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PROC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre


NUMÉRO 010 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 25 février 2016

[Enregistrement électronique]

  (1100)  

[Traduction]

    Bonjour, et bienvenue à la dixième réunion du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre dans le cadre de la première session de la 42e législature.
    Cette réunion est publique et télévisée. Aujourd'hui, à la première heure de la réunion, nous allons continuer d'examiner les nominations du Comité consultatif indépendant sur les nominations au Sénat, conformément aux articles 110 et 111 du Règlement.
    À la deuxième heure, nous allons passer aux travaux du Comité, sous la présidence de Blake Richards.
    Je rappelle aux membres que, conformément au Règlement de la Chambre des communes, le rôle de ce Comité se limite à déterminer si la personne nommée a les qualités et les compétences requises pour assumer les fonctions qui lui ont été attribuées. Les membres peuvent également se référer aux pages 1011 à 1013 de l'ouvrage d'O'Brien et Bosc intitulé La procédure et les usages de la Chambre des communes.
    Ce matin, notre témoin est le professeur Daniel Jutras, qui témoignera par vidéoconférence à partir de Montréal.
    Monsieur Jutras, vous avez jusqu'à 10 minutes pour faire votre déclaration préliminaire, puis des membres du Comité poseront des questions.
    Je ne sais pas si vous pouvez nous voir, mais si vous pouvez nous entendre, la parole est à vous.
    Je peux vous entendre et j'ai une vue d'ensemble de la salle.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je suis reconnaissant de pouvoir comparaître devant votre Comité. Si je peux me permettre, j'aimerais, comme vous l'avez suggéré, commencer par une brève déclaration préliminaire qui devrait durer cinq ou dix minutes.
    Je crois comprendre que l'objectif de votre Comité consiste à évaluer mes qualités et compétences. J'aimerais, si vous le permettez, me concentrer sur cet aspect.

[Français]

     Comme vous l'avez indiqué, l'objectif de cette rencontre est d'évaluer la contribution que je peux apporter aux travaux du Comité consultatif indépendant sur les nominations au Sénat à partir d'un examen de mon parcours professionnel et de mes compétences. Je sais que vous avez en main mon curriculum vitae, mais je voudrais d'abord prendre quelques instants pour vous décrire le parcours que j'ai suivi à ce jour sur le plan professionnel.
    J'ai complété mes études de droit à l'Université de Montréal et des études supérieures en droit constitutionnel à l'Université Harvard au milieu des années 1980. Je suis avocat et membre du Barreau du Québec depuis 1984. Je suis également professeur à la Faculté de droit de l'Université McGill depuis bientôt 32 ans.
     Mon champ d'expertise en droit est la procédure civile, le droit privé et le droit comparé, mais vous avez également pu constater, à la lecture de mon curriculum vitae, que j'ai un intérêt soutenu pour le droit constitutionnel. Cet intérêt s'est exprimé plus récemment lorsque la Cour suprême du Canada m'a confié le rôle d'ami de la cour dans le cadre du renvoi relatif au Sénat et aux procédures d'amendement à la Constitution.
    Par ailleurs, entre 2002 et 2005, j'ai pris congé de l'Université McGill pour agir en tant qu'adjoint exécutif juridique à la Cour suprême du Canada dans le cabinet de la juge en chef Beverley McLachlin. J'avais comme tâche de l'assister dans toutes ses responsabilités de juge et de juge en chef, exception faite, bien entendu, de la rédaction des jugements, qui lui appartenait.
     Par exemple, à l'extérieur de la Cour, j'avais la responsabilité des relations avec le Conseil canadien de la magistrature et l'Institut national de la magistrature, qui est l'organisme de formation des juges nommés par le gouvernement fédéral. Au sein de la Cour, j'avais des responsabilités liées aux communications, aux relations avec les médias, à la gestion du Programme des auxiliaires juridiques, qui sont nommés comme assistants de recherche à la Cour, ainsi qu'à la relation entre la Cour, les juges et les divers services opérationnels de la Cour.

[Traduction]

    Si vous le voulez, je serais ravi de répondre à vos questions sur tout élément de mon curriculum vitae, que vous avez sous la main. Avant de vous rendre la parole, j'aimerais prendre un instant pour tenter d'expliquer pourquoi j'estime que mes qualités et compétences seraient utiles à votre comité consultatif, et pour présenter les qualités qui me semblent pertinentes.
    Il me semble que, parmi les principales qualités qui permettent de contribuer aux travaux du comité, il y a d'abord le fait d'avoir une solide réputation pour ce qui est de l'intégrité personnelle, du jugement et du respect absolu de la confidentialité. Je tiens à souligner qu'une bonne partie du travail —  voire tout le travail — que j'ai réalisé auprès de la juge en chef McLachlin et de ses collègues de la Cour suprême du Canada, ainsi qu'au Conseil canadien de la magistrature, ont nécessité que je fasse preuve d'une discrétion exceptionnelle et considérable ainsi que d'un bon jugement. En outre, je ne crois pas que l'on m'aurait nommé à ce poste si je ne jouissais pas d'une très solide réputation sur le plan de l'intégrité personnelle.
    Je crois bénéficier de l'estime de mes collègues. Je suis actuellement le doyen de la faculté de droit à l'Université McGill, et je suis également président du Conseil des doyens et doyennes des facultés de droit du Canada. De plus, on m'a récemment décerné le titre d'avocat émérite, que le Barreau du Québec accorde à d'éminents membres de la profession.
    Deuxièmement, je dirais que l'indépendance et l'impartialité sont des qualités importantes que je possède. Je ne suis membre d'aucun parti politique, je ne suis pas un militant et je ne l'ai jamais été.
    Troisièmement, je crois qu'il est essentiel pour les travaux du comité que ses membres aient de l'expérience dans l'évaluation de dossiers, qu'ils soient en mesure de lire des curriculum vitae et des lettres de recommandation dans les deux langues, qu'ils sachent collaborer efficacement au sein d'un groupe, et je dois dire que cela fait essentiellement partie de mon quotidien en tant que doyen. La fonction de doyen exige de participer de façon soutenue à l'évaluation de demandes et de dossiers de candidature, ainsi que de travailler en groupe et de mener ce genre d'évaluation.
    Enfin, je dirais qu'il serait utile pour le comité que certains de ses membres — idéalement, bon nombre d'entre eux — aient une certaine connaissance du régime constitutionnel du Canada, du rôle du Sénat et du processus législatif à l'échelle fédérale. Dans le cadre du travail que j'ai réalisé en tant qu'amicus curiae à l'égard du renvoi relatif au Sénat qui a été soumis à la Cour suprême, je me suis évidemment concentré avant tout sur les procédures de modification, mais, lors de ma préparation en vue de mon exposé oral et de mes mémoires, j'ai lu pratiquement tout ce qui a été écrit dans les domaines du droit et de la science politique à propos du Sénat.
    Ainsi, même si le Sénat n'était pas mon domaine d'expertise à l'époque — à vrai dire, c'est toujours le cas — je crois pouvoir dire que j'ai beaucoup d'intérêt pour le Sénat et les délibérations parlementaires, et que j'ai des connaissances qui, je l'espère, sont suffisamment étendues pour que je puisse apporter une contribution importante aux travaux du comité consultatif.
    Sur ce, monsieur le président, je serais ravi de répondre à des questions, et je vous rends la parole.

  (1105)  

    Merci, monsieur Jutras.
    Dans notre Comité, quatre personnes disposent chacune de sept minutes pour poser des questions. Ensuite, chaque personne dispose de cinq minutes pour la série de questions suivante. La limite de temps comprend les questions et les réponses, alors si une personne prend une minute pour poser une question et vous en prenez six pour répondre, cette personne ne peut plus vous poser de question.
    Je tiens seulement à vous expliquer comment nous procédons ici, et à vous aviser que nous sommes stricts à propos de la limite de temps parce que nous voulons que tous les membres du Comité aient la chance de vous poser des questions.
    Nous allons commencer par Anita Vandenbeld.
    Merci, monsieur Jutras, d'être des nôtres aujourd'hui. De toute évidence, vous avez mené une brillante carrière dans le domaine juridique. Comme vous l'avez dit dans votre déclaration, il est très important que la personne qui occupe ce poste fasse preuve d'un bon jugement et d'indépendance.
    Je me demande si vous pourriez en dire un peu plus sur vos antécédents dans le domaine du droit. Par ailleurs, vous avez dit que, en tant que doyen, vous devez évaluer des curriculum vitae et des lettres de recommandation. Pourriez-vous nous en dire plus sur la façon dont vous effectuez ce travail de collaboration?
    D'accord. Je crois que le travail dans le domaine du droit est peut-être moins lié aux travaux du comité que le deuxième aspect de votre question, alors je vais en parler le plus brièvement possible.
    Comme je l'ai dit, mes domaines d'expertise sont le droit privé, le droit comparé, la procédure civile et le droit de la responsabilité délictuelle, ce qui est plutôt loin de la question que nous abordons aujourd'hui. Néanmoins, comme je l'ai souligné, je m'intéresse beaucoup au droit constitutionnel. C'était l'objet de mes études supérieures à la faculté de droit de l'Université Harvard. Je me suis tenu à jour autant que j'ai pu, et j'ai également travaillé dans une certaine mesure dans le domaine du droit constitutionnel, notamment pendant les trois années où j'ai travaillé à la Cour suprême avec la juge en chef McLachlin.
    Je dirais très brièvement que, en ce qui concerne mon travail en tant que doyen, notamment la façon dont j'évalue des dossiers, il y a divers aspects du travail universitaire qui exige d'évaluer toutes sortes de dossiers, qu'il s'agisse du processus d'admission des étudiants, du processus de promotion des professeurs ou de l'évaluation d'institutions externes. Au cours des sept années pendant lesquelles j'ai assumé les fonctions de doyen, j'ai évalué d'innombrables dossiers dans le cadre du processus de promotion de ma propre faculté, ainsi que plusieurs dossiers provenant de l'extérieur de ma faculté. J'ai également fait des évaluations et rédigé des lettres de recommandation dans une foule de contextes universitaires et professionnels. Il s'agissait soit de recommander des promotions et des récompenses dans le domaine universitaire, soit d'accorder des marques de reconnaissance professionnelle, notamment par l'octroi du titre d'avocat émérite.

  (1110)  

    Je vois qu'on vous a décerné la médaille de la reine Elizabeth en 2013. Pouvez-vous nous dire pour quelle raison?
    Si je ne m'abuse, je crois que cette médaille a été décernée à environ 60 000 Canadiens. C'est un grand nombre de personnes, et je ne suis que l'une des 60 000 personnes qui ont reçu cette distinction. Je ne veux pas en faire grand cas, même si j'en suis très fier. Je pense que c'était pour récompenser des contributions importantes dans le domaine du droit ainsi que dans le milieu universitaire.
    En plus de vos antécédents en droit et de votre connaissance du droit constitutionnel, vous avez un certain nombre de compétences transférables qui vous permettent de travailler en collaboration, de faire des évaluations, de soupeser des qualités diverses chez différentes personnes. Vous avez dit que, en plus d'être doyen de votre faculté, vous faites partie d'un conseil de doyens.
    En effet. Tous les doyens des facultés de droit du Canada se réunissent afin de faire part de leurs préoccupations. Je suis également porte-parole du Conseil des doyens et doyennes des facultés de droit du Canada. Il y a deux ans, j'ai été élu président de ce conseil qui regroupe les doyens de toutes les facultés de droit du Canada.
    Vous avez gagné beaucoup de respect de la part de vos collègues dans ce domaine. Avez-vous travaillé en collaboration? Pourriez-vous en parler?
    J'ose espérer que j'ai leur respect. Nous travaillons effectivement en collaboration. Par exemple, hier, nous avons échangé de la correspondance par courriel afin de rédiger la déclaration commune des facultés en réponse à l'appel à l'action qui a été lancé par la Commission de vérité et réconciliation. Ce genre de travail exige beaucoup d'efforts de collaboration et de conciliation. Il y a plus de 20 facultés de droit au Canada, et nous devons tous nous entendre sur le texte qui se trouvera dans ce document. C'est donc effectivement un travail qui exige beaucoup d'efforts de conciliation et de collaboration.
    Je vois que vous avez beaucoup travaillé avec la Cour suprême, notamment à titre de secrétaire personnel de la juge McLachlin. Dans quelle mesure croyez-vous que les compétences qui vous ont servi à la Cour suprême pourront vous être utiles au comité?
    Le travail de l'adjoint exécutif juridique est d'offrir de l'aide à la juge en chef, quels que soient ses besoins. Comme vous le savez, la juge en chef est très occupée et doit assumer une foule de responsabilités. En plus de s'acquitter de ses fonctions de juge, elle doit administrer la Cour sur le plan tant opérationnel que professionnel. Elle préside le Conseil canadien de la magistrature, un organisme regroupant tous les juges en chef du Canada qui a comme responsabilité de traiter tous les dossiers importants pour la magistrature. Elle préside également l'Institut national de la magistrature, qui, comme je l'ai souligné, est l'organisme de formation des juges de nomination fédérale.
    Je crois que les compétences transférables se déclinent en deux volets. Tout d'abord, dans le cadre de ce travail, il faut absolument respecter le caractère strictement confidentiel de tout ce qui se passe au sein de l'institution. Évidemment, vous pouvez vous imaginer que, lorsque j'aidais la juge en chef dans toutes ses fonctions, que j'occupais le bureau voisin du sien et que je l'aidais à s'acquitter des tâches que je viens d'énumérer, j'étais au fait de certaines choses qui devaient demeurer complètement confidentielles. Je crois que c'est là un exemple de compétence transférable, compte tenu, évidemment, de l'importance du processus auquel nous participons, et de la nécessité de protéger la vie privée des candidats et la confidentialité du processus.
    Par ailleurs, la Cour suprême est une institution très importante pour les Canadiens et pour notre régime constitutionnel. Je crois que le fait d'y avoir travaillé et d'avoir été témoin de l'esprit de corps et du fonctionnement de la Cour me donne une très bonne idée de la manière dont ceux qui occupent des fonctions publiques doivent se comporter. Je crois pouvoir appliquer ce genre de connaissance à ma façon d'évaluer les dossiers dont nous sommes saisis.

