Passer au contenu
Début du contenu

SRSR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la science et de la recherche


NUMÉRO 033 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 9 mars 2023

[Enregistrement électronique]

  (1100)  

[Traduction]

    Bienvenue à la 33e réunion du Comité permanent de la science et de la recherche de la Chambre des communes. La réunion d'aujourd'hui se déroule en format hybride, conformément à l'ordre adopté par la Chambre le 23 juin 2022. Les députés assistent à la réunion en personne ou à distance par l'application Zoom. Nous allons poursuivre, avec le premier groupe de témoins, notre étude sur le soutien à la commercialisation de la propriété intellectuelle.
    J'aimerais faire quelques observations à l'intention des témoins et des membres du Comité.
    Des services d'interprétation sont offerts. Les personnes qui participent par Zoom peuvent choisir, au bas de leur écran, entre le parquet, l'anglais ou le français. Les personnes sur place peuvent utiliser leur écouteur et sélectionner le canal souhaité. Je vous rappelle que vous devez adresser vos commentaires au président. Les députés sur place qui souhaitent prendre la parole sont priés de lever la main. Les députés qui participent par Zoom sont priés d'utiliser la fonction « Lever la main ». Le greffier et moi-même gérerons l'ordre des interventions du mieux que nous pourrons. Conformément aux motions de régie interne, j'informe le Comité que les témoins ont effectué les tests de connexion requis avant la réunion.
    Nous commencerons la séance avec les déclarations liminaires des deux témoins, qui disposeront de cinq minutes chacun.
    J'invite donc Mme Beauger à prononcer sa déclaration de cinq minutes.
    La parole est à vous.

[Français]

    Bonjour.
    Je vous remercie, vous et les membres du Comité, de m'accorder du temps, aujourd'hui. Je remercie aussi particulièrement Mme Diab de son invitation.
    Au cours des sept dernières années, j'ai été présidente-directrice générale d'IRICoR, un centre d'excellence en commercialisation et en recherche, spécialisé en découverte de médicaments et basé à l'Institut de recherche en immunologie et en cancérologie, ou IRIC, de l'Université de Montréal.
    Forte des mes 14 années chez IRICoR, j'ai été interpellée par le thème de la commercialisation de la propriété intellectuelle, une activité qui a fait le succès de l'organisation en vue de la création de solutions thérapeutiques pour les patients atteints de cancer et de maladies rares.
    Voici ce que nous avons vu au cours de dernières années. Au plus fort de la pandémie de COVID‑19, en 2020, selon Statistique Canada, on dénombrait, en première position, 80 000 décès dus au cancer, et au deuxième rang, 50 000 décès dus aux maladies cardiovasculaires. Les décès dus à la COVID‑19 occupaient le troisième rang.
    Pour ce qui est du cancer, la situation était et demeure particulièrement alarmante parce que le nombre de diagnostics avait chuté de façon draconienne, et cela sans recul de l'incidence.
    La découverte de solutions thérapeutiques et novatrices dans ce domaine est plus pertinente que jamais si l'on veut contrer la vague de nouveaux cas de cancer, notamment.
    Selon moi, une des solutions est la commercialisation efficace de la propriété intellectuelle au Canada. Cette activité est au cœur du mandat pancanadien d'IRICoR, c'est-à-dire accélérer la découverte et le développement de projets pouvant mener à la commercialisation de nouvelles thérapies. Pour nous, la commercialisation se traduit par l'établissement de partenariats de codéveloppement avec l'industrie biopharmaceutique et la création d'entreprises dérivées.
    Les retombées socioéconomiques de nos activités vont au-delà de la mise en marché de nouveaux médicaments. La solution IRICoR de financement et d'accompagnement des meilleurs projets et découvertes de médicaments en cancer et maladies rares vers leur prochain point d'inflexion de valeur revêt toute sa pertinence pour que l'innovation canadienne soit effectivement au bénéfice des patients.
    Année après année, ce modèle contribue à bonifier la valeur des investissements faits par le gouvernement dans la recherche fondamentale. Il contribue également à propulser le Québec et le reste du Canada par l'attraction de capitaux étrangers qui financent directement la recherche-développement au Canada par la création et le maintien d'emplois à forte valeur ajoutée dans un secteur de pointe pour notre pays et par la création de nouvelles entreprises.
    Nous avons conclu des partenariats au Canada et à l'international avec des joueurs de premier plan du secteur privé, comme Ipsen, AbbVie et Bristol Myers Squibb, ou BMS, pour promouvoir l'innovation canadienne issue de projets initialement soutenus par ces entreprises. La clé est que nous utilisons les financements gouvernementaux avant l'établissement de partenariats avec l'industrie ou la création d'entreprises. Cela nous permet de créer de la propriété intellectuelle de haute valeur et de conclure des gains financiers d'envergure pour nos établissements universitaires, pour nos équipes de recherche et pour des organisations comme la nôtre tout en maintenant le savoir-faire au Canada. Ce savoir-faire créé ou co-créé entre le public et le privé, qu'on ne trouve pas traditionnellement dans les milieux universitaires, est un actif de taille, qui sert par la suite au développement de nouveaux projets.
    Les investissements et le soutien d'affaires d'IRICoR sont aussi un pôle d'attraction pour des organisations complémentaires à la nôtre, comme les sociétés de valorisation technologique canadiennes, le réseau de cellules souches basé à Ottawa, le Centre for the Commercialization of Regenerative Medicine, ou CCRM, de Toronto, adMare Bioinnovations, des firmes d'investissement locales comme le Fonds CTI Sciences de la vie, le Fonds de solidarité du Québec et des firmes internationales également, comme Advent Life Sciences. Tout cela est orienté vers la création d'entreprises dérivées basées au Québec et menant des études cliniques partout dans le monde. Je parle ici, par exemple, d'ExCellThera, Epitopea et RejuvenRx, que nous avons contribué à créer.
    En 2019, le Canada présentait le plus faible niveau de financement en recherche-développement provenant des entreprises parmi les pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques, ou OCDE, et du G7. Depuis, le gouvernement fédéral a déployé plusieurs initiatives d'importance, comme le Fonds stratégique des sciences, mais nous pouvons en faire davantage.
    IRICoR est un modèle de référence, qui doit continuer à être soutenu par le gouvernement fédéral, et même reproduit dans d'autres secteurs pour positionner le Canada parmi les meilleurs en matière de commercialisation de la propriété intellectuelle.
    Je vous remercie beaucoup de votre attention et je suis prête à répondre à vos questions.

  (1105)  

[Traduction]

     Merci beaucoup, madame Beauger.
    Nous avons ensuite M. Karim pour cinq minutes.
    Je m'appelle Karim Sallaudin et je suis vice-recteur associé à la commercialisation et à l'entrepreneuriat à l'Université de Waterloo.
    Je souligne que la vaste partie de nos activités à l'Université de Waterloo sont menées dans le territoire traditionnel des peuples des Neutres, des Anishinabes et des Haudenosaunees. Le campus principal se trouve sur les Terres de Haldimand, qui ont été attribuées aux Six Nations et qui s'étendent sur 10 kilomètres de chaque côté de la rivière Grand.
    À sa fondation, l'Université de Waterloo était un établissement non conventionnel. Elle est devenue grâce à ce statut un chef de file dans le domaine du développement et de la commercialisation de la propriété intellectuelle. La politique de propriété intellectuelle de l'université, qui octroie la pleine propriété à l'inventeur, a donné naissance à une culture universitaire qui valorise la commercialisation des projets innovateurs pilotés par des étudiants et par des groupes de recherche.
    J'attire votre attention sur deux de nos plus importantes initiatives de commercialisation.
    L'incubateur d'entreprises le plus productif au Canada, Velocity, a aidé à démarrer 434 entreprises depuis 2008. Ces entreprises ont par la suite généré plus de 35 milliards de dollars en valeur d'affaires et créé plus de 5 000 emplois. Plus de 1 100 entreprises ont reçu du soutien grâce à la collaboration entre le milieu universitaire et l'industrie dans le cadre du partenariat Advanced Manufacturing Consortium entre les universités McMaster, Western et Waterloo.
    Le débat sur l'innovation et les lacunes en matière de productivité au Canada est souvent centré sur la recherche et le développement dans des entreprises privées déjà établies. Toutefois, les activités conduites dans les établissements d'enseignement postsecondaires comme l'Université de Waterloo et le rôle que jouent ces établissements comblent cette lacune, à laquelle les entreprises privées sont incapables de remédier. Voici comment ils y arrivent.
    Premièrement, les universités comme Waterloo forment des cohortes de jeunes entrepreneurs qui sont extrêmement motivés, grâce au programme d'enseignement coopératif, à commercialiser des innovations axées sur la productivité. Souvent, les étudiants atteignent ce stade plus rapidement que les entreprises établies, car ils ne sont pas limités par un modèle d'affaires comme le sont la plupart des PME. Grâce à des formes de soutien essentielles telles que l'incubateur Velocity, ces étudiants sont de formidables agents de changement capables de mettre sur pied des licornes axées sur la productivité au Canada. Les entreprises ApplyBoard et Faire sont des exemples récents de licornes.
    Deuxièmement, les établissements d'enseignement postsecondaires génèrent la majorité des découvertes en R‑D dans le domaine des technologies profondes. Pensez à ce qui est arrivé à Kodak après l'arrivée des caméras numériques, et aux Pages jaunes après l'arrivée de la recherche en ligne. Pour commercialiser les technologies profondes, il faut du capital et de la main-d'œuvre technique spécialisée. Or, la plupart des entreprises canadiennes ne veulent pas ou ne peuvent pas commercialiser ce type de technologies. Une autre voie à considérer pour les technologies profondes est celle des jeunes pousses dans les universités. Ces entreprises travaillent avec les inventeurs universitaires, surtout parce que ce sont les inventeurs qui possèdent le plus de connaissances tacites sur la mise en marché. En outre, ces entreprises en démarrage sont soutenues par un bassin de diplômés hautement spécialisés qui assurent le transfert des connaissances de l'université à la jeune pousse. Ces étudiants acceptent souvent des postes de leadership au sein de l'entreprise au lieu de déménager au Sud, où ils pourraient dénicher des occasions plus lucratives.
    Troisièmement, la croissance économique et les répercussions sociales sont souvent mal alignées. Les problèmes tels que l'économie carboneutre, les changements climatiques, les soins de santé durables, les inégalités et l'insécurité alimentaire n'ont pas disparu malgré des décennies de forte croissance économique. Les entreprises privées ne s'attaquent pas à ces problèmes, car les rendements financiers sont modestes et sont loin d'être immédiats. Toutefois, les entreprises sociales durables issues des campus universitaires comme Waterloo peuvent relever avec brio ces défis sociétaux. Elles attirent des employés qualifiés animés par une mission sociale, et elles puisent le capital nécessaire à leur croissance dans une nouvelle génération d'investisseurs soucieux d'avoir un impact social et dans les programmes gouvernementaux qui valorisent à la fois les impacts sociaux et les rendements financiers.
    Je vais faire trois recommandations.
    Premièrement, le gouvernement du Canada devrait fournir plus d'investissements axés sur l'accroissement des capacités de commercialisation dans les universités. La recherche, l'innovation et la commercialisation font partie d'un continuum. Si nous restreignons une partie de ce pipeline au profit d'une autre, l'ensemble de l'écosystème et de la société canadienne en souffriront.
    Deuxièmement, les universités devraient faire partie de tous les nouveaux programmes offerts par la Corporation d'innovation du Canada, la CIC, pour que toutes les possibilités d'innovation soient considérées. Nous avons besoin de la CIC et d'autres programmes destinés aux universités pour mieux préparer les nouvelles technologies à se transformer en entreprises en démarrage ou à intégrer le secteur privé.
    Troisièmement, le CIC devrait collaborer étroitement avec les spécialistes dans les universités et les pépinières d'entreprises qui ont fait leurs preuves dans la commercialisation des technologies spécialisées. Pour combler ses lacunes en R‑D, le Canada doit beaucoup mieux coordonner son approche. Si nous continuons à considérer l'éducation, la recherche et la commercialisation comme des domaines mutuellement exclusifs, l'écart de productivité continuera à s'élargir.

