problèmes que cela a posés, c'est que le programme était financé par les recettes fiscales; or, la légalisation est entrée en vigueur en janvier 2013, tandis que les ventes ont seulement débuté le 7 juillet 2014. Ainsi, pendant 18 mois, la marijuana était légale dans l'État de Washington, mais nous ne touchions pas de recettes fiscales pour financer le régime.
    Un conseil que je vous donnerais, à vous ou à n'importe quelle entité gouvernementale qui met en place un régime relatif à la marijuana, c'est de prendre les mesures voulues afin de disposer de fonds pour l'éducation dès le départ et non de dépendre uniquement des recettes fiscales, ce qui vous placera dans une situation défavorable. Nos citoyens voulaient ardemment du matériel éducatif, mais nous n'avions pas les fonds nécessaires pour en créer. Maintenant que nous touchons des recettes de ventes, nous recevons environ 7,5 millions de dollars par année pour nos campagnes de sensibilisation, et nous en sommes à notre troisième campagne. Nous avons d'abord ciblé les parents et abordé la façon de parler à leurs enfants. Ensuite, nous nous sommes adressés aux jeunes de 16 à 18 ans. Actuellement, nous travaillons à une campagne qui vise les jeunes de 13 à 15 ans.
    Lorsque les ventes de marijuana utilisée à des fins récréatives ont commencé, nous nous sommes retrouvés avec deux systèmes parallèles: un marché récréatif fortement réglementé et taxé, et un marché médical non réglementé, non taxé et un peu chaotique. L'assemblée législative a donc commencé à chercher un moyen d'harmoniser les deux systèmes.

  (1630)  

    Cela s'est produit en 2015. Un projet de loi a été adopté pour prescrire un règlement sur l'usage de la marijuana à des fins médicales par l'entremise d'un système unique de producteurs autorisés, de transformateurs et de magasins de détail, avec un étiquetage uniforme, des essais, des normes relatives aux produits et des exigences précises pour les patients âgés de moins de 18 ans. Nous n'avions jamais eu ces mesures en place dans notre système médical initial. Nous ne tenions pas compte des patients mineurs. Par conséquent, nous avions des enfants qui obtenaient une autorisation pour se procurer de la marijuana à des fins médicales sans que leurs parents soient au courant, ce qui soulevait de nombreuses préoccupations.
    Les objectifs de l'harmonisation, du point de vue du département de la Santé, visaient notamment à clarifier l'expression « usage de la marijuana à des fins médicales ». Nous avons des normes très strictes dans notre loi concernant les circonstances pour être admissible à l'usage de la marijuana à des fins médicales, mais un grand nombre de personnes utilisent la marijuana pour s'auto-médicamenter. Est-ce un usage à des fins médicales ou récréatives? Nous voulions également des allégements fiscaux pour les patients inscrits dans notre base de données ou notre registre. De plus, nous voulions leur offrir une protection contre les arrestations pour la première fois, car, comme je l'ai dit, les gens n'avaient qu'une défense affirmative au tribunal jusque-là. Nous voulions également mieux protéger nos patients en nous assurant que les produits qu'ils consomment étaient testés et étiquetés adéquatement pour qu'ils obtiennent ce qu'ils pensaient obtenir lorsqu'ils se rendaient à notre dispensaire non homologué.
    Dans mes diapositives, qui ont été imprimées, je pense, vous pouvez voir certains des produits — nous avons deux pages de produits — et le type de substances que nous retrouvions sur le marché médical non réglementé avant 2015. Il y avait notamment des imitations de friandises et de gâteries populaires, des produits qui contiennent 1 000 milligrammes de THC dans un simple paquet. Comme vous le savez peut-être, une portion renferme 10 milligrammes, ce qui représente une grande quantité de marijuana. De plus, la friandise ressemble à un Twinkie. Un jeune enfant pourrait ne pas savoir qu'il s'agit d'un produit qui contient de la marijuana.
    J'ai également ici une photo que j'ai prise dans un dispensaire médical de produits comestibles sans inscriptions et non étiquetés. J'étais dans ce dispensaire. J'ai tenu un sac de craquelins Goldfish qui avaient été enduits de concentré de marijuana et j'ai interrogé trois travailleurs différents à ce dispensaire sur le contenu du sac, et les trois m'ont fourni des réponses différentes. D'un point de vue de la santé publique, c'est très préoccupant. Si vous êtes un patient et que vous avez besoin de ces produits pour votre santé, et que vous allez dans un dispensaire et que vous n'êtes pas en mesure de savoir ce que vous achetez... Vous n'aurez pas des produits uniformes et sécuritaires. Vous ne pourrez pas vous fier à ces produits.
    Après que le projet de loi en vue d'assurer une uniformité a été adopté en 2015, le département de la Santé s'est vu confier trois tâches importantes. Il y avait plusieurs tâches, mais je veux vous parler de trois d'entre elles. L'une est d'établir des règles pour les produits qui seraient bénéfiques aux patients. Une autre est de créer au sein du département de la Santé une nouvelle profession réglementée du nom de « consultant en usage de la marijuana à des fins médicales », et une autre est d'établir une base de données, mais la majorité des gens parlent d'un registre. Nous étions, jusque-là, le seul État qui avait légalisé la marijuana à des fins médicales et qui n'avait pas de registre. C'était une situation très frustrante. On me téléphonait régulièrement pour me demander combien de patients nous avions dans l'État de Washington qui consommaient de la marijuana à des fins médicales, et je n'avais aucune réponse à leur fournir parce que nous n'avions pas de moyen de les retracer.
    Pour les produits conformes, lorsque nous déterminions les produits qui sont bénéfiques aux patients, nous écoutions attentivement ce que nos patients avaient à dire et ce qu'ils voulaient de leur système. Ils voulaient de meilleurs tests de dépistage de pesticides, de métaux lourds et de mycotoxines parce que les produits n'étaient pas testés sur le marché à des fins récréatives. Comme je l'ai mentionné plus tôt, nous voulions également des exigences additionnelles pour l'étiquetage, la manipulation sécuritaire et la formation des employés. Dans mes diapositives, que vous avez devant vous, j'ai une photo sur laquelle on peut voir à quoi ressemble un produit conforme. Les produits qui répondent à toutes ces exigences et ces règles peuvent utiliser une étiquette élaborée par le département de la Santé pour montrer à l'acheteur que le produit satisfait à ces normes de qualité améliorées.

  (1635)  

    Pour les consultants en usage de la marijuana à des fins médicales, c'était un compromis entre notre initiative à des fins récréatives qui soutenait que les gens dans les magasins de détail n'étaient d'aucune façon autorisés à discuter des avantages médicaux de la marijuana. Comparez cela à ce qui se passait dans nos dispensaires non homologués où les travailleurs pratiquaient essentiellement la médecine sans permis au quotidien et qui pouvaient notamment dire aux gens que s'ils utilisent un produit, ils guériront leur cancer et n'auront pas à revoir leur oncologue.
    La mesure législative essayait d'atteindre un équilibre entre les deux en créant une nouvelle profession où les gens ont une certaine formation, mais ne sont pas des professionnels de la santé. À l'heure actuelle, nous avons trois programmes de formation pour les consultants. Deux de ces programmes sont offerts en ligne, si bien que nous pouvons rejoindre les populations rurales. Nous avons reçu un peu plus de 1 100 demandes et émis 720 certificats. Ce sont des gens qui peuvent seulement travailler dans un magasin de détail et qui peuvent donner des conseils sur la sélection des produits, mais pas sur les soins médicaux.
    Notre troisième grande tâche consistait à créer une base de données. Elle a été mise en ligne le 1er juillet 2016, le jour où tous les dispensaires non homologués et essentiellement illégaux ont dû fermer leurs portes. Les cartes initiales et renouvelées coûtent un dollar. Ce n'est pas obligatoire. C'est sur une base volontaire, et si vous êtes dans la base de données, vous avez l'avantage de ne pas payer la taxe de vente. Vous pouvez cultiver plus de plantes. Vous pouvez acheter plus de produits. C'est complètement sur une base volontaire.
    Madame Weeks, je me demande si vous pouvez m'entendre.
    Jusqu'à présent, nous avons émis 25 662 cartes, dont 100...
    Madame Weeks, je me demande si vous pouvez...
    Monsieur, je vois que vous parlez, mais je ne vous entends pas.
    Je vous demanderais de conclure vos remarques, car nous devons passer à la période des questions. Nous avons un autre témoin à entendre, puis nous passerons aux questions.
    Pouvez-vous m'entendre?

  (1640)  