  (1115)  

    Vous avez parlé de bon jugement, de discrétion et d'indépendance. Y a-t-il d'autres qualités que vous possédez et qui seraient utiles dans le cadre de ces fonctions?
    Non, je crois que tout a été dit.
    Je pense que la qualité que vous n'avez pas mentionnée est ma connaissance du rôle constitutionnel et de la structure du Sénat, ainsi que de la place qu'il occupe au sein du gouvernement du Canada. Encore une fois, je ne prétends pas être un expert de ce domaine, qui est fort complexe. Il y a de nombreux juristes au Canada qui en connaissent beaucoup plus que moi sur le Sénat. Cependant, j'estime que le travail que j'ai fait à l'égard du renvoi m'a bien préparé à ce genre de responsabilité.
    Merci beaucoup, madame Vandenbeld.
    C'est maintenant au tour de Scott Reid de poser des questions.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup, monsieur Jutras. Vous êtes une personne très accomplie, mais j'imagine que vous devez être un peu mal à l'aise de discuter publiquement de votre curriculum vitae, comme l'exige le Comité. Je suis conscient de la situation délicate dans laquelle vous place cette exigence. Une personne accomplie n'est pas forcément égocentrique.
    Compte tenu du sujet à l'étude aujourd'hui, j'aimerais d'abord vous poser la question suivante: avez-vous regardé le témoignage de la ministre Monsef devant un comité sénatorial hier soir? Son témoignage a porté dans une certaine mesure sur le mandat qui vous a été confié.
    J'ai vu les 20 premières minutes. Comme j'avais une réunion, je n'ai pas vu le reste. J'ai entendu les présentations des deux ministres et, je crois, les deux ou trois premières questions.
    Dès les premières réponses — en fait, c'était peut-être dans la déclaration liminaire de Dominic LeBlanc —, il est apparu évident que vous auriez besoin de plus de temps pour dresser la liste des candidatures et que celle-ci n'a pas encore été présentée. Est-ce le cas et avez-vous pensé à une date limite pour la présentation des candidatures au premier ministre?
    M. Daniel Jutras: Je ne suis pas au courant de...
    Un instant, je vous prie.
    M. Chan invoque le Règlement.
    Monsieur le président, la réunion d'aujourd'hui a pour objet d'examiner les compétences et les qualités de la personne nommée. Je m'interroge sur la pertinence des questions posées par M. Reid et, en fait, je me demande si elles sont recevables.
    Monsieur le président, étant donné les directives que vous avez fournies aux membres du Comité au début de cette réunion, je crois que les questions posées par M. Reid à ce moment-ci ne sont pas recevables.
    Monsieur Reid, vous avez la parole.
    Monsieur le président, pour répondre au recours au Règlement, j'aimerais simplement dire que, si vous pensez qu'une question n'est pas recevable, vous pourriez informer le témoin que, selon vous, il n'est pas obligé de... qu'il lui appartient de décider s'il doit répondre ou non à la question.
    J'ajouterais que le témoin présente un bilan très impressionnant en matière de gestion d'enjeux qui nécessitent de la discrétion. Le témoin est mieux placé que quiconque dans cette salle pour décider s'il vaut mieux pour lui ne pas répondre à une question afin de ne pas outrepasser son mandat.
    Je pense que c'est la bonne marche à suivre. En fait, interdire au témoin de répondre à une question ou m'interdire de poser une question constituerait un recours inapproprié au pouvoir discrétionnaire.
    Je vais procéder ainsi pour l'instant. Pour vous rappeler ce que le Comité est autorisé à faire, permettez-moi de relire le passage suivant:
Le rôle de ce comité se limite à déterminer si la personne nommée a les qualités et les compétences requises pour assumer les fonctions qui lui ont été attribuées.
    Par conséquent, vous pouvez accepter ou refuser de répondre à cette question.
    Merci, monsieur le président.
    Je pense pouvoir répondre à la question en établissant un lien avec mes compétences et qualités.
    Je pense que vous comprendrez que la tâche est exigeante. Les membres du comité consultatif doivent avoir beaucoup d'énergie et être en mesure de travailler rapidement. Je pense que, jusqu'ici, mon expérience professionnelle a démontré que je suis capable de gérer une charge de travail très lourde et de travailler aussi rapidement que possible pour remplir les mandats qui me sont confiés.

  (1120)  

    Monsieur Jutras, en posant cette question, je ne voulais pas laisser entendre que vous n'étiez pas en mesure de faire les choses rapidement. Ce n'était pas l'intention de ma question. Je souhaitais plutôt savoir à quel moment vous pensiez être en mesure de présenter vos recommandations au premier ministre.
    Pensez-vous être habilité à répondre à cette question?
    Vous n'êtes pas obligé de le faire.
    En effet. Merci, monsieur le président.
    Je ne suis pas sûr que cette question ait un lien avec le mandat de votre Comité. Je peux dire que nous travaillons le plus rapidement possible et que nous présenterons nos recommandations en temps et lieu, après avoir examiné tous les aspects de la question avec la diligence voulue.
    Merci.
    Monsieur le président, si vous continuez de juger irrecevables certaines questions qui, pourtant, se rapportent au sujet dont nous sommes saisis, à la fin du témoignage de M. Jutras, je présenterai une motion tendant à inviter ce dernier et les autres membres du comité consultatif à comparaître de nouveau devant notre Comité. C'est important de discuter des questions que vous continuez de juger irrecevables. Je tiens simplement à vous en donner préavis, monsieur le président.
    Très bien.
    Le Comité n'a pas le choix; il ne peut pas élargir le mandat qui lui a été confié pour la présente réunion.
    Non, mais je remarque que le mandat est interprété d'une façon beaucoup trop contraignante pour les membres conservateurs du Comité, ce qui n'est pas le cas pour les membres du parti ministériel. C'est très frappant, monsieur le président.
    Monsieur Jutras, vous avez été secrétaire personnel de la juge en chef de la Cour suprême. Je crois qu'elle préside aussi le comité qui prend des décisions au sujet de l'Ordre du Canada. Avez-vous participé à ce processus d'une manière ou d'une autre? Je ne vous demande pas de m'expliquer les rouages du comité; j'aimerais simplement savoir si vous avez participé à ce processus.
    Non, pas du tout. Elle remplit ce mandat seule.
    Merci.
    Vous avez mentionné avoir agi en tant qu'amicus curiae dans le renvoi sur le Sénat. Agissiez-vous alors au nom d'une organisation ou à titre personnel?
    Comme l'amicus curiae est nommé par la Cour suprême, je ne défendais pas les intérêts d'une organisation. La Cour suprême a demandé à Me John Hunter, de la Colombie-Britannique, et à moi de présenter un mémoire et une plaidoirie en plus de ceux que la Cour a reçus de divers procureurs généraux et d'intervenants.
    C'est la Cour suprême elle-même qui m'a nommé à ce titre.
    Vous avez parlé assez longuement de votre capacité de comprendre — ce n'est pas tout à fait ce que vous avez dit, mais... Le concept de discrétion nécessite des connaissances subtiles afin de bien comprendre sa signification ainsi que ses paramètres. Je pense que c'est ce que vous avez tenté de souligner.
    Sachant cela, j'aimerais vous demander si, dans le cadre de votre travail au sein du comité consultatif, vous devez vous conformer à des règles liées à la discrétion et à ce que vous serez autorisé à divulguer.
    Selon vous, est-ce que cela inclut le nombre de candidatures présentées dans chacune des provinces pendant la phase 1? Plus spécifiquement, diriez-vous que vous ne pourrez pas divulguer le nombre de candidatures que vous avez reçues — et rien d'autre — de chacune des trois provinces?
    De nouveau, il s'agit d'une question portant sur le processus.
    Non, monsieur le président, vous avez tort. Ma question porte sur un sujet que le témoin lui-même a soulevé. Par conséquent, il est tenu d'y répondre.
    Il n'est pas tenu de répondre à la question, car elle porte sur le processus. Il peut toutefois y répondre s'il le souhaite.
    Merci, monsieur Reid.
    Je vais simplement vous renvoyer à l'article 13 de notre mandat, qui exige que, dans les trois mois suivant la remise des noms de candidats qualifiés au premier ministre dans le cadre du processus de transition et suivant chaque processus de nomination subséquent, le comité consultatif lui présente un rapport dans les deux langues officielles — un rapport public —, contenant de l’information sur le processus, notamment sur l’exécution du mandat, sur les frais liés aux activités et, plus précisément, sur les statistiques relatives aux candidatures reçues.
    Nous n'avons pas encore rédigé le rapport, mais je pense qu'il est juste de dire que nous devrons évaluer le degré de divulgation qui sera nécessaire dans les circonstances.
    Merci.
    Dans le même ordre d'idées, considérez-vous qu'il s'agit de... On a interrogé la ministre à ce sujet, mais je crois que vous n'étiez plus à l'écoute à ce moment-là. Il s'agit des noms des membres des groupes chargés des nominations, plutôt que des noms des personnes qui présentent leur candidature. Dans ce dernier cas, il s'agit évidemment d'un processus confidentiel. Toutefois, je ne crois pas que le mandat du comité consultatif indique que les noms des membres des groupes chargés des nominations doivent rester confidentiels. En fait, je pense que, au moment de la rédaction du mandat, l'idée de la phase 1 n'avait pas encore été proposée.
    Seriez-vous disposé à inclure ces renseignements dans votre rapport?

  (1125)  

    Vous avez 10 secondes.
    Excusez-moi, mais je n'ai pas entendu ce que vous venez de dire.
    J'ai dit que vous aviez 10 secondes.
    Dix secondes?
    Encore une fois, monsieur Reid, je vous invite à consulter le mandat du comité consultatif. Pour l'instant, je ne pense pas que je devrais préciser le contenu du rapport avant même qu'il soit rédigé. Il reste à voir ce qu'il contiendra au juste.
    Merci.
    M. David Christopherson est l'intervenant suivant.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Jutras, merci d'être ici aujourd'hui. Je vous en suis reconnaissant.
    Pour que les choses soient bien claires, vous savez probablement que le NPD, dont je fais partie, et moi ne tenons pas le Sénat en très haute estime. Nous préférerions tout bonnement qu'il disparaisse. Toutefois, il ne semble pas que ce soit l'opinion dominante à l'heure actuelle.
    J'aimerais vous poser des questions qui sont très semblables à celles que j'ai posées à votre collègue qui a déjà témoigné devant nous. Je suis conscient de vos compétences. Bien franchement, comme n'importe quel Canadien peut être nommé, je pense qu'à peu près n'importe quel Canadien peut faire partie du comité consultatif chargé d'approuver les nominations. Par conséquent, vos compétences ne me posent aucun problème. Si l'on cherche quelqu'un qui est entièrement professionnel, je crois que vous êtes la personne toute désignée.
    J'aimerais parler de la question des compétences sous l'angle suivant. Un des éléments fondamentaux de la démocratie est la reddition de comptes. À la Chambre des communes, nous sommes tenus de rendre des comptes tous les week-ends, lorsque nous rentrons dans nos circonscriptions, et tous les quatre ans, lorsque nous sommes candidats aux élections. Ce n'est pas la même chose au Sénat, mais, comme la reddition de comptes est un élément important de la démocratie moderne, quelles caractéristiques recherchez-vous chez les candidats et qui vous indiqueraient qu'ils sont conscients de l'importance de ce facteur? Dans le cadre de leur rôle, ils devront rendre des comptes. Ils ne seront pas chargés simplement d'établir des lois, mais aussi de rendre des comptes sur ce qu'ils font.
    Lorsque vous interviewez des gens dans le cadre du processus de nomination, quelles caractéristiques recherchez-vous et qui vous donneraient l'assurance qu'ils savent que la reddition de comptes fait partie intégrante des deux Chambres du Parlement?
    Allez-y. Vous pouvez parler de vos compétences et qualités à cet égard, ou de toute autre chose qui vous semble pertinente.
    Je pense que votre question outrepasse un peu le mandat du comité, à moins que je ne comprenne pas bien le sujet à l'étude aujourd'hui. Je ne suis pas sûr de comprendre dans quelle mesure votre question porte sur mes qualités et compétences. Pourriez-vous me donner quelques précisions?
    Bien sûr. Vous serez appelé à prendre des décisions sur les gens que vous allez interviewer. Je présume que vous allez notamment vous assurer que ces personnes ont l'énergie et les capacités nécessaires pour assumer une charge de travail pouvant être assez lourde.
    Selon moi, les Canadiens estiment qu'il est important que les sénateurs soient conscients de leur obligation de rendre des comptes en tant que parlementaires. Le mot « parlementaire » s'applique aux deux Chambres du Parlement. Voici donc ma question: quelles caractéristiques recherchez-vous chez les candidats qui vous convaincraient qu'ils comprennent l'importance de la reddition de comptes?
    Je pense que cette question s'applique au mandat du comité consultatif, plutôt qu'à mes compétences et qualités personnelles. Le mandat du comité consultatif est défini très clairement. Je pense que la ministre a énoncé très clairement les qualifications et les critères d'évaluation fondés sur le mérite, lesquels ont d'ailleurs été rendus publics.
    Je pense qu'il s'agit d'une des caractéristiques fondamentales de notre travail. Nous faisons de notre mieux pour respecter les critères liés aux qualifications et au mérite qui sont précisés dans notre mandat.
    Oui, je dois vous dire...
    Y compris, ajouterais-je, l'idée d'une connaissance approfondie des processus législatifs et du rôle du Sénat, notamment dans l'ordre constitutionnel au Canada.
    Vos réponses ne m'impressionnent pas beaucoup, monsieur.
    Je pense qu'il est tout à fait légitime de vous demander ce que vous recherchez, car c'est vous qui déciderez qui seront les législateurs. Ce n'est pas moi. Ce ne sont pas les Canadiens. Ce sera le Comité. Vous êtes ceux qui décideront. Tout ce que je vous ai demandé, c'est de dire comment vous vous y prendrez pour repérer certaines qualités, en l'occurrence la volonté de rendre des comptes, mais vous vous contentez de faire de la petite politique en m'expliquant pourquoi vous ne devriez pas répondre à ma question. Je ne comprends pas.
    C'est une question très raisonnable, monsieur le président.

