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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 054 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 6 avril 2017

[Enregistrement électronique]

  (1305)  

[Traduction]

    Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Sous-comité des droits internationaux de la personne. Nous examinons aujourd'hui une affaire très grave, dont le Sous-comité a déjà été saisi à plusieurs reprises. Des événements récents nous ont également amenés à réfléchir à la grave situation des droits de la personne qui existe au Venezuela. C'est pour cette raison que nous tenons cette séance d'information d'urgence, comme suite à celle que nous avons eue l'année dernière.
    Je voudrais souhaiter la bienvenue aux deux témoins qui comparaissent aujourd'hui. Me Orlando Viera-Blanco est un avocat vénézuélien qui exerce les fonctions de conseiller externe auprès du Comité permanent de la politique étrangère de l'Assemblée nationale du Venezuela. À part son rôle de militant des droits de la personne, Me Viera-Blanco enseigne la culture politique et les valeurs démocratiques. Il est également conseiller en matière de campagnes politiques et de communications.
    Me Viera-Blanco a publié de nombreux articles dans des journaux du Venezuela et d'autres pays au cours des 24 dernières années. Il est aussi président de la Canadian Venezuelan Engagement Foundation, groupe créé par des Vénézuéliens en exil déterminés à défendre les droits humains de leurs concitoyens du Venezuela grâce à des contacts avec le gouvernement du Canada.
    Je voudrais également souhaiter la bienvenue à Maria Margarita Torres, qui fait partie du conseil municipal de Montréal-Ouest, ayant été élue en novembre 2013. Née à Caracas, au Venezuela, Mme Torres était arrivée au Canada en 1977 à l'âge de 20 ans.
    Même si elle vit à Montréal depuis longtemps, Mme Torres a gardé des liens étroits avec son pays d'origine et la diaspora vénézuélienne de Montréal, notamment dans son rôle de membre honoraire de la Canadian Venezuelan Engagement Foundation.
    Chacun des deux témoins pourra prendre 10 à 12 minutes pour nous présenter un exposé préliminaire. Les membres du Sous-comité auront ensuite des questions à leur poser.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur le président. Je vais parler en premier.
    Monsieur le président, vice-présidents et membres du Sous-comité des droits internationaux de la personne, mesdames et messieurs, je voudrais tout d'abord, en mon nom et au nom d'Orlando et des membres de la communauté vénézuélienne présents aujourd'hui, vous remercier de nous avoir donné l'occasion de faire le point sur la situation au Venezuela.
    Je comptais présenter un bref aperçu de mes activités, mais vous l'avez si bien fait, monsieur le président, que je n'ai rien à ajouter.
    Je voudrais dire que, même si je vis au Canada depuis 40 ans, ma famille habite encore le Venezuela. J'ai eu la possibilité de visiter ce beau pays chaque année et, par conséquent, de constater par moi-même la détérioration rapide de la situation du pays et de son peuple.
    J'ai été témoin des violations systématiques des droits de la personne que les Vénézuéliens subissent tous les jours. Je suis vraiment ahurie chaque fois que je vois les images ou les comptes rendus des atrocités et des violations commises contre le peuple vénézuélien par suite soit de la négligence soit des abus du gouvernement.
    Je suis en état de choc lorsque j'apprends que tant de crimes sont commis et restent impunis, lorsque j'entends parler des humiliations et des souffrances constamment infligées aux Vénézuéliens et des mesures prises qui les démoralisent, les privant de leur gagne-pain et bien souvent de leur vie.
    Il est tellement difficile pour moi, comme Canadienne, d'imaginer un lieu où mes enfants, ainsi que d'autres enfants et adultes, voient constamment fouler aux pieds leurs libertés civiles fondamentales et où des millions de Vénézuéliens se débattent sans cesse rien que pour survivre.
    Je voudrais remercier le Sous-comité d'avoir publié en juin 2012 une étude complète sur la situation des droits de la personne au Venezuela telle qu'elle existait alors. Nous sommes conscients de l'effort et du temps qu'il a fallu consacrer à cette étude, et nous vous en sommes à jamais reconnaissants. Toutefois, depuis la parution de votre rapport, les conditions se sont très sensiblement détériorées dans le pays.
    Par exemple, les Vénézuéliens connaissent de graves pénuries alimentaires. Les gens doivent faire la queue pendant des heures pour acheter les produits de base, lorsqu'ils sont disponibles, mais il y a pire: il est maintenant courant de voir des gens fouiller dans les poubelles dans l'espoir de trouver quelque chose à manger. Les niveaux de malnutrition ont atteint des sommets inégalés, surtout parmi les enfants et les personnes âgées. Il en est de même des taux de mortalité néonatale.
    Les taux de criminalité ont considérablement augmenté. Par exemple, en 2012, année de publication de votre rapport, le Comité avait constaté que Caracas était la ville la plus violente d'Amérique latine. À l'heure actuelle, elle se classe première ou deuxième dans le monde. L'année dernière, en 2016, le nombre d'homicides déclarés était de 20 000; 54 % des victimes étaient âgées de 15 à 30 ans et 86 % de ces meurtres avaient été commis à l'aide d'une arme à feu.
    Le nombre de prisonniers politiques a aussi augmenté sensiblement, surtout depuis 2014. Au moment de la publication de ce rapport, il y avait 11 prisonniers politiques. Il y a lieu de mentionner que la juge Afiuni, que vous aviez mentionnée dans votre rapport, est encore incarcérée. À cause de son état de santé, elle est actuellement en résidence surveillée.
    La semaine dernière, il y avait 117 prisonniers parmi lesquels se trouvent Leopoldo López, chef de l'opposition, Antonio Ledezma, maire de Caracas, et Daniel Ceballos, ancien maire de San Cristóbal, Táchira. Des députés de l'assemblée nationale, des étudiants, des militaires et même trois jeunes gens ont été arrêtés parce qu'ils se sont servis des médias sociaux pour donner leur point de vue sur le présent gouvernement. Le nombre augmente. Encore plus de gens ont été arrêtés la semaine dernière.
    Ces prisonniers politiques sont soumis à différentes formes de torture. On peut trouver des détails à ce sujet dans le rapport que nous présentons aujourd'hui à l'Organisation des États américains. Je trouve ces détails trop pénibles pour être en mesure d'en parler.

