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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 086 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 23 novembre 2017

[Enregistrement électronique]

  (1310)  

[Traduction]

    Bonjour, chers collègues.
    Je déclare ouverte cette séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne.
    Il s'agit de la première séance de six portant sur le travail des enfants et l'esclavage moderne. Ces enjeux ont été soulevés au Comité des affaires étrangères et nous les aborderons au Sous-comité des droits internationaux.
    Je veux souhaiter la bienvenue à nos deux témoins aujourd'hui. Le premier qui prendra la parole est M. Smith. Il est cadre supérieur pour la responsabilité sociale d'entreprise à l'Organisation internationale du Travail, l'OIT, et a beaucoup d'expérience en la matière. Nous entendrons par la suite Christopher Evans, qui est avec nous aujourd'hui dans la salle. Il est le stratège du gouvernement pour la Walk Free Foundation, une organisation non gouvernementale dévouée à mettre fin à l'esclavage moderne et à la traite de personnes.
    Monsieur Smith, puisque vous êtes parmi nous par vidéoconférence et que nous savons que la technologie nous fait parfois défaut, je vais vous demander de bien vouloir commencer votre déclaration. M. Evans fera son exposé tout de suite après, puis nous céderons la parole aux membres du Comité pour qu'ils puissent poser leurs questions.
    Tout d'abord, merci beaucoup. C'est un honneur d'avoir l'occasion de témoigner devant le Sous-comité.
    J'aimerais fournir brièvement des renseignements sur les estimations mondiales de l'OIT récemment publiées sur le travail des enfants et le travail forcé des enfants, sur ce que nous savons du travail des enfants dans les chaînes d'approvisionnement, ainsi que sur les importantes lacunes en matière de connaissances, avant de discuter plus en détail du travail des enfants dans le secteur des poissons et des fruits de mer en Asie du Sud-Est et dans la chaîne d'approvisionnement du prêt-à-porter en Asie du Sud.
    Ce n'est qu'un aperçu des données que l'OIT a publiées il y a quelques mois. Il y a 152 millions d'enfants âgés de moins de 18 ans qui sont contraints de travailler en ce moment. Soixante-treize millions de ces enfants doivent accomplir des travaux dangereux. Leur travail est susceptible de compromettre leur santé, leur sécurité ou leur moralité. Soixante-neuf pour cent des enfants qui travaillent contribuent au revenu familial. Ils ne sont pas dans une relation d'emploi avec une tierce partie. Vingt-sept pour cent sont des travailleurs rémunérés et quatre pour cent sont des travailleurs autonomes.
    En ce qui concerne les secteurs, la majorité du travail des enfants, 71 %, se fait dans le secteur agricole. Il y a 4,3 millions d'enfants qui sont contraints au travail forcé, soit environ 18 % du nombre total de personnes contraintes au travail forcé, ce qui représente 25 millions de victimes dans le monde. De ce nombre, un million d'enfants sont exploités sexuellement pour du travail forcé et 300 000 enfants sont contraints de travailler par les autorités de leur pays. Il faut toutefois faire attention lorsque nous interprétons les données concernant les enfants qui font du travail forcé, en raison des difficultés pour mesurer les activités clandestines et illicites. Ces données sont également très récentes: elles sont tirées des estimations mondiales sur le travail forcé et l'esclavage moderne que nous avons produites avec la Walk Free Foundation.
    C'est pour souligner les grandes difficultés que nous avons pour mesurer le travail forcé des enfants. Le travail forcé est défini par les conventions de l'OIT comme étant du travail qu'une personne ne s'est pas offert de son plein gré ou qu'elle doit faire sous la menace d'une sanction ou sous la contrainte. Certains moyens de coercition, comme l'isolement ou l'intimidation, peuvent prendre certaines formes dans le cas d'enfants qui sont particulièrement vulnérables. Il y a aussi des enfants qui travaillent avec leurs parents, et les parents sont asservis, ce qui a été documenté dans des secteurs tels que la production de tabac et la fabrication de briques. C'est un phénomène intergénérationnel.
    Le travail forcé des enfants survient également lorsque des parents ou des tuteurs envoient leurs enfants travailler comme ouvriers dans les ateliers ou les usines de la famille du créancier auquel ils sont redevables.
    L'OIT a déployé d'énormes efforts pour lutter contre le travail des enfants dans les chaînes d'approvisionnement. Les secteurs dans lesquels nous avons travaillé comprennent le café, la canne à sucre, les melons, le cacao, le tabac, la pêche, les mines et les chaînes d'approvisionnement pour la production d'instruments chirurgicaux et des ballons de soccer, notamment.
    Nous avons mené des études de référence dans tous ces secteurs, qui fournissent des renseignements et relèvent le groupe cible, et qui nous permettent de comprendre la nature du travail des enfants et les causes et les conséquences dans ces secteurs. Cependant, elles ne fournissent pas des estimations du nombre d'enfants qui travaillent dans les chaînes d'approvisionnement à l'échelle nationale, si bien que nous n'avons pas ces données à l'échelle mondiale.
    L'OIT appuie la tenue d'études nationales sur le travail des enfants dans le monde. Nos estimations mondiales les plus récentes s'appuient sur plus d'une centaine d'enquêtes nationales auprès des ménages. Cependant, ces enquêtes ne sont habituellement pas ventilées par secteur. Par exemple, les enquêtes nationales nous diront combien d'enfants travaillent dans le secteur agricole, mais pas combien d'enfants travaillent dans les secteurs de la canne à sucre ou du café.
    Il y a un manque de statistiques fiables pour déterminer le nombre d'enfants qui travaillent dans les chaînes d'approvisionnement. Nous travaillons toutefois en ce sens pour élaborer une méthodologie afin de contribuer à combler ces lacunes en matière de connaissances, et ces recherches se termineront en 2018.