  (1110)  

     Merci. Je suis prêt à répondre aux questions.
    Merci beaucoup, monsieur Karim. Merci beaucoup à vous également, madame Beauger.
    Nous passons à la série de questions de six minutes.
     Nous commençons avec le député Williams.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins de participer à notre étude importante.
    Monsieur Karim, je vais commencer par vous, si vous le voulez bien. Assez récemment, le recteur de l'Université de Waterloo a comparu devant le Comité dans le cadre d'une étude précédente. Des statistiques alarmantes montrent que 75 % des diplômés en informatique et en génie logiciel des universités canadiennes partent pour les États-Unis.
    J'aimerais savoir quel est le taux de propriété intellectuelle que perd le Canada. Le taux de propriété intellectuelle que perd le Canada — ou qui est emportée à l'étranger par des investisseurs en capital de risque — se compare‑t‑il au taux de diplômés qui quittent le pays pour les États-Unis? Le cas échéant, comment faisons-nous pour stopper ce phénomène?
     C'est une excellente question.
     Je ne connais pas les chiffres exacts ou la proportion de la propriété intellectuelle qui sort du Canada, mais je peux dire que les technologies profondes, qui renferment une grande part de propriété intellectuelle, sont difficiles à commercialiser au Canada pour les raisons que j'ai mentionnées. D'une part, les entreprises n'ont pas la capacité de les commercialiser, ou parfois, la volonté de le faire. Ce n'est donc pas surprenant que la propriété intellectuelle sorte du Canada pour aller là où elle pourrait être commercialisée.
    D'autre part, pour juguler le phénomène, nous devons donner aux entreprises canadiennes les moyens de commercialiser les technologies profondes et de rester au Canada. J'ai mentionné que les entreprises établies n'avaient pas toujours la capacité ou la volonté de commercialiser ces technologies. Les entreprises en démarrage constituent une solution très intéressante. Les jeunes pousses ont un lien inné avec le Canada, puisque leurs inventeurs sont rattachés aux universités. Si nous attirons les étudiants diplômés et que nous les convainquons de ne pas quitter le pays en leur offrant des possibilités de leadership, ils resteront.
    En un sens, l'essor des technologies profondes au Canada est concentré dans les entreprises en démarrage issues des universités comme Waterloo. Voilà une solution possible.
    Alors, comment finançons-nous la commercialisation? Nous avons beaucoup parlé de la R‑D, et nous avons injecté beaucoup de fonds dans la recherche appliquée. Par quels moyens au juste pouvons-nous financer la commercialisation? Comment se ferait ce financement s'il passait par le système universitaire, en particulier par l'Université de Waterloo?
    C'est une bonne question, qui est également très précise.
    Grâce au financement qu'elles reçoivent du gouvernement, les universités peuvent faire passer les technologies, telles que les technologies profondes, au stade du prototype. Par exemple, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie, un des trois organismes subventionnaires fédéraux, offre, entre autres, le programme De l'idée à l'innovation, qui soutient la construction de prototypes.
    Une fois le prototype mis au point, il faut transférer la technologie dans le secteur privé ou dans une entreprise en démarrage. Les fonds doivent provenir d'investisseurs providentiels ou d'investisseurs en capital de risque. Actuellement, le Canada ne compte pas beaucoup d'investisseurs en capital de risque prêts à investir dans les technologies profondes à haut risque. Il faut donc compter sur les investisseurs providentiels.
     Souvent, une autre solution est de faire appel à des investisseurs stratégiques, c'est‑à‑dire à d'autres entreprises canadiennes qui pourraient voir une valeur dans la technologie en question. Comme elles n'ont pas elles-mêmes les ressources pour investir, ces entreprises vont investir dans une jeune pousse, qu'elles vont faire croître.

  (1115)  

    À votre avis, à combien en pourcentage s'élèvent respectivement les investissements en capital de risque provenant des États-Unis et ceux provenant du Canada?
    C'est une bonne question. Je ne peux pas citer de mémoire les chiffres exacts, mais je soupçonne qu'une proportion plus élevée provient des États-Unis.
    Y a‑t‑il des groupes de capital de risque qui mènent des activités par l'entremise de l'université et qui sont coordonnés par l'université en ce moment?
    L'université travaille en coordination avec des groupes de capital de risque et des microgroupes de capital de risque. Vu son statut d'organisme de bienfaisance, elle ne peut pas exploiter son propre capital de risque, mais elle a des interactions avec des entreprises à but lucratif.
    Un grand nombre de ces interactions se font-elles avec Communitech à Waterloo?
    Oui. Communitech fait partie du portrait général. C'est un grand joueur régional qui soutient les études et favorise le réseautage.
     L'autre joueur est évidemment l'incubateur universitaire Velocity. Cette initiative à but non lucratif produit beaucoup de valeur. Velocity a également un réseau au niveau local et aux États-Unis, et attire du financement pour les jeunes pousses qu'il incube.
     Nous nous coordonnons également avec le centre Accelerator dans la région de Waterloo.
    Toutes ces parties travaillent ensemble à maintenir la vitalité de l'écosystème.
     Lorsque j'ai fait des recherches pour les États-Unis, j'ai remarqué qu'il n'était pas nécessaire de consentir ce type d'efforts là‑bas, car les universités comptent suffisamment d'investisseurs en capital de risque et d'investisseurs providentiels. Au Canada, par contre, comme l'ont souligné d'autres témoins, il semble qu'il faille travailler plus fort.
    Pensez-vous que des choses pourraient être faites par le gouvernement pour encourager à investir les membres de votre grand réseau de diplômés ou le regroupement d'entreprises — à Waterloo et ailleurs au Canada — qui ont eu des relations productives avec votre établissement? Pourrions-nous faire des recommandations qui encourageraient davantage les investissements providentiels et les investissements en capital de risque provenant de différentes catégories de capital humain au Canada, et non pas seulement de la part du gouvernement?
    Je vais vous donner matière à réflexion. Le capital de risque est souvent confondu avec prise de risque, mais la vraie question que vous posez est la suivante: quels types de risques les investisseurs en capital de risque sont-ils enclins à prendre? Ces investisseurs ne prennent pas souvent de risques technologiques, mais ils prennent des risques commerciaux. Autrement dit, ils aiment prendre un produit ou un prototype qui est presque prêt pour la commercialisation et trouver comment le faire entrer dans le marché. La plupart des investisseurs en capital de risque au Canada ou aux États-Unis n'ont pas les moyens, la capacité ou l'intention de prendre des risques technologiques.
    Les risques technologiques aux États-Unis sont aplanis par les programmes gouvernementaux comme le Small Business Innovation Research ou le Small Business Technology Transfer. Ces sources de financement substantielles sont offertes non seulement aux petites entreprises, mais aussi aux universités et aux jeunes pousses incubées dans les universités. Ces programmes peuvent offrir jusqu'à 2 millions de dollars américains de financement sur un ou deux ans. Ce soutien peut jouer un rôle déterminant dans la mise en marché des technologies profondes.
     Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup.
    Nous passons à Mme Diab, qui est en ligne, pour six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci aux deux témoins.

[Français]

    Je souhaite la bienvenue aux témoins qui sont parmi nous aujourd'hui.
    Madame Beauger, c'est un plaisir de vous voir à notre comité ce matin. Premièrement, j'aimerais dire que j'étais ravie de faire votre connaissance au déjeuner du Réseau de cellules souches que ma collègue Mme Valerie Bradford a organisé pour le groupe.

  (1120)  

    Cela a également été un plaisir pour moi.
    Je suis sûre que vous avez beaucoup de conseils et d'information à nous donner pour notre étude.
    Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre expérience personnelle et le travail que vous avez fait sur la commercialisation, particulièrement dans le domaine de la santé?
    Merci beaucoup, madame Diab.
    Je peux parler un peu plus en détail de notre secteur, soit celui de la découverte de médicaments. Comme je le mentionnais, la pandémie a mis en évidence l'importance de ce secteur pour l'économie du Canada.
    Je vais soulever un élément qui fait un peu le lien avec les commentaires précédents. Je vais prendre l'exemple d'IRICoR, mais je crois que c'est un modèle qu'on pourrait appliquer plus largement au Canada. Nous constatons la nécessité d'avoir des actifs de haute valeur qui peuvent être développés en milieu universitaire avant la création d'entreprises. Cela permettrait d'atténuer le risque qui peut être perçu par les sociétés de capital de risque canadiennes, mais également américaines. D'ailleurs, je vois que mon collègue le professeur Sallaudin‑Karim développe ces activités au sein de l'Université de Waterloo. Je crois que ce sont des modèles comme celui-ci qui permettent d'augmenter la valeur de l'innovation et de la propriété intellectuelle canadienne avant d'établir des partenariats avec l'industrie.
    Quand je parle de partenariats, comme vous le mentionniez, selon notre expérience au sein d'IRICoR, ce sont des partenariats avec des compagnies pharmaceutiques internationales. Il s'agit donc de montrer que l'innovation canadienne permet d'attirer des financements majeurs. De notre côté, par exemple, au cours des 10 premières années, nous avons financé des projets en découverte de médicaments, à différents stades de développement, à hauteur de 5 ou 6 millions de dollars. Ces investissements nous ont permis d'attirer de 50 à 60 millions de dollars de financement en recherche-développement provenant d'entreprises internationales.
    Contrairement à ce qui est le cas dans le domaine des technologies profondes, les sièges sociaux des entreprises pharmaceutiques sont à l'extérieur du Canada. Malgré tout, nous avons pu attirer ces fonds.
    Par ailleurs, ce qui complète les gains pour le Canada, au-delà du financement de la recherche-développement, ce sont les contrats que nous établissons avec ces entreprises. On parle de propriété intellectuelle et de développement de savoir-faire. Chez IRICoR, nous avons développé, avec les équipes de recherche du Canada, de la nouvelle propriété intellectuelle. Cependant, il faut savoir que, par la suite, nous établissons aussi des partenariats de collaboration avec de grandes compagnies pharmaceutiques, ce qui permet un transfert de connaissances entre les équipes de recherche universitaires et les équipes de recherche de compagnies pharmaceutiques.
    Ce savoir-faire développé conjointement génère des gains pour les équipes de recherche, les établissements universitaires au Canada et les organisations comme la nôtre, et cela nous permet de les réinvestir dans des projets de recherche et d'assurer une pérennité à partir de fonds gouvernementaux fédéraux et provinciaux.
    Merci beaucoup.
    Selon vous, au Canada, dans le domaine de la santé, faisons-nous mieux ou pire en ce qui concerne la commercialisation de la propriété intellectuelle par rapport aux autres domaines, comme celui des technologies propres?
    Je dois dire que je n'ai pas suivi aussi étroitement les autres domaines. Toutefois, je crois que des initiatives, comme le Fonds stratégique des sciences, sont cruciales pour un domaine comme celui de la santé et des sciences. Je suis sûre qu'il y a d'autres occasions que le gouvernement devrait saisir. Il doit appuyer des organisations comme celle que je dirigeais, IRICoR, pour apporter cette valeur ajoutée.
    On parlait de capital humain, tout à l'heure, et c'est une valeur ajoutée qu'on ne trouve pas dans le milieu universitaire traditionnel. Je parle de la mentalité qui est propre au milieu privé. Je parle de gens qui ont travaillé pour des sociétés de capital de risque ou des entreprises privées dans le domaine de la propriété intellectuelle. C'est tout ce savoir-faire qui est ajouté à l'expertise et à l'excellence canadiennes sur le plan scientifique.

  (1125)  

    Auriez-vous autre chose à dire pour non seulement nous encourager en tant que parlementaires, mais aussi afin de nous aider dans nos discussions sur la commercialisation dans le domaine de la santé?
    Je trouve que nous avons très bien fait conjointement. J'applaudis les initiatives du gouvernement, parce que c'est vraiment lui qui a permis la création d'un programme comme celui des centres d'excellence en commercialisation et en recherche, ainsi que celui des réseaux de centres d'excellence. C'est la vision du gouvernement fédéral qui a permis de créer des histoires à succès comme celles-là.
    Je suis d'avis que le gouvernement doit poursuivre cet appui, précisément à l'égard des organisations qui ont fait la démonstration qu'elles étaient capables d'obtenir des résultats. Cela nous permettra d'augmenter le nombre de nouvelles entreprises au Canada et d'alimenter le tissu entrepreneurial en sciences de la vie, qui est si important pour nous. En effet, nous ne devons pas dépendre uniquement du capital, tant humain que financier, venant de l'extérieur du Canada.
    Merci beaucoup, madame.

[Traduction]

     Mon temps est‑il écoulé, monsieur le président?

[Français]

    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Très bien. J'aime toujours laisser aux témoins le temps de terminer leurs observations. Je n'hésite pas à interrompre les députés, mais je n'interromps pas les témoins, sauf dans les cas extrêmes.
    Nous passons au député Blanchette‑Joncas pour six minutes.

[Français]

    Je salue les témoins qui se joignent à nous pour prendre part à l'étude.
    Mes premières questions s'adresseront à Mme Beauger.
    Madame Beauger, c'est un plaisir de vous accueillir au Comité aujourd'hui dans le cadre de cette importante étude.
    Je souligne évidemment votre engagement au sein d'IRICoR. Je sais que vous y avez travaillé pendant plusieurs années et que vous semblez maintenant voguer vers de nouveaux défis. Tout de même, je tiens à souligner votre excellent travail et à mentionner que c'est une fierté d'avoir une organisation comme IRICoR en sol québécois. Il s'agit d'une véritable force de frappe dans la transformation de la recherche menée au Québec, mais aussi, bien sûr, ailleurs au Canada et dans le monde, en matière de solutions thérapeutiques hautement innovantes.
    Je vais poursuivre dans le même sens que ma collègue. J'aimerais en connaître davantage sur l'état de la situation en ce qui concerne le Canada et sur la place qu'il occupe pour ce qui est de la commercialisation de la propriété intellectuelle.
    Selon les dernières données que nous avons obtenues d'Innovation, Sciences et Développement économique Canada et qui datent tout de même de 2016, le Canada se classait au 31e rang sur les 37 pays de l'OCDE pour ce qui est du nombre de demandes de marques de commerce par habitant.
    Quelles sont vos observations à ce sujet?
    Je vous remercie beaucoup de vos bons mots.
    Comme je le mentionnais, je crois que nous sommes capables de faire mieux.
    Vous avez parlé d'une partie également très importante liée à la propriété intellectuelle, soit les marques de commerce. Or au-delà des marques de commerce, il y a également les brevets. C'est l'un des aspects qu'il faut suivre.
    Je crois que, compte tenu du niveau d'innovation et d'investissement des gouvernements fédéral et provinciaux dans la recherche, nous sommes capables de transformer ces investissements précoces en une propriété intellectuelle commercialisable de plus grande envergure. Nous en sommes manifestement capables.
    Encore une fois, je crois que c'est ensemble que des organisations comme la nôtre, qui travaillent de concert avec des sociétés de transferts technologiques, et d'autres organisations de partout au Canada peuvent vraiment augmenter la valeur de la propriété intellectuelle.
    Nous pouvons même créer de la nouvelle propriété intellectuelle au moyen de nos fonds publics afin de pouvoir établir des partenariats avec l'industrie. Cela nous permettra certainement de mieux nous situer au sein des pays de l'OCDE et du G7.
    Merci, madame Beauger.
    Je me permets de renchérir sur vos propos.
    Évidemment, il faut nuancer. Comme vous l'avez mentionné, il faut aussi parler des brevets. Au chapitre des brevets de triade, comme on appelle une série de brevets pour la même invention inscrits aux registres de l'Europe, du Japon et des États‑Unis, le Canada se classait, par habitant, au 19e rang sur 37 pays. Je ne suis pas si fort que cela en mathématiques, mais, 19e sur 37, cela veut dire que le Canada ne passe pas nécessairement le test, pour un pays du G7.
    Je vais quand même poursuivre avec d'autres questions.
    Dans votre allocution d'ouverture, madame Beauger, vous avez par la suite parlé du faible investissement du gouvernement canadien en matière de recherche-développement. Vous avez mentionné que le Canada était en queue de peloton des pays du G7 en 2019.
    Je me permets quand même d'ajouter que le Canada est le seul pays du G7 à avoir réduit ses investissements au cours des 20 dernières années. Il est également le seul à avoir perdu des chercheurs au cours des six dernières années. Je pense que le portrait est quand même assez sombre et je tente de comprendre.
    En tant que personne ayant été à la tête d'une organisation comme IRICoR, pouvez-vous nous dire comment les entreprises de ce secteur font pour être compétitives et pour tenter de se démarquer sur la scène internationale, alors que nous avons un gouvernement qui ne fait pas de l'investissement en recherche-développement l'une de ses priorités?
    J'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet.