  (1310)  

    Quelques indices économiques tels que l'inflation témoignent aussi de la détérioration rapide de la situation. En 2016, le taux d'inflation avait augmenté de 700 %. La Banque mondiale prévoit qu'il dépassera 1 000 % en 2017.
    En novembre 2016, le salaire minimum était d'environ 10 $ par mois. Rien que pour acheter un minimum de produits alimentaires, d'articles d'hygiène et de médicaments afin de subvenir aux besoins d'une famille de 5 personnes, il faut presque 20 salaires minimums.
    Par conséquent, nous voudrions aujourd'hui vous présenter officiellement les documents suivants. Il y a d'abord le rapport de Luis Almagro, secrétaire général de l'Organisation des États américains, qui donne les grandes lignes de la crise vénézuélienne. Dans son rapport, il mentionne huit recommandations que l'Organisation considère nécessaires pour régler les problèmes cernés. Le deuxième document est un rapport du Forum pénal vénézuélien sur la répression d'État au Venezuela entre 2014 et 2016. Le troisième document est un rapport daté de novembre 2015 d'ENCOVI intitulé Pobreza y Misiones Sociales.
    Ces trois documents présentent une vue d'ensemble complète de la situation actuelle au Venezuela. Ils sont rédigés par des organisations bien établies aussi réputées que l'Organisation des États américains, dont le Canada fait partie. Leurs rapports sont jugés impartiaux, exacts, crédibles et exempts de parti pris politique. De bien des façons, ces rapports complètent le travail accompli par votre comité en 2012. Ils nous permettent de constater la détérioration rapide de la situation des droits de la personne au Venezuela depuis la publication du rapport de votre sous-comité.
    Mesdames et messieurs, compte tenu des événements qui se sont récemment produits au Venezuela et dont Me Viera vous parlera en détail, je ne crois pas exagérer en disant que le temps presse. La situation évoluant rapidement, c'est maintenant qu'il faut agir. Nous voudrions donc vous demander instamment, comme membres du Sous-comité des droits internationaux de la personne, d'examiner les documents que je viens de mentionner et les autres renseignements présentés aujourd'hui en vue de les annexer au rapport de 2012.
    Nous voudrions aussi vous exhorter à examiner d'urgence vos recommandations de 2012 afin d'en élaborer de nouvelles qui correspondent mieux à l'évolution rapide de la situation Venezuela. Nous espérons vous convaincre de l'urgence qu'il y a aujourd'hui à élaborer et à examiner une série de recommandations concrètes pouvant aboutir à un plan d'action immédiat, que le gouvernement mettrait en oeuvre pour nous aider à combattre les violations des droits de la personne au Venezuela et, du même coup, à rétablir la démocratie dans le pays.
    Me Viera va maintenant faire le point sur l'évolution de la situation au Venezuela dans les deux dernières semaines. Dans notre conclusion, nous vous proposerons quelques autres recommandations que vous voudrez peut-être adopter.
    Merci beaucoup.

[Français]

     Je veux d'abord vous remercier de nous recevoir et de nous donner l'occasion d'aborder la situation sociale et politique dans laquelle se trouve le Venezuela.
     Je vais essayer d'exposer la situation juridique de façon très sommaire, étant donné que notre réunion — il est très important de le souligner — concerne l'évolution de la situation humanitaire, qui est vraiment sensible et grave au Venezuela.
     Avant de vous expliquer plus simplement les raisons pour lesquelles le Venezuela vit un coup d'État continuel — et je veux ici mettre l'accent sur l'expression « coup d'État continuel » —, je voudrais vous parler du mérite de l'intervention de la communauté internationale.
    C'est, sans aucun doute, grâce à la résolution de l'Organisation des États Américains, ou l'OEA, en vertu de laquelle a été examinée l'activation de la Charte démocratique interaméricaine, que se sont produites au Venezuela des modifications d'ordre constitutionnel que nous constatons aujourd'hui partout dans le monde. Celles-ci ont mis en évidence la souffrance subie par les Vénézuéliens au cours des 18 dernières années. Sans l'intervention de l'OEA, la situation serait impossible. La réaction du gouvernement, par l'entremise de la Cour supérieure du Venezuela, a été de rendre les décisions 155 et 156. Ces décisions ont eu pour effet d'éliminer la compétence législative de l'Assemblée nationale et l'immunité des parlementaires vénézuéliens.
    Nous voulons que ce soit très clair: il s'agit d'un fait réel qui s'est produit dans notre pays. C'est un crime d'insubordination eu égard à l'ordre de la république prévu par le Code criminel à l'article 137.
    Nous voulons aussi préciser que ces décisions ne constituent pas les seules agressions, attaques et actions de dépossession à l'endroit de l'Assemblée nationale. En réalité, 46 autres décisions rendues par la Cour de 2016 à aujourd'hui ont soustrait, retiré ou restreint les compétences de l'Assemblée nationale vénézuélienne en ce qui concerne, entre autres, les fonctions de contrôle et de surveillance de l'administration publique, les fonctions de législation et celles de censure des ministres et des fonctionnaires du gouvernement.
     Depuis 2016, la Cour supérieure du Venezuela a donc annulé les fonctions d'ordre législatif, de contrôle et de surveillance de l'Assemblée nationale. C'est pourquoi tout le monde parle aujourd'hui d'une rupture de l'ordre constitutionnel et d'un coup d'État.
    C'est la même Cour suprême de justice qui a aboli la possibilité d'une amnistie au Venezuela. Or, celle-ci aurait permis la libération des prisonniers politiques et le retour des exilés. C'est elle également qui a décidé d'évoquer la possibilité que Leopoldo Lopez retrouve le droit de porter appel devant cette cour.
    Nous sommes au Canada depuis un bon moment. Or, je me demande pourquoi nous en sommes arrivés là, au Venezuela. La crise n'est pas seulement politique, pour ce qui est de la liberté et de la démocratie, mais elle est aussi humanitaire, sociale, économique et criminelle.

