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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 028 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 6 octobre 2016

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    Je suis heureux d'ouvrir cette séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale, qui est notre 28e réunion, au cours de laquelle nous étudierons le cadre de sécurité nationale.
    Nous tenons à remercier le ministre Ralph Goodale de se joindre à nous aujourd'hui, comme toujours. Nous souhaitons également la bienvenue au sous-ministre, qui occupe le poste depuis relativement peu de temps. Je crois que c'est la première fois que vous assistez à une réunion de notre Comité. Vous trouverez que nous sommes un excellent Comité, comme vous pourrez le déduire de nos questions et de notre connaissance du sujet.
    Nous invitons le ministre à présenter des remarques liminaires. Il sera présent pendant la première heure de notre réunion, après quoi des fonctionnaires se joindront à nous.
    Monsieur le ministre, la parole est à vous.
    Bon après-midi, mesdames et messieurs les membres du Comité. C'est un plaisir de revenir de nouveau. Merci de votre invitation à venir à cette occasion pour parler des consultations qui sont menées au sujet du cadre de sécurité nationale. J'aimerais commencer par remercier le Comité d'avoir entrepris cette étude. Ce cadre fait partie intégrante de l'approche du gouvernement face à l'avenir en ce qui concerne la sécurité nationale, et je suis reconnaissant de la participation du Comité à l'examen de ce cadre.
    J'aimerais aussi souhaiter la bienvenue à Malcolm Brown. C'est la première fois qu'il a l'occasion de comparaître devant le Comité en qualité de sous-ministre de la sécurité publique. Je me fie à son bon travail ainsi qu'à celui des femmes et des hommes qui travaillent fort et si fidèlement au sein du ministère au soutien des intérêts du Canada en matière de sécurité.
    Au cours de la deuxième heure, vous aurez devant vous le directeur du SCRS, Michel Coulombe, et le commissaire de la GRC, Bob Paulson. Ces séances sont toujours extrêmement intéressantes. Même s'il n'est pas présent en ce moment, j'aimerais saluer en particulier le commissaire Paulson, qui a fait une annonce historique ce matin au sujet d'un règlement hors cour, et qui a présenté des excuses et une approche de l'avenir qui tournera la page, nous l'espérons tous, sur une période marquée par des difficultés considérables au sein du corps policier en rapport avec du harcèlement et de la violence sexuelle sur le lieu de travail. Cette annonce faite ce matin était extrêmement importante, et je félicite toutes les personnes en cause, dont le commissaire, mais aussi les femmes très braves qui ont dirigé ce processus au cours des dernières années et qui ont eu la patience, la persistance, le courage et la persévérance nécessaires pour le mener jusqu'à son terme avec succès.
    Monsieur le président, j'aimerais remercier ce Comité de son travail de consultation auprès des parlementaires et des Canadiens en général au sujet du cadre de sécurité nationale du Canada. Cela nous aide à respecter l'engagement que nous avons pris envers les Canadiens l'année dernière de leur donner l'occasion de présenter des observations concernant les questions de sécurité nationale et à être aussi inclusifs et transparents que possible dans le cadre de ce processus.
    Avant d'entrer plus avant dans les détails, permettez-moi de faire un dernier petit détour, et ce, afin de remercier le Comité pour le rapport que vous avez déposé plus tôt cette semaine au sujet des blessures liées au stress post-traumatique, qui touche de manière disproportionnée les premiers répondants. Composer avec ce défi est une autre de mes priorités au nom des pompiers, des policiers et des ambulanciers qui travaillent chaque jour à assurer la sûreté et la sécurité du reste d'entre nous. Le rapport du Comité était très bien fait, et il sera très utile au gouvernement au moment de mettre en oeuvre une stratégie nationale cohérente concernant les blessures liées au stress post-traumatique chez les membres de notre personnel d'intervention d'urgence vital partout au pays.
    Pour ce qui concerne les consultations publiques au sujet du cadre de sécurité nationale du Canada, cette initiative qui consiste à mener des consultations publiques est sans aucun précédent. Nous voulons entendre les observations de parlementaires, d'experts en la matière et de Canadiens en général sur la façon de mieux réaliser deux objectifs principaux. D'une part, nous devons veiller à ce que nos agences de sécurité et de renseignement réussissent à garder les Canadiens en sécurité. Simultanément, nous devons réussir tout aussi efficacement à préserver nos droits et nos libertés, de même que le caractère ouvert, inclusif, équitable et démocratique de notre pays.
    J'ai entrepris ces travaux de consultation sur ce sujet il y a plusieurs mois. Nous avons recueilli d'importantes observations d'universitaires respectés comme les professeurs Wark, Forcese et Roach, et d'agents du renseignement comme Ray Boisvert, anciennement du SCRS, et Luc Portelance, anciennement de l'ACSF et, avant cela, de la GRC. J'ai également entendu des témoignages d'anciens députés au Parlement comme Bob Rae, Anne McLellan et Irwin Cotler ainsi que des anciens sénateurs Hugh Segal et Roméo Dallaire. J'ai rencontré plusieurs autres députés fédéraux et sénateurs actuels ainsi que des organismes non gouvernementaux comme la B.C. Civil Liberties Association, OpenMedia, différents organismes représentant des avocats musulmans et d'autres professionnels, et de nombreux autres.
    C'est un bon début, mais mes rencontres en personne se poursuivront parce que la consultation se poursuit, et elle est maintenant élargie grâce aux activités d'extension soutenues et très opportunes du présent Comité.

  (1535)  

    De manière plus générale, nous avons entrepris, depuis le mois dernier, une consultation en ligne, et elle se poursuivra jusqu'au 1er décembre.
    En guise d'arrière-plan, cet été, le gouvernement a publié son « Rapport public sur la menace terroriste pour le Canada ». Ce rapport visait la période du début de 2015 au début de 2016 inclusivement, et il soulignait la menace particulière que constituent des individus ou de petits groupes de loups solitaires dont la violence est inspirée de manière perverse par les influences insidieuses d'organisations comme al-Qaïda et Daesh. Le rapport sur les menaces comportait aussi pour la première fois une description du niveau d'alerte national relatif aux menaces terroristes pour le Canada. Ce niveau, soit dit en passant, est actuellement établi à « moyen », et il n'a pas changé depuis octobre 2014.
     Pour entamer notre conversation en ligne avec les Canadiens le mois dernier, la ministre de la Justice et moi avons affiché un document de discussion et un document d'information sur notre site Web. Ces documents ne se veulent pas des énoncés de politique du gouvernement. Ils visent à susciter des idées et à mobiliser les gens relativement à la sécurité nationale, et ils semblent certainement avoir réussi à le faire. En effet, à ce jour, nous avons reçu plus de 8000 réponses, et le processus de consultation se poursuivra encore pendant près de deux mois. Comme je l'ai dit, cette consultation en ligne se poursuivra jusqu'au 1er décembre.
    Qu'il s'agisse de notre discussion avec des experts en la matière ou des travaux de votre Comité lorsque vous discutez avec des experts ainsi qu'avec d'autres parlementaires et avec les Canadiens en général ou des observations qui nous sont communiquées en ligne, nous recherchons deux types de conseils : comment nous pouvons améliorer l'efficacité de nos agences de sécurité, et comment pouvons-nous également et simultanément préserver nos droits et nos libertés, notre société ouverte, inclusive et démocratique et notre mode de vie canadien. Ces deux thèmes centraux sous-tendent tout notre programme en matière de sécurité nationale.
    Sur ce point, j'ai constaté, évidemment, le rapport la semaine dernière et la comparution devant le Comité, cette semaine, du commissaire à la protection de la vie privée au sujet du partage de renseignements. Je considère que M. Therrien joue un rôle clé dans le cadre de la surveillance parlementaire et de l'appareil de reddition de comptes. Je prends ses observations très au sérieux, et j'ai déjà eu une discussion avec lui au sujet des points qu'il avait soulevés dans son rapport, et j'aurai d'autres discussions avec lui. Entre-temps, en réponse à son commentaire concernant les évaluations des incidences sur la vie privée au sein de différents ministères du gouvernement, je suis maintenant en train d'écrire à tous mes collègues du Cabinet afin de m'assurer que tous les ministères et organismes ont pris les bonnes mesures de protection de la vie privée pour pouvoir traiter la question de l'échange de renseignements.
    Pour clore cette introduction, monsieur le président, permettez-moi de situer ces consultations sur la sécurité nationale dans le contexte du programme général de notre gouvernement en matière de sécurité nationale. Ce programme comporte les éléments suivants:
     Premièrement, il y a la création de ce nouveau comité de parlementaires qui trouve écho dans le projet de loi C-22, que vous aurez à examiner plus tard. Cela constitue une pierre angulaire de l'intégration d'un tout nouvel élément à notre système de surveillance et d'examen qui n'a jamais existé auparavant au Canada, mais qui a été recommandé à différentes occasions, par des comités parlementaires, par le vérificateur général, par des enquêtes indépendantes externes, et ainsi de suite. Le projet de loi C-22 corrigera cette déficience.
    Deuxièmement, nous travaillons d'arrache-pied à la création d'un nouveau bureau de sensibilisation communautaire et de lutte contre la radicalisation. Les fonds nécessaires à la création de ce bureau ont été prévus dans le budget, et nous travaillons actuellement à trouver les individus qui seront les mieux placés pour mener à bien cette nouvelle initiative.
    Troisièmement, nous assurerons un respect fidèle de la Charte canadienne des droits et libertés.
    Quatrièmement, nous veillerons à ce que les mandats soient clairs.
    Cinquièmement, nous définirons la propagande de manière plus précise.
    Sixièmement, nous réparerons les listes d'interdiction de vol, et en particulier le processus d'appel relié à la liste d'interdiction de vol.
    Septièmement, nous protégerons pleinement le droit de protester.
    Huitièmement, nous procéderons à l'examen, après trois ans, de notre législation antiterroriste.

  (1540)  

    Le neuvième élément est un nouvel accord avec les États-Unis concernant notre frontière commune, y compris un système de préautorisation grandement amélioré et l'établissement d'un mécanisme de collecte de données sur les entrées et les sorties pour la première fois, de même que d'autres améliorations prévues à l'accord concernant les listes d'interdiction de vol.
    Le dixième élément, qui est sans précédent, est le présent processus. Les Canadiens sont consultés de façon exhaustive quant à savoir quelles autres mesures, en plus de celles que j'ai déjà mentionnées et qui sont prévues au programme, ils jugent nécessaire de prendre pour les garder en sécurité et pour sauvegarder nos droits et nos libertés.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup, monsieur le ministre. Votre allocution était complète et utile.
    Nous allons commencer notre ronde de questions de sept minutes avec M. Spengmann.
    Merci à vous deux, messieurs le ministre Goodale et le sous-ministre Brown, d'être ici.
    Je me demande si je peux profiter du fait que je suis le premier à poser des questions pour poser quelques questions d'entrée en matière.
    Un autre comité auquel je siège est le Comité permanent de la défense nationale. Dans le cadre d'un examen de la disponibilité opérationnelle des forces aériennes de l'Amérique du Nord, ce comité a entendu un témoignage selon lequel la plus grande menace qui pèse sur le Canada est le terrorisme intérieur. Je me demande, compte tenu des rapports de 2016 que j'ai lus avec intérêt au sujet de la menace terroriste pour le Canada, si vous pourriez dire au Comité si vous êtes d'accord avec cette affirmation, ou dans quelle mesure vous l'êtes, s'il s'agit d'une conclusion trop simple de votre point de vue, ou si la menace est plus multidimensionnelle que cela.
    La menace est certainement multidimensionnelle, et elle se présente de nombreuses façons. En cernant la menace terroriste, et en particulier le loup solitaire inspiré, je pense que l'on cerne un des domaines clés dans lequel nous devons concentrer nos efforts.
    Le rapport sur les menaces qui a été publié à l'été énumérait plusieurs choses qui me semblent être nouvelles ou en évolution dans la structure des menaces qui pèsent sur le Canada. Une de ces choses est l'avènement d'une nouvelle technologie qui change constamment. Une autre de ces choses est la composition selon le sexe de certaines des menaces auxquelles nous faisons face et une présence grandissante de femmes dans la matrice.
    Tout de même, en ce moment — et le directeur Coulombe pourrait vous fournir beaucoup de précisions relativement à cette analyse —, une de nos principales préoccupations concerne ces loups solitaires qui sont sur Internet ou qui, d'une façon ou d'une autre, sont inspirés par al-Qaïda ou Daesh et s'engagent sur le sentier menant à un comportement violent. C'est pour cette raison que nous nous intéressons particulièrement à l'initiative de lutte contre la radicalisation, pour tenter de faire en sorte que nous soyons en mesure de constater ce risque à l'avance et de le neutraliser dans la mesure ou nous le pouvons.