  (1130)  

    Monsieur le président, j'invoque le Règlement. Je crois que le témoin a répondu à cette question avec brio dans le respect du mandat du Comité.
    M. Christopherson ne cesse de harceler le député.
    Comment pourrais-je le harceler puisque je ne réussis pas à obtenir de réponse?
    Tout ce que je demande... C'est une question tout à fait légitime. Pourquoi ne serait-il pas légitime de leur demander ce qu'ils pensent lorsqu'ils se penchent sur un candidat pour prendre une décision?
    La réponse que cherche M. Christopherson concerne la qualification de l'éventuel sénateur et non celle du témoin ici présent.
    J'ai joué cartes sur table dès le début, monsieur le président, même si nous n'avons rien à faire du processus, pas plus que du Sénat.
    Hélas, le premier accrochage vient du témoin du gouvernement, qui refuse de répondre à une question tout à fait raisonnable et qui cherche à se défiler.
    Si je suis incapable d'obtenir de la personne qui choisira les sénateurs qu'elle m'explique comment on entend déterminer que les candidats rendront des comptes, comment diable pouvons-nous nous attendre à ce que les sénateurs estiment que la reddition de comptes fait partie intégrante du travail d'un parlementaire?
    Eh bien, vous pouvez demander...
    Ouais, silence radio.
    Vous savez quoi? J'ai mon quota. J'appuierai tout ce que voudront faire les conservateurs, ce qui montrera à quel point tout ceci est ridicule.
    Passons aux questions de David Graham.
    J'ai lu votre CV.

[Français]

     Vous avez occupé trois postes à l'étranger comme professeur invité, soit à l'Institut d’études politiques de Paris, à la Louisiana State University et à l'Université d'Aix-Marseille III. Vous avez également étudié à l'Université Harvard.
     Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur votre expérience à l'étranger et préciser comment elle peut vous servir dans le cadre du travail de ce comité consultatif?
    Pouvez-vous répéter votre question? Je ne l'ai pas bien entendu.
    Vous avez travaillé à plusieurs reprises à l'étranger comme professeur invité et vous avez fait vos études à l'Université Harvard.
    Pouvez-vous nous en parler un peu et nous dire comment cela est utile dans le cadre de votre travail actuel?
    Très bien. Je vous remercie.
    Comme beaucoup d'universitaires de grandes universités canadiennes, j'ai eu l'occasion de voyager à l'étranger, d'y enseigner et d'y donner des conférences. L'aspect intéressant d'une telle expérience est le fait de se familiariser avec des cultures différentes qui sont aussi présentes à l'intérieur de la communauté canadienne. Il y a au Canada des gens qui proviennent de cultures très différentes et il est important, quand on examine leur dossier, de pouvoir mesurer correctement la contribution qu'ils peuvent apporter à un organisme comme le Sénat.
     Autrement, il y a eu des conférences et des cours de nature assez universitaire qui n'ont pas de lien avec le Sénat. Cette expérience internationale n'est pas en elle-même un élément absolument pertinent ou essentiel au chapitre de mes qualifications.
    Merci.
    Je voulais aussi préciser que j'allais partager mon temps de parole avec Mme Sahota.
    Vous avez travaillé plusieurs années en pratique privée au sein de la firme Borden Ladner Gervais.
    Comme la plus grande partie de votre carrière s'est déroulée dans le secteur de l'éducation, j'aimerais que vous nous en disiez un peu plus sur votre expérience dans le secteur privé.
    D'accord.
     Le poste que j'occupais au cabinet Borden Ladner Gervais n'était pas à temps plein. J'étais avocat-conseil dans ce cabinet national. J'ai fait ce travail après mon séjour à la Cour suprême du Canada. J'espérais, en particulier, développer une meilleure compréhension du phénomène des recours collectifs. Comme ces derniers constituent l'un de mes champs d'expertise, j'ai pensé qu'il serait utile, pour mieux saisir la réalité de ce phénomène, de passer quelques heures par semaine dans un grand cabinet. Ces gens m'ont offert la possibilité de travailler avec eux sur quelques dossiers de recours collectif, et c'est ce que j'ai fait pendant trois ans. Toutefois, je l'ai fait tout en continuant à travailler comme professeur à temps plein à l'Université McGill.
    Merci.
    Ce comité compte plusieurs membres. Les connaissiez-vous déjà? Aviez-vous travaillé avec eux?
    Vous voulez parler des autres membres du comité consultatif?
    Oui, exactement.
    Les connaissiez-vous déjà? Aviez-vous travaillé avec eux?
    Non. Je ne connaissais aucun de ces membres avant que nous commencions à travailler ensemble il y a quelques semaines.
    Trouvez-vous qu'il y a une bonne dynamique au sein de ce comité?

  (1135)  

    Faire partie de ce comité représente pour moi une grande fierté parce que ses membres sont des personnes exceptionnelles. Si vous avez la liste devant vous, vous pourrez constater que plusieurs d'entre eux sont membres ou Compagnons de l'Ordre du Canada. Pour ma part, je n'en fais pas partie. Quoi qu'il en soit, je peux vous dire que le leadership de Mme Labelle est absolument exceptionnel.

[Traduction]

    Pardon. Il y a appel au Règlement.
    Qui invoque le Règlement, monsieur le président, pour que vous interrompiez cette intervention?
    C'est moi.
    Je suis ravi que vous soyez d'accord. C'est super, mais ce n'est pas pertinent. Vous venez d'invoquer le Règlement, monsieur le président. Or, c'est notre prérogative. Il ne vous revient pas de commencer à invoquer le Règlement.
    Monsieur Chan, invoquez-vous le Règlement?
    Disons que j'invoque le Règlement.
    Monsieur le président, laissez le soin à M. Chan et aux autres d'invoquer le Règlement. Ce n'est pas à vous de le faire.
    Larry, je pense que vous êtes un bon gars, mais vous n'êtes pas un bon président. Vous n'êtes pas du tout impartial. Vous devez redevenir impartial. C'est votre travail.
    En fait, j'allais dire que la dernière question ne me semblait pas pertinente, elle non plus. À vrai dire, j'invoque le Règlement contre mon propre parti, car je trouve que la question outrepassait effectivement notre mandat dans le cadre de cet examen.
    Arnold, je crois que vous êtes sincère, et peut-être bien que vous étiez sur le point d'appuyer sur le bouton, mais vous ne l'aviez pas encore fait, ce qui nous ramène à l'impartialité absolue dont doit faire preuve le président du Comité, ce qui n'est pas le cas actuellement.
    Le président tranche diverses questions, monsieur Reid.
    Monsieur Graham.
    Je suis prêt à laisser la parole à Mme Sahota, si elle le veut bien.
    Monsieur Jutras, merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui.
    Je veux revenir à votre nomination à titre d'ami de la Cour, ou amicus curiae, à la Cour suprême ainsi qu'à votre expérience à ce titre. Nous donneriez-vous un exemple précis de quelque chose que vous auriez appris lorsque vous occupiez ce rôle? En quoi cette expérience s'avérera-t-elle utile dans vos fonctions au Comité consultatif indépendant?
    Vous n'êtes pas sans savoir que le renvoi à la Cour suprême auquel j'ai participé visait principalement le processus de modification prévu à la partie V de la Loi constitutionnelle, qui définit le degré de soutien exigé des provinces aux termes de la Constitution pour apporter certaines modifications constitutionnelles, en particulier en ce qui concerne la structure du Sénat, mais aussi l'abolition du Sénat.
    Comme je l'ai expliqué dans un autre contexte, il serait juste de dire que le renvoi concernait le processus de modification de la Constitution plutôt que le Sénat lui-même. La Cour suprême n'avait pas le mandat ni la responsabilité d'analyser diverses propositions pour réformer le Sénat, mais plutôt de déterminer les processus nécessaires pour modifier la Constitution.
    C'est essentiellement là-dessus qu'a porté mon travail en tant qu'ami de la Cour. Je me suis concentré sur la structure de la Loi constitutionnelle et sur les dispositions applicables à la modification de la Constitution.
    Quoi qu'il en soit, il est juste de dire que, pour comprendre le genre de points susceptibles d'être alors soulevés, j'ai dû me familiariser avec l'histoire des modifications constitutionnelles relatives au Sénat. J'ai notamment étudié, évidemment, diverses critiques exprimées à l'égard du Sénat, de sa configuration actuelle et de son éventuelle transformation.
    Ce que je pourrais apporter de pertinent pour comprendre la qualification des personnes qui feraient de bons sénateurs, c'est une compréhension du contexte, une compréhension qui vient de ce que j'ai beaucoup lu sur le rôle du Sénat, notamment au sein de notre régime constitutionnel.
    Monsieur Richards.
    Je vous sais gré de votre présence, aujourd'hui. Ce doit être bizarre de passer après coup ce qui s'apparente essentiellement à une entrevue d'embauchage, en public de surcroît. Nous vous remercions de vous plier à cette épreuve.
    De toute évidence, nous avons pris connaissance de vos titres et qualités. Je crois m'exprimer pour tout le monde ici présent en disant à quel point votre expérience et votre bagage sont impressionnants.
    Lorsque je procède à une évaluation, je trouve toujours utile de demander à la personne ce qu'elle ferait dans telle ou telle situation. J'aime proposer des scénarios ou des mises en situation, puis lui demander comment elle agirait. Étant donné que le processus est déjà bien entamé, dans certains cas, je ne pourrai pas vraiment vous demander ce que vous feriez ou ce que vous devriez faire. Il faudra demander ce que vous avez fait, car le processus est déjà en cours.
    Diverses facettes de la fonction m'apparaissent cruciales, et j'aimerais avoir une idée de ce que vous en pensez. La première, c'est le processus en deux étapes. Il y a la première, je crois que c'est ce qu'on appelle la période de transition, puis il y a le passage à un processus permanent.
    Lorsque, comme l'indique le site Web du ministère des Institutions démocratiques, des améliorations seront apportées au processus, lorsqu'il deviendra permanent, j'imagine que, en tant que membre du comité consultatif, vous aurez l'occasion de formuler des recommandations ou des suggestions sur ce qu'elles devraient être.
    Nous donneriez-vous une idée des lacunes ou des difficultés que vous avez constatées jusqu'à présent dans le processus en cours? Selon vous, quels changements conviendrait-il d'apporter au processus? Votre réponse nous aidera à évaluer votre capacité à formuler des suggestions et des recommandations de ce genre.

  (1140)  

    J'invoque le Règlement, monsieur le président. Je pense que, encore une fois, la question se rapporte au processus et non à la compétence ou aux qualités du témoin.
    Tout comme eux l'ont fait.
    C'est vrai. Je retire carrément le mot « pense »: la question n'est pas conforme au mandat.
    À vous de juger... C'est loin d'être la première fois aujourd'hui. À vous de juger, monsieur Jutras. Allez-y.
    Je pense que je vais m'en tenir à dire qu'il est sans doute prématuré pour moi de répondre à cette question. Le processus n'est pas terminé. Conformément à notre mandat, nous soumettrons au premier ministre un rapport où nous analyserons le processus et présenterons des améliorations possibles, mais je ne crois pas être en mesure de les nommer actuellement. Le Comité n'en a pas encore discuté, alors je préfère attendre que ce soit fait avant d'en parler.
    D'accord. Je respecte cela.
    Vous avez mentionné, je crois, en répondant à une question précédente — celle de M. Reid, si je ne m'abuse — que le rapport que soumettrait le Comité à propos des recommandations serait rendu public. Nous aurons donc une idée des améliorations que le Comité suggérera d'apporter. Ce sera public.
    Pouvez-vous confirmer que vous rendrez le rapport public?
    C'est ce que je comprends. Je pense que le mandat le prévoit explicitement, au paragraphe 13(3). Aux termes du mandat, le rapport doit être rendu public.
    Je comprends. Merci.
    Passons à un autre sujet qui m'apparaît plutôt important. On semble dire que des consultations seront menées auprès de divers groupes au cours de la période de transition. Je cite: « [...] peuvent être menées auprès de groupes qui représentent [...] », puis il y a une liste de groupes éventuellement concernés. On lit ensuite que le processus permettra ainsi de « [...] veiller à ce qu’un éventail de personnes d’horizons variés et possédant les compétences, les connaissances [...] soient soumises à l’examen ».
    Je tente de saisir l'ampleur de votre expérience au moment d'entreprendre des consultations de ce genre auprès d'organismes. C'est compliqué, car vous avez déjà entamé une partie du processus. Je veux en savoir un peu plus sur ce que vous entendez ou devriez faire, mais je vous demanderai parfois ce que vous avez fait parce que c'est déjà en cours.
    Comment les consultations ont-elles été lancées? Comment devraient-elles se dérouler? Je pose les deux questions, j'imagine.
    A-t-on contacté des groupes ou était-ce à eux de se manifester? Selon quels critères les groupes ont-ils été retenus? Auraient-ils dû être retenus? Comment le Comité entend-il interagir ou a-t-il interagi avec les groupes? Selon vous, le nom des groupes participants devrait-il être rendu public?
    Une fois de plus, monsieur le président, je m'en remets au témoin, mais je pense que la dernière partie de la question de M. Blake dérive aussi vers les processus actuels plutôt que... Je n'avais aucun problème lorsqu'il était question de l'expérience du témoin, car cela permet d'examiner ses compétences et sa qualification, mais je laisse le soin au témoin de décider s'il veut répondre.