  (1315)  

     Pourquoi la communauté internationale a-t-elle pris autant de temps à se prononcer de façon structurée, continue et très précise comme elle le fait aujourd'hui au sujet d'un modèle de pouvoir qui a valu au pays les pires statistiques jamais vues sur le continent américain? Plus de 300 000 morts par homicide et par acte de violence à caractère politique; plus de 3 000 procès criminels pour des raisons politiques; des milliers d'enfants morts à la naissance, soit en raison de la dénutrition, soit à cause du manque de services médicaux ou de médicaments; des milliers de mères mortes au moment de l'accouchement; des milliers de Vénézuéliens du troisième âge sans pension ni médicaments pour soigner leurs maladies; des millions de jeunes Vénézuéliens qui émigrent; des millions de Vénézuéliens ayant un salaire mensuel inférieur à ce qui est l'équivalent de 30 $; des milliers de Vénézuéliens à la recherche de nourriture dans les ordures et qui mendient dans les rues; des milliers d'enfants vénézuéliens qui abandonnent l'école prématurément. En fin de compte, c'est un peuple sans espoir et fatigué, où 80 % des gens vivent dans la pauvreté. Les gens de ce peuple ne savent pas, quand ils sortent de chez eux, s'ils y reviendront.
    Ce qui explique cette situation, bien que cela soit peut-être très prévisible et très simple, c'est qu'une énorme partie de l'argent provenant du pétrole vénézuélien a servi à acheter la conscience de beaucoup de nations de la sous-région. C'est ce qui a empêché l'activation des mécanismes d'urgence et de contrôle internationaux, lesquels sont activés aujourd'hui et aboutissent à des dénonciations et à des moyens de pression.
    Aujourd'hui, le peuple du Venezuela commence à se sentir appuyé par la communauté internationale et il tient à vous remercier énormément, comme l'ont fait au cours de l'histoire les peuples africains, les peuples du Moyen-Orient et ceux ayant vécu dans les régions situées près de l'ancien rideau de fer, ainsi que les peuples occupés par l'ancienne république soviétique. Ces peuples vous remercient aujourd'hui, car ils ont retrouvé leur liberté, leur démocratie et leur prospérité, lesquelles ont été rendues possibles grâce au mouvement organisé des organismes multilatéraux et des pays chefs de file en matière de défense des droits de la personne, comme le Canada.
    Nous sommes venus ici pour apporter à ce comité une série de documents, d'images, d'informations et de renseignements divers qui, même s'ils sont déjà connus, viennent confirmer les avertissements contenus dans les rapports antérieurs, par exemple le rapport de 2012. Ces rapports contenaient suffisamment d'éléments pour alerter le monde au sujet de la tragédie humaine, politique et sociale que vit aujourd'hui le Venezuela. Autrement dit, nous voulons demander à ce comité d'incorporer à son dossier tous les éléments que nous apportons — informations, images et réflexions —, afin que la situation au Venezuela soit abordée et fasse l'objet de discussions dans le cadre d'une réunion d'urgence en vue d'atteindre les objectifs suivants.
    Premièrement, il faut que le gouvernement du Canada comprenne la réalité sociale et humanitaire qui existe aujourd'hui au Venezuela, soit la violence continue et les risques imminents de violation de l'intégrité humaine qui menacent la vie même des Vénézuéliens, pour améliorer les critères de validation relativement à la migration des Vénézuéliens vers le Canada, ce qui comprend la résidence, l'asile et la protection des étudiants démunis.
    Deuxièmement, il faut que nous gardions une position ouverte et publique par rapport à la citoyenneté, au Canada et ailleurs dans le monde, par l'entremise de tous les organismes multilatéraux de scrutin international pour maintenir la défense des droits de la personne au Venezuela, le respect de ses institutions et la restauration de la démocratie.
    Troisièmement, il faut promouvoir par tous les mécanismes possibles l'ordre diplomatique et humanitaire, l'ouverture des canaux d'aide humanitaire au Venezuela pour ce qui est de l'accès à la nourriture et aux médicaments ainsi que d'autres facteurs liés à la dignité humaine.
    Quatrièmement, il faut effectuer les enquêtes nécessaires en matière d'exploitation, notamment en ce qui concerne le projet Arco Minero mené dans l'Amazonie, au Venezuela, qui est probablement à l'origine de crimes écologiques et de violations des droits des mineurs en matière de conditions de travail, de sécurité et de droits de la personne.

