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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 035 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 20 octobre 2016

[Enregistrement électronique]

  (1405)  

[Français]

     Bonjour à tous. Je suis Robert Oliphant, président du Comité permanent de la sécurité publique et nationale. Notre passage à Montréal a lieu en cette quatrième journée de notre voyage au Canada. Nous avons entrepris une étude sur le Cadre de sécurité nationale du Canada, qui a commencé à Ottawa avec le témoignage duministre de la Sécurité publique et de la Protection civile et de gens du ministère.
    Nous poursuivons aujourd'hui avec de nouveaux témoins. Je les remercie d'être ici.
    Nous sommes heureux d'avoir une telle occasion de vous rencontrer.

[Traduction]

    Je me tourne vers les membres du comité, que j'invite à se présenter.

[Français]

    Nous allons commencer par M. Di Iorio.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je suis Nicola Di Iorio. Je suis le député de Saint-Léonard–Saint-Michel. Je vous souhaite la bienvenue à Montréal, monsieur le président. Je crois que M. Dubé va se joindre à moi pour souhaiter la bienvenue à Montréal à tous les collègues.
    Bienvenue aux témoins. C'est un grand plaisir de vous accueillir devant ce comité.
    Merci.
    Merci.
    Monsieur Mendicino, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président. Je suis Marco Mendicino. Je suis le député d'Eglinton–Lawrence, circonscription située à Toronto.
    Si vous le permettez, monsieur le président, je vais vous dire quelques mots en anglais pour exprimer ma gratitude à toute l'équipe de ce comité.

[Traduction]

    C'est la première fois que j'ai l'occasion de participer aux déplacements du comité parlementaire. Il me semble qu'il y a lieu, puisque la tournée du comité tire à sa fin, de remercier l'analyste, le greffier et tout le personnel, dont le service de sécurité, qui nous ont apporté un soutien essentiel au cours de cette tournée. Il n'est pas facile d'organiser des consultations de cette ampleur, et nous n'aurions pas pu y arriver sans eux. Merci beaucoup.
    Je remercie aussi mes collègues d'en face, qui sont des membres permanents, ainsi que vous, monsieur le président, d'avoir facilité les échanges. L'esprit a toujours été constructif et poli. S'agissant d'un sujet aussi important, je n'aurais pas pu demander une expérience plus positive.
    J'espère que tous mes collègues partagent mon sentiment.

[Français]

    Je crois que oui.
     Madame Watts, veuillez vous présenter.

[Traduction]

    Je m'appelle Dianne Watts et je représente la circonscription de South Surrey–White Rock, en Colombie-Britannique. Je partage l'avis de mon collègue: ce fut une très belle expérience. Je vous souhaite la bienvenue, ainsi qu'à tous les témoins, au personnel de soutien, à l'analyste et au greffier.
    Tout le monde a abattu de la bonne besogne. Je vous remercie et je salue votre excellent travail. Le vôtre aussi, monsieur le président.

[Français]

    Merci.
    Monsieur Dubé, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Jamais deux sans trois. Je vais également faire écho aux commentaires de M. Mendicino.
    Mon nom est Matthew Dubé. Je suis député de Beloeil–Chambly.
    Monsieur Di Iorio, mes électeurs ne me pardonneraient pas de dire que je suis un député montréalais. Ma circonscription est sur la Rive-Sud, mais située effectivement dans la grande région de Montréal. Je suis bien heureux d'être de retour au Québec après une grosse semaine, qui n'est pas encore terminée.
    Il me fait plaisir d'accueillir nos témoins cet après-midi.
    Oui.

[Traduction]

    Merci au public d'être là.
    Je signale que nous aurons une deuxième séance ce soir, de 17 h 30 à 19 h 30. Les membres du public y sont invités à faire leurs observations à titre personnel sur la sécurité nationale et la façon dont le Canada devrait situer cet enjeu.

[Français]

    Nous allons maintenant commencer notre séance. Nous entendrons d'abord M. Foura, du Congrès Maghrébin au Québec.
    Vous avez dix minutes de parole. Nous vous écoutons.
    Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs, chers membres du Comité. Bonjour également à tous ceux présents.
    Je vais brièvement présenter le Congrès Maghrébin au Québec, vous parler de mon parcours pour situer mon témoignage et passer ensuite au témoignage comme tel.
    Le Congrès Maghrébin au Québec est un organisme créé en 2009 par des professionnels de la communauté maghrébine au Québec. Il a comme ambition, essentiellement, d'encourager la participation civique des québécois d'origine maghrébine, et aussi d'aider la communauté maghrébine à s'intégrer, surtout dans les domaines scientifique, économique, culturel et autres. Il s'occupe aussi de la promotion de l'entrepreneurship au sein de la communauté maghrébine. Nous nous intéressons depuis 2 ou 3 ans à la question de la radicalisation.
    En ce qui concerne mon parcours personnel, cela fait 17 ans que je suis au Canada. Je suis ingénieur de formation et je travaille dans une grande entreprise canadienne d'aéronautique, à Montréal. J'ai un baccalauréat en études islamiques, portant sur la théologie. J'ai été actif durant plusieurs années au sein du Ministère de l’immigration et des Communautés culturelles du Québec, comme on l'appelait alors, en ce qui concerne l'intégration. J'y suis devenu membre de la Table de concertation Maghreb. Il y a 2 ans, j'ai été nommé parmi les membres de la communauté musulmane, choisis par le premier ministre du Québec, M. Couillard, à un groupe de travail sur la radicalisation. Je suis aussi assistant de recherche au GRIMER, le Groupe de recherche interdisciplinaire sur le Montréal ethnoreligieux et j'anime des émissions de radio et de télévision, depuis une quinzaine d'années, au sein de la communauté musulmane.
    Je vais maintenant passer au témoignage qui va être axé essentiellement sur la question de la prévention. Nous considérons la prévention comme un élément très important, dans le cas de la radicalisation menant à la violence.
    Nous avons entamé plusieurs démarches, au sein de la communauté arabo-musulmane de Montréal, pour sensibiliser ses membres à l'importance de leur participation à ce débat. Ce témoignage est un résultat de ce que nous avons constaté sur le terrain.
     Nous avons aussi suivi les travaux et les démarches entreprises par le Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence, le CPRMV, établi à Montréal depuis les deux dernières années. Nous relevons trois éléments importants qui constituent le plus grand défi de toutes les approches de prévention.
     Le premier élément est la question de confiance.
    Excusez-moi, j'ai oublié de mentionner que j'étais invité par le gouvernement américain, durant le mois d'août, à visiter quatre villes des États-Unis qui ont mis sur pied des programmes contre la radicalisation. Cela m'a donné une idée de ce qui se passe chez nos voisins du Sud. Nous avons visité quatre villes où il y a eu des attentats liés à la radicalisation menant à la violence.
    Je reviens à la question de la confiance. Tous les programmes contre la radicalisation, au delà de leur efficacité, au-delà de leur structure, exigent et nécessitent une confiance. Cette confiance s'établit par le mode d'intervention que le gouvernement adopte — nous l'avons remarqué, et ce n'est pas un reproche. C'est une observation que nous avons notée relativement au CPRVM. Dans notre cas, au moment du démarrage du Centre, l'ambiguïté de sa relation avec la police ne lui a pas permis de pouvoir bien établir des liens avec la communauté.
    Nous ne sommes pas en train de dire que l'intervention de la police pose problème. Paradoxalement, l'expérience à Montréal a démontré que les interventions de la GRC ont été beaucoup mieux acceptées. La raison en est que la police communautaire, dans son rôle communautaire, quand elle est transparente, — c'est le deuxième point qui est très important dans le cadre de toute démarche de prévention contre la radicalisation —, est mieux perçue. Ceci a été le cas de la GRC depuis qu'on a identifié de jeunes Canadiens qui ont quitté le pays pour rejoindre des groupes terroristes. La démarche communautaire se doit d'être ouverte, de reconnaître que les policiers ont un rôle de lutte à la criminalité, mais également un rôle communautaire. Ce rôle n'est pas d'imposer des programmes, mais tout simplement de s'intégrer aux programmes et aux activités.
    Un élément important de la démarche pour contrer la radicalisation, c'est d'éviter qu'elle ne se fasse en parallèle avec les activités proprement communautaires. Un des reproches que nous adressons au centre, c'est que sa démarche touche beaucoup le marketing à l'international. Il n'est pas perçu comme un acteur principal qui promeut des activités sportives, culturelles ou sociales au sein des communautés qui peuvent être touchées par ce phénomène. Cette approche, qui se fait en parallèle, fait en sorte qu'il y a une distance, il y a un manque de confiance qui s'établit entre les membres des communautés en général et vis-à-vis toutes les démarches de prévention.

  (1410)  

     J'ai eu l'occasion d'entendre les mêmes observations aux États-Unis, que ce soit en Californie, à Chicago ou à Atlanta. Toutes les communautés, et plus particulièrement les communautés musulmanes, démontrent une certaine méfiance quand la démarche n'est pas clairement identifiée comme lorsqu'on crée un centre qui prétend ne pas être en relation avec la police, mais qui l'est en réalité. Les gens préfèrent, comme dans l'exemple du centre de prévention de le radicalisation de Montréal que j'ai donné, que la GRC intervienne dans des activités dans un rôle strictement communautaire.
    Par exemple, pour les activités existantes, nous avons des salles de judo, du soccer pour les jeunes, des activités culturelles. En participant à de telles activités, en discutant ouvertement avec les jeunes et en s'affichant d'une façon transparente comme membres de la grande famille de la GRC et en travaillant essentiellement sur l'aspect communautaire pour établir de bonnes relations avec les jeunes, on améliore l'image de l'autorité policière, que nous considérons d'ailleurs très importante.
     Concernant les jeunes qui sont susceptibles d'être radicalisés, nous avons observé sur le terrain que les groupes radicaux, à travers l'Internet, travaillent surtout sur une fibre, sur un maillon faible qui est le lien d'appartenance, un lien fondamental. Le jeune qui perd ce lien d'appartenance à sa société devient vulnérable et susceptible d'être récupéré par des autorités néfastes par le truchement d'Internet ou de personnes qui sont des éléments de radicalisation.
    En permettant, par exemple, à la police de tisser des liens communautaires, on atteint deux objectifs. D'une part, on fait de la prévention en assurant un soutien direct dans les activités courantes et non pas en parallèle avec celles-ci et, d'autre part, en renforçant le lien avec un État de droit. Même s'il est en désaccord avec la politique du pays, le jeune comprend qu'il évolue dans un État de droit avec des processus démocratiques qui lui permettent d'exprimer son désaccord sur des questions comme la politique internationale.
    Le dernier point que je souhaite soulever est la question de l'évaluation. Des études menées à travers le monde ont démontré que tous les programmes de contre-radicalisation peuvent être contre-productifs et même constituer des éléments générateurs de radicalisation lorsque la transparence et le lien de confiance ne sont pas bien établis. Au Canada, il faudrait trouver un moyen de mettre en place une autorité neutre qui ferait l'évaluation des différents programmes de prévention de la radicalisation existants, incluant les programmes locaux. Cette autorité pourrait être composée de personnes connues dans tout le pays. Il faudra avoir une intervention parce des programmes de prévention de la radicalisation qui sont mal appliqués peuvent produire l'effet inverse. La distinction, à titre d'exemple, entre les activités de prévention et les activités de droit criminel peuvent créer de la méfiance, briser la confiance et causer une rupture irréversible entre la jeunesse canadienne et le gouvernement canadien.
    Permettez-moi de revenir sur un point très important qu'on considère aussi en relation avec la question de la prévention de la radicalisation. Dans les éléments de consultation, il y avait la question de la liste des groupes considérés terroristes. À titre d'exemple, lorsque le gouvernement fait des mises à jour de cette liste, il est très important de bien gérer la transition entre la phase où un groupe n'est pas considéré terroriste et celle où il le devient alors que toute personne ou tout Canadien devient en situation de criminalité parce qu'il entretient des relations avec ce groupe. La gestion de cette phase est très importante au niveau des communications. Autrement dit, il faut s'assurer de bien informer de la situation les organismes qui, en toute légalité, faisaient affaire avec un organisme nouvellement inscrit sur la liste des organismes terroristes pour que la transition du statut du groupe soit faite en toute transparence.
    Enfin, je termine mon témoignage sur la question de la radicalisation. La communauté musulmane dans son ensemble a beaucoup apprécié la déclaration du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile selon laquelle la radicalisation est un domaine très inconnu. C'est aussi ce qu'ont affirmé les autorités politiques américaines au cours de ma visite. Il faut se méfier des organismes, des centres qui pensent avoir des solutions faciles et qui ne cherchent que des subventions.
    Je crois que nous sommes en mode découverte et qu'il faut prendre le temps de sensibiliser l'ensemble des acteurs ainsi que la communauté musulmane. Sur le terrain et dans le cours de mes émissions à tribune ouverte, j'ai observé que la communauté musulmane est mobilisée et qu'elle veut participer. Je dirai qu'il y a beaucoup de divergences sur beaucoup de sujets, mais sur le sujet de la radicalisation, la communauté peut jouer un rôle très important. La majorité de ses leaders sont prêts à participer d'une façon active malgré les divergences.
    Je vous remercie.