  (1145)  

    De toute évidence, monsieur le président, je cherche à demander ce qu'il faudrait faire, mais, bien sûr, les processus sont déjà en cours. C'est la réalité. Nous ne pouvons pas faire fi de la réalité actuelle. Pour savoir ce qu'il faudrait faire, je dois donc demander ce qui a été fait, car cela concerne la réalité.
    Monsieur Jutras.
    Je crois que je préfère ne pas répondre à des questions détaillées sur ce qui devrait être fait, pour les raisons que j'ai évoquées dans la dernière réponse que je vous ai donnée. J'estime qu'il faudra procéder à une évaluation lorsque nous aurons terminé la période de transition et qu'il est encore trop tôt pour répondre.
    Je trouve qu'il serait préférable, dans le contexte du mandat, de discuter avec les divers interlocuteurs en ordre logique. Le mandat exige que nous soumettions un rapport au premier ministre. Je suppose que le premier ministre le rendra public, conformément au mandat. Je suppose également que, compte tenu du mandat, le rapport fera ressortir chaque aspect susceptible d'être pertinent dans ses recommandations d'amélioration.
    Puis-je alors vous demander si les groupes ont été contactés ou si c'était à eux de demander à participer aux consultations? Selon quels critères les a-t-on choisis? Comment le Comité a-t-il interagi avec eux?
    C'est la dernière question.
    Merci.
    Je pense encore une fois que les questions se rapportent au processus dont il sera rendu compte dans le rapport dont je viens de parler et non à ma qualification.
    Je peux en revenir à ce qu'a dit la présidente du Comité, Huguette Labelle, lorsqu'elle a témoigné devant le vôtre: le processus était très ouvert. Comme vous le savez, le Comité a lancé un site Web pour inviter les gens à proposer des candidats et à soumettre des candidatures. Je pense qu'il serait assez simple pour les membres de ce comité-ci de cerner les divers moyens que le Comité a employés pour obtenir des nominations et des demandes visant d'éminents Canadiens et des Canadiens fort respectables.
    Merci.
    La prochaine intervenante, qui disposera de cinq minutes, est Mme Petitpas Taylor.
    Juste avant que vous ne commenciez, je tiens à dire aux membres du Comité que je laisse normalement beaucoup de latitude, mais que j'ai rappelé tous les partis à l'ordre à ce sujet. Il faut s'en tenir strictement à ce que le Règlement nous autorise à faire parce que des centaines de décrets s'en viennent et que d'autres comités s'inspireront du précédent que nous aurons établi. Par conséquent, de tous les comités, le nôtre doit autant que possible s'en tenir à ce qu'énonce le Règlement.
    Madame Petitpas Taylor.

[Français]

    Bonjour, monsieur Jutras. Je vous remercie de comparaître devant ce comité.
    Il est évident que vos compétences professionnelles sont à la hauteur. Votre curriculum vitae est très impressionnant. Pourriez-vous nous parler un peu de votre parcours personnel et nous dire en quoi il va vous aider à accomplir les tâches de ce comité consultatif?
    Je ne suis pas certain de comprendre votre question. Qu'entendez-vous par « parcours personnel »?
    Nous avons beaucoup entendu parler de vos réalisations sur le plan professionnel, mais j'aimerais savoir quelles sont vos qualités personnelles. Vous pourriez peut-être nous en dire davantage à ce sujet de même que sur votre parcours personnel.
    C'est une question fort difficile à répondre. Je ne sais pas si je peux y répondre intelligemment.
    Je fais maintenant partie d'un environnement universitaire qui est rattaché à l'enseignement supérieur. C'est l'essentiel de ma vie professionnelle. Cela dit, il est peut-être utile de savoir que, dans ma famille, ma génération est la première à avoir fait des études universitaires. Ni mon père ni ma mère n'en ont fait. Mes deux parents valorisaient énormément l'éducation, mais ils n'avaient pas eux-mêmes eu la chance de faire des études de ce genre.
    Sur le plan personnel, je suis un Canadien ordinaire. Je viens d'une famille issue de la classe moyenne. Mon père était fonctionnaire municipal et ma mère était secrétaire dans une commission scolaire. J'ai fait mes études au niveau secondaire dans une grosse polyvalente, à savoir dans une école publique de la Rive-Sud de Montréal. J'ai poursuivi mes études dans un cégep public au Québec.
    Sur le plan personnel, même si mon parcours est associé à la vie et aux institutions universitaires, un espace de ma vie est ancré dans la réalité des Canadiens et Canadiennes de la classe moyenne.
    Je ne sais pas si je peux vous en dire beaucoup plus à ce sujet. Je ne pense pas que le reste vous intéresserait. Les passe-temps ne me semblent pas pertinents à la réalisation de mon mandat au sein de ce comité.

  (1150)  

     En effet. Je vous remercie.
    Selon vous, quelles qualités sont vraiment essentielles pour accomplir les tâches qui seront les vôtres?
    Comme il y a un important volume de travail à réaliser, je considère essentielle d'avoir la capacité de réaliser de façon efficace l'évaluation des dossiers, la lecture des curriculum vitae et des lettres de référence. Il y a aussi la capacité de voir dans ces documents certains éléments essentiels de la vie d'une personne. Ce n'est pas toujours facile dans le cas de documents qui sont déposés devant un comité de ce genre pour que les candidatures soient évaluées.
    C'est un peu le même exercice que celui auquel vous vous livrez aujourd'hui. Vous avez mon CV, qui fait quatre ou cinq pages, et vous essayez d'évaluer qui je suis et quelles sont mes compétences. Le fait d'avoir lu des dossiers de candidature est, à mon avis, une expérience vraiment pertinente à l'exercice.
    Cela dit, je vais revenir à ce que je disais plus tôt. Les qualités fondamentales sont notamment une réputation d'intégrité personnelle irréprochable — et je pense pouvoir faire valoir cette qualité —, un bon jugement, la capacité de travailler de manière indépendante et non partisane, une bonne compréhension de la structure constitutionnelle canadienne ainsi que du rôle du Sénat et des gens qui seront appelés à y siéger lorsqu'ils seront nommés par le gouverneur général.

[Traduction]

    C'est maintenant au tour de M. Schmale.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci beaucoup de répondre aujourd'hui à nos questions, monsieur Jutras. Nous vous en savons gré.
    Je ne dispose que de quelques minutes, alors je serai bref. C'est dommage que nous ne puissions pas parler du processus. Il est déjà en cours, alors je trouve qu'il est primordial d'obtenir des réponses à ce sujet. Nous ne pouvons pas parler de reddition de comptes, alors, en nous en remettant à votre expérience, parlons de la composition actuelle du Sénat.
    Lorsqu'on regarde la composition actuelle du Sénat, on constate que les sénateurs ont toutes sortes de bagages. Étant donné la lettre de mandat et ce que vous recherchez, je tiens à dire que les études revêtent beaucoup d'importance, mais que ce n'est pas tout ce qui compte. Or, le processus me semble faire des études le critère prépondérant. Il y a beaucoup de gens d'affaires dans ma circonscription. Ils sont florissants et ils ont beaucoup de jugeote.
    Avec votre expérience, comment veillerez-vous à ne pas vous cantonner aux éléments intellectuels et à choisir des gens provenant de divers domaines qui ont beaucoup de jugeote, je dirais, mais très peu de diplômes?
    Une fois de plus, je pense que la question concerne principalement les critères que l'on nous a demandé d'appliquer et non ma propre qualification. Je vous renvoie à l'annexe que la ministre a fournie à propos des qualités et des critères d'évaluation du mérite. Je crois que tout est clairement défini et que les critères ne sont pas tous axés sur les diplômes. Le Comité doit évaluer un vaste éventail de qualités fondées sur le mérite.
    J'en reviens une fois de plus à ce que j'ai dit à votre collègue, il y a quelques instants. La tâche en cours exige que nous ayons la capacité de poser un jugement sur les gens. Ce n'est pas très différent de ce que vous faites actuellement. Vous évaluez ma qualification et ma compétence. Je suppose que tout le monde ici n'est pas bardé de diplômes. Il faut toutes sortes de bagages autour de la table, et je suis tout à fait convaincu que votre comité est bien outillé pour évaluer mes qualités. Je dirais qu'il en va de même pour moi.
    Merci, monsieur Jutras.
    Cela nous ramène à la démocratie et à la manière dont nous avons été élus. Tout repose sur l'électorat, les personnes qui décident si, oui ou non, nous avons les qualités voulues. C'est pourquoi je vous ai posé la question. Je ne veux pas que le Sénat soit réservé à l'élite. Je veux qu'il reflète toutes sortes de bagages. Comme je l'ai dit, nous en revenons constamment — il en a aussi été question hier au comité sénatorial — aux études, entre autres. Selon votre expérience et votre bagage, comment peut-on veiller à ce que l'on rende des comptes et à ce que l'on représente les différents visages du Canada, y compris les personnes qui ont du succès dans les affaires même si elles n'ont pas nécessairement beaucoup de diplômes?

  (1155)  

    Ce que je tiens à dire à ce sujet, c'est que vous me faites passer une entrevue, bien sûr, sauf qu'un grand comité s'occupe de cela. Nous avons trois comités, comme vous le savez, des comités qui sont formés par province et qui comptent cinq membres. Ces éminentes personnes ont un vaste éventail d'expertise et de compétences. De toute évidence, je suis une personne. J'ai un profil donné et ce profil il ne correspond pas aux antécédents professionnels des autres membres. Tout le monde apporte à la table quelque chose d'immensément utile pour procéder exactement à l'évaluation dont vous venez de parler.
    Il est question d'un Sénat renouvelé et non partisan, mais je pense que ce sera très difficile à accomplir, car, dans n'importe quel groupe, qu'il s'agisse d'une association de hockey mineur ou d'une chambre de commerce, on tend à aller vers les personnes qui sont sur la même longueur d'onde.
    Considérant votre expérience dans l'analyse d'une multitude de CV et de lettres de recommandation, la ministre a affirmé hier que l'expérience politique n'entraînera pas nécessairement la disqualification d'un candidat. Cependant, considérant votre expérience, comment ferez-vous en sorte que les sénateurs restent bel et bien non partisans après coup?
    Honnêtement, le Comité n'a aucun pouvoir sur ce qui arrivera après coup. Je ne suis pas certain de pouvoir répondre à cette question.
    Je vous assure que des Canadiens extraordinaires, de tous les horizons, ont soumis leur candidature. Ce que nous tentons d'accomplir, grâce à notre propre qualification, c'est de bien évaluer en quoi chaque candidat satisfait aux critères qui nous ont été fournis, les critères d'évaluation selon le mérite que nous devons appliquer pour formuler des recommandations au premier ministre. C'est tout ce que je peux dire.
    Tous les membres du Comité s'attachent à respecter le mandat, avec beaucoup de sérieux. Je pense que cela nous impose de prendre un instant de recul afin de réfléchir de manière plus générale aux qualités attendues.
    C'est au tour d'Arnold Chan de poser des questions.
    Merci, monsieur Jutras, de témoigner devant le Comité. À l'instar de nombreux collègues ici présents, je suis aussi très impressionné, et je vous remercie de vous mettre au service de la population dans l'intérêt de ce processus que la Constitution nous engage à suivre.
    J'en reviens à vos observations préliminaires à propos de votre expérience, surtout dans le domaine du droit constitutionnel. Je remarque que vous avez dit que ce n'est pas nécessairement votre principal domaine de compétence, car vous vous concentrez surtout sur la procédure civile et le droit contractuel, mais je veux en savoir davantage sur votre expérience dans le domaine du droit constitutionnel, en particulier.
    Si je me rappelle bien, vous avez dit que vos études supérieures à la Faculté de droit de l'Université Harvard avaient porté sur ce sujet. Je constate également que vous êtes lauréat d'une bourse d'études Frank Knox, une bourse très prestigieuse. Mon frère l'a reçue, si je ne m'abuse. Plus précisément, je veux en savoir davantage sur vos travaux de recherche et sur la manière dont ils pourraient vous aider dans le travail que vous accomplissez maintenant pour le Comité consultatif.
    Très brièvement, mes études supérieures à l'Université Harvard remontent à un peu plus de 30 ans. À l'époque, les affaires constitutionnelles, comme vous pouvez l'imaginer, visaient principalement la Charte canadienne des droits et libertés. C'était le milieu des années 1980. Quiconque s'intéressait au droit public se concentrait en particulier sur les droits de la personne et les garanties constitutionnelles à l'égard des libertés civiles. À l'époque, c'est là-dessus que portaient mes études.
    À l'Université Harvard, ma thèse de maîtrise portait sur la portée de l'article 1 de la Charte canadienne des droits et libertés et sur les interprétations possibles de la restriction des droits issus de l'article 1. Je me dois de dire que c'était bien avant que la jurisprudence de la Cour suprême évolue au sujet de cet article; 30 ans plus tard, ma thèse est devenue obsolète.
    Par la suite, je me suis concentré pendant longtemps sur le droit privé, jusqu'à ce que je devienne adjoint exécutif juridique à la Cour suprême du Canada, où j'ai eu l'occasion de travailler à des dossiers d'ordre constitutionnel, qu'ils concernent la Charte, la répartition des compétences ou encore les aspects institutionnels de la Constitution.
    Depuis ce temps, mon intérêt ne s'est jamais démenti. Je lis beaucoup à ce sujet, même si je ne publie plus rien et que je n'effectue plus de recherches dans ce domaine.