    Je suis désolé que vous ne puissiez pas nous entendre, mais nous avons un dernier témoin à entendre, puis nous passerons à la période des questions.
    Je vais céder la parole à M. Sabet. M. Kevin Sabet est le président de Smart Approaches to Marijuana. Il est également le directeur de l'Institut des politiques en matière de drogues de l'Université de la Floride.
    Monsieur Sabet, vous avez 10 minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Mon épouse canadienne est très fière de moi en ce moment. C'est un honneur de comparaître devant vous. Ma belle-mère est probablement encore plus fière, alors c'est probablement plus important. Je tiens à vous remercier tous de tenir ces délibérations. J'aimerais que nous ayons un vrai débat à ce sujet aux États-Unis, plutôt que de diffuser des messages télévisés de 30 secondes financés par les gens qui ont gagné la bataille. C'est une approche bien meilleure et, personnellement, je veux remercier le gouvernement et tous les citoyens canadiens d'être un pays accueillant et d'avoir accueilli mes beaux-parents qui fuyaient la persécution il y a de cela 35 ou 40 ans. C'est un endroit très spécial.
    À mesure que le Canada se lance dans cette discussion en tant que pays qui se classe au deuxième rang dans le monde pour la consommation de cannabis, je pense que vous avez deux choix pour apporter des changements de politique.
    Premièrement, les législateurs peuvent écouter les défenseurs de la santé publique et les gens pour qui l'adoption de ces politiques n'offre aucun incitatif financier. L'opinion de ce groupe désintéressé se fonde sur des données scientifiques et sur ce qui s'est produit avec d'autres substances légalisées dans le passé. Nous avons déjà légalisé des substances, à savoir l'alcool, le tabac et des produits pharmaceutiques sur ordonnance. À partir de ces renseignements, la majorité de ces associations, les gens qui travaillent dans le secteur de la santé publique, rejettent la légalisation pour favoriser une réforme relative au cannabis qui abolirait les sanctions pénales et qui ne punirait pas les utilisateurs, mais qui ne normaliserait et ne commercialiserait pas le cannabis et n'en ferait pas la promotion. Je pense qu'il y a une fausse dichotomie selon laquelle on doit soit criminaliser, soit légaliser. Je pense que c'est une fausse dichotomie.
    Maintenant, si on ne peut pas le faire et que les décisions ont été prises, alors je dirais qu'une politique de découragement et de dissuasion axée sur des règlements et des messages fondés sur des données scientifiques solides au sujet des résultats de l'utilisation du cannabis est certainement préférable à la politique visant à faire passer les gens d'affaires avant la santé et la sécurité du public.
    Par ailleurs, on peut ignorer les scientifiques et ne pas écouter les experts en santé et sécurité publiques, de même que les obligations du pays en vertu des traités internationaux des Nations unis, et écouter les gens qui ont un intérêt financier à promouvoir, à normaliser et à légaliser le cannabis. Ces lobbyistes et les groupes qu'ils représentent toucheront des sommes importantes si le cannabis est légalisé. Plus il y a de gens qui en consomment, plus ils gagneront d'argent. Nous connaissons les conséquences de cette approche avec l'expérience que d'autres pays ont eue avec le tabac. Cela a été notre plus grande catastrophe en matière de santé publique mondiale: faire fi des données scientifiques sur les effets négatifs, promouvoir l'utilisation du tabac auprès des enfants et d'autres populations vulnérables et manipuler la substance pour accroître ses effets d'accoutumance et ses profits.
    Malheureusement, dans mon pays, aux États-Unis, nous avons emprunté la dernière avenue. Elle a déjà entraîné des conséquences négatives. Bien entendu, l'ensemble complet des conséquences négatives ne se feront pas sentir avant plusieurs décennies probablement, telles que la maladie mentale, la schizophrénie, la psychose, car ces problèmes ne se manifestent pas du jour au lendemain.
    Nous savons que l'utilisation du cannabis est en hausse, comparativement au reste du pays, dans les États où il a été légalisé. Une industrie commerciale qui abonde en lobbyistes nuit régulièrement à une réglementation adéquate. Rendez-vous dans des endroits comme l'Oregon et vous verrez des panneaux publicitaires sans mises en garde, des coupons et des produits comestibles de couleurs vives. Ils étaient censés être réglementés en dehors du marché. Il y a également des inquiétudes concernant la conduite avec facultés affaiblies par la drogue.
    Je travaille dans ce dossier depuis plus de 20 ans. J'ai examiné la question d'un point de vue non partisan. J'ai travaillé récemment au sein de l'administration Obama où j'ai eu le privilège de participer à la rédaction de la stratégie nationale de lutte contre la drogue du président, qui misait sur une approche axée sur la santé publique. J'ai également travaillé avec des intervenants d'autres partis. J'ai conseillé le Royaume-Uni avant et après mes études de doctorat à Oxford. Je suis profondément préoccupé par l'orientation que nous prenons dans ce dossier car le cannabis moderne de qualité supérieure n'est pas le cannabis d'autrefois. Nous avons appris à manipuler les niveaux de THC, et c'est la raison pour laquelle j'ai cofondé avec Patrick Kennedy, le fils du regretté sénateur Ted Kennedy, un groupe du nom de Smart Approaches to Marijuana.
    Nous avons fait front commun avec de grands organismes de santé et de sécurité publiques pour rejeter catégoriquement la légalisation en tant que bonne politique publique, mais aussi pour rejeter la criminalisation et l'arrestation de personnes pour la consommation de petites quantités de cannabis, mais nous sommes très préoccupés par les variétés de cannabis qui existent de nos jours — qui viennent sous forme de produits comestibles attrayants qui plaisent aux enfants comme des bonbons, de la crème glacée et des sodas —, ce qui représente une grande partie du marché du cannabis dans les États qui ont légalisé la substance.
    La légalisation et l'industrialisation sont responsables de ces produits. Soyons très clairs. Il n'existe aucun moyen efficace de fabriquer des produits très puissants sans avoir accès à la technologie et aux capitaux que génère la légalisation.

  (1645)  

    Je suis très inquiet du fait que d'anciens dirigeants provinciaux, des gens qui ont servi le bien public et qui ont quitté leur poste, annoncent maintenant qu'ils démarreront des entreprises dans le secteur du commerce du cannabis et utilisent ces renseignements privilégiés.
    En ce qui concerne la santé, vous avez entendu les témoignages de gens qui ont étudié ce dossier de façon beaucoup plus poussée que moi, notamment des représentants de l'association des psychiatres du Québec et d'autres organismes. Personne ne conteste les répercussions négatives, les répercussions à long terme plus particulièrement, de l'usage intensif de cannabis sur les jeunes. Les jeunes Canadiens seront moins employables, pour être honnête, sur le marché mondial si l'usage du cannabis continue d'augmenter. Ils ne pourront pas rivaliser contre d'autres pays. Je pense que c'est un véritable problème. Je pense que le lieu de travail est un problème réel au même titre que la sécurité en matière d'emploi.
    Je ne vais pas lire tout le témoignage. Je vais mentionner, par exemple, ce que la National Academy of Sciences a déclaré dans mon pays. Les plus éminents scientifiques viennent de se rencontrer et ont rendu public l'examen scientifique le plus exhaustif à avoir été diffusé dans le monde sur les effets négatifs du cannabis sur la santé. Je vous exhorte à le consulter. Je vous exhorte également à prendre connaissance des sondages qui ont été menés sur l'utilisation du cannabis chez les jeunes au pays. Quelques-uns de ceux auxquels Andrew a fait référence abordent la question des admissions à l'urgence, et nous avons des données des États du Colorado et de Washington à ce sujet également.
    Outre l'utilisation chez les jeunes et les admissions à l'urgence, je pense que le marché noir est une grave préoccupation. Nous nous berçons d'illusions si nous pensons que les grandes organisations de trafic de drogue ne saisiront pas toutes les chances qu'elles ont pour trouver un moyen d'être légitimes par l'entremise du marché légal. Nous voyons cette situation dans d'autres États. Nous nous berçons également d'illusions si nous pensons qu'ils disparaîtront et n'essaieront pas de faire concurrence au prix du cannabis du gouvernement. Les économies prédominent pour ce qui est du prix. Plus le prix de la drogue est faible, plus une personne est susceptible de l'utiliser, et le marché illégal peut facilement faire concurrence au marché légal. En fait, un rapport de la police de l'État de l'Oregon qui a fait l'objet d'une fuite en mars a révélé que 70 % du marché du cannabis dans cet État, qui a légalisé le cannabis il y a de cela quelques années, provient encore du marché noir. Un passage de ce rapport se lit comme suit:
L'exportation illicite de cannabis doit être endiguée puisqu'elle porte atteinte à l'esprit de la loi et à l'intégrité du marché légal [...] elle prive d'un pouvoir économique le marché, le gouvernement et les citoyens [...] et elle le donne aux criminels, ce qui nuit aux efforts relatifs à la conformité de l'État.
    En 2016, un porte-parole du service de police de Seattle a signalé que les opérations de culture illégales à grande échelle sont encore très répandues et qu'il en trouve encore.
    Un autre problème qui a été soulevé est la conduite avec facultés affaiblies par la drogue. Une étude récemment rendue publique par le Centre canadien sur les dépendances et l'usage de substances a chiffré à 1 milliard de dollars le coût de la conduite avec facultés affaiblies par le cannabis. Qu'adviendra-t-il si l'utilisation du cannabis augmente de 1, de 5 ou de 10 % à la suite de la normalisation? Nous pouvons débattre des ensembles de données qui sont les meilleures pour la conduite avec facultés affaiblies par la drogue, mais la Fondation AAA pour la sécurité routière a relevé récemment une forte augmentation dans l'État de Washington, par exemple, des consommateurs de cannabis impliqués dans des accidents d'automobile mortels. D'après des données scientifiques, nous savons que le cannabis double ou triple le risque d'accident en raison d'une réduction du délai de réaction, entre autres.
    Les coûts sont très importants. Ne pensez pas qu'il n'y aura pas de coûts liés à la réglementation et à l'application à la suite de la légalisation du cannabis. Bien des gens sont surpris. Ils disent: « Attendez un instant. Nous pensions que nous éliminions l'application de la loi. » Ce n'est pas le cas, en fait. Vous devrez investir dans l'application des règles que vous créez. Par exemple, aux États-Unis, le plus grand nombre d'arrestations ne sont pas à cause de l'héroïne, de la marijuana ou du crack. Elles sont à cause de l'alcool. Il y a les utilisateurs qui n'ont pas l'âge requis, la conduite avec facultés affaiblies et la consommation en public. Si des sondages récents menés auprès de Canadiens vous intéressent, je vous dirais que la consommation en public de cannabis, les effets nuisibles de la fumée secondaire et le problème des habitations à multiples logements seront de grands problèmes. C'est la raison pour laquelle, par exemple, les associations de propriétaire immobiliers ont invoqué les arguments qu'ils ont invoqués, et je partage leur avis.
    Comme Andrew l'a mentionné, ce n'est pas non plus un avantage fiscal. Si vous voulez parler de revenus, discutons des coûts également. On ne peut pas examiner un seul côté de la médaille. Une mauvaise façon d'examiner les entreprises est de seulement regarder les revenus. Quels sont les coûts? Quels sont les coûts au Canada associés à la conduite avec les facultés affaiblies par la drogue, à la sécurité publique, à la santé publique, etc.?
    Enfin, aucun changement politique ne devrait être apporté sans que l'on s'engage à améliorer la collecte de données. À mon avis, la collecte des données n'a malheureusement pas été bonne jusqu'à présent au Canada. Toutefois, des données robustes nous permettent de façonner et de changer les politiques. Il y a de nombreux aspects à examiner, que j'ai inclus dans mon mémoire.

  (1650)  

    Comme je l'ai dit, j'appuie entièrement les recommandations de la majorité de vos organismes de santé et d'autres associations qui se rendent compte que ce changement de politique fera des victimes. Le gouvernement devrait donc s'engager à réduire le plus possible le nombre de victimes et mettre en place des mesures de dissuasion. Bref, il devrait mettre la pédale douce. Les seules personnes qui bénéficieront d'une mise en oeuvre accélérée seront les gens d'affaires qui attendent avec impatience de s'enrichir. Il n'y a aucun avantage à aller trop vite dans ce dossier. Je partage les préoccupations des provinces comme la Saskatchewan et le Manitoba, qui ont sonné l'alarme sur la question de l'âge et de la vitesse à laquelle les choses vont de l'avant.
    Je comprends qu'il est peut-être trop tard, mais je pense quand même que le fait de renoncer à la légalisation pour plutôt réduire les sanctions pénales et dissuader les gens de consommer de la marijuana est le meilleur moyen d'assurer la santé publique. Si, en dépit des meilleures données disponibles démontrant que la santé publique serait compromise, vous allez de l'avant avec la légalisation, nous recommandons de faire passer l'âge limite à 25 ans, comme l'a proposé l'Association médicale canadienne. Le cerveau n'est pas complètement développé avant l'âge d'environ 30 ans. Il semble donc logique de faire passer l'âge limite à 25 ans.
    Lancez une campagne de découragement et de dissuasion. Limitez les profits des détaillants, par exemple, en créant des magasins appartenant au gouvernement sans but lucratif et en ayant des emballages neutres. Nous ne pouvons malheureusement pas faire de publicité et de commercialisation aux États-Uns en raison d'une petite chose qu'on appelle le premier amendement, qui est, à notre avis, très important et positif. Dans ce cas-ci, il nous nuit aux États-Unis, car le discours commercial est protégé au même titre que la liberté d'expression. Espérons que vous pourrez trouver un moyen de réduire la commercialisation.
    Défendez les droits des non-utilisateurs, des victimes, des enfants et des populations vulnérables. Où seront situés les magasins de marijuana? Seront-ils dans les quartiers riches ou dans les quartiers où vivent les groupes les plus vulnérables? C'est un énorme problème. Aux États-Unis, il y a huit fois plus de magasins d'alcool dans les communautés de personnes de couleur les plus pauvres qu'ailleurs. Je pense que le Canada devrait entendre ce qu'ont à dire les groupes d'affaires, les associations d'habitation et les associations médicales, comme vous le faites en ce moment, avant d'élaborer une politique quelconque. Engagez-vous à mettre en place un système de collecte de renseignements robuste.
    Merci.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer aux questions. Nous allons commencer avec des interventions de sept minutes.
    Pouvez-vous m'entendre maintenant, madame Weeks?
    Oui, je peux.
    Parfait, et nous pouvons vous entendre. C'est excellent.
    Nous allons commencer avec vous, monsieur Ayoub.
    Merci, monsieur le président.

