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FAIT Rapport du Comité

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ANNEXE 2
LE CHEMIN DE L'AMI


D'un côté, les pays recherchent les investissements à des fins de croissance économique et, de l'autre, les investisseurs veulent pouvoir compter sur des certitudes, un traitement équitable et sur une instance efficace qui assure le règlement des différends. Ceux que ce dossier intéressait au premier chef, au départ, étaient les pays exportateurs de capitaux, les pays importateurs de capitaux et les investisseurs privés. Peu à peu, d'autres parties intéressées, comme les syndicats, les groupes de consommateurs et les groupes de défense de l'environnement, ont fait valoir leurs préoccupations. Les négociations en vue d'un régime pour l'investissement ont insisté sur les responsabilités ainsi que sur les droits des gouvernements et des investisseurs. Les obligations non contraignantes des investisseurs sont énoncées dans les Principes directeurs à l'intention des entreprises multinationales de l'OCDE.

Avant 1940, les discussions préalables aux accords d'investissement portaient surtout sur les mesures visant l'expropriation des biens, la fiscalité et les pratiques commerciales restrictives. Les négociations devant mener à un cadre pour les relations économiques internationales dans l'après-guerre sont arrivées à terme lors de la conférence de Bretton Woods (New Hampshire) en 1944. Quarante-quatre pays, y compris le Canada, y ont participé. Le cadre proposé comportait trois piliers : le Fonds monétaire international, la Banque internationale pour la reconstruction et le développement et l'Organisation internationale du commerce (OIC), qui devait régir les échanges et les investissements internationaux1. En raison de l'opposition du Congrès américain, la charte de l'OIC n'a jamais été ratifiée, principalement en raison des engagements prévus dans les dispositions relatives aux investissements. Au bout du compte, le troisième pilier, partiel seulement, a débouché sur le GATT de 1947, qui ne portait que sur le commerce des marchandises2. D'une certaine façon, toutes les discussions subséquentes concernant l'investissement ont eu pour objectif de compléter la structure des accords de Bretton Woods.

Par la suite, de nombreux instruments internationaux ont été proposés, et certains ont été adoptés. La CNUCED recense, pour la période allant de 1948 à 1996, 73 accords internationaux importants concernant l'IED. Certains sont multilatéraux et concernent les pays membres de l'ONU; d'autres sont régionaux ou intéressent un groupe restreint de pays, par exemple les membres de l'OCDE; d'autres encore ne mettent pas en jeu des gouvernements mais des groupes comme l'Association de droit international, la Chambre de commerce internationale ou encore la Conférence internationale des syndicats libres. Tous ces instruments n'ont pas été adoptés, et ceux qui l'ont été comportent à la fois des engagements obligatoires et non obligatoires. Ils portent sur des sujets divers, parmi lesquels l'investissement et ses liens avec toute une série de questions - le commerce et l'emploi, l'arbitrage des différends, la coopération économique régionale, la souveraineté sur les ressources naturelles, les impôts sur le revenu et le capital, les pratiques commerciales restrictives, la propriété intellectuelle, les incitations fiscales, les syndicats, la corruption et les pratiques frauduleuses, les transferts de technologie, le développement durable, les obligations de résultat, l'énergie et la protection des consommateurs3. Les milieux d'affaires et le monde du travail, les pays industrialisés et les pays en voie de développement ont tous fait preuve d'un intérêt soutenu pour un régime d'investissement.

Comme le montre cette liste, l'intérêt pour l'investissement étranger n'a pas fait défaut dans les divers forums internationaux. Deux organisations ont persévéré, les Nations Unies, par l'entremise d'institutions spécialisées comme la CNUCED et l'OIT, et l'OCDE. Les initiatives émanant de l'ONU ont été déclenchées par le Groupe des 77, composé de pays non alignés, pour la plupart en voie de développement, qui craignaient la dépendance économique engendrée par les opérations des entreprises multinationales ainsi que l'ingérence politique dans les activités des pays d'accueil. Le Groupe des 77 souhaitait élaborer un Code de conduite sur les sociétés transnationales qui porterait sur les préoccupations des multinationales et sur celles des pays industrialisés et en voie de développement et qui entraînerait des obligations juridiques pour les pays signataires. Depuis les années 70, des négociations se sont tenues au sujet de ce Code, mais elles n'ont jamais abouti4.

L'ONU et ses institutions spécialisées ont réussi à faire adopter trois accords d'une portée plus restreinte, la Déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale de l'OIT, en 1977, l'Ensemble de principes et de règles équitables convenus au niveau multilatéral pour le contrôle des pratiques commerciales restrictives, en 1980, et les principes directeurs de 1985 sur la protection des consommateurs.