  (1200)  

    Merci, monsieur.
    Je veux m'arrêter à votre expérience parallèle. Vous signalez que vous avez été chercheur principal... C'était une subvention de recherche anonyme, et vous avez étudié l'État de droit en Russie.
    Ces travaux de recherche en particulier ont-ils abordé la question de la répartition des compétences? Vous ont-ils appris quelque chose sur le fonctionnement des Parlements bicaméraux ou l'élaboration de processus constitutionnels, ou quoi que ce soit du genre?
    Non. Ce que nous faisions... Nous étions un groupe de professeurs de l'Université McGill et notre travail portait sur les structures judiciaires, les problèmes d'administration de la justice et la corruption, ou les contrôles de la corruption envisageable pour une fédération telle que la Russie. Alors non, cela n'avait absolument rien à voir avec la répartition des compétences ou la gouvernance bicamérale.
    Je m'aventure moi aussi à vous poser une question qui enfreindra peut-être le Règlement. Selon ce que vous comprenez comme avocat, bien sûr, mais aussi comme professeur, les décisions du Comité consultatif indépendant sur les nominations au Sénat auront-elles force exécutoire pour le premier ministre et le conseil exécutif?
    C'est peut-être une question de procédure.
    Désolé, mais c'est une question de procédure.
    D'accord. Je retire la question.
    Il est midi passé, mais nous nous sollicitons l'indulgence du témoin. Quelques points à l'ordre du jour ont quelque peu empiété sur le temps dont nous disposions, et il reste une série de trois minutes, Monsieur Christopherson, si vous voulez poser des questions.
    Oh, certainement. Je vais me ressayer.
    Je rappelle seulement au témoin que la présidente du comité où il siège a répondu à toutes mes questions. Elle n'y a pas vu de problème. Elle n'a pas essayé de se défiler de quelque façon que ce soit. Elle a simplement répondu du mieux qu'elle le pouvait. J'ai accepté cela. C'est tout ce que je demande.
    Je veux en revenir au même genre de question, mais sur un autre sujet, sans quoi le président dira que j'enfreins le Règlement. C'est à propos de la primauté de la Chambre des communes. Vous êtes un expert de la Constitution et vous la connaissez mieux que la plupart d'entre nous. La Constitution confère certains droits à chaque Chambre. Depuis 1867, la pratique veut que le Sénat, à de quelques rarissimes exceptions, veille très assidûment à ne pas contrer la volonté de la Chambre élue, eu égard au fait que les députés sont élus et jouissent à ce titre d'un mandat.
    Un cas est survenu où Jack Layon, ancien chef du NPD, a proposé une charte des droits environnementaux qui, si je ne m'abuse, a été adoptée à deux reprises à la Chambre des communes. Or, une fois que le Sénat en a été saisi, il l'a rejetée sans même en débattre.
    Ma question serait la suivante. Lorsque vous faites passer une entrevue, que recherchez-vous au chapitre de la conception de la répartition des compétences entre la Chambre des communes et le Sénat? Voulez-vous que les candidats disent qu'ils respecteraient la volonté de la Chambre élue ou voulez-vous plutôt qu'ils disent que non et que s'ils étaient nommés, ils se prévaudraient du moindre des pouvoirs constitutionnels conférés aux sénateurs?
    Encore une fois, je dirais que cette question se rapporte au processus ainsi qu'aux qualités des personnes qui seront nommées au Sénat plutôt qu'à celles des membres, mais laissez-moi essayer d'y répondre comme suit. Le mandat du... Je suis désolé que mes réponses ne fassent pas votre bonheur. Je fais de mon mieux pour répondre dans le respect du mandat du Comité auquel vous siégez.
    Je dirai ceci. Les critères qui nous ont été fournis, ceux que nous devons appliquer, nous obligent à évaluer très soigneusement en quoi chaque personne possède les connaissances de base exigées. Selon moi, ces connaissances englobent non seulement le mandat écrit du Sénat, mais aussi une bonne compréhension de son rôle au sein de l'ordre constitutionnel du Canada. Il me semble que l'on s'attendrait à ce que cette compréhension se manifeste dans la manière dont chaque personne décrit son propre profil, sa propre carrière et la manière dont elle s'attend à contribuer au Sénat si sa candidature est retenue.

  (1205)  

    Vous avez 30 secondes.
    J'ai une autre question. Lorsque vous meniez vos travaux de recherche, fort impressionnants d'ailleurs, vous êtes-vous intéressé à la question de la responsabilité et à la nécessité pour les sénateurs de rendre davantage de comptes? Avez-vous étudié la notion de respect de la volonté de la Chambre des communes par déférence envers les Canadiens, qui ont voté pour les personnes qui y siègent? Avez-vous mené des travaux de recherche à ce sujet?
    Comme je l'ai dit dès le départ, ce n'est pas mon domaine de recherche. Je n'ai rien publié à propos du Sénat. Je ne crois pas que vous puissiez trouver quoi que ce soit portant ma signature qui permettrait de répondre aux questions du genre de celles que vous posez.
    Cela dit, je suis très au fait des préoccupations que vous exprimez, car elles occupent une place de choix dans tous les documents que j'ai lus pour me préparer à faire mon travail d'ami de la Cour auprès de la Cour suprême du Canada relativement au renvoi sur le Sénat. Je suis très au fait de ces questions, oui, même si je n'ai rien publié à leur sujet.
    Merci.
    Puis-je simplement...
    Le président: Oui?
    M. David Christopherson: Je n'ai plus de questions — mon temps de parole est écoulé —, mais je tiens cependant à dire que je trouve tout cela inadmissible. Vous sentez ma frustration. Il n'est pas admissible que vous disiez que vous rechercherez telle ou telle chose parmi les candidats. C'est vous qui vous substituez à la décision des Canadiens. Vous décidez si ces personnes ont ou non les qualités voulues, et votre refus de me dire quel modèle vous utiliserez...
    M. Arnold Chan: Monsieur le président, je crois que M. Christopherson enfreint manifestement le...
    M. David Christopherson: ... discrédite encore davantage le Sénat non élu.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur le président, j'invoque le Règlement.
    Je pense qu'il faut remercier le témoin. Si M. Christopherson veut poursuivre la conversation avec le Comité après que le témoin aura été excusé, je suis prêt à l'entendre ad nauseam, mais je répète que nous avons selon moi terminé.
    Je remercie le témoin de sa présence. Vous êtes l'un des premiers dans ce dossier. Nous prenons assurément la mesure de votre qualification et vous savons gré d'avoir pris le temps de répondre à des questions aujourd'hui.
    Bonne chance dans votre travail.
    Merci beaucoup.
    La séance est suspendue pendant que l'on change de président, puis nous passerons aux affaires du Comité.

  (1205)  


  (1210)  

    Reprenons. La séance demeure évidemment télévisée et publique.
    Nous avons quelques motions à traiter. Je signale que la greffière a un budget à soumettre à un bref examen. Je pense qu'il concerne le Comité consultatif. Nous avons tenu quelques réunions, et une autre est prévue.
    J'entends passer au huis clos pour quelques minutes, à la toute fin de la réunion, pour régler la question du budget. Je pense que ce sera très rapide. C'est ainsi que j'envisage les choses, à moins que les membres du Comité me demandent de procéder autrement. Il y aura un bref huis clos pour traiter de la question du budget. Nous pouvons procéder ainsi, cinq ou six minutes avant la fin de la réunion, en veillant à terminer à l'heure. J'ai conscience que les membres doivent assister à d'autres réunions, alors nous devons veiller à terminer à l'heure.
    Cela dit, je vous préviens de ce que je m'attends à ce que nous fassions et à quel moment. Le Comité a été saisi d'une motion. Des amendements y ont été proposés, et le débat, la dernière fois, portait sur ces propositions d'amendement.
    Vous avez tous reçu la motion amendée. Elle a circulé. Nous avons distribué la version en mode suivi des modifications, qui montre ce qui est proposé. Je suis prêt à dresser une liste d'intervenants dans ce débat.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président. Je voulais moi aussi présenter une motion sur le sujet actuellement à l'étude.
    J'espère que l'auteur de la motion, M. Christopherson, aura l'indulgence de me laisser proposer d'abord cette motion. Je ne vois pas pourquoi elle ne ferait pas consensus, alors ce sera vite réglé.
    Elle concerne bien sûr le rappel de témoins pour traiter sur le fond de ce qui n'était pas admis aujourd'hui aux termes des règles qui régissaient la réunion, plus précisément le paragraphe 111(2) du Règlement.

  (1215)  

    D'accord, vous voulez proposer une motion.
    Je peux vous inscrire en tant que premier intervenant. Si vous voulez présenter la motion, vous pouvez tout à fait le faire.
    La greffière vous demanderait alors de lire la motion lentement afin qu'elle puisse bien la consigner.
    Bien sûr. Je peux aussi vous donner le texte de la motion, parce que je l'ai écrit.
    Vous avez la parole.
    Je suppose que cela veut dire que je suis le premier sur la liste des intervenants. Je présente donc ma motion. Compte tenu que, en raison du paragraphe 111(2) du Règlement, des membres du Comité consultatif sur les nominations au Sénat ont été incapables de répondre à des questions sur l'administration de leurs responsabilités, je propose:
Que les membres fédéraux du Comité consultatif indépendant sur les nominations au Sénat...
— précision nécessaire pour les distinguer des membres provinciaux —
... soient invités à comparaître devant le Comité avant la fin de mars 2016, pour répondre à toutes les questions concernant leur mandat et leurs responsabilités.
    Merci, monsieur Reid. La motion est dûment reçue.
    Nous pouvons passer au débat sur cette motion si M. Christopherson le désire, parce qu'elle précéderait la sienne.
    Monsieur le président, je n'ai pas d'objection à permettre qu'on étudie d'abord cette motion. Nous pourrons ensuite revenir à la mienne.
    Nous allons entendre les intervenants sur cette motion.
    Je vois que M. Christopherson veut prendre la parole, puis M. Chan.
    M. Reid prendra-t-il la parole sur sa motion?
    D'une certaine façon, je l'ai déjà fait, en faisant part de mes observations au cours de l'exposé de M. Jutras.
    M. David Christopherson: D'accord.
    En effet, c'est aussi ce que j'avais compris, mais il a bien sûr le droit d'intervenir de nouveau s'il choisit de le faire.
    Monsieur Christopherson, vous êtes le premier sur la liste. Ce sera ensuite le tour de M. Chan.
    J'apprécie. Je n'ai pas l'intention de parler très longtemps, mais vous savez comment je deviens quand je parle du Sénat.
    Je dois vous dire que je n'ai pas eu le même problème à la première réunion qu’à celle-ci. À la première réunion, je pense avoir posé des questions semblables. Je les ai volontairement structurées d’une manière qui allait leur permettre de défier la censure du gouvernement et d’être jugées recevables par la présidence. Cela a fonctionné la dernière fois, alors je ne devais pas être dans le champ à ce point-là. La présidente du comité consultatif, qui a beaucoup plus de raisons de s’inquiéter que tout autre membre, a répondu rapidement et ouvertement. Ce n’était pas nécessairement ce que je voulais entendre, mais elle n’a absolument pas tenté d’éluder les questions.
    Je ne veux pas dénigrer le témoin précédent, un universitaire aux réalisations impressionnantes. Toutefois, je dois dire qu’il me donnait l’impression d’avoir bénéficié de conseils politiques. Si ce n’est pas le cas, il doit avoir autant d’intérêt pour la politique que pour les travaux universitaires, parce qu'il s’agissait vraiment de réponses politiques. La plupart des gens n’ont pas, spontanément, des réactions de ce genre.
    Ce n’est qu’une observation, en aucun cas une accusation. Je vais m’en tenir à cela.
    Sur le plan de la teneur, c'est très frustrant, et même insupportable pour certains d’entre nous, que des législateurs soient choisis par le premier ministre plutôt que par les Canadiens. On aura toujours des sénateurs soulignant leurs bons coups et leurs bonnes notes. Bien sûr, ils peuvent faire autant de bons coups et mettre sur pied autant de comités spécialisés qu’ils voudront, mais il ne faut pas que ce soient des législateurs. Voilà l’idée à retenir.
    En fait, je rappelle à mes collègues que le vote des sénateurs vaut plus que le nôtre, puisqu’ils sont moins nombreux. Il faut moins de votes pour l’adoption d’une motion à la deuxième Chambre qu’à la nôtre. Par conséquent, tout ce qui a trait à la nomination des sénateurs mérite d’être étudié attentivement.
    Je n’ai pas essayé de faire le fin finaud. Je ne crois pas avoir donné cette impression non plus. Les choses se sont passées très normalement avec le dernier témoin. J’ai dit ce que j’avais à dire et, quand mon temps a été écoulé, je me suis tu et le comité a poursuivi ses travaux. Cette fois, j’interrogeais un témoin sur une question qui me tient vraiment à coeur, l’un des quelques membres d’un comité qui agira en lieu et place de 35 millions de Canadiens pour décider qui seront nos législateurs, et le témoin refusait de me donner une simple réponse.
    Qu’il réponde au moins aux questions! Je suis surpris que, en tant qu’avocat, il ait mis l’accent sur les raisons qu’il avait de refuser de répondre au lieu de me donner une bonne réponse d’avocat ne répondant pas à la question. Nous regardons la période des questions. Des professionnels le font tous les jours. Je dois plaider coupable aussi, parce que je l’ai fait à l’époque où j’étais ministre. Plus vous excellez à ne pas répondre aux questions sans que ça paraisse, plus vous vous en tirez bien à la période des questions.
    Je suis tout à fait prêt à accepter ce genre de réponse à une question, mais de commencer à tergiverser sur une question à savoir si le Sénat a eu raison ou tort de faire ce qu’il a fait du projet de loi de Jack Layton… Qu’on aime ou non Jack Layton ou le projet de loi, cela venait de la Chambre des communes, et le Sénat l’a rejeté sans même un débat. Je pense qu’il est juste que je demande à quelqu'un qui engagera les sénateurs — non pas qui les élira, mais qui les engagera — ce qu’il penserait d’un témoin, selon sa réponse à cette question. Croit-il que c'est acceptable? Il faudrait savoir si le comité envisagerait la candidature d’une personne qui dirait « Oh, je pense que ça va; constitutionnellement, ils ont ce droit et ce n’est pas un problème », ou s’il préférerait une personne qui dirait « Savez-vous, je pense que c'est aller trop loin; cela relève du mandat légal du Sénat, mais il faut faire preuve de respect envers la Chambre étant donné que c'est la population canadienne qui lui a confié son mandat. »
    Aussi bancal que soit ce régime, c'est encore ce qu’il y a de mieux. Le Sénat n’a pas cette légitimité. Les sénateurs ne sont pas élus. Nous pourrions être les pires députés du monde, il reste que nous avons cette légitimité. Je vous rappelle que les Canadiens peuvent nous congédier après quatre ans. Or nous avons un petit groupe de personnes qui engagera des sénateurs avec lesquels nous devrons vivre des décennies, parce qu'ils ne peuvent pas être congédiés.
    Je vais terminer comme j’ai commencé. Je n’avais aucun intérêt à jouer au plus fin dans cette situation. Demandez à Mel. Vous le saurez quand je serai en train d’essayer de jouer au plus fin sur un enjeu quelconque. Je ne le cache absolument pas. Je n’ai pas cherché à faire le fin finaud et n’en ai jamais eu l’intention. Je suis extrêmement déçu d’avoir vu une personne tenter de se dérober aux questions alors qu’elle aura un rôle majeur à jouer dans notre démocratie qui nous tient à coeur.