[Français]

    J'ai très bien écouté chacun de vos témoignages, qui étaient très intéressants, notamment à cause de leur diversité.
    Dans l'intérêt de nos concitoyens, je suis véritablement intéressé par la protection des jeunes et de notre avenir. J'écrivais quelques notes et je me suis dit que la politique de la tête dans le sable n'était pas une solution.
    Présentement, nous avons des études et des statistiques. Malgré le manque de données, elles prouvent que les jeunes consomment de la marijuana actuellement. Rien n'est fait en ce qui a trait à la consommation actuelle de nos jeunes. C'est préoccupant. Rien ne se passe depuis des années, on ne s'attaque pas à ce genre de problème. Nous sommes en train d'accélérer le pas parce qu'il y a urgence. Ce n'est pas parce que nous souhaitons que la marijuana soit légale, mais c'est parce qu'il y a urgence d'aborder la situation de nos jeunes. Si l'on ne fait rien, on va continuer à avoir le même type de résultats.
    J'aimerais donc entendre Mme Weeks, de Washington, et M. Freedman. Quelle était votre première motivation pour en venir à la légalisation? Quels étaient les défis qui l'ont accompagnée? Rien ne se fait facilement ou du jour au lendemain. Toutefois, les défis viennent avec des solutions et les solutions viennent avec des défis.
    J'aurais aimé vous entendre parler des motivations et des solutions que cela a apporté. Vous en avez glissé un mot au départ. Je vous demanderai d'être brefs car je ne dispose que de sept minutes et j'aurai d'autres questions à vous poser par la suite.
    Monsieur Freedman, vous pouvez commencer.

[Traduction]

    Très brièvement, il est difficile d'établir les motivations lorsqu'il s'agit d'un vote de la population. Il y a 50 raisons pour lesquelles les gens optent pour la légalisation. Je dirais que la principale priorité du gouverneur Hickenlooper était de veiller à ce qu'il n'y ait pas d'augmentation de l'utilisation du cannabis chez les jeunes initialement et à ce qu'il y ait une diminution de la consommation chez les jeunes à long terme.
    Dans le cadre du sondage Healthy Kids Colorado, qui est mené auprès d'environ 17 000 enfants, l'un des points que nous avons relevés, et qui se rapporte à votre question, c'est qu'avec le temps, nous constatons que les gens perçoivent moins le risque de l'utilisation de la marijuana. C'est la légalisation absente. C'est une tendance qui se dégage depuis les 15 dernières années. Je pense que les enfants sont plus susceptibles d'aller sur Internet pour s'informer à propos de la marijuana plutôt que d'écouter un adulte de confiance ou, du reste, le gouvernement.
    Cela dit, notre objectif — notre engagement, le but que nous cherchons à atteindre —, est de faire ce que la Federal Drug Administration a fait avec le tabac aux États-Unis, à savoir de transmettre des messages et d'instaurer des programmes qui fonctionnent. Les tactiques alarmistes ne sont pas forcément les solutions à long terme; il faut plutôt faire participer les jeunes de façons concrètes et utiles à des discussions avec des spécialistes de la santé comportementale, à des programmes parascolaires et à des conversations qui les interpellent.
    Je ne vous dis pas que je sais à quoi ressemblera l'avenir. Je ne vous dis pas que nous anticipons une diminution de l'utilisation chez les jeunes en réduisant l'accès aux trafiquants de drogue, en faisant passer le message et en ayant recours à tous les moyens à notre disposition pour contribuer à réduire la consommation de la marijuana chez les jeunes.

  (1655)  

[Français]

     Madame Weeks, je ne sais pas si vous m'entendez. Avez-vous des commentaires à formuler?

[Traduction]

    Pouvez-vous nous entendre?
    Je peux vous entendre.
    Si vous voulez répondre, soyez brève, s'il vous plaît.
    Pour économiser du temps, je vais revenir sur ce que M. Freedman a dit. Sa situation au Colorado est très semblable à celle à Washington, car c'était une initiative de la population. Ce n'est pas une mesure du gouvernement. Je pense que la raison pour laquelle les gens ont voté en faveur était pour décriminaliser ce qu'ils considéraient être des délits mineurs qui avaient de graves répercussions sur les personnes de couleur.
    Pour ce qui est de la situation depuis la légalisation et les ventes, surtout parmi nos jeunes, nous n'avons pas constaté une hausse de la consommation chez les jeunes. Nous avons vu cette même diminution de la perception du risque dont M. Freedman a parlé. Ce que nous avons également constaté, et ce que nos enfants rapportent par l'entremise de notre sondage Healthy Youth, c'est qu'ils trouvent plus difficile de se procurer de la marijuana maintenant. C'est important, car les magasins ne vendent pas de cannabis aux enfants, et nous enregistrons une certaine réduction.

[Français]

    Vous mentionnez un point important. De notre côté de la frontière, les étudiants et les jeunes disent qu'il est plus facile pour eux de se procurer de la marijuana que des cigarettes ou de l'alcool. Bien souvent, il y a de l'alcool dans les maisons et on peut s'en procurer dans les magasins spécialisés, mais ceux-ci sont réglementés. Ici, c'est que nous cherchons à faire en ce qui concerne la marijuana. Il y a plusieurs solutions, mais elles ne sont pas encore déterminées ou finales quant aux différents aspects à examiner.
    Encore une fois, je me questionne au sujet de l'âge. Il y a bien d'autres produits qui sont légaux présentement et pour lesquels il faudrait éventuellement établir l'âge à partir duquel on peut s'en procurer. Pourquoi fixer cet âge à 25 ans dans le cas de la marijuana? Certes, le cerveau n'est pas totalement formé avant cet âge, mais l'alcool et la cigarette, eux, peuvent être consommés tout au long de la vie et les effets sont instantanés et cumulables.
    Pour un adulte, c'est une question de choix, mais c'est également une question de santé publique et d'éducation. Chaque fois que nous avons discuté de ce sujet ici, le mot « éducation » revenait plus souvent que le mot « réglementation ». Quand on éduque les gens, la réglementation, au bout du compte, semble moins être un trigger.
    L'éducation est-elle un sujet qu'on évoque davantage? Selon vous, est-ce une solution qui fonctionnerait à long terme pour régler la question de la légalisation de la marijuana?

[Traduction]

    Merci.
    Je dirais que l'éducation est l'un des huit ou neuf moyens qui contribuent grandement à faire baisser la consommation. Une leçon importante que nous avons tirée du tabac était que, pendant très longtemps, près d'une décennie, les enfants considéraient le tabac comme présentant des risques élevés avant que nous constations une baisse de la consommation. Je pense que l'une des choses que nous devons garder à l'esprit est que peut-être, pour un adulte, le fait de connaître les effets à long terme sur la santé est important. Pour un enfant, qui ne pense pas à ce que sa vie sera dans 30 ans, ce n'est peut-être pas aussi important.
    Je suis d'accord. Je pense que l'éducation est absolument nécessaire. Je demanderais que toutes les activités d'éducation s'accompagnent d'essais effectués par des groupes de discussion avec des enfants pour connaître ce qui est important pour eux et quel message — même s'ils le croient — entraînerait un changement de comportement. Dans le cadre de la mise en oeuvre, je suis absolument certaine que la spécialiste en santé publique en a plus à dire à ce sujet que moi.

  (1700)  

    Votre temps est écoulé à moins que quelqu'un veuille répondre à ces remarques.
    Je voudrais seulement dire une chose.
    Oui, on vous écoute, madame Weeks.
    J'aimerais seulement dire que l'une des difficultés particulièrement associées à la marijuana que nous ne retrouverons pas avec l'alcool et le tabac, c'est qu'elle a des usages à des fins médicales perçues. Il est très difficile d'éduquer les enfants pour leur dire que c'est mauvais pour eux et que le cannabis aura une incidence négative sur leur cerveau lorsqu'ils voient qu'il est également utilisé à des fins médicales. Comment cette substance peut-elle être mauvaise? Elle est différente du tabac et de l'alcool pour eux, si bien qu'il faut un message différent, ce qui est un peu plus problématique.
    Monsieur Sabet.
    Je tiens à préciser que contrairement à d'autres peut-être, je ne dis pas que nous devons nous mettre la tête dans le sable. Je suggérerais que les législateurs devraient se demander si tout a été fait pour réduire l'usage du cannabis: campagnes de prévention, campagnes de promotion de la santé, éducation des médecins et des pédiatres, interventions précoces et traitement. Quelles mesures ont été prises? Avons-nous épuisé toutes les avenues avant de nous engager dans cette voie inconnue qui sera difficile de renverser?
    Nous connaissons tous les méfaits du tabac. L'interdire est pratiquement impossible. L'alcool est le principal problème de santé publique qui affecte d'autres personnes plus que n'importe quelle autre substance, mais il est très difficile de faire marche arrière. Avant d'emprunter cette voie, après quoi il sera très difficile de revenir en arrière — bien que vous puissiez apporter des modifications en cours de route —, avons-nous épuisé toutes les autres options?
    Merci beaucoup.
    Madame Gladu.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à tous nos témoins. Je vais commencer avec Mme Weeks.
    En ce qui concerne l'observation que vous avez faite au sujet des jeunes qui ont de plus en plus de difficulté à mettre la main sur du cannabis, je pense que c'est en partie attribuable au fait que Washington n'a pas mis en oeuvre des activités de culture à domicile. J'aimerais obtenir des renseignements sur les endroits qui ont autorisé les activités de culture à domicile.
    Je pense, monsieur Vasquez, que vous pourriez nous faire part de quelques expériences au Colorado en ce qui concerne les activités de culture à domicile. Nous avons entendu des témoignages tout à l'heure selon lesquels il y a eu des problèmes ou des tensions. Pourriez-vous nous parler de quelques-unes des difficultés auxquelles vous vous êtes heurtés?
    Au Colorado, nous avons eu plusieurs couches de légalisation différentes. Nous avons la vente commerciale à des fins médicales, la vente commerciale à des fins récréatives, puis nous avons les fournisseurs de soins et les patients qui cultivent leurs propres plants en milieu résidentiel.
    En vertu de l'amendement 64, les personnes âgées de plus de 21 ans peuvent cultiver six plants. Nous voyons des gens qui se regroupent et forment des coopératives pour cultiver le cannabis. Il y a eu une saturation de la marijuana au Colorado. La marijuana est facilement accessible par l'entremise des marchés commerciaux, mais aussi sur les marchés gris et noirs. Je pense que nos jeunes et les gens au Colorado diraient qu'ils n'ont aucun mal à se procurer du cannabis.
    Un grand nombre de jeunes qui se procurent du cannabis le font par l'entremise du marché réglementé. Ce que j'entends par là, c'est qu'un parent ou un grand-parent se rendra à un magasin et achètera légalement du cannabis, si bien que les enfants et les petits-enfants l'obtiennent de leurs parents et de leurs grands-parents.
    Nous avons aussi le détournement au sein des marchés gris et noirs où les gens cultivent leur propre marijuana chez eux et la vendent dans la rue moins cher que le cannabis vendu sur le marché réglementé. Le service de police de Denver prend de nombreuses mesures d'application de la loi concernant les activités de culture à domicile sur Craigslist. On peut se rendre sur Craigslist et saisir « marijuana au Colorado ou à Denver », et on verra des dizaines et des dizaines d'annonces de gens qui vous rencontreront dans la rue pour vous vendre de la marijuana. Ces activités sont illégales, mais il faut mobiliser de nombreuses ressources pour faire appliquer la loi et sanctionner ce type de comportement illégal.
    Comme je l'ai déjà mentionné, la crise des opioïdes qui sévit au Colorado est semblable à celle dans d'autres communautés au pays. Si vous faites partie d'une unité de lutte contre les stupéfiants, si vous êtes un commandant d'une unité de lutte contre les stupéfiants, quels efforts et ressources allez-vous consacrer pour faire appliquer les lois relatives à la marijuana, tandis qu'il y a l'héroïne, les méthamphétamines et d'autres drogues qui entraînent des surdoses et des décès? Pour le Colorado, la marijuana n'est qu'une pièce du casse-tête, mais elle est facile d'accès.