  (1315)  

    Le travail des enfants et le travail forcé des enfants sont concentrés dans l'économie informelle, sont souvent cachés et hors de portée des systèmes d'inspection du travail et d'autres mécanismes d'application de la loi. C'est en majeure partie une main-d'oeuvre familiale non payée. Le travail des enfants dans les chaînes d'approvisionnement réduit les coûts de main-d'oeuvre liés aux biens et aux services visés, et les entreprises peuvent en tirer des avantages économiques. Les entreprises qui ont des chaînes d'approvisionnement de grande envergure peuvent ne pas être au courant qu'il y a du travail des enfants ou du travail forcé dans leurs chaînes d'approvisionnement.
    Au cours des 15 ou 20 dernières années, les initiatives volontaires privées se sont multipliées entourant ces enjeux. Bien que nous ayons vu des répercussions positives, particulièrement en ce qui concerne la santé et la sécurité, et le salaire minimum, l'incidence sur les enjeux fondés sur les droits tels que le travail forcé et le travail des enfants est moindre. Les entreprises comptent souvent sur les vérifications sociales, mais elles se penchent habituellement sur le premier niveau de production seulement, tandis que le travail des enfants est souvent à des niveaux plus profonds dans la chaîne d'approvisionnement.
    Le travail des enfants et le travail forcé surviennent dans des chaînes d'approvisionnement mondiales et domestiques dans la majorité des secteurs et régions du pays. En 2013, l'OIT a publié une recherche sur les initiatives axées sur la responsabilité sociale de l'entreprise dans de grandes économies émergentes dans les pays du Sud. La recherche a relevé peu de documentation sur les efforts des entreprises établies au Brésil, en Afrique du Sud et en Inde pour s'attaquer aux répercussions négatives qu'elles peuvent avoir sur le travail des enfants dans leurs propres chaînes d'approvisionnement. La majorité des initiatives de RSE que nous avons examinées reposaient sur la philanthropie et n'étaient pas liées aux chaînes d'approvisionnement, possiblement parce que les gouvernements, les consommateurs et les organisations de la société civile surveillent souvent moins ces entreprises dans les pays du Sud comparativement aux pays du Nord.
    Pour ce qui est du secteur du poisson et des fruits de mer, nous avons mené récemment des recherches dont j'aimerais vous donner un bref aperçu.
    En 2017, un sondage de l'OIT mené auprès de 434 travailleurs dans 11 provinces en Thaïlande, dans le cadre d'un projet du nom de Ship to Shore Rights financé par l'Union européenne, nous a permis de découvrir qu'il existe peu de preuves du travail des enfants. Seulement environ 1 % des travailleurs interrogés étaient âgés de moins de 18 ans, bien que le tiers des travailleurs ont signalé avoir commencé à travailler avant l'âge de 18 ans dans un secteur donné. Le ministère du Travail a renforcé le travail des enfants comme facteur à considérer dans son régime d'inspection, et de nouvelles règles ont été adoptées en 2015 pour fixer l'âge minimal à 18 ans pour travailler dans les secteurs de la pêche et des fruits de mer. Ces mesures ont contribué à réduire le travail des enfants dans ces secteurs. Un autre signe d'attention accrue portée au problème est l'engagement du gouvernement royal thaïlandais à mener son premier sondage national sur le travail des enfants en 2018.
    Un projet antérieur de l'OIT, financé par les États-Unis, a mis l'accent sur le travail des enfants dans le secteur de la transformation des fruits de mer en Thaïlande, qui compte un nombre beaucoup plus élevé de travailleurs que dans les bateaux, dans le secteur de la pêche. Les enfants dans les pôles industriels de la transformation des crevettes et des fruits de mer en Thaïlande étaient plus fréquemment exposés à des dangers sur le lieu de travail que ceux qui travaillent dans d'autres industries, et deux fois plus susceptibles de subir des blessures. Les enfants migrants dans cette industrie, pour la plupart du Myanmar et du Cambodge, travaillaient également de plus longues heures en moyenne que les enfants thaïlandais, à raison d'environ six heures par semaine de plus.
    Seulement un quart des enfants qui travaillent dans le secteur de la transformation des crevettes et des fruits de mer âgés entre 15 et 17 ans étaient au courant des lois sur le travail des enfants, et près de 65 % de ces enfants ne jouissaient pas de la protection légale d'un contrat. Un tiers des enfants migrants dans l'industrie de la transformation des crevettes et des fruits de mer en Thaïlande ne fréquentent pas l'école en raison d'une combinaison de défis et de contraintes, dont l'endettement des ménages, la garde de leurs jeunes frères et soeurs et la mobilité des parents.

  (1320)  

    Bien que tous les enfants en Thaïlande aient accès à une éducation, peu importe leur statut, les enfants de migrants sans papier sont moins susceptibles de s'inscrire à l'école, puisque les familles à faible revenu sont moins en mesure de pouvoir assumer les dépenses additionnelles.
    En ce qui concerne la chaîne d'approvisionnement que je veux également aborder, des usines de prêt-à-porter et de vêtements, il y a eu des améliorations au cours des 20 dernières années pour s'assurer que les enfants qui n'ont pas l'âge minimal pour occuper un emploi, qui est habituellement, comme la majorité d'entre vous le savent sans doute, 14, 15 ou 16 ans, ne sont pas employés. À ce niveau, il y a eu des améliorations. Cependant, il y a un défi permanent de s'assurer que les enfants âgés de 15 à 17 ans n'effectuent pas des travaux dangereux, ce qui est le plus fréquent et ce que l'on appelle la pire forme de travail des enfants dans les conventions de l'OIT.
    Le travail des enfants a été documenté dans les tanneries de cuir au Bangladesh et dans d'autres pays, ce qui est particulièrement dangereux. C'est dangereux en raison de l'utilisation de produits chimiques toxiques. Il y a un risque continu lié à la vérification inadéquate de l'âge et à la sous-traitance non autorisée, y compris le travail dans des ménages où le risque de travail des enfants est inhérent. Les marques qui établissent des relations à long terme avec des fournisseurs et qui comprennent clairement les capacités de production de ces fournisseurs peuvent réduire ces risques.
    Nous en savons moins au sujet de la production de vêtements pour les marchés domestiques, ce qui représente la grande majorité de la production dans des pays comme l'Inde.
    Pour ce qui est des grandes fermes ou des marques au sommet des chaînes d'approvisionnement, il y a souvent moins de visibilité dans les usines de filature et d'égrenage et dans la culture du coton. J'aimerais m'attarder quelques minutes sur la production du coton. Elle génère....