  (1415)  

    Merci beaucoup.
    Monsieur Peschard, vous avez la parole.
    Bonjour. Je remercie les membres du Comité d'être venus à Montréal pour nous entendre.
    La Ligue des droits et libertés est un organisme à but non lucratif et non partisan fondé en 1963. Ses objectifs sont la défense et la promotion des droits reconnus dans la Charte internationale des droits de l'homme, dont nous soutenons l'universalité et la visibilité. La Ligue des droits et libertés est membre de la Fédération internationale des droits de l'homme. Elle est également une des plus anciennes organisations de défense des droits des Amériques.
    Je suis accompagné de mon collègue, Denis Barrette, qui est avocat et membre de la Ligue des droits et libertés. En ce qui concerne l'intérêt du Comité permanent de la sécurité publique et nationale, M. Barrette a représenté la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles — dont la Ligue est membre — dans le cadre de la commission d'enquête relativement à Maher Arar, présidée par le juge O'Connor. Il vous entretiendra plus particulièrement des problèmes liés à la reddition de comptes et aux mécanismes de surveillance des agences.
    Nous sommes très contents que le gouvernement ait initié une discussion publique sur la question de la sécurité nationale. Je suis conscient que nous ne pourrons pas faire le tour de la question en 10 minutes, mais je veux souligner aujourd'hui que nous voudrions que le cadre de la sécurité nationale, qui date des attentats du 11 septembre 2001, soit remis en question.
    Pour bien situer le contexte, j'ai deux citations à vous lire. La première va comme suit:

  (1420)  

[Traduction]

    « Oublierons-nous qu'il n'y a rien comme la perte de la liberté pour affaiblir la sécurité? »

[Français]

    Elle est de Ramsey Clark, ancien procureur général des États-Unis.
    La deuxième citation vient de l'ancien secrétaire général des Nations unies Kofi Annan: « Le respect des droits de l'homme non seulement est compatible avec les stratégies de lutte contre le terrorisme, mais il en est un élément essentiel. » Depuis les attentats du 11 septembre 2001, des mesures antiterroristes ont été adoptées la plupart du temps dans la peur et dans la précipitation par suite d'événements particuliers, sans débat de fond sur la pertinence de ces mesures et, ce qui est plus important, sans évaluation de leur impact sur notre régime de droits humains et sur les libertés qui doivent être protégés.
    Parmi ces droits qui ont été remis en question, il y a la présomption d'innocence; le droit à la vie privée et à la protection contre les perquisitions et les intrusions dans la vie privée; le droit de ne pas être importuné, interrogé, arrêté et détenu sur la base d'un soupçon ou d'un profil racial, religieux ou ethnique; le droit pour tous à un procès public juste et équitable et le droit d'appel; le droit à une défense pleine et entière; le droit d'être protégé contre l'emprisonnement arbitraire et la torture; le droit d'asile; le droit à l'information et à la liberté de presse; et la liberté d'expression dont le droit de manifester publiquement et collectivement.
    Tous ces droits ont été atteints d'une manière ou d'une autre depuis les attentats du 11 septembre 2001. L'idée qui a été entretenue dans la population est que si nous voulons plus de sécurité, nous devons sacrifier des libertés et que ce serait une question d'équilibre. Nous tenons à souligner que cette idée est profondément erronée et dangereuse. Ce n'est pas en sacrifiant des droits qu'on obtient plus de sécurité. Les droits et libertés sont le fondement de la sécurité.
     J'ai cité Kofi Annan, mais dans un rapport des Nations unies sur la question du terrorisme on soulignait que ce sont les sociétés qui respectent le plus les droits qui sont le plus en sécurité et où il y a le moins de violence et d'attentats.
    Par ailleurs, nous réitérons notre position selon laquelle le Code criminel d'avant 2001 ainsi que les 12 traités internationaux contre le terrorisme auxquels le Canada a souscrit permettaient déjà de lutter efficacement contre le terrorisme. Dans son mémoire déposé lors de l'adoption du projet de loi C-36, Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d'exploitation, l'Association du Barreau canadien avait rappelé à juste titre que le gouvernement canadien disposait déjà de nombreux outils légaux pour réprimer les infractions terroristes et que le Code criminel renfermait un solide arsenal de dispositions destinées à lutter contre les organisations terroristes.
    Nous tenons à souligner aussi que la menace terroriste ainsi que la recherche de la sécurité doivent être évaluées dans un contexte plus large. Dans un rapport remis au secrétaire général des Nations unies en 2004, intitulé « Un monde plus sûr: notre affaire à tous », on identifie une liste impressionnante de menaces qui pèsent sur la paix et sur la sécurité internationale. On y identifie aussi des grands défis, dont la guerre entre les États; la violence à l'intérieur des États; la pauvreté, les maladies infectieuses et la dégradation de l'environnement; les armes nucléaires radiologiques, chimiques et biologiques; le terrorisme; et la criminalité transnationale organisée.
     Autrement dit, le terrorisme est une menace à la sécurité, mais il y en a beaucoup d'autres, qui, en fait, tuent beaucoup plus de personnes partout dans le monde.
    Par ailleurs, il est assez consternant de constater à quel point les gouvernements refusent de tirer des leçons des 15 dernières années. Les pays occidentaux, dont le Canada, se sont engagés dans de multiples guerres contres des pays musulmans. Ces guerres ont semé la mort, la destruction, le chaos et ont créé des conditions propices au développement de foyers de terrorisme. Plutôt que de réviser cette politique désastreuse, qui nous entraîne dans une guerre au terrorisme sans fin, on persiste à nous faire croire que notre sécurité repose sur la surveillance des populations et des pouvoirs policiers extraordinaires.
    Dans le court laps de temps de cette présentation, nous ne pouvons pas faire la critique de l'ensemble des lois et des mesures antiterroristes en vigueur au Canada. Toutefois, rappelons que la loi émanant du projet de loi C-51 ajoute une couche particulièrement inquiétante aux mesures déjà existantes. Le pouvoir de réduire les menaces accordé au SCRS évoque les abus révélés à l'époque par la Commission McDonald, notamment le fait que la GRC avait volé la liste des membres du Parti québécois, brûlé une grange et diffusé de faux communiqués du FLQ pour contrer la menace séparatiste.
    Le nouveau crime consistant à préconiser ou à fomenter la perpétration d'infractions de terrorisme en général est une menace à la liberté d'expression. Des personnes peuvent être inscrites sur la liste d'interdiction de vol en vertu de simples soupçons, sans savoir ce qui leur est reproché et sans pouvoir réellement se défendre. La possibilité de détenir pendant une semaine, sur la base de simples soupçons, une personne qui n'a pas fait l'objet d'accusations est démesurée et inadmissible. Nous partageons également la critique du commissaire à la protection de la vie privée du Canada concernant la nouvelle Loi sur la communication d’information ayant trait à la sécurité du Canada, qui émane du projet de loi C-51.
    Enfin, il manque toujours un mécanisme de surveillance et d'examen des activités de sécurité nationale. Le comité parlementaire proposé est absolument nécessaire et cela fait partie des moyens de s'assurer que les organismes mandatés à cet effet respectent les chartes et les droits des citoyens. Cependant, des améliorations doivent être apportées au projet de loi C-22, qui crée ce comité de parlementaires. Or il est essentiel qu'un organisme indépendant, capable de scruter l'ensemble des activités de sécurité nationale, soit créé. Sinon, le comité ne pourra pas fonctionner.
    À cet égard, nous partageons le point de vue de la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles, qui va témoigner dans le cadre du prochain groupe. Cela dit, nous pouvons revenir nous-mêmes sur la question, si vous voulez nous interroger à ce sujet.
    Pour conclure, vous avez l'obligation non seulement de remettre en question les mesures antiterroristes, mais également de susciter un débat, de promouvoir une véritable discussion publique portant tout autant sur le plein exercice des droits fondamentaux que sur l'identification des véritables menaces à la sécurité ainsi que de leurs causes et des moyens pour les enrayer. Nous accueillons favorablement cette consultation. C'est déjà un premier pas. Nous nous attendons néanmoins à ce que ce gouvernement continue de se démarquer des précédents en remettant les droits et libertés de la personne au coeur des politiques de sécurité.
    Merci.

  (1425)  

    Merci, monsieur Peschard.
    Nous entamons maintenant un premier tour de table. La durée des interventions va être de sept minutes et nous allons commencer par M. Di Iorio.
    Merci, monsieur le président.
    Ma première question s'adresse à M. Foura. Je vais poser des questions à la Ligue des droits et libertés lors du prochain tour de table.
    Monsieur Foura, vous avez fait allusion à votre travail en tant que bénévole et avez indiqué que cela avait amené le gouvernement américain à vous inviter à vous rendre dans certaines villes des États-unis à titre d'expert. J'aimerais revenir à cette expérience et à ce que vous avez constaté.
    Prenons l'exemple, assez typique, d'une famille comprenant deux ou trois jeunes enfants. Ceux-ci grandissent et, à l'adolescence, connaissent des problèmes. J'aimerais que vous nous disiez comment cela peut se manifester et quelles solutions — ou éléments de solution — vous avez appliqués.
     Nous avons considéré la question de la vulnérabilité. En général, les jeunes ne peuvent pas se radicaliser du jour au lendemain. Il y a un contexte socioéconomique et de politique internationale. Il y a plein d'éléments qui font en sorte qu'une personne peut avoir un sentiment de non-appartenance à la société canadienne. Par exemple, ses parents ne sont peut-être pas bien intégrés parce qu'ils n'ont pas trouvé un emploi malgré leurs diplômes.
    Il y a aussi des éléments extérieurs, essentiellement les sites Internet. Les États-Unis ont développé des programmes très intéressants pour connaître les moyens de recrutement et analyser les discours qui sont tenus sur ces sites. Or cela manque au Canada. Je sais que la GRC travaille un peu à ces éléments, mais le gouvernement pourrait outiller les bénévoles sur le terrain avec ce genre de programmes et développer des recherches pour relever ce type de discours. Ainsi, ces bénévoles pourraient développer certains indicateurs.
    Le danger, c'est qu'il n'y a pas de profil typique. On ne peut pas stigmatiser directement une personne. C'est là que le rôle des bénévoles sur le terrain devient important. Ce sont des personnes à qui on fait confiance. Par exemple, j'ai reçu des appels de parents qui me font confiance. Je les ai rencontrés. Nous avons parlé avec leurs jeunes, et en fin de compte, il n'y avait pas lieu de s'inquiéter. Ces gens de l'extérieur ont une certaine notoriété au sein de la communauté. On voit que le jeune est plus à l'aise de parler à ces gens qu'à ses parents. C'est là qu'on peut voir s'il y a un certain isolement.
    À titre d'exemple, voici ce qu'on a fait dans plusieurs quartiers de Montréal. On a intégré aux activités quotidiennes la prévention de la radicalisation. La plus grande erreur est d'instaurer un programme de l'extérieur parce que c'est perçu comme une stigmatisation de la communauté.
    Nous rejoignons des jeunes qui font du judo avec des entraîneurs. C'est un milieu multiculturel; ce n'est pas une communauté en particulier. Nous leur disons qu'en tant que jeunes ils ont un rôle très important à jouer pour contrer eux-mêmes la radicalisation. Nous ne leur donnons pas un rôle d'accusés ou de victimes, mais un rôle proactif. Chaque fois que nous impliquons les jeunes dans cette démarche, nous les préparons pédagogiquement à cette question. Nous partageons avec eux les recherches qui se font d'une façon très simple. Nous leur disons qu'ils pourraient discuter avec la GRC, par exemple. Là, nous leur faisons rencontrer quelqu'un de la GRC qui s'est assez documenté, qui sait comment faire cela et qui connaît le milieu.
     La formation est très importante. Aujourd'hui, il y a beaucoup d'intervenants. Il y a une industrie de programmes contre la radicalisation et les gens cherchent beaucoup de subventions. Certains s'improvisent spécialistes, mais ils ne connaissent pas ces milieux.
     Nous avons fait cette expérience et les jeunes commencent à poser des questions. Là, ils se voient en mission. Un jeune qui pourrait être vulnérable à la radicalisation se retrouve avec la mission de s'assurer qu'aucun jeune dans son quartier ou dans son environnement ne sera victime de ces groupes terroristes qui font de la propagande par Internet.
    Cette jeunesse a beaucoup d'énergie et de connaissances, et elle veut avoir des projets. Malheureusement, le projet d'aller en Syrie est un défi personnel. Il y a aussi plein d'autres choses que le gouvernement doit améliorer au matière de politique internationale — je suis d'accord sur ce qui a été dit à ce sujet. Il y a des choses qu'on peut contrôler et d'autres pas, mais au moins, on pourrait transformer cette énergie des jeunes en énergie positive, afin qu'eux-mêmes deviennent un facteur contre ce phénomène de radicalisation. Je peux vous assurer que certains jeunes étaient très méfiants.
    Cela prend deux éléments. D'abord, il faut que la communauté soit très active — je ne parle pas ici d'un groupe ethnique en particulier — et des leaders qui sont prêts à agir. Ensuite, les autorités ne doivent pas être indifférentes. Elles doivent être prêtes à s'impliquer, mais dans un esprit de non-ingérence, car il ne faudrait pas que ce soit perçu comme de l'espionnage. Il faut qu'il y ait accompagnement de la part des autorités de façon à créer cette dynamique chez cette jeunesse.
     On a vécu cela dans plusieurs quartiers de Montréal. Il y a eu des activités de soccer, de chant, de musique et de judo. Cela fonctionne très bien. Maintenant, ce sont les jeunes qui demandent s'il y a un programme, car ils veulent s'assurer que d'autres jeunes s'intègrent à leurs activités.