  (1130)  

    Effectivement, la situation laisse à désirer selon les chiffres que vous avez cités. Ce que j'avais mentionné pour 2019, c'est que c'était le financement en recherche-développement provenant d'entreprises qui plaçait le Canada au plus bas niveau du classement.
    Je crois encore que le Canada peut faire mieux. Je parlais d'une donnée datant de 2019, et, depuis lors, du financement supplémentaire a été accordé au pays. Il faut continuer de telles initiatives, parce que — et je reviens un peu à la question des brevets —, pendant trop d'années, on a utilisé le nombre de demandes de brevets déposées comme unique indicateur de performance.
    Or, ce que nous voyons dans notre domaine en particulier, sur le plan de la découverte de médicaments, c'est qu'il faut s'assurer de développer des brevets et de déposer des demandes de brevets de haute valeur, soit sur la composition de matières, qui permettent d'avoir des gains financiers importants. C'est vraiment une façon de procéder qui nous permettra de nous démarquer et d'augmenter la valeur de ce que nous avons au Canada.
    Pour revenir à votre question, je crois que, pour le gouvernement, il s'agit vraiment de canaliser son financement et de l'orienter vers les organisations qui fonctionnent et qui offrent des actifs de haute valeur, ce qui permettra d'attirer ce financement en recherche-développement de l'extérieur du secteur privé.
    Madame Beauger, vous avez dit que nous pouvions faire mieux. Cependant, les États‑Unis, nos voisins, ont doublé le budget de base de la National Science Foundation. C'est le plus gros programme de financement de la recherche.
    Comment soutenir la concurrence dans ce domaine quand le Canada est à la traîne par rapport aux États‑Unis? Comme vous le savez, la science et la recherche sur la scène internationale sont des domaines très concurrentiels. J'aimerais avoir vos observations à ce sujet. Si vous n'avez pas le temps, vous pourrez certainement nous faire part de votre avis par écrit.
    Je vous remercie beaucoup.
    Je le ferai avec grand plaisir.

[Traduction]

     Merci beaucoup.
    Le député Cannings a la parole pour six minutes.
     Merci aux deux témoins.
    Je vais commencer avec vous, monsieur Karim, et par certaines des recommandations que vous avez formulées. Il y en avait trois, dont deux qui mentionnaient expressément la Corporation d'innovation du Canada, la CIC.
     Vous avez parlé également des différences entre les contextes canadien et américain. Les États-Unis ont une économie 10 fois plus grande que la nôtre. Leur culture sur le plan des investissements et de la gestion des risques est sans doute différente de la nôtre également. Vous avez mentionné que le gouvernement américain avait en outre mis en place des mesures incitatives.
    Pourriez-vous décrire le soutien fourni par le gouvernement américain aux entreprises en démarrage et à d'autres entreprises et le comparer au soutien offert par le Canada? Pourriez-vous ensuite faire le lien avec vos recommandations concernant la CIC?
    Certainement. Je vous remercie pour la question.
    Pour y répondre, je vais reprendre quelques points qui viennent d'être soulevés.
    L'un d'entre eux concerne la raison pour laquelle le Canada accuse du retard au chapitre des brevets et des marques de commerce.
    La réponse est liée au nombre de grandes entreprises pharmaceutiques et de haute technologie que nous avons au pays. Les États-Unis et le Japon — les États-Unis surtout — comptent beaucoup d'entreprises de haute technologie comme Google, Apple et Facebook. Ces entreprises sont des vecteurs de brevets. Les marques de commerce sont le fruit de la mise au point de nouveaux produits, et les secteurs des produits pharmaceutiques et de haute technologie sont toujours en train de mettre au point de nouveaux produits, d'où le nombre élevé de demandes de marques de commerce.
    La raison pour laquelle le Canada accuse du retard, c'est qu'il ne compte pas de grandes entreprises pharmaceutiques et de haute technologie. Nous en avons des moyennes, comme OpenText, mais avant, nous avions Nortel et BlackBerry. Ces entreprises étaient très actives sur ce plan. Aujourd'hui, il n'y en a plus de pareilles.
    Pour répondre directement à votre question, comment les États-Unis obtiennent-ils de si bons résultats?
    Je pense qu'ils investissent plus efficacement que nous dans les premières étapes de l'innovation. Cela nous ramène aux trois recommandations. J'ai déjà parlé des programmes de recherche en innovation et de transfert de technologie pour les petites entreprises qu'offrent les États-Unis. Ces deux programmes sont accessibles non seulement aux petites entreprises américaines, mais aussi aux universités. Les chercheurs peuvent sortir des universités ou des laboratoires nationaux, ils peuvent démarrer une entreprise et ils peuvent recevoir des fonds par l'intermédiaire de ces programmes pendant deux ans. Ainsi, ils ont la possibilité d'arriver à mettre au point un prototype assez avancé pour attirer des investissements en capital de risque.
    Au fil du temps, en offrant constamment un tel soutien, les États-Unis ont créé un réseau d'innovation. C'est ce qui leur donne un avantage à long terme.
    Le Canada n'a pas de programme pareil. En fait, quand nous mettons des programmes sur pied, nous cherchons à placer les universités et la recherche, l'éducation et la commercialisation dans des catégories différentes. Nous devons commencer à réunir ces trois secteurs pour leur permettre de travailler en synergie.

  (1135)  

    Merci.
    Vous avez mentionné les grandes entreprises pharmaceutiques. J'aimerais poser une question à Mme Beauger à ce sujet.
    Madame Beauger, vous avez parlé de l'importance pour vos chercheurs de travailler en partenariat avec les grandes entreprises pharmaceutiques pour pouvoir avancer et croître. Je présume que les investissements faits par les géants de l'industrie pharmaceutique... Souvent, ils achètent les idées, les innovations et la propriété intellectuelle, et ils les déplacent à l'extérieur du Canada.
    Est‑ce exact? Est‑ce le prix que nous devons payer parce qu'il n'y a pas de grandes entreprises pharmaceutiques au Canada?
    Je vous remercie pour la question.
    Je nuancerais un peu. Chez IRICoR, quand les grandes entreprises pharmaceutiques collaboraient avec les équipes de recherche avec lesquelles nous travaillions, il y avait une reconnaissance initiale de la valeur de la recherche que nous développions ensemble. Les entreprises paient une partie des frais initiaux de licence.
    L'autre élément que je soulignerais, c'est que les équipes de recherche et les entreprises pharmaceutiques mettent au point de la propriété intellectuelle qu'elles détiennent conjointement. La propriété intellectuelle conjointe est reconnue au moyen de paiements qui sont versés tout au long des projets auxquels participent des entreprises basées aux États-Unis ou en Europe, c'est‑à‑dire que les entreprises soient canadiennes ou étrangères. Le secteur public canadien réalise constamment des gains financiers grâce aux projets de collaboration.
    C'est la réalité de notre modèle. Par exemple, pour les entreprises pharmaceutiques, le marché canadien est très petit; il va donc de soi qu'elles lancent leurs produits à l'extérieur du Canada. Toutefois, la portion de l'innovation est cruciale. Au moyen de notre modèle, nous avons démontré que les innovations conçues ici permettent au Canada d'enregistrer des gains importants.
    J'ajouterais aussi que des redevances sont versées aux institutions et aux organismes publics en contrepartie des innovations canadiennes qui sont introduites sur le marché. Voilà tous les gains concrets que nous réalisons.
    En fait, j'ajouterais aussi quelque chose au sujet du savoir-faire. Quand les équipes de recherche des universités collaborent avec celles des grandes entreprises pharmaceutiques, toutes les connaissances ainsi acquises deviennent un atout précieux pour les universités: elles peuvent tirer parti de ce savoir-faire dans le cadre de leurs projets ultérieurs et créer de la nouvelle propriété intellectuelle au Canada.

  (1140)  

    Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à la série de questions de cinq minutes. La parole est à M. Dan Mazier.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence.
    Monsieur Karim, combien de demandes de brevets avez-vous déposées?
    Voulez-vous dire moi personnellement ou l'université?
    Je veux dire l'université.
    Nous savons combien de demandes sont déposées par les professeurs, mais les étudiants en présentent aussi, et celles‑là sont plus difficiles à suivre. Je dirais que c'est probablement autour de près de 100 ou plus par année.
    Très bien.
    Combien de ces brevets ont mené à des produits commercialisés?
    Il faudrait que je vérifie les chiffres exacts. Je peux sûrement vous envoyer la réponse.
    Toutefois, je peux aussi ajouter que j'ai moi-même commercialisé des produits en passant par l'université. Je peux donc vous dire sans l'ombre d'un doute qu'au moins 21 brevets ont permis la commercialisation de produits divers.
    Je vous félicite.
    Cependant, l'université tient des données à ce sujet, n'est‑ce pas, et...
    Absolument. Je peux vous envoyer les chiffres, si vous voulez.
    Je vous en prie.
    Combien de vos brevets appartiennent aujourd'hui à des organismes ou à des particuliers non canadiens?
    C'est une bonne question. Encore une fois, je vais devoir m'informer. Je ne saurais vous le dire de mémoire.
    D'accord. Pouvez-vous nous transmettre ces renseignements aussi?
    Durant votre déclaration préliminaire, vous avez mentionné que les entreprises n'étaient pas prêtes à s'installer au Canada et à investir au Canada. Pourquoi? Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet?
    J'ai mentionné que les PME canadiennes n'ont peut-être pas les moyens d'investir dans les technologies profondes. Je pense que des entreprises des États-Unis et d'ailleurs souhaitent exploiter notre réseau d'innovation parce que les entreprises canadiennes ne peuvent pas en tirer profit.
    La raison principale pour laquelle les entreprises canadiennes ne peuvent pas en tirer profit, c'est qu'elles n'ont pas une forte présence dans le domaine de la haute technologie. Au Canada, il n'y a pas de sociétés de l'envergure d'Apple, de Google, de Facebook ou d'Intel, des sociétés qui engrangent de si grandes recettes qu'elles peuvent se permettre d'investir énormément dans la recherche.
    Nous avons de petites et de moyennes entreprises; la majorité de leurs activités quotidiennes sont centrées sur la mise au point, la vente et la commercialisation de produits fondés sur des technologies existantes, et peut-être aussi sur l'innovation progressive. Peu de gens prennent beaucoup de risques. D'après moi, c'est pour cette raison que nous n'avons pas beaucoup de succès dans le nouveau domaine des technologies profondes.
    Savez-vous ce qui distingue le milieu de l'investissement des États-Unis ou d'ailleurs à celui du Canada? Connaissez-vous des règlements, des règles fiscales ou d'autres dispositions qui représentent des obstacles? Les gens seraient-ils plus portés à assumer des coûts supplémentaires si le gouvernement éliminait telle mesure ou telle règle? Avez-vous des suggestions à nous faire pour orienter notre étude?
    C'est une très bonne question.
    J'ai de l'expérience personnelle dans ce domaine, mais je ne suis au courant d'aucune règle fiscale qui empêcherait un Américain d'investir au Canada. Cela dit, les investisseurs américains préfèrent investir aux États-Unis, peut-être parce que certains États ont des lois du travail et des lois sur l'acquisition qui leur sont très avantageuses.
    Souvent, les sociétés américaines ou les investisseurs américains qui veulent faire affaire avec une entreprise canadienne lui conseillent d'établir un bureau au Delaware. Je suis au courant de cette pratique, mais je ne connais aucun enjeu fondamental — du moins, aucun ne me vient à l'esprit — qui empêcherait une entreprise américaine d'investir directement au Canada, mis à part une peur innée de l'inconnu.
    Ma prochaine question est pour vous deux. Je vais citer un extrait d'un rapport publié par l'Institut de recherche en politiques publiques:
[...] la majorité des brevets déposés par des équipes de recherche comptant au moins un inventeur canadien sont attribués au départ à une entreprise à l'extérieur du Canada ou à une filiale étrangère au Canada. De plus, une forte proportion des brevets attribués à des résidents canadiens sont par la suite vendus à des entités étrangères.
    D'après ce que j'ai compris, environ 50 % des brevets d'inventions canadiennes sont transférés à des sociétés étrangères. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi, et comment la propriété intellectuelle peut être conservée au Canada? Je pense que mon collègue, M. Williams, en a déjà parlé. Si la technologie et la propriété intellectuelle restent au Canada, il y aura plus...
    Je suis désolé, je ne savais pas que mon temps de parole était écoulé. Le temps a passé vite.

