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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 032 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 18 octobre 2016

[Enregistrement électronique]

(1730)

[Traduction]

    Bienvenue à la 32e séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale.
    Je m'appelle Rob Oliphant. Je suis le député de Don Valley-Ouest et président de ce comité.
    Je tiens à souhaiter la bienvenue à tous ceux d'entre vous qui sont venus nous parler ce soir.
    Je vais vous décrire rapidement notre procédure.
    Notre comité visite tout le pays. Nous étudions le cadre de la sécurité nationale afin d'examiner les préoccupations que les Canadiens ont soulevées ces dernières années au sujet de cette loi et pour déterminer comment la modifier.
    Deux consultations sont en cours à l'heure actuelle. Le gouvernement en dirige une qu'il a confiée au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile. Le ministre a publié un Livre vert afin que les Canadiens expriment leurs opinions sur cet enjeu. Nous effectuons notre étude parallèlement à cette consultation. Nous ne représentons pas le gouvernement. Nous relevons du Parlement, et nous avons décidé d'entreprendre une étude afin d'indiquer au Parlement ce que les Canadiens pensent du cadre de sécurité nationale. Le Parlement offrira cette information au gouvernement si celui-ci décide de s'en prévaloir.
    À titre de comité permanent, nous sommes chargés d'examiner les lois et les amendements législatifs qui seront déposés au cours de ces prochaines années. Ces consultations nous prépareront également à l'étude des documents législatifs que notre comité sera chargé d'examiner.
    Notre comité se compose de représentants des trois partis élus à la Chambre des communes: deux du Parti libéral du Canada, deux du Parti conservateur du Canada et un du Nouveau Parti démocratique, ce qui reflète essentiellement la position officielle des partis à la Chambre des communes.
    Cet après-midi, nous avons entendu des gens — je les appellerai de façon générale des experts, parce que je crois que tout le monde possède une certaine expertise — qui se sont occupés toute leur vie d'enjeux liés à la sécurité publique et à la sécurité nationale. Nous avons fait de même hier après-midi à Vancouver. Puis hier soir à Vancouver, nous avons tenu une séance rassemblant un assez grand nombre de membres du public qui désiraient présenter leurs préoccupations. Certains d'entre eux ont présenté leurs opinions sur le Livre vert, qu'ils avaient lu ou parcouru en ligne. D'autres ont parlé tout particulièrement sur l'ancien projet de loi C-51, qui contient une nouvelle loi et plusieurs amendements à d'autres lois. D'autres encore ont discuté de façon plus générale des concepts de la sécurité nationale.
    Nous n'imposons pas de règles, ce soir; nous vous demanderons simplement de vous en tenir aux thèmes de la sécurité nationale et de la sécurité publique. Ce sera notre seule règle. Cependant, vous avez l'occasion pendant cette séance de parler à six parlementaires qui présenteront un rapport au Parlement sur la sécurité nationale. Vos points de vue et vos commentaires nous intéressent.
    Nous avons un petit auditoire, parce que je suppose que d'autres événements ont lieu ailleurs. Je suppose que cela est dû aussi au fait que l'avis a été publié assez tard, et les gens ne sont pas toujours prêts à comparaître devant un comité parlementaire — ce type d'activité ne fait pas partie de leur vie quotidienne. Je propose que nous passions la première demi-heure environ à écouter les personnes qui sont ici. Si personne d'autre n'arrive entre temps, le comité suspendra la séance pendant quelques minutes et attendra pour voir si d'autres personnes arrivent, puisque l'annonce indique que cette séance durera de 17 h 30 à 19 h 30. Je crois que les bonnes personnes se trouvent dans la bonne salle au bon moment, donc vous êtes les bonnes personnes et ce moment est le bon.
    Quatre d'entre vous ont signé la feuille des intervenants. Mais je vais user de souplesse, et si quelqu'un qui n'a pas signé cette feuille désire s'exprimer, nous vous demanderons de la signer sur les lieux, puis nous nous ferons un plaisir d'écouter ce que vous aurez à nous dire.
    Le premier intervenant à la liste est Ian O'Sullivan. Je vais vous donner trois ou quatre minutes pour parler à notre groupe.
    Si vous représentez un groupe, cela nous aide parfois. Sinon, c'est bien aussi.
(1735)
    Non, je suis ici à titre personnel.
    Je m'appelle Ian. Je suppose que la plupart des membres de cet auditoire sont plus ou moins au courant de ce que contient le projet de loi C-51. J'ai entendu souvent parler des droits qu'il nous enlève. Je n'ai pas du tout le temps aujourd'hui de décrire en détail les nombreuses dispositions de ce projet de loi qui violent la Constitution.
    Si vous ne l'avez pas encore fait, je vous conseille fortement de lire le projet de loi C-51 en ligne. Ensuite, relisez la Charte canadienne des droits et libertés pour déterminer exactement les droits que ce projet de loi vous enlève.
    Les Canadiens n'ont aucunement participé à la rédaction du projet de loi C-51 et à sa loi qui détruit la Charte, et ils n'ont rien eu à dire sur son entrée en vigueur. C'est un manque total de respect et une insulte aux Canadiens que de tenir une consultation publique sur ce projet de loi draconien plus d'un an après son entrée en vigueur.
    Peut-être est-ce la raison pour laquelle si peu de personnes se sont présentées aujourd'hui. Les gens pensent que le gouvernement ne les écoute pas vraiment et qu'il ne s'intéresse pas à leurs points de vue. Le gouvernement le prouve en ignorant complètement ce que les gens désirent vraiment.
    Nous verrons en fin de compte si ces consultations ne sont que de la frime, mais je garde espoir pour notre pays.
    Bien avant d'adopter un tel projet de loi, on aurait dû mener une consultation publique et un processus d'approbation, parce qu'il touche tous nos droits et libertés fondamentaux.
    Cela est inacceptable dans un pays qui se considère comme une démocratie libre. Cette façon d'agir est celle d'une dictature fasciste. Avoir poussé l'adoption de ce projet de loi à toute vapeur, puis consulté longtemps après, c'est comme un cambrioleur qui s'introduit dans votre maison, qui vole tous vos effets les plus personnels, puis qui vous demande ce que vous ressentez.
    Vous prétendez que nous sommes vos patrons, mais la majorité des Canadiens s'opposent au projet de loi C-51, parce qu'ils s'opposent à ce qu'on leur enlève leurs droits et libertés. Alors pour quelles raisons n'abroge-t-on pas immédiatement ce projet de loi?
    Vous vous imaginez que les Canadiens sont paralysés par la peur du terrorisme alors qu'en fait, nous risquons plus de mourir de l'attaque d'un orignal que d'un terroriste. C'est peut-être justement parce qu'il avait peur, que le gouvernement s'est empressé d'adopter ce projet de loi en créant le moins de résistance possible. Je crois que les Canadiens craignent avant tout ce qui leur arrive maintenant, cette dictature gouvernementale qui s'infiltre insidieusement dans notre pays.
    J'exige que l'on abroge sans délai le projet de loi C-51.
    Restez où vous êtes, si vous voulez bien, pour que le comité puisse vous poser une question.
    J'ai une question à vous poser.
    Notre Parlement est nouveau, et le projet de loi C-51 n'existe plus, alors nous avons toute une série de lois qui sont entrées en vigueur non seulement avec ce projet de loi, mais sous des gouvernements précédents, afin de contrer une menace — ou tout au moins une menace perçue — de terrorisme. Différents gouvernements avaient compris que certains Canadiens étaient prêts à réduire leurs droits, ou permettaient au gouvernement de réduire leurs droits, pour renforcer la sécurité.
     Voudriez-vous que nous abordions des enjeux particuliers avant les autres? Nous, parlementaires, serons en fonction assez longtemps, ou du moins nous l'espérons, et tout ne se fera pas dans l'immédiat. Notre comité étudie cela en toute bonne foi. Je ne vous demande pas de nous faire confiance, parce que vous nous ferez confiance si nous accomplissons bien notre travail, mais voyez-vous dans le projet de loi C-51 quelque chose qui vous fâche plus que tout?