  (1430)  

    Pouvez-vous nous donner un exemple de ce que vous faites quand la situation devient vraiment problématique et qu'il peut y avoir un débordement?
     Nous avons créé un comité. Je parle de la communauté musulmane en particulier. Il y a peut-être eu d'autres cas de radicalisation de personnes qui n'appartenaient pas à des familles musulmanes. Nous avons donc créé un comité de crise composé notamment d'une autorité religieuse. Des imams travaillent avec nous et sont très impliqués. Il y a aussi deux personnes d'expérience qui oeuvrent plutôt dans le domaine social. Il y a aussi des psychologues dans la communauté.
    Tout cela cela se fait dans la communauté. Il est intéressant de constater que celle-ci est aujourd'hui prête à se prendre en charge. Au-delà de la responsabilité citoyenne que tout citoyen canadien a vis-à-vis de la sauvegarde de la sécurité nationale, il y a aussi une responsabilité morale.
    Dernièrement, dans les cas que nous avons mentionnés, sans stigmatiser la communauté, des jeunes issus de cette communauté ont décidé de partir en Syrie. Beaucoup de professionnels travaillent en psychologie. Ce comité commence à fournir un environnement qui inspire confiance aux jeunes parce que ceux-ci ne font pas confiance à ce qui vient de l'autorité. C'est une réalité. Ce n'est pas seulement le cas pour la police car même le Centre, aujourd'hui, n'a pas l'autorité au sein de la communauté pour pouvoir faire cette démarche. Certaines personnes m'ont rapporté des cas. Je vous donne un exemple.
    Quelqu'un a été contacté par un ami qui était en Syrie. J'ai vécu ce cas. Ce n'était qu'un message sur Facebook. Alors, que faut-il faire? Un réseau de confiance nous a permis de contacter les autorités policières. Elles ont mis la famille en confiance et elles ont pu faire une démarche assez intéressante de façon à ce que l'enfant ne tombe pas dans la criminalité parce que celui-ci n'a pas interagi avec son ami. Il a été sauvé tout simplement parce que le réseau a établi un lien de confiance avec son milieu et son milieu scolaire. Parfois, le meilleur moyen pour contrer ce genre de chose est de passer par un ami de la personne qui pourra facilement avoir sa confiance.
    Merci, monsieur Foura.

[Traduction]

    Nous poursuivons avec M. Miller, qui aura sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Messieurs, merci beaucoup.
    Monsieur Foura. J'ai raté les premières minutes de votre exposé. Mon avion a eu du retard. Merci de votre présence parmi nous.
    Vous avez parlé de la déradicalisation en des termes négatifs, comme si vous ne vouliez pas que les forces de l'ordre ou la société interviennent. Je comprends que la communauté a un rôle à jouer dans la déradicalisation, et le joue effectivement, mais il est évident que cela ne marche pas parfaitement. Dites-moi ce qu'il y a de si mauvais à ce que les forces de l'ordre aient un rôle à cet égard. Comme mon temps de parole est limité, je vous serais reconnaissant d'être aussi bref que possible.

[Français]

    Merci beaucoup.
    J'aimerais apporter une clarification très importante. Il y a deux approches complémentaires, celle de la déradicalisation et celle de la prévention. Le gouvernement canadien doit consacrer beaucoup d'effort à la prévention. On ne voudrait pas que la personne se radicalise car la déradicalisation est un processus beaucoup plus complexe. La nuance est importante.
    Prenons, par exemple, le choc des attentats de l'automne 2014. Le Canada est un pays très pacifique, nous ne sommes pas habitués à avoir ce genre de violence sur notre territoire. Je pense que cela a causé un choc qui a sensibilisé tout le monde.
     Il faut dire aussi que la GRC a commis des bavures dans le passé. Des problèmes ont été documentés par des comités. Il y avait un manque de confiance causé par des positions politiques sur le plan international qui n'étaient pas tout à fait conformes à la tradition canadienne. Tout cela a fait en sorte que le climat n'en était pas un de confiance.
    Par ailleurs, les événements tragiques de l'automne 2014 ont ramené tout le monde à l'importance de travailler autour d'une même table. Je pense que depuis ce temps les choses vont beaucoup mieux qu'avant. En fait, le départ en Syrie de quelques jeunes représente l'échec d'une période qui a commencé après les événements de septembre 2001. On a alors adopté une approche beaucoup plus sécuritaire que préventive. On n'a pas mis l'accent sur la question de la police communautaire...

  (1435)  

[Traduction]

    Je dois vous interrompre parce que je vais manquer de temps. Je n'arrive pas à voir, monsieur Foura, ce que vous entendez par « manque de confiance »
    J'étais dans cette salle, comme un certain nombre d'entre nous, le 22 octobre, il y a quelques années. M. Dubé se trouvait dans une salle de l'autre côté du couloir. Le problème, c'est que l'incident a eu lieu. Il est bon d'empêcher la radicalisation au départ, mais ce n'est pas une solution à toute épreuve.
    Je voudrais maintenant m'adresser à M. Peschard. Vous avez dit que certains proposent de sacrifier des droits pour avoir une meilleure sécurité, mais, d'après vos observations, vous êtes contre cette proposition.
    Les forces de l'ordre ne doivent-elles pas avoir les droits et les pouvoirs voulus pour intervenir dans ce qu'ils considèrent comme une menace connue, pourvu que nous ayons en place des pouvoirs de surveillance pour éviter les dérapages? Brièvement, qu'en pensez-vous?
    Oui. Pour finir, vous avez dit qu'il devait y avoir une fonction de surveillance et d'examen. Dans le cas de la sécurité nationale, elle est absente. Nous n'avons aucun comité parlementaire, à ce jour, aucun mécanisme pour examiner le travail des agences. La majorité d'entre elles n'ont aucun mécanisme d'examen de quelque nature que ce soit.
    Quant au pouvoir de la police, M. Barette pourra peut-être donner plus de précisions, mais la criminalité n'a pas commencé avec le terrorisme. Nous avons élaboré un Code criminel et des procédures pour pouvoir intenter des poursuites et faire condamner les coupables. Les procédures respectent les droits de la personne, avec la présomption d'innocence et tout le reste. C'est le genre de chose qu'on écarte à l'égard du terrorisme.
    Des dispositions permettent d'inscrire des gens sur une liste d'interdiction de vol sur la base de simples soupçons. Ils ne savent pas pourquoi ils y figurent. Ils n'ont aucun recours judiciaire équitable pour contester la décision. C'est inacceptable. Ces façons de faire n'améliorent pas la sécurité. Voyez l'histoire récente du Canada. Les tentatives d'attentat terroriste qui ont été déjouées l'ont été par le travail ordinaire de la police, contre lequel nous n'avons aucune objection.
    Parlons de cette question. Le simple soldat Vincent a été tué dans la région de Montréal et le caporal Cirillo à Ottawa, il y a deux ans. Des gens qui se présentent comme des spécialistes disent que si, à ce moment-là, ils avaient eu des pouvoirs de détention, Vincent et Cirillo seraient peut-être encore vivants. Vous parlez de complots terroristes qui ont été déjoués ou qui n'ont pas abouti. Récemment à Strathroy, en Ontario, les pouvoirs qui ont permis à la police interpeller ce type avant qu'il n'agisse ont été accordés par le projet de loi C-51. Sauf votre respect, votre argument ne me convainc pas.
    Passons. Vous avez parlé de menaces terroristes et rappelé des incidents ou un certain nombre de personnes ont péri. Un écrasement d'avion, un accident de voiture ou autre accident, ce ne sont justement que des accidents. Le terrorisme n'est pas un accident.
    Pour en revenir à ce que vous avez dit de la détention d'un suspect pendant un certain temps, une semaine ou plus, il me semble, je vous demanderai comment ont empêcher une personne menaçante de se promener dans les rues si on ne peut pas la détenir? Nous avons déjà discuté de cas où la police savait que telle personne présentait une menace, mais comme elle n'avait pas le pouvoir de l'empêcher d'être dans les rues, les crimes ont été commis.
    Pourriez-vous répondre?

  (1440)  

    Monsieur Barrette, je vous demande d'être bref.

[Français]

     En France, la garde à vue existe depuis longtemps. Avant le procès, le juge d'instruction pose des questions auxquelles le suspect doit répondre. On a intégré ces mesures dans la Loi antiterroriste, qui émane du projet de loi C-51. Il y a l'enquête judiciaire et la détention préventive, qu'on veut faire passer à six jours, comme en France. Cela dit, il y a eu en France l'attentat du Bataclan et d'autres événements. Il faut se questionner sur l'efficacité de ces mesures. À la Ligue des droits et libertés, nous doutons beaucoup de l'efficacité de ce genre de mesures.
    Je vous rappelle l'affaire d'Air India, soit la seule occasion où on a eu recours à des mesures d'investigation dans le cadre de l'enquête. Or on parle ici d'un fiasco total. En ce qui a trait aux personnes qu'on croyait coupables, le procès est tombé en miettes. Les preuves n'avaient pas été recueillies de façon efficace.
    Plus on donne d'outils aux policiers, plus ils risquent de s'en servir. Il ne faut pas tenir pour acquis que, sans ces outils, les policiers ne pourraient pas faire leur travail efficacement. Il est certain que ces derniers vous diront toujours avoir besoin de plus d'outils. Cependant, il faut se demander si c'est vraiment nécessaire.
    Je vous rappelle que ce principe existait déjà en France et que dans ce pays, le juge d'instruction est aussi indépendant que le président lorsqu'il procède à un interrogatoire pendant une garde à vue. Or il s'agit ici d'un autre système. Le juge qui est chargé de l'enquête judiciaire se fait dire par la police quelles questions poser. Autrement dit, le juge devient presque le perroquet — veuillez excuser l'image — de l'enquête policière. C'est la poursuite qui fournit les questions au juge, et ce dernier dit au suspect qu'il doit y répondre. C'est ce que le juge Fish, dans sa dissidence, bien que pas dans ces mots...
     Merci, monsieur Barrette.
    Monsieur Dubé, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Messieurs, je vous remercie d'être parmi nous.
    Ma question s'adresse à MM. Peschard et Barrette.
    On a mentionné la Commission McDonald. Or à la suite de cette dernière, on a décidé de scinder les pouvoirs. Il y a donc maintenant la GRC d'un côté et le SCRS de l'autre. Plusieurs, comme moi, prétendent qu'en raison des pouvoirs inclus dans le projet de loi C-51, on est en train d'éliminer cette séparation, qui avait été conçue pour une raison très précise. Comme votre organisation existe depuis assez longtemps, vous avez probablement vu les choses progresser — ou régresser — à cet égard. J'aimerais que vous nous donniez plus de détails sur cette situation.
    Effectivement, le fait que le SCRS puisse agir, même illégalement en vertu de la loi émanant du projet de loi C-51, à des fins de prévention rappelle les actions de la GRC. C'est d'ailleurs pour empêcher cela que le renseignement avait été séparé de l'action policière, à l'époque. Le problème est que le SCRS n'a pas pour but de recueillir une preuve qui va mener à des accusations criminelles dans un contexte où la personne accusée pourra se défendre selon une procédure juste et équitable. En fait, les choses se font dans la clandestinité.
     Il arrive donc que des personnes fassent l'objet de ces actions policières, comme pendant les années 1960 ou 1970, qu'elles ne le sachent pas et qu'elles ne puissent pas contester ces actions. Les banques de données de certaines organisations peuvent ainsi être détruites, des activités peuvent être sabotées, etc. On agit contre des individus dans la clandestinité, dans un cadre qui ne permet pas à ces personnes d'en être informées, même après coup. Les droits de ces personnes sont violés, mais elles n'ont pas la possibilité de contester. Ce n'est pas une manière acceptable d'assurer la sécurité de notre pays.

  (1445)  

    J'aimerais aussi que nous abordions l'obligation de ces organismes de prouver qu'ils ont besoin de tels pouvoirs.
     Selon vous, a-t-il été démontré que ces pouvoirs étaient nécessaires ou, au contraire, que les dispositions de la loi, avant l'adoption du projet de loi C-51, suffisaient à assurer la sécurité de la population?
    Les organismes de surveillance et d'enquête de l'État vous diront toujours que leur boîte à outils n'est pas assez pleine. C'est normal. C'est vieux comme le monde.
    À mon avis, cette preuve n'a pas été faite et il incombe à ces organismes de le faire. Il faut toujours se demander — et je reviens ici à la même question — si une enquête aurait été impossible sans les mesures antiterroristes qui émanent du projet de loi C-51 et en quoi ces mesures sont utiles.
    Ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres. Il ne faut jamais oublier que le contexte du projet de loi C-51 est celui du terrorisme et de la sécurité nationale. La sécurité nationale implique que le secret est maintenu au sein des organismes de surveillance et des corps policiers. Par conséquent, les débats se déroulent à huis clos parce qu'il s'agit non seulement de sécurité nationale, mais également de relations internationales. On parle donc ici d'information venant de l'extérieur. Nous ne reprochons pas au Canada le fait qu'il reçoive des renseignements d'autres pays. Nous ne pouvons pas le lui reprocher, étant donné que c'est une procédure normale, qui va être de plus en plus appliquée.
    Comme nous l'avons vu dans le cas de l'enquête sur Maher Arar, le problème est que cette information est souvent soit obtenue au moyen de la torture, soit erronée. En outre, l'un vient avec l'autre dans bien des cas. Parce que ces renseignements sont obtenus au moyen de la torture, ils sont souvent erronés. C'est pourquoi on se retrouve avec des enquêtes qui sont viciées à la base. Il va de soi que les résultats de ces enquêtes ne sont pas valides. Bref, il y a tout un réaménagement à faire pour ce qui est de la façon de mener les enquêtes.
     C'est très intéressant et j'apprécie votre réponse.
    Je ne veux pas vous interrompre, mais le temps est précieux.
    Monsieur Foura, j'aimerais vous poser une question. Je vais vous avouer que, selon moi, nous en savons très peu sur l'expérience américaine de lutte contre la radicalisation. Vous avez mentionné vos visites. Peut-être que vous pourriez décrire un peu plus en détail le travail qui se fait là-bas et le succès ou l'échec des initiatives, selon le cas.
    Il faut comprendre que, selon le modèle américain, le gouvernement fédéral n'intervient pas beaucoup en ce qui touche la sécurité. Le département de la Sécurité intérieure des États-Unis a été créé juste après le 11 septembre 2001. Pour ce qui est de la sécurité, son rôle en est surtout un d'orientation.
    Aux États-Unis, un groupe de travail a été formé, composé de la majorité des institutions fédérales qui travaillent à la question de la sécurité, et des programmes ont été élaborés. Il n'y a donc pas d'intervention directe en ce qui touche la prévention de la radicalisation. Le groupe des travail a conçu des programmes, en compagnie de chercheurs, qui sont insérés dans des trousses. L'objectif est d'identifier des endroits où la réceptivité vis-à-vis ces programmes est beaucoup plus forte.
    Il y a des trousses de formation sur le discours de Daech, par exemple. C'est une présentation d'une durée de deux heures, au cours de laquelle le gouvernement fédéral ne fait rien d'autre que d'offrir cette formation à des organismes. C'est ce qui me semble intéressant. Au lieu de créer une institution comme un centre, l'État s'occupe d'élaborer et d'identifier des formations, en ce qui a trait au discours religieux ou politique de Daech, destinées aux Américains. Dans le cas qui nous occupe, cela serait destiné aux Canadiens. Puis, cette trousse est mise à la disponibilité d'une association sportive, par exemple, qui pourra s'en servir et la présenter de façon indépendante. Cela peut être utile aux parents également.
     À titre d'exemple, on montre une diapositive où les grands réseaux sociaux tels Twitter et Facebook sont présentés. Tout le monde les connaît. Par la suite, d'autres plateformes moins connues mais qui sont les plus utilisées par ces groupes, sont présentées à leur tour. Ce sont des formations et des outils offerts à des acteurs sur le terrain.
    Aux États-Unis, on a donc beaucoup plus travaillé à des politiques d'orientation de contenu qu'à une intervention directe.