  (1145)  

    Vous avez dépassé votre temps de parole de 20 secondes. Nous allons donc demander une réponse écrite.
    Je le répète, je n'aime pas interrompre les témoins, mais les députés sont responsables de gérer leur temps de parole.
    Madame Bradford, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aussi aux deux témoins. Vos points de vue sont très intéressants et différents. Je vous remercie tous les deux de votre présence et de votre participation à notre importante discussion.
    Comme je viens de la région de Waterloo, je vais poser mes questions à M. Karim.
    Avant, j'aimerais souligner, par rapport aux questions que le député Williams a posées tout à l'heure au sujet du capital de risque, que nous avons invité M. Chris Albinson, président-directeur général de Communitech, à venir témoigner devant le Comité. J'ai organisé une table ronde récemment. Il a les réponses à toutes vos questions. Je vais me concentrer sur la propriété intellectuelle, mais j'espère sincèrement qu'il pourra se joindre à nous parce qu'il en sait beaucoup sur le capital de risque et les questions connexes.
    Relativement à la propriété intellectuelle, monsieur Karim, pouvez-vous nous expliquer comment le programme ÉleverlaPI, qui a été annoncé récemment, contribuera à relever certains défis liés à la propriété intellectuelle? À l'heure actuelle, le programme finance des centres partout au pays, et je suis ravie qu'il y ait des bénéficiaires de l'Ouest jusqu'à Halifax. Comment le programme aidera‑t‑il les entreprises à progresser? Comme vous le savez, ce n'est jamais le démarrage qui pose problème; on dirait que c'est toujours le passage à l'étape suivante.
    Absolument. Merci, madame Bradford.
    Le gouvernement a annoncé qu'il affectait des fonds au programme ÉleverlaPI. L'objectif de ce programme est d'aider les accélérateurs et incubateurs d'entreprises à fournir aux jeunes entreprises canadiennes les outils nécessaires pour comprendre, pour gérer et pour exploiter leur propriété intellectuelle. C'est ce que le programme ÉleverlaPI est censé accomplir. Par conséquent, les universités n'y jouent probablement pas un rôle aussi direct que les accélérateurs et incubateurs d'entreprises. Les fonds doivent servir à aider les jeunes entreprises à comprendre, à gérer et à exploiter leur propriété intellectuelle.
    Cependant, pour les jeunes entreprises, une des plus grandes difficultés... Tout le monde sait que la propriété intellectuelle est importante. La question, c'est comment la payer, parce que les coûts associés à la propriété intellectuelle sont élevés. Le programme aidera les jeunes entreprises à comprendre et à gérer leur propriété intellectuelle, mais je ne sais pas s'il leur permettra de payer les frais y afférents.
    Normalement, durant ses premières années d'exploitation, une jeune entreprise touche entre 300 000 $ et un million de dollars. Or le coût d'un brevet aux États-Unis, du dépôt de la demande à la délivrance du brevet, varie entre 25 000 $ et 30 000 $. La facture peut grimper très rapidement et devenir une partie considérable des coûts de la jeune entreprise. Je reconnais la valeur du programme, mais je ne suis pas convaincu qu'il atteindra ses objectifs.
    Un avertissement, en quelque sorte, est affiché sur le site Web de l'université. On peut y lire ce qui suit:
Dans le milieu universitaire, il arrive souvent que les créateurs de propriété intellectuelle présentent les résultats de leurs recherches durant des conférences, dans des revues scientifiques ou lors de la soutenance de thèse [...] ou dans le cadre de discussions préliminaires avec des partenaires potentiels de financement de la recherche. [...] Toutes ces activités peuvent être considérées comme une divulgation, et la gestion inadéquate de la divulgation peut nuire à l'obtention de la protection par brevet.
    Dans le milieu universitaire, y a‑t‑il de la tension entre le mouvement pour la science ouverte et celui pour la protection et la commercialisation de la propriété intellectuelle?
    C'est une autre excellente question, madame Bradford.
    Oui, absolument; il y a de la tension, mais il faut apprendre à la gérer. En général, à l'Université Waterloo, nous sensibilisons les chercheurs à l'importance de la propriété intellectuelle. Nous les informons aussi qu'ils doivent discuter avec les responsables du transfert technologique de l'université avant de publier leurs résultats. Quand les chercheurs communiquent avec nous, nous déposons immédiatement la demande de brevet.
    Il est relativement peu coûteux de déposer une demande provisoire, et l’on a ensuite un an pour déposer une demande ordinaire. Entretemps, la propriété intellectuelle est protégée, et les chercheurs peuvent alors publier leurs résultats sans craindre les répercussions évoquées précédemment. Certes, il est essentiel de faire de la sensibilisation à ce sujet.

  (1150)  

    Y a‑t‑il des secteurs dans lesquels le Canada excelle au chapitre de la commercialisation de la propriété intellectuelle? Y a‑t‑il des domaines que nous devrions mieux soutenir, par exemple le milieu universitaire ou certains secteurs d'activité? Pouvez-vous nous fournir des détails là‑dessus?
    À ma connaissance, le secteur pharmaceutique canadien se débrouille très bien au chapitre de la propriété intellectuelle. Malheureusement, il n'y a pas de grande entreprise pharmaceutique au Canada pour en tirer pleinement profit; néanmoins, dans le domaine pharmaceutique, le Canada génère beaucoup de propriété intellectuelle.
    La propriété intellectuelle créée par le secteur canadien de la technologie est aussi considérable. Les jeunes entreprises canadiennes de ce secteur s'en tirent raisonnablement bien, surtout les jeunes entreprises de haute technologie. Par exemple, à Waterloo, comme je l'ai déjà dit, Velocity a atteint une valeur d'entreprise de 35 milliards de dollars en 15 ans. C'est très impressionnant pour une petite région.
    L'avenir est prometteur. Si quelqu'un me demandait sur quoi nous devrions nous concentrer, je répondrais: sur le développement de notre écosystème de jeunes entreprises. Les jeunes entreprises représentent le meilleur moyen de créer des géants pouvant soutenir la concurrence à l'échelle mondiale.
    Et Velocity sait comment les transformer.
    Merci beaucoup.
    Passons maintenant à notre série de questions de deux minutes et demie. Monsieur Blanchette-Joncas, vous avez la parole.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Madame Beauger, tout à l'heure, nous avons parlé des difficultés du Canada pour ce qui est de stimuler l'investissement des entreprises privées. Je vais me permettre de citer quelques données. Comme vous le savez, pour s'améliorer, il faut faire un portrait de la situation et la reconnaître. Or, ce ne sont pas tous les gens qui reconnaissent cette situation.
    Parmi les pays de l'OCDE, en 2019, le Canada se classait au 24e rang des entreprises pour les montants investis en recherche‑développement du secteur privé. Il était donc 24esur 37.
    J'aimerais que vous nous expliquiez ce faible taux de productivité du Canada.
    Je vous remercie de la question.
    Je peux me prononcer sur la situation dans le secteur des compagnies pharmaceutiques en particulier. Malheureusement, comme on le disait, les capacités des compagnies pharmaceutiques établies au Canada sont relativement limitées, parce qu'elles se sont vraiment concentrées sur la commercialisation et sur les ventes de produits, et non sur la recherche-développement. Cela limite beaucoup l'investissement direct potentiel des compagnies canadiennes.
    Madame Beauger, je vais devoir vous interrompre. Le temps file, et je veux passer à la question suivante, qui est en lien avec votre réponse.
    Le Québec, principalement la ville de Montréal, a longtemps été considéré comme une plaque tournante de l'économie dans l'industrie pharmaceutique sur le plan mondial. Je peux citer quelques entreprises qui en font partie, soit Merck Canada, Pfizer Canada, AstraZeneca Canada, Boehringer Ingelheim Canada et GlaxoSmithKline. Ce sont toutes des entreprises qui étaient présentes sur le sol québécois dans les années 2000.
    Vous vous êtes jointe à IRICoR à la fin des années 2000. Vous avez été présidente et directrice générale pendant près de sept ans. Vous savez que ces entreprises n'ont pas fermé parce qu'il faisait froid au Québec pendant l'hiver.
    Quelles sont les raisons pour lesquelles ces entreprises ont quitté le sol québécois et canadien?
    Pourquoi le Canada a-t-il été le seul pays du G7, encore une fois, à ne pas produire de vaccins contre la COVID‑19?
    Je vais répondre brièvement à la première question.
    Les incitatifs fiscaux sont un facteur. Je crois qu'il y a vraiment moyen d'améliorer la situation en augmentant les incitatifs fiscaux pour les compagnies pharmaceutiques. Je crois que nous avons été très innovateurs aussi pour retenir le capital humain de ces compagnies.
    Comme nous l'avons mentionné, plusieurs compagnies ont fermé leurs portes au Canada. Par contre, les gens qui avaient été formés dans ces compagnies se sont retrouvés dans tout l'écosystème du milieu universitaire, principalement à l'Unité de découverte de médicaments de l'IRIC, où nous sommes basés. Cette unité comprend près de 70 personnes hautement qualifiées qui venaient de ces compagnies pharmaceutiques. Elles contribuent ainsi au développement de la recherche universitaire vers le prochain point d'inflexion de valeur.

  (1155)  

    Merci beaucoup, madame Beauger.
    Cela m'a fait plaisir.

[Traduction]

    Maintenant, pour notre dernière série de questions de deux minutes et demie, je cède la parole à M. Cannings.
    Merci.
    Je poursuis dans la même veine. J'aimerais que M. Karim nous parle des sociétés pharmaceutiques.
    Vous avez parlé des défis sociétaux que le secteur privé est souvent réticent à relever et du rôle du gouvernement à cet égard. Y a‑t‑il un rôle possible pour...?
     Par exemple, les laboratoires Connaught, une société d'État, produisaient des vaccins et d'autres produits pharmaceutiques. Les sociétés d'État ont-elles un rôle à jouer dans ce domaine, qui ferait en sorte que l'on continuerait de produire des médicaments au Canada et que l'on pourrait conserver notre propriété intellectuelle? On dit souvent qu'il faut encourager les entreprises à élaborer une stratégie en matière de propriété intellectuelle, mais celle‑ci semble, comme on l'a dit, quitter le pays assez rapidement.
    Le gouvernement a‑t‑il un rôle à jouer dans la création de sociétés d'État qui se chargeraient de cela et s'assureraient de conserver la propriété intellectuelle au Canada?
    Absolument. Je pense que le gouvernement a un rôle à jouer en finançant les infrastructures des « industries essentielles » du pays, que ce soit par l'entremise de sociétés d'État ou autrement. La production de vaccins est, à mon avis, l'une de ces industries essentielles. J'imagine qu'elle constitue une grande priorité, car s'il y a une autre pandémie, nous pourrions nous retrouver dans la même situation que celle que nous avons connue.
    Il existe également d'autres industries essentielles, notamment dans le domaine médical... Au Canada, nous ne fabriquons pas beaucoup d'instruments médicaux. Nous avons tendance à acheter tout notre matériel aux États-Unis ou ailleurs. Pendant la pandémie, nous avons connu de graves pénuries de ventilateurs et d'appareils à rayons X simples, entre autres.
    Cela devrait absolument faire partie d'une discussion plus large sur ce que le Canada entend par industrie essentielle et infrastructures essentielles. Ensuite, il faudrait voir de quelle façon nous pourrions investir dans ces industries, que ce soit par l'entremise d'une société d'État ou d'un autre mécanisme similaire, pour veiller à ce que nous ayons accès à ces produits.
    Merci.
    J'aimerais remercier les témoins de leurs témoignages et les députés de leurs questions pertinentes.
    Nous allons faire une pause pour accueillir le prochain groupe de témoins.