  (1320)  

     Le dernier point, et non le moindre, vise la mise en place d'un comité de vigilance ainsi que de mécanismes d'enquêtes portant sur le droit de vote au Venezuela, l'opportunisme et la manipulation au moyen de la propagande par l'État, ainsi que sur la surveillance du processus électoral. En effet, c'est uniquement en assurant le respect des droits de la personne et du droit de vote que nous pourrons résoudre ces crises d'ordres humanitaire, institutionnel, politique et social de façon pacifique et constitutionnelle, tout en limitant les risques auxquels les citoyens pourraient être exposés sur les plans humanitaire, social et politique.
    En conclusion, nous pensons que la défense des droits de la personne est une question primordiale pour la population vénézuélienne aujourd'hui. Le Canada est considéré comme un champion des droits de la personne. C'est pourquoi tous les Vénézuéliens entretiennent beaucoup d'espoir relativement au Canada. Pour les Vénézuéliens, le Canada est un pays très important. Nous espérons entendre de votre part que le Venezuela l'est tout autant pour le Canada. Comme je l'ai expliqué, il est impératif que nous puissions compter sur l'intervention internationale en ce moment.
    Finalement, j'ai trouvé une expression assez brève en anglais dont j'aimerais vous faire part:

  (1325)  

[Traduction]

« L'honneur témoigne de la valeur. La confiance engendre de la confiance. Le service apporte de la satisfaction. La coopération prouve la qualité du leadership. »

[Français]

     Nous faisons appel à vous pour ce qui est de l'objectif lié à la satisfaction et comptons sur votre leadership.

[Traduction]

    Je vous remercie beaucoup tous les deux pour les exposés émouvants et passionnés que vous avez présentés au Sous-comité.
    Je vais tout de suite passer aux questions parce qu'il est déjà 13 h 30.
    Le député Anderson commencera, du côté conservateur.
    Je voudrais remercier les témoins de leur présence aujourd'hui. Certains sont de vieux amis. Nous ne sommes pas heureux d'être ici, mais nous sommes heureux de vous avoir parmi nous.
    J'ai une question à vous poser. Face à tout cela, j'ai l'impression que le vrai problème réside dans le rôle des militaires. Je crois que l'armée joue un rôle central en matière de promotion et de destruction de la démocratie.
    J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Quand tout cela sera réglé, quand M. Maduro sera parti et même après de nouvelles élections et un nouveau départ, y aura-t-il un changement réel? Les militaires ne trouveront-ils pas simplement une nouvelle marionnette, un nouveau dirigeant qu'ils mettront en place pour protéger leur pouvoir et leur corruption? J'aimerais juste savoir ce que vous en pensez. L'armée cédera-t-elle son pouvoir? Si oui, de quelle façon?
    Parlez-vous de l'armée vénézuélienne?
    Oui, monsieur.
    Comme vous le savez sans doute, depuis Chávez, l'armée est devenue une sorte d'organe du gouvernement.
    Même après la modification de la Constitution vénézuélienne en 1999, l'armée nationale est indépendante du pouvoir civil. Vous aurez peut-être noté en outre qu'au Venezuela, nous avons 23 États, dont 21 sont dirigés par d'anciens militaires. Nous avons peut-être 3 000 ou 4 000 postes de direction dans la fonction publique. Il est probable que 3 000 d'entre eux sont occupés par des militaires.
    Aujourd'hui, le Venezuela n'est pas un pays civil dirigé par une population civile. C'est un pays qui est mené par des gens de l'armée. C'est pour cette raison qu'il y a une grande complicité entre l'armée et le gouvernement pour la protection du régime. C'est pourquoi les médias rapportent que beaucoup de généraux et de dirigeants de l'armée participent au trafic de la drogue et sont impliqués dans différents crimes. Voilà pourquoi le monde parle du Venezuela comme d'un État paria ou d'un État voyou.
    En présence d'une telle complicité entre le crime et la violation des droits de la personne, entre le pouvoir et différents éléments criminels, il est impossible d'avoir une armée qui respecte la Constitution, en vertu de laquelle l'armée a le devoir de protéger l'intégrité, la souveraineté et la démocratie du Venezuela.

  (1330)  

    Je vais prendre la suite maintenant.
    Merci beaucoup pour ces renseignements. Nous sommes de tout coeur avec vous et avec le peuple vénézuélien qui souffre en ce moment. Je comprends votre frustration devant l'attitude de la communauté internationale. Croyez-moi, nous nous posons souvent les mêmes questions dans le cadre de nos enquêtes sur différentes situations.
    Luisa Ortega Diaz était procureure principale. Lorsque la Cour suprême a décidé de dissoudre le Parlement vénézuélien, elle a manifesté son opposition. Elle prend ordinairement la part du gouvernement, mais, dans ce cas particulier, elle s'est exprimée en termes très énergiques.
    D'après vous, est-ce là l'indice d'un affaiblissement du pouvoir de Maduro, ou bien, au contraire, est-ce la procureure qui est actuellement en danger?
    C'est une question très intéressante. Nous parlons de la procureure générale Luisa Ortega Diaz.
    Vous aurez sans doute noté qu'elle s'était comportée comme si elle était elle-même un autre organe du gouvernement du Venezuela et qu'elle a participé à beaucoup des accusations portées contre l'opposition. Pour moi, il n'y a pas de doute qu'à ce stade de rupture de la Constitution au Venezuela, de l'altération de l'ordre constitutionnel, elle a décidé maintenant de contester la situation auprès du gouvernement.
    Cela signifie, oui, que le gouvernement est maintenant divisé. C'est certainement mon point de vue. Elle avait l'air très confiante lorsqu'elle a dit qu'elle ne voulait pas blâmer le gouvernement à ce stade de l'histoire du Venezuela, mais qu'elle cherchait à rallier des appuis contre la violation manifeste de la Constitution du pays.
    Je voudrais prendre quelques instants pour expliquer ce qui se passe au Venezuela.
    Supposez que la Cour suprême du Canada décidait d'enlever à votre Parlement le pouvoir de légiférer. Supposez que la Cour suprême décidait de mettre en place une forme de loi martiale, de suspendre la Constitution, de s'arroger le pouvoir d'agir à sa guise et, entretemps, décrétait, comme dans la décision 157 du Venezuela, de se conférer elle-même le pouvoir législatif.
    C'est là que la procureure générale du Venezuela a dit non, c'est aller trop loin. La Cour avait déjà adopté 46 décisions qui avaient aboli…
    Voilà pourquoi je parle d'un « coup d'État continuel » amorcé en 2016. Ce n'est pas seulement à cause de cela. Lorsqu'elle a parlé, la procureure générale a semé la pagaille. Elle a créé au gouvernement une situation qui a obligé le président à convoquer d'urgence le comité de la défense nationale. Une autorité distincte du pouvoir conventionnel a alors recommandé une révision des décisions. Ensuite, la Cour suprême a décidé de réexaminer ses propres décisions.
    Pouvez-vous imaginer la Cour suprême du Canada qui réviserait ses propres décisions? Cela est absolument interdit, non seulement au Venezuela, mais dans tout État de droit du monde. La Cour suprême vénézuélienne a ensuite présenté des éclaircissements au sujet de ses décisions, ce qui lui a permis de rétablir les pouvoirs de l'assemblée nationale et l'immunité des députés.
    Notre recommandation concernant l'un des pouvoirs de l'exécutif consiste à faire adopter par la Cour suprême une ordonnance de conformité lui permettant de changer de nouveau les décisions. Voilà pourquoi le crime est consommé et exécuté. Ce n'est pas que le crime n'a pas été… On ne peut pas commettre un crime, on ne peut pas prendre une décision pour changer l'ordre républicain, puis s'excuser et dire qu'on regrette. Voilà pourquoi…