  (1325)  

    Monsieur Smith, vous avez utilisé 12 minutes. Pourriez-vous conclure vos remarques en une minute ou une minute et demie? Je veux que les membres aient le temps de vous poser des questions, à M. Evans et à vous. Si vous pouviez commencer à conclure vos remarques, ce serait bien. J'espère ensuite que nous pourrons aborder d'autres points. De plus, si vous voulez soumettre des points additionnels, nous pourrons les ajouter au témoignage.
    Absolument. Je vais conclure mes remarques.
    Il y moins de visibilité pour la production de coton. Il y a quelque 100 millions exploitations de coton, et dans les pays en développement, ce sont habituellement de petites parcelles de terres de 0,5 à 1 hectare. Elles dépendent souvent d'une main-d'oeuvre familiale, ce qui présente le risque du travail des enfants.
    En Afrique subsaharienne et en Chine, ces petites exploitations sont prédominantes.
    Il y a un passé de mobilisation dirigée par l'État du travail des enfants dans la Communauté des États indépendants, ce qui a eu des conséquences particulièrement graves, même s'il y a des preuves que la situation est en train de changer.
    L'OIT a fait de la lutte contre le travail des enfants dans les communautés de production de coton une priorité, et des projets sont en cours dans des pays dont l'Ouzbékistan, le Mali, le Pérou, le Pakistan et l'Inde. Il y a d'importants risques pour la santé et la sécurité associés à la culture du coton.
    Pour terminer, la lutte contre le travail des enfants et le travail forcé des enfants dans les chaînes d'approvisionnement est une priorité pour l'OIT. Nous savons que si nous n'accélérons pas les progrès dans ces régions, nous n'atteindrons pas l'objectif de développement durable d'éliminer toutes formes de travail des enfants d'ici 2025.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Smith.
    Monsieur Evans, je vous cède la parole sans plus tarder.
    Je remercie le Comité de me donner l'occasion de comparaître aujourd'hui. C'est un grand honneur et une belle occasion pour nous.
    Walk Free s'engage à mesurer l'esclavage dans le monde, à défendre les droits et à travailler avec les confessions pour mobiliser les chefs religieux et les entreprises. Nous avons travaillé avec l'OIT pour mesurer des indicateurs. Je ne vais pas passer en revue ce que nous avons fait. Mais je dirais pour commencer, monsieur le président, que c'est un problème causé par l'homme. C'est un problème que nous pouvons régler. Il arrive tellement souvent que les comités parlementaires doivent régler des problèmes qui ne peuvent pas être réglés. Ce problème peut être résolu. Des mesures doivent être prises non seulement par ces pays qui, pour ainsi dire, souffrent du travail des enfants et du travail forcé dans leur pays, bien que ce soit un problème qui existe dans tous les pays, y compris en Australie et au Canada... Mais nous savons qu'en Asie, en Afrique et dans d'autres pays, ils sont aux prises avec les problèmes répandus de l'esclavage moderne et du travail des enfants. Ce sont des problèmes auxquels nous pouvons nous attaquer et mettre fin.
    Les pays du monde se sont réunis aux Nations Unies lorsqu'elles ont élaboré les objectifs de développement durable et ont fixé la cible 8.7, qui consiste à prendre des mesures pour supprimer le travail forcé, mettre fin à l'esclavage moderne et à la traite d'êtres humains, à éliminer les pires formes de travail des enfants et, d'ici 2025, à mettre fin au travail des enfants sous toutes ses formes. C'est un objectif ambitieux, mais le Canada l'a signée, de même qu'environ 180 autres pays. Je vous dirais que nous devons prendre cet objectif au sérieux et nous mettre au travail. Nous devons prendre des mesures qui auront une véritable incidence.
    L'une des questions sur lesquelles je veux me concentrer aujourd'hui est celle de la transparence de la chaîne d'approvisionnement car cela aura et peut avoir une incidence. C'est du ressort des parlements de tous les pays. Les ONG ne doivent pas s'adresser à vous et vous dire, « Donnez-nous beaucoup plus d'argent et nous trouverons des solutions à des problèmes insolubles ». Il faut plutôt dire, « Il y a des mesures que vous pouvez prendre, et nous vous exhortons à agir ».
    Je sais que je ne devrais pas essayer de faire la leçon à un autre Parlement, mais il y a de nombreux développements internationaux dont vous devriez être au courant et vous devriez connaître l'existence d'organisations comme la mienne. Les gouvernements de l'Australie, du Royaume-Uni et d'autres pays comptent sur le Canada pour faire sa part. Nous avons accompli de nombreux progrès au cours des dernières années, mais plus de gens doivent se faire entendre et faire une impression.
    Je tiens à dire que le G20 l'an dernier a vraiment mis l'accent sur certaines de ces questions entourant les chaînes d'approvisionnement, et le Canada a signé ces recommandations également. Nous pensons que la mondialisation est une bonne chose. L'ouverture des activités commerciales et économiques parmi tous les pays a été bénéfique non seulement aux pays riches mais aussi aux pays pauvres pour ce qui est du développement économique et des emplois. Mais il y a aussi un côté négatif. Il y a une hausse des inégalités. Les avantages de la mondialisation n'ont pas été répartis autant qu'elles auraient dû l'être. Ils ne sont pas aussi inclusifs, justes et durables qu'ils auraient dû l'être. C'est une conclusion que tous les pays du G20 ont tirée, et je pense que la majorité des gens le reconnaissent.
    C'est pourquoi il est important que les pays riches, les pays membres du G20, s'attaquent aux enjeux du travail des enfants et de l'esclavage. Même si leurs problèmes ne sont pas aussi graves à l'échelle nationale, nous savons qu'il y a de l'exploitation des enfants et du travail forcé dans les chaînes d'approvisionnement d'entreprises canadiennes ou chez leurs fournisseurs dans le monde. C'est vrai pour tous les pays du G20.
    Nous savons également que les organismes locaux d'application de la loi ne sont pas suffisants pour régler ces problèmes. C'est parfois attribuable à une réglementation faible. C'est parfois attribuable à une absence d'application de la loi. C'est parfois attribuable à de la corruption. Nous sommes aux prises avec ce problème depuis de nombreuses années. Bien souvent, nous avons enregistré de bons progrès dans le dossier du travail des enfants, mais pour être honnête, l'estimation selon laquelle environ 40 millions de personnes sont victimes d'esclavage moderne est, de l'avis général, très prudente. Sans le leadership des pays développés, nous ne réglerons pas ces problèmes. Nous n'allons pas libérer ces gens de l'esclavage ou donner à ces enfants la chance d'arrêter de travailler et s'instruire.