  (1705)  

    Très bien.
    Ma prochaine question s'adresse à Mme Weeks.
    Vous avez mentionné qu'à un moment donné, Washington a exigé la fermeture de tous les dispensaires illégaux. Nous avons un très grand nombre de dispensaires illégaux au Canada. Vos mesures ont-elles été fructueuses? Comment les avez-vous appliquées? Qu'avez-vous fait?
    C'était très réussi sur le plan visuel. Lorsque nous conduisons, nous ne voyons plus trois ou quatre croix vertes le long des rues. Ce dont nous ne sommes pas certains encore, après un an, c'est si les dispensaires ont vraiment fermé leurs portes ou s'ils exercent leurs activités clandestinement. Utilisent-ils Craigslist? Où se sont-ils tournés complètement vers le marché noir?
    Nous savons que depuis leur fermeture, les ventes dans nos magasins de détail ont augmenté d'environ 30 millions de dollars durant la période de trois mois après la fermeture des dispensaires. Notre communauté de patients qui achetaient leur cannabis dans ces magasins illégaux ont commencé à se rendre dans les magasins de détail homologués. Si nous ne les avons pas complètement éliminés, nous savons que nous avons réduit considérablement leur nombre.
    C'est par l'entremise de l'application de la loi qu'ils ont été fermés. Des lettres ont été envoyées pour les aviser qu'ils devaient fermer leurs portes le 1er juillet et que s'ils n'ont pas de permis du Liquor and Cannabis Board, ils seront arrêtés. Le 1er juillet, lorsque quelques-uns d'entre eux n'ont pas fermé leurs portes, les services de police ont procédé à des arrestations très médiatisées, et tous les autres ont décidé de respecter la loi ou de poursuivre leurs activités clandestinement où nous ne pouvons pas les trouver.
    Très bien. C'est un excellent conseil pour nous.
    Monsieur Sabet, vous avez parlé des traités qui risquent d'être enfreints. Pourriez-vous nous expliquer comment, d'après vous, les États-Unis percevront le Canada s'il contrevient à ses traités sur la marijuana?
    J'ai cessé de parler pour les États-Unis il y a de cela quelques années, et je n'ai jamais regretté ma décision.
    Il y a trois traités internationaux — 1961, 1971 et 1988 — que la majorité des pays du monde ont signés. Le trafic de drogues ne connaît pas les frontières provinciales ou nationales. De toute évidence, il ne connaît aucune frontière, et cela fait partie de l'aspect international du problème.
    Je ne peux pas parler des États-Unis, puisque dans huit États, nous avons autorisé la légalisation de la marijuana. Là encore, c'était un processus très différent. Ce sont des processus de scrutin où Andrew et son patron n'ont pas eu le luxe de rédiger ces lois ou de décider de ce qui est logique ou non. Il ne fait aucun doute que s'ils l'avaient fait, les lois seraient 100 fois meilleures que celles en place actuellement. Elles ont été rédigées par des groupes d'intérêts, des intérêts commerciaux, et ont été adoptées parce qu'ils dépensaient 10 ou 20 fois plus d'argent que leurs opposants. Nous verrons ce qui se passera aux États-Unis. Je suis certain qu'on annoncera la tenue de discussions sur la façon dont l'administration traitera la marijuana.
    Je peux vous dire qu'en ce qui concerne le traité, en tant que personne qui a travaillé à la Commission des stupéfiants pendant très longtemps, il est certainement possible d'apporter une certaine flexibilité dans les traités pour ce qui est de la criminalisation de la possession. Autrement dit, les traités ne disent pas que vous devez criminaliser la possession et que les gens doivent aller en prison. Il y a une grande marge de manoeuvre. Vous avez des pays qui sont extrêmes, comme l'Arabie saoudite et certains pays de l'Asie du Sud-Est, qui traitent la possession de petites quantités de façon extrême. C'est ainsi dans leur culture. Puis il y a la Californie. Nous avons décriminalisé la marijuana pendant 35 ans en Californie avant de la légaliser, et cela ne contrevient pas aux traités. Là où la situation se corse avec les traités, c'est qu'on a maintenant un gouvernement qui sanctionne le commerce de la marijuana et qui se lance dans ces activités. Je crois que vous me demandez comment on contreviendrait aux traités.
    Du point de vue des États-Unis, ils n'ont pas été en mesure de défendre leur politique auprès des Nations unies en soutenant que ce n'est pas une politique fédérale. C'est une politique d'État, et le gouvernement fédéral, et non pas l'État du Colorado, est membre des traités internationaux et en est signataire. Nous gérons la situation avec les ressources limitées que nous avons. D'un point de vue fédéral, cependant, nous n'avons enfreint aucun traité. De toute évidence, dans le cas du Canada, c'est différent, et je pense qu'il faudra se livrer à toute une gymnastique mentale pour essayer de penser à la façon dont nous continuerons de respecter nos obligations issues de traités si nous décidons d'aller de l'avant et de sanctionner l'approvisionnement illégal de marijuana.

  (1710)  

    Vous n'avez plus de temps.
    Monsieur Davies.
    Merci.
    Je vais poursuivre dans le sens de cette dernière question. Les États-Unis ont signé ces trois traités, n'est-ce pas?
    Tout à fait.
    En théorie, les 50 États pourraient donc légaliser la marijuana, et le gouvernement fédéral affirmerait tout de même que ces traités sont respectés.
    Si le passé est garant de l'avenir, c'est chose possible.
    D'accord.
    Ce n'est pas très logique.
    Effectivement.
    Madame Weeks, j'aurais quelques questions à vous poser. Sauf erreur, vous avez indiqué que l'État de Washington consacre 7,5 millions de dollars par année à la sensibilisation. Est-ce bien le chiffre que vous avez donné?
    C'est bien le budget accordé au ministère de la Santé aux fins de la sensibilisation.
    Estimez-vous ce montant suffisant pour déployer toutes les mesures que vous souhaitez prendre, ou vous en faudrait-il davantage?
    À ce chapitre, plus nous aurions d'argent, plus nous pourrions en dépenser. Je pense que nous n'en aurons jamais suffisamment pour sensibiliser les gens autant que nous le voudrions. Quoi qu'il en soit, le montant de 7,5 millions de dollars est vraiment un excellent point de départ. Je ne peux pas m'en plaindre. Mais si on nous en accordait davantage, nous pourrions certes en faire plus.
    Si je ne m'abuse, on nous a indiqué que le Colorado consacrait 9 millions de dollars par année à la sensibilisation. On nous a précisé que le gouvernement du Canada n'en investissait pas davantage alors que notre population atteint pourtant les 35 millions. Je crois que l'on recense un peu plus de 7 millions d'habitants dans l'État de Washington, n'est-ce pas?
    Oui.
    D'accord. Je crois que ce témoin recommandait notamment que, compte tenu de l'importance de notre population, nous bonifiions considérablement ce budget de 9 millions de dollars octroyé pour la sensibilisation. Êtes-vous d'accord avec cette proposition?
    Je conviens tout à fait que, étant donné la taille et la diversité de votre population, il vous faudrait sans doute un budget beaucoup plus considérable.
    Je suis désolé si vous avez déjà répondu à cette question, mais je ne suis pas certain d'avoir bien entendu. Y a-t-il dans l'État de Washington des taux de taxation différents pour le cannabis médical et le cannabis récréatif?
    Toute la marijuana vendue dans l'État de Washington est assujettie à un droit d'accise de 37 %, qu'elle soit utilisée à des fins médicales ou récréatives. Si vous êtes un patient inscrit à notre base de données, vous êtes exempté d'une taxe de vente additionnelle d'environ 10 %. Ainsi, un consommateur récréatif paiera le droit d'accise de 37 % plus la taxe de vente. Si vous êtes un patient inscrit à notre base de données, vous ne payez pas la taxe de vente.
    Quels sont les plus récents chiffres de l'État de Washington pour les recettes fiscales annuelles tirées du cannabis?
    Je ne peux pas répondre à cette question. Vous pourriez sans doute obtenir ces renseignements de Rick Garza qui, je crois, a témoigné devant vous à titre de représentant de la commission des alcools et du cannabis.
    Je vais devoir vérifier mes notes, car nous l'avons effectivement reçu.
    Madame Weeks, je crois que M. Sabet nous a indiqué que tous les États qui ont légalisé la marijuana autorisent les panneaux publicitaires, les bons de réduction, les produits aux couleurs vives, les friandises et la crème glacée contenant du cannabis. Il pourra me corriger si j'ai tort. S'il y a une erreur, c'est de ma faute et non de la sienne.
    Est-ce la même chose pour l'État de Washington?
    C'est un peu différent dans l'État de Washington. Les panneaux publicitaires sont autorisés, mais il y a certaines restrictions quant à ce qui peut être affiché. On peut y indiquer seulement le nom de l'entreprise et ses coordonnées. Par ailleurs, nous ne permettons pas les produits qui sont surtout attrayants pour les enfants. C'est bien sûr le cas des biscuits, mais ils intéressent aussi les adultes. Nous n'autorisons toutefois pas des produits comme les bonbons de gélatine, les sucettes, la crème glacée, la barbe à papa et le chocolat chaud. Tous ces produits ont été interdits parce qu'il a été déterminé qu'ils étaient surtout attrayants pour les enfants.
    On en revient toujours à ces biscuits.
    Monsieur Sabet, je me tourne à nouveau vers vous. Est-ce que je vous ai mal compris?
    Non. Je crois qu'il y a différentes particularités, mais les produits comestibles sont généralement permis. Il va de soi qu'une certaine subjectivité entre en jeu lorsqu'il s'agit de déterminer si un biscuit est attrayant ou non pour les enfants. Pour ce qui est des panneaux publicitaires, il y a une réglementation en place, mais il arrive souvent qu'elle ne soit pas respectée. Je voyais il y a deux jours dans les médias sociaux — et je me ferai un plaisir de vous transmettre ultérieurement des documents à l'appui — qu'il y a le long d'une autoroute de l'Oregon un très grand panneau publicitaire d'une entreprise de marijuana. En Oregon, ce genre de publicité doit être accompagnée d'avertissements indiquant, par exemple, que le produit est interdit aux moins de 21 ans et qu'il faut éviter de conduire après consommation. Il n'y avait pourtant pas de tels avertissements sur le panneau en question.
    Il y a tout un éventail de règlements applicables, mais ils touchent généralement la commercialisation. Il est très difficile d'imposer des restrictions à ce chapitre. On s'est efforcé au Colorado comme ailleurs de limiter la vente de produits comestibles, mais ce n'est pas chose facile.