  (1335)  

    Maître Viera-Blanco, je n'ai pas compris ce que vous venez de dire en dernier. Pourriez-vous répéter en français, s'il vous plaît?
    Quelle partie?
    Pouvez-vous simplement répéter les deux dernières phrases que vous avez dites? Vous avez dit quelque chose de très précis que je voudrais bien comprendre.

[Français]

     C'est pourquoi la procureure générale a décidé de maintenir une situation qui diffère de la décision de la Cour suprême du Venezuela.
     Je conviens que la position de la procureure générale est légitime, mais cette position s'éloigne de celle du gouvernement.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Merci.
    La parole est maintenant au député Tabbara.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie de votre témoignage passionné. L'instabilité et les difficultés que le Venezuela connaît en ce moment sont très regrettables.
    Je voudrais parler de la crise économique. Je sais que dans les années 1980 et 1990, le Venezuela était un pays en développement. Toutefois, en janvier dernier, le Fonds monétaire international a signalé que le PIB vénézuélien avait régressé de 12 %. Le FMI croit que le pays se dirige vers l'hyperinflation.
    J'ai fait un voyage en Afrique australe. Nous avons visité le Zimbabwe et le Botswana et avons constaté la différence qui existe entre les deux pays. Le Zimbabwe est très riche en minéraux et en diamants. Malheureusement, à cause de l'incurie et de la corruption, les revenus tirés de ces ressources ne servent pas à améliorer l'infrastructure et à développer le pays. Le Botswana voisin se trouve dans une situation à peu près semblable, mais une grande partie de ses revenus vont à l'infrastructure, ce qui fait que le pays se développe très rapidement.
    Ma question concerne la crise économique au Venezuela. Comment, à votre avis, la mauvaise gestion est-elle allée assez loin pour aboutir à la situation actuelle de déclin rapide?
    Pour essayer de comprendre ce qui s'est passé au Venezuela au cours des 18 dernières années, je vais vous présenter une petite comparaison avec ce que les Émirats arabes unis ont fait avec un montant d'argent égal à celui que le Venezuela a recueilli pendant cette période.
    Sous la direction des gouvernements Chávez et Maduro, le Venezuela a disposé d'environ 1,4 million de millions de dollars. J'ai bien dit 1,4 million de millions, soit à peu près le même montant que des pays comme la Norvège et les Émirats arabes unis ont obtenu durant la même période. La Norvège et les Pays-Bas ont constitué des réserves d'environ 500 milliards de dollars. Les Émirats arabes unis ont une réserve de près de 480 milliards de dollars. Dans le cas du Venezuela, c'est seulement 7 milliards et 3 millions de dollars en espèces.
    Pourquoi? L'explication se limite à un seul mot: la corruption, sans parler de la mauvaise gestion. Il y a beaucoup de corruption. Il y a officiellement quelque 250 milliards de dollars venant du Venezuela. C'est de l'argent sale issu de la corruption. Il est réparti entre les États-Unis, l'Europe et même le Canada. Il est difficile de trouver un endroit au monde où il n'y a pas d'investissements vénézuéliens issus de la corruption.
    Lorsque Chávez était au pouvoir, le peuple vénézuélien disposait de 80 milliards de dollars en devises étrangères. Aujourd'hui, nous avons environ 460 milliards. L'argent de la corruption s'élève au moins à 250 milliards de dollars. Nous avons essayé d'établir dans l'administration une sorte de loi écrite pour essayer d'élaborer un traité approprié qui permettrait de commencer à récupérer cet argent.
    Si on ajoute la corruption à la mauvaise gestion, le résultat, au Venezuela, c'est qu'avec cette montagne d'argent, nous n'avons pas de médicaments, nous n'avons pas de produits alimentaires, mais nous avons un taux d'inflation de près de 1 000 %. C'est absolument incroyable. Il est difficile d'imaginer un meilleur moyen de détruire le pays.
    Je voudrais vous rappeler une chose. Le rapport de 2012 du Parlement canadien contenait de nombreux avertissements, de nombreuses mises en garde visant justement à éviter la situation actuelle. Je veux vous faire part de cette réflexion parce que la communauté internationale a maintenant réagi à ce qui se passe au Venezuela. Nous chercherons à sensibiliser le monde au fait que les renseignements concernant la corruption sont connus depuis des années.
    Il y a encore autre chose. Dans l'État vénézuélien d'Amazonas, il y a maintenant dans l'Arco Minero une société canado-américaine qui négocie avec le gouvernement vénézuélien au sujet de réserves d'or. Il s'agit de la société…