La Déclaration de l'OIT émane d'un organe tripartite représentant les gouvernements, les employeurs et les travailleurs5. Elle contient plusieurs principes intéressants :

En ce qui concerne la main-d'oeuvre, le document traite de la liberté d'association, des conditions de travail faites par les multinationales dans les pays d'accueil, de la transmission d'avis et de renseignements aux gouvernements et aux syndicats sur les modifications des opérations des multinationales (par exemple les prises de contrôle ou les transferts d'activités de production) ou encore des pratiques de négociation collective, comme les menaces sur les postes de production en vue d'influer injustement sur les négociations patronales-syndicales. Dans une perspective plus générale, la Déclaration de l'OIT est un code volontaire. Conformément à sa nature tripartite, elle sert les intérêts des entreprises et des organisations de travailleurs, tout comme ceux des gouvernements. Sa définition des sociétés multinationales englobe les entreprises d'État de même que les entreprises privées. De plus, elle favorise un traitement non discriminatoire des entreprises nationales et multinationales6.
Dans l'espoir d'accélérer l'établissement de règles relatives à l'investissement, les pays de l'OCDE ont entrepris des discussions en vue d'établir un ensemble de principes directeurs concernant les investissements étrangers et les multinationales. Cette organisation avait déjà mené une action, puisqu'elle avait instauré en 1961 le Code de la libération des mouvements de capitaux et le Code de la libération des opérations invisibles courantes. En 1976, elle a adopté la Déclaration sur l'investissement international et les entreprises multinationales7.

Parallèlement, comme nous l'avons dit, de nombreux pays ont également pris des mesures à l'échelon bilatéral, en signant des conventions de double imposition et des traités bilatéraux d'investissement (TBI), appelés au Canada «accords sur la protection des investissements étrangers». Entre 1959 et 1996, le nombre de TBI dans le monde est passé de 75 à 1 330. Soixante-deux pour cent des TBI en vigueur en 1996 concernaient au moins un pays en voie de développement, tandis que le reste avait été conclu entre des pays en voie de développement et des pays en transition8. S'il est vrai que les engagements contenus dans les TBI portent toujours sur des questions analogues, chaque entente est négociée individuellement et taillée sur mesure pour les deux pays signataires.

Depuis 1989, le Canada a conclu 24 accords sur la protection des investissements étrangers9 avec des pays d'Europe centrale, d'Amérique latine, d'Afrique et d'Asie. Il négocie actuellement des ententes avec 33 autres pays, dont la Chine et l'Inde10. Le libellé de ces accords a été modifié en 1994 de manière à tenir compte des dispositions de l'ALENA sur l'investissement.

Pour compléter cette énumération des principaux engagements en matière d'investissement, il importe de citer l'OMC, au sein de laquelle ont été conclus l'Accord sur les aspects liés au commerce des mesures concernant les investissements (TRIM), et l'Accord sur les aspects de la propriété intellectuelle liés au commerce (TRIP), ainsi que les dispositions sur la présence commerciale contenue dans l'Accord général sur le commerce des services (GATS). Les trois pays membres de l'ALENA sont liés par les dispositions du chapitre 11 qui porte sur l'investissement.


1 Ces événements et d'autres qui ont suivi sont exposés dans De Bretton Woods à Halifax et au-delà : Vers un 21e sommet pour relever le défi du XXIe siècle, Rapport du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international de la Chambre des communes sur les questions liées aux réformes des institutions financières internationales à inscrire au programme du sommet d'Halifax du G7, en juin 1995, Ottawa, mai 1995. On trouvera également un historique des négociations antérieures dans Michael Hart, «A Multilateral Agreement on Foreign Direct Investment. Why Now?» in P. Sauvé et D. Schwanen, dir., Investment Rules in the Global Economy, Enhancing Market Access, Policy Study, No. 28, Institut C.D. Howe, Toronto, 1996.

2 L'une des principales préoccupations de l'OIC était de régler le cas des ententes de cartel qui avaient existé entre les deux guerres.

3 On trouvera la liste complète de ces instruments, de leur cadre, de leur forme et de leur état d'avancement dans CNUCED, Rapport sur l'investissement dans le monde, 1996, p. 135-139.

4 Une ébauche datant de 1992 figure dans John H. Dunning, Multinational Enterprises and the National Economy, New York, Addison-Wesley, 1993, p. 588-596. Pour un examen de l'évolution du processus, voir Elizabeth Smythe, présentation au Sous-comité, le 24 novembre 1997, p. 3.

5 L'OIT a été créée en 1919 par le Traité de Versailles, en tant qu'institution de la Société des Nations. Elle est aujourd'hui affiliée à l'ONU.

6 John M. Kline, International Codes and Multinational Business, Quorum Books, Londres, 1985, p. 63. Voir aussi John M. Kline, «International Regulation of Transnational Business: providing the missing leg of global investment standards», Transnational Corporations, automne 1993, p. 153-164.

7 La Déclaration sur l'investissement international est une initiative politique que sous-tendent les décisions du Conseil, qui ont force obligatoire. Les Principes directeurs à l'intention des entreprises multinationales sont des normes n'ayant pas force obligatoire - voir CNUCED, Rapport sur l'investissement dans le monde, 1996, p. 139. Voir aussi le document de travail de l'OCDE intitulé OECD Guidelines for Multinational Enterprises, vol. V, no 21, Paris, 1997.

8 CNUCED, Rapport sur l'investissement dans le monde, 1997, p. 19.

9 Le Canada a conclu des accords sur la protection des investissements étrangers avec l'Union soviétique, l'Argentine, la Tchécoslovaquie, la Hongrie, la Pologne, l'Uruguay, la Croatie, la Thaïlande, l'Égypte, la Barbade, le Venezuela, le Panama, l'Équateur, la Roumanie, la Trinité-et-Tobago, les Philippines, l'Afrique du Sud, la Lettonie, l'Ukraine, le Liban, l'Arménie, le Pérou, le Costa Rica et l'El Salvador.

10 Notes sur une allocution de l'honorable Sergio Marchi, ministre du Commerce international, devant le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international, Ottawa, 4 novembre 1997, p. 1.