  (1330)  

    L'autre chose que nous savons, monsieur le président, c'est que nous ne pouvons y arriver sans la mobilisation des entreprises. Les gouvernements et les ONG essaient depuis des années, mais nous savons que le problème est lié en grande partie à l'aspect économique du commerce international et aux chaînes d'approvisionnement des entreprises dont les propriétaires se trouvent généralement, au bout du compte, dans le monde développé. Nous avons vu qu'à l'échelle mondiale, on réclame la transparence des chaînes d'approvisionnement de ces sociétés; il faut travailler avec elles afin de veiller à ce qu'elles agissent d'une façon moralement correcte et donnent des occasions d'emploi aux gens de ces pays sans les exploiter, les asservir ou faire travailler des enfants.
    Vous avez vu le Royaume-Uni avec sa Modern Slavery Act, ou Loi sur l'esclavage moderne. Vous avez vu l'Union européenne s'engager en ce sens, la France et les Pays-Bas; et en Australie, nous sommes sur le point de proposer une loi au Parlement, l'année prochaine, avec l'appui des deux grands partis, qui exigerait la même chose des sociétés australiennes.
    Vous voyez un mouvement, mais il y a également beaucoup de gens qui sont réticents à s'attaquer à cela. Je crois important de souligner que nous avons plus de voix. Le Canada a pris tout un éventail d'engagements sur ce plan. Le gouvernement du Canada a adhéré aux Objectifs de développement durable, aux résolutions du G20, à l'OIT, et il a pris un autre engagement à la conférence sur le travail des enfants, la semaine dernière. Il a répondu à l'appel à l'action du Royaume-Uni concernant l'esclavage moderne lors de l'Assemblée générale de l'ONU, cette année. Le Canada s'est engagé à agir. Il a déterminé qu'il faut mettre en oeuvre toutes ses ressources relatives à l'esclavage moderne et au travail des enfants. La question est de savoir ce qu'il faut faire pour que cela se produise. Je dirais que des mesures législatives visant les chaînes d'approvisionnement constitueraient une mesure importante qu'il est possible de prendre.
    J'aimerais faire deux observations à propos de l'expérience du Royaume-Uni et de l'Australie. Premièrement, les entreprises sont prêtes à cela. Elles sont ouvertes à l'idée. De nombreuses entreprises ont nettement devancé les politiciens et les gouvernements à ce sujet. Elles travaillent à cela depuis 20 à 30 ans, mais c'est généralement inégal. Certaines entreprises font vraiment de l'excellent travail, alors que d'autres, franchement, s'en fichent et évitent de regarder. S'il y avait de la réglementation, elles y seraient toutes soumises. Les mesures législatives les aideraient à se conformer et à prendre le problème au sérieux, et il y aurait alors un leadership dans ce débat.
    Deuxièmement, les demandes parlementaires ont motivé le changement au Royaume-Uni et en Australie. C'est venu du Parlement, et non du gouvernement. Le gouvernement a suivi le Parlement à la suite de demandes parlementaires fortes et sérieuses dans les deux pays. Votre étude est un facteur vraiment important, d'après moi, parce qu'une fois qu'un comité parlementaire s'est engagé dans ce sens, en particulier une fois qu'il s'est mis à discuter avec les entreprises et de plus grands groupes, vous allez voir qu'il est possible d'arriver à un consensus. Dans ces deux pays, les deux grands partis ont accordé leur soutien. Il n'y a pas de différence entre les conservateurs, les travaillistes ou les libéraux, dans ces parlements. Ce n'est pas un enjeu qui divise. C'est un enjeu qui peut unir et rassembler les entreprises et les ONG.
    L'autre chose que je veux dire rapidement, c'est qu'un certain nombre de vos sociétés rendent déjà des comptes en vertu de la loi adoptée au Royaume-Uni, ce qui fait que cette loi produit déjà des effets sur des sociétés canadiennes. La loi adoptée en Australie produira aussi des effets sur les sociétés canadiennes. Elles sont nombreuses à devoir déjà se soumettre à ces types de régimes. L'autre chose, c'est qu'il se fait déjà beaucoup de travail au Canada. Des ONG comme Vision mondiale ont accompli beaucoup de travail concernant le travail des enfants. J'ai rencontré des gens de l'Association minière du Canada, aujourd'hui. Ils ont créé un protocole de vérification visant la prévention du travail des enfants et du travail forcé. On voit que le secteur des affaires se montre déjà proactif sur ce plan, et vous avez aussi l'industrie de l'investissement.
    Monsieur le président, je ne vais pas prendre beaucoup plus de temps, si ce n'est que pour vous dire que je pense que c'est une excellente occasion qui s'offre au Parlement du Canada de vraiment traiter en profondeur de ce problème, de contribuer à la réalisation des engagements du Canada et, bien franchement, de susciter de réels changements concernant l'exploitation des enfants et des travailleurs partout dans le monde. Nous vous savons gré du travail que vous accomplissez, et nous espérons qu'il mènera à un plus vaste débat, tant au Parlement que chez l'ensemble des Canadiens.
    Merci.