  (1545)  

    Je me demande, pour ajouter brièvement à cela, si vous pourriez dire au Comité de manière générale, parce que je présume qu'il y a des niveaux de classification qui sont mis en cause ici, dans quelle mesure le niveau de menace varie en fonction de l'intensité des engagements de nos forces armées à l'étranger et dans d'autres missions, qu'il s'agisse de missions militaires ou de missions de maintien de la paix, ou dans d'autres exercices au Moyen-Orient et en Asie centrale. Autrement dit, pour formuler la question en des termes très simples, est-ce que la menace augmente plus nous sommes actifs à l'étranger?
    Évidemment, je dois répondre à cette question avec prudence parce que, comme vous dites, des renseignements classifiés sont en cause. Une de nos principales priorités est de nous assurer que, lorsque les Canadiens sont en danger, ils sont bien protégés dans toute la mesure du possible.
    Cela est utile. Merci, monsieur le ministre.
    La deuxième série de questions s'inspire du Rapport public de 2016 sur la menace terroriste pour le Canada. Il y est question de bâtir un Canada sûr et résilient. Mes collègues entreront dans les détails relatifs aux mécanismes que vous proposez relativement au cadre de sécurité nationale.
    Je me demande si vous pourriez parler un peu du rôle de la société canadienne concernant une bonne sécurité et une bonne sûreté. Je m'intéresse tout particulièrement à la perception qu'ont les Canadiens de la sécurité nationale en 2016 et de ce qu'est leur rôle. Le fait que vous ayez désigné les consultations comme un volet très important de notre engagement fera participer la société canadienne à la discussion.
    Quel est le rôle de la société canadienne non seulement dans la prévention des attaques, mais également pour ce qui est de nous rendre socialement résilients? S'il s'agit de la bonne voie à suivre, à quel point les relations non seulement entre collectivités et gouvernement, mais également entre collectivités, sont-elles importantes en ce qui a trait à la lutte contre la radicalisation et à la correction des perceptions erronées et des distorsions qui sont incrustées dans le mot « terrorisme »?
    Cela n'est pas seulement important au regard de notre sécurité nationale, mais cela constitue également une partie instinctive du caractère des Canadiens, je pense, que de vouloir susciter ce sentiment de cohésion.
    Nous sommes un pays qui est extraordinairement diversifié. Je pense que c'était l'Aga Khan qui a dit que le Canada est le plus bel exemple de pluralisme que le monde ait jamais vu. C'est un grand compliment. L'Aga Khan est citoyen honoraire de ce pays, et nous recevons ce compliment avec une grande sincérité et une profonde gratitude. Cependant, dans le contexte de cette diversité, il faut travailler constamment à la cohésion sociale. Cela suppose d'aller vers l'autre et de se comprendre les uns les autres, en travaillant très fort à jeter des ponts entre les uns et les autres. Le type de pays que nous avons et le type d'histoire que nous avons nous maintiennent ensemble, non pas tant par la force de la loi ni par la force des armes, mais par notre volonté commune. Nous réussissons comme pays parce que nous le voulons, et non parce que nous le devons. Il faut continuer à promouvoir ce sentiment de cause commune, cette compréhension commune et cette sensibilité les uns aux autres.
    La présente consultation vise deux objectifs. L'un est de permettre aux Canadiens d'avoir leur mot à dire, et ils veulent avoir leur mot à dire depuis longtemps. La présente consultation le leur donnera pour la première fois de l'histoire, et ils participent donc au processus. Aussi, en écoutant la conversation, que ce soit à la table de ce comité, en ligne ou dans les autres salles dans lesquelles la conversation se déroule, avec un peu de chance, nous élèverons le niveau de compréhension de ce que signifie la sécurité nationale, de ce qu'est le cadre et de ce qu'est le niveau de menace, et nous renforcerons aussi l'idée que, fondamentalement, nous sommes un pays sûr et paisible. Nous devons nous assurer que cela ne change pas, mais le Canada se trouve dans une situation très privilégiée dans le monde.

  (1550)  

    Merci, monsieur le président. Je m'en tiendrai à cela. Je déléguerai le reste du temps au prochain intervenant libéral.
    Monsieur Miller.
    Monsieur le ministre, merci encore d'être là. C'est toujours un plaisir de recevoir un ministre à une réunion du Comité.
     J'aimerais parler des nouveaux pouvoirs que le projet de loi C-51 confère au SCRS. Essentiellement, ce projet de loi a attribué au SCRS de nouveaux pouvoirs lui permettant de perturber des menaces potentielles. Il y a différentes choses, des appels téléphoniques, des plans de voyage, etc. Avant les modifications apportées aux termes du projet de loi C-51, le SCRS pouvait seulement informer les corps policiers au sujet de menaces potentielles, mais il ne pouvait pas agir seul à leur égard. Tout au long de la dernière campagne électorale, monsieur le ministre, votre parti a essentiellement affirmé qu'il y apporterait des changements majeurs.
     Maintenant, le directeur du SCRS a comparu devant un comité du Sénat en mars. Il a affirmé que l'organisme avait exercé ses nouveaux pouvoirs plus d'une vingtaine de fois depuis que le projet de loi C-51 était entré en vigueur, et six autres mois se sont écoulés depuis. Le directeur du SCRS a également affirmé que l'organisme exercerait probablement de nouveau ces pouvoirs à l'avenir. Lors d'une entrevue subséquente à sa comparution devant le comité du Sénat, le directeur du SCRS a affirmé qu'à la suite de l'examen de la sécurité nationale auquel le gouvernement participait actuellement, une décision serait vraisemblablement prise qui pourrait avoir des incidences sur le pouvoir et d'autres.
    Monsieur le ministre, étant donné que, si les autorités en place avaient disposé des moyens appropriés à l'époque, le caporal Cirillo serait probablement toujours vivant... Nous étions tous ici il y a deux ans lorsque cela s'est produit, et je suis certain que vous étiez aussi. De même, le terroriste potentiel, je crois, à Strathroy il y a quelques mois, n'aurait probablement pas été attrapé sans ces nouveaux changements.
    Ma question est la suivante: comptez-vous les modifier, et, si oui, quelles modifications préconiseriez-vous à ces pouvoirs? Ceux-ci ont clairement démontré leur efficacité pour perturber des menaces potentielles jusqu'à présent.
    Monsieur Miller, merci de votre accueil.
    Concernant les activités de réduction des menaces, il s'agit d'un domaine dans lequel nous voulons écouter très attentivement les points de vue des Canadiens, parce que les avis sont partagés au sujet de ce pouvoir. Si vous vous souvenez, la création du SCRS a résulté à l'origine d'une décision d'un gouvernement précédent de retirer à la GRC une part importante de ses fonctions relatives au renseignement et de les confier à un organisme indépendant qui se spécialiserait dans le renseignement, tandis que la GRC s'occuperait des questions de maintien de l'ordre. Une décision stratégique a été prise à cette époque de séparer les deux fonctions. Maintenant, de nombreuses années plus tard, les lois ont été modifiées de manière à les réunir de nouveau de certaines façons. Je pense que nous devons y réfléchir soigneusement.
    Comptez-vous les modifier, monsieur le ministre?
    L'engagement que nous avons pris dans le programme consistait à assurer le respect de la Charte canadienne des droits et libertés.
    Bien sûr.
     Voilà l'engagement qui a été pris. Il y avait des passages du projet de loi C-51 qui tendaient à contredire cela, et voilà donc le problème qui doit être résolu...
    D'accord, monsieur le ministre.
    ... respect de la Charte.
    Je n'ai presque plus de temps.
    Vous n'avez vraiment pas dit si vous les modifieriez ou non, et, le cas échéant, de quelle manière. La réponse à la première question est un oui ou un non très rapide, tandis que, dans le cas de la deuxième question, si la réponse est oui, alors, de quelle manière?
     Eh bien, monsieur Miller, pourquoi tiendrait-on une consultation si l'on avait déjà déterminé la réponse à la question?
    Comme je l'ai dit au début de ma réponse, nous voulons entendre les Canadiens à ce sujet. L'essentiel, pour nous, c'est le respect de la Charte canadienne des droits et libertés.
    Avez-vous mené des consultations avant de faire cette annonce durant la campagne électorale? Je pense que nous savons...
    Quelle annonce? Nous avons annoncé le respect de la Charte. C'est cela que nous avons annoncé.
    Oui, mais je pense que la question va au-delà de cela.
    Eh bien, peut-être selon votre programme; pas selon le mien.
    Eh bien, c'était votre parti qui l'a dit, donc...
    Non, nous n'avons pas dit cela. Lisez le programme, page 55. Je serai heureux de vous en envoyer un exemplaire.
    Je vais passer à une autre question.
    Nous savons tous que certains organismes ont exercé le nouveau pouvoir, et, en fait, vous l'avez même dit. Citoyenneté et Immigration Canada, l'ASFC, le SCRS et un quatrième organisme non nommé ont exercé ceux-ci.
    Il est évident, monsieur le ministre, que les modifications ont été utilisées, et je suis certain qu'elles n'auraient pas été utilisées si elles n'avaient pas été un outil utile, donc...

  (1555)  

    Vous êtes passé d'un pouvoir à un autre. Vous êtes passé des activités de réduction des menaces, qui étaient l'objet de votre première question, à l'échange de renseignements, qui est l'objet de votre deuxième question.
    Ce sont là deux sujets passablement différents.
    Bon, c'est parfait. Je n'obtenais pas vraiment de réponse à l'autre, donc, je suis passé à la suivante.
    À ce sujet, modifierez-vous le processus d'échange de renseignements? Évidemment, ces organismes disent qu'ils y ont recours, et il semble fonctionner.
     Pour ce qui concerne ces nouvelles dispositions qui ont été créées en vertu du projet de loi C-51, dans mes remarques aujourd'hui, j'ai dit que le commissaire à la vie privée avait exprimé son avis selon lequel le processus comportait certaines défaillances, notamment quant à la question de savoir si les énoncés des répercussions sur la vie privée avaient été établis convenablement, et ainsi de suite.
    Ce à quoi je me suis engagé aujourd'hui, à la suite de ma conversation avec le commissaire à la vie privée il y a quelques jours, c'est de communiquer avec chaque ministre du Cabinet pour s'assurer que chacun de leurs ministères est doté des systèmes propres à respecter et protéger convenablement la vie privée.
    À cette seule fin, plusieurs personnes, et j'irai même consulter mon propre... Je suis une personne privée. Je veux que mes droits soient respectés, et je veux que les droits de tous les Canadiens soient respectés. Toutefois, nous vivons aujourd'hui dans un monde différent, monsieur le ministre, de celui dans lequel nous vivions il y a même seulement 10 ans. Je fais allusion par là à la nature des menaces qui existent. Monsieur Spengemann a parlé de terrorisme intérieur. Il ne fait aucun doute qu'il est devenu plus notable que jamais.
    La question revient à ceci: j'aime ma vie privée, et je pense que c'est aussi le cas de la plupart des Canadiens. En dernière analyse, je trouve que c'est un petit sacrifice... si nos organismes qui nous protègent tous disposent de moyens qui leur permettent de faire le travail.
    De plus, si je n'ai rien fait de mal, je n'ai aucune inquiétude à avoir. On m'a dit cela. Je suis certain que certains de vos électeurs vous ont dit cela. Comment répondez-vous à cela?
    Merci, monsieur Miller.

[Français]

    Nous continuons avec M. Dubé.
     Merci, monsieur le président.
    Merci de votre présence, monsieur le ministre.
    Je veux parler de votre plateforme électorale. J'en ai devant moi un extrait qui fait l'énumération des changements qui seraient apportés. Après l'énumération de ces mesures, on lit ce qui suit: « Au moment de déposer ces mesures législatives au Parlement, nous lancerons de vastes consultations publiques pour connaître l'opinion des Canadiennes et des Canadiens ainsi que des experts. » Nous avions compris qu'on allait proposer un projet de loi et qu'on allait ensuite consulter les Canadiens, mais non, entretemps on consulte. Pendant ce temps, des brèches très sérieuses sont soulevées, entre autres par le commissaire à la protection de la vie privée, et on ne règle pas ces problèmes. Les pouvoirs continuent à être utilisés sans aucune surveillance adéquate.
    Qu'est-ce qui arrivera ensuite? On va présenter un projet de loi pour apporter des changements aux dispositions adoptées dans le projet de loi C-51 et on va encore consulter?
    Pourquoi ne pas avoir respecté l'engagement mentionné dans votre plateforme qui est de déposer un projet de loi avec les mesures que vous proposez et de faire la consultation par la suite?
    Clairement, votre idée est déjà faite. Vous venez de faire l'énumération de mesures qui concordent exactement avec votre plateforme électorale.

[Traduction]

    Monsieur Dubé, l'engagement fondamental que nous avons pris dans le programme était de créer le nouveau comité de parlementaires. Ce projet de loi est maintenant à l'étude au Parlement, et il sera indubitablement analysé de manière exhaustive par ce comité et par le public dans le processus.
     Le programme comporte plusieurs autres engagements. Il faudra peut-être bien deux ou trois projets de loi différents afin de les exécuter tous, mais nous procédons d'une manière très mesurée et logique afin de corriger les lacunes que nous avons relevées dans le projet de loi C-51, d'instaurer cette toute nouvelle architecture, qui comprend notamment le comité de parlementaires, et, ce faisant, de donner aux Canadiens la chance d'être entendus, ce dont il avaient été privés...