  (1340)  

    Gold Reserve.
    Cela fait partie dans le de la situation. Je crois qu'il est important d'enquêter sur les activités entourant ce genre d'opérations au Venezuela.
    C'est ma dernière question. Nous avons parlé de la communauté internationale. Je voudrais simplement savoir quels entretiens ont eu lieu ou sont en cours avec des pays voisins tels que le Brésil et la Colombie. Y a-t-il eu des discussions sur les moyens de régler la crise au Venezuela?
    Nous devons garder à l'esprit le fait que, jusqu'à récemment, le Brésil était gouverné par des alliés du Venezuela, d'abord Lula da Silva, puis la présidente Dilma Rousseff. La situation n'est plus la même aujourd'hui. Elle a même évolué en Colombie ainsi qu'à l'échelle infranationale. Il serait extrêmement difficile d'établir un dialogue avec ces pays parce qu'ils sont maintenant des adversaires du gouvernement vénézuélien.
    C'est la raison pour laquelle deux organisations internationales et multilatérales cherchent à intervenir de différentes façons. L'OEA essaie d'activer la Charte démocratique interaméricaine parce qu'il est évident que le Venezuela s'est écarté des valeurs démocratiques. Par ailleurs, il y a l'UNASUR, qui regroupe des pays qui ont déjà été des amis du gouvernement vénézuélien, mais la situation n'est plus la même aujourd'hui.
    Je vous remercie.
    À vous, député Weir.
    Merci beaucoup.
    À titre de visiteur au Comité, je ne connais peut-être pas assez bien le contexte de cette étude.
    J'aimerais donc vous demander, monsieur le président, si le Sous-comité a essayé d'inviter des représentants de l'ambassade du Venezuela pour qu'il nous soit possible de leur poser des questions.
    Cette séance d'information découle d'une demande que nous avons reçue de ce groupe. Elle fait suite au travail accompli sur ce sujet au cours de l'automne de l'année dernière. Par conséquent, pour répondre à votre question, non, nous n'avons pas pris contact avec l'ambassade du Venezuela.
    Très bien. Je vous remercie de ces précisions.
    Mon grand-père était électricien chez Imperial Oil. Il avait passé un an au Venezuela à ce titre. Même si je n'ai jamais visité votre pays, j'ai l'impression qu'il existe un certain lien de famille parce que mon père et tous mes oncles et tantes y ont vécu pendant cette année-là.
    J'ai moi aussi quelques questions à poser au sujet de la crise économique au Venezuela.
    Je crois qu'il est clair que la mauvaise gestion et la corruption constituent d'importants facteurs. Pouvons-nous dire aussi que la baisse des prix du pétrole a joué un rôle assez considérable?
    Oui, bien sûr. Le Venezuela est un pays producteur de pétrole. La baisse des prix a donc joué un rôle sensible.
    Essayons cependant de passer rapidement en revue les événements des 15 dernières années.
    À un moment donné, le Venezuela comptait près de 250 000 entreprises et sociétés. Aujourd'hui, 75 % d'entre elles ont fermé leurs portes. Il fut un temps où le Venezuela avait quelque 8 000 industries et l'un des plus grands parcs industriels de la région. Aujourd'hui, 90 % des parcs industriels ont été détruits par la politique économique du gouvernement. À un moment donné, le Venezuela était un pays agricole. Aujourd'hui, le gouvernement a exproprié 4 millions d'hectares de terres.
    Il ne s'agit pas seulement de pétrole. Au Venezuela, près de 85 % des revenus sont tirés du pétrole, mais aujourd'hui, 90 % de nos produits alimentaires viennent d'importations contrôlées par le gouvernement. Dans une économie massivement contrôlée qui connaît des difficultés, il est maintenant impossible pour le Venezuela de vendre ses produits à un prix supérieur au prix de revient.
    Voilà ce qui est arrivé au Venezuela par suite du contrôle de l'économie. Il y a beaucoup de distorsions. Nous avons trois ou quatre taux de change, qui varient selon le pays. Voilà pourquoi nous avons des salaires moyens inférieurs à 30 $ par personne. Sous le régime Chávez, nous avions 40 % de pauvreté. Nous en sommes maintenant à plus de 80 %. Voilà où en est le Venezuela aujourd'hui.

  (1345)  