  (1450)  

    Merci.
    J'aimerais vous poser une dernière question.
    Vous avez parlé de l'importance du réseau, mais aussi de la peur de la criminalisation, lorsqu'un problème de radicalisation est dénoncé ou signalé. Certains disent que, dans le projet de loi C-51, les définitions de plus en plus larges et vagues peuvent nuire aux efforts de la lutte contre la radicalisation, justement parce qu'il y a cette crainte de la criminalisation.
    Êtes-vous d'accord avec cela?
    Je suis tout à fait d'accord.
    Nous parlons de pays où la pratique de la torture existe. Il y a donc toujours un grand risque de rupture de confiance. Le fait de s'appuyer sur des informations en provenance de pays que nous connaissons très bien — ils sont issus de l'immigration — et qui pratiquent la torture pour obtenir de l'information vient réduire la confiance envers le système de justice canadien.
    Merci beaucoup.
    Nous poursuivons avec M. Mendicino.
    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Ma première question s'adresse à M. Foura. Vous avez longuement expliqué qu'il était important de tisser des liens de confiance entre la communauté, les forces de l'ordre classiques et les milieux plus larges de la sécurité nationale. Pendant notre tournée, nous avons entendu des témoignages selon lesquels, dans de nombreuses communautés, il y a deux groupes qui ne sont pas pleinement libres d'agir ni engagés, dans la lutte contre la radicalisation. Ce sont les jeunes et les femmes.
    Comment pourrions-nous mobiliser pleinement ces deux groupes? Nous avons fortement l'impression, ici, que si nous ne les amenons pas à s'engager dans cette initiative, nous courons à l'échec.
    Merci beaucoup. C'est une excellente question.

[Français]

    Ce sont vraiment les deux groupes les plus importants. Les jeunes, en général, ont davantage confiance en leur mère. Il y a un lien beaucoup plus fort. En tous les cas, selon certaines traditions, la mère est un symbole très important. Elle peut donc être un lien de confiance. Les femmes et les jeunes, surtout, ont un rôle.
    Je reviens à la démarche. Dans le travail que j'accomplis comme ingénieur, lorsqu'on procède à des transformations au sein de mon entreprise, tous les programmes de transformation qui ne sont pas intégrés aux activités journalières échouent. Dans le cas de la prévention à la radicalisation, il ne faut pas que les programmes viennent de l'extérieur, mais qu'ils soient intégrés à l'activité quotidienne des jeunes.
    Les jeunes ne voudront pas participer à une activité, si on leur dit qu'il s'agit de lutte contre la radicalisation. Cela ne va intéresser personne. Par contre, si on arrive à concevoir les outils nécessaires dans les communautés elles-mêmes, en donnant les moyens aux communautés d'intégrer ces outils à l'intérieur des activités des gens, qu'elles soient sportive, culturelle ou sociale, l'engagement devient un processus naturel. Les jeunes vont alors considérer que c'est leur projet. Ce n'est pas un projet qui vient de l'extérieur.
    C'est l'élément essentiel qui va nous permettre avec certitude de pouvoir engager les femmes ou les jeunes dans un projet.

[Traduction]

    Dans votre déclaration d'ouverture, vous avez parlé d'activités sportives, et j'en ai pris note. Voyez-vous un moyen d'associer les activités sportives à d'autres modèles dans la communauté, dont des représentants des forces de l'ordre et de la police, de façon constructive?

[Français]

     Nous l'avons déjà fait. Des matchs ont déjà eu lieu, où des jeunes jouaient contre des membres de la GRC. En général, ce sont des jeunes qui sont bons au soccer. Cela leur donne un pouvoir. Ils se rendent compte que ce sont des gens comme eux, qu'ils peuvent discuter avec eux, qu'ils peuvent marquer des buts contre eux et gagner le match, etc.
    Revenons à la question de la confiance. Il y a quelques années, en tant que leader, à cause de ce qui s'est passé dans plusieurs affaires documentées, c'était très difficile pour moi de dire à la communauté qu'on allait inviter quelqu'un de la GRC. Depuis les événements de 2005, je sens un changement d'attitude ou de politique. Demain, je pourrais appeler des gens de la GRC, et ils me demanderaient qu'on organise un tournoi de soccer et qu'on fasse un méchoui par la suite. Ce genre d'activité de prévention se fait aujourd'hui, mais il ne faut pas que ce soit perçu comme de l'espionnage.
    Le SCRS joue un rôle négatif sur ce point. Les pouvoirs que lui donnent les dernières lois lui permettent de faire des entrevues avec des gens. Or ces derniers ne savent pas comment réagir parce qu'ils ne savent pas s'ils ont le droit de refuser ou pas. Cela vient parfois briser le lien de confiance avec les jeunes qui nous a pris une année à bâtir. Leurs interventions qui, parfois, ne sont pas très normatives ou non encadrées et très ouvertes, peuvent causer des problèmes.

  (1455)  

[Traduction]

    Permettez-moi de revenir là-dessus pour parler des femmes et du rôle vital qu'elles jouent dans la communauté. Comment pouvons-nous mobiliser pleinement les femmes de façon constructive, comme des modèles, comme des personnes qui peuvent concilier culture et identité, qui sont essentielles à l'ethnicité et à la culture de chacun, et valeurs canadiennes plus larges?

[Français]

    C'est exactement la même chose. Malheureusement, nous n'avons pas encore mis sur pied d'initiative en ce sens. Dans le cas des jeunes, certaines de nos initiatives ont eu des effets positifs, mais c'est exactement la même chose.

[Traduction]

    Désolé, mais puis-je vous interrompre? Quel aspect prendrait une telle initiative, à vos yeux? Donnez-moi votre idée de ce que serait une initiative constructive...
    Oui, je vais essayer de vous en donner une idée.

[Français]

    En général, les citoyens, et les membres des communautés culturelles en particulier, veulent avoir l'occasion de participer à la sécurité du pays. C'est ce que je sens. De plus, ces gens savent très bien que l'expérience a démontré que tous les jeunes de toutes les confessions sont vulnérables aujourd'hui devant un discours qui est beaucoup plus politique que religieux et qui présente à nos jeunes un idéal qui n'existe pas.
    Donc, les parents sont abordés, mais ils ne veulent pas être des mouchards. Ils ne veulent pas être des dealers. Ils veulent être traités par les autorités policières d'égal à égal et travailler main dans la main avec elles. Il faut trouver des activités auxquelles les femmes seront intéressées à participer, de façon à ce qu'elles jouent un rôle citoyen de protection de la sécurité nationale et un rôle maternel de protection de leurs enfants.

[Traduction]

    Permettez-moi une dernière question, que j'adresse à MM. Peschard et Barrette.
    L'une des difficultés, dans ce dossier, c'est de trouver une mesure objective du succès. Comment pouvons-nous dire que nous réalisons des progrès dans la prévention de la radicalisation? Pourriez-vous nous en dire quelques mots?
    Ce n'est pas une question à laquelle il est facile de répondre.
    C'est pourquoi je l'ai posée.
    Ce n'est pas une question facile. Je suis d'accord avec M. Foura pour dire qu'il faut distinguer prévention et déradicalisation.
    La mesure du succès, c'est la participation ou non de jeunes ou d'autres personnes à ce genre d'activité. Il faut mesurer les résultats, à un moment donné. Mais comme organisation, la Ligue des droits et libertés a une préoccupation, et c'est une question de confiance. La question a été soulevée à propos du SCRS qui intervient dans ces processus. C'est une question de communication de l'information.
    Nous avons maintenant un vaste réseau de communication de l'information entre tous les organismes et les forces policières qui s'occupent de la sécurité nationale, et l'une de nos inquiétudes, c'est qu'une personne visée d'une façon ou d'une autre risque de se retrouver dans des fichiers de police qui sont largement communiqués. Ce serait une catastrophe si des jeunes que la police a abordés, qui ont eu des interactions avec la police, se retrouvaient dans les bases de données de la police qui risquent d'être communiqués largement, surtout à des partenaires étrangers. Ces jeunes pourraient être stigmatisés pour la vie, ce qui pourrait avoir de très graves conséquences, car il est très difficile de revenir en arrière, une fois qu'on a été inscrit sur ces listes et identifié comme une menace.
    C'est là une chose. L'une de nos préoccupations est précisément celle des bases de données, de la communication de renseignements. Sur ce plan, si on n'est pas prudent, les résultats pourraient être catastrophiques pour les personnes et les jeunes en cause.

  (1500)  

    Merci, monsieur Peschard.
    Nous avons environ quatre minutes pour un tour.
    Madame Watts, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup. Je comprends toutes ces observations.
    Je voudrais revenir sur certaines de vos observations, monsieur Foura, au sujet de la transparence, de la confiance, du rôle d'une autorité impartiale pour évaluer tous les programmes.
    Nous venons de visiter le Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence pour voir certaines des choses qu'il a faites.
    Expliquez-moi de quoi cela aurait l'air. D'après ce que j'entends, les programmes sont tellement larges qu'ils commencent au centre communautaire avec des parties de soccer, et ils supposent l'engagement du milieu, des jeunes, de la police. L'élément fondamental n'est pas la déradicalisation d'un jeune ou d'un enfant. C'est simplement un engagement dans la communauté.
    D'après ce que vous dites, il y a des organisations qui proposent en fait des programmes de déradicalisation des jeunes.
    Pouvez-vous m'en parler?

[Français]

     Je vais me permettre de faire des observations par rapport au Centre.
    Le problème du Centre — et on le voit beaucoup dans les voyages qui sont faits à l'échelle internationale —, c'est de parler d'une expérience ou d'une situation qui n'existe pas encore.
    Il y a des prétentions qui ne peuvent pas être faites. Je suis allé aux États-Unis. Ce pays a une expérience de plus de 10 ans à cet égard. Les Américains disposent d'un contenu à ce sujet étant donné qu'il y a eu beaucoup plus d'attentats chez eux que chez nous. Aujourd'hui, ils disent qu'ils sont en train d'apprendre. Le Centre fait beaucoup de marketing sur la scène internationale en présentant une grande expérience et je pense que c'est très dangereux. Je suis d'ailleurs un peu critique par rapport à cela.
    À titre d'exemple, un des éléments relatifs à la transparence, c'est que le Centre n'a pas encore publié quelles sont les procédures à suivre en ce qui a trait au traitement d'un cas. Il parle de cas qui ont été transmis à la police. On ne sait plus si c'est un deuxième bureau de police ou si c'est un bureau de prévention. Cela vient aussi rompre toute la confiance à cet égard.
    C'est pour cela que je considère qu'il doit y avoir des centres qui vont réfléchir à la stratégie. Les Américains ont peut-être développé du contenu, mais ils ne le font pas aujourd'hui. Le vrai travail, surtout en ce qui a trait à toute la question de la prévention, doit se faire par l'entremise d'une intégration de la culture de la prévention.

[Traduction]

    C'est une question de sensibilisation. Les gens doivent savoir qu'il y a un problème de ce côté-là.
    Je veux m'assurer de bien comprendre.
    Les gens vous contactent? Les familles vous contactent pour...
    Oui.
    Sur une période d'un an, disons, combien de parents vous contactent pour dire qu'ils ont un problème avec leur enfant?

[Français]

     En une année, 100 personnes nous ont contactés de façon officielle et non officielle. Par ailleurs, des imans travaillent avec nous dans des réseaux et parfois un iman peut nous faire part d'un cas. Nous avons pensé à créer un numéro de téléphone, mais nous nous sommes rendu compte que les gens ont peur de tout ce qui est officiel. Ils aiment beaucoup plus se confier s'il y a un lien de confiance.

[Traduction]

    Nous avons essayé de bâtir des réseaux qui relient toutes sortes de gens.

[Français]

    Certaines gens vont aller plutôt vers la mosquée ou vers une association plus laïque. D'autres vont me contacter dans le cadre de mon émission de radio. Après l'émission, quelqu'un m'appelle. C'est un parent qui veut me parler de son fils. On considère cette stratégie beaucoup plus efficace. Quand c'est officiel, les gens ont une certaine inquiétude concernant la procédure qu'ils doivent adopter pour faire un appel. En fin de compte, ils se demandent s'ils appellent un deuxième poste de police ou si quelqu'un va les aider.
    Dans certains cas, on pensait que cela dépassait le stade de la prévention. On a alors contacté les autorités et des avocats pour qu'ils couvrent le dossier. Ils nous ont répondu que c'était correct, qu'il n'y avait rien, que c'était bien de les avoir informés et que le dossier avait été pris en main.
    J'aimerais revenir à la question de la gestion de l'information. Qu'est-ce que c'est? Pour le moment, nous faisons confiance à la GRC et aux personnes qui travaillent avec nous. Si ce lien de confiance est brisé, on va reculer de 10 ans. C'est important pour les personnes dans la communauté. On a besoin que les gens considèrent que la sécurité est aussi leur problème et qu'on n'est pas contre eux. On ne veut pas pousser celui qui ne cause pas de problèmes à en faire pour l'arrêter. C'est surtout cette philosophie qui doit sous-tendre nos lois et tout les projets de loi qui peuvent être présentés.
    Merci.
    Cela fait presque cinq minutes.

