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SRSR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la science et de la recherche


NUMÉRO 022 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 14 novembre 2022

[Enregistrement électronique]

  (1830)  

[Traduction]

    Chers collègues, je déclare la séance ouverte. Bienvenue à la 22e réunion du Comité permanent de la science et de la recherche de la Chambre des communes.
     La réunion d'aujourd'hui se déroule en format hybride, conformément à l'ordre adopté par la Chambre le 23 juin 2022. Les membres participent en personne dans la salle et à distance à l'aide de l'application Zoom.
    Conformément à l'alinéa 108(3)i) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le jeudi 16 juin, nous nous réunissons pour étudier la question de la recherche et de la publication scientifique en français.

[Français]

     Pour garantir le bon déroulement de la réunion, j'aimerais transmettre certaines consignes aux témoins et aux membres du Comité.
     Avant de prendre la parole, veuillez attendre que je vous nomme. Si vous participez par vidéoconférence, veuillez cliquer sur l'icône du microphone pour activer ce dernier. Veuillez vous mettre en sourdine lorsque vous ne parlez pas.
    En ce qui concerne l'interprétation, ceux qui participent à la réunion par l'intermédiaire de l'application Zoom peuvent choisir au bas de leur écran entre le canal du parquet, celui de l'anglais ou celui du français. Ceux qui sont dans la salle peuvent utiliser l'écouteur et choisir le canal désiré.
    Je vous rappelle que toutes les observations des membres du Comité et des témoins doivent être adressées à la présidence.

[Traduction]

    Les membres présents dans la salle qui souhaitent prendre la parole sont priés de lever la main. Les membres qui utilisent Zoom sont priés d'utiliser la fonction « Lever la main ».
    Le greffier et moi-même allons gérer l'ordre des interventions de notre mieux, et nous vous remercions de votre patience et de votre compréhension à cet égard.
    Conformément à la motion de régie interne que nous avons adoptée, j'informe le Comité que tous les témoins ont effectué les tests de connexion requis avant la réunion.
    Ce soir, j'ai le plaisir d'accueillir au Comité Nathalie Lewis, professeure à l'Université du Québec à Rimouski, qui comparaît à titre personnel. De l'Université d'Ottawa, nous accueillons Martine Lagacé, vice-rectrice associée, Promotion et développement de la recherche.
    Chacun de nos témoins disposera de cinq minutes. À quatre minutes et demie, je montrerai ce carton jaune pour vous indiquer qu'il vous reste 30 secondes.
    Comme nous bénéficions de services d'interprétation, si vous n'avez pas soumis vos notes d'allocution à l'avance, je vous prie de parler un peu plus lentement pour faciliter la tâche à nos interprètes.
    Sur ce, nous vous souhaitons la bienvenue. Merci d'être parmi nous.
    Je donne maintenant cinq minutes à Mme Lewis, s'il vous plaît.

  (1835)  

[Français]

    Je vais aller droit au but puisque, cinq minutes, c'est peu.
    Le Canada est un État dont le français est l'une des deux langues nationales. À titre de citoyenne francophone, je pourrais discuter de cet aspect qui est d'une importance capitale pour moi. Cependant, je vais plutôt consacrer mon temps de parole à la publication scientifique en français, un autre aspect que je trouve aussi important.
    Le Canada est un pays relativement neutre au sein de la francophonie. J'arrive de la Tunisie, où j'ai assisté à une manifestation scientifique sur la francophonie. J'y ai vu l'influence du Canada par rapport à d'autres pays francophones, c'est-à-dire l'incidence du français et de la considération positive du Canada par rapport à la francophonie. Notre pays joue donc un rôle important à cet égard...

[Traduction]

    Je m'excuse, je dois vous arrêter une seconde. Nous avons des problèmes avec l'interprétation.
    Pouvons-nous réessayer?
    Chers collègues, nous allons suspendre brièvement la séance pour essayer de régler le problème. Si Mme Lagacé est d'accord, nous pourrions lui donner la parole pendant que l'équipe essaie de résoudre les problèmes d'interprétation en coulisses.
    Êtes-vous d'accord?

  (1840)  

[Français]

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    La parole est à vous pour cinq minutes, s'il vous plaît.

[Français]

     Merci beaucoup.
    Je voudrais d'abord remercier les membres du Comité de me donner la parole ce soir, à la fois à titre de vice-rectrice associée de la promotion et du développement de la recherche à l'Université d'Ottawa, et à titre personnel comme chercheuse francophone produisant des documents de recherche dans les deux langues officielles. J'expliquerai peut-être un peu plus tard ce que je qualifie de dérapage de la part des francophones, qui ont parfois tendance à passer du français à l'anglais dans leur recherche.
    Pourquoi la science et la publication scientifique en français sont-elles un sujet majeur pour le gouvernement fédéral?
    Comme le rappelle le rapport de 2021 de l'Acfas, la recherche, et plus globalement la science en français, a une incidence profonde sur la vitalité, l'épanouissement et le sentiment de bien-être linguistique des Canadiens francophones. En effet, loin de simplement enrichir le lexique pédagogique, universitaire et professionnel francophone canadien, elle procure l'expertise scientifique indispensable à la mise en place des programmes de formation, des politiques diverses et des services adéquats pour les communautés francophones en situation minoritaire.
    Par la production et la dissémination de ressources pédagogiques solides, la recherche en français rend possible un continuum d'éducation de qualité, assure la relève dans les communautés francophones et promeut une culture scientifique francophone canadienne dont le rayonnement s'étend au-delà des frontières nationales.
    Comprenons-nous bien. La question qu'on soulève ce soir va bien au-delà de nos communautés francophones. C'est aussi l'avenir de la diplomatie scientifique du Canada, de sa capacité à peser sur le destin d'une communauté de 300 millions de locutrices et de locuteurs, de citoyennes et de citoyens du monde, sur tous les continents. L'avenir de la recherche en français, c'est donc celui de la présence scientifique, industrielle et humanitaire du Canada dans le monde entier.
    Le Canada, comme pays membre du G7, joue d'ailleurs un rôle de premier plan et peut donc influer sur beaucoup de dossiers internationaux, qu'ils soient économiques, environnementaux ou autres. La capacité de notre communauté de recherche de produire des analyses et des études probantes en français vient donc ajouter à cette sphère d'influence qui fait tant la renommée de notre pays. Malheureusement, et vous l'avez certainement entendu, on constate une érosion rapide de la production scientifique en français du Canada.
    La baisse continue des demandes de subvention rédigées en français, le faible taux de succès dans les concours de financement, notamment au sein des Instituts de recherche en santé du Canada et, par conséquent, le sous-financement chronique de la recherche en français laissent présager une disparition rapide d'une science en français et, ainsi, d'une diplomatie scientifique du Canada.
    Bien sûr, les trois conseils subventionnaires sont au fait de ce déclin depuis bien des années, et les quelques mesures prises n'ont malheureusement pas eu d'effets très importants.
    Nous sommes persuadés que le renforcement de la recherche en français ainsi que le soutien et le rayonnement de la publication en français passent par une plus étroite collaboration entre les chercheurs, les universités et les acteurs qui financent la recherche, notamment les organismes subventionnaires fédéraux. D'ailleurs, le mot « collaboration » est, pour moi, un mot clé ce soir.
    L'Université d'Ottawa est privilégiée de faire cohabiter deux communautés linguistiques de chercheurs, francophones et anglophones, et de naviguer entre elles. Cependant, nous observons aussi chez nous une diminution rapide de la science en français. Nous fournissons notre part d'efforts en soutenant la recherche et la science en français à l'Université d'Ottawa.
    Je pense notamment aux Presses de l'Université d'Ottawa, les seules presses bilingues en Amérique du Nord, qui publient des ouvrages universitaires en français et en anglais. En 2019, l'Université d'Ottawa a créé le Collège des chaires de recherche sur le monde francophone, une entité vraiment dynamique vouée au soutien de la recherche de très haut niveau en français. Ce collège réunit 10 titulaires de chaires de recherche en français, qui travaillent sur différents sujets, comme le patrimoine culturel, la santé numérique ou l'immigration francophone.
    L'Université d'Ottawa a aussi mis en place une stratégie bilingue de mobilisation des connaissances, qui appuie nos chercheuses et nos chercheurs dans la poursuite de leurs travaux dans leur langue, et ce, en dépit de l'attrait que peut avoir la diminution des publications en français.

  (1845)  

     Je termine par une recommandation. L'Université d'Ottawa verrait d'un très bon œil une stratégie fédérale pancanadienne de soutien à la recherche et à la publication scientifique en français, qui permettrait de reconnaître l'importance accordée à la recherche et à l'avancement des connaissances en français au Canada. Une telle stratégie permettrait aussi à la communauté scientifique canadienne de jouer un rôle encore plus marquant, non seulement au pays, mais également ailleurs dans le monde.
    Si le temps l'avait permis, nous aurions pu aborder la question de la coordination des acteurs.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Madame Lagacé, je suis désolée de vous interrompre. Je m'excuse, vous avez été si indulgente en prenant le relais. Nous vous en remercions.
    Je vais écouter ce que me dit notre greffier. Merci beaucoup pour votre témoignage. Nous sommes heureux que vous soyez là.
    Nous allons maintenant essayer à nouveau d'entendre Mme Lewis et nous verrons si cela fonctionne. Recommençons depuis le début.

[Français]

    M'entendez-vous mieux?

[Traduction]

    Nous vous entendons mieux, oui. Pouvez-vous recommencer depuis le début?

[Français]

     Merci, madame la présidente.
    Je suis désolée pour les problèmes de son.
    Aujourd'hui, mon intervention va porter sur un aspect qui me semble important pour l'édition scientifique francophone.
    Je parlais de la place privilégiée du Canada au sein de la francophonie et il me semble important de poursuivre mon intervention à ce sujet.
    Selon moi, pour la diversité des savoirs, la science ne peut pas se priver du français. Au-delà de l'outil de communication, cependant, c'est l'organisation et la structure de la pensée qui imposent un pluralisme des langues et une diversité linguistique.
    Dans un monde où les dossiers actuels sont cruciaux et complexes, on ne peut pas se priver de la diversité. J'en suis consciente en tant que sociologue de l'environnement. L'organisation de la science oblige le partage des critiques et la rétroaction pour toutes les recherches et les analyses à l'échelle internationale. Il ne s'agit pas de publier des articles pour alimenter un curriculum vitæ ou faire mousser une carrière — on pourrait revenir sur la montée en force de la bibliométrie —, mais pour faire circuler des idées et des connaissances. C'est au cœur de la méthode scientifique et c'est ce qui m'importe et me tient à cœur en tant que scientifique.
    Aujourd'hui, force est de reconnaître l'anglicisation massive de la science. On pourrait épiloguer longtemps sur les causes, mais ce ne sera pas l'angle de ma brève intervention. En fait, je veux insister sur l'importance de la circulation des idées scientifiques. Dès lors, dans l'organisation actuelle et internationale de la science, c'est par l'entremise de la publication scientifique que cette circulation opère, une circulation qui doit nécessairement être internationale. Il faut brasser des idées.
    Les travaux réalisés ces dernières années autour de la langue de la science montrent que l'anglais est majoritairement utilisé comme langue de communication scientifique internationale, ce qui réduit et appauvrit la diversité scientifique essentielle dont je faisais état plus tôt.
    Le français, comme d'autres langues dites nationales, serait réduit à la diffusion nationale. Ici, je ne fais même pas état de la diffusion du français au Canada. Cela pose un réel problème scientifique et épistémologique dans le lien entre la théorie et la pratique. Cela nous prive collectivement de ce qui nous manque cruellement pour saisir les questions complexes actuelles: le brassage de multiples idées recoupant plusieurs secteurs et disciplines, et l'imagination scientifique incontournable, voire vitale aujourd'hui.
    En Europe, il est intéressant de regarder ce qui a été réalisé par la cOAlition S et le leadership porté par plein de chercheurs qui ont travaillé sur l'état de la langue en science et en publication. À ce titre, le Canada a une grande responsabilité envers la science et la francophonie comme envers les Canadiennes et les Canadiens. Il pourrait occuper une place enviable à cet égard.
    L'édition scientifique se fait en grande partie par l'entremise des revues scientifiques, c'est-à-dire celles qui sont évaluées par les pairs, par d'autres scientifiques qui maîtrisent les mêmes domaines. On pourrait revenir sur cet aspect. Cette édition scientifique est l'outil ou le véhicule dominant — appelons-le ainsi même si c'est plus complexe — qui permet non seulement la diffusion, mais aussi la circulation et la mise en tension et en discussion des avancées scientifiques. Cette édition doit refléter l'importance du français à égale posture comme langue scientifique. Ce n'est plus le cas aujourd'hui, comme nous l'avons évoqué brièvement.
    Le modèle actuel de diffusion scientifique oblige les chercheuses et les chercheurs à publier et à être visibles — jusque là c'est cohérent —  et valorise, qu'on s'y inscrive ou non, certaines revues scientifiques par rapport à d'autres. Cette intervention ne me permet pas de dérouler finement les pièges de la bibliométrie, mais cet aspect est assez important et bien documenté. Cette façon de construire des renommées n'affecte pas que la publication scientifique francophone, il va sans dire, mais elle ajoute néanmoins plus d'obstacles.
     Au-delà de cette course au classement des revues, nous revenons à l'idée initiale, à savoir l'importance de la diffusion internationale et de la diversité de cette diffusion, qui visent à faire circuler les idées, les découvertes et les recherches.
    Revenons à la place prépondérante et à la domination des revues le plus souvent associées à des éditeurs commerciaux anglo-saxons. On assiste aujourd'hui à une uniformisation des façons de penser et c'est ce phénomène qu'il est important de revoir. Il faut diversifier les façons de penser, d'écrire et de réfléchir.

  (1850)  

     À ce titre, un coup de barre, un redressement exceptionnel, une aide particulière à l'édition francophone qui régresse doit faire l'objet d'une réflexion. Cette aide différenciée pourrait apparaître injuste à certains et certaines, car elle est non égalitaire, mais je reprendrai les propos du sociologue François Dubé...

[Traduction]

    Madame Lewis, je suis désolée de vous interrompre. Le temps est écoulé, mais vous avez suscité l'intérêt du Comité, et les députés vont vous poser des questions. Je vous remercie toutes deux d'être là.
    Nous allons passer à notre première série de questions. Elles sont d'une durée de six minutes, et ce soir, nous commençons par M. Tochor.
    Merci, madame la présidente, et merci à nos témoins de ce soir.
    Je m'adresserai d'abord à Mme Lagacé, de l'Université d'Ottawa, au sujet des chaires de recherche dont vous avez parlé. Je crois que vous avez dit qu'il y avait 10 chaires de recherche en français.
    C'est juste.
     Sur le site Web, je crois avoir lu quelque part qu'il y a 94 chaires de recherche au total. Est‑ce le nombre de chaires de recherche qu'il y a actuellement à l'Université d'Ottawa?
    Parlez-vous de chaires internes ou externes?
    Je dirais les chaires internes. Lesquelles sont en français? Sont-elles dites internes ou externes?
    Je pense qu'il doit y avoir un peu plus de 70 chaires internes, environ, oui.
    Il y a 70 chaires internes.
    Vous dites qu'il y a 10 chaires de recherche en français, mais quelle serait la répartition totale des chaires de recherche, alors? Est‑ce qu'il y en a seulement 10, quel qu'en soit le nombre exact, ou est‑ce qu'il y en a d'autres où les gens travaillent et publient en français, mais qui ne font pas partie de ces 10 chaires‑là?
    Chaque professeur peut décider de publier ses travaux en français ou en anglais, mais à part ces 10 chaires de recherche, non, il n'y en a pas d'autres, si je comprends bien votre question.
    J'essaie simplement de comprendre. Vous n'avez de pouvoir que dans le choix des professeurs à qui vous attribuerez ces chaires de recherche. Vous en réservez 10 sur 94, je crois, pour les professeurs qui s'expriment et publient en langue française, si je ne me trompe pas.
    C'est exact. Ces chaires de recherche ont été créées pour favoriser les publications en français, qui ont tendance à être de moins en moins nombreuses à l'Université d'Ottawa. Beaucoup, beaucoup, beaucoup de professeurs francophones ont tendance à décider de publier en anglais, parce que le facteur d'impact est considérablement plus élevé dans ce cas. Cela a une incidence sur la réputation internationale du chercheur, parce que tout le monde dans l'univers de la recherche sait que si un chercheur publie dans le Journal of Applied Gerontology, par exemple, qui est une revue américaine, sa réputation grandira peu à peu.
    Si je décide de publier dans une revue francophone, ma réputation, mon influence en tant que chercheuse, sera évidemment moindre.
    C'est un fait, d'où l'importance d'offrir du soutien aux chercheurs francophones, comme des services de traduction, par exemple, pour les aider à traduire leurs publications du français à l'anglais et ainsi augmenter leur influence et leur réputation dans le monde.

  (1855)  

[Français]

    Moi-même, comme chercheuse, j'ai souvent décidé de passer du français à l'anglais dans ma production scientifique, alors que je suis une francophile. Je constate très bien que, lorsque je publie en anglais, j'ai un rayonnement qui n'est pas du tout comparable à celui que je peux avoir lorsque je publie en français, puisqu'il y a un plus grand bassin de lecteurs. C'est malheureux et cela pousse beaucoup de chercheurs francophones à abandonner et à décider de ne publier qu'en anglais.

[Traduction]

    Je ne veux pas vous critiquer, mais si le problème, c'est, comme vous le dites, qu'il y a tellement plus de gens qui lisent l'anglais que le français, peu importe combien nous pourrons investir pour essayer de faire augmenter le nombre de publications si la proportion des lecteurs reste la même entre les deux langues. Est‑ce que cela va réellement nous permettre de corriger ce que certains croient qu'il faut corriger?
    C'est aussi une question de diversité des connaissances.
    Le français ne disparaîtra jamais.