  (1715)  

    Monsieur Vasquez, j'ai une brève question pour vous. J'ai visité un dispensaire autorisé à Vancouver cet été et on m'a indiqué que le plus important groupe client était constitué de personnes ayant une dépendance aux opioïdes, des comprimés prescrits principalement à des fins analgésiques. On ne parle pas ici de consommateurs de drogues de rue. Ce sont des gens aux prises avec des douleurs dorsales auxquels on a prescrit des opioïdes, comme l'OxyContin, et qui cherchent à s'en affranchir en les remplaçant par le cannabis.
    En sachant à quel point il peut être difficile pour certains Canadiens de faire soulager leurs souffrances, croyez-vous que le recours au cannabis pourrait leur faciliter les choses dans le contexte de la crise des opioïdes?
    Je pense que c'est chose possible. Au Colorado, on a fait valoir pendant une certaine période qu'un accroissement du recours à la marijuana pour soulager la douleur permettrait de réduire la consommation d'opioïdes, mais ce n'est pas ce que nous avons pu constater. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, le Colorado occupe le deuxième rang au pays pour ce qui est des surdoses d'opioïdes.
    Nous avons aussi pu observer un phénomène de polytoxicomanie. Il est très rare qu'une personne consomme uniquement du cannabis, de l'alcool ou des opioïdes. La plupart des personnes qui bénéficient de traitements pour les toxicomanies au Colorado consomment plusieurs substances et en sont dépendantes.
    Pour répondre brièvement à votre question, il serait bon que l'on puisse ainsi aider les gens à apaiser leurs souffrances et à réduire leur consommation d'opioïdes, mais je ne crois pas que c'est ce que nous avons pu observer jusqu'à maintenant au Colorado.
    Merci.
    Vous n'avez plus de temps.
    Madame Sidhu.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais apporter une précision. Il y a bel et bien du cannabis cultivé à domicile à des fins médicales dans l'État de Washington.
    Ma question s'adresse à M. Freedman. Vous auriez dit que le manque de rigueur des lois touchant la culture à domicile au Colorado risque d'offrir un point d'accès au marché illicite. Le projet de loi C-45 limite cette culture à quatre plants ne pouvant pas dépasser un mètre. Pouvez-vous nous indiquer en quoi cette réglementation pourrait empêcher le détournement de la production à domicile vers le marché noir?
    Merci de poser la question, car il s'agit d'une distinction très importante à faire. Il faut noter qu'il est assez facile de cultiver jusqu'à 99 plants au Colorado. Je devrais plutôt dire qu'il était très facile de le faire, car la loi a depuis été modifiée pour ne permettre que 12 plants. Il est délicat pour moi de m'avancer, mais je dirais qu'il est beaucoup moins aisé de s'imaginer qu'une production ne dépassant pas quatre plants, surtout si elle est assujettie à des lignes directrices très claires empêchant notamment le regroupement de tels quotas... D'après les renseignements à ma disposition, je ne pourrais pas vous dire que ce serait problématique.
    Je peux toutefois vous assurer, données à l'appui, qu'une production de 99 plants est vraiment problématique, d'autant plus que les différentes lois peuvent s'imbriquer et s'enchevêtrer de bien des manières, ce qui crée de la confusion au sein des forces de l'ordre tout en permettant à chacun de cultiver davantage de plants que ce qui était prévu au départ.
    Vous avez indiqué à quel point il était important de mettre en place des systèmes de suivi du cannabis, de la semence jusqu'au point de vente. Pouvez-vous nous expliquer comment de tels systèmes ont été instaurés et quels avantages ils ont procuré en matière de sécurité publique dans les États où la consommation de cannabis a été légalisée et réglementée?
    Au Colorado, le suivi du cannabis, de la semence jusqu'au point de vente, se fait au moyen d'une étiquette d'identification par radiofréquence qui est apposée sur chaque plant de plus de six pouces sur le marché légal. Le système vise principalement à permettre aux instances réglementaires de s'assurer que le cannabis n'est pas expédié à l'extérieur de l'État. Chaque composante du processus doit tenir à jour une base de données interne sur le nombre de plants sous sa responsabilité. Si l'on fausse les données ou si elles ne correspondent pas à la réalité à un moment ou à un autre, on considère que les conditions du permis n'ont pas été respectées.
    Ce système a donc été mis en place. Il nous a effectivement permis de détecter certains contrevenants, mais les règles sont généralement plutôt bien suivies. Nous empêchons ainsi que de grandes quantités de cannabis soient détournées à l'extérieur de l'État. J'ajouterais qu'il serait préférable que nous puissions analyser ces données parallèlement à celles touchant la santé publique et la sécurité publique. Si nous avions pu constater rapidement que les produits comestibles étaient vendus davantage dans les villes touristiques, nous aurions pu mettre en place sans tarder un programme de sensibilisation au point de vente qui aurait évité une hausse des cas d'hospitalisation.
    À mes yeux, il s'agit non seulement d'un outil efficace pour l'application de la loi, mais aussi d'une excellente source de données. Si nous pouvions trouver les moyens de l'utiliser à meilleur escient, nous serions mieux à même de bien gérer la marijuana.

  (1720)  

    Merci.
    Monsieur Vasquez, pourriez-vous nous dire également dans quelle mesure un tel système de suivi peut appuyer les forces de l'ordre aux fins de l'application de la loi?
    Comme je le disais, le manque de données nous cause bien des soucis au Colorado. Il est essentiel que nous recueillions des données de base permettant d'évaluer les hausses et les tendances de manière à pouvoir vraiment analyser l'impact de la légalisation du cannabis sur la sécurité publique.
    Comme vient de l'indiquer M. Freedman, le système mis en place sur le marché légal nous permet de suivre les stocks de cannabis, de la semence, ou du clone, jusqu'à la vente du produit dans un dispensaire. La situation est toutefois problématique du fait qu'un tel système est utilisé seulement dans la composante commerciale de l'industrie du cannabis au Colorado. Nous ne pouvons pas procéder à un suivi semblable dans le cas des pourvoyeurs de soins, des coopératives d'utilisateurs et de la culture à domicile. J'ai des statistiques indiquant le nombre de plants de marijuana sur le marché commercial en 2016. Ces chiffres nous sont très utiles, mais il serait bon que nous ayons également une meilleure idée de l'ampleur de la culture non commerciale.
    Merci.
    Madame Weeks, vous avez indiqué dans votre déclaration que l'État de Washington offre trois types de formation pour devenir consultant dans la vente au détail. Pourriez-vous nous en dire plus long à ce sujet?
    On nous a demandé d'approuver des programmes de formation pour les consultants. Des écoles privées ont donc soumis leurs programmes à notre approbation. Nous nous sommes assurés que l'on allait enseigner aux consultants ce qu'ils étaient censés faire ou non dans les limites de la loi. C'est un peu comme une école pour les infirmières ou les massothérapeutes. Nous offrons trois programmes de formation différents pour ces consultants.
    Merci.
    Monsieur Freedman, comment la qualité de la marijuana vendue sur le marché noir se compare-t-elle à celle du produit vendu sur le marché légal?
    C'est difficile à dire, car nous ne voyons pas tout ce qui est vendu sur le marché noir. Je peux toutefois vous assurer que nous avons mis en place des mesures très rigoureuses de contrôle des pesticides et de l'homogénéité des produits comestibles, avec détection des contaminants, ce qui a permis avec le temps d'améliorer véritablement la qualité et l'uniformité des produits vendus sur le marché réglementé.
    Nous n'effectuons pas ce genre de tests, car il s'agit toujours de biens saisis illégalement, mais je dirais que l'on utilise assez souvent dans le cas de la culture à domicile le myclobutanil, un fongicide non autorisé sur le marché réglementé, qui libère du cyanure d'hydrogène lorsqu'il est chauffé à plus de 400 degrés Fahrenheit. D'importants progrès ont donc été réalisés au chapitre du contrôle de la qualité de la marijuana.
    Merci.
    Voilà qui termine notre tour à sept minutes.
    Nous passons maintenant aux interventions de cinq minutes en commençant avec le Dr Carrie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je veux remercier les excellents témoins que nous recevons aujourd'hui.
    Il est regrettable que le gouvernement précipite ainsi les choses en essayant de tout faire en une semaine.
    Pour moi, c'est une véritable révélation. Il semblerait qu'aux États-Unis, ce soit les gens qui aient décidé, à partir de la base, de s'intéresser à ces enjeux liés à la décriminalisation et aux petites quantités, alors que le tout origine au Canada d'une promesse politique irréfléchie par un gouvernement fédéral qui essaie d'imposer son calendrier aux provinces et aux territoires. Nous avons d'ailleurs pu entendre les autorités provinciales et les forces policières exprimer leur mécontentement à ce sujet. Je m'inquiète surtout du discours des instances gouvernementales qui prétendent qu'il y a urgence, alors que ce n'est pas du tout le cas.
    Pour répondre aux prétentions voulant que le statu quo ne soit pas acceptable, j'aimerais vous lire quelque chose. « L'Organisation mondiale de la santé et l'Agence de santé publique du Canada ont rendu publics les résultats du plus récent sondage mené auprès de quelque 30 000 enfants dans 377 écoles canadiennes. Le premier sondage semblable remonte à 1990. » Ce sont les données de 2014, mais on peut y lire:
La consommation de cannabis est à son niveau le plus bas depuis 1990. Environ 23 % des garçons et des filles de 15 et 16 ans ont indiqué en avoir fait l'essai, ce qui est deux fois moins que les sommets atteints en 2002 alors que 50 % des garçons disaient en avoir fumé et 40 % des filles indiquaient l'avoir essayé.
    Je ne suis pas très à l'aise avec toute cette précipitation. Nous disposons de très peu de temps pour accomplir cet important travail. Comme il nous est impossible de prêter une oreille vraiment attentive à vos témoignages dont nous pourrions tirer de précieux enseignements, nous estimons qu'il y a tout lieu de se préoccuper du sort de nos jeunes.
    Monsieur Sabet, je crois que vous avez parlé du phénomène de « normalisation » et des préoccupations à ce sujet. Ce projet de loi autoriserait les jeunes — soit les mineurs de 12 à 17 ans — à avoir en leur possession jusqu'à cinq grammes de marijuana. D'après ce que j'ai pu comprendre en discutant avec certaines personnes, cela pourrait correspondre à quelque chose comme 10 à 15 joints. Je pense que c'est bien suffisant pour la consommation quotidienne d'une personne, mais j'aurais quelques questions à vous poser à ce sujet.
    N'estimez-vous pas que la possession de marijuana par des mineurs devrait être illégale? Ne croyez-vous pas qu'un jeune de 12 ans ou de 17 ans ayant en sa possession cinq grammes de cannabis va sans doute vouloir en vendre à d'autres jeunes ou le partager avec eux? En quoi une telle mesure contribue-t-elle à la normalisation de la marijuana?