  (1600)  

     Monsieur le ministre, vous comprenez que mon temps est limité. Sur le site Web du Parti libéral, il y a sept points vis-à-vis desquels vous vous êtes engagés à corriger le projet de loi C-51. Au paragraphe qui figure à la fin de ces points — et un seul de ces points mentionne le comité de surveillance —, il est énoncé expressément que vous consulterez les Canadiens après avoir présenté des propositions de modifications législatives, ce qui n'a pas été fait.
    La préoccupation que je soulève, et que j'estime très sérieuse, tout particulièrement à la lumière du rapport du commissaire à la protection de la vie privée, tient au fait que ces pouvoirs ont continué d'être utilisés. Les problèmes n'ont pas été corrigés. Ce comité n'a pas été établi un an après le début du mandat de votre gouvernement, et je crois comprendre que le projet de loi est à l'étude à la Chambre. Cela pose des problèmes, et nous y viendrons. Mais pourquoi n'y a-t-il pas de mesures législatives, et comment pouvons-nous placer notre confiance dans ces consultations lorsque, au-delà des critiques qu'ont formulées le commissaire à la protection de la vie privée et d'autres personnes dont nous avons entendu les témoignages, il y a déjà une liste qui a fait l'objet d'un engagement lors des élections et que vous venez tout juste de reprendre vous-même dans votre allocution?
    Comme je l’ai déjà indiqué, la pierre angulaire de la législation est accessible à tous. Je vous signale qu'il y a deux autres textes qui traitent des questions transfrontalières avec les États-Unis. Maintenant que nous avons finalisé et publié ces textes de loi, nous pouvons poser des questions précises aux Canadiens sur la liste de sujets précis dont je vous ai parlé. Outre les consultations usuelles à cette étape du processus, nous souhaitons qu’ils nous disent s’il y a d’autres dispositions qu’ils aimeraient voir inscrites dans cette réforme pour atteindre nos deux objectifs: assurer la sécurité des Canadiens et veiller à préserver nos droits et nos libertés.
    Nous nous sommes mis au travail sur ces questions immédiatement après l’élection. C’est un domaine très étendu et fort complexe. Nous y travaillons en profondeur et nous avons pour cela retenu une approche logique. Si les gouvernements précédents ont créé tout un fouillis en la matière, c'est qu'ils se sont contentés de rédiger des politiques à la va-vite sans avoir mené auparavant les consultations qui s’imposent.
    Mais vous avez voté en faveur de cette politique. C’est ce que je ne comprends pas.

[Français]

     Le rapport du commissaire indique que les définitions et les seuils sont problématiques. Ce sont les points qui ont été soulevés. La présentation que le commissaire a faite mardi, il aurait pu la faire lors de la dernière législature et ses propos auraient été les mêmes.
    Nous avons une grande préoccupation relativement au processus de consultation. On lance la balle et on la relance. C'est sérieux, les droits et libertés des Canadiens sont en péril, on le dit et on le voit. Entretemps, ces pouvoirs continuent d'être utilisés. On voit les lacunes et il n'y a pas de solution.
    Que répondez-vous au commissaire et à d'autres qui disent que le processus, le livre vert, semble se concentrer surtout sur les organismes d’application de la loi et aucunement sur la protection de la vie privée? Beaucoup d'experts disent cela. Or, si on lit entre les lignes, on semble déjà avoir atteint la conclusion de ce processus.

[Traduction]

    Non, monsieur Dubé, je ne suis pas d’accord avec vous. Ce processus n’est en rien anticipé. Je trouve d’ailleurs que, d’une certaine façon, votre argument est un peu contradictoire parce que vous semblez vouloir que nous déposions une législation et que nous procédions ensuite aux consultations…
    Je ne fais que vous demander de vous en tenir à vos engagements électoraux. Nous voulons tout simplement que le projet de loi C-51 soit abrogé, que ses dispositions soient supprimées.
     … alors que je vous explique que la pièce centrale de cette législation a été déposée. Il s’agit du projet de loi C-22. Nous devrons peut-être en déposer deux ou trois autres par la suite, comme bien évidemment ceux traitant des engagements précis que nous avons pris dans notre plateforme électorale, mais il est utile de demander aux Canadiens s’il y a d’autres sujets qu’ils souhaitent nous voir inscrire dans ces textes. En vérité, les points soulevés par le commissaire à la protection de la vie privée ne figurent pas parmi les sept premiers que nous avons retenus, ce qui montre bien l’utilité des consultations qui ont déjà donné des résultats en attirant notre attention sur son point de vue sur cette question précise.
    D’autres personnes ont estimé que nous devons nous attaquer aux lacunes dans le domaine des engagements à ne pas troubler l’ordre public. Ce sont là des lacunes importantes et nous avons appris, avec le cas Strathrov, que ces engagements présentés il y a quelques années comme une sorte de panacée n’en sont pas, et que c’est une chose qu’il faut corriger.
    De nombreuses personnes disent que le problème tient au manque de ressources de la police, et qu’en vérité le projet de loi C-51 était inutile parce que si les corps policiers avaient eu les ressources nécessaires et si nous avions disposé d’une stratégie de lutte contre la radicalisation, nous n’aurions pas à débattre du projet de loi C-51 maintenant. Ces deux éléments sont d’ailleurs ceux qui permettraient de faire une vraie différence.
    Êtes-vous d’accord avec moi?
    Nous avançons dans tous ces domaines.
    J’ai l’impression que nous consultons beaucoup, mais vous avez des propositions précises. Comment pensez-vous convaincre les Canadiens que vos conclusions ne sont pas courues d’avance, alors qu’elles figurent déjà sur le site Web du Parti libéral?
    Les propositions qui y figurent constituent le minimum des changements que nous entendons apporter à la législation. Ce que nous demandons aux Canadiens lors de ses consultations est quels sont les autres éléments qu’ils souhaitent voir ajouter à cette liste.
    Ils nous ont déjà communiqué un certain nombre d’éléments. C’est ainsi qu’ils nous ont fait part de questions concernant la protection de la vie privée, et d’autres portant sur les engagements à ne pas troubler l’ordre public. Les 8 000 mémoires que nous avons reçus contiennent également quantité d’autres bonnes idées. Il est toujours utile de demander aux Canadiens ce qu’ils pensent, car ils vous communiqueront toujours des renseignements fort utiles.

  (1605)  

[Français]

     Merci.

[Traduction]

    Merci beaucoup à vous deux, monsieur le ministre et monsieur Dubé

[Français]

    Nous continuons avec M. Di Iorio.
    Monsieur le ministre, je vous remercie de vos propos, de l'énoncé préliminaire que vous avez fait et d'avoir pris le temps de nous rencontrer.
    Tout d'abord, j'aimerais que vous énonciez les dangers qui guettent les Canadiens. Vous avez parlé d'un danger en particulier. Je comprends qu'il peut y avoir des variations selon les régions. Toutefois, serait-il possible de simplement nous indiquer un certain nombre d'autres dangers qui pèsent présentement sur la société canadienne?

[Traduction]

    Monsieur Di Iorio, permettez-moi de vous renvoyer au Rapport sur l’évaluation de la menace. Celui-ci traite en détail des principales menaces qui pèsent sur la société canadienne et des endroits qui sont exposés.
    Comme je vous l’ai déjà indiqué, la principale est celle du terroriste solitaire qui se croit investi d’une mission. C’est peut-être le type de menace dont il est le plus difficile de se protéger parce que, le plus souvent, c’est quelqu’un qui agit isolément. Si une organisation terroriste prépare une opération d’envergure comme, par exemple, l’attaque sur Paris d’il y a un an, une telle entreprise implique en général un nombre suffisamment important de personnes et d’activités pour qu’il y ait des fuites. Les éléments de preuve peuvent s’accumuler. Les choses ne se passent pas ainsi avec un terroriste solitaire. C’est quelqu’un qui se prépare seul, dans son coin. Il n’utilise pas d’armement sophistiqué. Cela n’empêche qu’il est néanmoins dangereux, comme nous l’avons vu à Strathrov cet été. C’est là un très bon exemple de ce genre de problème. Ce genre d’événement peut se produire n’importe où au pays.

[Français]

    Monsieur le ministre, une importante préoccupation est le dilemme auquel est confrontée la société canadienne. D'un côté, on a les personnes qui veulent poser des actes dommageables, c'est-à-dire qui veulent faire preuve de violence à l'égard de citoyens canadiens. De l'autre côté, on a les forces de l'ordre, qui sont là pour empêcher la concrétisation de ce danger. Le dilemme est le suivant. De par leur nature, les méchants, c'est-à-dire ceux qui veulent réaliser des actes violents, n'informent pas la population du mal ou de la violence qu'ils s'apprêtent à commettre. On ne peut donc pas savoir ce qu'ils s'apprêtent à faire. De l'autre côté, on a les forces de l'ordre, qui, elles, ne veulent pas divulguer la nature de leurs enquêtes pour ne pas nuire à ces mêmes enquêtes.
    J'aimerais que vous éclairiez le Comité sur la façon dont on navigue avec ce dilemme quand il s'agit d'informer adéquatement la société canadienne sur les dangers auxquels elle est confrontée.

[Traduction]

    La réponse peut venir, en partie, de consultations comme celle-ci.
    Une partie de cette réponse consiste également à s’assurer que les organismes de sécurité et de renseignements et les corps policiers sont soumis au type de surveillance indépendante qui convient. C’est là un volet que nous allons compléter en passant par le comité parlementaire, mais sachez qu’il y a déjà une surveillance d’exercée dans la plupart des cas, mais pas dans tous. Il y a un autre sujet qu’il faut que nous abordions à l’occasion de ce processus de consultation, c’est de définir où sont les lacunes dans les mécanismes de surveillance comme, par exemple, avec l’ASFC qui n’est soumise à aucune surveillance comme c’est le cas du SCRS avec le CSARS, ou de la GRC avec la CCETP ou encore du Centre de la sécurité des télécommunications de la Défense nationale avec le commissaire qui en assure la surveillance.
    Si vous lisez les rapports de ces organismes… Le CSARS vient d’en publier un la semaine dernière. Il donne un aperçu très intéressant des activités du SCRS au cours du dernier exercice. On y découvre les sujets qui ont retenu son attention, le genre d’activités que ce service a menées au Canada et à l’étranger, et les secteurs dans lesquels il serait sans doute possible d’améliorer son travail.
    Il me semble que cette fonction de surveillance peut se révéler très utile pour permettre au public de comprendre le rôle de ces organismes et de constater dans ces rapports de surveillance qu’ils sont efficaces et qu’ils protègent effectivement les droits et les libertés des Canadiens. Je vous recommande de lire ses rapports détaillés des organismes de surveillance. Quand on ajoute à leur travail celui des comités parlementaires, cet aperçu de leurs activités préparé au moins une fois par année par un comité de neuf parlementaires ajoute une autre dimension à la capacité des Canadiens de comprendre ce que font nos corps de police et nos divers organismes de sécurité et de renseignements.

  (1610)  

[Français]

     Je vous remercie, monsieur le ministre.
    Le Canada est une fédération, donc il y a un partage de compétences constitutionnelles et un partage de compétences législatives. Vous parlez d'échange d'information entre agences fédérales. Comment peut-on s'assurer que les agences et les autorités des provinces partagent également l'information entre elles et avec les autorités fédérales?

[Traduction]

    Les pouvoirs que nous exerçons en la matière relèvent des compétences fédérales et nous devons donc veiller soigneusement à respecter la Constitution. Cela dit, la coopération est très efficace entre tous les niveaux de corps policiers du pays.
    Pour en revenir à l’incident survenu le 10 août à Strathroy, en Ontario, le premier a en avoir été prévenu a été la GRC, mais alors même que ses agents s’efforçaient d’identifier la personne, Aaron Driver, et l’endroit où il se trouvait, elle a fait appel au corps de police municipale de London, à celui de la communauté régionale de Strathroy-Caradoc et à la Police provinciale de l’Ontario
    Ces quatre corps de police, de trois paliers différents, ont collaboré très efficacement. Il n’y a pas eu le moindre heurt entre eux. En vérité, il y aurait toutes les raisons d’ajouter un cinquième palier parce que le premier corps de police à transmettre l’information a été le FBI aux États-Unis. C’est là une bonne illustration de la façon dont les divers corps de police et organismes communiquent entre eux et coopèrent pour nous permettre d’assurer la sécurité des Canadiens.
    Je vous remercie, monsieur le ministre.

[Français]

    Nous continuons le deuxième tour avec M. Brassard.

[Traduction]

    Merci, monsieur le ministre, de vous être joint à nous aujourd’hui.
    The Globe and Mail rapportait hier que vous auriez déclaré récemment que le projet de loi C-22 va amener la mise en place d’un comité qui « va définir son propre programme de travail et fera rapport quand il le jugera utile. » On peut pourtant lire dans un rapport indépendant de la Bibliothèque du Parlement:
La mesure dans laquelle les membres du comité pourront prendre connaissance de secrets d’État n’est pas claire parce que la législation permet aux ministres de bloquer l’examen de certains programmes d’espionnage et de s’opposer ainsi aux demandes du comité de consulter des documents sensibles. « Le projet de loi C-22 autorise les ministres à refuser de fournir de l’information. »
    Nous savons que la législation prévoit sept exemptions. Nous savons aussi qu’un problème est apparu en 2010 lorsque le Président Milliken a rendu sa décision sur une question de privilège. Dans celle-ci, il a affirmé très clairement que le fait que des renseignements sensibles, ou des documents de renseignements ou encore des informations concernant une enquête en cours soient impliqués ne dispensait pas le gouvernement de communiquer ces documents à la Chambre. Et je vous cite: « Cette série de questions de privilège a donné lieu à la décision que vous avez rendue le 27 avril. En des termes très éloquents, vous avez affirmé le droit du Parlement à recevoir cette information. »
    Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire ce qui a changé dans la situation de ce comité parlementaire?
     Si vous lisez l’intégralité de la décision du Président Milliken, vous constaterez qu’il soutient que la protection de la sécurité nationale…
    … de la défense nationale et des relations internationales…
    ... sont au coeur même de sa décision.
    Ce qui importe ici est que, tout en ayant le plus grand respect pour l’auteur de ce rapport de la Bibliothèque du Parlement, je m’oppose à ses conclusions. Je sais que nous ne parlons pas du projet de loi C-22...
    Dans ce cas, puis-je vous poser une question, monsieur le ministre…
    Accordez-moi une seconde s’il vous plaît. Je tiens à répondre à votre première question avant que vous passiez à la seconde.