  (1505)  

[Traduction]

    Avec un jeune qui se livre à ce comportement, utiliseriez-vous le même mode d'engagement avec quelqu'un qui est né au Canada et quelqu'un dont le pays d'origine est différent?

[Français]

    Je prends l'exemple de Daech qui ne fait pas la distinction entre les deux. Il y a une culture de la jeunesse qui est en train de s'établir avec l'extension du réseau Internet, même pour ceux qui sont nés à l'étranger. L'important est que les intervenants sur la question de la radicalisation soient bien formés pour ne pas tomber dans les biais culturels.
     Il existe une interprétation du comportement pouvant être reliée à un élément culturel qui doit être prise en considération. Au-delà du fait que la personne est née dans notre pays ou à l'étranger, la dynamique est de savoir pourquoi ce jeune est plus vulnérable que celui-là. Il faut déterminer si cette question est reliée au lien de confiance qu'il a en l'autorité — ses liens d'appartenance au pays — ou si c'est un problème psychologique puisque ce genre de situation existe aussi. Il faut donc traiter ces question au cas par cas.

[Traduction]

    Merci

[Français]

    Merci à tous les témoins. C'est très intéressant.
     Nous allons maintenant faire une pause de quelques minutes pour permettre aux nouveaux témoins de s'installer.

  (1505)  


  (1510)  

    Merci à tous. Nous allons commencer le deuxième tour de table.
    Je remercie les témoins d'être parmi nous aujourd'hui.
     Nous allons entre d'abord les représentants de la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles.
     Je tiens d'abord à remercier les membres du Comité de nous avoir invités à partager nos points de vue sur le cadre de la sécurité nationale.
    La Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles est une coalition de 43 organismes de la société civile au Canada. Elle regroupe, entre autres, les grands syndicats, les ONG, les organisations de droits de la personne et les Églises. Notre coalition a été créée en 2002 précisément pour faire une veille et surveiller les mesures et lois antiterroristes afin de déterminer leurs répercussions sur les droits et libertés des Canadiens.
    Depuis sa création, donc depuis 2002, notre coalition est intervenue souvent auprès du Comité permanent de la sécurité publique et nationale. Nous avons été des intervenants de la Commission O'Connor et de la Commission Iacobucci. Nous sommes également intervenus en Cour suprême dans une foule de dossiers, allant des certificats de sécurité jusqu'aux listes d'interdiction de vol.
    J'allais faire un exposé de plusieurs enjeux aujourd'hui, mais compte tenu du temps, nous allons nous concentrer sur deux seuls aspects: la demande de retrait des dispositions introduites par le projet de loi C-51, en premier lieu, et les mécanismes de surveillance et de plainte des agences, en deuxième lieu.
    Nous avons la chance d'avoir avec nous aujourd'hui Me Paul Cavalluzzo pour nous représenter. Il était procureur principal de la Commission O'Connor, qui a déposé en 2006 un rapport contenant des recommandations pour un mécanisme de surveillance.
    Je cède immédiatement la parole à Me Cavalluzzo pour que nous puissions entrer dans le vif du sujet.
    Merci.

  (1515)  

[Traduction]

    Dans mon exposé d'aujourd'hui, je vais parler du rapport entre l'examen parlementaire par le comité, prévu par le projet de loi C-22 et un examen indépendant qui sera fait, je l'espère, par un organisme spécialisé indépendant du gouvernement. J'ai préparé un texte qui, je crois le comprendre, doit vous être remis une fois qu'il aura été traduit.
    Ayant été avocat de la commission chargée de l'enquête sur l'affaire Arar et avocat spécial pendant quelques années, je peux vous dire que les organismes et les services qui s'occupent de la sécurité nationale font des erreurs. Pas par malveillance. Ils le font en toute innocence, mais ils commettent des erreurs parce que ce sont des êtres humains. M. Arar a été envoyé en Syrie et torturé pendant un an à cause de renseignements inexacts qu'un corps policier canadien, la GRC, a communiqué au FBI et à la CIA.
    Ce cas n'est pas une anomalie. Bien des Canadiens ont été ciblés à cause de la réaction de nos organismes au terrorisme.
    L'un des grands problèmes de ces organismes, c'est qu'ils travaillent sur des renseignements, pas sur des preuves. On a dit des renseignements qu'ils étaient des « rumeurs surfaites ». Ils viennent de sources humaines, d'organismes étrangers, peu importe, et il arrive souvent qu'ils ne soient pas fiables.
    L'autre problème de nos organismes, c'est qu'ils ne sont pas tout à fait ouverts avec les organismes d'arbitrage lorsqu'ils commettent des erreurs. L'an dernier et dans les années antérieures, la Cour fédérale du Canada a sévèrement critiqué le SCRS parce qu'elle a jugé que le service n'avait pas été ouvert à propos de ses erreurs.
    L'autre aspect, très important pour expliquer pourquoi il nous faut une surveillance et un examen efficaces, c'est que la plupart des activités de ces organismes, comme le SCRS, sont menées à notre insu. Elles se déroulent dans le secret. Même les instances judiciaires qui concernent le SCRS restent secrètes.
    Et tout en menant leurs activités en secret, le SCRS et d'autres organismes chargés de la sécurité nationale ont des pouvoirs incroyablement intrusifs et peuvent empiéter sur les droits et libertés des Canadiens. À considérer l'ensemble des faits, nous devons nous dire que, bien entendu, nous voulons protéger la sécurité nationale, mais que nous voulons aussi protéger nos libertés fondamentales qui sont garantis par la Charte des droits. Comment faire?
    Ce sont là des questions très importantes. Il est probable qu'une des questions les plus difficiles dans notre système juridique aujourd'hui est celle de la conciliation de la sécurité nationale avec nos libertés fondamentales. La solution, selon moi, c'est une surveillance efficace par un comité parlementaire et un examen indépendant par un groupe d'experts. Je m'explique.
    Je dirai dès le départ que je suis très heureux que le gouvernement veuille créer un comité de parlementaires pour surveiller les activités des organismes chargés de la sécurité nationale. Le projet de loi C-22 présente un certain nombre de problèmes que je vais évoquer dans mon exposé. Je crois savoir que vous allez étudier ce projet de loi la semaine prochaine. J'ai des observations à faire sur cette mesure, mais il est certain que la surveillance parlementaire exercée par ce comité est un progrès dans le sens d'un renforcement de notre système de sécurité nationale, en ce qui concerne tant les organismes que les examens auxquels ils sont soumis.
    Une question se pose: est-ce suffisant? Ma réponse est claire. Je m'occupe de questions de sécurité nationale depuis 10 ans, de renseignements ultrasecrets et d'organismes chargés de la sécurité nationale, et je dis qu'il faut quelque chose de plus, et ce quelque chose doit être complémentaire de la surveillance parlementaire exercée par ce comité ou un autre qui sera là pour s'occuper de ces organismes. D'une part, il y a la surveillance exercée par un comité parlementaire et d'autre part, nous avons un examen effectué par un organisme spécialisé indépendant.

  (1520)  

    Je vais vous expliquer les différences. Dans son rapport sur l'affaire Arar, le commissaire O'Connor a traité de ces notions relatives à la surveillance. Je le répète, la surveillance parlementaire exercée par un comité est un progrès. Elle existe dans la plupart des démocraties libérales, et il est bon que nous allions dans le même sens.
    Qu'est-ce que la surveillance? Elle traite de questions d'efficacité: comment les organismes nationaux fonctionnent-ils et quel système de politique devrait s'appliquer aux organismes chargés de la sécurité nationale? C'est une étude ou une analyse théorique. Les parlementaires n'ont pas le temps d'aller sur le terrain pour s'occuper des questions d'examen.
    Qu'est-ce que l'examen? Il porte, après le fait, sur l'activité de l'organisme pour voir si ont été respectées les normes de légalité, de politique et autres. Voilà ce que fait le CSARS, chargé de l'examen du SCRS.
    Nous avons donc la surveillance parlementaire qui traite de questions systémiques et de questions de politique et nous avons l'examen.
    Vous vous demanderez peut-être: maintenant que nous avons la surveillance grâce au comité de parlementaires, le CSARS et le commissaire du SCC, n'avons-nous pas le meilleur des deux mondes? La réponse est clairement négative.
    Il y a plus de 10 ans, le commissaire O'Connor a dit dans le rapport Arar que notre système d'examen laisse à désirer. Maintenant, dans le projet de loi C-51, les problèmes de l'examen sont encore plus flagrants.
    Voici trois exemples qui montrent pourquoi le système d'examen laisse à désirer et ne répond pas aux besoins.
    D'abord, notre système d'examen est compartimenté. Chaque entité n'a compétence que pour un seul organisme et non pour l'ensemble des organismes. Or, tous les organismes chargés de la sécurité nationale agissent conjointement. On ne peut avoir un organe d'examen qui s'occupe uniquement du SCRS, alors que ce service travaille avec l'ASFC, la GRC, etc. Cette compétence compartimentée est totalement inadéquate.
    Deuxièmement, le projet de loi C-51 a donné aux organismes des pouvoirs plus nombreux et plus larges. En conséquence, il faut plus de pouvoirs et de ressources pour les organismes d'examen.
    Le troisième exemple concerne les renseignements personnels. Le projet de loi C-51 donne à plus d'une centaine d'organismes canadiens l'autorisation de communiquer des renseignements personnels à 17 organismes canadiens, comme le SCRS. De ces 17 organismes, 14 n'ont aucun mécanisme d'examen. Il y a bien des raisons qui font que le système est en bute à des difficultés et que nous avons besoin d'un mécanisme plus large qui a compétence à l'égard de tous les organismes qui s'occupent de sécurité nationale.
     J'utiliserai ma dernière minute pour dire un mot des problèmes du projet de loi C-22.
    Le problème principal est que le gouvernement peut intervenir dans l'exercice du mandat du comité. Celui-ci est autorisé à faire un examen de la sécurité publique à moins que le ministre ne dise que l'examen porterait atteinte à la sécurité nationale.
    C'est la même chose pour l'accès à l'information. Le comité peut demander des renseignements à un ministre ou à un organisme, mais on peut lui opposer un refus parce que leur communication porterait atteinte à la sécurité nationale. Le problème, comme la Cour suprême du Canada l'a dit dans l'affaire Harkat, c'est que les gouvernements exagèrent toujours lorsqu'ils invoquent la sécurité nationale. C'est le cas non seulement au Canada, mais aussi aux États-Unis, au Royaume-Uni et ailleurs.
    Les décisions du ministre, aux termes du projet de loi C-22, de refuser des renseignements ou l'autorisation au comité de faire enquête ne font l'objet d'aucun contrôle judiciaire. C'est un pouvoir sans précédent au Canada.
    Vous verrez dans mon mémoire un certain nombre de difficultés que présente le projet de loi C-22. Il va dans la bonne direction, mais il n'est pas encore tout à fait au point.
    Merci.
    Merci.
     Vous pourriez garder ces réflexions en réserve et nous vous consulterons lorsque nous ferons officiellement l'examen du projet de loi C-22. Je sais que vous vouliez en dire davantage, je l'ai senti, mais vous aurez une autre occasion de vous exprimer dans le cadre de notre examen, j'en suis sûr, en personne ou autrement.
    Madame Ataogul, vous avez la parole.