[Français]

Il y a une grande communauté de chercheurs francophones dans le monde. On pourrait publier des connaissances seulement en anglais, mais on se priverait d'une diversité d'idées et de connaissances. Bien sûr, le lectorat est plus grand du côté des revues scientifiques en anglais, mais il reste que les francophones ont eux aussi le devoir de publier et de diffuser la recherche en français dans différents domaines et de s'assurer que le lecteur a accès à ces connaissances également.
    Je reviens donc à une de nos recommandations, qui consiste à appuyer les chercheurs francophones afin qu'ils continuent à créer le savoir en français. Cela prend un service de traduction pour les aider à diffuser dans un bassin plus large leur production scientifique en anglais. Elle circulerait ainsi dans les deux langues.

[Traduction]

    En fait, en tant que chercheuse dans une université dont le bilinguisme est une valeur fondamentale, je dirais que le fait de pouvoir publier dans les deux langues est extrêmement important pour la création et la circulation du savoir.

[Français]

     Les francophones sont donc moins avantagés à ce chapitre.

[Traduction]

    Je vais bientôt manquer de temps, mais je voudrais poser une autre question.
    D'accord.
    Je suis d'accord avec certains de vos arguments, mais revenons à ces 10 chaires de recherche, parce que cela montre un peu l'orientation de l'institut. Combien de ces 10 chaires de recherche sont en sciences humaines ou sociales plutôt qu'en STIM ou en sciences de la nature?
    La plupart des chaires de recherche francophone sont en sciences sociales et humaines — ce qui en dit long, d'ailleurs. Ça en dit long. Cela veut dire que les sciences traditionnelles, pures, sont presque complètement absentes de la recherche francophone, de la recherche en français.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Tochor.
    Nous allons maintenant passer à Mme Diab pour six minutes, s'il vous plaît.

[Français]

    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je remercie les deux professeures qui comparaissent, Mmes Lagacé et Lewis.
    Madame Lewis, j'ai vu que vous aviez levé la main. Je vous donne maintenant quelques minutes pour répondre à la question que M. Tochor a posée à Mme Lagacé.
    Je vous remercie.
    Ma pensée s'inscrit un peu dans ce qui a été dit par Mme Lagacé. Cela rejoint justement mes propos concernant la diversité linguistique, qui va au-delà de la langue pour toucher à la façon d'organiser sa pensée et son esprit. Ce n'est pas que de la traduction, c'est aussi de pouvoir réfléchir en français. Ayant moi-même étudié à l'Université d'Ottawa, j'ai pu constater qu'il y a vraiment différents types d'organisation de la pensée scientifique. Cette diversité est une force et une richesse et je pense qu'il est important de la préserver.
    Par ailleurs, la francophonie internationale n'est pas négligeable. Il existe un public francophone à l'extérieur du Canada, qui mérite aussi de pouvoir échanger avec nous. De plus, il peut nous amener à comprendre des réalités, particulièrement celles du Sud, qui vont nous amener à revoir le regard scientifique que nous portons sur ce que nous faisons. La traduction à elle seule n'est pas toujours suffisante pour refléter cette diversité; elle n'est qu'une solution. Il faut encourager la publication ou la science en français pour faire émerger cette pensée multiple.
    Il y a un système qui nous pousse et qui pousse mes collègues. Vous avez parlé de l'Université du Québec à Rimouski, une ville dans l'Est du Québec. Il y a peu d'anglophones et d'étudiants anglophones dans cette région. Il est donc nécessaire d'avoir des sciences en français, que ce soit des sciences humaines et sociales, lesquelles publient d'ailleurs plus que majoritairement en français, chez les francophones, dans des revues non commerciales.
     Pour refléter cette diversité, les sciences de la santé, les sciences appliquées ou les sciences sociales méritent d'être aussi pensées et éditées en français. La traduction est une bonne option, mais elle n'est pas la seule à valoriser.

  (1900)  

    D'accord.
    Merci beaucoup, madame Lewis.
    J'ai une question supplémentaire. Quel rôle jouent les établissements postsecondaires pour s'assurer que leurs professeurs sont en mesure de publier en français?
    Pour vous, madame Lewis, c'est facile parce que vous êtes au Québec.
    Or, dans votre cas, madame Lagacé, comment pouvez-vous répondre à cette question concernant Ottawa, qui veut être bilingue comme tout le monde le sait?
     Comme je l'ai mentionné un peu plus tôt, à l'Université d'Ottawa, nous tentons d'appuyer nos chercheurs en mettant sur pied diverses initiatives pour qu'ils produisent du savoir et des connaissances en français. J'ai mentionné notamment les Presses de l'Université d'Ottawa, qui sont bilingues et qui publient des ouvrages pédagogiques en français, comme des manuels de cours. J'ai aussi parlé du Collège des chaires de recherche sur le monde francophone.
     À l'Université d'Ottawa, nous avons aussi adopté très récemment une stratégie de mobilisation des connaissances, qui appuie énormément la production de recherche en français et en anglais. Nous avons aussi développé de multiples partenariats en matière de recherche, notamment avec le Consortium national de formation en santé et l'Institut du Savoir Montfort. Nous travaillons étroitement avec des partenaires à l'international, notamment en France et en Belgique.
    C'est de cette façon que nous essayons de créer, mais ce n'est pas suffisant. Nous sommes dans un écosystème. Les organismes subventionnaires fédéraux devraient faire plus d'efforts pour favoriser la collaboration entre les chercheurs francophones au pays. Le monde de la recherche est complexe et iI faudrait s'allier davantage aux chercheurs de Moncton, du Québec, de l'Ouest et de l'Ontario francophone. Pour cela, nous avons besoin de l'aide des organismes subventionnaires et, je le répète, d'une stratégie pancanadienne.
    C'est exact. Vous avez terminé votre discours par cette recommandation, l'établissement d'une stratégie fédérale. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
     J'ai parlé d'une stratégie fédérale pancanadienne de soutien à la recherche et à la publication scientifique en français. Celle-ci reconnaîtrait l'importance accordée, au Canada, à la recherche et à l'avancement des connaissances en français. Cela permettrait à la communauté scientifique canadienne de jouer un rôle encore plus marquant, non seulement au pays, mais également ailleurs dans le monde. C'était d'ailleurs une des recommandations du rapport de 2021 de l'Acfas.
    Il faudrait donc coordonner tous les acteurs fédéraux, les ministères, les agences et les conseils de recherche impliqués directement dans la recherche et la science en français au sein des universités strictement francophones ou à vocation francophone. Il s'agit d'assurer une meilleure synergie — et je crois que c'est le mot clé —, une meilleure concertation ou une meilleure collaboration afin de maximiser les effets de chacun des gestes posés par les acteurs impliqués. Cela permettrait d'assurer la pérennité du financement.

[Traduction]

    Madame Lagacé, je suis désolée...

[Français]

    Merci beaucoup, madame Lagacé.

[Traduction]

    Merci, madame Diab.
    Merci, madame Lagacé.

[Français]

    Je vais maintenant céder la parole à M. Blanchette‑Joncas pour six minutes.
    Je salue les témoins qui se joignent à nous ce soir dans le cadre de cette importante étude.
    Bonsoir, madame Lewis. C'est un plaisir de vous retrouver. Vous êtes une habituée des rencontres internationales francophones liées aux sciences humaines et aux sciences sociales, particulièrement dans votre champ d'expertise, la sociologie. Tout récemment, il y a deux semaines, vous étiez en Tunisie pour participer à la première édition des Rencontres de la Sociologie francophone.
    Pourriez-vous nous parler de cette expérience? De quels pays les participants étaient-ils issus? Les dossiers de chacun des pays étaient-ils similaires? Quels ont été vos constats lors de ce voyage?

  (1905)  

    Merci.
    Les participants venaient en grande partie de la francophonie internationale, en particulier de l'Afrique noire et du Maghreb. Il y avait aussi beaucoup de chercheurs européens et quelques chercheurs de l'Amérique du Nord. La semaine dernière n'était pas un moment commode pour les chercheurs nord-américains, puisque nous sommes en pleine session universitaire.
    Pour ce qui est des constats, j'ai noté que les jeunes chercheurs francophones désiraient fortement rencontrer d'autres chercheurs francophones pour discuter de questions scientifiques. Ce besoin était réel. De plus, comme je le disais tout à l'heure, les regards étaient tournés vers le Canada et le rôle qu'il pouvait jouer, par opposition à d'autres pays francophones du continent africain, plus marqués par la colonisation française. Nous étions, je le rappelle, en Tunisie.
    Depuis mon retour, je reçois des demandes d'encadrement visant à maintenir la science en français. Par contre, comme cela a été mentionné tout à l'heure, le système actuel n'incite pas les chercheurs francophones à rédiger et publier leur travail en français. Mme Lagacé l'a souligné plus tôt. Pourtant, la demande existe. Or, dans le système actuel, l'étude des demandes de subvention favorise la publication dans certains types de revues, généralement peu francophones.
     Les jeunes chercheurs francophones sont aux prises avec cette difficulté et on observe une baisse d'intérêt à l'égard de la francophonie, même dans des pays où la langue scientifique est le français. Il est clair que le modèle actuel pousse les chercheurs à opter pour l'anglais.
     Merci, madame Lewis.
    Pourriez-vous nous faire quelques recommandations pour contrer ce modèle qui pousse les chercheurs vers la publication en anglais?
    Si l'on reporte la responsabilité individuelle sur les chercheurs, c'est s'attendre à beaucoup de leur part, parce qu'il y a un modèle international pour cette publication. Il faut plutôt une aide pancanadienne pour favoriser le regroupement de la recherche en français. Cette dernière passe par la publication scientifique qui, elle, passe par les revues scientifiques.
    Étant impliquée dans une revue francophone en science et en environnement, une revue internationale et ouverte, je peux vous dire que la gestion d'une revue non commerciale et francophone est un lourd fardeau à porter, qui s'ajoute à nos métiers au point d'être un peu du bénévolat scientifique. Il est difficile d'exploiter ces revues-là. Une aide pancanadienne pour la publication et l'édition francophone pourrait être, dans un premier temps, un moyen de contrer un peu ce ralentissement de la science en français.
    Les recommandations du rapport de 2021 de l'Acfas étaient assez éloquentes. Il faut tout simplement valoriser le français comme langue scientifique. À l'échelle internationale, de nombreuses études ont montré l'effet des langues dites nationales, que ce soit le portugais ou l'espagnol, qui ne sont souvent utilisées que dans le pays, alors que la langue internationale est l'anglais. Actuellement, je pense que le français peut et doit jouer un rôle international. Le Canada, avec une association plus solide, pourrait nous aider à cet égard.

  (1910)  

    Pourriez-vous nous faire part de votre expérience? Je vois que la grande majorité de vos publications, en tant que chercheuse, sont en français. Je vous en félicite. Cependant, j'aimerais comprendre ce qui vous a poussée à choisir de faire de la recherche et de la publication scientifique en français.
    Par ailleurs, que pourriez-vous suggérer aux jeunes chercheurs pour les intéresser davantage à faire de la recherche en français?
    Je publie aussi en anglais, mais effectivement, depuis quelques années, je favorise la publication en français. C'est tout simplement pour transmettre, comme je le disais plus tôt, une pensée qui ne s'articule pas de la même façon...
    Je suis désolée de vous interrompre, mais le temps de parole de M. Blanchette‑Joncas est écoulé.

[Traduction]

    Monsieur Blanchette-Joncas, voulez-vous demander une réponse par écrit?

[Français]

    Effectivement.
    Professeure Lewis, pourriez-vous nous transmettre votre réponse par écrit, s'il vous plaît?

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Sur ce, nous allons passer à M. Cannings pour six minutes. Allez‑y, s'il vous plaît.
    Je remercie les témoins d'être avec nous ce soir.
     Je m'adresserai d'abord à Mme Lagacé.
    Pour clarifier les choses, vous avez déploré un faible taux de réussite aux concours de financement, probablement pour les candidats francophones, et pourtant, selon le CRSNG, à tout le moins, nous avons entendu Marc Fortin affirmer que parmi les candidats de l'Université d'Ottawa qui ont fait une demande en français ont eu un taux de réussite le plus élevé que ceux qui ont fait une demande en anglais. Il semble y avoir une certaine divergence ici. Je voulais le souligner.
    Vous avez également proposé qu'on aide les chercheurs francophones à traduire leurs publications du français à l'anglais. Je suppose que c'est pour qu'ils puissent faire leurs recherches en français et publier leurs conclusions en anglais.
    D'autres témoins nous ont dit que même quand les francophones peuvent faire des demandes en français, ils ont besoin de l'aide d'autres francophones pour trouver la meilleure façon de remplir ces demandes en français. Cela ne semble pas logique à première vue, mais ils sont entourés de personnes présentant des demandes en anglais qui peuvent les aider en anglais.
    Il semble que nous ayons de la difficulté à accepter que la lingua franca des publications dans le monde, du moins dans le domaine scientifique, soit l'anglais. Il me semble que le Canada, en tant que pays, ou le gouvernement fédéral, ne peut pas faire grand-chose pour changer cet état des choses.
    Plus précisément, que pourrait faire le gouvernement fédéral pour encourager la recherche en français au Canada, surtout dans le domaine des sciences naturelles, le milieu d'où je viens? Comment pouvons-nous favoriser cela tout en reconnaissant l'éléphant dans la pièce, c'est‑à‑dire que tout le monde, en science, publie en anglais dans le monde?

[Français]

     Je vous remercie de votre question.
    Cela revient peut-être à un soutien financier, voire une surveillance par les conseils subventionnaires fédéraux de la production, de la vulgarisation et de la diffusion des savoirs en français dans les milieux communautaires et universitaires de langue française en situation minoritaire. Je pense qu'on peut commencer par cela.
    On ne peut pas imposer à un chercheur de soumettre ses demandes de subvention en français ou en anglais. Cependant, je peux vous faire part de notre constat, que la professeure Lewis a fait également: il existe chez les chercheurs francophones cette notion que notre taux de succès dans l'obtention de subventions et d'une réputation internationale dépend de notre volonté de produire un savoir en anglais.
    Est-ce que cela nécessite une plus grande valorisation du savoir en français par les conseils subventionnaires, les acteurs fédéraux et les universités elles-mêmes? Je pense que cela doit passer par là. Pourquoi beaucoup de chercheurs francophones font-ils le choix de passer du français à l'anglais? Il y a sûrement une raison à cela et le taux de succès dans l'obtention de subventions est un facteur. Nous avons des chiffres qui montrent que les chercheurs francophones qui déposent des demandes de subvention en français, notamment aux Instituts de recherche en santé du Canada, ont proportionnellement moins de succès.
    Récemment, on m'a demandé d'assister, en tant qu'évaluatrice, à l'étude d'environ 80 demandes de subvention provenant de partout au Canada, notamment de l'Université de Sherbrooke, de l'Université du Québec à Montréal, de l'Université de Montréal, de l'Université d'Ottawa et de l'Université de Calgary. Absolument toutes ces demandes étaient rédigées en anglais, alors que certaines provenaient d'équipes entièrement francophones.
     Que se passe-t-il chez les chercheurs francophones? Ont-ils abandonné parce qu'ils savent que le taux de succès est trop faible? Je n'ai pas la réponse à cela, mais je pense que le gouvernement fédéral doit valoriser les savoirs en français. Il le fait déjà, mais il peut le faire davantage. Il doit également offrir davantage de soutien aux trois conseils subventionnaires. Par ailleurs, iI faut rappeler que les subventions n'ont pas été révisées depuis plusieurs années. Il faudrait peut-être y réfléchir, notamment pour les chercheurs francophones en particulier.

  (1915)  

[Traduction]

    Je voudrais faire un commentaire sur une autre chose que nous avons entendue. Il s'agit de la différence entre la recherche en sciences sociales, où le français semble se maintenir, et la recherche en sciences de la santé et en sciences de la nature, où il a reculé. Je suppose que c'est parce qu'en sciences sociales, une grande partie de la recherche se fait dans les milieux francophones du Québec, par exemple. Il est logique de publier ces recherches en français, parce que c'est le public auquel on s'adresse. Est‑ce que c'est juste?

[Français]

     Ai-je le temps de répondre?

[Traduction]

    Merci, madame Lagacé.
    Il reste deux secondes à M. Cannings, donc il aimerait peut-être vous demander une réponse par écrit.

[Français]

    Oui.

[Traduction]

    Nous allons maintenant passer au tour de cinq minutes.
    Je crois savoir que c'est M. Blanchette-Joncas qui prendra la parole maintenant.
    Monsieur Blanchette-Joncas, vous avez la parole.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Madame Lagacé, c'est avec plaisir que nous vous recevons ce soir. Je me permets de vous féliciter et de vous remercier. J'ai écouté un balado du Centre interdisciplinaire de recherche sur la citoyenneté et les minorités, qui porte sur le sujet de ce soir, à savoir la recherche et la publication scientifique en français. C'était très intéressant et j'invite mes collègues à l'écouter.
    Vous avez dit que l'Université d'Ottawa était l'université bilingue la plus importante, non seulement au Canada, mais au monde. Auriez-vous des données concernant le pourcentage de production scientifique en français à votre université, comparativement à ce qui s'y fait en anglais?
    Je voudrais préciser que nous avons les plus anciennes presses universitaires bilingues en Amérique du Nord. Elles publient de 28 à 30 ouvrages savants par année, dont à peu près la moitié en français. Les Presses de l'Université d'Ottawa ont le devoir de s'assurer qu'elles publient autant en français qu'en anglais.
    D'accord. De façon générale, à l'Université d'Ottawa, connaissez-vous le pourcentage de la production scientifique en français par rapport à celle en anglais?
    Je n'ai pas ce chiffre en tête, mais je pourrai certainement vous le fournir par écrit.
    Nous l'attendrons avec grand plaisir, merci beaucoup.
    Vous avez abordé le facteur d'impact, qui influence grandement la classification des publications scientifiques. On reconnaît même que le facteur d'impact dévalorise initialement la publication scientifique en français. Concernant ce facteur, il y a eu la Déclaration de San Francisco sur l'évaluation de la recherche, la fameuse Declaration On Research Assessment, ou DORA, en anglais.
     Est-il exact que vous reconnaissez que l'influence du facteur d'impact a fait diminuer la valeur de la publication scientifique en français?