  (1615)  

    Soyez bref s’il vous plaît, car j’ai j’en ai une autre à vous poser.
    Et bien, si vous voulez que je réponde à la question, il va me falloir un peu de temps.
    Monsieur le président, à ce que je vois, nous discutons aujourd’hui du projet de loi C-22, même si ce n’est pas ce qui était prévu…
     Nous allons nous efforcer d’être aussi brefs que possible sur le projet de loi C-22, car nous avons prévu de vous entendre à nouveau sur celui-ci dans quelques semaines.
    Je vais vous accorder un peu plus de temps, parce que je vous en ai volé, mais essayons d’être aussi brefs que possible sur le projet de loi C-22.
     Le projet de loi confèreC-22 à ce comité de parlementaires canadiens davantage de pouvoirs et élargit la portée de ses travaux. En vérité, il aura plus de pouvoirs que pratiquement n’importe quel comité de même nature en fonction chez nos alliés. Cela lui permettra d’exercer sa surveillance d’un niveau plus élevé et le ministre, ou même le premier ministre, ne pourront intervenir que dans les cas où un examen précis à un moment donné dans le temps risquerait de nuire à la sécurité nationale. Ce n’est qu’à cette condition que le ministre, ou le premier ministre, pourront intervenir pour dire: « Pas sur ce sujet précis à ce moment-ci. » Ils devront alors informer le Comité par écrit des motifs de leur décision.
    Puis-je vous demander, monsieur le président, combien de temps il nous reste?
    Il vous reste deux minutes.
    Très bien.
    Lorsque vous dites que ce comité va définir son propre programme de travail et fera rapport quand il le jugera utile, que voulez-vous dire précisément par là?
    Il pourra se pencher sur n’importe quelle activité du gouvernement du Canada, demander n’importe quelle information au sein de ce gouvernement. Le texte du projet de loi précise qu’il devra faire rapport au moins une fois par année. S’il le juge utile, il pourra produire des rapports à n’importe quel autre moment. S’il s’aperçoit que des activités concernant la sécurité nationale ou que l’architecture du gouvernement posent des problèmes, que ce soit en n’assurant pas efficacement la sécurité des Canadiens ou en ne respectant pas leurs droits et leurs libertés, il aura toute liberté de tirer la sonnette d’alarme.
    Par contre, il ne sera pas autorisé à divulguer des renseignements classifiés, mais j’imagine que personne autour de cette table ne voudrait qu’il y soit. Les renseignements classifiés doivent être protégés. Si des membres du Comité en parlent publiquement — et avec sept députés et deux sénateurs, cela va certainement se produire —, c’est que quelque chose ne marche pas. Même s’ils ne divulguent pas les détails de ces renseignements, le simple fait d’évoquer un tel sujet pourrait mettre le gouvernement au pouvoir dans un réel embarras. Une alarme de cette nature, une fois déclenchée, continuerait à sonner jusqu’à ce que le problème soit réglé. Les membres de ce comité peuvent exercer une influence à nulle autre pareille.
    Je vous remercie, monsieur le ministre.
    La parole est à vous, monsieur Erskine-Smith.
    Je vous remercie de comparaître aujourd’hui, monsieur le ministre.
    Je vais commencer par l’hypothèse simple voulant que, si nous sommes appelés à limiter les droits des Canadiens, nous devons leur expliquer pourquoi cela est nécessaire. Le sujet précis dont je veux vous parler est la réduction des pouvoirs en cas de menace. Pouvez-vous nous dire en quoi ces pouvoirs sont nécessaires? Quel était le problème avec le régime précédent et pourquoi faut-il réduire ces pouvoirs?
    Monsieur Erskine-Smith, c’est précisément la raison pour laquelle nous organisons cette consultation…
    D’accord.
    … parce que nous voulons savoir ce que les Canadiens ont à dire sur ce sujet. Ils n’ont pas eu pleinement l’occasion de s’exprimer auparavant. Nous leur fournissons cette occasion maintenant.
    C’est tout à fait logique. Je crois savoir que, pendant la durée de ces consultations, vous avez à juste titre limité les pouvoirs du SCRS, ou que celui-ci s’est engagé à ne pas tenter d’obtenir des mandats lui permettant de violer les droits conférés par la Charte. Il y a toutefois eu des douzaines d’occasions, sinon plus, pour le SCRS de s’efforcer de réduire les pouvoirs d’autrui en cas de menaces. Quelles assurances pouvez-vous donner aux Canadiens que, dans l’intervalle, leurs droits sont protégés?
    Le rapport du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, le CSARS, publié la semaine dernière indique que, non seulement le SCRS ne s’est pas adonné à des activités de perturbation des menaces qui auraient nécessité l’obtention d’un mandat, mais également qu’aucun mandat n’a été demandé.
    Il est arrivé qu’il cherche à perturber des menaces sans disposer d’un mandat, et on peut donc imaginer que ce type d’activité pourrait…
    … est parfaitement conforme à la loi et respecte intégralement les dispositions de la Charte.
    Elles sont examinées…
    … par le CSARS. En vérité, l’une des obligations faites au CSARS est de passer en revue ces activités tous les ans, et ce pourrait fort bien être là l’un des sujets que le nouveau comité parlementaire voudra fouiller régulièrement.

  (1620)  

    C’est une bonne transition pour nous amener à la question de la surveillance. La GRC, le SCRS et le CSTC ont tous leur organisme de surveillance ou d’examen. Ce n’est pas le cas de l’ASFC, comme vous l’avez rappelé tout à l’heure dans l’une de vos réponses. Bon nombre des universitaires qui ont écrit sur le sujet laissent entendre que nous avons là un effet de silo. Nous avons donc un gouvernement qui assure l’ensemble des fonctions de sécurité, sans pour autant les surveiller toutes. J’aimerais que vous nous parliez un peu de la nécessité de surveiller l’ensemble de ces fonctions et de l’expérience que vous avez accumulée en la matière jusqu’à ce jour.
    C’est là un excellent sujet et une question tout à fait pertinente.
    La façon dont nous avez en organisé le fonctionnement et la structure de ce comité de parlementaires fait qu’il ne se trouve dans aucun silo. Sachez, par exemple, que lorsque les Britanniques se sont dotés d’un mécanisme d’examen, les membres de leur comité ne pouvaient se pencher que sur quatre agences bien précises, à l’exclusion des autres. Dans le modèle que nous avons adopté au Canada, les pouvoirs du comité s’étendent à l’ensemble du gouvernement. Il aura accès à des renseignements classifiés qui n’ont jamais pu être consultés par des parlementaires auparavant. Ensuite, il aura le pouvoir de suivre l’information à la trace, d’un organisme à l’autre et d’un ministère à l’autre. Tant que cette information se trouvera dans un organisme gouvernemental, il pourra la consulter dans son entièreté.
    Sans entrer dans les détails du projet de loi C-22 ni des modalités de la surveillance parlementaire, mais en nous reportant uniquement aux opinions formulées par des universitaires dans leurs écrits, outre la surveillance et l’examen parlementaire, et en sus des trois organismes d’examen, nous pourrions devoir nous doter d’un super CSARS. Que pensez-vous exactement de cette hypothèse?
    C’en est une que je tiens absolument à examiner lors de ce processus de consultation, parce qu’il y a des trous dans notre architecture. Comme moi, vous avez rappelé le cas de l’ASFC, et il y en a d’autres. Nous avons besoin de savoir ce qu’en pensent les spécialistes de la question et les parlementaires. Comme les parlementaires n’ont jamais réalisé une telle analyse auparavant, il y aura du travail préparatoire à faire sur la façon d’assurer la liaison entre les deux, mais nous aurons besoin des deux, et nous devons trouver une façon de sortir des silos.
    Par définition, le comité parlementaire se trouve en dehors des silos. Les organismes d’examen, eux, ont des pouvoirs encore limités et nous allons devoir étudier comment parvenir au foisonnement des idées.
    J’ai une dernière question à vous poser sur l’échange d’informations. Le Commissaire à la protection de la vie privée a comparu devant un autre comité auquel je siège, le Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique. À cette occasion, il nous a indiqué ne pas savoir avec certitude quelle quantité de renseignements avait été échangée en application de la nouvelle loi.
    Ce ne sont pas tous les ministères qui avaient transmis la totalité de cette information en temps voulu à son Commissariat. Êtes-vous en mesure d’affirmer aux Canadiens que vous avez pris cette question à bras-le-corps.
    Oui. Je suis préoccupé par les commentaires du Commissaire à la protection de la vie privée. Comme je l’ai dit précédemment, j’estime qu’il a un rôle essentiel à jouer dans tout l’appareil de surveillance, et je prends ses avis très au sérieux. J’entends, comme première étape, écrire tous mes collègues du Cabinet pour leur rappeler les obligations imposées aux ministères par la nouvelle législation et leur demander de s’assurer que ceux-ci ont mis en place les mécanismes de protection de la vie privée qui s’imposent.
    En règle générale, le Commissaire à la protection de la vie privée n’hésite aucunement à formuler des conseils sur les mesures nécessaires à prendre pour régler les problèmes.
    Je vous remercie, monsieur le ministre.

[Français]

    Nous allons poursuivre avec M. Généreux.
    Monsieur le ministre, merci beaucoup d'être ici aujourd'hui.
    Comme vous le savez, nous avons déjà commencé la consultation. Le livre vert sert de base de travail pour la consultation. Outre le commissaire à la vie privée, nous avons entendu un autre témoin cette semaine, le professeur Wark, affirmer que le livre vert sous-estimait tout ce qui tournait autour du numérique sur le plan de la sécurité nationale.
    Permettez-moi de paraphraser votre chef: on est en 2016. À mon avis, il s'agit d'un aspect extrêmement important. On ne peut pas sous-estimer les menaces qui peuvent être faites envers le Canada, et surtout pas l'utilisation des médias autant sociaux que numériques qui peuvent porter atteinte à notre sécurité.
    J'aimerais connaître votre point de vue à cet égard. Comme c'est vous qui avez signé le livre vert, j'imagine que vous en êtes bien conscient.

[Traduction]

     Trois consultations distinctes sont en cours sur les questions concernant le cyberespace et le numérique. Bien évidemment, celles-ci s’intègrent en partie à l’examen national sur la sécurité dont je suis responsable. Nous avons en même temps des discussions avec l’industrie et le grand public qui portent précisément sur les questions de cybersécurité et sur la protection des infrastructures essentielles du Canada. D’autres discussions sur le même sujet ont lieu en même temps dans un autre forum, dans le cadre d’une autre étude réalisée en parallèle. Il faut enfin ajouter à cela que l’examen réalisé par la Défense nationale, sous l’autorité de mon collègue le ministre de la Défense nationale, traite aussi des questions de cybersécurité.
    C’est une question transversale. Elle ne touche pas un seul ministère ni qu’une seule dimension du gouvernement. Les questions de cybersécurité touche l’ensemble des activités du gouvernement et du secteur privé. C’est un domaine en évolution rapide et nous devons nous assurer que notre politique en la matière s’adapte rapidement à l’évolution de la situation. Si je ne me trompe, la dernière politique en la matière au Canada remonte à 2010. On considère en général qu’une telle politique datant de quatre ou cinq ans est périmée. En 2010, on estimait qu’il s’agissait d’une politique d’avant-garde, précédant l’évolution, mais l’évolution de ces questions de sécurité a été telle qu’elle n’est plus à la hauteur des besoins d’aujourd’hui. C’est pourquoi nous analysons cette question du point de vue de la sécurité publique, de ceux de l’industrie et du secteur privé, et de celui de la Défense nationale.

  (1625)  

[Français]

     Dans le cadre de notre étude, souhaitez-vous que nous nous concentrions sur quelque chose de particulier, afin d'apprendre des choses précises sur le plan de la sécurité publique et qui concernent le Comité? Voudriez-vous voir certains aspects plus que d'autres dans un rapport éventuel?

[Traduction]

    Il y a quantité de sujets sur lesquels vous pourriez vous pencher, mais il y en a un, dont il est question dans ce document, qui est le phénomène que les corps de police et les agences de sécurité appellent « l’inaccessibilité des données » On entend par là les situations dans lesquelles d’éventuels criminels ou terroristes ont recours à des techniques de cryptage pointues, du début à la fin de leurs activités, qui ne nous permettent pas de détecter ces activités, ou que très peu, alors qu’elles constituent des menaces à la sécurité publique ou à la sécurité nationale. C’est un sujet…

[Français]

    Savez-vous si des organisations terroristes ont recours à cela? Qu'entendez-vous par « going dark »?

[Traduction]

    C’est ce que signifient les expressions à la mode « devenir invisible » ou « devenir aveugle », selon le point de vue. Si vous êtes un enquêteur, vous perdez alors tout d’un coup l’accès à l’information qui vous intéresse parce que, non seulement l’information mais le système dans lequel elle se trouve est si puissamment crypté qu’il vous devient impossible de suivre la trace de cette information. C’est un problème majeur alors que la technologie et les corps policiers ou les organismes de renseignement se trouvent des côtés opposés de la problématique. Nous trouverions fort utile de connaître les opinions du comité sur cette question et d’entendre les témoignages des personnes que vous pourriez convoquer pour nous permettre d’approfondir davantage ce domaine fort important. Cela détermine en partie notre capacité à détecter ou non les activités de M. Driver.
    Je vous remercie, monsieur le ministre.
    Nous avons presque épuisé le temps dont nous disposions. Il y a encore un membre du comité qui a une question à vous poser.
    Je vous accorde une minute et demie.
    Je vous remercie, monsieur le ministre. C’est toujours fort agréable de vous accueillir parmi nous et j’en profite pour vous féliciter d’avoir lancé la première consultation publique jamais tenue au Canada sur la sécurité nationale. C’est vraiment historique.
    J’ai tout juste le temps de vous poser une question qui va porter sur la lutte contre la radicalisation. Pouvez-vous nous dire quel partenariat il vous semble possible de mettre sur pied avec des médias sociaux comme Facebook, Twitter et Instagram sur lesquelles, et c’est fort regrettable, quantité de discours qu'il n’est pas possible de sanctionner traversent le Rubicon en incitant à des activités terroristes? Quel type de partenariats vous paraît-il possible de mettre sur pied à l’avenir pour nous permettre de lutter contre ce phénomène?