    Vous avez mentionné un fait important: au cours des années où les prix du pétrole étaient élevés, le gouvernement vénézuélien n'a pas fait ce qu'il fallait pour préparer l'avenir, du moins par comparaison à la Norvège, que vous avez également citée.
    Nous avons en fait le même genre de gestion déficiente dans les provinces canadiennes productrices de pétrole. Elles ont connu de nombreuses années d'abondance grâce aux prix élevés du pétrole, mais n'en ont pas vraiment profité. Elles n'ont pas fait des économies. Comme vous l'avez signalé, la Norvège a beaucoup mieux géré ses revenus pétroliers.
    Avez-vous des suggestions à faire au sujet des institutions à mettre en place pour s'assurer de réaliser les économies nécessaires si le monde connaît une autre période de prix élevés pour les produits de base?
    Je vais vous dire une chose. La première décision que je prendrais en cas de changement du régime au Venezuela serait de cesser de donner du pétrole à Cuba. Au cours des 13 dernières années, l'accord énergétique conclu avec La Havane a coûté au Venezuela plus de 100 milliards de dollars. Nous parlons de près de 150 000 barils de pétrole expédiés chaque jour à Cuba depuis 13 ans. Le Venezuela a également donné du pétrole à d'autres îles des Caraïbes, de même qu'à l'Équateur, au Nicaragua, à la Bolivie et même à l'Argentine de Kirchner.
    Quand on pense aux énormes sommes que représentent ces ressources… Je vais vous donner un autre exemple. Le Venezuela a donné à Cuba chaque année plus d'argent qu'il n'en a consacré à la santé, à l'éducation et même à l'ensemble des budgets de ses 23 États. Oui, le budget des 23 États est inférieur aux sommes que le Venezuela a données à Cuba.
    Il ne s'agit pas seulement de faire des changements et de redresser la situation économique. Il y a aussi cette fraternité de la gauche…
    Ainsi, le Venezuela a été trop généreux dans ses programmes d'aide à l'étranger.
    Non, irresponsable. On peut être généreux sans être irresponsable.
    C'est vraiment un témoignage très intéressant. J'aimerais aussi vous demander quelle sorte d'aide ou d'intervention internationale peut améliorer la situation des droits de la personne au Venezuela. Bien sûr, après l'arrivée de Chávez au pouvoir, le gouvernement des États-Unis a organisé contre lui un coup d'État qui a probablement aggravé la situation des droits de la personne et a donné lieu à une mentalité de siège.
    Il serait important que la communauté internationale intervienne d'une manière constructive, qui puisse améliorer la situation du peuple vénézuélien. Je me demande si vous avez des suggestions à faire à cet égard.

  (1350)  

    Oui, et c'est la raison pour laquelle nous nous sommes présentés devant votre comité à plusieurs reprises. L'expérience que j'ai acquise grâce à mes contacts avec différentes institutions du monde m'a permis de constater que le Canada est reconnu comme un des champions des droits de la personne.
    Le Canada a une grande réputation en matière de négociation et de dialogue. C'est un pays qui favorise la paix et qui sait garder une très intéressante attitude de neutralité. Cela lui permettrait d'être persuasif et d'ouvrir un certain dialogue avec le Venezuela sur le plan humanitaire. Cela est important, car, comme vous l'avez constaté au cours des 18 dernières années, le gouvernement vénézuélien n'a pour ainsi dire pas eu d'affrontements avec le Canada.
    Je crois que votre comité pourrait essayer d'user de ses talents de négociation pour persuader le gouvernement vénézuélien d'ouvrir immédiatement la voie humanitaire. Pourquoi n'accepterait-il pas cela? Il dit à la communauté internationale que c'est parce qu'il n'y a pas d'urgence humanitaire au Venezuela. Voilà le problème.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer au député Fragiskatos.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vous remercie de votre témoignage.
    J'ai une citation que j'aimerais vous lire. Elle est de Monica de Bolle, du Peterson Institute for International Economics. Elle a été citée dans un article paru ce week-end, qui parlait de ce qui s'est passé lorsque la Cour suprême est revenue sur sa décision d'annuler les pouvoirs de l'assemblée nationale. Monica de Bolle a dit que M. Maduro a perdu son image d'homme fort du régime et que « c'est habituellement la première étape de la chute d'un dictateur ». C'est donc pour lui « le commencement de la fin ».
    Voici ma question. Premièrement, êtes-vous d'accord avec elle? Pouvez-vous en outre nous dire si, à votre avis, l'armée est uniformément en faveur du régime, ou bien si on y trouve des poches d'opposition qui existent déjà ou qui sont en train de se former, surtout si on tient compte des événements des derniers jours et de tous les autres problèmes que le Venezuela connaît. Tous les dirigeants autoritaires comptent sur un dispositif de coercition — habituellement, l'armée —, de sorte que je me demande si vous pouvez nous parler de la loyauté des militaires, en particulier, et des forces de police. L'opposition est-elle unie? Les dirigeants autoritaires comptent aussi ordinairement sur une opposition divisée.
    Ma question s'adresse aux deux témoins. Nous ne vous avons pas encore entendue, madame Torres.
    C'est vrai, mais comme je l'ai déjà dit, le fait que j'ai vécu au Canada pendant si longtemps limite ma connaissance des aspects techniques de la situation. Je ne suis pas en contact direct avec le peuple vénézuélien. Je n'ai donc qu'une certaine perception de la situation. Je peux vous parler de mon expérience personnelle, ainsi que celle de mes parents et des gens que j'ai connus et avec qui j'ai grandi. Toutefois, avec la détérioration de la trame de la société, je n'ai plus… Tout ce que j'aurais à vous dire consisterait en conjectures. Ce serait ce que je pense ou ce que j'ai entendu.
    Je crois que oui, nous sommes un peu divisés, mais, aussitôt après des élections, nous aurons une vraie démocratie. Les gens pourront poser leur candidature et élire le parti dont ils ont besoin. En ce moment, nous essayons de rester aussi unis que possible. En tout cas, c'est mon impression.
    Je vous remercie de votre question.
    Allez-y, maître Viera-Blanco.
    Oui. Ma réponse comportera trois parties.
     Est-ce le commencement de la fin de Maduro? Je peux vous dire une chose. J'ai écrit à l'intention de l'opinion publique vénézuélienne afin de dire aux gens: « Écoutez, n'essayez pas de dire que l'opposition est faible au Venezuela parce qu'elle a engagé un dialogue. Essayons de faire accepter le point de vue que la realpolitik est souple. » La realpolitik est un instantané de la situation. Demain, les choses auront changé. Ensuite, quelque chose viendra modifier vos perceptions en l'espace de quelques instants.
    Il y a à peine une semaine, le Venezuela était confronté à une situation très frustrante. Les dissidents qui suivent l'opposition ont eu l'impression d'être trahis en quelque sorte par les dirigeants de l'opposition qui avaient décidé de dialoguer. Subitement, il y a eu des réactions de la communauté internationale et de l'OEA qui ont suscité d'autres réactions de la Cour suprême du Venezuela. Comme je l'ai expliqué, celle-ci a modifié toute la dynamique de la situation et a créé, pour le moment, de l'enthousiasme dans le peuple vénézuélien envers non seulement le chef de l'opposition vénézuélienne, mais aussi la communauté internationale. Vous ne pourriez pas imaginer combien de courriels j'ai reçus parce que je vis au Canada, me disant: « Merci pour la position du Canada à l'OEA. » C'était stimulant.
    Que fera l'armée? Je vais faire quelques pronostics. Si, au Venezuela, la population et la société civile sont tellement fatiguées de la situation humanitaire, il y aura des manifestations dans les rues. Un grand mouvement populaire serait irrésistible. Il y aura une certaine insubordination parmi les militaires membres de la société vénézuélienne qui se trouveront au milieu. C'est la situation réelle des éléments intermédiaires de l'armée.
    Troisièmement, vous voulez savoir si l'opposition est unie. Bien sûr, certains membres de l'opposition ont été obligés de négocier une certaine forme d'alliance pour combattre le gouvernement. À titre de conseiller de l'Assemblée nationale, je peux vous dire que l'opposition est unie pour réclamer le retour à la démocratie et l'organisation d'élections et pour rechercher des solutions conformes à la Constitution et aux bases institutionnelles, juridiques et démocratiques.
    Les élections au Venezuela sont très importantes, car, jusqu'à hier, personne n'y croyait parmi les dissidents et les gens ordinaires. Mais encore une fois, le peuple s'est fait entendre. Il combattra en faveur d'élections impartiales au Venezuela. C'est tout un défi.