  (1920)  

    Vous l'avez bien énoncé, le classement des universités se fait à partir d'indices quantifiés. Par définition, la publication dans des revues francophones qui n'ont pas cette notion de facteur d'impact fait que, si on ne publie qu'en français, on est un peu perdant dès le départ.
     Je pense que cela revient. On parlait de recommandations tantôt. Les universités peuvent collaborer, mais je pense qu'un effort de concertation est à faire à beaucoup plus haut niveau. Il s'agirait peut-être de repenser la formule de classement des universités et ce qu'on veut valoriser exactement, au-delà d'un facteur d'impact.
    Merci, madame Lagacé.
    Vous me voyez venir. Vous dites que les universités doivent contribuer à l'effort, tout comme le gouvernement fédéral.
     Je tente de comprendre pourquoi l'Université d'Ottawa n'a pas signé la Déclaration de San Francisco sur l'évaluation de la recherche, qui juge que le facteur d'impact soulève un problème pour la classification. Votre institution est la plus grande université bilingue au Canada, voire au monde. Vous me dites reconnaître que le facteur d'impact, soit la classification de la publication scientifique, dévalorise la publication scientifique en français. J'aimerais donc comprendre pourquoi l'Université d'Ottawa ne fait pas preuve de leadership et ne signe pas la Déclaration.
    Il n'est pas dit que nous ne signerons pas cette Déclaration, mais je ne peux pas vous répondre à ce sujet pour l'instant. Par contre, je dois quand même souligner que DORA n'est qu'un instrument parmi tant d'autres.
    L'Université d'Ottawa est un chef de file, que je qualifierais de visionnaire. Je parlais tantôt de notre stratégie de mobilisation des connaissances, qui est au cœur de notre plan de recherche. Cette stratégie valorise autre chose que des facteurs numériques pour la création de savoirs. Nous appuyons beaucoup nos chercheurs francophones qui font de la mobilisation.
     Vous donniez l'exemple du Centre interdisciplinaire de recherche sur la citoyenneté et les minorités: ce dernier est prépondérant dans notre appui à la recherche en français.
     Je veux comprendre votre point de vue, professeure Lagacé. Je comprends que vous songez un jour à signer la Déclaration. Cependant, je rappelle qu'elle date de 2013, voilà bientôt 10 ans. Je comprends que vous allez réfléchir un jour à votre position, mais, à mon avis, le portrait est assez clair actuellement. Seulement 6 universités sur 97 au Canada ont signé la Déclaration.
    Je comprends mal, encore une fois, pourquoi, près de 10 ans plus tard, la plus grande université bilingue au Canada, voire au monde, n'est pas capable de se positionner favorablement sur cette déclaration, qui traite d'un problème que vous reconnaissez également.
    Si le gouvernement fédéral ou les acteurs scientifiques francophones n'exercent pas leur leadership et ne s'engagent pas nécessairement dans des actions, comment croyez-vous que les choses peuvent réellement changer?
    Je tente de comprendre comment nous, les acteurs auprès du gouvernement fédéral, pouvons aider les établissements quand eux-mêmes ne font pas nécessairement la part des choses.
     Pardonnez-moi, mais je ne conclurais pas que le fait de ne pas avoir signé la Déclaration...

[Traduction]

    Monsieur Blanchette-Joncas...

[Français]

    ... équivaut à manquer de leadership et de vision sur la recherche en français.

[Traduction]

    ... c'est tout le temps que vous aviez.
    Merci beaucoup.
    Encore une fois, nous tenons vraiment à remercier tous nos témoins d'être ici, de nous consacrer de leur temps et de nous faire profiter de leurs efforts et de leur savoir.
    Nous entendrons maintenant Mme Bradford pour cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie les deux témoins du temps qu'elles nous consacrent ce soir.
    Madame Lagacé, j'aimerais commencer par une question de nature générale, parce que vous êtes dans une situation unique, dans une université véritablement bilingue. Quels sont les défis particuliers auxquels font face les universités et les facultés francophones dans les provinces à majorité anglophone?

[Français]

    Pardonnez-moi, j'ai mal entendu votre question. Pouvez-vous la répéter?

[Traduction]

     Oui. Pour une université ou une faculté francophone dans une province ou un territoire à majorité anglophone, quels sont les défis uniques du point de vue institutionnel?

[Français]

    Merci beaucoup de votre question.
    D'abord et avant tout, nous nous retrouvons dans un contexte doublement minoritaire, étant une minorité dans une minorité. Au sein de l'université, ce sont souvent des chercheurs francophones qui doivent lutter pour faire entendre leur voix et pour avoir leur place dans un système qui valorise peut-être davantage la recherche en anglais plutôt qu'en français.
    Un des défis est que le glissement est un peu plus dangereux quand nous nous retrouvons dans un contexte comme celui-là.

[Traduction]

    Ma prochaine question va dans ce sens. De quels types de services ou d'aide les chercheurs ont-ils besoin pour mener à bien leurs activités en français, notamment pour mener leurs recherches, publier leurs travaux, organiser des événements scientifiques et faire des demandes de financement? Quel type d'aide spéciale leur faciliterait la tâche?

  (1925)  

[Français]

    Je pense que je l'ai mentionné tantôt lorsque j'ai formulé des recommandations. Ma collègue a mentionné que la traduction n'était qu'un élément, à recommander, bien sûr, puisque nous voulons favoriser la création au point de départ du savoir en français.
    Nous recommanderions donc d'appuyer les chercheurs en leur offrant des services de traduction, ce qui leur permettrait de rédiger leur recherche en français pour ensuite la faire traduire en anglais et ainsi diffuser dans un plus grand rayon leurs articles scientifiques et leurs ouvrages scientifiques comme tels.
    Je pense aussi qu'il y a peut-être un rôle à jouer du côté des conseils subventionnaires pour que les chercheurs se sentent invités à soumettre leurs demandes en français. On voit de moins en moins de chercheurs francophones qui soumettent leurs demandes en français aux trois conseils subventionnaires. Ces derniers pourraient donc encourager plus ouvertement et de façon plus manifeste les chercheurs francophones à soumettre leurs demandes en français. Cela pourrait aider.
    Nous recommanderions aussi que les conseils subventionnaires se dotent d'un comité qui assurerait l'équité du taux de succès des demandes soumises en français. Dans tous les cas, il faudrait que ce comité s'assure que le taux de succès des chercheurs francophones qui soumettent leur demande en français n'accuse pas de recul. Je pense ici au mot « surveillance », qui n'est peut-être pas le bon, mais ce serait peut-être un élément à surveiller.

[Traduction]

    D'accord. C'est une fois que les demandes sont envoyées aux conseils subventionnaires, mais dans quelle mesure est‑ce que l'université elle-même pourrait fournir des services pour inciter les chercheurs francophones à présenter leurs demandes en français? Comment peut‑on encourager les universités à offrir des services ou de l'aide pour qu'un plus grand nombre des demandes soumises aux conseils subventionnaires le soient en français?

[Français]

     Notre université offre déjà des services d'appui à la préparation des demandes de subvention, qu'elles soient en français ou en anglais puisque l'Université d'Ottawa est bilingue.
    Les chercheurs francophones sont encouragés à préparer leurs demandes en français. Il reste que beaucoup d'entre eux choisissent malgré tout de soumettre leurs demandes en anglais aux trois conseils subventionnaires. Cela est peut-être dû à une espèce de méfiance ou de crainte que le taux de succès soit plus faible pour les demandes en français. Cette situation dépasse cependant l'appui que peut donner l'Université d'Ottawa.

[Traduction]

    Quel rôle le gouvernement fédéral pourrait‑il jouer à cet égard, alors? Le gouvernement fédéral a‑t‑il un rôle à jouer pour inciter un plus grand nombre de chercheurs francophones à soumettre leurs demandes en français?

[Français]

    Il serait bien de mettre en place, dans la mesure du possible, un comité permanent au sein de chacun des trois conseils subventionnaires, pour que cette question de l'appui aux chercheurs francophones soit véritablement discutée.
    De plus, le gouvernement fédéral pourrait aider les chercheurs francophones à se rallier et à se concerter davantage, en assurant une collaboration dans le domaine de la recherche francophone au Québec, en Ontario, au Nouveau‑Brunswick, au Manitoba et en Alberta. Actuellement, aucun mécanisme ne permet de tels points d'ancrage et de collaboration.

[Traduction]

    J'ai une autre question...
    Je suis désolée, madame Bradford. Je m'excuse.
    J'aimerais remercier tous nos témoins.
    Nous vous remercions d'être venus, de nous avoir consacré de votre temps, d'avoir partagé votre savoir et vos idées avec nous. Nous espérons que cela a été une bonne expérience pour vous et nous espérons que vous voudrez revenir. Nous tenons vraiment à vous remercier.
    Sur ce, chers collègues, nous allons suspendre brièvement la séance pour nous préparer à entendre notre deuxième groupe.
    Merci encore.

  (1925)  


  (1930)  

    Chers collègues, reprenons. Accueillons le deuxième groupe de témoins.

[Français]

    J'aimerais faire quelques observations à l'intention des nouveaux témoins.
    Avant de prendre la parole, veuillez attendre que je vous nomme. Si vous participez à la réunion par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour activer ce dernier. Veuillez vous mettre en sourdine lorsque vous ne parlez pas.
    En ce qui concerne l'interprétation, ceux qui utilisent l'application Zoom peuvent choisir au bas de leur écran entre les canaux du parquet, de l'anglais ou du français. Ceux qui sont dans la salle peuvent utiliser l'oreillette et choisir le canal désiré.
    Je vous rappelle que toutes les observations des députés et des témoins doivent être adressées à la présidence.

[Traduction]

    Soyez les bienvenus.

[Français]

    Nous accueillons le président de la Fédération acadienne de la Nouvelle‑Écosse, M. Kenneth Deveau.
    Nous accueillons également M. Allister Surette, recteur et vice-chancelier de l'Université Sainte-Anne.

[Traduction]

    Soyez tous les deux les bienvenus. Nous sommes ravis de vous accueillir. Chacun de vous disposera de cinq minutes pour sa déclaration. Après quatre minutes et demie, je montrerai un carton pour vous annoncer qu'il vous reste 30 secondes.
    Je vous remercie de votre participation.
    Entendons d'abord M. Deveau. Vous avez la parole.

  (1935)  

[Français]

    Je suis vraiment content d'être parmi vous et très reconnaissant du fait que vous m'ayez donné l'occasion de vous adresser la parole ce soir en tant que membre de la communauté et président de la Fédération acadienne de la Nouvelle‑Écosse.
    J'ai également une certaine expérience dans le milieu de l'enseignement. J'ai en effet été vice-recteur à l'enseignement et à la recherche à l'Université Sainte‑Anne. J'ai aussi été un chercheur très actif sur la francophonie canadienne et mes travaux ont été subventionnés par le Conseil de recherches en sciences humaines.
    La Fédération acadienne de la Nouvelle‑Écosse ne date pas d'hier: elle a été fondée en 1968. Elle regroupe 29 organismes membres qui se consacrent à l'épanouissement et au développement global de la communauté acadienne et francophone de la Nouvelle‑Écosse. La Fédération accomplit sa mission en agissant comme porte-parole principal de la population acadienne de la Nouvelle‑Écosse. C'est à ce titre que je vous adresse la parole ce soir.
    J'aimerais souligner que l'Université Sainte‑Anne est l'un des membres de la Fédération. Je vous ai soumis un mémoire. Je ne sais pas si vous l'avez reçu. Vous le recevrez éventuellement si vous ne l'avez pas déjà entre les mains. Je ne pourrai pas vous présenter tout ce qu'il contient ce soir, mais j'espère que vous aurez l'occasion de le lire. Je vais aborder quelques éléments clés et pourrai peut-être en aborder d'autres lors de la période consacrée aux questions.
    L'Université Sainte‑Anne, en plus d'être membre de la FANE, est un partenaire de choix pour la majorité de nos organismes membres. Elle constitue ainsi un axe primordial du rayonnement de la Nouvelle‑Écosse ou de l'Acadie de la Nouvelle‑Écosse. La recherche sur la francophonie canadienne, plus particulièrement sur l'Acadie de la Nouvelle‑Écosse, qui est réalisée au sein de cet établissement par ses chercheurs et les collaborateurs de l'Association des collèges et universités de la francophonie canadienne, est essentielle à la vitalité de nos communautés, et ce, pour de nombreuses raisons que je ne peux pas me permettre d'énumérer ici.
    Je voudrais attirer votre attention sur un point essentiel de ma présentation. L'Université Sainte‑Anne et ses recherches sont aussi un outil indispensable au développement d'une économie durable et innovante au sein de l'Acadie de la Nouvelle‑Écosse. Cette recherche alimente les stratégies de développement économique communautaire. De plus, les collaborations avec nos entreprises et nos entrepreneurs constituent un maillon essentiel à l'établissement d'une économie dynamique, innovatrice et durable au sein de nos communautés.
    Je voudrais également souligner que nos recherches s'effectuent aussi dans les domaines de l'environnement et de la santé. Elles sont parfois , mais pas toujours, liées directement à la francophonie ou aux questions entourant celle-ci. C'est pour nous un besoin.
    J'ai plusieurs recommandations à vous faire ce soir. Je vais devoir les aborder brièvement. J'attire votre attention sur le récent rapport des États généraux sur le postsecondaire en contexte francophone minoritaire, qui décrit en détail les défis des établissements francophones en situation minoritaire. Je tiens à vous dire que la Fédération appuie chacune de ces recommandations, notamment les six qui portent spécifiquement sur la recherche et la publication en français.
    La position qu'occupe l'Université Sainte‑Anne au sein de l'Acadie de la Nouvelle‑Écosse est rendue possible en grande partie par son autonomie et le fait qu'elle est, en vertu de sa loi habilitante, un établissement, non pas bilingue, mais de langue française.
     Cette autonomie entraîne toutefois des défis de taille. C'est en quelque sorte un pacte avec le diable que nous avons conclu. En effet, l'Université Sainte‑Anne est appelée à faire tout ce que fait une grande université, mais avec beaucoup moins de moyens. En plus, elle a la responsabilité d'offrir des programmes collégiaux et doit, de par sa vocation, le faire en français, mais aussi en anglais.
    Nous demandons donc que le gouvernement fédéral profite du prochain plan d'action pour les langues officielles pour prendre des mesures positives afin d'appuyer la recherche et la publication scientifique en français dans les établissements postsecondaires francophones canadiens.

  (1940)  

     Nous demandons aussi que ces dispositions comprennent des mesures particulières pour tenir compte des défis particuliers associés à la petitesse, à l'éloignement...
    Monsieur Deveau, je suis désolée de vous interrompre.

[Traduction]

    Le Comité est suspendu à vos lèvres. Je suis persuadé qu'il vous réserve beaucoup de questions. Je suis désolée de vous interrompre.
    Entendons maintenant M. Surette, qui dispose de cinq minutes. Allez‑y.

[Français]

    Merci de m'accueillir ici ce soir et de mener une étude aussi importante pour le secteur postsecondaire francophone au Canada.
    Je représente l'Université Sainte‑Anne à titre de recteur et vice-chancelier depuis 12 ans. Comme l'a mentionné M. Deveau, l'Université Sainte‑Anne est le seul établissement postsecondaire de langue française parmi les 10 universités que compte la Nouvelle‑Écosse. Nous offrons des programmes d'études universitaires et collégiales communautaires, ainsi que des programmes d'immersion et de formation sur mesure en français langue seconde. Nous sommes résolument ancrés dans notre milieu et nous sommes un partenaire de choix pour accroître la vitalité de nos petites communautés acadiennes et francophones en Nouvelle‑Écosse.
    Depuis mes 12 dernières années à Sainte‑Anne, l'ancrage dans le milieu constitue un axe de notre plan stratégique. En d'autres mots, il s'agit de savoir comment mieux appuyer nos communautés. Nous sommes un petit établissement qui compte à peu près 600 étudiants à temps plein et à temps partiel. Nous offrons notre enseignement et nos services par l'intermédiaire de cinq campus d'un bout à l'autre de la province, dont un à Halifax. Des quatre autres campus, deux sont dans le Sud‑Ouest, à Pointe‑de‑l'Église et à Tusket. Les deux autres campus sont sur l'île du Cap‑Breton, à Saint‑Joseph‑du‑Moine et à Petit‑de‑Grat. Les régions acadiennes et francophones de la Nouvelle‑Écosse sont des régions côtières, rurales et éloignées, à au moins trois heures de route de l'aéroport d'Halifax. Ce sont aussi des communautés de langue officielle en situation minoritaire.
    Nous nous sommes distingués au cours des années par notre volonté de nous impliquer activement dans nos communautés et de favoriser leur développement, tant sur le plan de la langue et de la culture que dans d'autres domaines, pour appuyer nos industries. Nous disposons de centres, de laboratoires et d'observatoires qui servent à relier les chercheuses et les chercheurs entre eux et à établir des ponts avec les autres établissements, dont des établissements anglophones, les entreprises et l'ensemble des acteurs sociaux.
    J'aimerais maintenant parler un peu de la recherche. Je suis certain qu'il y aura des questions par la suite. Nous appuyons les propos tenus par l'Association des collèges et universités de la francophonie canadienne et par l'Acfas devant ce comité.
    Voici quelques réalités de l'Université Sainte‑Anne. Tout d'abord, en raison de notre petite taille, nous avons beaucoup moins de programmes de deuxième et de troisième cycles que les plus grands établissements. Il y a donc moins d'étudiants et d'étudiantes disponibles pour appuyer les professeurs dans leurs projets de recherche. Or, l'encadrement d'étudiants et d'étudiantes est un des critères utilisés par les conseils subventionnaires pour évaluer les demandes de subvention. Par ailleurs, les programmes de subvention plus prestigieux sont moins adaptés aux établissements de petite taille comme le nôtre.
    Je voudrais dire un mot sur le Programme des chaires de recherche du Canada, puisque nous avons deux de ces chaires. Comme vous le savez probablement, si le financement total moyen des organismes subventionnaires tombe en dessous de 100 000 $, les établissements comme le nôtre ne sont plus admissibles et ne peuvent plus accueillir de chaire de recherche. De plus, toutes les chaires actives doivent être désactivées. Nous nous sommes retrouvés dans cette situation en 2019, ce qui est très regrettable pour nos communautés et notre établissement.