  (1630)  

    L’intégralité de nos efforts en matière d’approche communautaire et de lutte contre la radicalisation devra s’appuyer sur des partenariats. Le gouvernement fédéral peut mettre sur pied un centre d’excellence, commanditer des recherches et promouvoir la coordination et la coopération, mais les activités qui permettront réellement d’enregistrer des différences dans la lutte contre cette violence devront être organisées au niveau communautaire, avec les organismes religieux et sociaux et le secteur privé, comme ceux qui excellent en communication.
    Il va nous falloir les consulter très soigneusement pour recueillir leurs avis sur les bonnes façons d’intervenir et sur les messages à diffuser pour intervenir le plus efficacement possible auprès des gens concernés, au bon moment et au bon endroit pour éviter des tragédies. Les partenariats avec les organismes communautaires et les entreprises privées qui ont des compétences dans ce domaine seront absolument essentiels.
    Je vous remercie, monsieur le ministre.
    M. le ministre, je vous remercie du temps que vous avez consacré à notre comité.
    Nous espérons vous revoir d’ici quelques semaines. Nous sommes ravis que votre adjoint reste parmi nous alors que d’autres fonctionnaires arrivent.
    Faisons une brève pause pour permettre au ministre de s’en aller et aux autres témoins de s’installer.

  (1630)  


  (1635)  

    Mesdames et Messieurs les membres du comité, je sais que vous allez apprécier de passer directement aux questions. Nous avons déjà entendu la déclaration préliminaire du ministre et nous pouvons passer à l’audition des témoins.
    M. Brown, du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile reste parmi nous. Mme Beauregard se joint maintenant à lui.
    Je souhaite la bienvenue à M. Coulombe du SCRS.
    Monsieur Paulin, c’est un plaisir de vous accueillir à nouveau.
    Nous vous remercions de prendre ainsi le temps de vous joindre à nous.
     Comme vous le savez, nous entamons une étude relativement importante sur le cadre de sécurité nationale de notre pays. Celle-ci ne porte pas à proprement parler sur un texte législatif. C’est une étude de l’ensemble de ce cadre par des parlementaires, et nous espérons qu’elle contribuera à éclairer le ministre lorsqu’il étudiera les modifications à apporter à la politique et à la législation au cours de l’année à venir. C’est là la nature de notre travail. Nous ne nous penchons pas ici sur un texte de loi précis. Nous aurons cependant à procéder à l’étude du projet de loi C-22 puisque nous en avons été saisis. Si les projets de loi C-21 et C-23 sont adoptés à la Chambre, nous nous attendons en être saisis également. Au niveau théorique, c’est vraiment ce que nous aurons à faire pour conseiller le ministre après avoir entendu les témoignages des organismes concernés et des Canadiens.
    Madame Petitpas Taylor et monsieur Khalid, je vous souhaite la bienvenue et vous remercie de vous joindre à nous.
    Nous allons entamer cette série de questions de sept minutes avec Mme Damoff.
    Merci à tous d’être venu nous rencontrer. Je vais commencer par demander au président de bien vouloir m’excuser pendant un bref moment.
    Monsieur le commissaire Paulson, lorsque vous avez comparu auparavant, je vous ai très certainement interrogé sur le harcèlement à la GRC. Je tiens à vous remercier publiquement de l’annonce que vous avez faite ce matin. Ce fut un moment historique. J'espère comme vous, je le sais, que la page est maintenant tournée et que nous entrons dans un nouveau chapitre de la vie de la GRC. Je vous en remercie.
    Je suis également la vice-présidente du comité de la condition féminine. Nous avons entendu récemment Carol Todd, dont la fille Amanda a été victime de cyberviolence commise par un prédateur se trouvant aux Pays-Bas. Ceci est donc relié aux questions de cybersécurité dont nous parlons en ce moment.
    Madame Beauregard, lorsque vous avez comparu devant le Comité, mon collègue, M. Spengemann, vous a posé une question au sujet d'une stratégie à l'égard de ces menaces qui sont à la fois intérieures et internationales, parce qu'il s'agit d'Internet et que ce n'est pas un pays; c'est international. Le cas de cette jeune fille soulevait effectivement des défis reliés à ces questions.
    Vous avez répondu en disant que nous n'avions pas vraiment de stratégie dans ce domaine. Je me demande si vous pouvez m'en dire davantage sur ce que nous devrions faire, tout en ayant à l'esprit qu'il faut respecter la vie privée des Canadiens, en particulier pour ce qui est de l'aspect international. Quelle est la meilleure façon de régler ce problème?
    Pour ce qui est de la cybercriminalité, de la cyberintimidation, et de tout cela, comme le ministre l'a fait remarquer, nous sommes en train de procéder à des consultations pour trouver les meilleures façons d'assurer la sécurité en ligne. Plus précisément, je peux vous dire que la question de la cyberintimidation et de la cybercriminalité soulève des préoccupations assez importantes. Depuis lors, avant d'effectuer en ligne l'examen en matière de cybersécurité, nous l'avons modifié pour y inclure un chapitre assez important sur la cyberintimidation, la cybercriminalité et tout cela.

  (1640)  

    Cela ne se limite toutefois pas à la cyberviolence. Je crois que l'on rencontre le même genre de problèmes avec le terrorisme. Nous avons entendu un représentant de l'Association des chefs de police qui nous a dit qu'il fallait 18 mois pour obtenir des preuves auprès des signataires du traité d'entraide juridique. Est-ce que vous connaissez les mêmes problèmes avec les menaces terroristes?
    Sur ce sujet, c'est Affaires mondiales Canada, AMC, qui est, en réalité, le ministère qui chapeaute tous les efforts reliés à la coopération internationale. J'essayais en fait de dire que, dans le cadre de l'examen en matière de cybersécurité, nous cherchons à obtenir des commentaires sur la façon d'améliorer nos outils de lutte, aussi bien interne qu'internationale, contre ce phénomène.
    Vous avez mentionné que nous n'avions pas encore de stratégie. Nous allons en élaborer une après les consultations. Les consultations se terminent à la fin du mois. Nous aurons alors obtenu les commentaires de tous les intéressés. En outre, nous avons consulté nos alliés proches sur cette question. Les résultats de toutes ces consultations seront transmis au cabinet.
    Très bien, merci.
    Au cours de notre dernière séance, nous avons entendu beaucoup parler des métadonnées et du fait que l'obtention de ces données peut avoir des répercussions sur la vie privée. Je n'ai pas eu à ce moment-là la possibilité de poser une question. Je soupçonne que la plupart des Canadiens ne savent même pas ce que sont les métadonnées. Quelqu'un pourrait-il nous expliquer comment ces données sont obtenues et comment tout cela touche notre vie privée?
    Franchement, pour ce qui est de la collecte des métadonnées et de son ampleur, je crois qu'il faudrait plutôt vous adresser à nos collègues du CST. Je ne pense pas que l'on collecte énormément de métadonnées. J'invite mes collègues à me corriger si je me trompe, mais d'une façon générale, il s'agit en fait de données qui concernent des renseignements non personnalisés au sujet d'un appareil — la durée de la communication, l'emplacement de l'appareil, et ce genre de choses.
    Peut-être que mes collègues voudront également vous répondre.
    Je vais vous donner l'exemple des courriels. Les métadonnées comprendraient tout sauf le contenu du courriel. Elles engloberaient l'adresse courriel et l'adresse IP. Le numéro de téléphone serait... mais pas dans le cas d'un courriel. Pour revenir à l'ancien courrier, ce serait ce que vous trouvez sur l'enveloppe, et non pas le contenu de ce qui s'y trouve.
    Mon collègue du CST vous dira sans doute que c'est une description assez rudimentaire de ce que sont les métadonnées.
    Le commissaire à la protection de la vie privée a déclaré que la communication de ces données soulevait des préoccupations en matière de vie privée. Vous dites que cela peut se comparer à ce qui se trouve sur une enveloppe.
    Je dirais que les préoccupations du commissaire à la protection de la vie privée touchent davantage la collecte brute de métadonnées à partir desquelles il est possible de constater des tendances, comportements ou conclusions au sujet des déplacements des gens et ce genre de choses. Nous ne le faisons pas, et lorsque nous le faisons, c'est avec un mandat, tout comme nos amis du Service. Voici comment nous gérons cela.
    Je n'essaie pas de me défiler, mais je crois que, si vous voulez poser de questions au sujet de la théorie associée aux métadonnées, il serait plus utile de demander aux spécialistes du CST de répondre à vos questions.
    Merci. Je crois que j'ai épuisé mon temps de parole.
    Merci d'être venus.
    Cela est très utile, parce que lorsque nous avons dressé notre liste des témoins, nous avions pensé inviter des représentants du CST, mais ensuite, nous y avons renoncé parce que cet organisme touche d'autres secteurs du gouvernement dont nous ne nous occupons pas. Je crois cependant qu'il serait utile de les ajouter à la liste des témoins, et je vous en remercie.
    M. Miller.

  (1645)  

    Je remercie les témoins d'être venus.
    Je vais commencer par vous, monsieur Coulombe.
    Vous avez comparu devant le Comité sénatorial de la sécurité nationale et de la défense. Par la suite, vous avez fait une déclaration dans laquelle vous fournissiez des données statistiques au sujet des renseignements détenus actuellement concernant certains individus. Je pense que, selon cette déclaration, le SCRS savait qu'environ 180 personnes avaient quitté le Canada pour participer à des activités terroristes à l'étranger. Vous saviez également que 60 personnes — ce chiffre a probablement légèrement changé — étaient revenues au Canada. J'ai trois questions à ce sujet.
    Premièrement, pourquoi ces personnes n'ont-elles pas été arrêtées? Deuxièmement, y a-t-il des enquêtes en cours sur ces personnes? Troisièmement, quel genre de preuve est-il nécessaire de posséder pour les détenir?
    Merci d'avoir posé ces questions, mais je crois qu'il y en a deux sur les trois qui touchent davantage l'application de la loi, et elles devraient donc être adressées au commissaire.
    Pour ce qui est de la deuxième question au sujet des enquêtes en cours, j'ai également déclaré que — et je parle d'environ 60 personnes revenues au Canada — qu'il était important de savoir qu'une personne de ce type, qui revient de l'étranger et qui a participé à des activités reliées au terrorisme constitue une menace potentielle. Ces personnes n'agissent pas toutes de la même façon. Certaines d'entre elles vont revenir au pays et reprendre une vie normale. D'autres continuent à exercer des activités associées à des menaces.
    Nous avons des enquêtes en cours sur certaines de ces personnes, mais encore une fois, cela dépend du genre d'activités qu'elles exercent depuis leur retour.
    Est-ce qu'il y en aurait à peu près la moitié qui font l'objet d'une enquête? Avez-vous des chiffres?
    Je n'en ai pas à l'esprit. Je ne peux pas vous dire combien de ces 60 personnes...
    Oui, très bien.
    M. Paulson
     Nous faisons enquête sur toute personne au sujet de laquelle nous avons des soupçons raisonnables de croire qu'elle est en train de commettre une infraction pénale. Le seuil à respecter pour porter des accusations est toutefois une question différente. Nous pouvons arrêter une personne si nous avons des motifs raisonnables de croire qu'elle commet une infraction, mais nous avons besoin de l'appui du Service des poursuites pour a) obtenir le consentement du procureur général au dépôt d'une accusation de terrorisme, et b) appuyer une poursuite. Nous procédons à une analyse, parce que, si nous arrêtons cette personne, nous ne pouvons la détenir que pendant 24 heures, à moins d'utiliser les dispositions du projet de loi C-51 en matière d'engagement si nous voulons la détenir plus longtemps.
    Nous essayons de monter un dossier qui nous permettra d'obtenir une condamnation. Nous examinons alors toute la gamme des activités que nous pouvons tous exercer pour gérer la menace, ce qui va de la surveillance, à des entrevues reliées à l'enquête, aux engagements de ne pas troubler l'ordre public, etc.
    Nous avons de nombreuses enquêtes en cours, tout comme nos collègues du Service du renseignement, mais dès que nous avons suffisamment de preuves pour porter une accusation, nous le faisons, de sorte que personne n'y échappe.
    Très bien, je suis heureux de l'entendre.
     Vous avez mentionné le fait que vous ne pouviez détenir quelqu'un pendant plus de 24 heures. Le projet de loi C-51 a-t-il modifié cette règle?
    Oui. Il a ajouté de nouvelles conditions qui doivent être remplies si nous voulons dépasser cette période de 24 heures. Nous devions comparaître devant un juge et lui démontrer qu'il est nécessaire de détenir cette personne plus de 24 heures parce que nous sommes en train de réunir des preuves, par exemple.
    Les dispositions relatives au maintien en détention viennent du fait que nous avons constaté que le temps qui s'écoule entre le « flash et l'explosion », autrement dit, entre le moment où nous apprenons qu'il y a des terroristes, et le moment où ils commettent un attentat, s'est réduit au cours des années. Je crois que ce qui a été constaté ailleurs dans le monde vaut également pour le Canada. Nous savons que nous risquons de ne pas avoir constitué à temps un dossier présentable parce qu'il est très complexe et très lourd de monter un dossier et de convaincre un autre être humain de l'exactitude des faits de la situation.
    Très bien.
    Je poursuis dans la même veine, et ma prochaine question est de savoir qu'il est désormais plus facile ou plus difficile d'obtenir un engagement de ne pas troubler l'ordre public. Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez?
    Cela devrait être plus facile. Ça ne répond toutefois pas à votre question.
    Est-ce une bonne chose?
    Cela devrait être plus facile, mais je crois qu'il faut faire très attention... Je pense que c'est une bonne chose. Comme je l'ai déjà dit, lorsque les circonstances s'y prêtent, c'est le seul contrôle que l'État peut exercer sur un suspect avant de porter des accusations, avant de lui demander de signer un engagement, ou lorsqu'il y a une condamnation, par rapport à une ordonnance de probation, et le reste. Je pense que c'est une bonne chose. Je crois que les Canadiens ne comprennent pas très bien ces dispositions. Il y a beaucoup de gens qui ne comprennent pas très bien ce que c'est exactement. Ce n'est certainement pas une panacée, mais c'est une bonne chose.