  (1725)  

    Lorsque j'ai pris connaissance de cette disposition, j'ai été surpris que l'on souhaite autoriser une telle chose pour un enfant de 12 ans. Cependant, je crois encore là qu'il convient d'éviter une attitude trop tranchée. Il n'y a pas nécessairement un choix à faire entre, d'une part, une approche semblable qui laisserait entendre aux jeunes, en ligne ou par ailleurs, que tout cela est très bien et tout à fait acceptable et, d'autre part, une démarche plus coercitive où on les traiterait comme des criminels en les expulsant de l'école et en refusant de leur fournir des services de santé. J'ose espérer qu'il sera possible de réécrire le tout de manière à favoriser davantage...
    Rien ne justifie qu'un jeune de 12 ans, ou même de 17 ans, fume de la marijuana. Nous voulons seulement les aider. Nous souhaitons qu'ils aient accès à des services de santé mentale. Si un jeune de 12 ans fume régulièrement du cannabis, j'ai bien peur qu'il consomme également de l'alcool sur une base régulière. Ce sont des compléments naturels pour les jeunes. Comment peut-on les aider? Je ne crois pas que l'on devrait les expulser de l'école. Nous ne voulons pas nécessairement les punir; des interventions en santé doivent être envisageables.
    Je m'inquiète du message que l'on envoie ainsi, même si l'on indique en même temps aux jeunes qu'ils ne devraient pas consommer. On pourrait préciser dans la loi, non pas que les jeunes seront autorisés à avoir une certaine quantité en leur possession, mais plutôt que cela ne leur vaudra pas un casier judiciaire et qu'on les mettra en liaison avec des services sociaux et de santé dans leur école et leur collectivité.
    Ce serait une mesure positive qui serait à mon sens fort bénéfique. Encore là, cela exigerait des investissements considérables. Il en va de même de toutes les mesures visant à assurer le suivi du cannabis, de la semence jusqu'au point de vente, à éviter la conduite avec les facultés affaiblies en prévoyant les tests nécessaires, et à s'assurer que les gens ne consomment pas en public. Je crois qu'il y a encore beaucoup de questions à régler à ce chapitre.
    Qu'en pensez-vous, monsieur Freedman?
    Je ne crois pas pouvoir ajouter grand-chose à l'analyse que vient de vous livrer M. Sabet. Bien franchement, je ne pense pas avoir l'expertise voulue pour vous parler des impacts de la criminalisation sur les habitudes de consommation des jeunes de 12 à 17 ans.
    Il y a aussi le risque que tout cela favorise la normalisation du phénomène. Comme M. Sabet semblait vouloir le dire, peut-être devrions-nous, avant de procéder de cette manière... Il y a sans doute d'autres options à explorer, mais voilà que nous nous retrouvons devant ce projet de loi.
    Il y a un autre aspect que je souhaiterais aborder avec vous. Je vis dans une ville frontalière et je m'inquiète au sujet des emplois. Bon nombre d'emplois au Canada dépendent de nos relations commerciales. Si le gouvernement décide d'aller de l'avant, nous serions censés aviser les autres pays signataires que nous ne nous conformerons plus aux modalités prévues dans ces trois traités. Je ne sais pas ce que le gouvernement compte faire à ce niveau. Si nous nous éloignons ainsi de nos principaux partenaires commerciaux, comment évoluera la situation au Canada où un emploi sur cinq, si ce n'est davantage, dépend du commerce?

  (1730)  

    J'ignore ce qui a été dit sur ce qui se passe lorsqu'une personne traverse la frontière et qu'on lui demande si elle a consommé de la marijuana, si elle en consomme, si elle est dans le commerce et si elle en a sur elle. Je ne suis pas dans le secret de ces conversations. C'est certainement inquiétant. Je pense que la question des emplois est préoccupante non seulement en ce qui a trait aux partenaires commerciaux, mais même pour des questions au niveau national. Se trouve-t-on dans une ville frontalière ou non? La marijuana aide-t-elle les gens à être ponctuels et à accomplir leurs tâches de façon sécuritaire et responsable? Je ne le crois pas.
    Si c'est que nous ferons passer plus de tests — ce que l'on veut peut-être faire —, le THC reste présent dans l'organisme un peu plus longtemps que l'alcool. L'alcool n'est pas métabolisé de la même façon que le THC. On peut parler de trois jours, selon la personne. Dans certains cas, c'est 30 jours. Que se passe-t-il si la personne a un accident et qu'elle dit que c'est en raison des conditions de travail? Si son patron lui dit qu'en fait, des tests montrent qu'elle avait consommé de la marijuana, elle pourrait répondre qu'elle en a consommé légalement trois jours auparavant, durant la fin de semaine, et qu'il ne peut la punir, car la marijuana est maintenant légale. Je crois qu'il y a beaucoup de complications de ce genre. À vrai dire, c'est un rêve pour les avocats sur le plan des poursuites et des questions liées à la responsabilité. Dans les États qui ont légalisé la marijuana, il y a eu des répercussions sur les réclamations d'assurance en raison de toutes ces autres incidences concernant les accidents.
    Naturellement, il y a tellement de questions à examiner et à poser. Autrement, pour utiliser une expression que j'aime et que, je crois, Andrew a déjà utilisée, on fera voler l'avion pendant même qu'on le construit. C'est ce que nous avons fait aux États-Unis et, je dirais, pas tellement parce que tout le monde voulait le faire, mais parce qu'un petit nombre de milliardaires injectaient des sommes et que pendant des années, des gens qui voulaient s'enrichir ont véhiculé l'idée que la marijuana était inoffensive, qu'elle était plus sécuritaire que l'alcool, etc. Ces personnes ont été capables de faire avancer l'initiative de scrutin. La plupart des gens pensaient probablement qu'ils étaient en train de voter sur la question de la décriminalisation, et non sur l'ouverture d'un magasin de marijuana sur la rue Main.
    Néanmoins, cela a été adopté. Les gens ont dû faire voler l'avion tout en le construisant. De toute évidence, vous essayez de le construire avant qu'il s'envole. C'est mieux, mais assurons-nous d'en examiner toutes les composantes et de ne pas en négliger une bonne partie en disant qu'elles seront examinées après le décollage. Ce n'est pas ce que nous voulons faire.
    Le temps est écoulé.
    Monsieur Oliver.
    Merci beaucoup.
    Je vous remercie beaucoup de vos témoignages.
    Madame Weeks, je veux vous remercier, vous, en particulier. Vous êtes en vacances à Hawaï et vous passez du temps avec nous. C'est quelque chose d'assez unique, et je vous en remercie beaucoup.
    Je veux seulement dire brièvement quelque chose. Au Canada, la marijuana thérapeutique a été légalisée il y a plus d'une décennie maintenant. Ce n'est donc pas un sujet nouveau pour nous. Durant les élections de 2015, le gouvernement a dit clairement que ce serait une priorité. En juin 2016, un groupe de travail a été formé. Il a rencontré des médecins, des avocats, des chercheurs, des responsables de l'application de la loi et de nombreux groupes d'intervenants de différentes provinces.
    Le groupe de travail a reçu 20 000 mémoires qui, avec ces recommandations, ont mené à la préparation du projet de loi. Le projet de loi est plus conservateur. Nous avons entendu le président, le vice-président ainsi que d'autres personnes dire qu'il était plus conservateur que les recommandations que le groupe de travail a présentées. Il a été présenté en avril et nous en discutons aujourd'hui. Il nous reste encore neuf mois avant le moment où il deviendra probablement loi, et je pense que le processus a été très rigoureux et très réfléchi.
    Il y a un problème au Canada. J'entends constamment d'autres membres du Comité fournir des données, mais le fait est qu'au pays, 21 % des jeunes ont admis avoir consommé de la marijuana au cours de la dernière année, et du côté des jeunes adultes, la proportion est de 30 %. Selon une récente étude de l'UNICEF, le Canada est au dernier rang. On parle d'enfants, de 11, 13 et 15 ans, qui ont dit avoir consommé du cannabis au cours des 12 derniers mois. Le Canada est au dernier rang parmi 29 nations. Nos enfants sont les plus grands consommateurs de marijuana parmi les enfants de 29 pays industrialisés, ce qui fait que nous devons faire quelque chose à cet égard.
    Monsieur Sabet, votre témoignage m'a laissé perplexe. Je vous ai entendu dire ce que nous savons déjà, soit qu'il n'est pas sain pour des jeunes de consommer de la marijuana. Il y a peut-être des risques psychiatriques à long terme, mais on ne sait pas si cela a été prouvé. Je vous ai entendu dire « ne la légalisez pas », mais ensuite « il ne faut pas que les gens soient accusés de possession de marijuana ».
    Oui.
    J'en conclus alors que ce que vous recommandez, c'est la décriminalisation.