    Plusieurs dispositions me fâchent, mais il faudrait beaucoup de temps pour en discuter. La pire de toutes est celle qui permet à des espions d'effectuer même des fouilles et des perquisitions abusives. Ils violeraient la Constitution en faisant cela. Ils peuvent prendre tout ce qu'ils veulent.
    Voyez, si nous pouvions faire entièrement confiance à nos services de sécurité, il n'y aurait pas de problèmes. Nous savons que les gens peuvent commettre des erreurs. Nous savons que certains peuvent commettre de l'abus de pouvoir, et que si ce pouvoir tombe entre les mains des mauvaises personnes, nous n'aurons aucun contrôle sur leurs actes. Des gens pourront être victimes de coups montés et se faire accuser de délits qu'ils n'auront pas commis. On pourrait trouver dans l'ordinateur d'une personne des choses dont elle ignorait la présence et qu'elle n'aurait jamais téléchargées.
(1740)
    Je comprends.
    Il y a autre chose. Le projet de loi limite le préjudice corporel et le harcèlement sexuel ou la violence sexuelle de la personne visée, mais il ne mentionne pas l'abus psychologique. Alors d'après ce que je comprends, à part les lésions corporelles, la mort et la violence sexuelle, tout est permis, donc les services de sécurité peuvent commettre tous les autres types de violence.
    Nous n'effectuons même pas encore assez de surveillance pour savoir quels types de personnes nous visons. Maintenant, il semble que nous ne visons plus uniquement les terroristes, le gouvernement peut agir de façon générale dès qu'il soupçonne une menace, mais nous ne savons pas du tout quels critères il applique.
    D'accord, merci.
    Monsieur Miller.
    Merci d'être venu ce soir. Je voudrais vous poser des questions sur plusieurs choses au sujet desquelles vous suggérez la possibilité de violence sexuelle...
    De violation de l'intégrité sexuelle...
    D'accord. Je ne suis pas très sûr de comprendre ce que vous voulez dire par là et si je suis d'accord avec vous.
    C'est écrit dans le projet de loi. Voulez-vous le libellé exact?
    Selon moi, il est fortement possible que vous interprétiez cela de la mauvaise façon. Je vous crois, mais ce que j'essaie de vous dire, c'est qu'à titre de législateur, je ne supporte pas que qui que ce soit abuse d'une loi. Le projet de loi C-51 semble causer bien des remous. Certains ont dit que depuis le 11 septembre, le monde a entièrement changé, et que le Canada a particulièrement changé depuis huit ans.
    Le monde dans lequel nous vivons a beaucoup changé. Moi non plus, je n'aime pas cela, d'autant plus que je vais bientôt avoir des petits-enfants. Un grand nombre de personnes ont annoncé que les choses devraient changer un peu. C'est comme la sécurité dans les aéroports, je n'aime pas cela non plus. Je voyage beaucoup, comme tous mes collègues. Je déteste les procédures de sécurité, mais elles visent à assurer la sécurité du Canada.
    J'entends souvent les gens dire que ceux qui n'ont rien à se reprocher n'ont rien à craindre. Je fais juste une observation. Qu'avez-vous à dire à ce sujet?
    Ce n'est pas vrai. Même si vous ne faites rien de mal, ils peuvent dire que vous avez l'air d'un criminel. Nous avons vu ce qu'a fait le SCRS dans le cas Nuttall — je crois que c'est bien son nom de famille. Le SCRS finançait une petite cellule terroriste et poussait ses membres à planifier une attaque terroriste. Évidemment qu'il a arrêté les membres de la cellule avant qu'ils commettent le délit, mais le SCRS avait aussi contribué à les radicaliser.
    Nous voyons qu'il y a un autre groupe qui continue...
    Qui aidait à les radicaliser?
    La GRC et le SCRS.
    Vous croyez vraiment cela?
    C'est ce qu'on lit dans les journaux, à moins que tout le monde nous mente. Alors vous voyez, il y a des abus, et ce ne sont pas toujours les criminels qu'on cherche à arrêter qui les commettent. Il peut s'agir de personnes qui s'opposent à la politique gouvernementale. Il peut s'agir d'une personne que le gouvernement n'aime pas, quelqu'un qui parle trop fort et qu'il faut faire taire. Ce sont les types d'abus que les services de sécurité risquent de commettre si vous leur donnez de vastes pouvoirs sur les personnes que le gouvernement soupçonne de menacer la sécurité publique.
    Monsieur Dubé.
    Monsieur le président, permettez-moi de répéter respectueusement ce que j'ai dit hier; nous devrions éviter de débattre de nos opinions politiques avec des membres du public. Nos trois partis ont trois positions différentes, et si nous débattons de ces points de vue avec chaque intervenant, nous nous écarterons très rapidement de l'objectif de notre étude. Laissons ces personnes exprimer leurs opinions.
(1745)
    En ce qui me concerne, monsieur le président, je n'ai rien trouvé dans ce qu'a dit M. Miller qui s'écarte de cette ligne directrice.
    D'accord, merci beaucoup, monsieur O'Sullivan.
    Matthew McAdam, bienvenue à vous.
     Je n'ai pas préparé grand-chose, mais je sais que ce qui me trouble le plus dans le projet de loi C-51 a trait à la liberté d'expression. J'affiche beaucoup de choses dans les médias sociaux. On m'a dit qu'à cause de ce projet de loi, si je suggère que je n'aime pas ce que fait le gouvernement, comme simplement d'exprimer mon opinion, on peut me soupçonner de mener des activités terroristes. On peut perturber ma situation financière. On peut se saisir de mes renseignements bancaires et autres choses comme cela. C'est tout au moins ce qu'on m'a fait comprendre.
     Comme nous comptons parmi les nations les plus démocratiques au monde, on devrait laisser tous les gens dire tout ce qu'ils veulent, même si je pense que le premier ministre est un imbécile. Les gens devraient avoir le droit de dire ces choses, qu'ils parlent de Harper, de Trudeau ou de n'importe qui d'autre. Les gens devraient avoir le droit de dire ce qu'ils pensent. Même s'ils le disent d'un ton négatif — évidemment qu'il faudrait que les gens utilisent les mots qui conviennent —, on ne peut pas mettre les gens en prison pour avoir dit qu'un gars est un imbécile ou pour avoir parlé d'un ton extrêmement négatif. La liberté d'expression est vraiment importante pour assurer la transparence, pour la démocratie et pour que toutes ces choses fonctionnent aussi bien que possible. C'est ce qui me trouble le plus, l'aspect de la liberté d'expression.
    Quant à la question d'abandonner certains droits et libertés pour assurer notre protection, cela ne m'intéresse pas. Je ne vois pas grand monde essayer de mener des activités terroristes. Nous venons de parler du cas qui s'est produit en Colombie-Britannique, où la GRC essayait de radicaliser deux personnes. Ces choses font très, très peur. Que cette histoire soit vraie ou non, elle semble tout à fait possible, même si les choses ne se sont pas passées ainsi. C'est une autre chose qui me trouble dans ce projet de loi.
    Voilà, c'est tout ce que j'avais à dire.
    Monsieur Mendicino.
    Merci d'avoir fait ces observations, Matthew.
    Je voudrais vous demander qui vous a dit que l'on pourrait vous soupçonner et lancer une enquête sur vous simplement pour avoir usé de votre liberté d'expression?
    J'ai lu plusieurs articles sur le projet de loi C-51. Ces articles font peur en suggérant qu'en nous exprimant trop ouvertement, nous risquons d'être poursuivis devant les tribunaux ou d'être considérés comme des suspects ou des choses comme cela. Je ne peux pas vous citer exactement où j'ai entendu dire cela. C'est qu'en faisant un peu de recherche là-dessus, c'est ce qu'on m'a suggéré, et cela m'a fait très peur.
    Pensez-vous que l'on devrait limiter de façon raisonnable certaines expressions qui dépassent ce que la Charte permet?
    Je pense que cela dépend beaucoup de notre rôle. Les citoyens devraient pouvoir dire à peu près n'importe quoi, selon moi.
     J'adore les émissions comme South Park et Family Guy. Ils traitent de tous les sujets possibles et ils disent des choses horribles et terribles sur à peu près tout le monde, mais c'est de la liberté d'expression. C'est le monde dans lequel nous vivons. C'est ce que nous devrions faire.