  (1335)  

    Merci beaucoup, monsieur Evans.
    Je vous remercie tous les deux.
    Nous allons passer aux questions, à commencer par celles du député Anderson.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier nos deux témoins d'être avec nous aujourd'hui.
    Je veux parler un peu plus tard des chaînes d'approvisionnement, car je crois que nos audiences vont beaucoup se concentrer là-dessus. Je veux revenir à la définition du travail des enfants et aux nombres dont il est question, afin de bien comprendre ce dont nous parlons.
    Est-ce que votre définition est assez inclusive? Est-ce que toutes les personnes de moins de 18 ans sont incluses dans la définition du travail des enfants? C'est peut-être l'OIT qui peut le mieux répondre à cette question. C'est ma première question, et j'approfondirai cela par la suite.
    La définition d'un enfant, c'est une personne de moins de 18 ans. C'est juste.
    Quand vous réalisez votre évaluation, est-ce que vous la faites par groupe d'âge, ou est-ce que vous dites simplement que le but est de retirer du monde du travail tout enfant de moins de 18 ans partout dans le monde? Quand vous parlez d'éliminer cela d'ici 2025, peu importe, est-ce que l'objectif est de faire en sorte que personne de moins de 18 ans ne va travailler sur la terre, et que ce sera la réalisation de ce que vous avez fixé comme objectif?
    Non, ce n'est pas l'objectif. Il n'y a pas qu'un seul âge minimum. Il y a l'âge minimum d'admission à l'emploi qui est de 15 ans dans les conventions de l'OIT. Les pays en développement peuvent le fixer à 14 ans. Certains pays le fixent à 16 ans. Ce devrait être l'âge auquel on quitte l'école. Vous devriez avoir l'éducation obligatoire jusqu'à l'âge minimum d'admission à l'emploi, afin de garantir une bonne transition entre l'école et le travail.
    À cet âge, les enfants peuvent travailler. Le travail des jeunes est une préoccupation importante pour l'OIT, et nous ne voulons pas faire de discrimination envers les enfants plus vieux qui ont terminé leur éducation et qui ont atteint l'âge minimum d'admission à l'emploi. Il faut que les conditions soient sûres. Il ne peut s'agir d'un travail dangereux. Il ne peut s'agir non plus de travail forcé, et ainsi de suite.
    Nous [Difficultés techniques] très bien les différents groupes d'âge.
    Il faudrait à cet égard penser aux enfants qui devraient être à l'école, en train de travailler à obtenir le niveau d'éducation leur permettant de faire leurs premiers pas dans la société. Est-ce bien ce que vous dites? Est-ce que cela correspond à votre définition?
    Absolument.
    Est-ce que vous faites une distinction importante, alors, entre les pays développés, en développement ou sous-développés, quand vous déterminez cela? Nous sommes d'un pays où nous pouvons avoir été élevés sur une ferme et avoir commencé à travailler bien avant l'âge de 15 ans. C'était pour le plaisir et pour un peu d'argent, je pense bien. Peu importe.
    Faites-vous une distinction entre cela et une personne qui est forcée de travailler dans un pays en développement — une personne qui n'a pas du tout le choix?
    Je dirais que le travail des enfants existe dans toutes les régions et dans tous les pays. Les nombres sont particulièrement élevés dans les pays du Sud, surtout dans l'Afrique subsaharienne, là où nous avons constaté les taux les plus élevés de travail des enfants. Environ 20 % des enfants dans l'Afrique subsaharienne travaillent. Ailleurs, les taux sont inférieurs. À l'échelle mondiale, c'est un peu moins de 10 % des enfants qui doivent travailler.
    Les conventions de l'OIT traitent des différentes formes de travail des enfants. Il y a des formes qui sont pires, notamment ce que je pense que vous appelez le travail forcé, le travail dans des conditions extrêmement dangereuses, avec des pesticides ou des substances toxiques, et le travail pour lequel l'enfant est tout simplement trop jeune. Un enfant de huit ou neuf ans qui travaille entre dans notre définition de travail des enfants, et cela l'empêche d'aller à l'école, ce qui a d'énormes répercussions sur les sociétés et sur la main d'oeuvre de l'avenir.