  (1220)  

    ;C'est pourquoi je vais appuyer cette motion. Je veux pouvoir vérifier s’ils vont tous agir ainsi. La présidente ne l’a pas fait. S’il y a quelqu'un qui pouvait chercher à jouer au plus fin, la présidente aurait été toute désignée pour établir un précédent. Elle aurait pu laisser savoir qu’elle ne répondrait à aucune question, que le comité allait se limiter strictement à son mandat. Mais non, elle s’est montrée très ouverte d’esprit. Elle comprenait ma situation. Elle ne m’a pas donné les réponses que j’espérais entendre, mais elle a essayé de répondre à ma question de la façon la plus complète possible, étant donné sa situation — du moins c'est ce qu’il m’a semblé.
    Qu’on me corrige si je me trompe, mais je ne crois pas avoir eu à revenir sur les questions avec cette témoin — peut-être pour clarifier ses propos, mais pas de la façon dont je l’ai fait aujourd'hui. J’ai été très déçu et presque fâché que quelqu'un qui jouera le rôle qu’on lui donnera dans notre société… Qu’il m’aime ou qu’il aime mes politiques importent peu. Si ma question est jugée recevable par la présidence, c'est une question légitime que je pose au nom des Canadiens et qui mérite la meilleure réponse possible. Il ne convient pas que la personne utilise ses connaissances d’érudit pour tenter d’éviter de répondre aux questions. C'est nous qui faisons cela. S’ils se mettent à le faire, ils jouent notre rôle. Nous devons parfois jouer au plus fin, mais ce genre de petit jeu n’a pas sa place dans ce comité-là.
    Je termine là-dessus. Je ne veux pas faire de l’obstruction mais je veux faire remarquer à quel point le vent a tourné pour moi aujourd'hui, et je suis maintenant à 100 % avec les conservateurs pour tâcher de faire venir autant de gens que possible et de faire toutes les vérifications possibles. Étant donné la façon dont le gouvernement s’y prend, je sais qu’au fond il se rend compte que c'est n’importe quoi. Le gouvernement fait ce qu’il doit faire, mais je vous dis que, lorsqu’un témoin répond ainsi à des questions posées de bonne foi, il y a des problèmes à l’horizon. Je vais contribuer à éviter ces problèmes en appuyant la motion.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Christopherson.
    Monsieur Chan, avant que nous passions au prochain intervenant, je vais lire la motion. J'ai reçu quelques demandes à cet effet. Nous en avons le texte final. Je vais la lire très lentement.
Que les membres fédéraux du Comité consultatif indépendant sur les nominations au Sénat soient invités à comparaître devant le Comité avant la fin de mars 2016, pour répondre à toutes les questions concernant leur mandat et leurs responsabilités.
    Monsieur Chan, vous avez la parole.

  (1225)  

    Monsieur le président, je vais commencer par réagir aux propos de M. Christopherson. Je veux qu’on puisse lire au compte rendu que, jusqu’à un certain point, je regrette, monsieur, de vous avoir laissé, à vous ainsi qu’aux autres membres de l’opposition, autant de liberté pour interroger Mme Labelle. Comme je l’ai dit, j’aurais pu m’y objecter, et j’ai choisi de ne pas le faire à ce moment-là.
    Ce que je veux faire valoir, monsieur Christopherson, c'est que, au bout du compte, en vertu des dispositions actuelles du Règlement applicables à notre comité, nous avons le mandat de vérifier les qualités et les compétences d'une personne dont on envisage la nomination. Je n’ai pas inventé ce règlement. Ce sont les règles de procédure figurant dans le Règlement qui définissent ce que notre comité peut faire.
    Je voulais simplement le faire savoir. Si nous nous en tenons aux règles auxquelles nous sommes assujettis… Si cela ne vous plaît pas, monsieur Christopherson, vous avez le droit de proposer des modifications quand nous procéderons à l’examen de notre Règlement, mais pour le moment nous devons nous en tenir à ce que le Règlement nous impose de faire. C'est ce que je voulais dire.
    Pour ce qui est de la teneur de la motion présentée par M. Reid, je considère personnellement que le gouvernement est tout à fait transparent au sujet des questions qui vous préoccupent, puisqu’il vous offre la possibilité de rencontrer, ici même au comité, le 10 mars, la ministre et des hauts fonctionnaires pour qu’ils puissent répondre à ces questions.
    C’est pourquoi, selon moi, nous n’appuierons pas — du moins je n’appuierai certainement pas — cette motion particulière. Vous pouvez poser à la ministre et aux fonctionnaires du ministère toute question concernant vos préoccupations au sujet du processus mais, pour le moment, nous avons uniquement la responsabilité d’examiner les qualités et compétences des candidats. C'est notre mandat et c'est pourquoi nous n’appuierons pas cette motion — du moins je ne l’appuierai certainement pas.
    Nous entendrons maintenant M. Reid, et vous aurez ensuite la parole, monsieur Christopherson.
    Merci, monsieur le président.
    Je veux réagir aux propos de M. Chan. Il a terminé en disant que notre mandat consiste à examiner les qualités des candidats. C'est notre mandat, a-t-il dit. Selon le paragraphe 111(2) du Règlement, en vertu duquel nous tenons notre réunion d’aujourd'hui, c'est exact. Mon préambule ne fait pas partie du texte officiel de la motion, mais je vous l’ai lu. Il précisait que cette disposition régit et restreint nos travaux d’aujourd’hui. Comme il s’agit là de questions pertinentes et importantes, il pourrait y avoir une autre réunion durant laquelle nous traiterions ces questions parce que cette réunion serait consacrée à ces questions. Nous ne sommes pas limités par la nature du comité ou de son mandat… Il y a effectivement des sujets que nous ne devrions pas aborder. Nous ne devrions pas poser de questions sur les droits de la personne dans le monde, sur la défense, sur la situation de la femme ou sur la Bibliothèque du Parlement. Ces choses ne relèvent pas de notre mandat.
    Cependant, l’attitude de personnes comme des membres de comités consultatifs relève absolument de notre mandat. La façon dont nous étudierons ce sujet est déterminée par la motion que nous présentons. Cette nouvelle motion nous permettrait donc de combler la lacune créée par la motion originale. Je dois dire que, si je m’étais rendu compte de ces restrictions attribuables à la motion originale, j’aurais tout de suite soulevé ces objections et cherché à élargir notre mandat, parce que j’aurais pu vous dire dès le départ que j’étais déjà impressionné par la qualité des membres du comité consultatif, dont les CV étaient publiés sur la Toile. Donc, franchement, les questions concernant leurs qualités n’étaient pas nécessaires. Je ne doute ni de leurs qualités et compétences ni de leur objectivité, mais je veux leur poser des questions au sujet de leur mandat.
    Bien sûr, il existe un système selon lequel ils feront rapport au premier ministre. Il n’est pas déraisonnable pour nous de vouloir obtenir des renseignements distincts à cet égard. J’insiste là-dessus parce que je crois qu’il s’agit d’une distinction importante qui pourrait échapper à l’observateur moyen. Le fait que des gens aient pour mandat de présenter un rapport au premier ministre ne signifie pas qu’ils sont exemptés du mandat de faire rapport à notre comité. Il s’agit d’un mandat général. Le premier ministre est, du moins en théorie, un agent de la Couronne, distinct de la Chambre des communes. Donc, faire rapport à la Chambre des communes n’exclut pas qu’il existe un certain mécanisme de présentation de rapports au premier ministre et quand même une certaine attente que vous fassiez rapport à la Chambre et, bien sûr, au Sénat, s’il choisissait de tenir lui-même des audiences et d’inviter ces personnes. Rien de tout cela n’est exclu. C'est une demande raisonnable.
    Cela m’amène à la première observation de M. Chan, soit qu’on nous permet de parler à la ministre. Je dois dire que c’était une formulation assez étrange, mais je ne veux pas lui reprocher cela. Nous avons le droit de poser des questions à la ministre. Elle viendra nous rencontrer à un moment qui, franchement, ne nous convient pas. Elle aurait dû venir plus tôt. Quand je dis que cela ne nous convient pas, je veux simplement dire que ce n’est pas au bon moment. Elle aurait dû venir plus tôt. Les députés libéraux ont insisté pour écrire dans notre invitation qu’elle pouvait venir à un moment qui lui convenait. Franchement, c'est toujours ainsi que ces invitations sont formulées. Cela va de soi. Si les ministres ne veulent pas venir, nous ne pouvons pas les y forcer. Par conséquent, nous devrions peut-être nous montrer reconnaissants. Nous devrions peut-être, je ne sais pas, embrasser la bague de quelqu'un en signe de reconnaissance pour avoir pu convoquer un témoin. Je ne crois pas que c'est la façon dont on comprend généralement nos travaux, que c'est ce que le public attend de nous. Je ne crois pas que la population considère que les ministres n’ont de comptes à rendre qu’à la Couronne et que la Chambre des communes représente la plèbe attendant à l’extérieur que Leurs Grandeurs veuillent bien accepter de répondre à des questions posées respectueusement par des députés les implorant de répondre. Je pense que c'est tout le contraire.