    Vous avez raison. Mais si vous menacez quelqu'un de cette façon...
    Si je suis dans un train et que je menace un autre passager... Normalement on s'attendrait à ce que les citoyens s'unissent pour résoudre la situation eux-mêmes. Si vous voyez que quelque chose va mal, prenez l'initiative de corriger la situation. Je crois que c'est ce qu'on nous apprend à l'école. Peut-être que cela n'arrive plus autant dans notre société moderne, où les gens sont plus cloisonnés, mais je pense que les gens prendraient l'initiative de...
    Et si le gars fait de l'intimidation et que la situation devient dangereuse? Pensez-vous qu'il est bon que nous ayons des services de police et d'application de la loi qui maîtrisent la situation et qui assument...
(1750)
    Oui, en général c'est une chose très positive. Mais il est un peu inquiétant de donner carte blanche à des services d'application de la loi qui ont déjà tant de pouvoir, non? Je ne dis pas que nous en sommes arrivés là. Je vous dis que je m'inquiète de la possibilité d'en arriver là. Je ne veux pas que nous nous dirigions trop loin dans cette direction. Je préfère qu'il y ait plus de liberté que trop d'application des lois.
    D'accord. Mais si je comprends bien ce que vous dites, vous reconnaissez que même la liberté d'expression doit être limitée un tant soit peu si des gens dépassent ce qui est acceptable et permis par la Charte en menaçant une personne ou en encourageant d'autres gens à mener des activités terroristes. Vous ne trouveriez pas cela acceptable vous non plus, n'est-ce pas?
    Je vous dirai honnêtement que cela dépend de leur manière de parler. Le ton de la voix a beaucoup d'importance — les émotions, les choses qu'ils disent — alors il me semble qu'il s'agit de situations très particulières.
    À mon avis, nous devrions en général avoir le droit de dire ce que nous voulons, même si c'est extrêmement négatif. Je crois que les gens devraient être assez ouverts d'esprit pour savoir que vous êtes fâché ou qu'un problème vous irrite ou quelque chose comme cela. Il est possible d'aborder une situation avec beaucoup de calme. Tout dépend de la manière dont les gens décident de réagir.
    Selon moi, les gens peuvent choisir d'aborder les situations d'une bonne façon. Autrement dit, je suis convaincu que la liberté est possible.
    Je vais maintenant passer la parole à M. Miller.
    Matthew, je voudrais reprendre la question de M. Mendicino.
    Vous avez commencé à parler de la liberté d'expression. Je suis entièrement d'accord avec vous sur ce point. Cependant, je me suis senti assez mal à l'aise vers la fin de vos observations.
    Nous voulons tous la liberté. La liberté est très possible au Canada. C'est une chose excellente et très positive. Mais vous avez dit qu'un excès d'application de la loi devient extrêmement négatif. Dites-nous si vous pensez qu'il est normal que quelqu'un fasse plus que de simplement critiquer une autre personne pour une raison quelconque... ce qui arrive constamment aux politiciens, et c'est normal.
    Tout à fait. Cela fait partie des critères de leur profession.
    Oui, cela fait partie de la description de travail, pour autant que les critiques soient exprimées avec respect.
    Pensez-vous qu'il est normal, dans le cadre de la liberté d'expression, que simplement parce qu'ils sont — excusez l'expression — en joual vert à cause d'une chose que vous faites, ils vous disent qu'ils vont vous tuer, ou d'autres choses de ce genre? Selon vous, c'est acceptable?
    Je ne pense pas qu'il faille immédiatement jeter cette personne en prison.
    Ce n'est pas ce que je vous demande.
    D'accord. Je comprends ce que vous voulez dire maintenant. Vous parlez de gens qui disent des choses horribles à d'autres personnes; ils ne devraient pas le faire, parce que moralement, ce n'est pas acceptable. Je comprends. Il est évident que dans un monde idéal, personne ne ferait ce genre de choses. Mais il est évident que cela va arriver. Les gens vont agir très gentiment, et ils vont agir horriblement.
    J'ai une autre question, mais avant de vous la poser, je vais simplement dire que dans notre société — et c'est le cas depuis très longtemps — si vous vous exclamez que vous allez tuer quelqu'un ou lui faire du mal de quelque autre façon, si vous pensez qu'un policier ou une autre personne d'autorité ne va pas venir frapper à votre porte, il y a quelque chose qui ne va pas du tout dans notre société. C'est tout ce que je vais dire à ce propos.
    Je voulais aussi vous poser la question suivante: vous pouvez critiquer le premier ministre, ou un ancien premier ministre, ou moi-même, ou qui que ce soit dans Twitter ou dans Facebook. Il n'y a pas de problème tant que vous le faites avec respect. Mais trouvez-vous qu'il est normal qu'une personne critique ou insulte une autre personne dans Twitter, par exemple, en demeurant anonyme, sans se montrer ouvertement? Chaque fois que l'un de nous ici fait une observation sur un problème, on le tient responsable de cette observation parce que son nom y est rattaché. Pensez-vous qu'il faudrait appliquer cela à tous les membres de la société?
    Il est sûr que nous ne désirons pas en arriver là. Mais il existe des trolls dans Internet.
    Vous savez ce qu'est un troll, n'est-ce pas?
    Oui, bien sûr. Il y en a beaucoup, beaucoup trop.
    Ils disent des choses des plus horribles simplement par méchanceté. On ne peut pas les en empêcher. Je ne sais pas ce qu'on peut faire contre cela. Allons-nous mettre ces gens en prison à cause de leur méchanceté?
    Je comprends qu'il peut être vraiment difficile de se trouver sous les feux de la rampe, et tout. Ce n'est pas ma situation, mais je comprends. Il ne faut pas encourager les commentaires de ce genre, c'est vrai. Nous pouvons, grâce à notre système éducatif, à notre code moral et à d'autres moyens, apprendre aux gens que ce n'est pas une façon idéale d'agir, mais il y en aura toujours qui s'en ficheront. Peu importe la situation, il y aura des réfractaires. La liberté d'expression nous permet au moins d'en parler. Elle peut aussi faire ressortir des choses très irresponsables, horribles même dans la façon qu'elles sont exprimées.
(1755)
    Je vous remercie, monsieur McAdam.
    Madame Damoff.
    Je veux d'abord, Matthew, vous remercier de vous être déplacé aujourd'hui.
    Je siège également au Comité de la condition féminine, où nous nous penchons sur la cyber-violence à l'endroit des jeunes femmes et des filles. Ce que nous examinons ici, c'est le cadre de sécurité nationale, dont l'une des sections est intitulée « Capacités d'enquête dans le monde numérique » Vous parlez de terrorisme et de liberté d’expression, mais li y a aussi des femmes qui subissent du harcèlement en ligne.
    Vous ne pouvez même pas participer à certains forums si vous êtes une femme, non?
    Il y a une femme qui a poursuivi Twitter en justice, mais elle n'a pas eu gain de cause.
    Où tirez-vous la ligne lorsqu'il s'agit de liberté d’expression? Nous avons tous été harcelés par des trolls sur Twitter, mais c'est quand même différent de se faire harceler systématiquement par quelqu'un. Ces gens pourraient considérer qu'ils exercent leur liberté d’expression.
    Comment proposez-vous que nous, en tant que gouvernement, tracions cette ligne? Il est parfois plus facile de voir les limites lorsqu'il est question d'une menace terroriste, mais dans le cas d'une jeune fille qui subit un harcèlement, à partir de quel point la police devrait-elle enquêter et s'en mêler?
    C'est certainement une question difficile.
    Je dirais qu'il faut définitivement y aller au cas par cas. La plupart du temps, c'est de harcèlement sexuel qu'il s'agit. Je pense que la plupart des gens trouvent que c'est inacceptable et qu'il faut certainement enquêter.
    Pensez-y quand même comme il faut, parce que nous avons des forces policières… Nous devons légiférer dans ce domaine. Peut-être pourriez-vous réserver votre réponse et y songer plus longuement, parce que je constate sans cesse que, lorsque je formule la question dans ce contexte, les gens disent que nous ne devrions pas le permettre.