  (1650)  

    Louise Vincent, la soeur de l'adjudant Patrice Vincent qui a été tué, je crois dans la région de Montréal, a comparu devant le comité de la sécurité publique. Elle a affirmé que la GRC n'avait pas réussi à obtenir un engagement de ne pas troubler l'ordre public pour Martin Couture-Rouleau parce qu'elle n'avait pu réunir les preuves exigées. Cela a-t-il changé? Est-ce bien exact? Pouvez-vous commenter cette affaire?
     Oui. Pour être juste pour tous ceux qui ont travaillé sur ce dossier, sur l'affaire Couture-Rouleau, nous n'avions pas... Nous n'avons pas obtenu un engagement de ne pas troubler l'ordre public visant Couture-Rouleau. Je crois qu'il est maintenant plus facile d'obtenir un engagement de ce genre. Il est évident qu'on n'exige plus les mêmes preuves. Le projet de loi C-51 prévoit un nouveau seuil, qui est la « crainte raisonnable ».
    Il ne me reste plus beaucoup de temps. Un député a présenté un projet de loi à la Chambre pour définir le mot « variante », qui paraît 97 fois dans la Loi sur les armes à feu. Ce projet de loi serait-il utile pour la GRC?
    Je ne sais pas. Je ne peux pas répondre à cette question. Je ne suis pas en mesure de le faire.
    Très bien. J'ai une dernière question. J'aimerais revenir sur ce dont nous parlions avant la dernière question; est-ce que l'adjudant Vincent serait, d'après vous, encore en vie si le projet de loi C-51 avait été en vigueur à l'époque?
    Je ne pense pas que je puisse non plus répondre à cette question.
    Très bien. Il me reste 12 secondes. J'ai posé la question parce que je l'ai entendu dire par des agents d'application de la loi. C'était peut-être simplement leur opinion, mais je voulais entendre votre réponse. Merci.

[Français]

    Nous passons à M. Dubé.
    Merci, monsieur le président.
    Mesdames et messieurs, je vous remercie d'être parmi nous aujourd'hui.
    Monsieur Coulombe, j'ai sous la main la directive que le ministre avait envoyée à votre prédécesseur concernant le partage de l'information, plus précisément en ce qui concerne ce qu'on qualifie de mauvais traitements, mais appelons les choses par leur nom: il s'agit de torture. Ma collègue Mme Laverdière et moi travaillons beaucoup sur ce dossier. Une chose nous inquiète particulièrement, et vous allez me permettre de citer la lettre du ministre:
Règle générale, il est interdit au SCRS d'utiliser sciemment de l'information obtenue à la suite de mauvais traitements infligés des organismes étrangers.
    Toutefois, la lettre continue en ces termes:
Dans des circonstances exceptionnelles, le SCRS peut être appelé à communiquer toute l'information en sa possession, y compris celle qui provient d'un organisme étranger et qui a été vraisemblablement obtenue à la suite de mauvais traitements [...]
    Pouvez-vous nous garantir qu'on n'est pas en train d'utiliser de l'information obtenue à la suite de torture? Je pense que les Canadiens seraient d'avis que c'est inacceptable.
    Par ailleurs, êtes-vous d'accord avec nous pour dire que c'est le genre de directive que nous devrions abroger? Vous devez assurer notre protection, mais nous voulons aussi protéger nos valeurs. Selon nous, cela ne correspond pas tout à fait à nos valeurs.
    Justement, dans le cadre du rapport annuel qui a été déposé dernièrement par le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, le CSARS, on a étudié la question de l'échange d'information avec les partenaires étrangers.
    Le CSARS a trouvé qu'à la suite de cette directive ministérielle, le Service canadien du renseignement de sécurité avait rapidement mis en place une gouvernance des politiques pour s'assurer de respecter ses obligations légales et de suivre la directive ministérielle.
    Cela inclut un comité de haut niveau qui se réunit pour évaluer les risques de mauvais traitements ou de torture. Si jamais nous partageons de l'information, il doit évaluer comment celle-ci a pu être obtenue et décider si nous devrions l'utiliser ou non. Si cette détermination comporte un haut risque, je suis la personne qui doit prendre la décision ultime de partager ou d'utiliser de l'information que nous avons reçue.
    Le CSARS a dit que le Service avait mis en place une structure très rigoureuse pour respecter ses obligations relativement aux mauvais traitements ainsi que son obligation de protéger les Canadiens, ce qui est son mandat premier.
    Pour répondre rapidement à votre deuxième question, je dirai que c'est une question de politique qui s'adresse au gouvernement et aux parlementaires, qui doivent en débattre et décider.
     D'accord.
    En ce qui a trait à l'aspect discrétionnaire, l'information obtenue à la suite de torture est réputée être à presque 100 % inefficace. On ne peut donc pas dire que la sécurité des Canadiens est assurée.
    Est-il vraiment nécessaire d'utiliser l'information obtenue à la suite de torture?

  (1655)  

    On dit que l'information obtenue à la suite de mauvais traitements est souvent non fiable, et je ne suis pas ici pour essayer de contredire cela. Le fait est que si nous avons de l'information obtenue à la suite de torture, nous sommes conscients que cette information peut ne pas être fiable et nous essayons de trouver d'autres sources pour la corroborer. Nous devons aussi décider si nous gardons cette information pour nous même dans des cas où les forces policières pourraient agir pour prévenir un événement qui est sur le point d'arriver.
    Nous sommes conscients de cela et nous en tenons compte dans les mesures que nous prenons. Soit nous allons essayer de trouver d'autres sources pour corroborer l'information, soit nous déterminerons l'utilisation que nous en ferons sachant que la fiabilité de l'information est douteuse.
    Ce serait irresponsable que le Service rejette simplement l'information du revers de la main si la menace envers les Canadiens est élevée et imminente.
    En ce qui concerne le partage de l'information entre les services consulaires et Affaires mondiales Canada en vertu des dispositions du projet de loi C-51, comment pouvons-nous être assurés que nous ne connaîtrons pas un autre cas comme celui de Maher Arar, pour lequel on ne semble pas discréditer l'information obtenue à la suite de torture?
    De plus, le projet de loi C-51 prévoit qu'on pourra avoir des ententes permettant d'obtenir de l'information sur des Canadiens détenus à l'étranger.
    Dans de telles circonstances, comment peut-on assurer aux Canadiens que l'information que vous partagez n'a pas été obtenue à la suite de torture et que nous ne revivrons pas cette expérience qui était pourtant supposée être une occasion d'apprentissage et de grande réforme?
    Il existe aujourd'hui une loi qui encadre l'échange d'information dans le cas particulier que vous avez mentionné, c'est-à-dire entre Affaires mondiales Canada et le Service, ce qui n'existait pas il y a trois ans ni même l'année dernière. Comme cela a été annoncé dans les médias, le Service et Affaires mondiales Canada ont récemment signé un protocole. Avant cela, il...
    Je suis désolé de vous interrompre, mais mon temps de parole est limité.
    Quelles sont exactement les protections particulières prescrites par la loi qui permettraient d'éviter une telle situation?
    Il s'agit de la Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada, qui découle du projet de loi C-51. Il faut dire que ce n'est pas une loi qui force les autres ministères.
    Néanmoins, l'entente existe.
    Le recours à cette loi demeure volontaire. C'est pour faciliter l'échange d'information.
    En ce qui touche la protection, la Loi prévoit que l'agence qui fournira l'information doit s'assurer que l'information est pertinente relativement au mandat de l'organisation qui doit recevoir cette information.
    Dans cet esprit, poursuivons le raisonnement.

[Traduction]

    J'ai une copie en anglais devant moi. Si nous parlons du seuil en vigueur, preuve pertinente ou nécessaire — je crois que c'est ce dont il s'agit — le commissaire à la protection de la vie privée a déclaré qu'il conviendrait de modifier ce seuil. Essentiellement, dans la situation actuelle, l'information est assujettie à un seuil moins strict, de sorte que les protections juridiques existantes n'empêchent pas vraiment que se reproduise une situation semblable à celle que nous avons connue dans le passé.
    Je ne suis pas en mesure de parler du seuil juridique, mais il y a une autre protection dont nous n'avons pas parlé, et je vais simplement la mentionner. C'est le fait que le commissaire à la protection de la vie privée peut examiner l'information qui a été communiquée. Dans le cas du Service, le CSARS peut examiner tous les renseignements que nous recevons par le biais de ce que l'on appelle la LCISC, la loi qui a découlé du projet de loi C-51. Je pense qu'elle offre une protection.
    On peut alors se demander si ce seuil devrait être plus élevé ou moins élevé. Encore une fois, c'est une décision qui relève des parlementaires et du gouvernement.

[Français]

    Je vous remercie.

[Traduction]

    M. Erskine-Smith.
    J'aimerais commencer par poser une brève question à M. Coulombe sur les pouvoirs en matière de perturbation des activités terroristes. Vous pourriez peut-être fournir au Comité un chiffre récent sur le nombre de fois que les nouveaux pouvoirs en matière de réduction de la menace ont été utilisés.
    Je crois que j'ai comparu devant le Comité au mois de février. À l'époque, je crois avoir mentionné un chiffre d'environ deux douzaines, si je ne me trompe. Ma réponse sera encore la même parce que nous n'en faisons pas beaucoup. Il est possible qu'il y en ait eu 18 à l'époque et qu'il y en ait maintenant 20.

  (1700)  

    Il pourrait y en avoir 20?
    Oui, il pourrait y en avoir 20. Il est important de préciser que tous ces cas n'ont pas exigé l'obtention d'un mandat de la Cour fédérale.
    Bien sûr, parce que vous ne vouliez pas de toute façon invoquer la Charte et nous l'avons entendu dire par le ministre.
    Pour ce qui est de ces pouvoirs de perturbation, j'aimerais aller à l'essentiel. Pouvez-vous nous dire pourquoi vous pensez que ces pouvoirs sont nécessaires, et peut-être nous fournir des exemples précis démontrant que les pouvoirs attribués avant le projet de loi C-51 étaient insuffisants et pourquoi les pouvoirs actuels en matière d'application de la loi ne suffisent pas non plus.
    Pour ce qui est de notre mandat, le seuil à partir duquel nous décidons d'effectuer une enquête est plus faible. Nous sommes en mesure de découvrir une menace à son tout début et de voir comment elle évolue. Comme le commissaire vient de le mentionner, l'évolution va de nos jours de la planification à l'exécution, et de la radicalisation à la mobilisation en vue d'utiliser la violence, ce qui veut dire que ce délai est extrêmement court. La réduction de la menace est une étape qui peut être utile si nous voulons réduire une menace le plus rapidement possible, et c'est quelque chose que nous ne pouvions pas faire auparavant.
    J'essaie en fait de dire que la notion de « réduction de la menace » est une notion très large. Je sais que d'autres pays définissent ces pouvoirs de façon beaucoup plus précise, si je peux m'exprimer ainsi. Plus exactement, quels sont les exemples que devraient connaître les Canadiens? Lorsque nous parlons de « perturbation de la menace » ou de « réduction de la menace », de quoi parlons-nous exactement?
    Le livre vert contient des exemples. Je crois que, lorsque j'ai témoigné la dernière fois, j'ai donné comme exemple que la notion d'« injustifié » pouvait tout simplement consister à demander à quelqu'un d'intervenir parce qu'il y a un jeune qui est en train de se radicaliser et qui se prépare à utiliser la violence. On pourrait informer les parents que leur jeune s'est engagé dans cette voie. On pourrait également informer les médias sociaux qu'il y a un utilisateur qui ne respecte pas leurs règles. Le Service ne va pas supprimer le compte, c'est aux médias sociaux de le faire. Auparavant, ces choses simples ne pouvaient se faire.
    Si nous remontons à 1981, la Commission McDonald avait conclu que le renseignement de sécurité devait être distinct du travail policier. Pourriez-vous nous parle de Vision commune 2.0 et expliquer rapidement au Comité ce que c'est? Pouvez-vous nous dire si nous devrions codifier Vision commune 2.0 et l'obligation commune de la GRC et du SCRS de collaborer et de s'informer mutuellement?
    Excusez-moi, est-ce que...?
    Vous pourriez peut-être nous dire si vous pensez que cet arrangement devrait être permanent et codifié.
    Vous parlez de la relation...?
    Expliquez-nous brièvement ce qu'est Vision commune 2.0? Est-ce un mécanisme satisfaisant? Est-ce quelque chose que nous devrions...
    Oh, c'est un cadre. C'est un cadre d'action pour le personnel du SCRS et de la GRC qui s'applique lorsque nous effectuons une enquête sur le même sujet et qui précise nos rapports. Nous veillons à ce que les deux organismes soient informés et il est extrêmement important qu'il y ait aucune faille entre les deux organismes et de veiller à ce que nos activités n'aient pas un effet négatif par la suite sur l'enquête criminelle associée à une poursuite pénale éventuelle.
    Vous ne suivez donc pas des chemins parallèles et distincts, mais vous communiquez.
    Exactement.
    Très bien.
     J'aimerais maintenant m'adresser au commissaire Paulson au sujet de l'arrestation préventive et de son expansion. Vous avez parlé d'abaisser le seuil exigé. Cet abaissement du seuil est-il nécessaire? Ce pouvoir d'arrestation préventive a-t-il été utilisé depuis le projet de loi C-51?
    Non, il n'a pas été utilisé. Je continue toutefois à soutenir que c'est un outil qu'il est commode d'avoir, en raison de la façon dont nous comprenons la menace, à cause de ce dont j'ai parlé et de ce dont mon collègue a parlé également. Nous éprouvons toujours de la difficulté à obtenir des renseignements, étant donné la complexité de ces affaires, à l'étudier en détail comme il faut souvent le faire et à la présenter de façon cohérente à un poursuivant pour qu'il puisse prendre toutes les décisions. Cela prend beaucoup de temps. C'est l'avantage, à mon avis, de ce pouvoir.
    Étant donné qu'il n'a pas été utilisé, est-il alors possible de dire que plus rien n'indique que l'abaissement du seuil exigé est nécessaire ou que le passage de trois à sept jours était nécessaire?
    Les preuves dont nous disposons ne sont pas différentes de celles qui sont à l'origine du changement.
    Très bien.
    J'ai posé une question au ministre au sujet d'un super CSARS et d'un organisme de contrôle plus important. Je me demande pourquoi vous n'avez pas adopté de position à ce sujet. Il y a bien sûr un organisme de révision qui contrôle le SCRS et la GRC. Seriez-vous en faveur d'un super CSARS qui pourrait diffuser de l'information et surveiller tous les services de sécurité du gouvernement dans un examen visant l'ensemble du gouvernement? Cela vous poserait-il un problème?
    La question de la surveillance ne me pose aucun problème. Il est par contre nécessaire de coordonner cette surveillance — parce qu'à mon avis, elle est déjà suffisante — et pour qu'elle soit cohérente. Cela est important.

  (1705)  

    Oui, les organismes d'examen existants devraient coordonner leur action et nous pourrions peut-être englober l'ASFC dans cet examen.
    Monsieur Coulombe, avez-vous des commentaires à ce sujet?
    C'est une question d'orientation qui doit être décidée par le gouvernement et le Service pourra, quel que soit le mécanisme mis en place, examiner et contrôler le Service, et...
    Cela ne pose donc aucun problème.
    ... nous allons collaborer et travailler à l'intérieur de ce cadre.
    Parfait.
    La LCISC utilise une expression « activités portant atteinte à la sécurité du Canada », et cette expression est très différente de la définition que l'on retrouve dans la Loi sur le SCRS, « menaces envers la sécurité du Canada ».
    Monsieur Coulombe, voyez-vous un inconvénient à ce que nous conservions la définition « menaces envers la sécurité du Canada » que l'on retrouve dans la Loi sur le SCRS. C'est la définition que vous avez toujours appliquée.
    Je vais parler de la Loi sur le SCRS. Nous continuons... la LCISC n'a rien changé.
    Elle a modifié la définition.
    Eh bien, pas pour nous. Nous continuons à travailler avec la Loi sur le SCRS, de sorte que pour nos activités, nous appliquons les définitions que l'on retrouve à l'article 2 de la Loi sur le SCRS.
    Mais lorsque vous communiquez de l'information. Je devrais préciser que, lorsque cette information est communiquée, elle est alors visée par la LCISC, qui contient une définition plus large. Je veux dire qu'en cas de communication d'information, est-ce que vous seriez préoccupés par le fait que cette communication serait limitée aux « menaces envers la sécurité du Canada », la définition que l'on retrouve dans la Loi sur le SCRS?
    Je vais essayer de répondre à cela parce qu'il faut être prudent lorsqu'on nous demande « auriez-vous des préoccupations ». Il y a ce vieux proverbe : qui ne dit mot consent. Il nous faut être prudent dans ce domaine.
    Il ne faut pas oublier que la LCISC ne s'applique pas uniquement au Service. Elle s'applique à 17 ministères et agences, dont la plupart n'utilisent aucune définition. Je pense que les définitions qui ont été adoptées visent en fait à guider les autres ministères et agences qui opèrent dans un contexte qui est complètement différent de celui du Service.
    Mon temps de parole est écoulé. Pourriez-vous nous faire parvenir par écrit les préoccupations que soulève pour vous la différence qui existe entre ces définitions et nous dire si la communication de l'information se limite effectivement aux « menaces envers la sécurité du Canada », telles que définies par la Loi sur le SCRS?
    Merci.

[Français]

    Monsieur Généreux, vous disposez de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins.
    Monsieur Coulombe, le gouvernement nous assure qu'en matière d'immigration et de traitement des réfugiés, des enquêtes de sécurité sont menées par votre service sur ces arrivants potentiels au Canada. Est-ce exact?
    Nous sommes responsables de la partie liée à la sécurité nationale, mais il y a d'autres aspects.
    J'imagine que c'est traité par la GRC, n'est-ce pas?
    Excusez-moi, je n'ai pas compris votre question.
     Le gouvernement nous disait que, en matière d'immigration et de traitement des réfugiés, des enquêtes de sécurité étaient effectuées. M. Coulombe a dit que son service faisait une partie du travail, alors j'imagine que la GRC fait l'autre partie du travail. Est-ce exact?
    Oui, nous contribuons aux enquêtes qui sont faites.
    Allez-vous jusqu'à consulter les réseaux sociaux? Sur quels moyens technologiques pouvez-vous porter un regard sans porter atteinte à la vie privée des gens? Quel est l'équilibre à cet égard?

[Traduction]

    De notre côté, nous faisons toute une série de choses. Pour les dossiers d'immigration, nous consultons nos ressources policières, mais il est bien clair que les personnes qui veulent entrer au Canada ne possèdent pas de longs antécédents dans ce pays pour ce qui est des vérifications traditionnelles des indicateurs criminels, mais nous procédons à une vérification dans nos fichiers. Nous utilisons les empreintes digitales. Nous vérifions d'autres choses. Nous vérifions les documents open-source. Nous ne nous préoccupons pas beaucoup du risque d'atteinte à la vie privée, parce que nous effectuons ces vérifications dans nos dossiers conformément aux lois en vigueur.

[Français]

    Lors des événements qui se sont produits à San Bernardino, en Californie, des agents de la sécurité nationale des États-Unis ont dit au réseau ABC qu'on leur avait interdit de consulter les réseaux sociaux pour obtenir de l'information sur des gens, à cause des lois sur la protection de la vie privée.
    Est-ce aussi la même chose au Canada?

[Traduction]

    Pas à ma connaissance.
    Vous avez donc autorisé à le faire. Vous pouvez utiliser les médias sociaux.
    Oui, nous le faisons. Je ne voudrais pas en exagérer l'importance, mais nous faisons ce que nous appelons des vérifications open-source. Nous vérifions sur Internet les renseignements disponibles, ce qui nous donne certaines indications, tout comme nous le faisons pour les candidats à un poste dans la GRC et pour les autorisations de sécurité dans le but d'appuyer les efforts que le gouvernement déploie pour comprendre à qui nous avons affaire.

  (1710)  

[Français]

    Les réseaux sociaux ne constituent donc pas un enjeu de protection de la vie privée.

[Traduction]

    Quelle est alors la limite dans ce cas?
    Je ne pense pas qu'il y ait de limite claire. En ce qui concerne les personnes qui utilisent les médias sociaux, nous ne faisons pas de perquisition et de saisie. Nous examinons les dossiers qui sont du domaine public; par conséquent, si nous constatons que nous devons faire une perquisition, comme une perquisition traditionnelle dans son sens général, nous obtenons un mandat de perquisition. Mais il s'agit en fait de Facebook, Google et de ce genre de choses.

[Français]

     Est-ce que l'adoption du projet de loi C-51 a changé, augmenté ou amélioré les outils dont vous disposiez déjà afin d'approfondir vos recherches sur certains individus?

[Traduction]

    Non, pas vraiment. Cela n'a eu aucun effet.

[Français]

    Dans le cadre de l'étude que nous effectuons actuellement, il faut penser à l'aspect technologique. Nous en avons parlé un peu plus tôt. Le ministre a avancé que, dans le domaine technologique, il y avait des menaces potentielles qui seraient perceptibles, dans certains cas, ou non perceptibles, dans d'autres. Il a parlé du phénomène « going dark », c'est-à-dire des activités qui tombent complètement sous le radar. D'ailleurs, je ne sais pas comment il fait pour savoir que cela existe si elles sont sous le radar, mais j'imagine que vous avez des outils pour savoir qu'elles existent.
    Pourriez-vous nous parler de ces menaces technologiques potentielles envers le Canada ou envers des Canadiens qui peuvent être utilisées par des pirates informatiques ou par différentes organisations?
    Je vous remercie de la question.
    Je vais commencer à répondre à votre question, et mon collègue pourra ensuite ajouter quelque chose.

[Traduction]

    C'est notre problème le plus important, en tout cas du point de vue de la police, et je sais que je parle aussi pour mon collègue lorsque je mentionne que nous travaillons sur le cryptage, et le « going dark », et que nous travaillons sur Internet. C'est, comme je le dis, l'obstacle le plus grave à nos enquêtes lorsque nous essayons de gérer la menace terroriste.
    Je suis désolé, mais je dois vous arrêter.
    M. Mendicino.
    Je remercie les témoins d'être venus aujourd'hui et d'avoir livré leurs témoignages.
    J'aimerais attirer votre attention sur ce qui est maintenant l'article 12.1 de la Loi sur le SCRS. C'est un article qui a suscité un grand débat public et pour être précis, beaucoup de critiques, si je peux le dire ainsi. Essentiellement, cet article autorise le Service à prendre certaines mesures susceptibles de porter atteinte à la Charte.
    J'aimerais m'assurer que cette disposition n'a pas encore été utilisée.
    C'est exact.
    Le Service a-t-il été consulté par la dernière administration au sujet de la nécessité de cette disposition?
    Oui.
    Êtes-vous en mesure de nous dire si le Service a estimé que cette disposition était nécessaire pour que vous puissiez exécuter votre mission?
    Il y a une convention selon laquelle les avis donnés à un gouvernement ne sont pas divulgués par la suite et la plupart des gouvernements aiment cette convention, en particulier lorsqu'ils ne sont plus au pouvoir, ce qui arrive de temps en temps.
    J'encouragerais mon collègue à...
    ... respecter cette convention?
    ... être prudent.
    D'accord.
    Je pose cette question parce que je sais qu'au cours de cette consultation, un bon nombre de témoins affirmeront que le Service n'a pas besoin pour remplir son mandat de l'autorisation que l'article 12.1 donne à son personnel de prendre des mesures de réduction de la menace susceptibles de porter atteinte aux droits que leur garantit la Charte.
    Pour me préparer à répondre à leurs questions, j'aimerais savoir si, à votre avis, cette disposition pourrait être améliorée d'une façon qui la rende conforme à la Charte.

[Français]

    Bien sûr, cela ne doit pas aller à l'encontre de la Charte.

[Traduction]

    Comme je viens de le dire, nous avons déjà pris une vingtaine de mesures pour réduire la menace, alors je ne peux pas prétendre devant vous que le Service n'en a pas besoin. Nous nous en sommes déjà servi.
    En revanche, je pense que la manière dont le nouveau mandat est énoncé dans le projet de loi mérite un examen et peut-être des modifications, ou peut-être pas. Encore une fois, cette décision est politique et elle ne m'appartient pas. Le Service travaillera avec les outils qui lui sont fournis, mais je crois que l'outil en lui-même est utile pour affronter les menaces actuelles.

  (1715)  

    Permettez-moi de reformuler ma question.
    Avant l'inclusion de ce qui constitue l'actuel article 12.1 de la Loi sur le SCRS, le point de vue dominant était-il que le Service n'était pas en mesure de remplir son mandat?
    Tout dépend de ce que vous entendez par mandat. Nous pouvions remplir notre mandat précédent, qui consistait à mener des enquêtes et à conseiller le gouvernement. Par contre, nous ne pouvions pas réduire les menaces. Avant le projet de loi , la réduction des menaces n'avait aucune incidence sur notre mandat, qui était de conseiller le gouvernement.
    L'impression était que... En fait, la question avait été soulevée par le SCRS en 2010. L'incapacité générale du Service à neutraliser les menaces avait été abordée devant un comité spécial du Sénat sur le terrorisme. Notre mandat précédent de conseiller du gouvernement n'était pas touché, mais nous n'avions pas la capacité de réduire les menaces dans le contexte effréné d'aujourd'hui, où leur volume, les moyens technologiques et les moyens de cryptage explosent — et nous venons de parler de « going dark ». Cet outil supplémentaire peut effectivement nous être utile.
    Je vais essayer d'être plus précis. Je fais référence aux mesures de réduction des menaces susceptibles de porter atteinte à la Charte. En fait, si nous les divisons en deux sous-catégories, c'est la deuxième qui m'intéresse. Je fais allusion aux mesures prévues au paragraphe 12.1(3) qui risquent d'entraîner des violations de la Charte. Avez-vous une opinion à ce sujet dont vous pourriez nous faire part?
    Michel pourra peut-être ajouter quelques précisions. Le ministre et Michel ont tous les deux affirmé qu'aucune utilisation n'en a été faite. Je pense qu'il est difficile pour les responsables de répondre à cette question. Il existe différents cas de figure, et le livre vert...
    Désolé de vous interrompre, mais j'aimerais ajouter une dernière question avant la fin de mon temps de parole.
    Accordez-vous une quelconque signification au fait que ces pouvoirs n'ont pas été utilisés depuis la dernière fois où nous avons soulevé la question? Assistons-nous à l'émergence d'un contexte qui rend ces pouvoirs moins nécessaires qu'à l'époque de votre dernier témoignage, ou est-ce seulement le fruit du hasard?
    Non. Ce n'est pas parce que nous n'avons pas exercé ces pouvoirs que nous n'en avons pas eu l'occasion.
    Je comprends. Merci.
    Monsieur Brassard.
    Je vous remercie tous d'être ici aujourd'hui.
    Monsieur Paulson, j'aimerais revenir sur la fin de votre échange avec M. Généreux. Vous avez dit à quel point il était complexe de gérer les menaces, le cryptage, le going dark. Le livre vert aborde la question de l'accès légal en l'absence de mesures législatives claires sur l'accès aux données de base relatives aux abonnés, comme le nom, l'adresse, l'adresse IP. Il est par conséquent difficile pour les organismes d'application de la loi d'avoir accès rapidement et efficacement à ces données.
    Certains pays autorisent les services de police et de renseignement à obtenir les données de base relatives aux abonnés sans recourir aux tribunaux. À votre avis, devrions-nous modifier les lois pour permettre aux organismes d'application de la loi et de renseignement d'obtenir ces données sans mandat? J'aimerais vous entendre tous les trois concernant d'autres modifications ou amendements dans la portée du cadre de sécurité nationale à l'étude que les organismes chargés de l'application de la loi ou de la cybersécurité pourraient souhaiter.
    Pour ma part, je répondrai oui, absolument. J'ai plaidé publiquement et activement pour l'accès sans mandat aux données de base des abonnés, souvent à mes risques et périls, et je maintiens que cet accès est essentiel. À mon avis, il n'y a pas eu de discussion approfondie sur le cryptage, et la compréhension des incidences sur la protection des renseignements personnels est inégale. Autrement dit, les gens ne saisissent pas vraiment de quoi il s'agit.
    Pour reprendre une analogie de mon collègue du FBI, il y avait autrefois un coin de la pièce qui restait invisible, mais nous étions parfaitement à l'aise avec cela parce que nous savions que des réseaux d'espionnage ou des gouvernements étrangers gardaient l'œil sur ces zones hautement clandestines et invisibles pour nous. Aujourd'hui, la zone invisible recouvre une bonne partie de la pièce. La facilité d'accès aux programmes de cryptage commerciaux favorise l'évolution, le soutien et la progression de la criminalité traditionnelle comme le crime organisé, l'exploitation des enfants ou la fraude.
    C'est désastreux pour les enquêtes antiterroristes. C'est un problème très sérieux.

  (1720)  

    Monsieur Coulombe, avez-vous quelque chose à ajouter?
    J'ajouterai seulement qu'il faut bien comprendre que ce que nous appelons « going dark » est plus large que les données relatives aux abonnés et le cryptage. Ils en font partie, mais il faut aussi compter avec les réseaux dotés d'une capacité d'interception, ou les ensembles de données hébergés à l'étranger et utilisés par des Canadiens, mais auxquels nous n'avons pas accès. La notion de « going dark » est complexe. Il est primordial de comprendre qu'il s'agit d'un problème multidimensionnel.
    Je suis tout à fait d'accord pour dire que les répercussions sur nos enquêtes sont énormes. Certaines de nos cibles cryptent la grande majorité de leurs communications.
    Pour ce qui a trait à l'échange de renseignements entre les organismes nationaux et également les organismes étrangers, la législation doit-elle être améliorée de quelque façon?
    Mon collègue de la Sécurité publique a déjà répondu à l'une des questions du gouvernement concernant les traités d'entraide juridique et d'autres dispositifs de ce genre. C'est un processus lourd, très formaliste. Il gruge beaucoup de notre temps. Franchement, nous pourrions faire mieux. J'en ai parlé à mes collègues du ministère de la Justice. Le processus est laborieux par nature, et il mérite une sérieuse réflexion. Peu importe les résultats des évaluations des pratiques d'un autre pays sur lesquelles vos collègues ont posé des questions, le processus juridique pour obtenir la preuve au Canada en vue de la soumettre à un tribunal est en lui-même extrêmement lourd.
    Le livre vert parle aussi de la réduction des menaces, mais aucune distinction n'est faite entre les activités nationales et internationales. Pourriez-vous nous éclairer sur cette distinction?
    De toute évidence, cette question est pour vous, monsieur Coulombe.
    Il n'y a pas de distinction. Nous pouvons remplir notre mandat, mener une enquête sur un dispositif et prendre des mesures pour réduire une menace, autant au Canada qu'à l'étranger. À l'interne, les mêmes politiques s'appliquent. Tout dépend de l'évaluation du risque. Même si le risque est plus élevé parce qu'il se manifeste dans un autre pays, la gestion des opérations reste la même, sans distinction.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Di Iorio, allez-y.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie de nouveau d'être ici aujourd'hui.
    Je veux vous parler tout d'abord du phénomène de la radicalisation et du rôle des communautés. On sait que le phénomène de radicalisation touche les familles dont les enfants participent à des activités violentes. Ces familles s'inscrivent dans un cadre communautaire. Comment ces communautés peuvent-elles prévenir la radicalisation, la détecter et contrer de telles activités? Quel rôle peuvent-elles jouer, à votre avis?
    Je vous situe. Vous, vous dirigez des groupes importants de personnes. Cependant, les gens qui sont issus des communautés qui sont touchées de proche ou de loin par la radicalisation peuvent sûrement, sur une base volontaire ou bénévole, apporter un certain concours aux forces de l'ordre.
    Ce rôle est crucial à différents points de vue. Le fait que des gens observent des signes de radicalisation et en informent le Service canadien du renseignement de sécurité ou les corps policiers, comme la GRC, c'est important. Ce réseau est extrêmement important pour nous.
    Le meilleur exemple est ce qui a été mis en place à Montréal pour aider les communautés et les familles à prévenir la radicalisation. Le Service, lui, intervient à compter du moment où le processus de radicalisation est enclenché et que la personne radicalisée constitue une menace. Les communautés et les familles jouent un rôle extrêmement important en amont. Je crois que nous devrions nous inspirer du modèle montréalais.

  (1725)  

    À quoi faites-vous référence?
    Il s'agit du Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence.
    Mais ce centre, il est financé et il emploie du personnel pour s'occuper de cela. Je ne fais pas référence à cela. Je fais référence à des gens issus de la communauté qui se prennent en main et qui, bénévolement, interviennent et soutiennent les forces de l'ordre, comme la vôtre et comme celle de M. Paulson.
    C'est tout cela ensemble.
    Mme Beauregard pourrait vous en parler davantage.
    Je suis entièrement d'accord avec le directeur du Service canadien du renseignement de sécurité. Il est absolument fondamental de travailler avec tous les intervenants possible, que ce soit les communautés elles-mêmes, les intervenants sociaux, les forces de l'ordre, les provinces, les territoires ou les municipalités. C'est un effort collectif partout au Canada pour...
    Excusez-moi de vous interrompre. Je comprends le principe de l'effort collectif. Cependant, je veux venir sur le point que je soulève. Je ne veux pas parler des groupes ou organismes structurés et financés par l'État, comme le centre de Montréal auquel on a fait référence. Je veux parler du rôle que peuvent jouer les personnes qui sont elles-mêmes touchées directement par le phénomène de la radicalisation ou dont les proches ou la communauté en sont touchés.
    J'adresse aussi ma question au commissaire Paulson, qui, je pense, compte dans son personnel des gens qui ont établi des relations directes avec les communautés.

[Traduction]

    Tout d'abord, permettez-moi de souligner le travail du gouvernement pour coordonner le travail axé sur la lutte à la radicalisation et la sécurité publique.
    Comme vous le savez, parallèlement à la lutte au terrorisme, les services policiers se sont employés à bâtir des liens avec les personnes auxquelles vous faites allusion, à mettre en place des stratégies de prévention du crime et des initiatives de sensibilisation dans les communautés afin d'informer les citoyens au sujet des risques de criminalité et de la prévention. Par l'intermédiaire de l'Association canadienne des chefs de police, de la GRC et d'autres organismes, nous tirons profit des liens tissés avec les communautés dans le cadre de nos activités d'approche pour informer et alerter les citoyens, et particulièrement ceux qui sont à risque, quant aux signes à surveiller et aux ressources qui peuvent les aider à affronter les problèmes. Je suis donc d'accord.
    À votre avis, la police dispose-t-elle de tous les pouvoirs nécessaires? Faudrait-il les élargir?
    Il s'agit d'une question très délicate, qui doit être abordée avec beaucoup de doigté, notamment par la police, parce que nous entrons... Récemment, je me suis entretenu avec des représentants du FBI au sujet de leurs activités de lutte à la radicalisation. Le FBI est loin d'être chaud à l'idée d'assumer cette responsabilité. Pour ma part, je suis convaincu que les forces policières peuvent tirer profit des réseaux communautaires déjà établis parce que chez nous, la prévention du crime est au cœur de l'action policière dans les communautés.
    Il a été vastement démontré que le travail de terrain au sein des communautés est le plus efficace pour contrer la radicalisation. Il faut à tout prix éviter d'imposer un programme pancanadien du genre « nous venons d'Ottawa pour vous aider ». Pour venir à bout de la radicalisation, il faudra tirer profit des pratiques exemplaires pour faire passer le message que le gros du travail se fait sur le terrain, sous la conduite de membres des familles qui ont eux-mêmes vécu les expériences que vous avez décrites. À mon avis, nous enfonçons une porte ouverte.
    Un autre défi est de réaliser que la lutte à la radicalisation a ses limites. Elle est importante, et elle donne des résultats, mais elle peut pas être notre arme unique contre toutes les autres menaces.
    Merci, monsieur Brown.

[Français]

     Je crois que, pour la première fois, M. Dubé aura les trois dernières minutes de parole.
    Merci.
    Je vais en profiter pour poursuivre avec M. Paulson.
    J'ai une question relative aux histoires qui ont fait surface, au cours des dernières années, au sujet de l'affectation des ressources. La concentration des ressources dans la lutte contre le terrorisme provoquerait un manque de ressources à la GRC pour mener d'autres luttes, comme celle contre le crime organisé, entre autres. Est-ce que c'est toujours le cas?
    Dans le contexte actuel, on parle beaucoup de législation, or les solutions sont parfois plus simples. Ne pourrait-on pas simplement offrir les ressources nécessaires aux hommes et aux femmes qui assurent notre sécurité?

[Traduction]

    Oui, je suis d'accord, c'est une question de ressources. Nous ne cessons de transférer du personnel des autres services aux enquêtes antiterroristes. Nos agents sont sous-payés comparativement à leurs homologues des corps policiers municipaux. Il est très difficile pour nos ressources humaines de soutenir la cadence opérationnelle intense.

  (1730)  

    Merci de cette information. Dans le débat concernant ce qu'il faut faire ou ne pas faire après les événements malheureux du passé, je me demande quel poids doit être accordé aux mesures législatives par rapport aux ressources. Comme beaucoup d'autres, j'estime que la solution ne passe pas toujours par des réformes législatives comme celles qu'a adoptées le gouvernement précédent. Je pense plutôt qu'il faut s'assurer que la police a suffisamment de ressources pour faire appliquer les lois en vigueur.
    Êtes-vous d'accord avec cette vision? Peut-être pourriez-vous nous en dire un peu plus sur votre expérience.
    Je suis d'accord. Mon collègue du Service en conviendrait aussi. Mon collègue et moi-même travaillons sans relâche pour contrer le terrorisme, mais nous nous demandons parfois s'il ne s'agit pas d'un simple transfert temporaire de ressources. Je crois l'avoir déjà dit, et je sais que Michel l'a dit également, cette formule n'est pas viable à long terme. Nous controns les menaces, nous faisons du mieux que nous pouvons, mais il y a un coût.
    Pour ce qui a trait à l'équilibre entre les mesures législatives et les ressources, je vous laisse le soin d'en décider après que vous aurez tous les éléments en main.

[Français]

    J'ai une dernière question.
    Êtes-vous en mesure de nous dire quels sont les éléments que la GRC abandonne en faveur de la lutte contre le terrorisme? Qu'est-ce qui est en train d'être sacrifié, faute de ressources?

[Traduction]

    Il est peut-être exagéré de parler d'abandon, mais il est vrai que nous nos ressources d'enquête proviennent des secteurs du crime organisé et de l'intégrité financière. Notre mandat de police fédérale, qui comporte plusieurs volets, est principalement axé sur la lutte aux menaces terroristes.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    De nouveau, je vous remercie d'avoir participé à notre réunion. Nous nous reverrons sûrement cette année.
    La séance est levée.
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