  (1155)  


  (1200)  

    Nous poursuivons notre étude sur la commercialisation de la propriété intellectuelle au Canada.
    Nous accueillons maintenant notre prochain groupe de témoins. Chaque témoin disposera de cinq minutes pour sa déclaration préliminaire.
    Veuillez faire de votre mieux pour vous en tenir à cinq minutes. J'essaierai d'attirer votre attention lorsque vous approcherez de la fin du temps qui vous est imparti.
    Nous commençons avec Mme D'Agostino pour cinq minutes.
    Bonjour à tous. C'est un honneur pour moi de participer à cette réunion.
    Je m'appelle Pina D'Agostino, et je suis professeure de droit à la Osgoode Hall Law School de l'Université York depuis 17 ans. Je me spécialise dans la propriété intellectuelle, les technologies émergentes et le droit et les politiques de l'innovation. J'ai effectué des recherches, publié des articles, enseigné et conseillé plusieurs ordres de gouvernement. J'ai aussi été citée par la Cour suprême du Canada.
    Les questions dont nous sommes saisis me passionnent tellement que j'ai décidé de fonder, il y a 13 ans, la IP Innovation Clinic, la première clinique juridique pro bono sur la propriété intellectuelle au Canada. Avec cette clinique, j'ai subventionné des frais juridiques à hauteur de plus de 2 millions de dollars, qui auraient autrement été facturés, afin d'aider des entrepreneurs démunis à démarrer leurs entreprises. Cette initiative a abouti à de nombreuses réussites et à la création d'emplois au Canada.
    En dehors du milieu universitaire, j'ai de l'expérience en tant qu'avocate en entreprise et je travaille avec des entrepreneurs. De plus, je siège au conseil d'administration d'Alectra, une entreprise locale de l'Ontario, qui est la deuxième plus grande société de distribution d'énergie municipale en Amérique du Nord. J'ai pu constater bon nombre des défis auxquels les entreprises canadiennes sont confrontées et le rôle crucial que la propriété intellectuelle joue et devrait jouer dans le processus de la commercialisation. J'aimerais également souligner le rôle essentiel des données dans ce domaine.
    Le Canada jouit de talents et d'une créativité en plein essor. Il peut se targuer d'avoir fait ses preuves dans tous les domaines de la science et de la technologie grâce à d'éminents lauréats de prix Nobel, à ses industries et, plus récemment, à l'intelligence artificielle.
    Notre histoire est riche en enseignements. Banting et Best ont découvert l'insuline en Ontario, mais ce composé salutaire n'a pas été commercialisé ici. Aujourd'hui, la commercialisation de l'insuline représente une industrie de plusieurs milliards de dollars. Il s'agit d'une occasion que nous avons manquée, et il ne faut pas répéter cette erreur. Nous pouvons et devons faire beaucoup mieux.
    La propriété intellectuelle est souvent mal identifiée, protégée ou exploitée. La commercialisation de ce talent et de cette créativité constitue un défi de taille. Il est essentiel d'élaborer des stratégies de propriété intellectuelle à tous les niveaux, depuis les entreprises émergentes jusqu'aux grandes entreprises. La propriété intellectuelle est la nouvelle devise mondiale qui favorise l'innovation.
    Trop souvent, s'ils n'ont pas de garantie que la propriété intellectuelle sera protégée, les investisseurs ne dépenseront pas l'argent nécessaire à la création d'entreprises et à l'épanouissement des talents locaux. Nous faisons donc face à divers défis et occasions. Je n'en citerai que quelques-uns.
    Premièrement, les universités sont les plaques tournantes de l'innovation et sont bien placées pour résoudre les grands problèmes d'aujourd'hui. Cependant, la plupart des universitaires ne sont pas des entrepreneurs qualifiés. Ils doivent être renseignés au sujet de la propriété intellectuelle et ont besoin d'un soutien spécialisé dès le début de leur parcours. Les universités fortement axées sur la recherche font de leur mieux avec leurs maigres ressources, mais elles restent sous-financées et doivent composer avec des approches institutionnelles cloisonnées.
    Deuxièmement, le personnel chargé du transfert de technologie joue le rôle de gardien, mais il n'a souvent qu'une expérience et des connaissances limitées en matière de propriété intellectuelle et ne dispose pas des ressources financières nécessaires pour la soutenir. Lorsqu'un scientifique a une idée de génie, le personnel peut soit ne pas reconnaître correctement la précieuse propriété intellectuelle à protéger, soit protéger l'invention en déposant un brevet. Cependant, en raison des politiques institutionnelles et des contraintes financières, il est obligatoire, pour que le brevet puisse aller de l'avant, de conclure un contrat de licence dans un délai d'un an. Il en résulte des occasions manquées.
    En sciences biomédicales, par exemple, les cellules souches, une autre invention canadienne révolutionnaire, ont ajouté le fardeau de la réalisation d'études précliniques pour la démonstration des principes. Ce délai arbitraire d'un an signifie que des brevets précieux risquent d'être abandonnés trop tôt. Il est possible de remédier à cette situation en modifiant les pratiques d'une institution et en investissant dans la commercialisation. Il convient toutefois de noter qu'il n'existe pas de solution à taille unique. Dans d'autres secteurs, une politique d'un an peut suffire, par exemple dans le cas des logiciels. Voilà pourquoi nous avons besoin d'une approche institutionnelle propre à chaque secteur. Nous devons nous demander quelle est la meilleure stratégie en matière de propriété intellectuelle pour chaque secteur et pour chaque innovation.
    Bien entendu, le recrutement du personnel le plus qualifié en matière de transfert de technologie, les investissements et la rémunération des esprits les plus brillants peuvent faire toute la différence. En Ontario, l'initiative Propriété intellectuelle Ontario du gouvernement provincial, a récemment lancé un appel à tous pour fournir de l'aide en transfert de technologie. Ce genre de soutien est de plus en plus nécessaire.
    Troisièmement, nous devons nous engager à trouver une solution canadienne. Nous devons opérer un changement culturel et prendre des risques, tout en nous dotant d'un plan d'affaires à long terme. Cela signifie qu'il ne faut pas chercher la voie la plus rapide une fois que la propriété intellectuelle est obtenue et simplement s'en décharger. Agir ainsi a un prix puisque la propriété intellectuelle d'aujourd'hui et ses versions subséquentes aboutiraient probablement aux États-Unis. Ce qui s'est passé avec l'insuline en est un bon exemple.
    Je terminerai en disant que pour que la commercialisation de la propriété intellectuelle soit couronnée de succès, c'est l'ensemble du système socio-économique qui doit être pris en compte. Je vous dis cela même s'il est tentant pour moi, en tant qu'avocate, de dire qu'il faut modifier la loi. Voilà pourquoi je vous remercie de mener cette étude.

  (1205)  

     Je le répète, nous avons besoin d'une approche sectorielle. Pour ce faire, nous devons d'abord inculquer une culture de l'innovation et la récompenser. Il faut ensuite intégrer des politiques et des pratiques institutionnelles solides à tous les niveaux, et favoriser une société plus inclusive et à l'écoute des communautés sous-représentées qui ont été mises à l'écart de l'écosystème de l'innovation depuis bien trop longtemps. À cet égard, je me concentre sur deux groupes dans le cadre de mes travaux: les femmes et les communautés autochtones.
    Je vous remercie de votre attention. Je recevrai avec plaisir vos commentaires et vos questions.
    Merci beaucoup.
    Nous cédons maintenant la parole à notre deuxième témoin, M. Gravelle, qui est en ligne.

[Français]

    Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant le Comité permanent de la science et de la recherche.
    Je représente aujourd'hui l'Institut de la propriété intellectuelle du Canada, ou IPIC. Je suis avocat en pratique privée, et je suis également ingénieur. Je travaille dans le monde des brevets depuis environ 25 ans.
    L'IPIC travaille depuis plusieurs années de concert avec Innovation, Sciences et Développement économique Canada ainsi qu'avec l'Office de la propriété intellectuelle du Canada, ou OPIC, afin de promouvoir la propriété intellectuelle et de sensibiliser la population à l'importance de celle-ci. Il veille également à l'élaboration de stratégies en matière de propriété intellectuelle ancrées dans la stratégie d'affaires des entreprises ainsi qu'à la mise en place d'incitatifs à la propriété intellectuelle en général.
    Au seul titre de la formation et de la sensibilisation, nos membres participent chaque année à des activités non rémunérées à hauteur de plusieurs dizaines, voire des centaines, d'heures par personne auprès d'entreprises, d'incubateurs, d'accélérateurs, d'universités et collèges, de chambres de commerce et autres organisations.
    Parmi plusieurs initiatives, notre association a déposé en mai 2017 un mémoire sur le même sujet qui préoccupe le Comité aujourd'hui. Depuis notre dernière comparution, et passant outre la crise sanitaire encore présente, il s'est produit deux événements importants qui méritent l'attention du Comité.
    D'une part, le gouvernement a lancé en 2018 la Stratégie en matière de propriété intellectuelle. Cette initiative mérite d'être soulignée et saluée pour ce qu'elle a permis d'accomplir en procurant des outils d'information sur la propriété intellectuelle, en modernisant le cadre réglementaire des agents de brevets et en mettant sur pied le Collectif d'actifs en innovation, ou CAI.
    D'autre part, la récente décision rendue par la Cour fédérale dans l'affaire Janssen Inc. et al. c Sandoz Canada Inc. vient de considérablement handicaper les entreprises canadiennes.
    Dans cette affaire, on a examiné la question de la portée du privilège du secret professionnel de l'agent de brevets, ou plus précisément la confidentialité des communications. La Cour a adopté une interprétation extrêmement restrictive des dispositions législatives de la Loi sur les brevets à ce sujet.
    En fait, la situation est pire aujourd'hui qu'elle ne l'était avant l'adoption des dispositions législatives conférant ce privilège aux agents de brevets et marques. Le gouvernement doit agir par voie législative pour remettre les pendules à l'heure et assurer aux entreprises qui retiennent les services d'agents de brevets et de marques qu'elles bénéficient d'un tel privilège.
    L'étude en cours porte sur le soutien à la commercialisation de la propriété intellectuelle, mais quelques questions doivent dorénavant se poser pour circonscrire l'étendue de l'objet d'étude qui préoccupe le Comité.
    Qui est responsable de la commercialisation? De quelle propriété intellectuelle parle-t-on? D'où provient-elle et comment est-elle protégée?
    En tentant de répondre à ces questions, nous pouvons commencer par explorer les défis liés à la commercialisation de la propriété intellectuelle.
    Le premier défi est la méconnaissance de la propriété intellectuelle par les petites ou moyennes entreprises, ou PME, et les grandes entreprises, ainsi que les mythes qui l'entourent.
    Le gouvernement a mis en place sa stratégie en matière de propriété intellectuelle en 2018, ce qui représente une importante initiative.
    Les programmes ÉleverlaPI et Assistance PI viennent d'être lancés, mais il est encore un peu tôt pour en évaluer l'incidence. Toutefois, les réactions initiales suscitées par le programme Assistance PI sont très positives.
    Néanmoins, certains programmes qui financent la recherche et le développement ne comportent pas de volet de commercialisation. Par exemple, le programme sur les encouragements fiscaux pour la recherche scientifique et le développement expérimental n'impose à l'entreprise qui en bénéficie aucune obligation de se doter d'une stratégie de protection intellectuelle pour la recherche effectuée, encore moins une obligation de protéger les fruits de cette recherche ou de les transformer en objet ou service commercialisable. Selon le ministère des Finances, ces encouragements ont représenté en 2022 des investissements de 3,5 milliards de dollars.
    En raison de ce premier défi, plusieurs entreprises peinent à définir la protection intellectuelle créée et ne sont donc pas en mesure de la commercialiser adéquatement puisqu'elle risque de ne pas être bien protégée.
    Le second défi est lié à l'aspect temporel entre la cristallisation d'un titre de propriété intellectuelle et son évolution pour en faire un objet ou un service commercialisable.
    Le fait d'avoir été en mesure de protéger une innovation ne signifie pas pour autant qu'elle est prête à être commercialisée. Plusieurs innovations protégées par brevet ne voient jamais une tablette de magasin ou une entrée sur un site web.
    Les raisons de cette inadéquation entre la propriété intellectuelle et la commercialisation sont variées: un marché pas tout à fait prêt; un manque de fonds; des caractéristiques inadaptées aux besoins commerciaux des clients potentiels, entre autres choses. Un appui soutenu qui permettrait aux entreprises de passer de l'actif de propriété intellectuelle à un objet commercialisable est souhaitable.

  (1210)  

    Le troisième défi est lié à l'existence de propriété intellectuelle détenue par des tiers pouvant empêcher la libre fabrication et la vente de l'innovation. Ce défi, bien que réel, doit cependant être précédé par une bien meilleure utilisation de la propriété intellectuelle par les entreprises innovantes afin de créer des actifs de propriété intellectuelle pouvant attirer une valeur et servir de contrepoids dans le cadre d'une dispute, présente ou appréhendée.
    Les témoins précédents et les membres du Comité ont évoqué la question de la recherche fondamentale effectuée au sein des universités. D'ailleurs, notre mémoire de 2017 offrait certaines pistes de réflexion afin d'atténuer les difficultés liées à cette question. Je tiens à souligner que des organisations, comme Axelys, un nouveau centre de transfert technologique au Québec, se penchent activement sur l'élaboration de programmes, de stratégies et d'incitatifs pour sensibiliser les chercheurs à l'importance de la propriété intellectuelle et à l'importance de la protéger, parfois au risque de retarder la publication des résultats de leur recherche.
    Cette question est complexe et elle nécessite un profond changement de culture au sein des milieux universitaires. Une approche unique ne pourra servir les besoins de tout un chacun. Les différences entre les établissements universitaires et les régions, voire entre les domaines scientifiques, nécessiteront de la flexibilité et de l'adaptabilité.
    Cela dit, une des lacunes importantes est le manque de personnel formé...