  (1525)  

[Français]

     Je vais m'adresser à vous en français mais, comme vous le constatez, je peux certainement répondre à vos questions en anglais.
    Je suis ici au nom de l'Association des juristes progressistes, l'AJP. C'est une association formée d'avocates et d'avocats, de professeurs de droit, d'étudiantes et d'étudiants en droit et d'autres travailleuses et travailleurs du domaine juridique. Elle a été fondée en 2010, elle compte plusieurs centaines de membres et elle intervient au sujet de nombreuses questions d'actualité, de lois et de règlements qui sont adoptés.
    Personnellement, dans le cadre de ma pratique, je travaille beaucoup sur le sujet du droit constitutionnel et sur celui de la validité constitutionnelle des lois. J'ai contesté notamment un article du Code du travail qui limitait la liberté d'association des travailleurs de ferme, un article du Code de la sécurité routière qui limitait le droit de manifester et le règlement P-6 de la Ville de Montréal. Actuellement, je m'occupe de la contestation du règlement concernant les chiens de race bull-terrier — cela fait toujours sourire les gens —, mais je crois que les principes de validité des lois nous interpellent beaucoup, surtout à l'AJP.
    L'Association a pris position au moment de l'adoption du projet de loi C-51. Nous nous sommes prononcés contre l'adoption des mesures annoncées, pour plusieurs motifs. Il y a notamment le fait que, selon nous, à notre humble opinion, la plupart des mesures adoptées violent probablement la Charte canadienne des droits et libertés. Je suis donc ici aujourd'hui pour intervenir surtout au sujet de ces mesures. Nous allons dire les choses comme elles le sont. Un projet de loi a été déposé en vue de révoquer certaines dispositions de C-51 et et des consultations ont été promises au cours de la campagne électorale. Rappelons-nous que le Parti libéral du Canada avait voté en faveur de la loi en disant que, plus tard, il pourrait la réviser. À notre avis, c'est vraiment l'occasion de le faire. Cette présentation découle donc de l'analyse faite par mes collègues. Je ne vais pas trop parler du sujet qu'étudie le Comité, mais surtout de C-51.
    Je veux intervenir sur deux aspects, le premier étant celui du Livre vert qui a été communiqué à la population. L'AJP a fait beaucoup de travail d'éducation juridique à ce sujet et beaucoup de travail de conscientisation de la population. Ce qui nous a déçu dans le Livre vert et la consultation actuelle, c'est que le Livre vert semble présenter le cadre actuel, incluant C-51, comme étant quelque chose d'éminemment nécessaire et/ou positif. Évidemment, nous nous attendons pas à ce que vous présentiez le point de vue contraire mais je crois que, puisqu'il s'agit d'une consultation, la population est censée pouvoir intervenir en ayant toutes les données en sa possession.
    Il aurait été intéressant de noter les controverses créées par C-51 au sein de la communauté juridique, alors que la plupart des experts juristes considèrent que la loi contient probablement des violations des droits et libertés. Il y a actuellement une contestation constitutionnelle de ces dispositions devant les tribunaux en Ontario, menée par mon éminent collègue Me Cavalluzzo. Nous croyons que ce contexte doit être communiqué à la population.
    En ce qui concerne le fond de la question, nous avons énormément à dire, évidemment, mais je vais me limiter à certains aspects des dispositions qui modifient différentes lois, pour vous dire pourquoi nous pensons que ces dispositions devraient être révoquées.
     Le premier aspect est le nouveau crime concernant la préconisation du terrorisme qui rendrait coupable d'un acte criminel quiconque, sciemment, communique les déclarations en sachant que la communication entraînera la perpétration d'une infraction de terrorisme ou sans se soucier du fait que la communication puisse ou non entraîner la perpétration de l'une de ces infractions.
    Selon nous, cette disposition est inutile, parce qu'il y a déjà environ une quinzaine de dispositions qui encadrent tous les crimes associés au terrorisme, dont notamment la propagande terroriste ou haineuse. Elle pose également d'énormes problèmes quant à la liberté d'expression. Elle ne vise pas simplement des gens qui ont des opinions discordantes de celles du gouvernement en place à l'époque — parce que nous croyons, évidemment, que c'était le cas au moment où la loi a été adoptée. Elle vise également des gens qui occupent des positions neutres, comme des journalistes, des professeurs, des analystes. Ceux-ci pourraient avoir une opinion sur un conflit et pourraient ne pas l'exprimer parce que l'expression de cette opinion pourrait peut-être amener quelqu'un, quelque part, à poser une action. Nous croyons que c'est une disposition qui viole la liberté d'expression, et dont l'utilité n'a aucunement été démontrée.

  (1530)  

     Au contraire, ce genre de disposition a un énorme effet paralysant.
    Avant que je prenne la parole, on a beaucoup parlé des initiatives de prévention et de ce qu'on fait pour savoir qui tient de tels propos. Vous avez créé une disposition à cette fin. Je dis « vous », mais je parle de façon générale, car je n'ai pas entendu quiconque dire vouloir révoquer cette disposition, si ce n'est en ce qui concerne le projet de loi émanant d'un député.
    Vous faites en sorte que ces discussions n'aient pas lieu. Quelqu'un qui pourrait avoir des pensées de cet ordre et qui aurait besoin d'appui et de discuter avec des gens de sa communauté, qui lui demanderaient s'il a vraiment réfléchi à ce qu'il dit, n'en parlerait pas de crainte d'être accusé en vertu de cette disposition. Cela fait en sorte que de telles discussions ont lieu dans des endroits un peu plus secrets. Je pense que cette disposition n'est pas efficace. À mon avis, c'est une violation à la liberté d'expression, et on verra ce que la cour décidera à ce sujet.
    Par ailleurs, les déclarations faites en privé ne font pas l'objet d'une exception non plus, alors que d'autres dispositions prévoient une telle exception. Je parle des discussions qui se déroulent dans les lieux où vous voulez que les gens parlent. Un intervenant a parlé d'une communauté où on veut que les gens discutent librement de ces idées. En tant qu'avocate, je ne conseillerais pas à mes clients d'avoir de telles discussions, compte tenu de cette disposition que vous avez établie. Je vous le dis très candidement.
    J'aimerais aborder très rapidement les nouveaux pouvoirs accordés au SCRS.
    Me Cavalluzzo a dit qu'il est nécessaire d'avoir des pouvoirs de surveillance qui soient vraiment efficaces, et je ne peux qu'être d'accord avec lui, mais dans un premier temps, nous interpellons le gouvernement libéral. C'est lui qui a enlevé à la GRC les pouvoirs de collecte de renseignements, à la suite de la Commission McDonald.
    Vous avez remarqué qu'en accordant ces pouvoirs au SCRS, on a fait un recul. On nous dit qu'on pourra aller voir un juge avant. Je dirais respectueusement que cela ne tient pas compte de notre système juridique, où un juge doit pouvoir rendre une décision basée sur des preuves. Ici, ce qu'on demande au juge, c'est de deviner si une mesure donnée permettrait de réduire une menace. Donc, un juge qui n'est pas nécessairement expert dans le domaine devrait déterminer si une mesure donnée permettrait de prévenir une menace, et par la suite, le SCRS pourrait agir. Évidemment, on ne peut pas présenter au juge toutes les situations imprévisibles et spontanées qui peuvent survenir pour qu'il accorde un mandat. Il y a plein de choses qui peuvent survenir en cours d'instance. Faudra-t-il retourner devant lui à chaque fois?
    Nous avons beaucoup de difficulté à comprendre la nécessité de cette disposition. C'est d'autant plus vrai que, même sous le régime précédent, le SCRS n'avait pas ces pouvoirs et commettait déjà des erreurs de bonne foi, selon mon collègue Me Cavalluzzo.
    J'aimerais maintenant parler d'un troisième point, qui est la détention préventive.
    L'Association des juristes progressistes considère que le régime de détention préventive est déjà assez douteux suivant la Loi antiterroriste de 2001. En effet, ce régime permet de procéder à des arrestations préventives si on a des motifs raisonnables de croire qu'un acte terroriste sera perpétré. Même dans un tel cas, il faudrait obtenir un mandat, alors que la disposition proposée dans le projet de loi C-51 stipule qu'un agent de la paix peut préparer une dénonciation ou arrêter quelqu'un sans aucun mandat, s'il a des motifs raisonnables de croire qu'un acte terroriste pourrait être perpétré.
    Je prends l'exemple qu'a donné le Centre canadien de politiques alternatives, dont d'autres gens ont parlé. C'est celui de jeunes adultes musulmans qui jasent dans la rue de façon animée. On ne sait pas de quoi ils parlent parce qu'on ne comprend pas leur langue, mais on se demande s'ils pourraient perpétrer un acte terroriste et si on peut les arrêter de façon préventive.
    Nous pensons que ce genre de disposition va très loin et constitue un abaissement significatif des seuils permettant l'arrestation et la détention. Pour ces motifs, cela pourrait probablement être contraire à l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés.
    Dans le contexte actuel où on parle surtout de terrorisme et où on fait des liens avec la communauté musulmane, nous pensons que cela pourrait mener à du profilage politique.

  (1535)  

     J'avais d'autres éléments à aborder, mais je vais terminer mon intervention en vous parlant de la liste d'interdiction de vol.
    Selon nous, cette liste était déjà très problématique. Essentiellement, le projet de loi C-51 a codifié le pouvoir du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile d'inscrire les Canadiens sur une telle liste. Or, pour être retiré de la liste, il faut se présenter devant la Cour fédérale. En ce qui concerne l'accessibilité à la justice, je n'ai pas besoin de vous en parler longuement, mais je peux vous en parler si vous le voulez. Il ne suffit pas de démontrer que le ministre a eu tort; il faut démontrer qu'il a agi de façon déraisonnable. C'est un régime absolument kafkaïen.
    Par ailleurs, il est intéressant de constater que les gens qui n'ont pas le droit de prendre un vol ont quand même le droit d'aller dans les écoles et les centres commerciaux, de prendre l'autobus et le métro. Dans cette optique, je pense qu'une liste d'interdiction de vol ne sert strictement à rien. Nous avons beaucoup de difficulté à en comprendre la nécessité.
    Je vais terminer en vous parlant de certains rapports qu'on a faits à cet égard aux États-Unis. Selon ces rapports, on aurait mis le nom de certaines personnes sur la liste d'interdiction de vol dans le but de leur poser des questions, en leur mentionnant qu'on allait peut-être retirer leur nom de la liste si leurs réponses étaient satisfaisantes. Je ne dis pas que c'est l'intention au Canada, loin de là, mais je pense que le risque est grave.
    Évidemment, selon nous, cela porte atteinte au droit à la liberté. Ce n'est pas au même titre que lorsqu'on se fait arrêter, mais nous pensons que cela peut porter atteinte au droit à la liberté et violer l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés.
    Ce ne sont là que quelques exemples de problèmes causés par les dispositions du projet de loi C-51, et ce n'est pas tout.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    J'ai trois choses à signaler. D'abord, si certains d'entre vous ont des mémoires qu'ils n'ont pas pu présenter verbalement, nous serons heureux de recevoir ces documents. Ils seront remis au comité, qui les étudiera.
    Deuxièmement, je voudrais que le comité confirme que nous pouvons poursuivre la séance jusqu'à environ 16 h 10 ou 16 h 15 pour que nous terminions le tour de table. J'ai remarqué qu'il fallait environ huit minutes pour en arriver à sept minutes de questions. Si vous le voulez bien, nous siégerons jusqu'à 16 h 10 ou 16 h 15 pour achever ce tour de table.
    Enfin, à titre de président, j'aurais dû dire dès le début de la séance que nous ne représentons pas le gouvernement. Il s'agit d'un comité parlementaire. Par l'entremise du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, le gouvernement a publié un livre vert. Une partie de notre travail de parlementaires consiste à l'étudier. Nos consultations ne portent toutefois pas sur le livre vert. Nous avons toute liberté d'aller au-delà de cela dans nos recommandations au Parlement sur le cadre de la sécurité nationale.
    Commençons tout de suite avec M. Di Iorio.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les trois témoins de s'être déplacés. J'ai énormément apprécié leurs présentations forts instructives et très utiles.
    Je poserai aux trois témoins une question qui m'anime énormément et qui constitue, selon moi, le point de départ.
    Nous avons eu à intervenir dans toute une série de secteurs depuis notre élection au Parlement. Une des choses que nous faisons est d'essayer de regarder quelles sont les meilleures pratiques.
    Je suis membre du Parti libéral et je fais partie du caucus libéral qui forme la majorité, donc qui forme le gouvernement. Nous participons donc à une prise de décision qui aura des conséquences sur la population, comme l'indiquait le président. Par ailleurs, nous aimons bien nous inspirer de ce qui se fait de bon et connaître les expériences qui ont été négatives.
    Dans vos présentations, vous avez fait référence à certaines expériences dans d'autres pays. J'aimerais que vous nous guidiez. Y a-t-il un ou plusieurs pays qui pourraient nous servir d'inspiration dans certains secteurs? Ce ne sont peut-être pas des exemples contemporains, mais peut-être qu'il y en a eu au cours de l'histoire. Que peut-on dégager de l'expérience internationale?
    J'aimerais énormément que vous répondiez tous les trois.
    Nous pouvons certainement nous tourner vers nos voisins les États-Unis pour observer leurs expériences qui n'ont pas été...
    Je cherche des expériences positives. Des expériences négatives, j'en ai déjà entendu beaucoup.
    D'accord, parlons d'expériences positives.
    La prévention du terrorisme est un domaine très précis. Ce n'est pas ma spécialité, mais je pense que la population est à même de constater que, dans des pays où on arrive à éradiquer la pauvreté et l'isolement, à établir un filet de solidarité sociale important et à intégrer les immigrantes et les immigrants sans les exclure parce qu'ils s'habillent différemment et sans les mettre dans des carcans, les choses vont nettement mieux. Il y a aussi beaucoup moins de violence, en général, quand il y a moins de pauvreté et d'exclusion sociale. C'est dans ces pays qu'on...

  (1540)  

     D'accord
     Je vais devoir vous interrompre parce que le temps dont je dispose est limité.
    Je voudrais que vous nous donniez des exemples concrets et des exemples réels. Je comprends les termes généraux auxquels vous faites référence. Toutefois, d'une manière très pratique, je vous demande de nous mentionner des cas concrets et des situations concrètes à ce sujet.
    Le Canada est dans une meilleure position que la France pour ce qui est des attaques terroristes.
    La France est constamment en état d'urgence. Ce pays a des lois très répressives qui ne semblent pas fonctionner. Je parle ici en tant que personne issue de la population et qui n'a aucune expertise à cet égard. Toutefois, quand on regarde cette situation de l'extérieur, on constate que la France exerce beaucoup de répression, mais que cela ne semble pas fonctionner. Les États-Unis font la même chose et cela ne semble pas fonctionner. Pourtant, si on regarde d'autres pays, comme les pays scandinaves, il semble y avoir moins de répression et y avoir moins de terrorisme.
    M. Tassé ou Me Cavalluzzo, avez-vous quelque chose à mentionner à ce sujet?

[Traduction]

    Chose certaine, il serait utile de voir ce qui se fait aux États-Unis en matière de surveillance. Leur régime de gouvernement est différent, il va sans dire, mais les comités du Congrès chargés de la sécurité nationale, tant au Sénat qu'à la Chambre des représentants, exercent une surveillance très efficace. Fait important, ils ont largement accès à l'information ultrasecrète, beaucoup plus que ce que le projet de loi C-22 propose de donner au comité canadien.
    Au Canada, nous avons lieu d'être fiers. Nous avons atteint un certain niveau. L'enquête sur l'affaire Arar, par exemple, a été quelque chose de nouveau, d'unique au monde. Ce fut le premier examen indépendant d'une activité liée à la sécurité nationale.
    Notre bilan est bon, mais nous pouvons l'améliorer. Nous pouvons nous inspirer d'autres pays. L'autre pays dont nous pouvons nous inspirer en matière de surveillance est le Royaume-Uni. Les Britanniques ont certaines façons de faire en matière de renseignements ultrasecrets qu'il nous serait utile d'étudier.
    Merci. Pour en revenir à ce que vous avez dit à l'instant du Congrès des États-Unis, qui ont évidemment un régime de gouvernement différent, que voyez-vous chez les Américains dont nous pourrions nous inspirer pour améliorer notre propre système?
    L'élément clé, c'est l'indépendance des comités du Congrès américain. La séparation des pouvoirs y est beaucoup plus nette que chez nous. Si nous voulons avoir une surveillance parlementaire efficace, il faut que le comité soit indépendant du gouvernement.
     Aux termes du projet de loi C-22, comme je l'ai constaté dans la présentation, vous serez comptables au premier ministre, en fait. C'est un conflit d'intérêts. Le premier ministre est responsable des organismes que vous surveillerez.
    Il serait préférable, à mon avis, que le nouveau comité prévu dans le projet de loi C-22 relève du Parlement et non du gouvernement ou du premier ministre.
    Vous avez donné l'exemple du Royaume-Uni, mais comment s'y prennent d'autres pays qui ont un régime parlementaire semblable au nôtre?
    Des régimes parlementaires semblables, comme ceux du Royaume-Uni et de l'Australie, ont une surveillance efficace et un organe indépendant qui examine les lois sur la sécurité nationale et conseille le gouvernement.
    Les comités en question ne s'alignent aucunement sur le gouvernement. Ce sont des experts indépendants et ils font rapport chaque année au gouvernement, lui disant comment améliorer les lois. C'est là un autre mécanisme que vous devriez étudier également.

[Français]

    Monsieur le président, est-ce que le temps de parole dont je dispose est écoulé?
    Il vous reste un peu plus de deux minutes.

[Traduction]

    Vous avez parlé de surveillance, mais en matière d'examen, de quelles pratiques exemplaires à l'étranger pourrions-nous nous inspirer?
    Difficile à dire. L'essentiel, en matière d'examen, est une fois de plus l'indépendance par rapport au gouvernement et, évidemment, par rapport à l'organisme soumis à l'examen. L'organe chargé de l'examen doit avoir compétence ou autorité à l'égard de tous les organismes chargés de la sécurité internationale. Le CSARS ne peut s'intéresser qu'à...

  (1545)  

    Pourriez-vous donner un exemple, à l'étranger, où le mécanisme d'examen fonctionne?
    Le Royaume-Uni est probablement le meilleur exemple.
    Nous devons nous arrêter là. Merci.
    Madame Watts, à vous.
    Merci beaucoup.
    Pour poursuivre dans le même ordre d'idées, pourriez-vous me définir ce que vous envisagez? Nous avons parlé des organes de surveillance du SCRS, de la GRC, etc. Élimineriez-vous tout cela? Auriez-vous seulement le comité parlementaire et un mécanisme indépendant où siégeraient ces organismes de surveillance indépendants et qui ferait rapport au Parlement?
    Je recommanderais la mise en place de la surveillance parlementaire, assurée par le comité des parlementaires. Il s'occuperait des questions systémiques ainsi que des politiques dont le SCRS et la GRC doivent se doter, par exemple sur les accords avec des pays étrangers. Ce sont de grands enjeux abordés sur le plan théorique.
    Par ailleurs, il y aurait un organe d'examen, regroupant des experts indépendants. D'aucuns parleraient d'un « super CSARS », mais qui aurait compétence à l'égard de tous les organismes. Dans les faits, il se prononcerait sur les plaintes du public ou les plaintes dont il prendrait l'initiative. Il examinerait des activités du SCRS ou de la GRC et se prononcerait sur leur acceptabilité ou leur légalité.
    À la fin de l'année, il produirait un rapport annuel dont les parlementaires et le grand public pourraient prendre connaissance. Il pourrait aussi, ce qui serait un complément efficace de votre important mandat, recommander des moyens de rendre l'organisme plus efficace, puisqu'il sera sur le terrain, examinant les enquêtes de première ligne. Il pourra voir où il est possible d'apporter des améliorations et faire des recommandations au comité parlementaire, qui aura la responsabilité de recommander des modifications législatives.
    Les deux travailleraient main dans la main. D'une part, il y aurait un examen des problèmes au quotidien, tandis que, d'autre part, le comité étudierait les questions systémiques. Ce que l'un apprend au jour le jour sur le terrain, cette expérience, serait transmis au comité qui agirait sur le plan législatif.
    Je crois pouvoir déduire de vos propos que le CSARS resterait en place et qu'il travaillerait avec les experts. Ai-je raison?
    Non, il s'agirait d'une nouvelle entité.
    Pour en revenir à ma question initiale, éliminer tous les mécanismes de surveillance et ensuite avoir un groupe d'experts indépendant...
    Oui, cette entité indépendante aurait tous les pouvoirs...
    À l'égard de tous les organismes...
    ... le CSARS, le commissaire du SCC, la GRC, etc. Une seule entité s'occuperait de tous les organismes. Elle pourrait ainsi examiner efficacement ce qui se passe, car toutes les enquêtes sont conjointes. Si le SCRS, la GRC, l'ASFC et Immigration Canada interviennent, il faut un mécanisme d'examen pleine grandeur dont le champ d'action s'étend à tout l'appareil étatique.
    C'est là ma prochaine question
    Selon vous, le groupe d'experts serait-il formé d'experts du gouvernement?
    Non.
    En dehors du domaine gouvernemental... et la seule entité gouvernementale serait le comité parlementaire.
    C'est juste, mais les experts indépendants seraient nommés par le gouvernement. Ils sont semblables à des juges. Ils seraient nommés par le gouvernement, mais ils seraient indépendants, agiraient en toute indépendance et feraient des recommandations au comité parlementaire. Parallèlement, ils se prononceraient sur les plaintes. Par exemple, si je portais plainte au sujet de quelque chose que le SCRS ou la GRC auraient fait, je pourrais être entendu par cette entité indépendante, qui tirerait des conclusions.
    Qui les nommerait? Le Bureau du premier ministre ou la Chambre des communes?
    Les nominations seraient semblables à celles des juges. L'exécutif les nommerait. Vous pourriez modifier ces modalités de nomination. Par exemple, si vous vouliez que le comité parlementaire ait plus de pouvoir, peut-être pourrait-il nommer les experts indépendants. C'est une question de modalités.
    L'essentiel, c'est que, une fois nommés, les experts sont indépendants, comme des juges. Un juge peut être nommé par n'importe quel premier ministre, mais le fait est que, une fois nommé, il est indépendant, peut-on espérer.

  (1550)  

    Très bien. D'accord.
    Vous dites donc que cette entité indépendante remettrait un rapport annuel au Parlement.
    Exact.
    D'accord, et quelle serait son interaction avec le comité parlementaire chargé de la surveillance?
    C'est une question d'ordre pratique. Ce qui devrait se passer, c'est une rencontre ou deux par année. Il devrait y avoir une certaine relation. Comme le comité participera à l'élaboration de politiques à l'égard du SCRS ou d'autres organismes, il devrait être mis au courant de ce qui se passe sur le terrain. C'est pourquoi il me semble qu'il faudrait un certain nombre de réunions au cours de l'année.
    Pour en revenir à ce que vous avez dit, si le but est d'élaborer notre politique d'intérêt public sans interaction avec l'entité qui fera un examen important, alors il y aurait une grave lacune. On passerait à côté de l'objectif visé en mettant en place la structure de comité.
    C'est juste. Il y aura là une riche expérience et vous devriez y puiser.
    D'accord.
    Madame Ataogul, lorsque vous êtes intervenue tout à l'heure, vous avez dit un mot du projet de loi C-51 et d'autres sujets. Une de mes préoccupations, c'est qu'aucune loi, quelle qu'elle soit, n'est jamais parfaite. Je crois qu'on agit avec les meilleures intentions, et même M. Cavalluzzo a signalé des imperfections dans le projet de loi C-22. Pour donner à la police ou aux autorités le pouvoir de détenir une personne dont elles croient qu'elle va commettre un acte de terrorisme, que pourrait-on prévoir, si les dispositions du projet de loi C-51 ne sont pas parfaites à votre avis, pour donner tout de même à la police les pouvoirs dont elle a besoin pour faire son travail?
    Soyons clairs. Je ne crois pas que mon critère soit la protection. C'est plutôt la Charte canadienne, et elle permet au législateur de rédiger les textes de diverses manières. Malheureusement, je crois que le libellé va clairement à l'encontre de la Charte.
    Il existe déjà des dispositions dans le Code criminel qui permettent les arrestations préventives. Je ne suis pas là pour dire que c'est bien ou mal, mais les dispositions sont déjà là et permettent les arrestations préventives si l'agent croit que la personne va commettre un crime. Il doit obtenir un mandat d'un juge, à moins que ce ne soit impossible. Le dispositif est déjà en place.
    Or, nous avons modifié le critère. Je traduis librement, n'ayant pas le texte sous les yeux, mais on dit: si la personne est susceptible de commettre... Pour moi, ce n'est pas là une question de protection. C'est vraiment trop général. Il est important de donner aux forces de l'ordre des indications claires sur ce qu'elles peuvent faire ou non. On se trouve à leur compliquer la vie, car ses actions seront contestées. Il y aura des procédures et voilà tout ce que cela deviendra. Ce n'est pas une question de sécurité.
    Cela est important dans l'exécution de votre travail. Mon travail à moi consiste à voir s'il y a violation. Le vôtre est de voir s'il y a une justification aux termes de l'article 1 et de voir s'il est nécessaire d'apporter une modification. Lorsque nous apportons une modification, essayons-nous de réprimer la dissidence ou y a-t-il un risque que nous semblions le faire? Avons-nous vraiment besoin d'être plus efficaces? Je ne crois pas que la démonstration ait été faite. Je crois qu'on va vraiment trop loin.
    D'accord, merci.
    Je dois vous interrompre, mais vous aurez une autre occasion d'intervenir.
    Monsieur Dubé.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vous remercie, madame Ataogul, de vos propos à ce sujet.
    Je veux savoir ce qui suit en ce qui a trait à la communication de renseignements surtout quand on parle des droits des personnes.
     Certains disent que les Canadiens ont moins de protection quand ils sont à l'extérieur du pays. Évidemment, on pense à l'exemple américain, comme par exemple à la collecte de données qui est faite en vertu du Patriot Act. Ceux qui ne sont pas Américains ne disposent pas des mêmes protections légales à cet égard. Ils ne disposent d'aucune protection pour ce qui est de leurs données privées, par exemple.
    Je ne sais pas si vous avez des commentaires à formuler au sujet de la communication de renseignements avec d'autres pays, même avec ceux qui sont nos alliés, et les problèmes que cela peut occasionner en vertu des pouvoirs accordés par le projet de loi C-51.

  (1555)  

    J'ai certainement des commentaires à formuler à ce sujet.
    Cela rejoint évidemment ce qui a été dit par le député Nicola Di Iorio sur les meilleures façons de fonctionner qui existent à cet égard.
     Il faut toujours se rappeler qu'on peut s'inspirer de celles-ci, mais qu'il n'y a pas nécessairement une Charte des droits et libertés qui existe dans d'autres pays, et ce, même dans des pays qui sont très développés. Il faut donc faire attention quand on importe ce qu'on considère comme étant les meilleures façons de faire ou de fonctionner qui existent ailleurs. Il y a donc un problème à cet égard.
    On l'a vu avec M. Arar, on l'a vu avec tout ce que les commissions ont démontré, à savoir qu'on peut obtenir de l'information en utilisant la torture. Ce sont des pratiques qui sont interdites au Canada. Ces informations peuvent toutefois être communiquées et utilisées par le SCRS contre des gens. De plus, avec le projet de loi C-51, une chaîne peut s'établir. Cela peut justifier une arrestation parce qu'on pense que la personne pourrait commettre un acte terroriste. Les accusations pourraient être fondées sur des informations dont la provenance est douteuse et en utilisant des procédures qui sont secrètes.
    En somme, il se produit ce qui suit.

[Traduction]

    Si le critère pour l'imposition de conséquence est abaissé, cela veut dire que l'information obtenue par la torture ou dans des conditions inacceptables au Canada peut mener à des conséquences beaucoup plus graves pour la personne en cause.

[Français]

     Je pense que là est le problème. Si on obtient ces informations par la torture, il faut faire attention de ne pas rendre les conséquences encore plus graves. C'est ce que fait le projet de loi C-51.
     Par ailleurs, le projet de loi C-51 permet à toutes les agences et à tous les gouvernements de transmettre l'information également, alors qu'on ne sait pas exactement d'où vient cette information. C'est encore plus problématique.
    Merci.
    Ma prochaine question s'adresse à tous les témoins. C'est la question que j'ai posée à notre premier groupe de témoins. Selon moi, il est nécessaire que le SCRS, entre autres, démontre qu'il a besoin de pouvoirs et qu'il y a vraiment une brèche.
    Encore une fois, la question s'adresse à tous. Croyez-vous que la démonstration en a été faite et que les pouvoirs accordés par le projet de loi C-51 étaient nécessaires pour assurer la sécurité de la population, lorsqu'on compare cela à ce qui existait auparavant?
    En fait, pour répondre rapidement, je pense que des dispositions de ce genre sont souvent adoptées après un incident, de façon trop rapide et pas très réfléchie alors que les gens ont peur. Pour ma part, je n'ai vu aucun début de preuve. En fait, quand on donne ces pouvoirs au SCRS, on dit que la GRC n'est pas assez efficace et qu'elle n'est pas capable de donner des réponses. Or, je n'ai pas vu cela et cela n'a pas été la justification. Au contraire, je pense qu'avec tous les problèmes qu'on a eus avec le SCRS, on a besoin que les limites soient clairement établies et que, comme le dit Me Cavalluzzo, il y ait un bon exercice d'examen et de surveillance.

[Traduction]

    J'aurais deux réponses. D'abord, à propos des pratiques exemplaires dans la communication de renseignements avec des agences étrangères comme la CIA et le FBI, je vous demande de consulter le rapport Arar. En 2006, le juge O'Connor a formulé des recommandations au sujet de la communication de renseignements avec des nations amies, comme les États-Unis, ou des pays dont le bilan est médiocre en matière de droits de la personne, comme la Syrie, l'Égypte, etc. Il a parlé de restrictions à imposer sur cette communication de renseignements. Le rapport Arar a deux parties. Dans le volume I, on trouve des recommandations sur la mise en commun de renseignements.
    Deuxièmement, les pouvoirs du SCRS et la question de savoir s'il a besoin de nouveaux pouvoirs. S'il en a besoin, il n'a clairement pas besoin des pouvoirs que le C-51 lui accorde. Ce projet de loi est unique dans l'histoire de notre pays et même dans l'histoire de tout système juridique semblable au nôtre, en ce sens qu'il vise à donner au juge le pouvoir d'autoriser la violation de la Charte des droits. Voilà ce qu'il fait, et c'est clairement inconstitutionnel. Il donne ce pouvoir au SCRS, qui n'en a certainement pas besoin.
    A-t-il besoin de nouveaux pouvoirs qui soient constitutionnels? Je suis d'accord pour dire que nous devrions avoir la conviction que le régime précédent laissait à désirer. Le SCRS avait-il des pouvoirs suffisants avant l'adoption du projet de loi C-51? Sinon, il faut les lui donner dans le projet de loi C-51, mais certainement pas de l'ordre de ceux que lui accorde actuellement ce projet de loi. Je le répète, c'est un pouvoir incroyable dont n'importe quel constitutionnaliste constatera d'emblée l'inconstitutionnalité.

  (1600)  

[Français]

    Merci.
    J'aimerais vous poser une dernière question. Vous avez beaucoup parlé du projet de loi C-22. Comme le président l'a dit, nous aurons la chance d'étudier le projet de loi et j'espère que nous allons pouvoir vous entendre à ce moment-là.
    Néanmoins, j'aimerais profiter de l'occasion pour vous poser une question, parce que je crois que c'est important. Vous avez parlé de l'importance de rendre ce comité indépendant. Un exemple assez simple qui nous saute aux yeux est le choix du président du comité, qui est fait par le premier ministre actuellement. Notre proposition serait que le président soit élu par les membres du comité, comme cela se fait au Royaume-Uni.
    Cette proposition vous semble-t-elle logique, peut-elle constituer une première solution visant à rendre le comité indépendant?

[Traduction]

    La raison d'être ultime d'un comité indépendant, c'est qu'il sera légitime aux yeux du public. Plus le comité sera indépendant du gouvernement, plus sa légitimité sera convaincante pour le public. Ce que cela veut dire? Je ne laisse pas entendre que quiconque essaie de donner à qui que ce soit des pouvoirs arbitraires. Cela veut dire que nous devons faire attention à ce que fait le comité, aux personnes qu'il interroge.
    Le comité examine le cas du SCRS et de la GRC. Ces deux entités et d'autres organismes relèvent au bout du compte du premier ministre. Plus il y aura de distance entre le premier ministre et l'exécutif, d'une part, et le comité parlementaire d'autre part, plus indépendant il sera, plus il sera comptable au grand public, plus il sera transparent.
    Merci.
    Monsieur Mendicino.
    Merci, monsieur le président.
    Jusqu'à maintenant, ce que nous avons entendu des témoins d'aujourd'hui et de tous les autres qui ont parlé de la reddition de comptes au moyen d'un contrôle se rapporte à l'examen des options. Mais ce qui me donne du mal, c'est la définition des moyens législatifs dont le comité et les parlementaires ont besoin pour en venir à une version finale qui sera adoptée, et la prise en compte des examens d'experts indépendants qui feront contrepoids, de façon à concilier les deux points de vue.
    Les options dont j'ai pris note sont les suivantes. La première, c'est un simple comité de parlementaires. Je ne crois pas que ce soit le choix des témoins, même si le sénateur Hugh Segal a dit que c'était ce qu'il préférait à long terme.
    La deuxième option, ce serait d'avoir un comité de parlementaires et une série d'organes d'examen indépendants, dont le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC et le commissaire du Centre de la sécurité des télécommunications Canada. Le pendant serait essentiellement le dispositif existant. Les deux éléments coexisteraient.
    La troisième, ce serait un comité de parlementaires, un super CSARS, qui surveillerait toutes les questions existantes, et les organes d'examen indépendants.
    La quatrième et dernière option dont Me Cavalluzzo a un peu parlé, serait un comité de parlementaires et seulement un super CSARS. Je crois que c'est ce que vous préconisez, n'est-ce pas?

  (1605)  

    Oui.
    Si je considère les mandats que le projet de loi C-22 a définis pour le comité de parlementaires et les mandats existants de tous les organes de surveillance indépendants, j'ai du mal à voir comment faire coopérer les deux éléments du mécanisme de reddition des comptes.
    Je déduis de vos observations, Maître Cavalluzzo, que, selon vous, le comité de parlementaires doit se concentrer sur l'efficacité, en restant sur le plan abstrait. Le mandat actuel dit effectivement qu'une des fonctions principales de ce comité est d'étudier la politique législative et le cadre réglementaire. Il parle en même temps, en des termes très généraux, de la capacité du nouvel organe législatif d'examiner les activités de toute nature se rapportant à la sécurité nationale. À mon avis, les paramètres sont très larges.
    Cela chevauche les mandats existants de tous les organes de surveillance indépendants tels que les lois les ont définis. Maître Cavalluzo, comment pourrions-nous nous y prendre pour dissocier ces deux mandats? Le mieux que nous ayons maintenant, aux termes du projet de loi C-22, c'est l'article 9, où il est question de coopération afin de réduire les doubles emplois dans le travail.
    C'est justement l'un des problèmes du projet de loi C-22. Le but affirmé de la relation entre les organes existants, comme le CSARS, et le comité des parlementaires est d'éviter le double emploi. Il y a obligation de coopérer pour éviter le double emploi. Je crois que vous devriez pouvoir travailler ensemble. L'un des problèmes que je perçois dans ce que vous dites tient à l'article 8, qui autorise le comité de parlementaires à faire enquête sur des activités liées à la sécurité nationale. Le problème, c'est que le ministre peut dire: « Non, vous n'allez pas faire ceci ou cela parce c'est préjudiciable à la sécurité nationale. » Le comité des parlementaires a une compétence très limitée. Il dépend totalement du ministre responsable.
    Puis-je vous interrompre? Il me semble que c'est là une question distincte. Nous pourrons l'examiner plus à fond lorsque nous étudierons expressément le projet de loi C-22.
    Ayant été avocat de la commission sur l'affaire Arar, je suis curieux de savoir comment vous pensez que le juge O'Connor a... Et vous avez envisagé une coopération entre un comité de parlementaires et seulement le CSARS ou le CSARS avec des organes indépendants. Tenez-vous en au chevauchement dans les activités de surveillance. À mon avis, le comité n'a pas beaucoup d'aide, à ce stade, pour formuler une recommandation à l'intention du ministre.
    Seulement une ou deux observations.
    L'enquête sur l'affaire Arar, l'enquête sur Air India et bien d'autres exemples mettent en lumière les lacunes du système de surveillance actuel. Dans l'affaire de M. Arar, par exemple, le CSARS n'aurait pas pu examiner cette situation. Le commissaire chargé des plaintes contre la GRC n'aurait pas pu le faire non plus. Il faut une enquête publique. Nous songeons à un organisme de surveillance qui serait très semblable à la commission d'enquête sur l'affaire Arar, qui aurait compétence à l'égard de toutes les agences chargées de la sécurité nationale pour pouvoir réaliser un examen efficace.
    Quant aux relations avec un comité parlementaire, je dirai que vous êtes les élus. Vous avez des comptes à rendre à la population. Vous êtes en mesure de formuler de solides recommandations au gouvernement sur ce que doit être la législation sur la sécurité nationale.
    Il doit exister une relation entre les organes de surveillance. Tout comme l'enquête sur l'affaire Arar. La commission a étudié la situation, elle a fait des recommandations. Je vois la même chose pour un organe de surveillance, présent dans tout l'appareil gouvernemental, ayant une relation semblable avec le comité parlementaire pour ce qui des recommandations de politique et systémiques que vous pourriez faire. Vous vous occuperiez moins de l'examen de la sécurité nationale. Je retirerais ce pouvoir.
    C'est le plus près que nous soyons arrivés d'un témoignage clair sur la délimitation des mandats différents du comité de parlementaires et de l'autre composante, l'examen indépendant par des experts en la matière.
    M. Tassé ou Mme Ataogul ont-ils quelque chose à ajouter?
    Trente secondes, s'il vous plaît.
    J'insiste de nouveau sur le fait que les parlementaires sont très pris par leur travail de parlementaires. Vous avez beaucoup de responsabilités comme législateurs. Vous n'avez pas le temps, l'énergie, les ressources pour faire des enquêtes sur les plaintes. Il a fallu deux ou trois ans aux commissions O'Connor et Iacobucci pour étudier quatre affaires se rattachant toutes à une seule opération de sécurité nationale. Un comité parlementaire ne peut pas creuser aussi bien les dossiers qu'une commission. Il faut un groupe d'experts qui fait exactement ce que ces deux commissions ont pu faire.
    Merci.
    Monsieur Miller, quelques minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Ataogul, nous avons été interrompus avant notre échange...
    On peut le dire.
    En réponse à une question de M. Dubé, vous avez dit que rien ne prouvait que le SCRS ait assez de pouvoirs. Sauf votre respect, je conteste ce point de vue. De prétendus experts du domaine, et je ne suis pas l'un d'eux, ont dit que le simple soldat Vincent, à Montréal, et le caporal Cirillo, à Ottawa, seraient probablement en vie aujourd'hui si le SCRS avaient les pouvoirs qu'ils ont maintenant et que, selon toute probabilité, M. Driver, le candidat au terrorisme à Strathroy, aurait fait plus de morts.
    On nous dit qu'il y a des lacunes dans le projet de loi. Fort bien. Cela peut arriver. Nous avons besoin d'idées pour résoudre le problème, pas seulement de nous faire dire que ça ne va pas. De toute façon, c'est une simple réflexion.
    M. Cavalluzzo, vous avez dit un mot de la liste d'interdiction de vol. Pourriez-vous élaborer et dire comment nous pourrions régler le problème? Je vais vous dire ce que j'ai vécu dans ma circonscription.
    J'ignore le nombre exact, mais disons qu'environ cinq électeurs m'ont contacté des 12 dernières années. La plupart d'entre eux avaient été portés sur la liste parce que leur nom était identique à celui de quelqu'un d'autre, ou leur nom était semblable, mais les dates de naissance identiques. Quelque chose du genre. En me mettant au travail avec eux, nous avons assez bien réussi à faire corriger ce qui était une erreur. Cela mis à part, quelles améliorations pourrions-nous apporter à la liste d'interdiction de vol pour qu'il y ait moins d'erreurs?

  (1610)  

    Je recommanderais deux choses, principalement. D'abord, comme on l'a déjà dit, pour faire appel de la décision du ministre, il faut établir qu'il a été déraisonnable. Ce ne devrait pas être le critère. Il faudrait voir s'il avait raison. C'est trop important, étant donné le pouvoir d'intrusion dans la vie du citoyen. La deuxième amélioration que je recommanderais, c'est qu'une grande partie de l'audition de l'appel se fasse en secret. L'avocat du gouvernement sera présent, mais personne ne représentera la personne en cause. Aux termes du projet de loi C-51, s'il y a une liste d'interdiction de vol, il y aurait une disposition voulant qu'un avocat spécial soit présent à l'audience pour défendre les intérêts de la personne inscrite sur la liste, de façon que nous ayons au moins un semblant de débat contradictoire dans les audiences secrètes de la Cour fédérale. Cela devrait être présent, mais ce n'est pas le cas en ce moment.
    Merci beaucoup de votre réponse.
    Monsieur le président, je sais que nous dépassons la période prévue. Je m'arrêterai donc là.
    Merci.
    Merci.
    Merci de votre témoignage.
    Je préviens le comité que j'ai une idée en tête, ce qui est toujours dangereux. On commence à nous présenter des modèles différents au cours de séances diverses. Peut-être pourrions-nous accueillir ces témoins tous ensemble.
     Ce n'était pas très juste de dire que M. Segal voulait éliminer toute surveillance. Il voulait un appareil bureaucratique très renforcé pour soutenir le comité parlementaire de surveillance, le comité des parlementaires. Ce pourrait être comme un super CSARS qui a des experts. Il a des modèles de toutes sortes. Nous nous retrouverons probablement avec trois ou quatre modèles différents de surveillance par rapport auxquels nous allons devoir étudier le projet de loi C-22. Une forme différente de réunion pourrait être très intéressante, où nous aurions un groupe de témoins qui discutent différemment de ce que nous faisons normalement. Nous recevons des opinions d'experts fascinantes et nous, qui ne sommes pas experts, allons devoir formuler des recommandations. Vous avez été pour nous une source d'inspiration aujourd'hui, et nous vous remercions de votre travail, non seulement celui d'aujourd'hui, mais aussi celui que vous faites constamment dans l'intérêt de la justice.
    Merci.
    Nous allons lever la séance et nous réunir de nouveau à 17 h 30.

[Français]

     Vous êtes cordialement invités à assister à la réunion de ce soir, qui se fera sous forme de consultation publique.
    Je vous remercie.
    La séance est levée.
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