  (1735)  

    Ce n'est qu'un aspect. Je crois qu'en partie, si l'on craint que des jeunes se retrouvent avec un casier judiciaire et qu'on est inquiet pour ce qui est des ressources policières, c'est une façon de procéder, mais je ne dirais pas simplement « décriminalisez la marijuana ». Je dirais que si l'on veut retirer des sanctions pénales et que les gens le savent... Soit dit en passant, les termes « décriminalisation » et « légalisation » sont utilisés tellement souvent de façon interchangeable. Ce sont évidemment...
    Ils ne sont pas. Ils sont...
    Non, vous êtes beaucoup plus raffinés que nous le sommes aux États-Unis. Je me souviens qu'après que le Colorado l'a légalisée, ce jour-là, dans la plupart des manchettes, on disait qu'on l'avait décriminalisée. Bien entendu, ce n'était pas le cas; on l'avait plutôt légalisée.
    Je dirais que la décriminalisation fait partie de cela, mais je proposerais d'entreprendre une campagne de sensibilisation et de promotion fondée sur des données scientifiques, comme nous l'avons fait dans le cas du tabac — ce qui a donné de très bons résultats dans certains pays — et de collaborer avec des médecins et des pédiatres. Il s'agit d'une approche à plusieurs volets. Le volet de la décriminalisation n'est qu'un aspect de toute la question, et c'est essentiellement que nous ne pensons pas qu'il soit sensé que des enfants aient un casier judiciaire. Nous pensons qu'il est plus logique de leur fournir de l'aide.
    À mon avis, la solution à ce problème, en partie, consiste à se demander ce qu'on essaie de régler. Je crois peut-être qu'il y a un problème fondamental qu'on essaie de régler dans le cadre du projet de loi qui est différent. En plus de tenir la marijuana, le cannabis, hors de la portée de nos jeunes et de nos enfants, il s'agit d'éliminer le marché noir, le crime dans ce marché. Il y a probablement exagération, mais il s'agit au moins de réduire la possibilité que ce marché fasse de l'argent.
    D'autre part, il s'agit de la santé et de la production sécuritaire de marijuana. Dans des installations de production réglementées, on sait quel type de produits on obtient. Les produits peuvent être contrôlés, testés et surveillés. Il y a d'autres objectifs que, à mon avis, la décriminalisation ne règle pas. Je vais en rester là.
    J'ai une question à poser aux témoins du Colorado et de Washington. Dans le groupe de témoins précédent, des représentants de ces deux États ont parlé d'une interdiction de l'intégration verticale. Cela donnait l'impression que c'était pour des raisons liées à la concurrence. On ne souhaitait pas qu'une grande entreprise fasse tout. Mis à part la concurrence, y avait-il une raison liée à la santé ou une raison juridique?
     Au Colorado, nous n'interdisons pas l'intégration verticale, ni pour la marijuana thérapeutique, ni pour l'usage récréatif du produit. En fait, pour ce qui est de la marijuana thérapeutique, nous imposons l'intégration verticale. La plupart du temps, d'après ce que j'entends, la raison qui est donnée pour justifier l'interdiction de l'intégration verticale, c'est d'empêcher la création d'un monopole et l'expansion d'un ou deux principaux joueurs.
    À mon avis, et je crois que c'est ce que nous constatons, il s'agit d'un produit agricole qui génère de faibles marges de profit. Il s'agit en fait de se diriger vers une production plus importante. Je crois que peu importe le système qu'on établit, à long terme, les exploitations seront de plus en plus grandes.
    Du côté de la vente au détail, je crois qu'il existe un certain nombre de moyens d'empêcher quelqu'un de posséder un trop grand nombre de magasins.
    Je pense qu'ils essaient d'empêcher le producteur, qui était également le fabricant d'un produit et qui le vendait au détail. Je pense que nous essayons un peu d'éliminer ces marchés.
    C'est logique. Ils soutiendront que plus il y a de joueurs sur le marché, plus il y a de gens qui ne respecteront pas les lois. Le fait qu'il y ait moins de joueurs qui ont plus de capitaux fera en sorte qu'il y aura de meilleurs joueurs.
    Certes, un compromis est possible entre les deux. Si l'on se retrouve avec des milliers de joueurs, il est plus difficile de les surveiller. Je ne sais pas si cet argument l'emporte.
    Le temps est écoulé.
    Monsieur Webber.
    Merci, monsieur le président. Je remercie les témoins.
    Monsieur Sabet, j'ai vraiment aimé votre exposé. J'ai aimé tous les exposés, mais le vôtre en particulier. Je suis d'accord avec vous à bien des égards, particulièrement lorsque vous dites qu'il faut mettre la pédale douce, ralentir le processus mené par le gouvernement; il reste 292 jours avant qu'il soit possible d'acheter et de consommer de la marijuana dans notre pays.
    Je veux poser une question à Mme Weeks concernant le point qu'elle a soulevé. Vous avez parlé de fonds pour la sensibilisation et de l'idée de nous assurer que nous avons l'argent qu'il faut à cet égard. Bien entendu, vous aviez un budget de 7,5 millions de dollars. Vous avez dit que vous aviez ciblé les parents dans votre première campagne, les jeunes dans la suivante, et de plus jeunes par la suite.
    Quel était l'échéancier du processus de sensibilisation? Avez-vous commencé des mois ou des années avant la date limite du 1er juillet? Est-ce plutôt quelque chose qu'il vous fallait mettre en oeuvre après la légalisation de la marijuana dans votre État?

  (1740)  

    Nous avions la marijuana thérapeutique depuis bon nombre d'années. Puisqu'on n'avait pas consacré d'argent pour cela ou pour la sensibilisation, c'est vraiment lorsque l'initiative concernant l'usage récréatif a été adoptée en 2012 que nous avons eu des fonds. Or, nous n'avons pas eu cet argent avant que les ventes commencent un an et demi plus tard. Au cours de cette première année et demie, nous n'avions pas de fonds pour le faire. Nous vérifiions littéralement sous les coussins du sofa pour y trouver de l'argent et nous collaborions avec d'autres organismes. Nous avons trouvé 400 000 $ pour la première campagne visant à montrer aux parents comment en parler à leurs enfants.
    C'est seulement de l'argent qui provenait d'autres sources. Ce n'est qu'après deux ans que nous avons obtenu notre premier montant de 7,5 millions de dollars. À ce moment-là, les magasins étaient ouverts et la marijuana avait été légalisée depuis longtemps. Les gens se demandaient pourquoi nous n'en avions pas fait plus. C'était parce que nous n'avions pas les fonds. C'était en fonction des recettes fiscales.
     Ce que je proposais, c'est que vous veilliez à ce que, dès le départ, il y ait des fonds pour la sensibilisation autres que les recettes fiscales qui seront tirées de votre marché.
    Je pense que des fonds devraient servir dès maintenant à sensibiliser nos enfants avant que le produit devienne légal au pays.
    Et vous, monsieur Freedman, pendant combien de temps avant que le produit devienne légal dans votre État avez-vous sensibilisé vos jeunes?
    Je suis entièrement d'accord avec Mme Weeks.
    C'est également l'une des leçons faciles à tirer. Il y a quelques éléments. Les gens veulent que la marijuana soit rentable. C'est une solution simple. Il nous est déjà arrivé de devoir emprunter de l'argent que nous avons ensuite remboursé à l'aide des recettes tirées de la marijuana.
    Nous étions dans une situation très similaire. Ils avaient un budget de deux ans; nous établissons un budget chaque année. Nous étions dans une situation un peu meilleure que la leur. L'été suivant, nous commencions. Si c'était à refaire, nous commencerions deux ou trois mois avant le début de la commercialisation.
     Au moins.
    Les détaillants autorisés dans vos États respectifs m'intriguent. S'agit-il de magasins ouverts 24 heures par jour dans lesquels il est possible d'acheter de la marijuana à toute heure du jour ou de la nuit?
    Non. Il faut que ce soit les mêmes heures qui s'appliquent à la vente d'alcool, ce qui, je crois, signifie qu'ils doivent cesser d'en vendre à 22 heures, mais des villes ont décidé de changer ces heures... C'est le maximum. Il peut s'agir de 20 heures, de 18 heures, etc. À Denver, pendant longtemps c'était 18 heures, et je crois que c'est maintenant 21 heures.
    Est-ce la même chose dans l'État de Washington?
    Nos heures sont aussi restreintes, comme c'est le cas pour l'alcool. Je crois qu'il y a une période de huit heures pendant laquelle il leur est interdit d'en vendre, soit de 23 heures à 7 heures.
    Bien sûr, c'est durant cette période que le marché noir fait de bonnes affaires, lorsque les magasins de détail sont fermés.
    Monsieur Sabet, encore une fois, c'est le marché noir. Vous avez dit qu'il offrirait toujours des prix inférieurs à ceux du marché légal. Vous avez dit qu'en Oregon, le marché noir fait 70 % des ventes.
    Oui, selon l'estimation de la taille du marché établie par la police d'État de l'Oregon.
    Évidemment, les trafiquants de drogue font le trafic de diverses drogues. Donc, encore une fois, à moins qu'on parle de toutes les drogues — ce qui n'est pas et ne devrait pas être le cas, à mon avis — et de réduire le prix des drogues de façon assez marquée pour forcer les trafiquants de drogue à abandonner ce marché, cela devient difficile.
    Si vous le permettez, j'aimerais discuter d'une différence dont on n'a pas parlé, je crois, et qui est très intéressante, en particulier pour des représentants élus qui doivent rendre des comptes aux électeurs. Je n'ai pas les chiffres pour l'Oregon, et Mme Weeks peut nous donner ceux pour l'État de Washington, mais nous avons observé au Colorado que la majorité des collectivités ont, en fait, voté contre la présence d'un commerce de marijuana dans leur localité.
    D'une part, nous avons voté pour l'amendement 64, peu importe le numéro — la légalisation —, parce que nous voulons éviter que des gens soient emprisonnés. Nous voulions quelque chose de nouveau et nous avons décidé d'adopter la même approche qu'avec l'alcool. D'autre part, si nous demandons aux gens s'ils accepteraient que cela se fasse dans leur cour, près de l'endroit où leurs enfants vont à l'école, ils répondent la plupart du temps: « Non, non, non, faites-le là-bas et non ici. »
    Encore une fois, je ne suis pas assez renseigné sur les détails du projet de loi relatifs aux contrôles à l'échelle locale, mais il s'agit d'un enjeu fort intéressant. Pour la plupart des gens, cet enjeu ne semble pas revêtir une grande importance, sauf lorsque cela les touche de près. Ensuite, vous recevez des appels de vos électeurs qui disent: « Vous savez, je pensais que ce serait une bonne idée; nous devrions peut-être réglementer cette activité. On ne va pas ouvrir un commerce de ce genre ici, n'est-ce pas? Que pouvons-nous faire pour l'empêcher? »
    Il est très intéressant de constater que même dans un État assez libéral comme l'Oregon — vous avez vu les résultats de la majorité des circonscriptions lors de la dernière élection —, même dans les circonscriptions où le vote a été favorable à la légalisation au moment du scrutin, les gens se sont prononcés contre l'établissement d'un commerce de cannabis dans leur propre collectivité. Je pense que ce serait là une discussion digne d'intérêt.

  (1745)  

    Votre temps est écoulé.
    Nous passons maintenant à M. Eyolfson.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie, monsieur Webber, car vous avez orienté la discussion vers la question que je souhaitais poser. Donc, cela tombe à point.
    Monsieur Sabet, vous avez indiqué que les prix sur le marché noir seront toujours plus faibles que ceux du marché légal. Lors de la séance précédente, nous avons entendu des témoignages de représentants de l'État de Washington qui ont indiqué que dans les faits, les prix étaient toujours plus faibles dans leur marché légal. Comment conciliez-vous les deux?
    Il y a de multiples raisons pour lesquelles le marché noir... L'une d'entre elles est de vendre à des prix inférieurs. Je ne sais pas; je n'ai pas entendu ce témoignage. J'aimerais certainement en prendre connaissance.
    L'autre aspect, c'est qu'ils sont en activité toute la nuit. Évidemment, ils se soucient peu que vous ayez une pièce d'identité ou non, donc ils sont...
    Dans quel État? Washington?
    Il y a une limite d'âge dans l'État de Washington. Ce que je dis, c'est que les trafiquants de drogue n'ont pas cette contrainte. Ils peuvent contourner la réglementation parce qu'ils ne la respectent pas. Ils n'ont pas à le faire.
    Je sais, mais je parle des prix.
    Exact.
    ... et vous avez dit que le marché noir réduit toujours...
    Je n'ai pas dit « toujours ».
    Je croyais avoir entendu le mot « toujours ».
    Très bien. C'est probablement mon erreur, alors je retire le mot « toujours ».
    D'accord. On nous a clairement indiqué qu'en fait, en raison des économies d'échelle que peuvent réaliser les acteurs dans un marché légal où ils n'avaient pas à se préoccuper de la possibilité d'être contraint de fermer pour avoir exercé des activités illégales, ils pouvaient réduire considérablement les prix.
    Monsieur Freedman, diriez-vous que c'est ce qui a été observé au Colorado?
    En effet, nous avons rapidement constaté, étant donné les facteurs économiques de ce secteur, qu'à moins d'avoir des taux de taxation extrême ou un règlement qui donne aux consommateurs ordinaires l'impression qu'ils n'ont pas accès à une variété qu'ils préfèrent — en particulier au fil du temps et à mesure que les gens modifient leurs comportements — qu'il était possible d'occuper au moins 70 % du marché. À mon avis, lorsque les nouvelles données seront disponibles, vous constaterez que pour le marché intérieur du Colorado, le pourcentage sera plus près de 90 à 95 % pour le système réglementé comparativement au marché noir.
    Merci. C'est très utile.
    Monsieur Sabet, vous avez indiqué que si nous légalisons cela puis que cela devient bien établi, la question sera savoir comment faire marche arrière? Nous n'avons pu le faire avec l'alcool ni avec le tabac, d'ailleurs.
    Étant donné la prévalence du cannabis dans la société d'aujourd'hui, tant aux États-Unis qu'au Canada, ne convenez-vous pas, comme on l'affirme, que le produit est déjà trop prévalent pour qu'on puisse un jour faire marche arrière?
    Le cannabis est accessible, disponible, et déjà normalisé. À mon avis, personne n'a tort; vous avez raison des deux côtés. L'usage du cannabis a chuté de manière spectaculaire au Canada au cours des 20 dernières années, mais le pays vient toujours au premier ou au deuxième rang au monde à cet égard. En quelque sorte, la question est de savoir si vous considérez que votre verre d'eau est à moitié plein ou à moitié vide.
    Il va sans dire qu'il y aura toujours des consommateurs de cannabis et que le produit sera prévalent, mais lorsque les lois et la société ont des mécanismes pour encourager ou décourager l'usage, je dirais qu'il faut décourager l'usage, en particulier chez les jeunes. À mon avis, c'est difficile à faire lorsque le cannabis devient essentiellement un signe de l'entrée dans l'âge adulte, qu'il devient normalisé et qu'il jouit de la même perception que celle que nous accordons à l'alcool.
    Dans le cas du tabac, nous avons observé une réduction de l'usage, alors qu'il est légal. C'est un cas intéressant, parce qu'il contredit en quelque sorte ce que je dis. Quant à l'alcool, il y a bien plus de gens qui boivent de l'alcool que de gens qui consomment du cannabis. Il y a beaucoup plus de jeunes qui boivent de l'alcool que de gens qui utilisent le cannabis dans la population générale, mais dans le cas du tabac, aux États-Unis et au Canada, nous avons vu un renversement de tendance dans certains groupes d'âge.
    Il y a plus de jeunes qui fument du cannabis que de jeunes qui fument du tabac. Est-ce parce que le tabac est légal? Je ne pense pas. Le tabac a été légal pendant toute la vie de cette génération. Nous n'avons pas affaire à un cas où l'usage d'un produit illégal a baissé après qu'il soit devenu légal. Non, l'usage du tabac a chuté en raison d'un changement sociétal qui perdure depuis deux ou trois décennies. En tant que société, nous avons décidé qu'il n'y avait pas matière à débat. Le produit est nocif. Nous voulons en décourager l'usage. Si vous veniez ici et que vous affirmiez que le produit est bon pour la santé, ou que c'est un médicament, ou qu'il permet de guérir le cancer et la dépendance aux opioïdes, vous seriez la risée de tout le monde. En tant que société, nous en sommes arrivés à cette conclusion, ce qui nous a permis de réduire l'usage du tabac, même s'il était légal.
    Ce qui me préoccupe par rapport au cannabis, qu'il soit légal ou non, c'est qu'on se retrouve sur le plan culturel dans une situation inverse à celle que nous avons pour le tabac. Nous sommes rendus à un point où les jeunes pensent que c'est un produit médicinal. En passant, sur le plan médicinal, je tiens à souligner que le cannabis a des applications médicales, ce qui est aussi le cas pour l'opium. Nous ne fumons pas l'opium pour obtenir les effets de la morphine. Je ne crois pas qu'il est nécessaire de fumer du cannabis pour en obtenir les effets thérapeutiques potentiels. Selon moi, nous devrions traiter ce produit comme tout autre produit pharmaceutique. Nous devrions en prélever les éléments essentiels et les administrer en doses sûres.
    Ce qu'il faut retenir, c'est que nous sommes loin de cela avec le cannabis, étant donné que les jeunes pensent qu'il est sans danger. Je ne crois pas que les jeunes pensent qu'il est sans danger parce qu'il est illégal. À mon avis, les jeunes pensent qu'il est sans danger parce qu'en tant que société, nous n'avons pas diffusé des informations scientifiques fondées sur des faits probants dans les divers secteurs de la société. Nous sommes parfois allés beaucoup trop loin, et ce fut certainement le cas aux États-Unis. Je pense que si vous tentiez d'abord cette approche et que vous tentiez de faire comprendre que son usage n'est pas normal, comme pour le tabac, vous pourriez obtenir des résultats positifs. Ce qui me préoccupe, en fait, c'est que la normalisation du cannabis pourrait avoir comme conséquence de populariser de nouveau le tabagisme, qui n'est plus du tout à la mode chez les jeunes. Y a-t-il des preuves qui démontrent que l'usage du tabac a augmenté à certains endroits en raison de la légalisation du cannabis? Je ne sais pas, mais je pense que c'est un aspect que nous devrions examiner et qui devrait nous préoccuper.

  (1750)  

    Le temps est écoulé.
    Nous passons à M. Davies.
    Monsieur Freedman, vous avez mentionné dans votre exposé qu'il était essentiel de recueillir des données de santé publique. Je me demande simplement si vous pourriez nous donner des détails à cet égard. Quel type de données nous recommandez-vous de recueillir dès le début?
    Merci.
    Je pense que les données d'enquête en santé publique comportent des lacunes, notamment en ce qui concerne les types de marijuana consommée, la fréquence d'utilisation, la toxicité et la durée d'utilisation. Nous obtenons des données de qualité sur les jeunes tous les deux ans, mais nous devrions les obtenir beaucoup plus rapidement. Les données de santé publique portent sur l'utilisation sur une base annuelle. « Avez-vous consommé au cours de la dernière année? Avez-vous consommé au cours de votre vie? Avez-vous consommé au cours des 30 derniers jours? » Je dirais que ce n'est pas le type de consommation problématique que nous essayons d'enrayer, en particulier chez les usagers adultes, pour lesquels il est essentiellement question de l'usage du cannabis et de l'incapacité fonctionnelle. Nous devrions chercher davantage à obtenir des données à ce sujet par l'intermédiaire de nos enquêtes en santé publique. Toutefois, on se trouvera toujours à regarder vers le passé en raison du temps nécessaire aux enquêtes.
    Quant à la suite des choses, un des aspects qui ne faisait l'objet d'aucun suivi dans les écoles était celui des suspensions et des expulsions liées à la marijuana. Je pense que si nous avions fait un suivi à cet égard au préalable et que nous avions eu des données de base, nous aurions pu voir l'évolution de la disponibilité dans les écoles. Ce que nous avons observé, c'est que le nombre de suspensions liées aux drogues a augmenté après la légalisation du cannabis à des fins médicales, mais pas après celle du cannabis à usage récréatif. Je ne peux vous dire pourquoi; je n'en ai aucune idée. Nous aimerions certainement avoir plus de données à ce sujet, surtout parce qu'à l'époque, le nombre total de suspensions était en baisse pour le cannabis médical, avant d'augmenter avec le cannabis à usage récréatif.
    Nos données sont décousues. Il n'y a pas d'autre façon de le dire. Je changerais une multitude de choses à l'avenir. Je veillerais également à établir un lien avec votre système de suivi du cannabis de l'ensemencement jusqu'à la vente pour que vous puissiez connaître, en temps réel, l'origine des problèmes et les habitudes de consommation dans ces quartiers.
    Si cela ne vous dérange pas, vous pourriez, après votre témoignage, envoyer au Comité une liste détaillée des choses pour lesquelles il conviendrait de faire un suivi; cela nous serait très utile.
    Je le ferai avec plaisir.
    Merci.
    Brièvement, madame Weeks, un des aspects dont les gens nous ont peu parlé est celui du traitement. Peu importe l'opinion qu'on puisse avoir sur le cannabis, sur la question de savoir si nous devrions le légaliser ou non ou encore sur la forme que devrait prendre une politique adéquate à cet égard, il va sans dire qu'il s'agit d'une substance psychotrope qui, à l'instar de toutes les drogues, peut entraîner un trouble lié à sa consommation.
    Dans quelle mesure l'État de Washington a-t-il investi dans le traitement? Je suppose que ma question sous-tend que je pars de l'hypothèse que l'usage de marijuana, de cannabis, a augmenté dans la population générale, mais je n'en suis pas certain. Premièrement, a-t-on observé une augmentation de l'usage du cannabis dans la population générale de l'État de Washington depuis la légalisation? Deuxièmement, dans quelle mesure l'État a-t-il investi dans le traitement des troubles liés à la consommation de marijuana?

  (1755)  

    Depuis la légalisation, la consommation a augmenté chez les adultes, mais pas chez les jeunes, pour qui les taux sont demeurés stables. Dans le cadre de l'initiative, un certain pourcentage des recettes fiscales a été versé au département de la Santé à des fins d'éducation, et un certain pourcentage est allé à un organisme soeur à des fins de traitement. Donc, cet argent est utilisé pour offrir des traitements.
    Nous savons que chez les jeunes, l'admission à des programmes de traitement de la toxicomanie est principalement liée à la marijuana. Le nombre d'adultes qui suit des traitements pour usage de marijuana a chuté depuis la légalisation.
    Merci beaucoup.
    Au nom du Comité, je tiens à remercier tous les témoins. Vous nous avez tous fourni d'excellents renseignements et différents point de vue. Je tiens en particulier à remercier ceux qui ont participé par vidéoconférence, parce qu'il n'est pas facile d'être seul dans une salle, en particulier pendant qu'on est en vacances, et de prendre le temps de comparaître.
    Chef Vasquez, je sais que vous avez pris beaucoup de votre temps pour nous écouter. C'est plus facile pour nous, étant donné que nous sommes dans une salle avec d'autres personnes.
    Je tiens aussi à remercier ceux qui ont pris le temps de venir sur place. Vous nous avez fait part de votre précieuse expérience, ce qui n'aurait pas été possible autrement. Merci beaucoup.
    À demain matin. La séance est levée.
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