    L'argument est bon, mais le harcèlement sexuel a des effets sur ses victimes qui durent toute leur vie. Si vous traitez quelqu'un d'imbécile ou lui lancez une insulte du genre sur Twitter, c'est tout à fait différent du harcèlement sexuel. La situation est complètement différente, je dirais. Il faut qu'elle soit examinée parce qu'elle a un caractère plus grave qu'un désaccord politique. C'est essentiellement dans cet esprit que je formulais mon argument.
    D'accord. Merci.
    Je vous remercie, monsieur McAdam.
    Je demanderais aux membres du Comité d'éviter de se lancer dans des discussions avec nos témoins, qui sont ici pour présenter leurs opinions et répondre à nos questions.
    Vous vous êtes bien tiré d'affaire. Vous étiez désavantagé par le fait que l'auditoire était peu nombreux, ce qui nous a permis de vous consacrer plus de temps…
    J'ai toute la soirée.
    Vous vous êtes bien tiré d'affaire. Je vous remercie.
    James Lloyd est notre prochain témoin.
    Je m'excuse à l'avance. Je ne savais pas que je devais prendre la parole. Je ne suis pas du tout préparé. Je n'ai que quelques notes.
    Je sais que beaucoup d'excellent travail a été accompli jusqu'à présent par divers organismes, beaucoup de documents qu'on peut trouver sur l'Internet. Bon nombre d'organismes, d'entreprises, de journalistes, s'opposent à ce texte législatif. Il touche de nombreuses personnes, des personnes ordinaires en plus, si bien que je pense avoir mon mot à dire sur le sujet. J'aimerais m'attarder sur quelques éléments clés avec lesquels je suis en désaccord.
    Vous avez beaucoup parlé de la liberté d'expression, et je me contenterai donc d'effleurer le sujet. Je ne suis pas convaincu que le fait de limiter davantage la liberté d’expression des gens contribuera nécessairement à empêcher le terrorisme. Nous avons déjà des lois qui régissent bien des situations dont nous discutons, et c'est bien ainsi. Je pense qu'il y a un juste milieu en matière de liberté d’expression.
    Le problème de ce nouveau texte législatif, c'est l'imprécision de sa terminologie, notamment du terme « terrorisme ». C'est le fait qu'il ne soit pas nécessaire d'avoir l'intention de susciter le terrorisme, sans poser un geste en ce sens. Vous pourriez, par inadvertance, dire quelque chose qui aurait des suites auxquelles vous seriez relié. C'est très vague et beaucoup d'expressions, comme « dans l'intérêt public », sont très arbitraires. Je ne crois pas que cela vaut l'accroissement marginal de la sécurité publique qui pourrait en résulter.
    Si vous êtes un terroriste et savez que ces lois existent, vous n'allez pas faire état de vos complots dans vos messages textes. Vous n'allez pas en parler sur Facebook. Quels genres de terroristes visons-nous ici? Ceux qui parlent de leurs projets, les imbéciles? Je ne vois pas que ce texte législatif puisse aider sur ce plan, mais il a certainement un effet paralysant sur nous tous.
    Si vous vous attardez au mot « terrorisme », non à sa définition juridique, vous retrouvez le mot « terreur », qui signifie la peur. La peur est un moyen de contrôler les gens, et l'effet paralysant dont je parlais suscite la peur. Cela, en soi, constitue une sorte de terrorisme, un terrorisme exercé sur l'ensemble de la population.
    Partager les renseignements de sécurité… Je comprends que le SCRS veut des renseignements et qu'il est sensé les partager avec différents organismes. Cependant, plus les renseignements sont partagés, moins ils sont sécurisés. Il y aura toujours des gouvernements, des institutions, des particuliers et des pirates informatiques qui chercheront à y accéder. Si toutes ces institutions ont accès à tous les renseignements, ceux-ci seront plus difficiles à protéger et les risques de fuites seront accrus, de même que l'ampleur des fuites éventuelles. En voulant renforcer la sécurité, d'entrée de jeu on soulève beaucoup de questions touchant à la protection de la vie privée et à la sécurité. C'est un peu comme un cercle vicieux.
    Accroître les pouvoirs du SCRS… J'aime rappeler aux gens que le SCRS a été créé en 1984 parce que la GRC avait acquis des pouvoirs d'espionnage et en avait abusé, ce qui avait provoqué une grande colère dans le public. Le gouvernement a mis sur pied le SCRS pour qu'il y ait deux organes séparés, l'un pour le renseignement de sécurité, l'autre pour l'application de la loi. La proposition d'accorder des pouvoirs supplémentaires au SCRS va à l'encontre de la leçon que nous avons apprise, ou aurions dû apprendre.
    Pas de consultation publique… Personne n'a consulté le public au sujet de la diminution de la protection de la vie privée. Personne n'a sondé les gens pour savoir s'ils pensaient qu'il valait la peine de restreindre nos libertés en échange d'une illusion de sécurité ou s'ils acceptaient qu'on puisse les espionner ou même pour savoir comment le tout serait contrôlé. Le Parlement s'est fait forcer la main pour adopter ces mesures par le truchement d'un projet de loi omnibus, façon typique de procéder d'un gouvernement pas trop honnête. Je mentionne, avec une pointe d'ironie, que Harper lui-même avait jadis prononcé un discours dénonçant les projets de loi omnibus. Mais voilà que je m'écarte de mon sujet et, de toute façon, vous savez déjà, pour la plupart d'entre vous, qu'il arrive que les politiciens manquent d'intégrité et de continuité.
    J'ai quelques autres observations à faire.
(1800)
    Avez-vous des observations pour conclure?
    J'ai quelques observations.
    Le processus d'appel pour faire rayer son nom de la liste d’interdiction de vol est secret. Il est très difficile de préparer une défense. Je pense que cela pose des problèmes juridiques.
    Je signale l'extrême faiblesse de la surveillance publique du SCRS, organisme très vaste, aux pouvoirs accrus, mais chapeauté par un très modeste comité de surveillance. Je pense qu'il doit y avoir un équilibre.
    C'est tout ce que j'ai à dire.
    Je vous remercie. Malgré ce que vous disiez, vous ne semblez pas mal préparé.
    Y a-t-il des questions pour M. Lloyd?
    Merci beaucoup.
    La parole est à Tavis Ford.
     Moi aussi je présente mes excuses. Tout d'abord, je vous remercie d'avoir organisé cette réunion. Voue êtes plus nombreux que nous... [Note de la rédaction: inaudible]
    Je vous remercie d'être ici. C'est hier seulement que j'ai pris connaissance de cette réunion, mais j'avais décidé de rencontrer le premier ministre à ce sujet pendant son passage à Calgary. Banderole en main, je l'ai rencontré et lui ai demandé de ne pas se ranger du côté de Harper dans ce débat. Nous avons discuté pendant trois minutes, ce qui était très bien. Pour la première fois, j'ai senti que nous étions en démocratie.
    Je me présente à cette réunion en tant qu'activiste des droits humains. Je suis un activiste environnemental. J'ai travaillé avec Greenpeace. Je me suis fait arrêter dans les sables bitumineux. J'arrive ici en tant que personne qui respecte les droits humains, les promeut et les défend autant que possible.
    Mes arguments sont habituellement de nature émotive, et je ne suis pas en mesure de discuter des différents textes législatifs parce que je ne les ai pas tous lus, ce qui est en soi intéressant. Si un citoyen qui est engagé comme je le suis n'a pas lu les textes législatifs auxquels il est pourtant assujetti, c'est une chose curieuse en effet.
    Dans quelle sorte de démocratie sommes-nous qui permet que ce projet de loi ait été adopté par un gouvernement, le gouvernement Harper — qui n'est pas le gouvernement canadien, apparemment —, qui est connu pour sa manière autoritaire de légiférer, que ce soit au moyen de projets de loi omnibus ou de débats tronqués… Ce projet de loi est l'un de ceux qui n'a pas fait l'objet d'un large débat public, comme cela aurait dû être le cas.
    Même la Charte canadienne des droits et libertés prévoit que, s'il y a une restriction de nos droits, cette restriction doit être la plus faible possible.
    Ici à Calgary, j'ai participé à Occupy… Bien sûr, puisque je suis un activiste. L'une des choses qui a restreint notre liberté d'expression, notre désobéissance civile pour ainsi dire, c'est l'idée que nous ne devions pas marcher sur la pelouse. Nous avons eu une discussion à ce sujet à Calgary. Des gens de l'ordre des avocats et d'autres nous ont parlé du besoin de contourner les pelouses tout en exerçant notre liberté d'expression. La ville a invoqué ce règlement des plus insignifiants pour brimer nos droits garantis par la Charte. Peut-être devons-nous quitter nos campements pour diverses raisons. Je ne veux pas entrer là-dedans. Mais ici, le plus léger des méfaits sert de prétexte pour porter atteinte à la Charte des droits et libertés.
    Partout au monde, il y a des gens qui luttent pour leurs droits, des droits fondamentaux que nous tenons pour acquis. Il est certain que nous les tenons pour acquis, de même que les parlementaires qui ont adopté ce projet de loi. Mais peut-être ne les tiennent-ils pas pour acquis et ont-ils fort bien compris ce que signifiait ce projet de loi.
    À l'heure actuelle, il est question de l'EIIS et de l'EIIL. C'est d'eux dont nous parlons, Ils sont les « bogeymen ». Soit dit en passant, je vous invite à vérifier le sens premier de « bogeymen ». C'est les Indonésiens indigènes qui s'opposaient à la domination anglaise, ce qui est curieux.
    Que se passe-t-il quand nous avons au pouvoir un gouvernement qui n'est pas tellement bienveillant, dirigé par un premier ministre qui est mal coiffé et qui n'a pas de bons rapports avec tout le monde? Que se passe-t-il quand le terrorisme consiste à bloquer un oléoduc en raison de l'impératif moral de préserver l'avenir, de protéger l'environnement pour les générations futures?
    Disons que nous polluons une source d'eau avec nos égouts et que quelqu'un décide qu'il est important d'enfreindre une loi mineure pour faire respecter une loi supérieure. Une telle action pourrait, en vertu de la loi actuelle, être tenue pour un acte de terrorisme, ce qui donnerait à la GRC et au SCRS l'occasion de s'en mêler. Ils peuvent enquêter à notre sujet. Ils peuvent nous surveiller, nous mettre sur écoute, nous arrêter à titre préventif sans mandat, pour un acte de désobéissance civile.
(1805)
    Cela est vrai pour les droits des Autochtones et s'applique aux Autochtones de ce pays qui cherchent à faire respecter leurs droits. Je dirais que ce texte législatif a été, en fait, appliqué de façon tatillonne afin d'anticiper, de prévenir, de circonvenir, ce genre d'activité. Il vise à empêcher la désobéissance civile et l'opposition à l'État.
    Chris Hedges a déclaré… Bon, j'ai perdu mon texte. Ah! Le voilà.
    Il vous reste cinq minutes.
    Chris Hedges a déclaré:
Si ce projet de loi n'est pas bloqué, il n'y aura aucun frein au pouvoir de l'État. L'appareil de sécurité de l'État fonctionnera en dehors de la légalité. Des citoyens seront condamnés sur la foi de preuves secrètes par des tribunaux secrets. Ils seront sujets à des fouilles, des perquisitions et des arrestations arbitraires. L'application régulière de la loi disparaîtra. Les organes de sécurité intérieure seront à la fois juge, jury et exécuteur. Les formes extérieures de la vie démocratique — élections, concurrence des partis politiques, contrôle judiciaire et législation — demeureront, mais elles ne seront plus que les formes vides de sens du théâtre politique. Que les services de sécurité deviennent omnipotents, ceux qui contestent les abus de pouvoir, qui dénoncent les crimes du gouvernement, seront traités en criminels. L'État totalitaire inverse toujours l'ordre moral. Ce sont les méchants qui règnent.
    Je terminerai là-dessus.
    Je reviens sur l'idée de la restriction la plus faible possible de nos droits… Quand il s'agit d'intimidation en ligne, je ne pense pas qu'elle nécessite un redressement préventif. Je ne pense pas qu'elle justifie d'élargir les pouvoirs du SCRS au moment même où nous devrions les circonscrire. Personne ne dit: « On nous espionne sur toute la ligne ». Plutôt que de contrôler et de réfréner cet espionnage, nous l'avons en réalité étendu. C'est absurde. Plutôt que de mettre la bride aux services de sécurité, plutôt que de réfréner nos activités à l'étranger où nous favorisons des guerres étrangères et le terrorisme dans un certain sens; c'est un argument beaucoup plus puissant de ne pas l'avoir ici, peut-être. Plutôt que de renforcer nos droits et de baliser ceux des services de sécurité — la police, la GRC, le SCRS et ainsi de suite — nous les avons, en fait, étendus. Il ne s'agit plus d'une restriction de nos droits la plus faible possible.
(1810)
    Je vous remercie, monsieur Ford.
    Y a-t-il des questions?
    Madame Watts.
    Je vous remercie de vos observations bien senties.
    Quand vous parlez de l'accroissement des pouvoirs, moi je veux parler de l'OTAN, de nos alliances au sein de l'OTAN, avec nos alliés. Êtes-vous en train de dire que nous devrions nous retirer de la scène mondiale, vivre à l'intérieur de nos frontières en jouissant de nos droits et libertés, mais sans regarder à l'extérieur ni aider qui que ce soit?
    Je suis heureux de cette question. Non, c'est certainement un élargissement de cette discussion. Non, absolument pas. Nous ne devrions pas regarder vers l'intérieur seulement, mais quand nous allons à l'étranger, qu'est-ce que nous envoyons? Envoyons-nous des médecins, de l'aide humanitaire? Notre aide humanitaire vient-elle dans un corset économique? Est-ce qu'elle suppose que nous vous donnerons, par exemple, des moyens d'exploitation minière seulement si vous ouvrez vos marchés à nos entreprises? En fait, c'est ainsi que nous agissons. Nous disons: « Nous vous donnerons ceci à condition que vous permettiez que…» — donnez-moi un nom… Gold Inc., je pense, je ne me souviens plus — « ait un accès non réglementé à vos ressources environnementales. » C'est ce que nous faisons. Cette façon d'agir fait naître un antagonisme à l'endroit du Canada.
    Quand nous allons en Iraq, qu'est-ce que nous faisons en Iraq? Qu'est-ce que nous faisons en Syrie? Avons-nous eu un débat public à ce sujet? Non. En fait, les Canadiens ont dit clairement à la dernière élection, à celle d'avant et à celle avant celle-là: « Nous ne voulons pas y aller », mais le gouvernement Harper a décidé que nous y allions de toute façon.
    Ce n'est pas vrai.
    Ce n'est pas vrai?
    Non, nous ne sommes pas…
    Quel est le gouvernement qui a décidé que nous y allions?
    Bon. Quoi qu'il en soit, nous pouvons reprendre ça à une autre occasion.
    Nous n'allons pas nous lancer dans une discussion politique…
    Ma question était posée dans le contexte de vos remarques, parce que des atrocités et des génocides se produisent partout au monde. Si nous fermons les yeux et nous refusons d'aider ces gens — je parlerai des Yézidis et des femmes et des enfants qui se font massacrer — nous avons l'obligation morale d'aider ces enfants, ces femmes et ces familles. Ça prendra un peu plus que l'envoi de médecins.
    Oui, mais le temps d'agir n'est pas quand les choses se sont gâtées. Pour nous, le moment d'intervenir en Syrie et en Iraq, ce n'était pas il y a 15 ans dans une guerre contre le terrorisme, guerre illégale d'ailleurs, mais ça, c'est une autre question. Le moment d'agir était antérieur. Le moment était…
    Le gouvernement à l'époque n'a pas agi, cependant.
    Il était un temps où le Canada était une moyenne puissance bien honnête dont l'influence était plus grande que son poids et qui envoyait des soldats chargés du maintien de la paix, des Casques bleus, munis de mandat des Nations Unies. C'était une époque où nous n'admettions pas tacitement la torture.
(1815)
    Nous ne l'admettons pas plus aujourd'hui.
    De fait, le dernier gouvernement allait être accusé… Il y avait des motifs raisonnables pour traduire en justice des membres de ce gouvernement pour crimes de guerre, pour avoir emmené des gens…
     [Note de la rédaction: inaudible]
    Non, permettez-moi de terminer. Pour avoir emmené des gens en Afghanistan et avoir permis de les envoyer dans des prisons où il y avait un risque crédible qu'ils soient torturés… Même ça, c'est un crime de guerre. Savoir que la torture est possible dans tels lieux de détention et quand même y envoyer des gens, c'est un crime de guerre. Plutôt que de laisser dévoiler cette information et de permettre que la question soit débattue au grand jour, le gouvernement a préféré — pas pour cette seule raison, évidemment — proroger le Parlement.
    Nous voyons le Canada qui s'égare. Plutôt que de demeurer un honnête courtier, nous soutenons maintenant des interventions impérialistes. Nous sommes le valet des États-Unis. Nous avons des obligations dans l'OTAN et ainsi de suite, mais il y a des moyens de s'en acquitter tout en respectant les droits et les lois les plus élevés sans céder à la première occasion, sans s'engager à bombarder parce que c'est commode et sans envoyer des chasseurs-bombardiers parce que c'est le moins qu'on puisse faire.
    Je vous ai entendu.
    Monsieur Mendicino.
    Merci, Tavis, de vos remarques. J'en retiens un thème central qui est, je pense, le fil conducteur de l'essentiel de votre intervention, à savoir qu'il doit y avoir des freins et contrepoids au pouvoir de l'État. Je pense que tous les membres du Comité seraient en accord avec cette proposition.
    Vous avez dit n'avoir pas eu l'occasion de lire tous les textes législatifs du dossier de la sécurité nationale, et c'est l'une des raisons qui nous amènent à tenir cette consultation publique: engager le dialogue sur ce sujet avec des gens comme vous et tous les autres qui sont ici.
    Je me demande si vous êtes au courant que certaines des limitations sont déjà prévues dans la législation. Par exemple, la définition de l'activité terroriste précise qu'il « est entendu que sont exclues les activités de défense d’une cause, de protestation, de manifestation d’un désaccord ».
    Êtes-vous au courant de cela?
    Je n'en suis pas tout à fait au courant.
    Qui définit la « protestation »? Qui définit la « protestation licite »? Est-ce le gouvernement? Parce qu'il s'agit d'un droit inaliénable.
    De toute évidence, cela peut se discuter entre les responsables de l'application de la loi, les tribunaux et les décideurs gouvernementaux, mais je me demandais si vous étiez ou non au courant que certaines des limitations qui vous intéressent ou vous préoccupent sont déjà prévues dans la législation.
     L'autre point que j'ai retenu de vos commentaires concerne la torture ou la menace contre l'intégrité physique des personnes. Je ne fais aucune affirmation quant à l'état de perfection du projet de loi C-51. Ici encore, l'une des raisons de notre consultation est de promouvoir la discussion à ce sujet. Saviez-vous qu'il y a des dispositions dans la loi, telle qu'elle existe aujourd'hui, qui limitent les mesures que pourraient prendre le SCRS, par exemple, et qui interdisent les sévices ou actes de torture, à peu près dans la ligne de ce que vous préconisez? Quelles sont vos pensées à ce sujet?
    Je sais que certaines modifications ont été apportées avant l'adoption du projet de loi, certaines modifications mineures. Je suis heureux qu'il n'ait pas été adopté dans sa version initiale.
     J'estime qu'il n'y a pas eu un débat public suffisant, ni un processus de révision assez vigoureux. De fait, 150 juges et avocats ont rédigé une lettre publique exposant certains des problèmes que soulève le projet de loi C-51.
    Comment se fait-il que les gens engagés dans l'appareil judiciaire et dans la société civile n'aient pas été consultés à ce sujet? Pourquoi soulèvent-ils ces problèmes? Pourquoi le texte législatif est-il rédigé en fonction du SCRS et de la GRC, plutôt qu'en fonction de tous ceux qui sont concernés, surtout qu'il s'agit de droits emportés de haute lutte au cours de plusieurs siècles?
    Je ne suis pas certain de bien répondre à votre question, mais le fait que je ne connaisse pas toutes ces modifications… J'ai de nouveau l'impression qu'il s'agit comme tel d'un projet de loi omnibus sur la sécurité. La meilleure façon de procéder, vu l'approche adoptée par l'ancien gouvernement, qui était problématique, serait d'abroger cette loi et de recommencer à neuf, avec consultations de tous les secteurs de la société civile, et non seulement en fonction des désirs de l'appareil de sécurité de l'État, qui veut toujours tout.
    Je vais céder la parole à M. Miller, puis à M. Dubé. Nous nous efforcerons d'être brefs.
    Je n'ai pas de question à vous poser, Travis, vous pouvez donc vous asseoir. J'ai toutefois certains de vos propos à rectifier.
    Tout d'abord, le gouvernement de Jean Chrétien a refusé d'intervenir en Irak. Celui de Stephen Harper a clairement fait savoir que nous n'interviendrions pas dans ce pays. Chrétien a envoyé des Canadiens en Afghanistan en 2002 et je pense, en tant que Canadien, que ce n'était pas ce que nous voulions, mais que c'était la bonne chose à faire. Dix ans plus tard, le gouvernement précédent a retiré les troupes de ce pays. Un garçon de ma ville natale y avait trouvé la mort.
    Quand j'ai contesté vos propos à ce sujet, vous avez dit: « Ah bon, ce n'est pas exact? » Ce que je veux faire ressortir, c'est que, même si vous vouez une passion au projet de loi C-51 et à d'autres sujets — vous êtes un homme intelligent —, quand vous affirmez des faussetés sur une question comme celle-ci, vous perdez beaucoup de crédibilité. Ce n'est qu'un conseil en passant.
    Vous avez aussi parlé de proroger la session pour permettre la torture en Afghanistan. Aucun politicien de quelque parti que ce soit n'a sanctionné la torture ou en avait connaissance. Malheureusement, parfois, les militaires... se retrouvent dans des situations ou autre, peu importe, et je ne vais pas l'excuser, mais ces choses peuvent arriver. Nous en connaissons tous l'histoire. N'accusez donc aucun gouvernement de ce genre de choses, car aucun politicien décent — et je pense que la plupart le sont — ne le permettrait en pleine connaissance de cause.
    Je vous redonne la parole, monsieur le président. Merci.
(1820)
    Monsieur Dubé.
    Depuis que nous avons décidé d'en débattre, je vous entends parler des prisonniers afghans. Ce problème n'est pas réglé, contrairement à ce que nous entendons, et nous continuons à soulever la question. Je l'apprécie.
    En outre, si nous décidons de défendre le projet de loi, je tiens à dire que j'étais ici durant la dernière législature et que j'ai voté contre le projet de loi C-51. Je suis fier d'avoir appuyé un projet de loi pour l'abroger. Je vous remercie d'avoir soulevé la question de la torture, car il y a une directive ministérielle qui existe toujours et à propos de laquelle nous nous sommes renseignés. La directive ouvre la porte à l'utilisation des renseignements obtenus par la torture et je pense que c'est un volet important de la question; je vous remercie donc d'avoir soulevé ce point.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    Je veux simplement rappeler que, si vous voulez soumettre quelque chose au Comité, vous pouvez le faire directement en ligne sur le site web du Parlement dans l'espace consacré à ce Comité. Nous recevrons des mémoires sur papier. Je vous invite à le faire pour des choses auxquelles vous n'aviez pas pensé.
    Merci beaucoup, monsieur Ford.
    Madame Duncan, c'est à vous.
    En fait, je ne me suis pas inscrite pour prendre la parole quand je suis arrivée, car je ne voulais qu'observer. Je crois fermement que la façon dont le projet de loi C-51 a été mis en oeuvre va à l'encontre de la vision que j'ai du Canada dans lequel j'ai grandi.
    Nous avons l'occasion de nous imposer et de fonctionner aisément et non apeurés. Nous nous sommes perdus en chemin. Nous avons commencé à carburer à la peur et à la dominance sans inclure tout le monde et ce n'est pas ce que je comprends du Canada.
    Je sais que le monde a beaucoup changé et que je suis peut-être naïve. Mon sujet de maîtrise portait sur le fait de raviver la démocratie. J'ai repris les idées de Jefferson selon lesquelles un peu de perturbation permet en fait de maintenir la démocratie en équilibre. Je suis entièrement convaincue que, si nous ne sommes pas assez ouverts pour permettre qu'une perturbation se produise, les choses se compliqueront davantage comme nous l'avons tous constaté dans le monde d'aujourd'hui. Il est évident, quant à moi que, lorsqu'on on étouffe les gens, la menace risque de surgir sous une autre forme.
    J'ai choisi de m'exprimer, car certaines questions sur la violence systémique me tiennent vraiment, mais vraiment à coeur. Nous ne sommes pas assez sensibilisés à l'effet que notre violence structurelle a sur chacun. Je vais maintenant passer à une échelle plus petite. Je vais parler en tant que femme. Je vais expliquer comment nous n'avons pas d'équilibre en raison de notre incapacité innée d'être présents et d'entretenir un dialogue complet dans un endroit ouvert et sécuritaire.
    Quand je suis arrivée, il était question des mesures à prendre pour protéger les jeunes des menaces sur Internet. J'ai été attaquée au couteau par un délinquant sexuel récidiviste. Les policiers ont été stupéfaits que j'en sois sortie vivante. Je me suis adressée à mon agresseur comme personne simplement et sans violence.
    Ce qui a été pire que mon agression, ce sont les démarches dans notre système judiciaire et pire encore, l'obtention de ma maîtrise. Tous les jours, dans nos bureaux, dans nos universités, la nécessité de demeurer logique, les pieds sur terre et l'esprit clair quand une personne en position d'autorité verse dans l'émotion ne nous mène pas vers la clarté ni vers un environnement d'égalité.
    Je ne prévoyais pas de prendre la parole aujourd'hui, mais j'y ai été poussée par un événement. Dans le cadre de mon processus de guérison, et il y a toutes sortes de travaux de recherche à ce sujet, j'ai appris que, lorsqu'on a peur, il est impossible de réfléchir. Alors, toute cette question revenait à notre façon de définir « en ligne ». Je suis très inquiète pour nos politiciennes. Le nombre de menaces que nos députées et notre première ministre reçoivent ici en Alberta me préoccupe beaucoup.
    Il est difficile de demeurer les pieds sur terre et de faire du bon travail quand on est constamment bombardés. Il est difficile de rester dans un espace d'ouverture, à l'écoute des autres, quand on est constamment bombardés. Les hommes — certains, pas tous — n'ont peut-être pas eu l'occasion de permettre à leurs systèmes nerveux d'évoluer pour se mettre à écouter et à être inclusifs plutôt qu'à argumenter.
    Je sais que ce n'est probablement pas le niveau de dialogue que vous souhaitiez aujourd'hui, mais je vous invite à prendre en compte ces points de vue avant d'aller de l'avant. Je me rallie à l'idée de Tavis pour ramener l'ancien document, car j'ai un certain attachement à la Charte des droits et libertés compte tenu de la façon dont les femmes ont été impliquées. La façon dont les choses se sont déroulées est marquée au sceau du courage et de la fierté canadienne. Réfléchissons à la possibilité de revenir à ces principes, avant que le modèle de dominance ne fasse son apparition et ne balaye du revers la plupart des personnes pour régner en maître non disposé à écouter, mais apte à agir en notre nom.
    Revenons à l'inclusivité et passons à cette recherche. Penchons-nous sur ce qui se passe avec une charge d'émotion. Démystifions la structure du cerveau et le tronc cérébral pour comprendre la raison pour laquelle les gens ne peuvent entretenir un dialogue clair parce qu'ils sont chargés d'émotion. N'ayons pas peur d'aller plus loin et de faire des choses profondes et vraiment canadiennes, parce que nous devons prendre le devant de la scène mondiale. À l'heure actuelle, c'est très laid ici.
(1825)
    Merci, madame Duncan.
    Des questions?
    Madame Damoff.
    Puis-je faire un commentaire?
    La ministre de la Condition féminine mène actuellement des consultations au sujet de la violence faite aux femmes et aux filles et je vous encourage à présenter un mémoire à ce Comité.
    D'accord.
    Quand j'étais en Europe, après avoir été attaquée avec un couteau par un délinquant sexuel récidiviste — mon mari est européen — j'ai fait tout ce que je pouvais. J'ai cogné à la porte de chaque ministère. J'ai inscrit sur un bout de papier toutes les démarches que j'ai faites auprès du gouvernement canadien pour obtenir le droit d'emmener mon conjoint pour me soutenir afin que cette personne reçoive le traitement qu'elle mérite. J'ai été davantage dévastée et traumatisée par notre processus judiciaire et par l'inertie des gouvernements fédéral, provincial et municipal que par le fait d'avoir un couteau sur ma gorge et d'être en mesure [Note de la rédaction: Inaudible] et c'est une constatation assez terrifiante.
    Mme Pam Damoff: Nous en avons entendu parler...
    Mme Tammy Rose Duncan: Donc, prenez note qu'il y a une certaine violence structurelle et qu'il faut étudier la question. À mon avis, il faudrait que ce soit les universités, les institutions municipales qui le fassent. L'hypothèse qui est émise ici, c'est-à-dire que nous ne pouvons parler de la structure du cerveau et de l'émotion ainsi que de la différence entre une accusation et la personne qui s'enferme inconsciemment dans un dialogue intérieur quand l'agresseur est mis en accusation, est vraiment un problème.
    Merci de votre courage et de votre présence ce soir.
    D'autres questions?
    En fait, j'invite les gens à se calmer, car je pourrais vous avoir attaqués avec ma déclaration. Je veux vraiment que vous respiriez profondément, que vous ne vous offensiez pas et que vous me posiez des questions, car je me sens assez à l'écart parce que je suis allée sur ce terrain.
    N'associez pas le respect que nous avons pour votre récit à du dédain. Je pense que ce que vous entendez, c'est du respect pour votre vécu. Nous aurons peut-être besoin d'un certain temps pour assimiler le tout, mais nous le ferons.
(1830)
    Merci.
    Merci beaucoup.
    La liste des personnes qui ont demandé de prendre la parole ce soir est épuisée.
    Je suggère que nous prenions une pause de 15 minutes. S'il y a d'autres personnes, ou si vous avez d'autres idées, revenez dans 15 minutes. Nous vérifierons et si personne d'autre ne se manifeste, nous ajournerons la séance.
    Merci de participer à nos travaux. Nous sommes des politiciens et nous aimons donc dialoguer et débattre. C'est notre pain quotidien. Nous vous avons mis à l'épreuve ce soir et vous vous en êtes très bien sortis.
    Nous allons suspendre la séance pendant 15 minutes, puis nous reprendrons les travaux.
(1830)

(1845)
    Je déclare la séance ouverte.
    Une autre personne a demandé de prendre la parole, Selene Granton.
    Toutefois, je céderai la présidence à M. Miller pour cette partie de la séance.
    Je m'assoirai de ce côté-ci.
    Bien, merci, monsieur le président. C'était en quelque sorte un peu subit.
    Allez-y, madame Granton, pour trois à quatre minutes.
    J'ai [Note de la rédaction: Inaudible] parler en public et j'ai parfois de la difficulté à faire passer mon message. De toute façon, d'après ce que je comprends, les projets de loi comme le projet de loi C-51, le renforcement de la sécurité nationale et d'autres choses du genre ont un lien avec certains des événements survenus dans le monde. Je suis curieuse de savoir ce que le gouvernement fait pour traiter les causes fondamentales du problème, pour intervenir proactivement plutôt que réactivement.
    Je suis native du Mexique où j'ai grandi. Je sais que, parfois, si le gouvernement resserre les mesures de sécurité, le pouvoir peut devenir un peu incontrôlable. Puis, les gens commencent à se rebeller davantage, d'où un cercle vicieux qui ne cesse de se resserrer.
    J'aimerais savoir ce que le gouvernement entend faire pour donner suite à ces causes fondamentales. Est-ce qu'il prévoit d'améliorer le système scolaire afin que les habitants deviennent de meilleurs Canadiens, qu'ils sachent différencier le bien du mal et qu'ils puissent devenir de meilleurs citoyens?
    Au risque de causer la polémique, je veux simplement attirer votre attention sur l'une des initiatives envisagées dans le contexte élargi de la consultation publique, soit la création d'un bureau communautaire de sensibilisation et de lutte contre la radicalisation qui se pencherait, à mon avis, sur certains des problèmes sous-jacents à la radicalisation ou à la violence.
    À nouveau, il y a des endroits où vous pouvez vous renseigner au sujet de ces initiatives en particulier, mais ce Comité a été chargé d'envisager cette possibilité.
    Est-ce que cela répond à votre question?
    Un peu.
    Vous dites qu'il y a des endroits où je peux me rendre pour me renseigner. Souvent, nous ne savons pas où aller. Je travaille pour un organisme à but non lucratif et nous enseignons aux gens comment sortir du cycle de la pauvreté [Note de la rédaction: Inaudible], car ils ne savent même pas où se rendre pour se renseigner.
    J'espère que l'initiative visera autre chose que d'amener les gens à dire qu'ils vont se renseigner, spécialement [Note de la rédaction: Inaudible]
    Monsieur le président, vous autoriserez peut-être un peu de latitude, car il semble y avoir là une demande assez directe de renseignements supplémentaires.
    Je ne veux pas vous laisser sous l'impression qu'une discussion à ce sujet ne nous intéresse pas. C'est seulement que nous essayons de recueillir plus de points de vue et de perspectives sur la position du public face à la sécurité nationale et au projet de loi C-51. Or, les délibérations ne se limitent pas à ces deux sujets. Par exemple, plus tôt aujourd'hui, un témoin qui a beaucoup étudié la lutte contre la radicalisation a prouvé au Comité que nous devrions examiner les problèmes sociaux sous-jacents et les mesures que nous pourrions prendre pour que les jeunes et les femmes comprennent mieux d'où proviennent les menaces propices à la radicalisation. Ces deux catégories de la collectivité, ou du public, élargi n'ont pas été pleinement habilitées.
    Je lui ai posé des questions à ce sujet et je lui ai demandé s'il avait des stratégies à proposer au Comité dans le cadre de son étude et de ses consultations pour appliquer plus efficacement ces stratégies. Il nous a laissé entendre qu'il fallait collaborer avec les dirigeants communautaires et a précisé que nous devions les faire participer directement afin de pouvoir bâtir la confiance et la bonne volonté et de comprendre les points de vue des collectivités relativement aux efforts que nous déployons pour lutter contre la radicalisation et nous efforcer d'assurer la sécurité de nos collectivités, mais également pour respecter les diverses cultures ainsi que les valeurs et les droits enchâssés dans la Charte.
    Je pense que vous serez très intéressée à prendre connaissance des témoignages et de notre étude. Entretemps, vous pourrez visionner en direct le témoignage probablement dans les prochaines 48 heures. Je vous encourage à lire certains des propos entendus hier et aujourd'hui.
(1850)
    Merci, je le ferai.
    Merci, monsieur Mendicino.
    Madame Watts.
    Revenons sur ce que nous disions quant au fait de recueillir des renseignements auprès du grand public et de certains témoins. Un autre universitaire nous a dit que la radicalisation est une infime partie du problème d'ensemble. Un témoin nous dit une chose et un autre, quelque chose d'autre. Je pense que nous n'irons nulle part sans nous pencher sur les causes fondamentales de tout ce qui se passe. Qu'il s'agisse de violence envers les femmes, de violence envers les garçons ou de radicalisation, nous devons nous rendre aux racines. C'est la seule façon de briser ces cycles. Il faudra que la collectivité et les trois paliers de gouvernement unissent leurs forces à cette fin et établissent une véritable collaboration.
    Un seul gouvernement ou un seul palier de gouvernement ne parviendra pas à régler tous ces problèmes dans une seule vie. Cela nous incombe à nous tous. Au cours des derniers jours, j'en suis arrivée à penser, pendant que les discussions se poursuivent, que nous parviendrons à nous assurer toute la participation dont nous avons besoin. J'espère qu'il en sera ainsi, car, comme je l'ai dit, à moins de commencer à nous attaquer aux causes fondamentales, rien ne changera. À cette fin, il faut que chacun d'entre nous exerce un sens des responsabilités en tant que citoyen de ce pays.
    D'accord, merci.
    Madame Granton, puis-je vous demander depuis combien de temps vous êtes au Canada?
    Douze ans, mais mon père est Canadien et toute la famille est donc ici. Pendant ma jeunesse, je passais mes vacances ici.
    Très bien. De toute manière, bienvenue au Canada.
    Y a-t-il quelqu'un d'autre dans la salle qui n'a pas eu la chance de prendre la parole et qui aimerait le faire? Y a-t-il quelqu'un qui a déjà témoigné et qui a oublié un point qu'il voulait soulever, ce qui peut arriver à tout le monde?
    Tavis.
    Le fils d'une de mes amies ici à Calgary — je pense qu'il devait avoir 15 ou 16 ans à l'époque — a été emprisonné à Edmonton, ayant été radicalisé par le groupe État islamique. Les autorités craignaient qu'il quitte le pays. Sa mère est blanche et non musulmane et il a été radicalisé. Elle a communiqué avec la GRC qui, dans le cadre du processus, s'est renseigné sur ses opinions politiques et son état de mère célibataire. Les choses ont dérapé.
    La GRC, plutôt que de l'aider à dédramatiser la situation, a arrêté son fils. Le message transmis à quiconque souhaite soulever l'idée que son enfant est en processus de radicalisation est que l'enfant en question sera emprisonné. Le jeune a été incarcéré pendant un an et a récemment été libéré. Heureusement que les libéraux sont au pouvoir aujourd'hui! Je n'essaie pas d'être partisan ici, mais sous le régime précédent...
(1855)
    Vous avez de la difficulté à ne pas le faire.
    Absolument. Ce que je veux faire ressortir, c'est que sous le régime précédent, je pense qu'il y aurait eu procès et que les accusations n'auraient pas été abandonnées.
    À mon avis, comme l'ont fait remarquer les juristes, le projet de loi C-51 empêche bel et bien les gens de dénoncer; il criminalise la capacité de le faire. Une idée, comme ça.
    D'accord, merci de nous en avoir fait part.
    Quelqu'un d'autre?
    Savons-nous officiellement les fonds qui sont consacrés à des programmes comme les programmes de perturbation du SCRS? Est-ce secret? Le cas échéant, pourquoi?
    Je n'ai pas ces chiffres sous la main. De toute évidence, il y a un budget pour le SCRS, tout comme pour la GRC ou toute autre agence de sécurité. Je ne sais pas si tous les chiffres sont divulgués avec ventilation et tout. Honnêtement, je suis dans l'impossibilité de répondre, mais avec un ordinateur...
    Monsieur le président.
    Je tiens simplement à souligner que si vous vouliez suggérer au Comité d'examiner le coût de la mise en application de la loi, nous ne pouvons garantir que ce sera fait. Au lieu de demander ou de vous demander, vous pourriez dans un cas comme celui-là suggérer et ainsi c'est inscrit dans notre témoignage et nous passons à l'action. Je pense vous avoir entendu dire que vous aimeriez avoir cette information. Vous pensez probablement que le Comité devrait le savoir.
    Oui.
    Vous avez soulevé un bon point, monsieur Oliphant, et à mon avis, vous devriez le présenter aussi. Nous l'avons entendu, mais consignez-le sur papier et ce sera refilé au Comité.
    Merci.
    Cela dit, je tiens à vous remercier tous. Vous étiez peu nombreux, mais dans une optique de participant, vous étiez un groupe intéressant. Certains ont dit s'être présentés sans être bien préparés, mais on ne l'aurait pas cru, comme l'a mentionné M. Oliphant. Merci encore de votre participation.
    Cela dit, nous allons ajourner la réunion.
    Merci au vice-président. Ce n'est manifestement pas votre premier rodéo.
    La séance est levée.
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