  (1355)  

    C'est ma dernière question. Supposez que M. Maduro réussisse à garder le pouvoir pendant deux ou trois autres années ou pendant toute autre période… Supposons cependant qu'il arrive à se maintenir au pouvoir pendant deux ou trois ans et que, dans cette période, les prix du pétrole — pour quelque raison que ce soit — se mettent à grimper pour revenir au niveau où ils étaient du temps de Chávez.
    Est-ce que cela permettrait au régime de rester au pouvoir?
    Dans cette situation hypothétique, il réussirait peut-être à récupérer une petite partie de l'appui populaire au régime, mais il y a un autre facteur. Maduro n'a pas le charisme d'un Chávez. À mon avis, cela limiterait la récupération.
    Je pose la question parce qu'avec des revenus pétroliers plus importants, Maduro et le régime auraient beaucoup plus de carottes à distribuer, s'ils le souhaitent.
    Oui, mais la situation s'est tellement détériorée… Il est question de quelque 300 000 personnes qui seraient en train de mourir à cause de la violence, ou…
    Je voudrais laisser au député Sweet — ou au député Anderson — les deux dernières minutes parce que je sais qu'il a une question à poser.
    Sur la base de ce que vous venez de dire, quelle position les pays voisins ont-ils maintenant adoptée? On a essayé d'amener ces pays à prendre position et à s'élever contre la situation actuelle. Pendant des années, l'OEA s'est montrée très inefficace à cet égard. Vous souhaitez une intervention internationale. À votre avis, quels sont les pays de la région qui peuvent vous aider et qui, au Venezuela, pourra assumer le leadership afin d'orienter le pays vers un meilleur avenir?
    C'est très intéressant. Avec la situation pétrolière actuelle au Venezuela, le gouvernement a perdu la capacité d'acheter la conscience de nombreux voisins de la région. On peut le constater déjà à l'OEA où le rapport des pouvoirs a changé. Nous avons déjà une vingtaine de voix à l'OEA, et les pressions de la communauté internationale s'exercent même dans les petits états insulaires qui appuient le Venezuela, à part l'Équateur, la Bolivie et le Nicaragua.
    Je crois que la dynamique de la communauté internationale a changé. La conscience des droits de la personne a maintenant atteint un niveau suffisant pour qu'il soit possible de tenir la communauté internationale au courant des événements qui se produisent au Venezuela. C'est la raison pour laquelle nous vous demandons… Nous avons quelques nouveaux éléments que vous voudrez bien, nous l'espérons, ajouter à votre rapport. Nous estimons que ce serait un bon moment pour convoquer une réunion urgente au sujet de la situation au Venezuela, car cela est très important.
    J'ai une chose de plus à ajouter. J'ai une certaine expérience de la façon dont les fonctionnaires canadiens reconnaissent la situation au Venezuela. Il est important que les médias et les fonctionnaires du Canada connaissent bien la réalité du pays. Cela est important afin de modifier quelque peu les critères appliqués pour accepter d'accorder le statut de réfugié, le statut de résident et pour évaluer et valider les demandes d'immigration de façon à permettre à des Vénézuéliens de venir au Canada.

  (1400)  

    Je voudrais vous remercier tous les deux d'avoir accepté de comparaître devant le Comité aujourd'hui. Vous nous avez fait part d'importants événements témoignant de la détérioration de la situation. Nous comprenons les développements récents, mais vous avez réussi à les éclairer d'un jour nouveau.
    Nous continuons à prendre très au sérieux cette situation ainsi que les violations des droits de la personne commises par le gouvernement au Venezuela. Les membres du Comité produiront une déclaration commune traitant de certaines de ces questions. Nous continuerons certainement à nous tenir au courant de la situation et à accorder une grande importance à tout cela, non seulement parmi les parlementaires membres de ce groupe, mais aussi au gouvernement et parmi tous les députés canadiens.
    Merci beaucoup au nom du peuple vénézuélien.
    Je vous remercie de votre présence au Comité.
    La séance est levée.
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