  (1215)  

[Traduction]

    Je suis désolé de vous interrompre. Nous avons dépassé le temps qui nous était imparti de plus d'une minute. Vous nous donnez une foule de renseignements intéressants. Je suis sûr que vous pourrez nous en dire plus lorsque nous passerons à la période de questions et réponses.
    Nous commençons avec M. Mazier chez les conservateurs. Vous disposez de six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence aujourd'hui.
    Madame D'Agostino, vous avez parlé des gardiens des brevets lorsque vous avez soulevé des préoccupations quant aux demandes de brevet qui sont abandonnées trop tôt par les universités. Vous avez déclaré que cette situation n'augurait rien de bon pour l'économie de l'innovation au Canada. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ou nous expliquer votre point de vue?
    Après avoir dit « Eurêka! », le scientifique se tourne d'abord vers le bureau de transfert de technologie, qui est généralement le bureau qui s'occupe des questions touchant l'innovation à l'université. Certaines personnes y sont embauchées pour travailler aux côtés des inventeurs pour les aider à déposer et à protéger leurs brevets.
    Je vous ai donné l'exemple des cellules souches. Parfois, le personnel en transfert de technologie n'a ni l'expérience ni l'expertise requise dans un secteur donné pour bien comprendre la technologie en question. Il s'agit là d'un premier problème. Il existe également des contraintes financières au sein des bureaux de transfert de technologie. Il pourrait être utile de vous adresser directement à une personne chargée du transfert de technologie. Je comprends l'incidence de ces contraintes lorsque ces gens me font part de leur réalité.
    Supposons qu'un membre du personnel dépose votre demande de brevet. Le personnel du bureau de transfert de technologie est préoccupé et veut s'assurer qu'il a misé sur un brevet gagnant. Pour que le brevet continue sur sa lancée, on voudra voir vos contrats de licence, savoir ce qui se passe avec la technologie en question, et être au courant de la situation. Parfois, le personnel du bureau de transfert de technologie dira qu'il ne peut donner suite à votre demande de brevet.
    À mes yeux, c'est une occasion manquée. Le processus prend du temps. Le témoin précédent vient d'en parler. Le processus dépendra de la technologie pour laquelle on dépose un brevet. Dans le cas des sciences biomédicales, il faut disposer d'un peu plus de temps et d'argent pour faire avancer les choses. Ce n'est pas le cas pour d'autres technologies.
    C'est pourquoi l'une de mes recommandations est de vraiment se pencher sur la technologie, d'adopter une approche sectorielle et de veiller à ce que les bureaux de transfert de technologie soient dotés de membres du personnel spécialisés. Nous devons nous assurer qu'ils sont correctement rémunérés et qu'ils ont la compréhension et la patience nécessaire pour expliquer le processus de dépôt de demande de brevet aux inventeurs. Ils s'occupent des premières étapes parce qu'ils sont le premier point de contact. Si les demandes de brevet ne sortent pas du bureau des brevets de l'université, le processus s'arrête, et notre écosystème d'innovation en sort perdant.
    Ce que je vous dis est essentiel. J'ai vu que ce genre de situation se produisait. C'est la raison pour laquelle j'ai retroussé mes manches pour faire ma part, au sein de l'université, pour que ce genre de situation ne se présente plus. J'espère que, en travaillant directement avec Innovation York à la clinique juridique sur la propriété intellectuelle de l'Université York... Elle est soutenue par Innovation York, et nous travaillons donc ensemble. Cette façon de faire est aussi un moyen d'éviter le travail en vase clos dont nous avons parlé et que nous observons.
    Je ne parle que de York. J'ai constaté les mêmes pratiques dans d'autres universités.
    Merci.
    Vous avez parlé de la protection de la propriété intellectuelle. Le vol de propriété intellectuelle représente‑t‑il un grave problème pour la commercialisation au Canada?
    Par « vol », j'imagine que vous parlez d'infractions relatives aux brevets et aux droits d'auteur. Je pense que nous pourrions mener une autre étude sur ce sujet. Le Canada, comme beaucoup d'entre vous le savent, est toujours sur une liste de surveillance, en quelque sorte, parce que nous avons tendance, je crois, à adopter une politique plus progressiste sur le plan de la propriété intellectuelle par rapport à d'autres pays, de sorte que des violations peuvent parfois être commises.
    En ce qui concerne la commercialisation, je pense que nous devons nous concentrer sur la phase de démarrage, sur les demandes de propriété intellectuelle qui sont déposées et sur la manière dont elles sont protégées. Nous devons mettre en place une stratégie commerciale et une stratégie de propriété intellectuelle afin de garantir la commercialisation et le maintien de la propriété intellectuelle au Canada.

  (1220)  

    Dans notre système actuel, il existe quelques lacunes qui doivent être comblées. Quelle proportion de cette propriété intellectuelle serait considérée comme volée? À votre avis, quelle est la proportion de la propriété intellectuelle qui est carrément volée?
    Vous parlez du nombre de vols? Voulez-vous dire que les Canadiens volent de la propriété intellectuelle? Je ne voudrais pas...
    Non, je parle d'autres entités. Y a‑t‑il de grands contrevenants connus pour le vol de propriété intellectuelle?
    Je ne...
    N'y a‑t‑il pas de manigances en ce qui concerne la propriété intellectuelle?
    Non, il n'y en a aucune dont je puisse parler ou qui ait été portée à mon attention.
    Y a‑t‑il des pays du G7 dont nous pourrions nous inspirer en matière de lutte contre le vol de propriété intellectuelle?
    J'aborderai la question sous l'angle de la commercialisation.
    J'aime bien regarder ce qui se fait en Allemagne. Ce pays dispose d'un écosystème entrepreneurial très solide. L'innovation au sein des industries y est très bonne, parce que l'approche adoptée est généralement centrée sur l'inventeur. Les entreprises encouragent les employés à inventer, car elles savent qu'elles ont quelque chose à gagner. Cette approche incite également l'industrie manufacturière à être plus dynamique.
    L'Allemagne est un bon exemple.
    C'est la deuxième fois qu'on nous parle de l'Allemagne. Merci de vos commentaires.
    Je sais que mon temps est écoulé. Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à M. Sousa pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les deux témoins pour leurs exposés.
    Madame D'Agostino, je vous félicite pour vos réalisations et votre expertise. J'ai trouvé vos propos intéressants. Je vais d'abord m'adresser à vous, puis à M. Gravelle.
    Nous avons parlé d'augmenter les activités et d'attirer du capital-risque. Nous avons aussi amplement parlé de la propriété intellectuelle et de sa commercialisation. Je comprends à quel point c'est essentiel.
    Vous avez mentionné le délai d'un an, qui est préoccupant. Placez-vous dans le contexte gouvernemental. Les députés vont vous demander où vous investissez votre argent et pourquoi c'est un échec. Ce sera cela la critique. Ce soi-disant gardien est là pour protéger le contribuable. Les contribuables disent ne pas vouloir que leur argent soit investi dans du capital-risque où ils ne peuvent pas obtenir de garantie ou avoir confiance que ce sera une réussite. C'est le point que vous avez fait valoir. On tente de faire tout ce qui est possible pour obtenir un ou deux gros succès. C'est un problème.
    Lorsque j'entends parler de vol plutôt que de vente... Je pense que nous cédons notre propriété intellectuelle dans les débuts parce que nous sommes à la recherche de capitaux et de cette volonté d'investir à long terme. Nous nous tournons vers des investisseurs privés à l'étranger, car, au Canada, on ne semble pas avoir le désir socioéconomique d'investir. Prenons Nortel, par exemple. Durant sa liquidation, tous les actifs et leur valeur — même ce qui était d'origine canadienne — sont allés à des sociétés de propriété intellectuelle aux États-Unis. Nous avons perdu beaucoup de possibilités d'aider les travailleurs et les retraités. Nous les avons perdues parce que la propriété intellectuelle était détenue à l'étranger, car ce marché étranger a assumé le risque.
    Vous avez formulé quelques recommandations. Les pôles universitaires devraient avoir un grand esprit entrepreneurial. C'est fantastique. J'aimerais bien dire que c'est le cas. Comment favoriser cela? Comment encourager les techniciens à se pencher précisément sur les divers secteurs, à adopter une vision à long terme plutôt qu'à court terme? En fin de compte, lorsqu'on considère la culture, cet appétit pour...
    Nous nous penchons là‑dessus depuis longtemps. Nous discutons du même sujet depuis un bon moment. Certaines sociétés canadiennes de gestion de fonds de pension qui ont des ramifications cherchent à cultiver cela davantage que le gouvernement. Le gouvernement joue un rôle, mais quelqu'un doit assumer le risque.
    Comment favoriser cela?
    C'est une excellente question. Je crois qu'elle englobe un grand nombre des points que j'ai fait valoir.
    Votre rôle en tant que gouvernement est de donner le ton pour le pays. Vous établissez la vision et les politiques. Nous sommes d'avis que le ton doit venir d'en haut. Je trouve encourageant, du moins au Canada... La présente étude en est un bon exemple. Le ton adopté actuellement relativement à la commercialisation est vivant, dynamique et stimulant.
    Je ne me souviens plus du nombre de fois où j'ai attendu de voir le mot « propriété intellectuelle » dans le budget. Au cours des cinq ou six dernières années, nous avons assisté à un débordement d'activités au sein du gouvernement. Nous l'avons observé non seulement au sein du gouvernement du Canada, mais aussi dans d'autres ordres de gouvernement, comme en Ontario et dans des municipalités. Je trouve cela encourageant. C'est porteur d'une vision d'avenir.
    Il faut que la même chose se produise au niveau de la base.

  (1225)  

    Oui, c'est un bon point.
    Je vais maintenant m'adresser à M. Gravelle. Les gouvernements devraient-ils être des investisseurs en capital-risque?
    C'est une question à un milliard de dollars, n'est‑ce pas?
    C'est ce qu'on nous propose. Certains témoins nous ont suggéré d'utiliser une partie de l'argent des contribuables pour en quelque sorte régler certaines de ces transactions. Vous l'avez suggéré vous aussi. Vous avez déclaré qu'une solution à taille unique ne convient pas, et que nos PME et certaines de nos entreprises ne le comprennent pas entièrement. Je suis d'accord avec vous.
    Pour faire suite aux propos de Mme D'Agostino, pouvez-vous nous dire comment nous pouvons encourager tous les partis à permettre au gouvernement de prendre davantage de risques?
    Je ne suis pas convaincu que le gouvernement doit prendre davantage de risques qu'à l'heure actuelle. Il a mis en place des programmes financés par la BDC dans le cadre desquels il assume une partie des risques associés aux entreprises de haute technologie et à celles qui produisent beaucoup de propriété intellectuelle.
    Ce que je pense, et vous y avez fait allusion dans vos commentaires, c'est que nous avons un problème de comportement. Si le gouvernement canadien souhaite changer le comportement des acteurs, alors il devrait chercher à créer des incitatifs qui vont contribuer à modifier ce comportement.
    En ce qui a trait à la pénurie de personnel ou la pénurie de personnel qualifié au sein des bureaux de transfert de technologie, le gouvernement disposait il y a environ 20 ans d'un programme dans le cadre duquel il finançait une partie du salaire des experts en transfert de technologie et des experts en propriété intellectuelle, ce qui permettait aux bureaux d'accroître leurs effectifs.
    Ce programme a été éliminé il y a environ 20 ans. Il serait peut-être judicieux de le rétablir, car il permettrait de subventionner les bureaux de transfert de la technologie ou de les aider à transmettre le savoir plus efficacement. Il permettrait aussi de bâtir une expertise au sein des bureaux, pour favoriser un transfert plus efficace de la technologie des universités aux entrepreneurs, qui peuvent ensuite commercialiser la propriété intellectuelle.
    Merci pour votre réponse. Mon temps est écoulé. Je vous remercie tous les deux.
    Nous allons passer à notre troisième tour. La parole est à M. Blanchette-Joncas pour six minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je salue les témoins qui sont avec nous aujourd'hui.
    Monsieur Gravelle, c'est un plaisir de vous revoir et, bien sûr, de vous accueillir à ce comité, un important comité dont l'étude actuelle porte sur la propriété intellectuelle.
    Dans votre allocution, vous avez exposé le portrait de la situation et vous avez également énuméré quelques solutions. J'ai bien pris connaissance de vos recommandations prébudgétaires de 2022. Évidemment, celles de 2023 seront à venir.
    Vous avez recommandé que le gouvernement mette en place le programme Premier brevet. Ce programme a déjà existé au Québec, mais il a été aboli par la suite. Il permettait notamment de couvrir les coûts de la recherche initiale, d'établir une stratégie en matière de propriété intellectuelle ainsi que de faire l'ébauche d'une demande de premier brevet sur une invention.
    Pouvez-vous nous expliquer l'importance de mettre sur pied un tel programme à nouveau?
    Encore une fois, je pense que l'important est de changer les comportements. On constate, comme le révèlent les études faites par l'Office de la propriété intellectuelle du Canada et par Statistique Canada, que les entreprises canadiennes sous-utilisent les actifs de propriété intellectuelle en général, particulièrement les brevets. Le fait d'être capable d'offrir une subvention à une entreprise établie et de lui donner un incitatif pour ce qui est de se préoccuper de la propriété intellectuelle commence à changer des comportements. Ici, on ne parle pas de nouvelles entreprises ou d'entreprises émergentes provenant des universités, mais bien d'entreprises établies.
    Ce que nous constatons, c'est que le premier brevet est un pas extraordinaire. C'est très bien. Toutefois, pour être capable de bâtir un portefeuille de propriété intellectuelle, il faut avoir plus d'un brevet. Souvent, c'est le deuxième, le troisième ou le quatrième brevet qui viennent ajouter énormément de valeur à la propriété intellectuelle de départ.
    Cela dit, le fait de mettre sur pied un programme comme celui-là change le comportement des gens et, à partir du moment où les comportements ont commencé à changer, il devient plus facile d'encourager encore davantage l'utilisation des outils de propriété intellectuelle.