  (1340)  

    Faites-vous aussi une distinction entre le travail pour la famille et le travail non familial? Vous avez mentionné les nombres, qui sont phénoménaux quand il s'agit en particulier de l'agriculture. Je présume qu'une grande partie de cela serait du travail pour la famille, et qu'il y a aussi une grande différence entre le travail familial et non familial. Pouvez-vous nous parler un peu de cela?
    Bien sûr. C'est une excellente question, car la majorité des enfants qui travaillent, les deux tiers, le font dans un contexte familial. C'est donc une grande partie du problème. C'est très difficile, car vous parlez de ménages particuliers. Vous ne parlez pas du gros et méchant employeur typique qui abuse des enfants.
    Le travail des enfants est essentiellement motivé par la pauvreté, et ces enfants contribuent au revenu du ménage, ce qui fait qu'il ne conviendrait pas d'adopter une approche axée principalement sur l'application de la loi. Il faut plutôt offrir de meilleures possibilités d'emplois décents pour les parents, de sorte que les enfants puissent aller à l'école.
    Je crois que je vais très bientôt manquer de temps, mais je me demande seulement comment ce nombre est lié à la responsabilité des chaînes d'approvisionnement. Si vous avez un pourcentage élevé de jeunes qui travaillent dans la ferme familiale, dans l'entreprise familiale ou autre chose, essayez-vous d'avoir un effet sur ce genre de responsabilité, ou vous concentrez-vous plutôt sur un sous-ensemble différent de travail forcé?
    Je pense que les sociétés dont les chaînes d'approvisionnement puisent dans l'économie informelle présentent un risque particulier. C'est aussi le cas de celles qui sont liées aux produits agricoles, et je pense que sur le plan de la responsabilité, il y a une loi non contraignante, mais de plus en plus présente, et un mouvement vers une loi contraignante. Les exigences en matière de reddition de comptes que nous avons vues au Royaume-Uni et ailleurs ne vont qu'augmenter, d'après moi. Cela deviendra plus une obligation qu'une bonne chose à faire, au bout du compte.
    Monsieur Evans, pourriez-vous nous donner quelques précisions au sujet de la loi australienne? Nous avons eu des exposés qui ont été présentés au Parlement, en fait, par des gens d'Angleterre, au sujet des mesures qu'ils ont prises. Je me demande si vous pouvez nous donner un peu plus d'information sur vos mesures législatives, sur ce que vous proposez et sur la façon dont cela fonctionne.
    Monsieur Evans, il reste environ 30 secondes. Je veux veiller à ce que les autres députés aient aussi du temps. Un autre député pourrait vous poser cette question en guise de suivi. Pouvez-vous répondre très brièvement à cela?
    Il y a deux processus parallèles. L'un est une enquête parlementaire réalisée par le comité des affaires étrangères, de la défense et du commerce, qui produira probablement son rapport dans les jours qui viennent, et l'étude du comité ne s'est pas limitée à ces deux enjeux. Elle a couvert l'exploitation sexuelle des enfants, le tourisme d'orphelinat et tout un éventail de thèmes, ce qui fait que l'étude du comité a eu une plus vaste portée.
    Le gouvernement a convenu de légiférer. Il y a eu un document de consultation qui est maintenant fermé, et on s'entend généralement sur les principes de base qui se fonderont sur la loi du Royaume-Uni, mais il faut dire bien honnêtement que notre loi sera probablement un peu plus efficace.
    Merci beaucoup.
    C'est maintenant au tour de la députée Khalid.
    Je ne crois pas que ce soit mon tour.
    D'accord.
    Le député Fragiskatos.
    Merci à vous deux d'être là.
    Je vais poser ma première question à M. Evans.
    Monsieur Evans, que pensez-vous du seuil? Avez-vous des idées sur un nombre particulier, pour ce que la loi pourrait exiger? Au Royaume-Uni, comme vous le savez très bien, la loi dit qu'en ce qui concerne le roulement annuel, une entreprise devrait avoir l'équivalent de 61 millions de dollars canadiens en chiffre d'affaires annuel pour être soumise aux mesures législatives. En Australie, le comité envisage à peu près la même chose.
    Le milieu des affaires en Australie a soulevé des préoccupations. Je vous lis une citation:
Le directeur général de l'Australian Retailers Association, Russell Zimmerman, dit: « Il faut bien veiller à ne pas réglementer de manière exagérée et penser aux effets produits sur les entreprises ayant un petit chiffre d'affaires et n'ayant pas les ressources nécessaires pour faire face à des problèmes très complexes. »
    Que pensez-vous d'un seuil, et où devrait se situer ce seuil, le cas échéant?

  (1345)  

    Il y a de la controverse à ce sujet. Personnellement, je crois que cela importe peu. La réalité, en matière de responsabilité, c'est que vous descendez le long de la chaîne d'approvisionnement de sorte que la reddition de comptes est faite par les personnes au sommet, mais la responsabilité va jusqu'au bas de la chaîne d'approvisionnement.
    Le gouvernement de l'Australie recommande en ce moment un seuil de 100 millions de dollars australiens. Franchement, je pense que le Parlement va proposer un montant inférieur à cela, une fois que la loi sera finalisée. Il n'y aura aucune science à cela, d'une manière ou d'une autre. Le montant de 100 millions est un montant que le gouvernement a trouvé concernant d'autres dispositions fiscales. Ce n'est pas illogique, mais ce n'est pas scientifique non plus. Beaucoup d'ONG préconisent un seuil de 30 millions, de 40 millions ou de 50 millions de dollars. De toute évidence, chaque parlement va déterminer ce qu'il estime approprié.
    En ce qui concerne la citation, il est juste de dire que c'est le Business Council of Australia qui représente les personnes touchées par la proposition en Australie, et non l'Australian Retailers Association, qui représente peut-être les petites organisations. Le Business Council of Australia appuie le projet de loi.
    Merci beaucoup. Je ne veux pas vous interrompre, mais je suis limité dans le temps.
    Monsieur Smith, puis-je vous poser une question sur ce que nous avons entendu au début de la réponse, à propos de l'enquête de M. Evans sur la chaîne d'approvisionnement? Pouvez-vous revenir là-dessus? J'ai l'impression qu'il serait extrêmement complexe de vraiment comprendre tous les maillons d'une chaîne d'approvisionnement. Comment peut-on s'acquitter d'une telle tâche? Il semble incroyablement complexe de faire enquête sur l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement pour s'assurer qu'elle est exempte d'esclavage moderne.
    Je pense notamment au commerce équitable, une initiative bienvenue du côté du commerce international. Nous savons toutefois que trop souvent, peut-être même dans la plupart des cas, les produits mis en marché comme étant issus du commerce équitable n'ont pas du tout été mis au point de façon équitable, et qu'il y a bel et bien eu de l'exploitation en cours de route, que ce soit au début, au milieu ou à la fin du processus. Vous pouvez voir en quoi il serait difficile de comprendre les défis entourant la surveillance de la chaîne d'approvisionnement pour une personne comme moi, et pour d'autres aussi je crois.
    Oui, vous avez tout à fait raison de dire que c'est complexe. Les chaînes d'approvisionnement s'allongent et gagnent en complexité.
    Pour ce qui est de sous-secteurs en particulier, prenons simplement l'exemple du cacao, qui a attiré beaucoup d'attention en raison du travail forcé et du travail des enfants. L'industrie du cacao s'efforce d'éradiquer le problème, et tente d'empêcher le travail des enfants dans sa chaîne d'approvisionnement depuis 15 ou 20 ans, des efforts qui se poursuivent. C'est ainsi même après avoir investi des dizaines de millions de dollars.
    Le problème, c'est vraiment que la chaîne d'approvisionnement de l'Afrique occidentale compte 1,5 million de petits producteurs de cacao. Vous pouvez donc imaginer le défi que représente la surveillance d'une telle chaîne d'approvisionnement. Vous avez parlé du modèle du commerce équitable, mais la certification des entreprises comporte de véritables limites compte tenu simplement de la portée géographique et de l'ampleur de ces chaînes d'approvisionnement.
    Ce que nous avons trouvé le plus efficace est vraiment de travailler avec les gouvernements et les collectivités elles-mêmes afin de donner aux gens le pouvoir de s'occuper de leurs propres intérêts et leurs propres enfants. Cela signifie qu'il faut mettre à contribution des coopératives et des syndicats, de façon à ce qu'il y ait une surveillance continue de la situation, étant donné que des bilans sociaux instantanés peuvent donner une idée de ce qui se passe aujourd'hui, mais qu'ils ne révèlent rien ni sur hier ni sur demain.
    Je pense que les entreprises apprennent des leçons difficiles quant aux limites des outils qu'elles utilisent habituellement et qui sont à leur disposition, ce pour quoi elles proposent des méthodes plus créatives. Nous collaborons assez étroitement avec les industries du cacao, du tabac et des vêtements afin d'essayer d'atteindre plus efficacement les bas-fonds de ces chaînes d'approvisionnement.

  (1350)  

    Monsieur le président, compte tenu du temps qu'il nous reste, j'ai l'impression que mon collègue, M. Tabbara, ne pourra pas poser de questions puisqu'il est le troisième intervenant sur la liste…
    Il a le temps pour une petite question.
    Je vais donc poser une question très brève.
    Quelle raison précise explique le déclin spectaculaire du travail des enfants depuis que l'Organisation internationale du Travail, ou OIT, a commencé sa surveillance?
    Nous venons de faire cette analyse, qui fait état de leviers politiques déterminants ayant contribué à la baisse.
    En Amérique latine, nous avons constaté un déclin marqué, attribuable à la mise en place de mécanismes de protection sociale très forts qui ciblent le travail des enfants. Il s'agit notamment de transferts de fonds pour que les familles pauvres envoient leurs enfants à l'école plutôt que de les faire travailler, ainsi que de mesures d'élimination de la pauvreté. Je pense que la situation est aussi assez fortement liée aux tendances démographiques. L'avancement général de l'éducation universelle et de la réduction de la pauvreté sont étroitement liés aux baisses du travail des enfants que nous avons observées.
    Je tiens toutefois à souligner qu'il y a un plateau depuis quatre ans. Le déclin est beaucoup plus lent. C'est inquiétant, et nous nous penchons sur la raison. Qu'est-il arrivé ces quatre dernières années pour causer ce ralentissement?
    Qu'est-ce qui explique ce plateau et ce déclin?
    Vous avez moins de 30 secondes pour répondre.
    Je pense que les tendances démographiques y comptent pour beaucoup. Nous avons notamment constaté que l'Afrique va dans la mauvaise direction. C'est peut-être parce que nous avons en quelque sorte cueilli les fruits les plus faciles à atteindre, et que nous devons maintenant nous attaquer au travail des enfants qui est vraiment ancré et enraciné dans la pauvreté systémique. Je ne veux toutefois pas en dire trop là-dessus puisque nos analystes se penchent sur la question. Nous pourrons donc affirmer des choses avec beaucoup plus de confiance au cours des prochains mois et de la prochaine année.
    Merci beaucoup.
    Je suis désolé d'être pointilleux sur les délais, mais je voulais m'assurer que la députée Hardcastle puisse avoir tout son temps d'intervention. Madame Hardcastle, la parole est à vous.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Puisque le temps file, et étant donné que notre comité a une durée fixe en raison de sa plage horaire qui se trouve juste avant la période des questions — je le précise pour que vous puissiez comprendre —, je pense que je vais faire comme j'en ai l'habitude avec des témoins. Je vais vous poser une petite question, puis je vais vous laisser vous partager le temps de réponse.
    J'étais fort intriguée par la remarque de M. Evans en réponse à la question de mon collègue sur la loi et la suite des choses pour nous. Monsieur Smith, vous avez peut-être entendu M. Evans le dire aussi. Il affirme qu'il faut s'attendre à une loi semblable à celle du Royaume-Uni, mais plus efficace. Je considère qu'il s'agit d'une occasion d'apprentissage pour notre comité.
    Je vous invite à nous dire comment nous pourrions aborder efficacement la venue de ce projet de loi, selon vous.
    La loi du Royaume-Uni comporte quelques faiblesses largement reconnues, comme c'est le cas de n'importe quelle loi après une certaine expérience. Il est même question de modifications législatives à venir. Il y a des problèmes entourant le dépôt central des rapports: il y aurait dû y avoir un dépôt facilement accessible, mais ce n'est pas le cas, de sorte qu'il est impossible de retrouver la totalité des rapports à un même endroit.
    Certains reprochent à la loi de ne pas prévoir assez de contenu obligatoire, de sorte que certains rapports sont superficiels alors que d'autres sont excellents. À la lecture des rapports, on constate qu'ils sont assez inégaux. Il y a toutes sortes de problèmes semblables.
    Ce sur quoi j'insiste auprès des gens, c'est que la loi a changé la conversation. Il y a désormais une société de supermarchés britanniques qui embauche d'anciennes victimes au Royaume-Uni, et qui leur offre un programme d'emplois. La loi a lancé une discussion au sein de la société qui a conscientisé les gens, de sorte qu'elle a été un véritable catalyseur. En Australie, l'enquête a elle aussi eu un effet catalyseur.
    Ce que nous savons, c'est que l'enjeu est assurément complexe et que les solutions n'ont rien de simple. En revanche, il vaut vraiment la peine d'agir. Comme je l'ai déjà dit, même votre propre industrie minière a un protocole à participation volontaire. L'industrie essaie d'éradiquer le problème et donne des conseils. Si vous examinez des sociétés comme Coca-Cola et Unilever, vous constaterez que leur façon d'aborder ces problèmes de chaîne d'approvisionnement est assez complexe.
    Il est vrai que la loi britannique peut être améliorée. Vous trouverez probablement que le rapport du Parlement australien en a long à dire sur la question. Les partis britanniques ont déposé des mémoires sur le sujet. Ce sont de bonnes sources d'information relatives aux critiques de la loi britannique, mais il y a également un débat en cours au Royaume-Uni.

  (1355)  

    Monsieur Smith, il vous reste quelques minutes.
    L'OIT n'a adopté aucune politique dans un sens ou dans l'autre, qui serait pour ou contre une telle loi, de sorte que je ne peux pas vous donner la perspective de l'Organisation.
    D'après notre expérience, il semble que la transparence est essentielle. Je suis d'accord avec M. Evans pour dire que la conversation a vraiment évolué de façon importante ces dernières années, ce qui coïncide avec certaines des lois que nous avons observées.
    Pour ce qui est de la collaboration au sein de l'industrie, il me semble fort important de lever le plus de barrières possible à la mise en commun d'informations sur les chaînes d'approvisionnement, de sorte que les entreprises puissent récompenser les bons joueurs. Le travail des enfants et le travail forcé au sein des chaînes d'approvisionnement sont des enjeux préconcurrentiels.
    Il y a bien sûr des préoccupations relatives aux questions antitrust, mais elles sont parfois exagérées. Il est plus facile pour les entreprises de mettre en commun ce qui se passe dans leur chaîne d'approvisionnement, la façon dont elles sont structurées et les entités avec lesquelles elles travaillent.
    L'OIT organise ce qu'on appelle la Plateforme sur le travail des enfants. Il s'agit d'un groupe d'entreprises qui se réunissent sous la règle de Chatham House, qui crée un espace sûr, pour mettre en commun des renseignements et des expériences visant à lutter contre le travail des enfants au sein des chaînes d'approvisionnement. On y retrouve de grandes entreprises telles que Coca-Cola et Primark, et d'autres qui proviennent de toutes sortes de secteurs, y compris les mines. L'objectif est vraiment d'accélérer les choses en permettant aux entreprises d'apprendre les unes des autres. Un secteur tel que celui du cacao, où il y a des problèmes depuis fort longtemps, peut présenter son point de vue afin que les entreprises minières et de télécommunications profitent de son expérience.
    Merci beaucoup.
    Il nous reste environ une minute et demie. Il y a une question à laquelle j'aimerais faire suite, et à laquelle vous pourrez peut-être répondre par écrit. Un des membres du Comité vient d'en parler.
    L'esclavage et les conditions dangereuses sont faciles à déceler, mais comment pouvez-vous détecter la présence d'exploitation? Par exemple, disons que des parents n'ont aucune possibilité, mais qu'un enfant du Bangladesh de 13 ans peut gagner 60 $ par semaine, ce qui est presque le revenu médian: comment peut-on mesurer l'exploitation relativement au salaire et aux responsabilités? Je vous invite à nous en parler par écrit, si vous avez une réponse à la question.
    Est-ce que vous vous adressez à moi?
    Mes excuses. Oui, la question s'adresse bel et bien à vous.
    L'exploitation n'est pas un terme défini dans les conventions de l'OIT, de sorte que c'est un terrain glissant. Je serai heureux de vous faire parvenir une réponse plus détaillée.
    Merci beaucoup.
    Je remercie les deux témoins…
    Monsieur Evans, puisqu'un signalement direct exposerait les entreprises qui embauchent de tels employés, comment pouvons-nous composer avec la situation?
    Monsieur Evans, si vous avez des opinions là-dessus et que vous souhaitez nous les soumettre, nous vous en serions très reconnaissants aussi.
    Je remercie nos deux témoins. Vous nous avez donné plusieurs sujets de réflexion pour cette première séance de l'étude. Nous vous remercions infiniment de votre participation, tant ici que par vidéoconférence.
    La séance est levée.
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