  (1230)  

    Je connais la ministre, et je l'aime bien. Je pense qu'elle m'aime bien également. Hier, elle m'a donné une petite fleur rose parce que j'avais oublié de porter une chemise rose. J'ai apprécié.
    C'est un signe de respect.
    Je suis content d’avoir eu une chance de le dire. C’était gentil de sa part, et cela m’a fait plaisir.
    Je ne crois pas qu’elle voie nécessairement les choses ainsi. L’important, c'est ceci: leur mandat est rédigé de telle façon qu’ils relèvent de la ministre des Institutions démocratiques et du premier ministre.
    Si la ministre vient nous rencontrer, je pense qu’elle pourrait très bien dire qu’elle ne peut pas répondre à telle ou telle question, que cela ne relève pas de sa compétence, que ce n’est pas dans sa lettre de mandat. Mais il s’agit, pour ces personnes, d’un mandat distinct qui leur est confié par décret. Il n’y a pas que les ministres qui sont mandatés par l’État. Bien d’autres personnes le sont aussi. C'est le cas de tous les officiers militaires, de tous les commissaires et de tous les présidents de conseil. Tous ceux qui ne sont habilités dans leurs fonctions ni par la Chambre des communes ni par le Sénat le sont par l’État. C'est le cas de la plupart des gens que nous côtoyons, ces dizaines de milliers de personnes qui travaillent pour le gouvernement du Canada. Ces gens ne relèvent pas de la ministre. Je pense qu’elle insisterait même sur ce point. Ils ne relèvent pas d’elle car ils sont censés être indépendants. Le mot indépendant figure en fait dans leur titre, ou du moins il est écrit dans tous les exposés sur leur titre et leur mandat. C'est pourquoi elle n’est pas en mesure de répondre.
    Que faire alors? Nous insistons auprès de M. Chan, nous nous agenouillons pour embrasser sa bague, et nous lui demandons humblement si lui ou un ministre ou quiconque pourrait venir nous rencontrer et nous parler.
    Ce que je veux, et il se peut que je parle au nom de quelques autres ici présents, c'est faire revenir ces personnes, parce qu’elles ont un mandat et sont les seules à pouvoir parler de leur mandat.
    Je respecte tout à fait la décision du professeur Jutras de ne pas répondre sur certains sujets. Il me semblait clair toutefois qu’il essayait en réalité, bien que cela ne soit pas vraiment de sa responsabilité, de ne pas aller au-delà de notre mandat. Il a même dit exactement cela: « votre mandat », « l’article du Règlement en vertu duquel vous avez convoqué cette réunion ».
    Nous pourrions avoir une réunion différente, au cours de laquelle nous examinerions tous les aspects du mandat de cette personne et des deux autres membres permanents. On pourrait y poser des questions comme celle que j’ai posée avant que la présidence me demande de me taire, soit combien de personnes ont présenté leur candidature et combien il y a eu de mises en nomination jusqu’à présent.
    Il y a bien des choses qu'ils ne peuvent pas dire. Ce n’est pas de leur faute si tout formulaire de mise en nomination ou de candidature rempli devient un document « Protégé B ». C'est vrai qu’ils ne peuvent pas en parler. C'est pourquoi c'est écrit. C'est un secret qui les empêche de dire quoi que ce soit parce que cela pourrait léser des personnes si le contenu de ces lettres était révélé. Bien sûr, nous respecterions cela.
    Mais nous demanderions combien de mises en nomination ont été reçues. Cela m’intéresse en raison de la façon dont le processus a été conçu. Ce processus a été annoncé dans un communiqué publié le 29 janvier 2016 qui nous apprenait qu’on accepterait les nominations de la phase 1. Tout le processus a été annoncé d’un coup, de cette manière, alors qu’il avait été gardé complètement secret jusque-là. Nous n’en savions absolument rien. J’ajoute que ce processus a été conçu par le gouvernement et non par le comité consultatif. Je le dis simplement pour qu’on fasse porter le blâme aux véritables responsables.
    Donc, la phase 1 du processus a été annoncée le 29 janvier 2016. Nous avons alors appris qu’on accepterait les mises en nomination jusqu’au 15 février 2016. Faites le compte. Si l’on compte la journée du 15 et la journée du 29, cela donne 15 jours. Vous pouvez vérifier la date d’envoi du courriel. Le 29 était un vendredi. Le samedi et le dimanche qui suivent sont des jours de congé.
    Cette information n’a pas été affichée aux endroits attendus. Par exemple, on ne la trouve pas sur le site Web de la ministre des Institutions démocratiques. Il a fallu un bout de temps avant que l’existence de ce processus devienne un peu plus connue. Je n'en ai été informé que lorsque j’ai reçu un courriel de la ministre, une fois passée la première fin de semaine.

  (1235)  

    Suivant ce processus, pour qu’un sénateur soit nommé ou que son nom puisse être proposé au premier ministre par le comité consultatif, il faut a) qu’il ait présenté sa candidature, et b) que cette nouvelle candidature dont personne ne connaît l’existence soit appuyée par une mise en nomination venant d’un représentant d’une organisation. Donc quelqu’un remplit le formulaire en indiquant qu’il représente telle organisation et a telle fonction.
    Personnellement, j’œuvre au sein de plusieurs organismes de charité. Samedi qui vient, je présiderai, comme chaque année, le dîner annuel de financement pour la fibrose kystique, à Ottawa. Je suis aussi bénévole au sein d’une cuisine communautaire appelée « The Table », et j’organise annuellement un dîner de financement chez moi pour cet organisme. Ce n’est pas que je sois spécial ou important. C'est simplement ce qui se produit quand on est député depuis longtemps. Cela me permet toutefois d’en connaître assez long sur le fonctionnement de tels organismes.
    Disons que l’un de ces deux organismes veut proposer une personne et veut le faire dans les règles de l’art. Il devrait d’abord convoquer une réunion conformément à son code de procédure. Tous les organismes ont leur propre code de procédure, mais cela pourrait être le Robert's Rules of Order. C'est le plus courant. D’autres codes semblables établissent sensiblement les mêmes exigences pour la convocation de réunions du conseil d’administration. Il faut normalement deux semaines de préavis pour la convocation d’une telle réunion. Il se peut que l’organisme n’ait pas été mis au courant de cette procédure avant le lundi. Et comment auraient-ils bien pu l’apprendre? Croyez-vous que la fondation de la fibrose kystique ou toute organisation semblable consacre du temps à lire tous les sites où de tels avis sont publiés? Bien sûr que non. Il se peut donc qu’il ne l’ait pas appris tout de suite.
    Admettons qu’une réunion soit organisée. On est le lundi 1er février. Il faut aviser les membres deux semaines d’avance. Deux semaines à partir du 1er février, cela nous mène au 14 février, un dimanche. La date limite est le 15 à midi. Si l’on tient une réunion extraordinaire un dimanche, il est possible de soumettre une mise en nomination le jour de la Famille. Ce n’est pas le jour de la Famille dans toutes les provinces, mais c'est le cas en Ontario, et l’un des postes à combler est en Ontario. Je ne sais pas si c'est le jour de la Famille au Manitoba et au Québec. Je ne connais pas tous leurs congés provinciaux. Je n’ai pas fait cette vérification. J’aurais peut-être dû.
    Voilà. Il serait pratiquement impossible de soumettre la nomination d’une personne sur l’avis du conseil de la plupart des organismes. C'est pratiquement impossible pour qui que ce soit. Si toutefois un représentant d’une organisation mettait une personne en nomination prétendument au nom de cette organisation, parce que ça paraît bien, il est possible que la candidature de cette personne soit proposée par le comité. Mais pourquoi ce délai ridiculement serré? Pourquoi un avis aussi peu annoncé?
    Normalement, chaque fois que le gouvernement prend une petite mesure qui pourrait constituer un progrès sur le plan de la démocratie ou de la consultation, il publie un communiqué de presse national avec tambours et trompettes pour en faire un nouveau moment marquant dans l’histoire de la démocratie canadienne. Pour la nomination des sénateurs, on se contente d’un communiqué de presse qui n’est pas suivi d’une conférence de presse, qui n’est pas publié sur les sites où l’on s’attendrait à le voir, qui ne fait aucun bruit.
    Vous comprenez peut-être maintenant pourquoi je veux savoir combien de nominations ont été faites. J’aimerais connaître aussi le nombre de candidatures, mais surtout le nombre de mises en nomination, parce que je crois que ce doit être un très petit nombre.
    Au Québec, où un sénateur doit vraiment représenter une division de la province, une des 24 divisions sénatoriales, ce nombre doit être infime. À quel point, je ne sais pas, mais c'est sûrement infime.
    Disons qu’on ait sincèrement voulu concevoir un système manifestement ouvert et inclusif, où le premier ministre n’a manifestement plus le contrôle qu’il avait avec l’ancien système. Par convention, le premier ministre conseille le gouverneur général quant aux nominations qu’il voudrait voir au Sénat et, par convention, le gouverneur général suit toujours les conseils du premier ministre.

  (1240)  

    Bon. Le gouvernement dit maintenant que c'est chose du passé. Nous ferons dorénavant les choses différemment. Vous présentez votre candidature et un comité en décide. Il présente ses conclusions au premier ministre. Le premier ministre choisit, ou non, une personne figurant sur la liste. Nous voulons toutefois qu’il choisisse quelqu'un qui figure sur la liste, pour montrer que le gouvernement agit proprement — mais voilà, il y a très peu de noms sur la liste.
    En fait, il n’y aura que quatre ou cinq noms sur la liste, et ces personnes seront celles qui savaient d’avance que le système fonctionnerait ainsi, ceux qui en ont été informés d’avance. Ceux qui le savaient d’avance auraient donc… Bref, ce système est une farce. Certaines personnes ont été avisées. Le processus a été aussi restrictif que possible pour qu’il ne puisse y avoir que très peu de mises en nomination. Ainsi, les personnes que le premier ministre voulait nommer ont l’assurance d’être mises en nomination au cours de la phase 1. Je ne dis pas que la même chose sera vraie pour les phases ultérieures. Je dis que c'est le cas de la phase 1, étant donné ce délai ridiculement court et cette idée nouvelle qu’est l’exigence de mise en nomination.
    Toute organisation ayant été mise au courant peut avoir étudié la question d’avance. Les organisations ont-elles été mises au courant? Pour être juste, il faut admettre que les membres du comité consultatif ne le sauront pas, et probablement que la ministre ne le saura pas non plus. Mais on peut raisonnablement penser que ce fut le cas, que quelques organisations ou individus savaient comment les choses se passeraient et qu’ils pouvaient s’arranger pour que les formulaires de candidature et de mise en nomination puissent être présentés en même temps.
    Je fais valoir, monsieur le président, qu’on ne peut pas humainement croire qu’un individu et une organisation qui ne se connaîtraient pas et n’auraient pas collaboré à cette fin puissent avoir présenté ces deux formulaires à temps. Pouvez-vous imaginer une situation plausible où cela aurait pu se faire? En tout cas, moi je ne peux pas.
    Voilà, ils savent ce qu’ils devront faire. Il se peut que le gouvernement les en ait informés. Nous n’en saurons jamais rien, parce que nous n’avons pas le droit de convoquer les membres du comité, ou parce que la ministre dira que cela ne relève pas de son mandat. Donc, ces gens qui se trouvent sur la courte liste présentée au gouvernement deviennent rapidement sénateurs.
    Et si c'est peu plausible en Ontario ou au Manitoba, pensons à quel point il serait incroyable qu’une telle coordination ait été possible au Québec, où le candidat doit être propriétaire d’un terrain dans une division en particulier, l’une de ces anciennes divisions sénatoriales de ce qui était la province du Bas-Canada, bien avant la Confédération. Dans certaines divisions, cela pose déjà un problème concret. Il est difficile de trouver des terrains à vendre, étant donné que ces divisions sont très peu populeuses. Elles l’ont déjà été, mais les terres ont été consolidées avec le temps.
    C’est donc tout simplement peu crédible. Voici l’argument à faire valoir. Il se peut très bien que le gouvernement ait travaillé en étroite collaboration — non pas avec le candidat, c'est très bien. Ce n’est peut-être pas bien s’il fait croire qu’il n’y a pas eu de telle collaboration, mais c'est constitutionnellement acceptable. Sur le plan constitutionnel, cependant, il y a un problème si l'on a une organisation, ou une personne au sein de l’organisation — son président ou son chef de la direction, par exemple —, qui propose la nomination et qu’il n’y a pas moyen de savoir si cela s’est fait ainsi…
    Évidemment, je ne suis pas certain que le comité consultatif aie le pouvoir d’enquêter plus à fond pour déterminer si cette personne agissait au nom de l’ensemble de l’organisation, s’il y a eu un vote, s’il y a eu une réunion du conseil d’administration. Nous ne le savons pas et ne pouvons pas le savoir. Il se peut aussi que le comité consultatif ne le sache pas et ne puisse pas le savoir, mais j’aimerais pouvoir lui poser la question.
    Que le candidat n’ait pas été obligé, en pratique, d’accepter une profonde entrave à son indépendance… Ces candidats ont dû renoncer d’avance à leur indépendance pour que leur nom franchisse les étapes de ce processus. Ce n’est pas nécessairement vrai pour certains qui, d’une manière ou d’une autre, ont découvert l’existence de ce processus et ont réussi à en franchir toutes les étapes à la dernière minute. Ce n’est peut-être pas le cas de tous, mais c'est certain que c'est le cas pour ceux qui ont été présélectionnés par le gouvernement, et il y en a très certainement parmi les personnes mises en nomination.
    Mais voilà, nous ne pouvons pas nous informer à ce sujet si M. Chan et ses collègues nous empêchent de faire revenir ces membres du comité consultatif. Si la ministre nous dit qu’elle ne le sait pas — et elle ne le sait probablement pas —, je crois comprendre que les règles d’éthique du Sénat interdiront à cette assemblée de poser ce genre de questions.

  (1245)  

    L'indépendance de certaines personnes pourrait être compromise. La Cour suprême a d'ailleurs été formelle — et M. Jutras a abordé aujourd'hui cet aspect dans son témoignage: les sénateurs doivent être indépendants. Cette obligation ne se trouve pas explicitement dans la Loi constitutionnelle de 1867, mais, comme la Cour l'a dit, elle est implicite dans son architecture même. Les sénateurs doivent être indépendants.
    Le processus actuel, de par sa nature, pourrait très bien compromettre leur indépendance. Comme ce processus est secret, nous ne pouvons pas savoir en quoi leur indépendance a été compromise. Il s'agit d'un tort irrémédiable. C'est pour cette raison que je souhaite que la ministre comparaisse devant nous avant que ces nominations soient faites.
    Pourquoi ai-je demandé à M. Jutras combien de temps il faudra? Parce que je veux le savoir. Le ministre LeBlanc a déclaré hier que le processus prendra plus de temps que ce que nous croyions. Nous aurons alors peut-être le temps, avant qu'il ne soit trop tard, de demander aux membres du comité s'il y a un problème, parce qu'ils doivent soumettre le nom des candidats choisis. C'est peut-être ce qui explique qu'il leur faut du temps avant de donner les noms. Ils sont pris dans une situation où ils estiment que les candidatures qui leur sont présentées ne conviennent pas.
    Je ne sais pas comment ils pourraient exprimer le problème, parce qu'ils sont tenus à la discrétion. Il se pourrait très bien qu'ils aient autre chose en tête. Je ne leur reprocherais pas de ne pas répondre à une question comme celle-là parce que ce serait manquer à leur devoir de discrétion, mais cela signifie que les règles qu'ils doivent respecter ne conviennent pas. C'est certainement le cas dans le cadre d'un premier mandat.
    Enfin, M. Jutras a dit qu'il allait envoyer au premier ministre une lettre ou un rapport qui sera du domaine public. On peut comprendre qu'il ait dit ne pas vouloir commencer à faire des observations à titre indépendant et qu'il ait exprimé sa volonté d'en discuter. À mon avis, ce qu'il voulait dire, c'est en discuter d'abord avec ses collègues, les autres commissaires. À mon avis, c'est compréhensible
    Il n'est pas déraisonnable qu'ils sachent que nous leur poserions vraisemblablement des questions comme celles-là, et s'ils sont tous présents, ils pourraient nous faire part de certaines choses. De notre côté, il n'est pas déraisonnable de vouloir savoir, au lieu de nous en remettre à nos supérieurs et d'attendre que le très magnanime Justin Trudeau s'en occupe d'abord et qu'il fasse connaître aux paysans que nous sommes ce qu'il nous est permis de savoir. Nous pourrions tous faire des courbettes et le remercier du privilège qu'il nous accorde. Ce n'est pas acceptable.
    C'est tout ce que j'avais à dire. Je n'essaie pas de faire de l'obstruction. En fait, j'aimerais que nous puissions nous prononcer aujourd'hui, monsieur le président, notamment parce que nous serons partis pendant une semaine et que je ne veux pas que la mise aux voix de cette motion soit retardée tout ce temps.

  (1250)  

    Eh bien, il reste environ cinq minutes avant le moment où je devrai suspendre la séance afin que nous puissions discuter à huis clos du budget. Deux personnes veulent prendre la parole: M. Christopherson et M. Chan. S'ils sont brefs, nous pourrons peut-être nous prononcer sur votre motion.
    Monsieur Christopherson, vous êtes le premier.
    Je vous remercie. C'est bien que M. Reid ait fait ce qu'il a fait et qu'il ait exprimé sa volonté de mettre aux voix la motion aujourd'hui même. Je m'apprêtais à faire une longue intervention. Je suis donc content qu'il m'ait fait comprendre que vous préféreriez que la motion soit mise aux voix. C'est bien beau; je suis d'accord.
    Il y a quelques éléments dont je veux parler. Premièrement, j'en profite pour rappeler au gouvernement que c'est moi qui me suis retrouvé dans une situation délicate lorsque vous avez proposé que la ministre vienne comparaître lorsque son emploi du temps le permettra. J'ai alors signalé que c'est ce que font les gouvernements lorsqu'ils veulent avoir la marge de manoeuvre nécessaire pour qu'un ministre ne comparaisse pas rapidement. J'ai cru que les députés ministériels étaient sincères; ils avaient tellement l'air sincère lorsqu'ils ont dit qu'ils ne feraient jamais une chose pareille que j'ai appuyé la motion, si vous vous rappelez. J'ai appuyé la motion et j'ai dit que j'allais leur faire confiance. Vous voyez, monsieur le président, où ma confiance m'a mené. Nous en sommes toujours à fixer une date. Je crois que nous nous sommes finalement entendus, mais cette date est bien au-delà de ce qui était espéré et ne cadre plus avec l'intention initiale de la motion. Je tenais à ce que ce soit su.
    Deuxièmement, je voulais poser une question à M. Chan en m'adressant à vous, monsieur le président... J'ai l'impression que le témoin invoquait presque l'équivalent canadien du cinquième amendement de la Constitution américaine, qui empêche qu'une personne ait à témoigner contre elle-même. Quel problème M. Chan voit-il à ce qu'on pose une question aux membres du comité sur la compétence des candidats? En quoi cela pose-t-il problème de leur demander leur façon d'évaluer les candidats? Ne s'agit-il pas de compétence? La compétence est la capacité d'accomplir les tâches demandées. Personne ne met en doute les qualifications. Les qualifications de tous les candidats sont exemplaires et impressionnantes, et ils ont tous une série de lettres après leur nom, sur leur carte professionnelle. C'est ô combien impressionnant. Je le concède au gouvernement.
    La compétence d'une personne nous renseigne sur ses capacités et sur la manière dont elle conçoit les choses et agit. J'aimerais savoir pourquoi il ne serait pas acceptable que le gouvernement pose une question sur la compétence de quelqu'un et j'aimerais aussi savoir ce que les ministériels pensent, par exemple, de la reddition de comptes dans un contexte parlementaire. Je demanderais à M. Chan de tenir compte du temps écoulé, à moins qu'il ne veuille faire de l'obstruction. Si j'avais eu plus de temps, j'aurais soulevé cette question. Il s'agit donc d'une question rhétorique à laquelle je lui laisse le choix de répondre, mais c'est ce qui me pose problème. Comment se fait-il qu'on ne puisse pas parler de compétence lorsqu'on demande à quelqu'un sa façon de voir les choses ainsi que les traits et les caractéristiques que cette personne recherche chez un candidat? S'il ne s'agit pas de compétence, je me demande bien ce que désigne ce mot.
    Voilà ce que j'avais à dire. Je m'arrête ici pour que nous puissions nous prononcer sur la motion.
    M. Chan voulait prendre la parole. M. Graham s'est aussi ajouté.
    Monsieur Chan, vous avez la parole. Si les interventions sont brèves, nous pourrons nous prononcer sur la motion, comme le comité semble le souhaiter.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    J'aimerais d'abord revenir sur ce qu'a dit M. Reid avant de parler du point soulevé par M. Christopherson, à propos de la bague.
    Je vous signale que ma femme vient d'arriver. Bienvenue, Jean.
     La seule fois où j'ai accordé de l'importance à une bague, c'est lors de mes voeux de mariage.
    Dans une optique plus générale, je rappellerais tout simplement que, si nous nous retrouvons dans la situation actuelle, monsieur Reid, c'est à cause des agissements de l'ancien gouvernement. Je crois comprendre qu'il y a maintenant 25 sièges vacants au Sénat parce que l'ancien premier ministre a décidé de ne nommer personne pendant plus de deux ans. Nous nous retrouvons alors dans la situation où la Constitution nous oblige à ce que le Sénat soit en état de fonctionner et où il faut nommer un grand nombre de sénateurs, dont un qui sera chargé de représenter le gouvernement au Sénat, puisque les sénateurs ont acquis une plus grande indépendance et que tout le monde s'entend pour qu'ils soient plus indépendants. C'est la situation dans laquelle nous nous trouvons, point à la ligne.
    Je signale aussi que, du point de vue constitutionnel — c'est d'ailleurs pourquoi j'ai retiré ma question après l'avoir soulevée, parce qu'il s'agissait d'une question de procédure —, les recommandations que transmettra le conseil consultatif au conseil exécutif et au premier ministre n'engagent en rien le premier ministre. Si c'était le cas, elles limiteraient son pouvoir discrétionnaire.
    Nous voulons créer un processus démocratique plus ouvert qui permette aux gens de participer. Malheureusement, dans l'intérim, nous devons remédier au problème de nomination à court terme. Par la suite, nous inviterons les gens les plus compétents des quatre coins du Canada à occuper une fonction dans la sphère publique et à s'acquitter du mandat qui leur sera conféré par la Constitution.
    En ce qui concerne votre question, monsieur Christopherson...

  (1255)  

     Avant que vous changiez de sujet, je me permets de vous interrompre, monsieur Chan. Pour que le Comité puisse parler du budget aujourd'hui, comme il le souhaitait, je devrais interrompre ici les délibérations et passer à une séance à huis clos. Il est aussi possible de poursuivre la discussion pendant les quatre ou cinq minutes qui restent.
    À moins qu'il y ait un problème, ne pourrions-nous pas régler la question en un clin d'oeil en approuvant le budget avec le consentement unanime des membres? Le budget ne devrait pas être controversé.
    Un exemplaire du document vous a été remis. Avez-vous des raisons de vous opposer au budget?
    Je propose la motion. Un député de l'opposition pourrait-il l'appuyer?
    Nous n'avons pas forcément besoin d'une motion si les membres du Comité acceptent le budget tel qu'il leur a été présenté. Tout vous a été transmis.
    (La motion est adoptée.)
    Le vice-président (M. Blake Richards): Je remercie les membres du Comité.
    M. Chan a la parole. Il ne reste que quelques minutes; ne l'oublions pas si nous voulons nous prononcer aujourd'hui sur la motion.
    J'ai de nouveau la parole. Je vous remercie.
    Je tiens encore une fois à remercier M. Christopherson d'avoir soulevé ces questions. Je comprends la position que le troisième parti, le Nouveau Parti démocratique, adopte depuis longtemps au sujet du Sénat. Je comprends les questions que vous posez. Mais nous avons très clairement dit, pendant la campagne électorale, qu'il faut absolument respecter les règles constitutionnelles dans leur forme actuelle, et ces règles exigent que le Sénat puisse fonctionner. Si nous ne nommons pas ces sénateurs, le Sénat ne sera pas en mesure d'adopter de son côté les mesures législatives de la Chambre des communes.
    Je comprends le point de vue que vous défendez en ce qui concerne notamment les questions de légitimité. Comme je viens de le dire, avec tout le respect que je lui dois, le NPD peut protester tant qu'il veut au sujet du Sénat.
     [Note de la rédaction: inaudible]
    C'est moi qui ai la parole, monsieur Christopherson. Je vous en prie. J'ai eu la courtoisie de vous laisser parler. J'ai aussi accordé 20 minutes à M. Reid. Je vous ai souvent laissé terminer. Maintenant, c'est moi qui ai la parole, et j'estime avoir le droit de continuer, pour pouvoir exprimer ce que j'ai à dire. Je vous remercie, monsieur Christopherson.

  (1300)  

    Il n'y a pas de quoi.
    Pour revenir à ce que je disais, nous avons l'obligation constitutionnelle de faire en sorte que la Chambre haute fonctionne bien pour que les lois canadiennes puissent être adoptées. C'est ce que nous faisons actuellement: nous mettons sur pied un processus qui redonnera confiance aux Canadiens envers la Chambre de second examen objectif, tout en respectant les pratiques constitutionnelles et les conventions associées à la nomination des sénateurs. En procédant de cette façon, nous évitons de nous retrouver dans la situation que M. Reid a mentionnée, c'est-à-dire mettre en oeuvre un processus qui irait à l'encontre de la Constitution.
    Avec tout le respect que je vous dois, nous essayons de mettre sur pied ce processus en respectant le Règlement. Je dirais aussi que nous sommes ouverts à ce que des témoins comparaissent, y compris les trois membres fédéraux. Soit dit en passant, l'ancien gouvernement ne l'a jamais permis. Il a rejeté systématiquement toutes les motions citant des témoins à comparaître devant les comités parce qu'il ne voulait pas que ses témoins fassent l'objet d'un examen aussi rigoureux que le nôtre. Tout cela pour dire que nous devons respecter les articles 110 et 111 du Règlement. Voilà la situation.
    Comme je l'ai dit tout à l'heure, le comité aura un jour l'occasion de revoir le Règlement. Si vous n'aimez pas les règles telles qu'elles sont actuellement, vous pourrez proposer des modifications en suivant le processus indiqué.
    Ne récrivons pas les règles parce qu'elles ne cadrent pas avec un point de vue politique différent.
    Par ailleurs, pour répondre à votre question sur la compétence, je crois que, si vous aviez écouté attentivement le témoin, le doyen Jutras, vous auriez compris. Il a dit: « Voyez mon expérience. Voyez les circonstances et les situations dans lesquelles j'ai dû m'occuper de questions de ce genre. »
    Je m'excuse de vous interrompre, monsieur Chan. Il est 13 heures. Certains membres m'ont dit qu'ils devaient aller à d'autres réunions. Il faudrait probablement lever la séance dès maintenant. Il semble que nous ne pourrons pas nous prononcer sur la motion aujourd'hui.
    Puis-je seulement terminer mes observations et céder ensuite la parole?
    De combien de temps avez-vous besoin, monsieur Chan?
    Non, en fait, je suis prêt à céder dès maintenant la parole à M. Graham, mais nous reprendrons la discussion à la prochaine séance.
    J'allais proposer un moyen d'aider le comité. Il semble que nous ne pourrons pas voter sur la motion aujourd'hui, à moins que les membres consentent à ce que nous prolongions un peu la séance. Je sais que certains doivent partir.
    Monsieur Graham, voulez-vous avoir la parole, ou pouvons-nous procéder à la mise aux voix?
    Je serai heureux de commencer à la prochaine séance, si vous voulez.
     Il semble que M. Graham n'accepte pas de céder son temps de parole pour que le Comité se prononce sur la motion.
    J'ai une autre idée à proposer. Je remarque qu'à la séance du 8 mars, nous recevrons l'autre personne nommée par décret à la première heure de la séance, tandis que la deuxième heure sera consacrée à l'étude du budget supplémentaire des dépenses. Si les membres du Comité le souhaitent, nous pourrions écourter ces deux points, y consacrer peut-être 45 minutes chacun, ce qui nous laisserait un peu de temps à la fin de la séance pour terminer notre discussion sur la motion.
    Dans la mesure où la motion prévoit que des témoins comparaissent devant le Comité avant la fin mars, je sais que les délais sont un peu serrés. Comme nous avons très peu de temps en mars pour discuter de cette motion, ce pourrait être une bonne idée.
    Conviendrait-il au Comité d'écourter ces deux points en périodes de 45 minutes pour que nous puissions régler cette question lors de la séance du 8 mars?
    Il semble que les membres y consentent. C'est donc ce que nous proposerons, et la greffière modifiera l'ordre du jour en conséquence.
    Je remercie tous les membres du Comité.
    La séance est levée.
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