  (1230)  

    Selon vous, présentement, l'écosystème de la propriété intellectuelle au Canada est-il suffisamment robuste et outillé pour encadrer les entreprises et les chercheurs dans le développement de leurs produits?
    Je pense que de bons premiers pas ont déjà été faits, mais il y en a encore plus à faire. En matière d'outils, des programmes comme ÉleverlaPI ou Assistance PI, qui viennent d'être lancés, sont de bons points de départ.
    Tantôt, je parlais des crédits d'impôt à la recherche et au développement. Je pense que le fait de ne pas encourager les entreprises à changer leur comportement est une occasion ratée. Au minimum, il faudrait leur imposer, d'une façon ou d'une autre, l'obligation de regarder la question de la propriété intellectuelle dans le cadre des travaux qui sont effectués et de commercialiser la propriété intellectuelle à partir du moment où on l'a définie.
    Je pense que l'autre besoin dont j'ai parlé un peu plus tôt dans mon allocution est de régler la situation qui sévit aujourd'hui en ce qui concerne le secret professionnel des agents de brevets, c'est-à-dire la confidentialité des communications entre le client et ces agents. Cela doit être réglé; la situation ne peut pas continuer longtemps.
    Merci, monsieur Gravelle.
    Vous avez parlé des crédits d'impôt et des incitatifs pour la commercialisation d'innovations. Le Québec a établi la déduction incitative pour la commercialisation d'innovations en 2021. Cette mesure fait notamment en sorte que tous les profits découlant d'un actif de propriété intellectuelle visé par le programme sont imposés à un taux de 2 % plutôt que de 11 %. Cela encourage évidemment les entreprises à innover pour alléger leur fardeau fiscal.
    Croyez-vous qu'il serait utile que le gouvernement fédéral mette en place une mesure semblable?
    Cela devrait tout à fait être mis en oeuvre.
    L'Institut de la propriété intellectuelle du Canada fait la promotion d'une telle mesure depuis plusieurs années. L'avantage d'un tel incitatif survient en aval d'une stratégie de propriété intellectuelle déployée dès le début. Lorsqu'on parle d'un régime de taxation de la propriété intellectuelle, ou patent box, soit de cette déduction incitative pour la commercialisation des innovations, il faut que les actifs de propriété intellectuelle existent. Ils doivent être offerts là où on veut encourager la commercialisation. Cela survient généralement assez longtemps après le dépôt de demandes de brevet initiales et la création ou l'arrivée de l'innovation.
    Encore une fois, cette mesure doit s'inscrire dans un continuum de mesures permettant vraiment aux entreprises de se concentrer sur l'innovation ainsi que de protéger cette innovation et les différentes formes de propriété intellectuelle. Par la suite, il s'agit de la commercialiser adéquatement et de le faire au profit des entreprises canadiennes.
    Merci, monsieur Gravelle.
    Vous avez parlé un peu plus tôt de la sous-utilisation de la commercialisation et de ses outils parce que tout cela est peu connu. M. Mike McLean, du Collectif d'actifs en innovation, a participé à la dernière réunion du Comité. Il a dit que la Stratégie en matière de propriété intellectuelle lancée par le gouvernement fédéral était incomprise et peu connue.
    J'aimerais que vous nous en disiez davantage sur la façon dont le gouvernement pourrait informer les personnes visées pour ce qui est d'établir un lien avec la propriété intellectuelle.
    Comment faire pour qu'il y ait une meilleure utilisation de la commercialisation de l'innovation? Comment atteindre ces personnes?

[Traduction]

    Malheureusement, je vais devoir vous interrompre.
    Nous lui avons accordé seulement six secondes pour répondre. Je sais que ce n'est pas suffisant pour donner une réponse complète.

[Français]

    Je vais demander une réponse par écrit à ma question.
    Merci.

[Traduction]

    De rien. Nous allons obtenir une réponse par écrit à cette question.
    Les six dernières minutes appartiennent à M. Cannings.
    Merci.
    J'ai quelques questions à poser à Mme D'Agostino. Vous avez dit beaucoup de choses, et certains détails m'ont échappé.
    À la fin, vous avez parlé de la nécessité de modifier la loi. Pourriez-vous en dire un peu plus long à ce sujet, nous expliquer pourquoi?
    J'ai dit que, même s'il est tentant pour moi d'affirmer qu'il faut modifier la loi, je ne crois pas...
    Vous ne croyez pas...
    Ce n'est pas urgent, à mon sens. Ce qui est urgent, à mon avis, c'est d'examiner l'ensemble du système socioéconomique, car la loi n'y change rien. Au bout du compte, la loi doit être claire. Si elle est claire aux yeux des différentes parties prenantes, les investisseurs en capital de risque et les inventeurs, c'est tout ce que nous voulons.
    Les universités canadiennes forment un ensemble disparate. L'Université York a une politique axée sur les inventeurs, alors que d'autres universités ont une politique axée sur l'université. Tant que nous savons quelles sont ces politiques et que cela donne lieu à l'adoption d'une approche qui repose sur le contexte, je pense que c'est correct.

  (1235)  

    Dans ce contexte, vous avez parlé de la participation des femmes et des Autochtones au processus. Vous avez dit que vous aidez les entrepreneurs démunis.
    Je veux vous donner l'occasion de nous expliquer davantage ce que vous faites et de nous parler des résultats et de ce que nous devons faire pour favoriser leur participation.
    D'accord. Je vous remercie beaucoup de soulever cet élément.
    Selon moi, les groupes sous-représentés, les femmes et les Autochtones, sont les laissés-pour-compte du régime de la propriété intellectuelle. Ils sont les laissés-pour-compte des brevets, car, lorsqu'on parle de se doter d'un système et d'un processus de commercialisation dynamiques, au bénéfice de tous les Canadiens, ces groupes ne sont pas à la table des discussions, car ils ne sont pas les propriétaires de la propriété intellectuelle. Ils ne déposent pas de demandes de propriété intellectuelle.
    Les chiffres à cet égard sont bien documentés. L'Office de la propriété intellectuelle du Canada, ou OPIC, le USPTO et l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle ont tous effectué des études à ce sujet. L'an dernier, j'ai présenté des chiffres à des représentants de Services aux Autochtones Canada. C'est très triste. Au lendemain de la Journée internationale des femmes, il est bien triste de constater en 2023 que les femmes sont propriétaires de seulement 16 % des brevets. Nous devons faire mieux.
    Je fais ma part, dans un sens, et, à bien des égards, le gouvernement fédéral prend des mesures. Il a ciblé les femmes et les Autochtones comme étant deux groupes ayant besoin de soutien. Il a offert ce soutien grâce à certains programmes. J'en ai bénéficié dans le cadre d'une demande que j'ai présentée concernant mon robot conversationnel, qui permet d'automatiser le processus de commercialisation pour qu'il soit mieux adapté aux femmes et aux Autochtones — même davantage que les écosystèmes traditionnels —, qui souvent ne disposent pas des ressources nécessaires pour poser des questions et obtenir des réponses.
    C'est l'un des outils que j'ai créés grâce à la clinique.
    Indigenous Friends est l'une des fantastiques entreprises en démarrage que j'ai aidées par le biais de la clinique. Il s'agissait essentiellement d'étudiants diplômés de l'Université York qui se sentaient tenus à l'écart. Ils ont mis au point une technologie et une application intelligente, qui ont été financées par le gouvernement provincial et qui sont maintenant accessibles à l'échelle du Canada. Ce n'est qu'un exemple parmi d'autres.
    ELLA est un autre groupe de l'Université York qui s'intéresse précisément aux femmes et qui tente de les aider à commercialiser leurs inventions avec succès.
    Il y a de nombreux exemples, mais j'encouragerais le Comité à examiner des moyens d'éviter le cloisonnement. Beaucoup d'argent est consacré à soutenir ces groupes et de nombreux programmes sont mis sur pied à cette fin, mais il nous faut réellement un diagramme pour voir ce qui est fait, pour obtenir une reddition de comptes et de la transparence, pour prendre connaissance des succès et faire les liens nécessaires.
    Il faut éviter à tout prix le cloisonnement. C'est ce que je vois dans les établissements, et c'est ce qui peut se produire au sein du gouvernement canadien. C'est ce qui se produit au sein des gouvernements provinciaux et des administrations municipales. Nous devons tous travailler ensemble.
    Je voudrais savoir s'il est possible d'obtenir le rapport que vous avez mentionné et montré...
    Je l'ai avec moi.
    ... durant votre témoignage aujourd'hui.
    Oui, il n'y a aucun problème.
    Enfin, vous avez mentionné Alectra. S'agit‑il d'une société d'État municipale?
    Oui, c'est un distributeur d'énergie.
    Pourriez-vous nous expliquer le rôle que de telles organisations pourraient...
    Oui, bien sûr.
    J'adore travailler en tant que... Je siège au conseil d'administration d'Alectra, et j'enseigne également à des associations de gens d'affaires et à des entrepreneurs. Il en existe une myriade.
    Alectra et bien d'autres entreprises au Canada se rendent compte maintenant seulement que, pour être concurrentielles, elles doivent sans cesse innover. On voit comment Alectra évolue. Cette société a la chance d'avoir un PDG visionnaire qui comprend cela et qui est en mesure d'inculquer la culture de l'innovation, qui, à mon avis, doit se répandre dans toutes les industries. Je suis ravie de voir cela chez Alectra.
    Alectra cherche aussi à travailler plus étroitement avec les universités et à travailler davantage avec les technologies mises au point dans les universités.

  (1240)  

    Merci.
    Je vous remercie pour vos questions.
    Merci, monsieur Cannings.
    Nous allons maintenant passer à un tour de cinq minutes. La parole est à M. Williams.
    Merci, monsieur le président.
    Madame D'Agostino, je vous remercie pour votre présence aujourd'hui.
    J'ai bien aimé votre analogie au début avec le Dr Best et le Dr Banting, relativement, bien sûr, à l'insuline. Je suis originaire de Belleville, en Ontario, où vivait le Dr Collip.
    Le Dr Collip est la meilleure analogie avec le Canada. Il était le héros méconnu. Il était l'un des co‑inventeurs de l'insuline et il a joué un grand rôle, mais personne ne le savait vraiment. Je crois qu'on peut dire la même chose du Canada. Nous jouons un grand rôle dans la création de la propriété intellectuelle, grâce à nos institutions qui mènent des recherches d'envergure et qui font de la recherche appliquée, mais le problème, c'est que nous n'arrivons pas à la garder. Souvent, nous aidons d'autres pays.
    Je voudrais me concentrer sur votre expertise dans le domaine du droit de la propriété intellectuelle. Y a‑t‑il des éléments dans le droit canadien de la propriété intellectuelle qui freinent nos innovateurs, comparativement à d'autres pays occidentaux? Si c'est le cas, que pouvons-nous modifier?
    C'est une excellente question.
    Pour revenir à l'exemple de l'insuline, je dirais que si nous voulons apporter des changements, il faudrait, notamment, examiner ce qui s'est passé dans ce cas‑là, d'un point de vue juridique. Les inventeurs, Banting et Best, ont vendu leur brevet à l'Université de Toronto pour la somme d'un dollar; seulement un dollar. Cela a fait en sorte que quiconque pouvait réaliser le brevet. Ainsi, les États-Unis, qui jouissaient d'un secteur manufacturier plus robuste et qui n'étaient pas du tout réfractaires au risque, ont commencé, il y a une centaine d'années, à bâtir leur capacité de production, et aujourd'hui, ils ont une industrie de plusieurs milliards de dollars. Sur le plan juridique, ce que nous voulons éviter... Je dois mentionner qu'en cours de route, en présentant une demande de propriété intellectuelle subséquente, après l'expiration du brevet, les États-Unis ont été en mesure de la commercialiser, car elle leur appartenait. Voilà comment nous avons raté le coche.
    Plus tôt, M. Gravelle a parlé de cette propriété intellectuelle subséquente, et j'en ai fait mention durant mon exposé. Nous voulons nous assurer d'avoir cet arsenal, ce portefeuille de la propriété intellectuelle. D'un point de vue juridique, nous ne pouvons pas la céder. Nous devons adopter une approche stratégique en ce qui a trait à la façon de la conserver, aux licences et à la commercialisation. Si nous voulons la céder, alors il faut obtenir de l'argent en retour, car il peut arriver qu'il ne soit pas logique de la conserver, dépendamment de la stratégie d'affaires, car il s'agit peut-être d'une innovation — et je pense à Alectra, par exemple — qui n'a rien à voir avec le modèle d'affaires.
    Je vais me concentrer sur les trois éléments que j'ai retenus, et j'aimerais obtenir votre opinion sur ceux‑ci.
    Il y a premièrement l'arriéré dans le traitement des demandes de brevet. Ce n'est pas un problème propre aux passeports. Il y aussi les brevets. Il semble que nous soyons aux prises au Canada avec un important arriéré dans le traitement des demandes de brevet.
    Aussi, il semble y avoir un manque de clarté dans le droit de la propriété intellectuelle relativement aux objets brevetables.
    Enfin, vous avez dit que les brevets ont une échéance. Il semble que 20 ans soit la durée maximale.
    Qu'avez-vous à dire à propos de ces trois éléments?
    Je pense qu'il y a de l'espoir.
    Au sujet de l'arriéré, je sais que Konstantinos Georgaras est à la barre de l'OPIC. Son travail me donne de grands espoirs. Je l'ai déjà vu à l'œuvre. Il cherche à innover au sein de l'OPIC. Je sais que des changements positifs sont en cours. Un nouveau plan stratégique a été établi. Il y a le recours à la technologie. J'ai mentionné l'IA tout à l'heure. Cela permettra d'accélérer et d'automatiser le travail relié aux demandes de brevet...
    Je suis vraiment désolé. Je n'aime pas ces tours de cinq minutes, car il faut faire vite.
    Au sujet de tous ces éléments, si vous avez quelque chose à ajouter, veuillez le faire par écrit.
    Les États-Unis ont recours à l'assertion de droits de brevet, ce qui m'intéresse beaucoup. Des poursuites sont intentées en vue de conserver la propriété intellectuelle. Ils y ont largement recours, et je crois que c'est une réussite. Est‑ce qu'on voit cela au Canada? Est‑ce quelque chose que vous recommanderiez aux entreprises canadiennes?
    Lorsque vous possédez quelque chose, vous devez le protéger. Si, pour ce faire, vous devez intenter des poursuites, je vous répondrais oui, en tant qu'avocate, mais ce qu'il faut — et je pense pense que c'est à éviter, car cela engendrerait des problèmes d'accès à la justice, des procédures judiciaires et davantage d'arriérés —, c'est veiller à bien protéger la technologie au départ et s'assurer que nous avons suffisamment de brevets pour les technologies. Parfois, il ne s'agit pas d'une seule technologie, et l'interprétation des revendications est primordiale.
    C'est pourquoi il faut avoir au sein des bureaux de transfert de la technologie des gens brillants, qui travaillent avec des avocats et qui s'assurent que nous ayons des brevets solides, car si nous faisons les choses correctement au départ, il est possible d'éviter des poursuites. Il y aura toujours des poursuites, mais il y en aura moins.