  (1945)  

    Les gens pensent souvent que nous, les établissements d'enseignement francophones, ne faisons de la recherche que dans le domaine de la langue française ou sur la culture acadienne ou francophone. Toutefois, dans notre cas, puisque nous nous trouvons dans une région côtière et que nous sommes le seul établissement postsecondaire dans le Sud‑Ouest, nous appuyons aussi nos communautés et les industries sur le plan du développement économique, par exemple. Nous jouons donc un rôle clé depuis quelques années dans...
    Je suis désolée, monsieur Surette.

[Traduction]

    Vous avez raison, le temps fuit, mais vous avez vraiment retenu l'intérêt du Comité.
    Nous tenons à vous remercier. Nous avons hâte d'entendre vos réponses à nos questions. Entamons la période de questions.
    Chaque intervenant disposera de six minutes.
    Le premier est M. Soroka, à qui je cède la parole.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie les témoins.
    Monsieur Surette, que faites-vous pour encourager les étudiants à poursuivre une carrière en français dans la recherche et à publier en français dans le domaine scientifique?
    Dans ce cas‑là, nous espérons qu'un maximum de nos professeurs pourra présenter au conseil des projets pratiques de recherche. Plus ils seront nombreux, mieux nos étudiants s'en porteront.
    Dans ma déclaration préliminaire, j'ai toutefois essayé de faire observer que la diminution du nombre de programmes dans les cycles supérieurs rend plus difficile notre tâche d'orientation des étudiants vers la recherche. Cela étant dit, grâce aux travaux de recherche que nous effectuons ici et au nombre de nos étudiants de premier cycle, beaucoup d'entre eux participent à des travaux de recherche. En fait, le pourcentage de ceux qui le font avec leur professeur est très élevé et, en raison de la petite taille de notre établissement, nous pouvons facilement en faire la promotion dans notre université.
    J'ai une question complémentaire. Un témoin antérieur a dit que l'intensité de la recherche a entraîné une pénurie d'adjoints à la recherche. L'observez-vous dans votre université?
    Non, pas chez nous. Ici, pour le nombre de projets en cours, un certain nombre d'étudiants se portent candidats à des postes d'adjoints à la recherche.
    Notre petite population estudiantine est très motivée. C'est peut-être l'effet du bouche-à-oreille ou de la culture de notre établissement, laquelle rend les étudiants désireux de le faire et leur fait ressentir une certaine fierté à seconder certains de nos professeurs.
    Merci.
    Monsieur Deveau, votre organisation se targue de promouvoir la croissance et le développement des communautés acadiennes et francophones néo‑écossaises. Dites comment vous y êtes parvenus ou quels succès vous avez obtenus.
    D'accord, mais est‑ce que je pourrais répondre rapidement à la question que vous venez de poser à M. Surette?
    Bien sûr.
    Je suppose que j'ai un peu de difficulté à distinguer mes divers rôles. Nous comptons un bon nombre d'adjoints à la recherche dans le premier cycle et nous nous enorgueillissons beaucoup de les faire participer à nos travaux. Les conseils de recherche le reconnaissent volontiers. Nous estimons d'abord que ce devrait être mieux reconnu, mais par les pairs eux-mêmes
    Ensuite, il serait très important que nous puissions bénéficier d'un certain financement. Pour compenser notre manque de boursiers diplômés, nous essayons de collaborer avec d'autres universités, mais, souvent, c'est à nos frais. Si ça pouvait se faire de manière structurelle et à la faveur du financement que nous recevons au titre des langues officielles — pas nécessairement et uniquement par les conseils de recherche — pour faciliter la collaboration entre les établissements francophones, nous pourrions produire plus avec moins.
    Pour répondre à votre question sur ses réussites, notre fédération tire sa force de ses membres. Grâce au regroupement de nos organisations régionales, toutes les régions de la province possèdent chacune une organisation. Nous avons également des organisations provinciales sectorielles. Mais, l'une de nos véritables forces se situe à l'échelle des institutions. Nous rassemblons tous nos membres avec nos institutions également. Notre université et notre conseil scolaire font partie de notre fédération, ce qui favorise la collaboration, un facteur réel de notre réussite.
    Un autre de nos atouts… S'il le faut, nous irons même jusqu'à intenter des actions en justice contre nos gouvernements et nous l'avons fait, comme la plupart des organismes francophones. C'est toujours en dernier recours, mais c'est parfois indispensable.
    Malgré ça, nous sommes toujours bien disposés envers les autorités fédérales, celles de la province et les municipalités. Essentiellement, nous partageons des objectifs communs — simplement améliorer notre milieu de vie à l'échelle de la communauté, de la province et de notre pays — et nous essayons de les atteindre. En Nouvelle-Écosse, nous l'avons réussi.

  (1950)  

    Très bien. Merci.
    Monsieur Deveau, vous avez également dit que vous vouliez plus de financement. Ce financement est‑il fédéral, provincial, municipal ou également privé?
    Oui.
    Des voix: Oh, oh!
    D'accord. C'est oui pour toutes ces sources.
    Oui.
    Essentiellement, le financement que nous cherchons tient compte de nos défis particuliers. M. Surette a dit que nous étions un très petit établissement très périphérique, que ce soit par rapport au centre de la province ou à celui du pays. Nous espérons que les structures…
    Monsieur Deveau, je dois vous interrompre, parce qu'il ne me reste que quelques secondes.
    Pourriez-vous me communiquer votre réponse écrite à cette question, ainsi que, vous et M. Surette, la teneur que vous jugez utile de vos déclarations préliminaires?
    Merci, monsieur Soroka.
    Je remercie les témoins.
    Madame Diab, vous disposez de six minutes.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
    Je me permets de souhaiter la bienvenue à MM. Surette et Deveau. En tant que fière Néo‑Écossaise, je suis très contente qu'ils participent à la réunion de ce soir.
    Monsieur Surette, vous avez parlé de l'Université Sainte‑Anne, la seule francophone des 10 universités que compte la province. Je sais très bien que vous avez joué un rôle clé dans la création et le développement de l'Université Sainte‑Anne.

[Traduction]

    Vous avez dit que vous vouliez répondre de manière à être le mieux compris de chacun des membres de notre comité, vu l'importance de la question à l'ordre du jour et la présence de membres de la communauté acadienne et de Néo‑Écossais parmi nous.
    Pouvez-vous en dire un peu plus sur vos liens, à l'internationale, et ceux, également, de l'Université Sainte-Anne, à l'extérieur du Canada? Comment est‑ce que ça se déroule, le cas échéant, chez les chercheurs et dans le travail que l'université elle-même accomplit, mais également dans le contexte de la recherche qui est à l'ordre du jour de cette réunion?
    Dans le contexte du… Je ne sais trop comment le dire. À cause du chassé-croisé entre les langues, je suppose.

  (1955)  

[Français]

    Je commencerai en français.
    Il est certain que nos chercheurs, nos chercheuses et nos professeurs ont des relations avec les autres universités francophones et anglophones. Ils ont certainement des relations avec les universités francophones du Canada, surtout avec celles en situation minoritaire. Beaucoup des défis auxquels nous faisons face sont les mêmes et nous pouvons partager cela. Nous faisons aussi affaire avec les universités anglophones en Nouvelle‑Écosse et dans toute la région de l'Atlantique. Nous avons un réseau appelé Springboard qui relie les établissements d'enseignement et leur permet de partager l'information. En effet, aucune université, qu'elle soit anglophone ou francophone, n'a l'expertise dans tous les domaines.
    À l'échelle internationale, c'est un peu la même situation. Nous avons signé des ententes avec des universités en France. Nous sommes en train de voir comment maximiser les résultats de nos efforts dans différents dossiers. Nous faisons assez souvent appel au volet international pour essayer de partager des expertises avec d'autres collègues de la francophonie, qui peuvent nous aider à appuyer certaines de nos recherches.
    Monsieur Deveau, en tant que chercheur très actif, pouvez-vous nous parler, non seulement des difficultés que vous avez rencontrées lors de la publication de vos propres travaux, mais aussi de ce que vous constatez en Nouvelle‑Écosse, à l'Université Sainte‑Anne et dans d'autres universités canadiennes?
    Merci beaucoup, madame Diab.
    Beaucoup des propos que j'ai tenus et que je tiendrai probablement sont liés à la perspective de la Fédération acadienne de la Nouvelle‑Écosse.
    Toutefois, vous me demandez mon avis d'ancien chercheur. J'ai un certain nombre de publications à mon actif. Mon travail a été subventionné par le Conseil de recherches en sciences humaines. J'ai écouté un peu la séance précédente et on y mentionnait que les sciences humaines accusent un retard. Personnellement, je suis dans un domaine où la plupart des spécialistes, au Canada, sont issus de la francophonie canadienne. Mes recherches portaient justement sur la vitalité des communautés francophones en situation minoritaire, plus particulièrement sur le rôle de l'école de langue française dans cette vitalité.
    J'ai signé ou cosigné une trentaine ou une quarantaine de publications au fil des années. Il est intéressant de souligner que celles qui sont les plus citées sont loin d'être les meilleures, mais ce sont les deux ou trois qui sont en anglais. Certains conseils subventionnaires, notamment les Instituts de recherche en santé du Canada et le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, considèrent que le facteur d'impact est très important. Or, si mes travaux avaient été évalués par ces conseils en fonction de ce facteur, je ne suis pas certain que j'aurais obtenu les subventions que j'ai reçues du Conseil de recherches en sciences humaines.
    Nous avons beaucoup travaillé sur le sujet de l'immigration, mais pas sous l'angle de la recherche. Quel rôle l'immigration peut-elle jouer en ce domaine, selon vous?
    Je crois que l'immigration offre des possibilités assez intéressantes à tous les points de vue pour notre pays, notre société et notre communauté, ici, en Nouvelle‑Écosse. En matière de recherche, les étudiants et les professeurs que nous attirons, tout comme les diplômés, vont vraiment contribuer à construire une meilleure société pour nous tous. En tant qu'université francophone en Nouvelle‑Écosse, nous avons accès à un bassin de recrutement de ces personnes qu'aucune autre université de notre province ne peut exploiter.

[Traduction]

    Merci, madame Diab.

[Français]

    Merci beaucoup.

[Traduction]

    De nouveau, je remercie les témoins.
    J'annonce également que Mme Kayabaga se joindra à nous ce soir, et nous l'en remercions également.
    Monsieur Blanchette-Joncas, vous disposez de six minutes.

  (2000)  

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Je salue les témoins qui participent à la deuxième heure de la réunion.
    Monsieur Deveau, si j'ai bien compris, la communauté acadienne de la Nouvelle‑Écosse a quand même de la difficulté à mener des recherches scientifiques et à en publier les résultats en français. Cela dit, je salue la vitalité de la communauté scientifique francophone en Nouvelle‑Écosse.
    Selon vous, le gouvernement fédéral vous appuie-t-il suffisamment pour vous permettre d'assurer de manière pérenne et durable la continuité de vos activités de recherche et d'enseignement en français?
    Je vous remercie de votre question, mais je crois que M. Surette est d'une certaine manière plus en mesure d'y répondre que moi.
    Nous sommes reconnaissants des appuis que nous recevons, mais il nous en faut davantage et qui soient plus structurants. En effet, il y a beaucoup de coûts associés au fait de travailler en français. Par ailleurs, puisque nous vivons dans un milieu anglophone, nos collaborations avec le milieu sont souvent en anglais.
    J'ai déjà fait allusion à l'appui en lien avec la collaboration. Par exemple, les universités à Halifax trouvent souvent les collaborateurs dont elles ont besoin de l'autre côté de la rue. De notre côté, nous sommes obligés de les trouver en Ontario ou, souvent, au Québec, ce qui entraîne des coûts.
     Nous avons l'appui du gouvernement du Québec pour ce genre de partenariats avec le Québec. Nous aimerions davantage d'appui de la part du gouvernement fédéral pour nos activités de collaboration. Nous aimerions notamment qu'il reconnaisse le fardeau additionnel qu'elles nous imposent dans notre contexte, en lien avec la mobilité des étudiants de deuxième et de troisième cycles, celle des chercheurs, et l'obligation fréquente de le faire dans les deux langues officielles.
    Merci, monsieur Deveau.
    Monsieur Surette, je suis curieux de connaître votre opinion à cet égard.
     Nous reconnaissons l'appui que nous avons eu jusqu'à maintenant et nous nous débrouillons relativement bien.
    Nous avons plusieurs défis en Nouvelle-Écosse, où l'Université Sainte‑Anne est le seul établissement postsecondaire francophone. Nous travaillons dans un milieu majoritairement anglophone, ce qui constitue un défi à l'intérieur de notre propre province. De plus, nous desservons des communautés côtières et éloignées, étant la seule institution postsecondaire de ces régions.
    Nous faisons tout en notre pouvoir pour mener des activités de recherche en français et pour offrir des services en français, tout en préservant la culture acadienne et la francophonie.
    Comme je l'ai mentionné dans mon allocution d'ouverture, il faut appuyer nos industries, que ce soit l'aquaculture ou la pêche. Plusieurs des personnes qui travaillent dans le domaine de la pêche ou de l'aquaculture sont francophones. Nous sommes un peu divisés, puisqu'il faut faire un certain nombre d'activités de recherche en anglais, mais il faut quand même répondre aux besoins de nos communautés acadiennes et francophones.
    Les petits établissements comme le nôtre sont confrontés à plusieurs défis. Cela fait juste un an que l'Université Sainte‑Anne possède son propre bureau de recherche. Nous l'avons mis sur pied pour essayer d'appuyer nos professeurs, pour présenter des demandes, pour les préparer, mais c'est quand même un défi, puisque nos ressources sont limitées.
    L'une des choses que le gouvernement fédéral pourrait faire, c'est de créer un service d'aide à la recherche pour appuyer davantage nos chercheurs et chercheuses en langue française. D'ailleurs, je crois que cela fait partie des recommandations des états généraux des universités de la francophonie canadienne. Le gouvernement fédéral pourrait certainement en faire davantage pour valoriser la recherche en français et pour appuyer la soumission de demandes en français, de façon équitable avec l'anglais.
    Comme je l'ai dit, nous reconnaissons l'appui que le gouvernement fédéral nous a donné jusqu'à maintenant, mais il y a encore des choses à améliorer pour appuyer davantage nos chercheurs et chercheuses.
    Merci, monsieur Surette.
    Vous avez parlé de rendre les choses équitables. Selon les données actuelles, le nombre de demandes de subvention en français est inférieur au nombre de demandes en anglais, et ce, auprès des trois organismes subventionnaires du gouvernement fédéral.
    J'aimerais connaître votre opinion sur les solutions qui pourraient être envisagées. Doit-on réserver une proportion du financement pour la recherche et la publication scientifiques en français? Les trois organismes subventionnaires devraient-ils établir des critères, des mesures incitatives, afin de favoriser la recherche et la publication scientifiques en français?
     C'est ce que je vois jusqu'à présent. Évidemment, je comprends très bien les préoccupations francophones et anglophones, et les défis des minorités linguistiques.
    Cependant, « équitable » ne veut pas dire « égal ». Il faut donc faire des efforts particuliers pour aider nos chercheurs et nos chercheuses. Il faut établir des structures pour les soutenir.
    Je ne pense pas qu'il faille imposer des quotas ou des montants de financement précis. Cependant, il faut tout de même soutenir la recherche en français, que ce soit pour assurer la mobilisation et la vulgarisation des recherches en français ou pour soutenir nos chercheurs dans la présentation de demandes en français.
    Comme les recherches publiées en anglais sont beaucoup plus consultées et visibles que celles publiées en français, il faut peut-être aussi instaurer un système de soutien à la traduction ou une façon de promouvoir davantage les recherches faites en langue française.

  (2005)  

    Merci, monsieur Surette.
    Monsieur Deveau, souhaitez-vous répondre vous aussi?
    Votre temps de parole est écoulé, monsieur Blanchette‑Joncas.

[Traduction]

    Je suis désolée; vos six minutes sont écoulées. Peut-être que quelqu'un reprendra le fil des questions de M. Blanchette-Joncas. Merci.
    Monsieur Cannings, vous disposez de six minutes.
    Je remercie les témoins d'être des nôtres. Ce qui s'est dit sur l'Université Sainte-Anne et sur la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse était très intéressant.
    Je commencerai par M. Surette, de l'Université Sainte-Anne.
    Vous avez beaucoup parlé de vos difficultés de financement de la recherche et de vos programmes. Il semble que beaucoup d'entre elles sont simplement attribuables à la petite taille de l'établissement. Pourriez-vous dire combien de ces problèmes découlent de la taille de votre établissement par rapport au fait qu'il est francophone dans le monde anglophone de la Nouvelle-Écosse? Avez-vous une idée de la cause de ces problèmes?
    C'est une excellente question. C'est un peu comme l'œuf et la poule. Manifestement, nous sommes l'une des 10 universités de la Nouvelle-Écosse. Le bon côté, je suppose, est qu'il est pour nous très facile de nous différencier des autres: nous sommes la seule à fonctionner complètement en français.
    Notre établissement n'est pas bilingue. Mais notre fonctionnement exclusif en français limite notre recrutement étudiant, par exemple, en raison du nombre d'étudiants néo‑écossais francophones. Nous avons bien sûr un conseil scolaire francophone, qui est un vivier pour nous. Les programmes d'immersion française dans les conseils scolaires anglophones sont aujourd'hui fantastiques, ce qui en fait d'autres viviers tout comme ceux des autres provinces de l'Atlantique et du reste du Canada. Nous sommes désormais ouverts à l'internationale, et plus d'une quinzaine de pays sont ici représentés dans la population estudiantine.
    Nous tenons assez bien notre rang, et, en fait, cette population augmente, mais nous demeurons une petite université dans la province et par rapport à celles d'autres régions du Canada. Les économies d'échelle présentent toujours une difficulté pour nous.
    Nos programmes vont assez bien. Nous essayons de privilégier ceux dans lesquels le français est une valeur ajoutée pour nos étudiants — la pédagogie, par exemple. Nos étudiants pourront enseigner dans un programme d'immersion ou dans le conseil scolaire francophone. Tous sont parfaitement bilingues. Ils pourront donc même enseigner dans un conseil scolaire anglophone, par exemple.
    J'ai aussi l'intime conviction qu'une autre de nos responsabilités est d'appuyer les régions acadiennes de Nouvelle-Écosse. Vous savez peut-être que les quatre principales régions acadiennes sont côtières. Leur économie s'appuie en grande partie sur la pêche ou, de ces temps‑ci, l'aquaculture, et on ne trouve aucun établissement de recherche dans le sud‑ouest de la province, où les débarquements de homards, par exemple, sont peut-être les plus importants de tout le pays. Au fil des années, nous avons bénéficié de l'appui de la province et de l'État fédéral pour créer un centre de recherche sur la qualité du homard dans cette partie de la province. Nous pourrions être perçus comme un appui pour le français et la culture acadienne, mais nous appuyions également l'économie de ces régions. S'agissant de la vitalité de certaines de ces petites régions, comme je l'ai dit plus tôt, rappelons-nous que nous sommes à au moins trois heures du principal aéroport, Halifax, sans moyens de transport public vers ces régions, de sorte que nous nous trouvons dans des régions rurales et éloignées qui ont besoin de tout l'appui qu'elles peuvent trouver. Un établissement comme le nôtre peut vraiment jouer ce rôle.

  (2010)  

    Justement, à ce sujet, vous avez dit…
    Je suis désolée, monsieur Cannings. Puis‑je vous demander seulement d'éloigner un peu votre microphone de votre visage? Merci. Désolée de vous avoir interrompu.
    Merci.
    Parlons‑en, justement, monsieur Surette. C'est justement ce dont nous parlions, de certaines des difficultés qui découlent d'une petite taille et du fait d'être le seul établissement francophone. Sans vouloir minimiser ces difficultés, le fait d'être le seul établissement francophone en Nouvelle-Écosse offre‑t‑il des possibilités, des avantages qui, non seulement, attirent des étudiants, mais également le financement provenant de tous les niveaux de pouvoirs publics, en raison de ce rôle? Y voyez-vous des avantages?
    Pour nos opérations, comme d'ailleurs la plupart des autres établissements, nous bénéficions certainement de l'appui financier de la province, mais, en raison de notre situation minoritaire, nous avons bénéficié d'un appui fédéral généreux, par l'entremise du ministère du Patrimoine canadien, par exemple. Pour le développement économique de la région, nous avons bénéficié d'un appui généreux de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, en ce qui concerne les langues officielles. Dans la province, nous sommes donc positionnés tout à fait différemment des universités anglophones. Nous sommes au service d'un créneau très précis de notre population francophone, qui englobe les anglophones parlant le français, les immigrants francophones actuellement ici et, comme je l'ai dit, nos communautés.
    En fonction de nos besoins, que ce soit l'entrepreneuriat, le développement économique ou l'élaboration de programmes, nous pouvons nous adresser à différents ordres de gouvernement, particulièrement à l'État fédéral, si nous envisageons de nouveaux programmes ou de nouvelles façons de faire. Le financement des opérations provient surtout de la province ou des droits de scolarité versés par nos étudiants et ainsi de suite, mais, pour les projets spéciaux, nous avons bénéficié d'un appui fédéral important.
    Monsieur Cannings, votre temps est écoulé. Avez-vous une question écrite?
    Non, ça va. D'ici, il est impossible de voir vos cartons. J'y suis allé d'instinct.
    Un gros merci aux témoins.
    Merci à vous et aux témoins.
    Nous entamons maintenant la période des interventions d'une durée de cinq minutes, cette fois‑ci avec M. Blanchette-Joncas.

[Français]

     Merci beaucoup, madame la présidente.
    Monsieur Deveau, on remarque que le gouvernement fédéral déploie des efforts pour reconnaître le français comme langue officielle. D'ailleurs, cela a aussi été mentionné par divers témoins lors de l'étude du projet de loi C‑13. Étrangement, ce n'est toujours pas le cas en 2022.
    Êtes-vous optimiste ou pessimiste quant à la recherche scientifique en français en Nouvelle‑Écosse? Le gouvernement en fait-il assez? Je tente de voir comment nous pouvons vous aider.
    En Nouvelle‑Écosse, depuis les 20 dernières années, il y a une diminution du nombre de locuteurs dont le français est la langue première. Il est donc difficile de se faire servir en français ou d'avoir le français comme langue d'usage en Nouvelle‑Écosse. Je tente donc de comprendre comment assurer une réelle pérennité du français en matière scientifique.
    Le projet de loi C‑13 est une bonne première étape. On a travaillé de concert avec la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada et nos élus pour en arriver à ce projet de loi.
    Le projet de loi n'est probablement pas parfait, mais il est bon, à mon avis. Nous aimerions qu'il soit adopté dans les plus brefs délais. Je reconnais qu'il y a des dispositions dans ce projet de loi qui nous éviteront de devoir attendre aussi longtemps que par le passé, puisque le projet de loi prévoit un examen décennal de la nouvelle Loi sur les langues officielles.
    De plus, en ce qui concerne les données statistiques, il commence à y avoir un problème avec la manière dont les Acadiens ou les francophones en Nouvelle‑Écosse sont dénombrés, auquel il faut réfléchir.
    Cela me permet de faire un lien avec une question que vous avez posée plus tôt.
    Par le passé, des enveloppes spéciales ont été accordées au Conseil de recherches en sciences humaines pour la recherche sur la francophonie canadienne. Je crois qu'il serait temps d'y songer à nouveau si on veut vraiment appuyer ces communautés. Il faut nous donner les moyens de nous étudier et de nous comprendre. Il faut aussi donner aux organismes communautaires, comme la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse et les organismes qui en sont membres, la chance d'engager des chercheurs dans nos établissements.
     Cela pourrait être fait au moyen du futur plan d'action pour les langues officielles ou par le truchement d'un fonds en innovation. Cela pourrait aider les gens à mieux comprendre notre situation et trouver des solutions innovantes, comme l'immigration. Cette dernière pourrait servir de bouée de sauvetage pour l'avenir de notre communauté, mais il ne faut pas seulement accueillir des nouvelles personnes, il faut aussi mieux les intégrer à notre société.

  (2015)  

     Merci beaucoup, monsieur Deveau.
    Tout à l'heure, vous avez parlé de structures. Évidemment, nous comprenons que les francophones en situation minoritaire en Nouvelle‑Écosse se sentent isolés.
    N'y aurait-il pas lieu de briser un peu cet isolement en organisant des colloques avec les chercheurs francophones et en établissant des relations, notamment avec le Québec et les différentes communautés francophones au Canada?
    J'en ai parlé brièvement plus tôt, alors je vous remercie de me donner l'occasion d'y revenir.
    Si vous avez l'occasion de lire mon mémoire, vous verrez que je parle justement de l'importance de reconnaître l'éloignement. Nous sommes éloignés pour une raison. Si vous connaissez l'histoire de la Nouvelle‑Écosse, vous savez que nous sommes une petite communauté éloignée pour une raison. Il y a des faits historiques qui expliquent notre position, en Nouvelle‑Écosse. Je ne donnerai pas un cours d'histoire ici, car on n'a pas le temps, mais, dans mon mémoire, je parle de la collaboration, de la mobilité et des échanges entre chercheurs et étudiants. Il est très important que le gouvernement fédéral appuie cette mobilité.
    Merci beaucoup.
     Madame la présidente, je veux laisser la possibilité à M. Surette de nous donner son avis sur ces questions, mais je vous avise que je devrai l'interrompre pour déposer une motion.
    J'aimerais clarifier quelque chose au sujet de l'isolement. Avec la technologie qui existe aujourd'hui, nous ne nous sentons pas tellement isolés. En tout cas, nous le sommes moins que dans le passé. Les cinq campus de notre établissement sont beaucoup axés sur la technologie. De plus, nous avons des liens étroits avec les autres universités de la francophonie canadienne à l'extérieur et à l'intérieur du Québec. En fait, j'ai présidé l'Association des collèges et universités de la francophonie canadienne pendant cinq ans, ainsi que le Réseau des cégeps et des collèges francophones du Canada pour un certain temps.
    Il existe donc des structures en place qui nous permettent d'échanger et de former des partenariats...
    Je suis désolé de vous interrompre, monsieur Surette. Si vous avez d'autres informations à nous donner, cela nous fera plaisir de les recevoir par écrit. Je vous remercie.
    Madame la présidente et chers collègues, je souhaite vous faire part de mes réflexions et d'un constat assez frappant concernant cette étude, qui me tient énormément à cœur. Il était prévu à l'origine que nous recevions un total de 34 témoins lors de cette étude. Or, j'ai remarqué que, jusqu'à maintenant, près de 50 % de ces témoins n'ont pas pu venir témoigner. J'en compte 14, mis à part le ministre qui devait venir témoigner et M. Quirion, qui devait comparaître lors de la troisième heure de cette réunion, mais qui sera remplacé par une autre personne de son organisation.
    Évidemment, cela me laisse perplexe. Je ne vois pas comment je pourrais terminer cette étude sans avoir la possibilité d'entendre près de 50 % des témoins. Je comprends que, quand on fait une liste de témoins, on ne s'attend pas à recevoir 100 % d'entre eux, mais, jusqu'à présent, c'est presque un témoin sur deux qui n'a pas encore eu l'occasion de venir témoigner.
     J'ai fait une comparaison avec les autres études que nous avons menées, en compilant le nombre de témoins et le nombre d'heures pour chaque étude. Pour notre étude actuelle sur la recherche et la publication scientifique en français, seulement 16 témoins sont venus jusqu'à maintenant. Dans le cadre de notre étude sur les petits réacteurs modulaires, nous avons reçu 27 témoins, et 32 dans le cas de celle sur l'attraction et la rétention des talents. Pour notre première étude, qui était plus large, nous avions reçu 37 témoins.
    Ma motion demande donc au Comité de tenir une séance supplémentaire dans le cadre de la présente étude afin de permettre aux témoins de se joindre à nous et de nous faire part de leur expertise et de leurs différents points de vue sur cette question. Je propose donc:

Que, dans le cadre de son étude de la recherche et la publication scientifique en français, le Comité alloue une séance supplémentaire, le lundi 28 novembre 2022, afin de permettre aux témoins qui n’ont pu venir témoigner jusqu’à maintenant d’être entendus par le Comité.
     Je transmets ma motion au greffier, qui pourra ensuite vous l'envoyer. Elle a déjà été traduite.

  (2020)  

[Traduction]

    Elle est recevable. Merci, monsieur Blanchette-Joncas.
    Y a‑t‑il des observations de la part des membres?
    Avant de passer à la motion même, je pose ma question par respect pour les témoins qui participent en virtuel. En avons-nous terminé avec eux, pour qu'ils soient libres de partir? Il nous est déjà arrivé, dans des circonstances semblables, de faire poireauter des témoins pendant une heure, ce que j'ai trouvé franchement inconvenant.
     Je tiens à l'exprimer, pour les traiter avec décence et respect. Avons-nous fini de les questionner?
    Merci, madame Diab. C'est au Comité de décider.
    Monsieur Tochor, vous avez la parole.
    J'allais offrir d'autoriser les témoins qui voudraient rester pour entendre la fin du débat à rester, sans me sentir insulté s'ils quittaient la réunion.
    Ils pourraient savoir pourquoi des témoins ne se présentaient pas à nos réunions; je ne suis pas certain.
    Merci, monsieur Tochor.
    D'autres interventions?
    Allez‑y, monsieur McKinnon.
    Je pense que j'étais le prochain à les questionner. Je pencherais pour les remercier et les laisser partir. De toute façon, je crois qu'il ne reste que sept minutes.
    Merci.
    Y a‑t‑il d'autres interventions?
    Allez-vous continuer de débattre de cette motion? Des témoins se sont présentés. Voulez-vous continuer à les questionner ou allez-vous débattre maintenant de cette motion?
    Madame la présidente...
    Allez‑y, monsieur McKinnon.
    La motion a été déposée; je pense que nous devons l'examiner.
    Oui, monsieur McKinnon, c'est ce que nous faisons. Nous essayons juste...
    J'ai une question à ce sujet. Avant d'ajouter une séance, j'aimerais demander au greffier pourquoi les témoins invités n'ont pas pu comparaître.
    Merci beaucoup, monsieur McKinnon.
    Notre excellent greffier peut‑il nous donner une explication?
    La raison varie d'un témoin à l'autre. Plusieurs ne répondent pas à nos courriels ou à nos appels. D'autres disent qu'ils ont déjà des engagements toutes les dates proposées. J'essaie de les relancer autant que je le peux, mais je finis par devoir passer aux noms suivants. Chaque témoin qui décline notre invitation donne une raison différente.

  (2025)  

    Monsieur McKinnon, levez-vous la main à nouveau ou avez-vous oublié de la baisser?
    Je lève la main à nouveau.
    Je ne suis pas convaincu qu'il serait très utile d'ajouter une séance si les témoins n'ont pas été en mesure de participer à une réunion jusqu'à maintenant. Je ne crois pas qu'une séance supplémentaire améliorera la situation.
    Merci, monsieur McKinnon.
    Y a‑t‑il d'autres commentaires à ce sujet?
    La parole est à M. Blanchette-Joncas.

[Français]

     Madame la présidente, j'aimerais répondre au dernier commentaire de mon collègue.
     Un des témoins qui devait être présent ce soir n'est pas avec nous. Soit il avait un conflit d'horaire, soit il lui était tout simplement impossible de se joindre à nous.
    Vous vous rappelez qu'une réunion du Comité a été annulée il y a plus de deux semaines, pratiquement à la dernière minute, limitant ainsi la possibilité que certains témoins comparaissent. Plusieurs des témoins qui avaient été invités à cette réunion avant son annulation et avec qui j'ai pu communiquer m'ont justement mentionné qu'il ne leur était pas possible de se présenter à une autre réunion du Comité malgré une nouvelle invitation. Cela explique la situation actuelle.
    Vous comprendrez que je reste sur ma faim. Près de 50 % des témoins inscrits sur la liste ne sont pas encore venus témoigner, soit en raison d'un conflit d'horaire ou d'une indisponibilité. C'est près de la moitié des témoins comparativement aux dernières études.

[Traduction]

    Quelqu'un d'autre veut‑il prendre la parole?
    Nous vous écoutons, monsieur Blanchette-Joncas.

[Français]

     Je suis même prêt à proposer que le greffier communique de nouveau avec les témoins qui n'ont pas encore comparu. Si ces derniers ne peuvent ou ne veulent toujours pas venir témoigner, nous ajusterons le tir. Nous avons quand même le temps de le faire. Le Comité se réunit la semaine prochaine et nous avons déjà planifié d'autres rencontres.
    Je crois qu'il faut quand même donner à ces gens la possibilité de confirmer qu'ils ne viendront pas. On parle quand même de plus de 15 témoins au total qui n'ont pas eu la possibilité de venir témoigner dans le cadre de cette importante étude.

[Traduction]

    Mesdames et messieurs, j'ai besoin de savoir ce que vous voulez faire. C'est votre comité; la décision vous appartient.
    Je vois M. Collins, suivi de M. Cannings, puis de M. Lobb.
    Je pense que M. Cannings a levé la main avant moi, madame la présidente. Je prendrai la parole après lui.
    Merci.
    J'aimerais simplement dire que je ne suis pas vraiment convaincu par l'argument de M. Blanchette-Joncas. Je ne crois pas qu'il soit juste de comparer le nombre de témoins que nous avons reçus dans le cadre de la présente étude au nombre de témoins reçus dans le cadre d'une autre étude, car chaque étude est unique. Nous allouons un nombre différent de séances à chaque étude. Sauf erreur, nous avons tenu le nombre de séances prévues dans la motion originale concernant l'étude en cours. Je me souviens que durant notre première étude, je voulais convoquer beaucoup d'autres témoins, mais ma proposition a été rejetée.
    Selon moi, si nous procédons de la sorte pour chacune de nos études, nous aurons besoin de plus en plus de temps. Je le répète: chaque étude est unique; chacune requiert un nombre différent de témoins pour dresser le portrait global de la situation; et chacune exige que nous entendions un nombre différent de voix. À mon avis, nous avons reçu tout ce qu'il nous faut pour mener à bien notre étude.
    Merci beaucoup, monsieur Cannings.
    Nous passons maintenant à M. Collins.
    Merci.
    Il s'agit d'une étude essentielle, et je suis d'accord avec M. Cannings: nous avons atteint notre objectif en ce qui concerne le nombre de séances. Il serait certainement utile d'examiner les raisons pour lesquelles certains témoins ne peuvent pas participer aux études. Cependant, je pense aux nombres de séances que nous avons tenues et je constate aussi que les témoins commencent à se répéter. Il y a des thèmes récurrents. D'après moi, le rapport définitif du Comité rendra compte de ce fait. Nous avons déjà consacré quatre séances à ce sujet; je ne sais pas ce que nous découvrirons de plus en tenant une autre séance.
    Nous sommes rendus au point où nos collègues d'en face cèdent leurs temps de parole au député du Bloc. C'est tout à fait acceptable — et le Règlement le permet —, mais je pense que cela en dit long sur le point où nous en sommes. Par conséquent, je n'appuie pas la proposition de consacrer plus de temps à cette étude. Comme M. Cannings, je pense que nous avons reçu tout ce qu'il nous faut pour mener à bien notre étude. D'après moi, le temps est venu de passer à notre prochaine étude. J'attends avec impatience le rapport des analystes et je serai ravi d'en examiner les recommandations.

  (2030)  

    Merci beaucoup, monsieur Collins.
    Nous passons à M. Lobb.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Tout ce que j'ajouterais, c'est qu'il s'agit d'une seule séance supplémentaire. Je comprends que cela représente toute une semaine, mais ce n'est qu'une séance de plus. C'est vrai qu'une de nos réunions a été annulée il y a quelques semaines; c'est donc tout à fait acceptable. En outre, c'est normal que certains témoins ne soient pas disponibles. Nous comprenons. Ils peuvent aussi soumettre des mémoires au Comité.
    À mon avis, nous pourrions ajouter une séance, ainsi qu'inviter les témoins à déposer des mémoires. Nous pourrons ensuite passer à la prochaine étude.
    Merci.
    Il ne semble pas y avoir consentement unanime. Y a‑t‑il d'autres interventions? Sinon, je crois que nous devrons mettre la motion aux voix.
    Quelqu'un d'autre souhaite‑t‑il intervenir?
    Nous vous écoutons, monsieur Blanchette-Joncas.

[Français]

    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je veux simplement revenir sur le commentaire qui a été fait tout à l'heure au sujet du nombre de témoins. Je comprends que la comparaison du nombre de témoins n'est peut-être pas l'argument principal. Cependant, ces 14 témoins sont quand même sur la liste établie par l'ensemble des membres du Comité. Cette liste n'a sûrement pas été établie parce qu'il faisait beau dehors, mais parce ces gens sont des experts qui devaient venir nous faire part de leurs préoccupations sur le sujet de l'étude. Selon moi, le fait que près de la moitié des témoins prévus, soit 14 personnes sur 34, n'ont pas encore pu venir pour différentes raisons évoquées par le greffier en dit long.
    Je crois qu'il faut laisser l'occasion à ces gens d'indiquer très clairement s'ils veulent venir témoigner ou non. Ils pourront tout simplement nous le confirmer. Je me suis même montré ouvert en disant que, si les témoins nous confirment qu'ils ne viendront pas témoigner, nous pourrons simplement continuer avec la planification actuelle. Cependant, nous ne pouvons pas laisser de côté près de 50 % des témoins, précisément 14 témoins, qui sont déjà inscrits sur la liste. Il m'apparaît très important de considérer ces témoins dans le cadre de cette importante étude.

[Traduction]

    Merci, monsieur Blanchette-Joncas.
    Les membres du Comité ont-ils quelque chose d'autre à ajouter?
    Je pense que M. Tochor se prépare à prendre la parole.
    Oui, madame la présidente.
    Notre comité est relativement impartial. Essayons de trouver un terrain d'entente. Si nous acceptons de tenir une séance supplémentaire dans deux semaines, le greffier aura le temps d'envoyer des invitations et de trouver suffisamment de témoins pour toute la durée de la réunion. Si, pour une raison ou une autre, il n'y arrive pas, nous pourrons consacrer le reste de la réunion à l'étude sur les projets ambitieux. Ainsi, nous ne perdrons pas de temps.
    Si nous n'avions pas eu à annuler la réunion il y a quelques semaines, nous aurions peut-être pu recevoir plus de témoins. Je pense qu'il serait respectueux de notre part d'accorder... Il n'est pas question d'ajouter plusieurs semaines à l'étude, mais seulement une séance.
    J'encourage mes collègues à appuyer la motion.
    Merci, monsieur Tochor.
    Je vois la main levée de M. Cannings.
    En réponse à l'intervention de M. Tochor, j'aimerais demander au greffier quelle incidence l'ajout d'une séance aurait sur la planification. Je sais que des témoins ont déjà été convoqués à la réunion de la semaine prochaine. Qu'en est‑il de la réunion qui aura lieu dans deux semaines? Faudrait‑il modifier la date de comparution des témoins?
    Quant à moi, si des témoins tiennent absolument à présenter des idées, nous pouvons les inviter à déposer des mémoires s'ils ne l'ont pas déjà fait. Nous nous apprêtons à entreprendre notre prochaine étude aujourd'hui même. À mon avis, nous devrions nous concentrer le plus possible là‑dessus. D'après mon expérience au sein des comités, il est rare que nous entendions tous les témoins voulus. C'est dommage, mais au moins, nous recevons des mémoires. Nous avons reçu beaucoup d'information utile dans le cadre de notre étude, et je trouve important que nous gérions notre temps le mieux possible.
    À mon avis, la meilleure façon de procéder, c'est de demander des mémoires aux témoins qui n'ont pas pu comparaître et de passer à la prochaine étude.

  (2035)  

    Merci, monsieur Cannings.
    Y a‑t‑il d'autres commentaires?
    Il n'y a pas consentement unanime. Voulez-vous mettre la motion aux voix? Comme M. Tochor l'a dit, notre comité trouve généralement des compromis, mais cela ne semble pas être le cas ici.
    Monsieur Blanchette-Joncas, voulez-vous que la motion soit mise aux voix? D'accord.
    Assurons-nous que nous nous prononçons tous sur la même question. Le vote porte‑t‑il sur la motion originale ou sur la proposition de M. Tochor?

[Français]

     Ce ne sera pas bien long, madame la présidente. La motion va être transférée au greffier, qui pourra nous la lire et la distribuer aux membres du Comité.

[Traduction]

    D'accord.
    Monsieur le greffier, pour gagner du temps, pouvez-vous la lire à voix haute, s'il vous plaît?

[Français]

     Voici le texte de la motion:

Que, dans le cadre de son étude de la recherche et de la publication scientifique en français, le Comité alloue une séance supplémentaire, le lundi 28 novembre 2022, afin de permettre aux témoins qui n’ont pu venir témoigner jusqu’à maintenant d’être entendus par le Comité.

[Traduction]

    Est‑ce que tout le monde comprend bien la motion?
    Voulez-vous qu'elle soit mise aux voix?
    (La motion est rejetée par 6 voix contre 5.)
    La présidente: Merci à toutes et à tous. Merci, monsieur Blanchette-Joncas.
    Nous allons suspendre brièvement la séance. Ensuite, nous entamerons notre étude sur les programmes ambitieux.

  (2035)  


  (2040)  

    Reprenons.
    Je souhaite la bienvenue à nos témoins.
    Nous sommes fébriles d'entreprendre une nouvelle étude, conformément à l'alinéa 108(3)i) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le lundi 26 septembre 2022. Nous entamons une étude sur les programmes internationaux ambitieux.

  (2045)  

[Français]

     J'aimerais faire quelques observations à l'intention des témoins.
     Avant de prendre la parole, veuillez attendre que je vous nomme. Si vous participez à la réunion par vidéoconférence, veuillez cliquer sur l'icône du microphone pour activer celui-ci et le mettre en sourdine lorsque vous ne parlez pas.
    En ce qui concerne l'interprétation, ceux qui participent par l'intermédiaire de l'application Zoom peuvent, au bas de leur écran, choisir entre le canal du parquet et celui de l'anglais ou du français. Ceux qui sont dans la salle peuvent utiliser l'écouteur et choisir le canal désiré.
    Je vous rappelle que toutes les observations des députés et des témoins doivent être adressées à la présidence.

[Traduction]

    Maintenant, j'aimerais accueillir nos témoins. Nous sommes ravis de vous compter parmi nous et d'entreprendre une nouvelle étude.
    Ce soir, nous recevons M. Yoshua Bengio, directeur scientifique du Mila, l'Institut québécois d'intelligence artificielle. Nous recevons aussi Mme Rosemary Yeremian, vice-présidente, Stratégie d'entreprise et développement commercial, de X‑energy Canada.
    Bienvenue aux témoins. Vous disposez de cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire. Au bout de quatre minutes et demie, je montrerai ce carton jaune. Vous saurez alors qu'il vous reste 30 secondes.
    Sur ce, nous allons commencer par M. Bengio, qui représente le Mila. La parole est à vous.
    Madame la présidente, j'aimerais vous parler de l'importance des projets ambitieux, et surtout, des secteurs dans lesquels le gouvernement devrait concentrer ses efforts.
    Madame la présidente,
    Les réussites scientifiques qui ont transformé notre société sont le fruit du financement alloué à la recherche motivée par la curiosité. C'est aussi ce type de recherche qui forme les talents dont nous avons besoin. La R‑D axée sur un but précis est l'étape suivante.
    Je vous donne un exemple tiré de ma propre carrière: j'ai travaillé sur l'apprentissage en profondeur, un des fondements de la révolution actuelle de l'intelligence artificielle. C'est grâce aux investissements généraux dans la recherche motivée par la curiosité sur les réseaux neuronaux que des progrès ont pu être réalisés dans ce domaine, et ce, bien avant qu'il devienne possible de les mettre en application. Les investissements majeurs de l'industrie dans la recherche et le développement sont venus par la suite.
    Dans bien des cas, le financement public a joué un rôle essentiel dans notre société en donnant le coup d'envoi à des secteurs importants de l'économie axés sur l'innovation. Le financement octroyé par la DARPA qui a mené à la création de l'écosystème de la Silicon Valley en est un exemple historique bien connu.
    Toutefois, l'objectif de rentabilité de l'industrie ne permet pas toujours ce transfert puisque cet objectif ne cadre pas nécessairement avec les besoins de la société. En comptant sur l'industrie pour innover à partir de la recherche fondamentale, on n'obtient pas toujours les résultats voulus, surtout dans les domaines qui relèvent normalement du gouvernement, comme la santé, l'environnement, l'éducation et la justice sociale.
    Je vais vous donner un exemple frappant que je connais très bien: celui de la résistance aux antimicrobiens. Grâce à la mutation, les microbes deviennent résistants aux médicaments. Aujourd'hui, nous avons affaire à des bactéries contre lesquelles nous n'avons aucun médicament pour nous défendre, et la situation empirera. Ce problème coûte déjà des milliards de dollars au Canada chaque année, et ces coûts décupleront au cours des 20 prochaines années. À l'heure actuelle, la résistance aux antimicrobiens fait déjà 1,2 million de morts par année à l'échelle planétaire, et l'on s'attend à ce que ce chiffre atteigne 10 millions de décès par année, ce qui est comparable ou supérieur au nombre de décès attribuables à la COVID‑19. Si nous nous croisons les bras, notre inaction pourrait nous coûter jusqu'à 100 billions de dollars américains à l'échelle mondiale.
    Il serait normal de penser que l'industrie pharmaceutique travaillerait à concevoir les médicaments nécessaires pour nous protéger. Pourtant, ce n'est pas ce qui se produit, en raison d'une défaillance compliquée du marché qui fait en sorte qu'il n'est pas rentable pour l'industrie de faire la R‑D requise pour nous protéger. D'autres secteurs qui exigent de la R‑D connaissent aussi des défaillances semblables du marché, par exemple, la lutte contre les changements climatiques. De façon générale, la culture de l'innovation et les investissements dans l'innovation font défaut au chapitre des services financés par le gouvernement.
    Bien entendu, le gouvernement investit déjà beaucoup dans la recherche et le développement, et ce, tant pour l'industrie que pour le milieu universitaire. Toutefois, le plus souvent, le gouvernement suit la formule consistant à offrir un financement équivalent aux contributions de l'industrie. L'avantage de cette approche, c'est qu'elle facilite le choix des projets à soutenir: si une entreprise est d'avis qu'il vaut la peine d'investir dans une idée, c'est probablement parce que cette idée n'est pas mauvaise. Malheureusement, cette approche écarte les buts dont j'ai parlé, ceux qui sont extrêmement importants sur le plan social, mais qui ne permettent pas d'atteindre l'objectif de rentabilité.
    Pour le milieu universitaire, des changements ont été apportés du côté des subventions Alliance du CRSNG, qui aident à financer les projets de chercheurs universitaires associés à des organismes sans but lucratif. Cependant, à mon avis, ce genre de financement n'est pas axé sur le type d'objectifs stratégiques sur lesquels le gouvernement devrait se concentrer. Cela étant dit, en ce qui concerne le financement public des activités de R‑D de l'industrie, comme les supergrappes et les crédits d'impôt pour la R‑D, il n'est pas possible de cibler les buts sociaux parce que ces initiatives sont aussi fondées sur la méthode du partage des coûts.
    Les gouvernements doivent absolument offrir des incitatifs, qu'ils soient d'ordre financier, réglementaire ou les deux. Je vous donne un exemple d'incitatif dit « réglementaire »: l'augmentation du prix du carbone stimulera l'innovation nécessaire pour lutter contre les changements climatiques, ce qui favorisera la création, par un écosystème d'innovateurs, d'un nouveau secteur de l'économie qui travaillera à régler ces problèmes sociaux de première importance. Pour y arriver, il faut combiner les forces du milieu universitaire et la culture axée sur un but précis du secteur privé.

  (2050)  

    Je comprends qu'il peut être difficile pour le gouvernement de décider quels projets...
    Monsieur Bengio, je suis désolée de vous interrompre, mais vos cinq minutes sont écoulées. Le temps passe très vite, mais les membres du Comité sont très curieux et ils auront beaucoup de questions pour vous. Nous vous remercions de votre présence. Je vous promets que les questions seront nombreuses.
    Nous passons à Mme Yeremian. Vous disposez de cinq minutes.
    J'aimerais tout d'abord vous demander de vous imaginer ce à quoi ressemblerait un Canada carboneutre.
    Dans notre vision, le secteur des transports serait alimenté par de l'électricité non émettrice et de l'hydrogène sans GES. Les collectivités du Nord, en particulier les collectivités éloignées, auraient accès à de l'électricité et à de la chaleur abordables et non émettrices 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Le Canada disposerait d'un système énergétique réparti sur l'ensemble du territoire au sein duquel les consommateurs pourraient acheter et vendre de l'électricité au réseau pour répondre à des demandes fluctuantes. Le secteur des hydrocarbures du Canada utiliserait une technologie non émettrice pour extraire et traiter les ressources. Les utilisateurs de l'industrie lourde compteraient sur de la chaleur et de l'électricité abondantes, de base et sans carbone, et la production d'hydrogène et le dessalement de l'eau seraient abondants et utiliseraient une technologie non émettrice.
    Les petits réacteurs modulaires avancés — ou PRM avancés, comme je les appelle — sont l'une des seules options qui peuvent fournir de la chaleur, de la vapeur et de l'électricité pour parvenir à une décarbonisation profonde au Canada.
    Pour le secteur de l'électricité, les PRM avancés peuvent fournir une énergie de base sans émissions pour des applications en réseau ou hors réseau.
    Dans le secteur agricole, les PRM avancés peuvent fournir de la chaleur pour les serres et de l'hydrogène propre pour les équipements agricoles. Ils peuvent être utilisés en mode cogénération pour chauffer les bâtiments. Ils peuvent également fournir de l'électricité, de la chaleur et de la vapeur aux grands utilisateurs industriels de l'industrie lourde, en plus de générer de l'électricité et de l'hydrogène sans émissions pour notre transition vers un marché de véhicules électriques. Quant au secteur des hydrocarbures, on peut utiliser les PRM avancés pour fournir de l'électricité et de la vapeur sans émissions pour les activités d'extraction et les opérations de drainage par gravité au moyen de vapeur.
    Les PRM avancés ne sont pas une technologie ancienne. Ils utilisent une nouvelle forme de combustible appelée TRISO, et je vous encourage à m'interroger à ce sujet. Le département américain de l'Énergie l'appelle « le combustible le plus robuste... de la planète ».
    Ces PRM avancés innovants sont conçus de sorte à être plus faciles et simples à transporter, ce qui les rend compétitifs en matière de coûts par rapport aux autres modes de production d'électricité.
    Les PRM avancés ont également la plus petite empreinte terrestre de toutes les technologies émettrices ou non émettrices.
    Le Canada a l'occasion d'être un véritable chef de file dans ce marché émergent et lucratif. Nous avons la chance d'avoir un secteur nucléaire et une chaîne d'approvisionnement nucléaire solides et compétents au pays. Notre chaîne d'approvisionnement actuelle pourrait être étendue à l'ensemble du pays, ce qui générerait d'importantes retombées économiques pour le Canada, qui serait ainsi en mesure de tirer parti de ce marché qui devrait atteindre une valeur de 150 milliards de dollars d'ici 2040 selon les estimations.
    Pour parvenir à une véritable décarbonisation au Canada, il faudra avoir recours aux PRM avancés dans le cadre d'une stratégie nationale. Cette dernière devrait inclure, premièrement, l'accélération du déploiement des PRM avancés par le biais de capitaux d'investissement publics pour les services publics et les entreprises privées. Deuxièmement, elle devrait comprendre la modernisation des cadres réglementaires pour tenir compte du climat. Il faudrait également simplifier les exigences réglementaires telles que les délais d'évaluation des impacts. Enfin, la stratégie devrait aussi soutenir la chaîne d'approvisionnement canadienne pour développer la capacité nécessaire à la fourniture des PRM avancés et permettre à l'économie canadienne de bénéficier d'une adoption de mesures rapide.
    En conclusion, nous croyons que le Canada doit saisir cette occasion de décarboniser une variété de secteurs en utilisant les PRM avancés, tout en se positionnant de sorte à bénéficier des énormes avantages économiques d'être un chef de file dans le marché mondial émergent des PRM avancés.
    Merci.

  (2055)  

    Merci, madame Yeremian.
    J'aimerais remercier nos deux témoins. Nous vous sommes très reconnaissants de votre comparution ce soir. Il se fait tard, mais nous avons hâte que nous fassiez davantage part de votre expertise.
    Nous allons maintenant passer à la période de questions avec les membres du Comité. Nous allons commencer par un tour de six minutes. Nous commençons ce soir par M. Mazier.
    Je vous souhaite la bienvenue. Vous avez la parole.
    Merci, madame la présidente.
    Mes questions s'adresseront aux représentantes de X‑energy.
    Les États-Unis investissent dans l'énergie nucléaire comme source d'énergie propre. Alors que nos voisins américains comprennent l'importance de la technologie par rapport aux taxes, ici au Canada, les libéraux prévoient tripler, tripler, tripler une taxe sur le carbone pour les travailleurs canadiens.
    Le département américain de l'Énergie a annoncé un financement de plusieurs millions de dollars pour l'énergie nucléaire par l'intermédiaire de l'Advanced Research Projects Agency. Dans un récent communiqué de presse, les représentants du département ont déclaré que « l'énergie nucléaire est l'une des sources d'énergie les plus fiables aux États-Unis, et la plus grande source d'énergie propre au pays — elle fournit environ 50 % de l'électricité sans carbone, et environ 20 % de l'électricité totale aux États-Unis ».
    En 2018, le ministre de l'Environnement a écrit sur Twitter qu'il était temps de fermer la centrale nucléaire de Pickering et d'investir dans les énergies renouvelables.
    Que diriez-vous au ministre de l'Environnement du Canada qui refuse de soutenir publiquement le développement d'énergie nucléaire propre et renouvelable?
    Merci.
    Nous allons avoir besoin de tout. Nous aurons besoin de toutes les formes de technologie, qu'elles soient renouvelables ou non, et de tout ce qui ne produit pas d'émissions. La beauté des petits réacteurs modulaires avancés est qu'ils peuvent être associés aux énergies renouvelables. Leur charge peut varier pour répondre à une demande fluctuante.
    Les énergies renouvelables sont une source d'électricité intermittente. Elles ne fonctionnent qu'en présence de soleil ou de vent. Ce n'est pas grave, car les petits réacteurs modulaires avancés peuvent combler cette lacune. Nous avons conçu nos PRM de façon à ce qu'ils s'associent spécifiquement aux énergies renouvelables et maximisent la contribution de ces dernières.
    Cela dit, si je vous ai bien comprise, tous les ministères doivent aller dans la même direction.
    Oui, c'est exact.
    Merci.
    Les Américains semblent croire que l'énergie nucléaire est une source d'énergie fiable et propre. De plus, des pays du monde entier investissent également dans l'énergie nucléaire. Lorsque je siégeais au comité de l'environnement, j'entendais constamment dire que l'énergie nucléaire était la seule option qui nous permettrait d'atteindre nos objectifs de réduction nette des émissions. Êtes-vous du même avis?

  (2100)  

    Oui.
    Nous étudions des programmes internationaux ambitieux; pensez-vous que le Canada devrait envisager le développement de l'énergie nucléaire comme tel pour réduire les émissions mondiales?
    Oui.
    Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet? Dans quelle mesure l'approche adoptée dans ce type de programme différerait-elle?
    Les énergies renouvelables ne représentent qu'une partie de la solution. Elles sont idéales pour la production d'électricité. La beauté des petits réacteurs modulaires avancés est qu'ils peuvent faire plus que de la production d'électricité. Ils peuvent remplacer les générateurs de vapeur dans les sables bitumineux. Ils peuvent remplacer les générateurs diesel dans le Nord. Ils peuvent combler plus de lacunes que ce que les énergies renouvelables peuvent faire à elles seules.
    Permettez-moi de vous donner un exemple. Dow Chemical, aux États-Unis, vient d'acheter l'une de nos usines Xe‑100 pour fournir à la fois de l'électricité et de la chaleur pour ses activités. Il est possible de revendre de l'électricité au réseau lorsqu'elle n'est pas utilisée, ce qui permet aux grands utilisateurs industriels de bénéficier d'un coût compétitif.
    Si nous adoptions une approche ambitieuse comme aux États-Unis, quelle différence cela ferait‑il dans le développement nucléaire au Canada? Serait‑ce une bonne chose? Comment nous y prendrions-nous?
    À l'heure actuelle, beaucoup de promoteurs construisent leurs installations aux États-Unis plutôt qu'au Canada, car les Américains considèrent l'énergie nucléaire comme une option énergétique propre. Si nous développions un programme ambitieux pour les petits réacteurs modulaires avancés, nous leur accorderions une reconnaissance publique.
    L'approbation sociale fait partie prenante de notre héritage. Bien que X‑energy et beaucoup d'autres aient mené de nombreuses consultations avec les groupes autochtones et les syndicats au niveau local, nous ne pouvons pas faire grand-chose en tant qu'entreprise du secteur privé. Avec un programme ambitieux, nous aurions à la fois le soutien du gouvernement pour cette technologie et, espérons‑le, des incitatifs pour nous aider à faire de ce projet une réalité.
    Merci.
    Je vais lire quelques communiqués de presse de l'Advanced Research Projects Agency for energy aux États-Unis.
    « Le département américain de l'Énergie annonce un investissement allant jusqu'à 10 millions de dollars pour l'étude des réactions nucléaires à faible énergie ».
    « Le département américain de l'Énergie annonce l'octroi de 36 millions de dollars pour réduire les déchets des réacteurs nucléaires avancés ».
    « Le département américain de l'Énergie octroie 38 millions de dollars pour des projets liés à l'initiative de recyclage de combustible nucléaire usé ».
    « Le département américain de l'Énergie annonce l'octroi de 40 millions de dollars pour réduire les déchets de combustible des réacteurs nucléaires avancés ».
    Les États-Unis estiment de toute évidence qu'il y a une occasion à saisir dans le domaine de l'énergie nucléaire avec ces programmes ambitieux. Pensez-vous que le Canada devrait en faire plus pour développer l'énergie nucléaire?
    Oui.
    Vous avez la parole. Allez‑y; dites-nous en plus à ce sujet.
    Les États-Unis sont un excellent exemple de ce qui peut arriver lorsqu'un gouvernement soutient sa technologie. Par exemple, nous avons reçu 1,2 milliard de dollars pour développer et déployer notre Xe‑100. Je suis d'avis que lorsque le gouvernement soutient la technologie, cela permet de mieux la vendre aux entreprises du secteur privé et aux autres pays. Cet investissement important encourage les entreprises du secteur privé à adopter cette technologie.
    Pourrais‑je vous demander de soumettre au Comité certaines des informations erronées et des idées fausses sur l'énergie nucléaire afin que nous puissions les étudier? Ce serait tout simplement fantastique.
    Voulez-vous que je vous envoie cela par écrit?
    Oui.
    Merci, monsieur Mazier.
    Nous allons maintenant passer à Mme Bradford pendant six minutes. Allez‑y, je vous prie.
    J'aimerais remercier nos deux témoins de ce soir, et les féliciter de faire partie de notre premier groupe de témoins dans le cadre de notre nouvelle étude passionnante.
    Monsieur Bengio, vous nous avez donné une bonne vue d'ensemble des deux différents courants dans vos remarques liminaires, soit la recherche axée sur la mission par opposition à la recherche axée sur la curiosité, qu'on qualifie parfois d'approche « à risque élevé et à forte récompense ». Pouvez-vous dire au Comité quels sont les avantages et les limites des deux types de recherche? Y en a‑t‑il une qui soit plus utile que l'autre dans un programme ambitieux?
    Les deux types de recherche sont réellement nécessaires; elles jouent un rôle différent.
    Les phases initiales de recherche ne peuvent pas être complètement ciblées, car on ne sait pas à l'avance où seront les « moon shots ». La recherche axée sur la curiosité nous aide à déterminer quels sont ces « moon shots » et les orientations qui méritent un investissement important.
    La recherche axée sur la curiosité se fait surtout dans le milieu universitaire, mais il y a aussi plus de recherche appliquée dans ce milieu. La recherche plus axée sur la mission est importante, car elle permet de déployer des efforts de façon précise; le champ d'études est circonscrit. De plus, la recherche coûte cher. Les ingénieurs sont plus nombreux que les chercheurs, par exemple. Or, on a besoin des deux groupes.
    J'aimerais ajouter quelque chose. Je ne pense pas que nous ayons présentement le financement adéquat et les bons programmes pour mener des recherches ambitieuses au Canada. Même notre financement de la recherche industrielle a tendance à être général et peu ciblé.
    Comme je l'ai dit, il y a de bonnes raisons pour cela. Il n'est pas si facile de déterminer quelles sont les bonnes orientations. C'est là que des gens comme les universitaires, qui font de la recherche plus fondamentale, peuvent vraiment être utiles et aider les gouvernements à relever les « moon shots » et à évaluer les propositions et les projets qui peuvent venir de l'industrie.

  (2105)  

    Je vous remercie de votre réponse.
    Toujours dans la même veine, comment le gouvernement peut‑il soutenir au mieux une approche comprenant à la fois la recherche axée sur la curiosité et la recherche axée sur la mission? Comme vous l'avez dit, ces deux types de recherche sont nécessaires.
    Oui. Le gouvernement oblige déjà les partenaires industriels et universitaires à travailler ensemble dans certains des programmes qui financent le milieu universitaire. C'est une condition pour obtenir du financement. Je pense que c'est une bonne partie de la recette.
    J'ajouterais une chose qui fait présentement défaut, notamment dans le financement qu'on octroie au secteur privé, entre autres pour les supergrappes. Il nous manque les conditions liées à ces contrats de recherche pour faciliter réellement la transmission des données et des connaissances générées.
    Je reviens à mon exemple de découverte d'antimicrobiens, de nouveaux antibiotiques et des techniques efficaces à cet égard, comme l'intelligence artificielle. Les entreprises et les universitaires qui se penchent là‑dessus doivent se transmettre les connaissances et les données générées lors des essais biologiques et les nouveaux algorithmes. Ce n'est pas la procédure habituelle lorsque la plupart des investissements proviennent de l'industrie, pour des raisons liées au fonctionnement de notre économie, ce qui est raisonnable, mais lorsque l'argent provient du gouvernement, on gaspille beaucoup d'efforts si des organisations ne peuvent pas utiliser facilement des découvertes faites par une autre organisation.
    Je pense qu'il y a là une occasion de changer notre approche et d'utiliser l'argent des contribuables de façon nettement plus efficace afin d'atteindre les objectifs ambitieux.
    Je vais changer un peu de sujet.
    Je crois savoir que vous vous préoccupez de l'impact social de l'intelligence artificielle et de la question de savoir si elle profite à tous, et que vous avez contribué à la déclaration de Montréal pour un développement responsable de l'intelligence artificielle. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette déclaration? Quelle est la place des enjeux éthiques dans le développement de programmes ambitieux de façon plus générale?
    L'intelligence artificielle est une technologie qui devient de plus en plus puissante à mesure que nous la développons. Il existe d'autres technologies — comme la biotechnologie, par exemple — qui peuvent avoir des utilisations extrêmement positives à mesure que nous les développons dans la société, mais qui peuvent aussi être mal utilisées. Il est très important que les gouvernements réglementent, encouragent et intensifient le développement futur pour veiller à ce que ces efforts profitent à la société en général, à la démocratie, à notre bien-être et ainsi de suite. C'est ce qui se cache derrière les idées générales de la déclaration de Montréal, qui énonce 10 principes éthiques.
    Si je me concentre maintenant sur les projets ambitieux, je dirais qu'il est important de ne pas laisser les marchés décider seuls des orientations intéressantes à prendre. J'ai donné l'exemple des antimicrobiens, mais je pourrais donner des exemples dans le contexte de la découverte de nouveaux matériaux pour le captage du carbone ou d'une meilleure approche de stockage de l'énergie.
    Il existe des incitatifs...

  (2110)  

    Je suis désolée de vous interrompre, monsieur Bengio. Le pire dans ce rôle, c'est de devoir interrompre un bon témoignage, mais j'espère que quelqu'un reprendra le flambeau dans ses questions.

[Français]

     Nous allons passer à M. Blanchette‑Joncas pour six minutes.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Je salue les témoins qui se joignent à nous pour la troisième heure de cette séance.
    Monsieur Bengio, c'est un plaisir et un privilège de vous avoir comme témoin ce soir. Permettez-moi de souligner l'apport de votre expertise scientifique. Permettez-moi également de vous féliciter pour avoir été récemment nommé l'un des chercheurs les plus influents du monde, selon la liste annuelle établie par l'Université Stanford, en Californie. C'est une fierté de vous avoir au Québec, ainsi que l'institut québécois d'intelligence artificielle Mila, que vous avez créé.
    Mes questions visent à déterminer comment le gouvernement fédéral peut adopter une vision davantage axée sur des projets ambitieux. Vous êtes un expert en intelligence artificielle. Selon vous, présentement, la vision du Canada est-elle assez détaillée?
    De plus, vous avez mentionné qu'il ne fallait pas laisser le marché dicter les priorités, et j'aimerais vous entendre sur ce sujet.
    Je pense que certaines priorités peuvent être dictées par le marché, et le sont effectivement.
    Cependant, à cause des défaillances de marché que j'expliquais, il y a des besoins qui ne sont pas correctement satisfaits et des secteurs mal desservis. Le gouvernement peut jouer un rôle de bougie d'allumage pour faire avancer ces choses. Dans certains cas, c'est urgent. Face aux changements climatiques ou aux problèmes de santé liés aux pandémies qui pourraient nous pendre au nez dans les prochaines années, nous ne pouvons pas attendre que les choses changent dans les marchés.
    J'essaie d'expliquer qu'il est évidemment difficile de déterminer les bons programmes ambitieux. Chaque organisation ou compagnie va proposer ses idées. Lors de mon allocution, je n'ai pas eu le temps de parler de l'importance des discussions internationales pour déterminer les plus grands besoins de la planète. J'ai donné l'exemple des changements climatiques, mais dans quel domaine avons-nous le plus grand besoin d'innovation, et quelles sont les directions qui ont le plus de potentiel de changements positifs pour nous permettre de faire face à ces défis?
    Je pense que nous devrions nous appuyer plus sur une consultation avec nos partenaires internationaux et les organisations internationales qui s'intéressent à ces questions pour pouvoir établir les objectifs des programmes ambitieux. Nous devrions aussi nous appuyer davantage sur nos universitaires, qui sont des experts dans différents domaines et qui sont un peu plus neutres que les gens qui ont quelque chose à vendre.
     Merci beaucoup, monsieur Bengio.
    Je reviens sur l'intelligence artificielle, un domaine que vous connaissez très bien. Le Québec fait partie des chefs de file, puisqu'il se classe au 7e rang à l'échelle mondiale dans le domaine de l'intelligence artificielle, selon le Global AI Index de Tortoise Media.
    Qu'il s'agisse d'actions ou d'un plan stratégique, le gouvernement fédéral peut-il s'inspirer de certaines actions du gouvernement du Québec, qui a décidé d'investir dans le domaine de l'intelligence artificielle?
    Je dois vous corriger: la Stratégie pancanadienne en matière d’intelligence artificielle est une initiative du gouvernement fédéral. Au Québec, nous avons eu la chance d'avoir un gouvernement relativement visionnaire, qui a décidé de doubler la mise. Ainsi, à Mila, l'institut d'intelligence artificielle où je travaille, l'investissement provient aux deux tiers du gouvernement provincial et au tiers du gouvernement fédéral.
    Ce qui est important, ce n'est pas cela; c'est plutôt que nous travaillions ensemble afin de déterminer quelles missions sont les plus critiques. Travailler avec nos partenaires internationaux est également important.
    Comme vous venez de le dire, l'important est de travailler ensemble.
    Comment qualifieriez-vous la collaboration entre le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec dans le domaine où vous travaillez, c'est-à-dire l'intelligence artificielle?

  (2115)  

    Elle est assez bonne. À mon avis, ce n'est pas là que se situent les problèmes.
     Il y en a davantage dans des domaines comme les données en santé, où c'est évidemment très morcelé. Il y a d'autres problèmes ailleurs, mais je vais en rester là pour le moment.
    Monsieur Bengio, j'aimerais que nous parlions du rapport annuel du Conseil consultatif en matière d'intelligence artificielle, dont vous êtes coprésident.
     On constate que le Canada essaie de se positionner comme chef de file mondial en matière d'intelligence artificielle. Or, la concurrence est assez féroce à l'échelle de la planète.
    Que pouvons-nous faire, concrètement? Quels sont les atouts du Canada et les aspects qu'il doit améliorer? Quelle forme pourrait-on donner à un programme ambitieux dans le domaine de l'intelligence artificielle? Y a-t-il des modèles à l'étranger dont nous pourrions nous inspirer?
    Je pense que nous avons au Canada des possibilités incroyables qui nous permettent de nous démarquer encore davantage par rapport à ce que nous faisons déjà. Je parle non seulement de la recherche fondamentale, dans laquelle nous sommes déjà un chef de file très impressionnant, mais aussi du développement d'innovations qui vont directement toucher la société.
    Les domaines d'application où l'intelligence artificielle peut avoir un effet extrêmement transformateur sont nombreux. Cependant, l'intersection de l'intelligence artificielle et de la biotechnologie a des conséquences sur la croissance économique et la société, du point de vue tant de l'économie que de la santé. Notre industrie biotechnologique et pharmaceutique est quand même très développée. Notre écosystème d'intelligence artificielle est l'un des meilleurs. Nous nous trouvons à un point de jonction et ces deux éléments pourraient, ensemble, vraiment changer le monde.

[Traduction]

    Je suis vraiment désolée, monsieur Bengio. Merci, monsieur Blanchette-Joncas. Vous savez que je vise l'équité, chers amis.
    Sur ce, nous allons maintenant passer à M. Cannings pendant six minutes. Allez‑y, je vous prie.
    Merci, madame la présidente.
    J'aimerais remercier nos témoins. La discussion est très intéressante.
    J'aimerais poursuivre avec M. Bengio. Je trouve cela vraiment fascinant d'entendre parler de la façon dont nous pourrions développer des « moon shots ». Comme vous le disiez, il s'agit, par définition, de projets immenses, très complexes, de portée internationale, qui se penchent sur les grandes questions de notre époque, qu'il s'agisse de santé, d'action climatique, etc.
    Vous avez dit que nous devions déterminer quels sont les meilleurs « moon shots » et que de tels programmes devraient être développés avec nos partenaires internationaux. Y a‑t‑il d'autres projets réalisés récemment à l'international qui nous ont montré la voie à suivre, la façon de nous réunir en tant que communauté internationale et d'unir nos forces pour résoudre ces problèmes?
    J'ai plusieurs exemples à vous donner. Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, ou GIEC fait un travail remarquable dans le domaine du changement climatique, afin de mettre en évidence les problèmes et les domaines qui nécessitent plus d'efforts.
    Au Canada, il y a une organisation extraordinaire qui finance des recherches de type Moonshot à une très petite échelle. Il s'agit de l'ICRA, l'Institut canadien de recherches avancées. En fait, l'origine de l'apprentissage profond au Canada a eu lieu grâce à ses investissements.
    L'organisation fonctionne de la façon suivante: ils lancent un appel de propositions. Des centaines de groupes soumettent d'abord une courte proposition. Ces propositions sont ensuite évaluées par des scientifiques internationaux qui œuvrent dans divers domaines. La communauté scientifique dispose de moyens de comparer et d'évaluer ces propositions, puis de prendre ce genre de décisions. Bien entendu, nous avons également besoin que des représentants des gouvernements et de l'industrie participent à ces discussions, car il s'agit de résoudre des problèmes de société, mais je pense qu'il existe des processus que nous connaissons déjà pour accomplir ce genre de travail.

  (2120)  

    Une fois que nous avons choisi le projet ambitieux que nous allons entreprendre, une fois que nous avons élaboré une stratégie ou un plan concernant la façon dont nous allons nous y prendre, cela nous aide bien sûr à déterminer les informations supplémentaires dont nous aurons besoin et les données que nous devrons partager. Je sais que l'échange de données est un processus complexe, difficile ou parfois impossible à réaliser dans une fédération comme le Canada, et à plus forte raison dans le monde entier.
    Je viens d'un milieu où l'on tente de croiser les données entre les provinces, et c'est très frustrant. Quand nous parlons de ces questions, c'est encore plus frustrant.
    Ensuite, la question du financement est abordée. Oui, une partie du financement proviendra de l'industrie si elle y voit un rôle à jouer ou un avantage pour elle, mais une grande partie du financement devra provenir des divers ordres de gouvernement. Là encore, y a‑t‑il des exemples ailleurs dans le monde dont le Canada peut s'inspirer pour améliorer ses modèles de financement?
    Permettez-moi de répondre en partie à cette question en vous parlant d'un projet ambitieux d'un genre particulier qui s'est déroulé récemment et qui était lié à ce que l'on appelle un atlas cellulaire. Il s'agissait de cartographier ce que faisaient les différentes cellules de différents organismes. Ce travail intéresse à la fois les universitaires et l'industrie pharmaceutique. D'ailleurs, ce projet était dirigé par quelqu'un qui est maintenant à la tête de Genentech, l'une des grandes sociétés de biotechnologie.
    La façon dont le projet a été mis en oeuvre était assez décentralisée. Il n'y avait pas une seule source de financement. Des scientifiques du monde entier se sont réunis et ont essayé de définir leurs idées par rapport aux grandes questions à cerner et à la façon dont ils devaient unir leurs forces, et ils ont rédigé des propositions concernant ce qui devait être financé et les efforts à fournir. Ensuite, différentes organisations et différents chercheurs dans différents pays sont allés chercher leurs bailleurs de fonds et les ont convaincus de les financer pour exercer ces activités.
    L'important, c'est que le projet a été coordonné à l'échelle internationale, de sorte que tous les résultats ont été rassemblés et mis à la disposition de l'ensemble de la communauté scientifique.
    C'est un processus intéressant, qui est plus organique, dans un sens. Au lieu d'avoir un gros bailleur de fonds qui décide de tout, le projet est né d'un consensus de la part de scientifiques qui pensaient que le projet était important et que différents travaux devaient être réalisés. Ensuite, chaque groupe s'est adressé à ses bailleurs de fonds — philanthropiques ou gouvernementaux — pour financer différentes parties du projet. Le projet a connu un immense succès.
    Merci.
    Madame la présidente, me reste‑t‑il un peu de temps?
    Il vous reste 30 secondes.
    Monsieur Bengio, pourriez-vous nous parler rapidement de la transparence nécessaire pour gagner la confiance du public et son adhésion à ces plans ambitieux? Je pense que c'est vraiment essentiel à la réussite des projets.
    Oui, je suis tout à fait d'accord avec vous
    Pour revenir à la question précédente concernant la Déclaration de Montréal, l'une des choses dont nous avons parlé et qui, selon moi, est vraiment importante pour le développement d'une IA responsable et aussi pour le financement de recherches coûteuses, c'est la transparence — la transparence relative à la prise de décisions concernant les projets dans lesquels nous investissons, la transparence relative à la façon dont le travail est effectué, et la transparence relative aux résultats. La transparence contribuera à accélérer les progrès et à garantir que nous ne gaspillons pas notre argent.
     Merci.
    Merci, monsieur Cannings. Je remercie encore une fois nos témoins. Nous vous sommes vraiment reconnaissants de votre présence parmi nous ce soir.
    Nous allons maintenant passer à des séries d'interventions de cinq minutes. Je crois comprendre que MM. Lobb et Tochor partageront le temps de parole de leur parti.
    Je vais vous céder la parole, monsieur Lobb.
    Merci, madame la présidente. J'adresse ma première question à Mme Yeremian.
    Ma question porte sur les programmes ambitieux et les réacteurs nucléaires. Bruce Power se trouve dans ma circonscription, alors je connais évidemment très bien l'énergie nucléaire, et je plaide en sa faveur depuis des années, mais voici le problème que j'observe: le programme ambitieux devrait peut-être porter sur la façon d'accélérer le processus d'approbation des évaluations environnementales.
    Le site de Bruce Power est probablement le site le plus étudié du monde depuis 50 ans, et pourtant je crois savoir que le délai le plus court pour obtenir une évaluation environnementale pour l'installation d'un nouveau réacteur est probablement de huit à dix ans. Si nous voulons vraiment mettre en oeuvre un projet ambitieux et progresser sur le plan de l'environnement, des émissions et de tout le reste, ne serait-ce pas l'endroit où commencer — afin de déterminer comment procéder à cette évaluation en deux ou trois ans? Qu'en pensez-vous?

  (2125)  

    Absolument. Je suis une grande partisane des évaluations environnementales. Je ne veux pas prendre des raccourcis, mais les sept années consacrées à l'évaluation environnementale de Bruce Power ont été beaucoup trop longues pour un site qui a été étudié plus que qui que ce soit pourrait le faire.
    Pas plus tard que vendredi, j'étais littéralement en réunion avec un cadre d'une société minière de la Saskatchewan, qui m'a dit que si les évaluations environnementales duraient plus de deux ans, ils allaient tout simplement passer à la production d'électricité au diesel, car cela ne posait pas de problème. C'est vraiment une question d'évaluation environnementale, laquelle constitue un désavantage concurrentiel pour le Canada.
    Merci.
    Je m'adresse maintenant à M. Bengio qui communique avec nous au moyen de Zoom. Cela correspond à ce que j'ai observé au cours de mes nombreuses années en tant que député, et je sais que la présidente Duncan ressent probablement la même chose: il y a des problèmes qui existent depuis 14 ans et qui sont toujours d'actualité. Il y a des problèmes d'arriéré et de traitement des demandes d'immigration. Il y a nos systèmes portuaires. Peu importe l'extrémité de la côte où vous vous trouvez, il y a toujours eu des problèmes liés aux ports. Nous venons de parler des évaluations environnementales, puis il y a notre système de soins de santé, nos sans-abri et nos toxicomanes. Et cela ne s'arrête pas là, au point où l'on ne peut même plus mettre des Tylenol pour enfants sur les étagères des magasins de notre pays.
    Avons-nous besoin d'un projet ambitieux en matière de bon sens? Comment pensez-vous qu'on puisse régler ces problèmes? Nous essayons de faire les choses les plus folles qui pourraient peut-être régler les maux de notre société, mais nous ne pouvons même pas réaliser les choses les plus simples. Qu'est-ce que vous en pensez? Comment pouvez-vous nous aider?
    C'est une grande question. J'aimerais avoir des réponses, mais permettez-moi d'essayer quelque chose.
    Il y avait une phrase dans mon discours qui portait sur l'absence d'une culture de l'innovation dans tout ce qui a trait aux services gouvernementaux. Je ne sais pas comment régler ce problème, mais les Canadiens ont besoin que les services offerts par nos gouvernements s'améliorent et deviennent plus efficaces. Le type de culture et d'investissement dans la recherche et le développement qui existe dans le secteur privé n'est pas autant présent, et tant s'en faut, pour les services que les gouvernements fournissent. Je pense que c'est un problème qui doit être résolu.
    Merci, madame la présidente.
    Je suis à court de temps, mais l'entreprise X-energy utilise différents types de combustible dans le réacteur. Pouvez-vous, s'il vous plaît, en dire un peu plus à ce sujet au Comité?
    C'est avec plaisir que je le ferai.
    Nous utilisons une forme de combustible appelée combustible TRISO. La beauté de ce combustible, c'est que, comme je l'ai mentionné au cours de ma déclaration préliminaire, il a été qualifié de « combustible le plus solide sur Terre ». Si vous me permettez de libérer la geek en moi pendant un instant, je vais vous en parler un peu.
    Nous prenons un noyau de la taille d'une graine de pavot, composé d'uranium, de carbone et d'oxygène. Nous l'enrobons ensuite de trois couches de céramique en utilisant une technologie de qualité pharmaceutique. Dix-neuf mille de ces noyaux sont ensuite mis en boule et recouverts de graphite. Le graphite ne fond pas, quelle que soit la température qu'un réacteur nucléaire peut atteindre, ce qui permet d'obtenir un combustible très sûr et très robuste que personne ne peut démonter et utiliser à des fins malveillantes. Le combustible est scellé et contenu. Si quelqu'un s'éloignait de la salle de contrôle — non pas qu'il le ferait, mais si cela se produisait —, le régime du réacteur monterait légèrement, puis le réacteur s'arrêterait de lui-même. C'est la beauté de notre combustible.
     Formidable. Merci.
    Merci beaucoup, messieurs Lobb et Tochor.
    Je mentionne encore une fois que nous sommes reconnaissants à nos témoins de leur participation.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. Collins pendant cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie les témoins de leur participation à la séance de ce soir.
    Je vais commencer par interroger professeur Bengio.
    Monsieur, connaissez-vous des pratiques exemplaires ou des principes de conception pour le déploiement de programmes de type Moonshot? Je sais que vous avez sauté dans tous les sens, parce que le temps dont nous disposons ce soir est limité, et vous avez donné quelques exemples de programmes mis en oeuvre ici au Canada, qui ont été soutenus. Existe-t-il un modèle à l'extérieur du Canada vers lequel nous devrions nous tourner comme point de départ pour élaborer des politiques en la matière?
    J'ai déjà mentionné le projet d'atlas cellulaire. Permettez-moi de mentionner une autre organisation qui a été créée récemment aux États-Unis, appelée BARDA. Je ne me souviens pas exactement de la décomposition de l'acronyme, mais cela ressemble à « Biomedical Advanced Research » suivie de quelque chose d'autre. Son but est de financer la recherche et le développement axés sur des missions, afin de protéger les Américains contre les menaces biomédicales potentielles. Cela inclut les pandémies, mais aussi le bioterrorisme et des événements de ce genre.
    Je pense que c'est une excellente initiative. Nous ne devons pas faire exactement la même chose, mais je pense qu'il y a beaucoup de leçons intéressantes à tirer de cette organisation. J'ai déjà mentionné comment la DARPA, qui existe depuis les années 1960, a complètement transformé l'économie américaine. Elle était censée financer la recherche militaire, mais en cherchant à améliorer les produits électroniques, elle a donné naissance à la révolution que vous connaissez, à titre d'effet secondaire.
    Il est vraiment essentiel de disposer de ces organisations axées vers des missions — et je ne soutiens pas qu'elles sont parfaites; ce sont des exemples intéressants — dans des secteurs où les marchés ne seraient pas aventurés ou l'auraient fait beaucoup plus tard. Je n'ai pas mené une étude pour comparer tous ces éléments, mais c'est un projet qui pourrait être entrepris.

  (2130)  

    J'ai une question complémentaire à vous poser.
    Vous avez parlé du modèle de financement traditionnel auquel nous sommes habitués, à savoir un financement de contrepartie entre le gouvernement et nos partenaires de l'industrie privée. Vous avez ensuite mentionné que nous devions associer certaines conditions à un nouveau scénario de financement ou programme de financement qui pourrait être créé par le gouvernement. À quoi ressembleraient ces conditions en matière d'ajouts ou de critères?
    Je vous remercie de votre question.
    Les conditions seraient liées premièrement aux sujets de recherche. À l'heure actuelle, si vous examinez les crédits d'impôt pour la R et D ou les supergrappes... Je veux dire, les supergrappes se situent dans un secteur un peu limité, mais dans l'ensemble, l'argent est réparti très largement, et cela peut présenter des avantages intéressants. Cependant, en ce qui concerne les programmes audacieux, ce n'est pas ce dont nous avons besoin. Nous devons avoir une vision beaucoup plus claire de ce qui doit être fait et ne financer que les efforts qui coïncident suffisamment avec cette vision. Voilà le premier point. C'est assez évident, car c'est le but d'un programme de type Moonshot.
    Deuxièmement, ce qui est moins évident et peut-être plus difficile à accomplir, c'est de forcer les organisations qui vont utiliser l'argent du gouvernement pour faire ce travail à être transparentes, comme je l'ai dit précédemment. Cela signifie qu'elles doivent mettre en commun les connaissances qui ont été acquises, les données qui ont été générées et le code qui a été élaboré. Dans certains cas, nous voulons également nous assurer que la propriété intellectuelle ou les licences qui seront associées à la propriété créée pourront être transférées facilement et à peu de frais, par exemple, aux pays en développement. La raison pour laquelle cela est important est la suivante:.. Pensez aux pandémies ou au changement climatique. Nous souhaitons vraiment que les pays pauvres d'Afrique utilisent la technologie que nous pourrions élaborer afin de nous protéger contre le changement climatique ou les futures pandémies. Cependant, nous devons l'indiquer clairement dans les contrats que nous signons avec des entreprises.
    Existe-t-il des exemples de ces conditions dans d'autres pays du monde qui offrent des programmes ou des financements de type Moonshot aux universitaires ou au marché privé?
    Oui, pour ces types de licences, un exemple que je connais est celui de la Fondation Bill et Melinda Gates. La Fondation Bill et Melinda Gates est un énorme bailleur de fonds pour les projets de type Moonshot et ses contrats comportent de telles clauses. Je crois que d'autres fondations prévoient des conditions semblables.
    Fort bien.
    Ma dernière question...
    Monsieur Collins, c'est la fin de votre temps de parole.
    D'accord. Merci, madame la présidente.
    Merci, monsieur Collins.
    Je remercie encore une fois les témoins de leur participation.
    Étant donné que nous avons commencé en retard, nous allons poursuivre la séance pendant cinq minutes supplémentaires. Cela donnera à MM. Blanchette-Joncas et Cannings la chance d'utiliser leurs deux dernières minutes et demie de temps de parole.
    Monsieur Blanchette-Joncas, la parole est à vous.

[Français]

     Madame la présidente, je ne suis pas certain de comprendre.
     Lors du dernier tour de questions pour l'autre sujet, nous n'avons pas pu obtenir plus de temps de parole. Maintenant, cependant, on nous accorde des minutes supplémentaires. Dans les deux cas, nous avons perdu du temps à cause de problèmes techniques.
     Pouvez-vous nous expliquer pourquoi il est maintenant possible d'ajouter du temps de parole?

  (2135)  

[Traduction]

    Monsieur Blanchette-Joncas, nous nous efforçons d'être très équitables au sein du Comité. Je n'y peux rien si l'un des témoins a éprouvé des difficultés techniques et que nous avons perdu de nombreuses minutes. Puis, pendant la deuxième série de questions, nous avons perdu du temps à cause du débat. Nous essayons d'être justes, et je pense que vous savez tous que je suis presque trop juste.
     Si vous voulez vos deux minutes et demie, la parole est à vous.

[Français]

    Est-il exact que, advenant des problèmes techniques, nous pouvons demander le consentement unanime des membres du Comité pour prolonger le débat?

[Traduction]

    Pouvez-vous répéter ce que vous avez dit, monsieur Blanchette-Joncas?

[Français]

    Est-il exact que, lorsqu'il y a des problèmes techniques, nous pouvons demander le consentement unanime des membres du Comité pour ajouter du temps à l'étude?

[Traduction]

    Je vous remercie de votre question.
    Cela s'applique à un intervenant particulier. Vous devez alors demander le consentement unanime. Cela ne s'applique pas à un point à l'ordre du jour. Je précise encore une fois que je n'y peux rien si des problèmes techniques surviennent. La séance du Comité prend fin à 21 h 30. J'essaie d'être aussi équitable que possible. Il est regrettable qu'au cours de la deuxième heure de la séance, nous ayons perdu du temps pendant le débat.
    Aimeriez-vous utiliser votre temps de parole à cet effet?

[Français]

    Cela ira de mon côté, madame la présidente. Merci beaucoup.

[Traduction]

    D'accord. Merci, monsieur Blanchette-Joncas.
    Monsieur Cannings, aimeriez-vous utiliser vos deux dernières minutes et demie?
    Par souci du temps qui passe — et je sais qu'il est tard là où vous êtes, alors qu'il n'est pas très tard là où je suis, mais je n'ai pas encore dîné —, je céderai également mon temps de parole, notamment pour permettre aux interprètes et au personnel de rentrer chez eux après une très longue journée.
    Merci à tous.
    Merci, monsieur Cannings.
    Sur ce, chers collègues, je vais remercier notre greffier, nos analystes, nos interprètes et tous ceux qui soutiennent notre comité et travaillent avec acharnement pour nous tous.
    J'aimerais vraiment remercier nos témoins. Nous vous sommes reconnaissants de vos compétences, et nous vous remercions de vous être joints à nous aussi tard. Nous espérons que vous avez eu une bonne expérience, et que vous vous joindrez de nouveau à nous.
    La séance est levée.
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