  (1245)  

    Pouvez-vous formuler une recommandation rapide visant la protection de la propriété intellectuelle et le droit canadien de la propriété intellectuelle?
    Pour protéger la propriété intellectuelle, nous devons déposer des demandes de brevet et mettre en place des stratégies en matière de propriété intellectuelle.
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à la dernière série de cinq minutes. Je cède la parole à M. Collins, qui se joint à nous par vidéoconférence.
     Merci, monsieur le président.
    Je souhaite la bienvenue aux témoins.
     J'aimerais d'abord m'adresser à la professeure D'Agostino. Ayant longtemps siégé à titre de conseiller municipal à Hamilton, je suis familier avec les pratiques innovantes de l'Université McMaster et avec son parc de l'innovation. Au fil des ans, j'ai eu plusieurs fois l'occasion de visiter le projet « next gen » du Dr Ali Emadi, qui travaille sur l'intelligence artificielle, l'IA. Je sais que vous connaissez très bien ce projet grâce aux travaux que vous effectuez à l'Université York. Les projets de recherche sur les véhicules électriques et les véhicules autonomes, ainsi qu'une grande partie de l'innovation qui a lieu à l'Université McMaster, sont tributaires des trois ordres de gouvernement.
    Vous êtes le premier témoin à y faire référence. Je sais que nous n'en sommes qu'au début de l'étude, mais je rappelle que le parc de l'innovation de l'Université McMaster est soutenu par plusieurs gouvernements municipaux en ce qui concerne l'achat des terrains sur lesquels la propriété est située. Quant aux gouvernements fédéral et provinciaux, ce sont eux qui ont investi dans les infrastructures. Par ailleurs, en interrogeant le Dr Emadi et ses étudiants, j'ai appris qu'une grande partie des fonds de fonctionnement provenait du secteur privé. L'Université McMaster a pu obtenir, dans ce cas, des millions de dollars de l'industrie automobile et d'intervenants connexes.
    Je leur ai demandé comment le gouvernement fédéral pourrait obtenir le double ou le triple des investissements qu'il leur consacre aujourd'hui. Comment stimuler un milieu axé sur l'innovation à l'Université McMaster? Je suppose qu'il en va de même à York, à Waterloo et dans d'autres villes du pays. Comment le gouvernement fédéral peut‑il contribuer à stimuler l'innovation? Je crois que vous y avez fait référence dans votre premier point.
    Ma deuxième question est de savoir comment aider l'Université McMaster à trouver des partenaires privés. Pour certains, je pense qu'il s'agit probablement d'une tâche aisée. Pour d'autres, c'est beaucoup plus difficile, surtout s'il s'agit d'innovation sociale. Ce sont mes deux premières questions.
    En effet, c'est un bel exemple d'une approche multisectorielle et multidimensionnelle de l'innovation, et nous constatons le même phénomène à York.
    Vous voulez savoir comment approcher des partenaires potentiels de l'industrie. Cela se produit à tous les niveaux. Le gouvernement fédéral a une vue d'ensemble des acteurs clés, mais il a tendance à oublier certains acteurs plus petits à l'échelle locale. C'est ici qu'entrent en jeu les différents pôles d'innovation, comme les cliniques, les BTT et les municipalités, qui sont conscients des besoins de leurs industries locales et qui travaillent en partenariat avec elles.
    J'ai parlé d'une grille d'évaluation, mais nous avons également besoin d'établir une plus grande connectivité, car c'est en travaillant ensemble que nous pouvons éviter les doublons, être plus efficaces et plus innovants.
    Il y a quelques jours, un autre témoin a parlé d'une telle approche de regroupement. Nous devons nous regrouper autour de technologies et de secteurs dans le but d'atteindre une masse critique. À mon avis, nous avons vraiment avantage à financer l'IA au Canada, et c'est d'ailleurs ce que le gouvernement fait déjà. Le Parlement est actuellement en train d'étudier le modèle AIDA. Le Canada peut également compter sur de nombreuses jeunes entreprises. J'ai même lu quelque part qu'il y a plus de jeunes entreprises au Canada dans le domaine de l'IA que partout ailleurs dans le monde. N'oublions pas non plus l'apport des chercheurs, et j'en suis une, qui restent éveillés la nuit en imaginant les possibilités offertes par ChatGPT, et qui réfléchissent à la manière dont nous allons continuer à innover. Bref, le Canada est un terreau fertile pour l'innovation dans le domaine de l'IA.
    Je vous remercie de vos réponses.
    Vous êtes le premier témoin à faire référence aux femmes et aux communautés autochtones. J'ai eu l'occasion de me rendre à nouveau à McMaster il y a deux semaines. Nous y avons fait un investissement dans l'industrie de l'aérospatiale. Nous allons soutenir plus de 300 postes au niveau de la formation, dont 100 postes réservés à des personnes autochtones.
    Vous avez mentionné plus tôt que vous aviez de l'expérience avec les applications gouvernementales. De quelle manière ces applications doivent-elles être modifiées afin de soutenir les femmes et les communautés autochtones? Compte tenu de ce que vous avez vu récemment, ces applications dans leur forme actuelle reflètent-elles adéquatement notre volonté de soutenir les femmes et les communautés autochtones dans l'ensemble du pays?

  (1250)  

    C'est une autre excellente question. J'ai eu le privilège de faire partie de plusieurs comités de sélection du CRSH. Je sais que le gouvernement prend très au sérieux le fait de s'assurer que les esprits les plus brillants de ce pays sont récompensés lorsqu'ils soumettent leurs candidatures. On remarque dans les demandes un plus grand souci d'assurer la représentation des femmes et des communautés autochtones.
    Je dirais que, par rapport aux demandes proprement dites, il faut gérer correctement les paramètres. Au moment de mettre sur pied un fonds ou un programme, il faut mentionner qu'ils doivent être aussi diversifiés, équitables et inclusifs que possible, et veiller à ce que les personnes chargées de l'évaluation et du suivi soient également qualifiées en la matière. Il ne faut pas oublier non plus la question de la responsabilité. J'ai vu passer des demandes d'application où l'on se contente de citer des noms et d'annoncer de bonnes intentions, sans pour autant qu'il y ait de relations concrètes avec les communautés autochtones. Cela laisse à désirer. Nous devons veiller à ce que chaque demande remplisse nos critères en termes d'authenticité, de transparence et de responsabilité.
    Je pense que nous devons évaluer la pertinence de chaque dollar dépensé, car selon moi...
    Professeure, pourriez-vous...
    Merci beaucoup. Notre temps est écoulé, monsieur Collins.
    M. Chad Collins: Merci, monsieur le président.
    Le vice-président (M. Corey Tochor): Je comprends.
    Monsieur Blanchette-Joncas, vous avez la parole pour deux minutes et demie.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je me tourne de nouveau vers M. Gravelle.
    Monsieur Gravelle, je vais revenir à question de la propriété intellectuelle.
    En recherche, on parle de plus en plus de l'importance des données ouvertes et de l'accès à la connaissance, évidemment, pour prendre des décisions basées sur la science et les données probantes.
    Pouvez-vous nous dire, selon votre expertise, si cette réalité peut être conciliée avec les impératifs de la protection de la propriété intellectuelle pour le bien-être de tous?
    Certains pays sont en train d'examiner l'adoption éventuelle d'une protection sui generis pour les données proprement dites. Il ne s'agit pas des données brutes, mais de la façon dont les données, dans l'ensemble, sont agglomérées, raffinées et nettoyées pour permettre une meilleure utilisation.
    Le gouvernement voudra peut-être envisager cette solution pour valoriser les données que nous avons acquises au Canada. Ces données peuvent servir à des modèles d'intelligence artificielle ou être elles-mêmes valorisées par d'autres mécanismes, comme ce qui se fait à l'institut IVADO, ici, à Montréal.
    Ce n'est donc pas fondamentalement incompatible. Par contre, les différentes lois sur la propriété intellectuelle, aujourd'hui, ne sont pas conçues pour protéger les données proprement dites.
    Merci de ces précisions.
    Le Canada tente de se comparer à d'autres pays pour s'inspirer des bons coups à ce chapitre. On parle beaucoup du modèle israélien comme exemple de succès en matière de propriété intellectuelle et d'innovation.
    Pouvez-vous nous parler davantage de ce qui caractérise ce modèle et nous dire en quoi il se distingue du modèle canadien?
    Il y a de grosses différences entre le modèle israélien et le modèle canadien. Tout d'abord, Ies Israéliens n'ont pas peur de cibler des secteurs technologiques névralgiques. Ils n'ont pas peur non plus de miser beaucoup d'argent sur une ou quelques entreprises lorsqu'ils pensent qu'elles auront du succès. C'est une approche très ciblée, alors qu'au Canada, par exemple si on pense au crédit d'impôt pour la recherche-développement, c'est une approche beaucoup plus diffuse et très horizontale. On essaie d'en donner un peu à tout le monde pour permettre à tous de faire un peu de recherche-développement. C'est la plus grande différence entre les deux modèles.
    Merci beaucoup.
    Il y a une autre différence.
    Je ne sais pas si vous en avez entendu parler dans les nouvelles, mais le gouvernement a récemment annoncé la création de la Corporation d’innovation du Canada. Quelqu'un a évoqué l'idée d'appliquer une mesure de récupération, ou une taxe, lorsque la propriété intellectuelle d'une entreprise canadienne est vendue à l'extérieur. Par exemple, lorsque Waze, une entité israélienne, a été vendue à Google, le gouvernement israélien a empoché environ 360 millions de dollars américains pour ce transfert technologique.
    Cela pourrait être une façon de s'assurer que la propriété intellectuelle qui est créée ici avec les deniers publics reste ici. Si elle est vendue à l'extérieur, cela permettrait au moins de récupérer une partie de l'argent.

  (1255)  

    Merci beaucoup, monsieur Gravelle.

[Traduction]

     Nous passons maintenant au dernier député. Monsieur Cannings, vous disposez de deux minutes et demie.
    Je vous remercie.
     Je m'en tiendrai pour le moment à M. Gravelle. Vous avez présenté certains des défis auxquels est confronté le monde de la propriété intellectuelle au Canada. L'un d'entre eux est la période qui s'écoule entre la genèse d'une idée et sa commercialisation, ainsi que la nécessité d'un soutien durable.
    Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet? Quel type de soutien serait approprié?
    Je peux penser à différents moyens d'y parvenir. L'un d'entre eux, par exemple, serait de rationaliser le processus d'acquisition avec le gouvernement.
    L'un des obstacles pour les entreprises est que, pour pouvoir attirer des investisseurs, elles doivent prouver qu'elles ont réalisé des ventes. Toutefois, pour une jeune entreprise ou une PME, il est extrêmement difficile de vendre un produit ou un service au gouvernement, surtout si elles utilisent une technologie impliquant des innovations liées à l'informatique. Personne ne veut prendre le risque d'investir dans une entreprise qui n'existera peut-être plus dans deux ou trois ans.
    La mise en place d'un processus d'acquisition permettant d'encourager les produits fabriqués au Canada à être présentés et testés au sein du gouvernement fédéral ou des gouvernements provinciaux serait un outil exceptionnel. Cela permettrait à ce genre d'entreprises d'affiner leurs produits, leurs services et leurs solutions, puis de les commercialiser sur d'autres marchés afin de générer davantage de revenus.
    Vous avez également parlé de la commercialisation de la propriété intellectuelle, et des pertes potentielles. Pourriez-vous nous en dire davantage sur le problème de la perte de propriété intellectuelle lors de la vente d'entreprises canadiennes? D'après les témoignages que vous avez entendus aujourd'hui, comment pouvons-nous conserver la propriété intellectuelle au pays? Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet?
    Je vous remercie de me donner la possibilité de présenter mon point de vue.
    J'ai entendu aujourd'hui des termes comme « vol », « perte » et « profiter » à propos de la propriété intellectuelle au Canada. Nous devons nous montrer très prudents lorsque nous employons des termes comme ceux‑là.
    Au cours des 30, 40 et 50 dernières années, le Canada s'est généralement avéré être une destination très attrayante pour les investisseurs étrangers. Nous avons été en mesure d'attirer des entreprises étrangères, qui ont ouvert des bureaux au pays, dont des bureaux consacrés à la commercialisation, et surtout, à la recherche et au développement. Ces entreprises embauchent des employés à l'échelle locale, et c'est d'ailleurs une des raisons qui les ont poussées à venir s'établir ici. Elles subventionnent des programmes de recherche et développement, et possèdent la propriété intellectuelle qui en résulte. Il n'y a donc pas de vol de propriété intellectuelle ni de perte. Ces entreprises viennent s'établir au Canada, paient leurs employés pour effectuer de la recherche et du développement, et elles détiennent la propriété intellectuelle. C'est aussi simple que cela.
    Le problème fondamental est que les entreprises canadiennes qui font de la recherche et du développement au pays n'exploitent pas adéquatement les outils de propriété intellectuelle dont elles disposent pour constituer des actifs à partir desquels créer de la valeur. C'est pourtant essentiel. Dès la création d'une entreprise, ou dès la mise en place d'un projet ou de la conquête d'un nouveau marché, il est fondamental d'élaborer une stratégie par rapport à la propriété intellectuelle. La propriété intellectuelle pourra ensuite être protégée, de sorte que nous puissions bâtir des actifs qui demeureront au Canada, du moins autant que possible.
    Merci beaucoup.
     Cela conclut nos discussions avec les témoins pour aujourd'hui. J'aimerais les remercier de s'être présentés devant notre comité, et je tiens également à remercier les députés.
    Par ailleurs, je vous rappelle que notre prochaine séance n'aura lieu que le mardi 21 mars.
    Sommes-nous d'accord pour lever la séance? Dans l'affirmative, la séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU