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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 6 octobre 1998

• 1159

[Traduction]

Le président (M. 408 Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Je déclare la séance ouverte et souhaite la bienvenue à tous ici, ce matin.

• 1200

Le Comité des finances tient actuellement ses consultations prébudgétaires, mais aujourd'hui nous étudions plutôt le rapport du groupe de travail sur l'avenir du secteur canadien des services financiers, plus connu sous le nom de rapport MacKay.

Nous allons commencer avec M. Paul Bowles, du Département de sciences économiques de l'University of Northern British Columbia. Vous disposez de cinq à sept minutes pour votre exposé et nous aurons ensuite une période de questions et réponses dont je ne doute pas qu'elle sera très intéressante. Vous avez la parole.

M. Paul Bowles (témoigne à titre personnel): Je vous remercie de cette occasion de parler avec vous.

J'aimerais aborder quatre points ce matin.

Je vais tout d'abord traiter du secteur bancaire de détail. Les principales institutions qui le composent sont les banques à charte, les sociétés fiduciaires et les caisses de crédit. On a tendance à parler d'un secteur des services financiers. C'est un concept qui peut être utile dans certains cas, mais pas dans tous. En particulier, le secteur bancaire de détail devrait être défini comme composé des seules institutions de dépôt. Il n'y a pas, sur le plan de la prise de dépôts, de réel substitut aux banques, sociétés fiduciaires et caisses de crédit.

Le deuxième aspect que j'aimerais faire valoir est que, dans certaines circonstances, il y a d'excellentes raisons théoriques d'autoriser les fusions de banques. Dans certaines circonstances, il y a aussi d'excellentes raisons théoriques de s'y opposer. Par conséquent, je considère cette décision comme de nature principalement empirique, une décision qui exige une analyse des circonstances et des tendances du moment.

Après avoir souligné l'impératif d'une analyse empirique, je vais maintenant aborder le troisième point, à savoir les données qui me paraissent pertinentes dans le débat sur cette question. Je vais considérer ce que j'appelle la géographie financière. Je veux me pencher particulièrement sur les préoccupations exprimées au sujet des fusions bancaires et de l'accès au crédit dans la Colombie-Britannique non métropolitaine, à savoir tout ce qui se situe en dehors du Lower Mainland.

Nous manquons de données à cet effet. Les chiffres d'actif par succursale bancaire ne sont pas publiés. Cependant, si l'on effectue un inventaire géographique des petites localités de Colombie-Britannique, à savoir toutes celles comptant moins de 100 000 habitants, et si l'on dresse un inventaire à partir des chiffres du recensement démographique de Statistique Canada et des chiffres de l'Association canadienne des paiements, on arrive à une liste de 172 localités dans la Colombie-Britannique rurale. Sur ce nombre, 23 n'ont actuellement pas d'institution financière, et 52 n'en ont qu'une seule.

Si l'on appelle localités à forte concentration celles comptant trois institutions financières ou moins, on constate que sur ces 172 localités, 119, soit 69 p. 100, peuvent être classées comme localités à forte concentration. La concurrence y est réduite puisqu'il n'y a que trois institutions financières ou moins dans le secteur bancaire de détail.

Voilà donc le point de départ. La question se pose ensuite de savoir ce qui arrivera si les banques fusionnent. On voit tout de suite la possibilité que ces localités disposeront d'encore moins d'agences par suite de la fusion de banques. Les fusions bancaires font passer ce chiffre de 69 p. 100 à 75 p. 100.

Quelles en seront les conséquences? Eh bien, je pense qu'en dépit du fait que les banques appliquent des prix nationaux, ces derniers, c'est-à-dire les taux d'intérêt, sont souvent négociables et le sont davantage dans les régions où la concurrence est forte que dans celle où elle est faible.

Il y a aussi les éléments concurrentiels autres que les taux d'intérêt, tels que les frais de service. J'attire l'attention du comité sur le travail effectué par la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, qui s'est penchée sur les frais de service dans les localités comptant peu de banques et a constaté qu'ils y sont supérieurs.

• 1205

Il importe de noter que les services bancaires sont précisément cela, à savoir que les banques fournissent un service en plus d'un produit, et ces services semblent prêter le flanc à la critique. Si l'on considère, par exemple, les chiffres de l'Institut national de la qualité, les services bancaires sont mal cotés par les consommateurs du point de vue du rapport qualité-prix, et cette déficience sera probablement exacerbée par une plus forte concentration bancaire dans les zones rurales.

J'aimerais évoquer aussi brièvement la question des fermetures de succursales. J'ai rédigé un rapport pour le groupe de travail de la Colombie-Britannique dans lequel j'ai élaboré un indice de vulnérabilité aux fermetures de banques. Le but de cet indice n'était pas de prédire précisément combien de succursales allaient fermer, mais plutôt de chiffrer la probabilité de fermetures et les conséquences qui en résulteraient pour la concurrence dans les localités rurales de la province. L'indice montre que 75 p. 100 des petites localités de Colombie-Britannique sont soit modérément soit fortement vulnérables aux fermetures d'agences.

Le quatrième et dernier élément est qu'il ne faut pas perdre de vue ici le contexte plus général. Nous avons assisté à une large restructuration des succursales bancaires, sur le plan de leur implantation géographique. En substance, si l'on considère les 30 dernières années, les succursales bancaires ont migré des centres-villes et des campagnes vers les banlieues. Sur le plan de leurs fonctions, les agences bancaires ont abandonné leur fonction originelle de point de compensation traitant les chèques tirés par les déposants, pour s'occuper surtout de vendre des produits financiers aux consommateurs. Les deux tendances vont dans le sens d'une concentration des succursales là où la population est aisée et vers les agglomérations urbaines.

La restructuration de l'économie canadienne et mondiale va, à mon avis, dans le sens d'une marginalisation des petites villes et des localités rurales. J'estime, par conséquent, et ce sera ma conclusion, qu'il faut rechercher les moyens d'accroître la concurrence dans le secteur bancaire, qu'il faut réfléchir aux moyens de protéger les localités rurales pendant cette restructuration. Je pense que la concurrence étrangère est peu susceptible de pallier ces problèmes et représente une branche trop fragile pour que l'on puisse s'y raccrocher, s'agissant des marchés financiers ruraux. Je considère que la meilleure amorce de solution serait une réglementation sur le modèle, par exemple, de la Community Reinvestment Act aux États-Unis.

Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Bowles.

Nous allons maintenant entendre les représentants de l'Institut Fraser, à savoir M. Fazil Milhar, directeur des études réglementaires et M. Jason Clemens, analyste de politiques. Soyez les bienvenus.

M. Jason Clemens (analyste de politiques, Institut Fraser): Je vous remercie. Je vais présenter la réaction au rapport MacKay et Fazil pourra répondre aux questions ensuite. Je veux commencer par remercier le comité de son invitation à comparaître sur cette question.

La première chose dont nous aimerions parler est le fait que les fusions bancaires doivent être examinées dans le contexte de la notion de marché disputable, sur laquelle nous mettons l'accent dans notre texte; autrement dit, au lieu de compter le nombre de firmes, il faut plutôt considérer l'absence ou la présence de barrières à l'entrée sur le marché.

Deuxièmement, nous sommes pleinement d'accord avec le rapport MacKay pour dire que la politique publique ne doit pas chercher à se substituer aux décisions commerciales, ce qui représente en quelque sorte le principe général sur lequel le rapport MacKay repose.

Pour ce qui est des recommandations structurelles du rapport MacKay, nous souscrivons à toutes les recommandations concernant la concurrence intérieure et étrangère. Nos deux réserves—et nous pensons que ces aspects appellent simplement un débat plus poussé—portent sur l'accès à l'ACP. La première préoccupation intéresse l'indemnisation de ceux qui ont payé pour élaborer l'ACP, et nous pensons qu'une discussion devrait se dérouler à ce sujet. La deuxième réserve est qu'un débat plus poussé devrait intervenir sur les ramifications du regroupement ou de la fusion de la SADC et de la SIAP, le système d'assurance et le système bancaire.

Notre étude a mis surtout l'accent sur la technologie dans le contexte de marchés disputables, et nous avons abordé un angle de vision très large puisqu'une bonne part des données qui seraient requises pour une micro-analyse sont privatives. Nous avons déterminé que le nombre de succursales des cinq grandes banques a diminué de 8,5 p. 100 au cours des dix dernières années et que, dans le même temps, le nombre de guichets automatiques a augmenté de 204 p. 100.

• 1210

Ce qui importe c'est que ces chiffres sont indépendants de l'évolution démographique. Nous convenons pleinement avec M. Mathewson et M. Quigley que le réseau des agences est marqué par une rationalisation inefficiente en ce sens que, face à la perte d'importance des succursales, il n'existe pas de façon efficiente de rationaliser le système et qu'autoriser les fusions serait un moyen efficient de permettre la rationalisation.

On constate qu'au cours des dix dernières années la capacité intérieure des banques a diminué de 23 p. 100 en dépit de l'accroissement de la population. La capacité intérieure du réseau de guichets automatiques des seules cinq grandes banques a augmenté de 63 p. 100. On assiste donc à un remplacement du système bancaire en brique et mortier par la technologie—à savoir le guichet automatique.

À cela s'ajoutent les services bancaires téléphoniques et l'Internet. Aujourd'hui, les cinq grandes banques ont 5,8 millions de clients abonnés à leurs services téléphoniques. En sus, il y a 1,6 million de clients passant par l'Internet. Ces deux systèmes offrent des services axés sur les transactions—à savoir la possibilité de payer des factures, de faire des virements et des dépôts, etc. par le biais du guichet automatique, de l'Internet et du téléphone—et aussi des services axés sur la vente, à savoir présenter des demandes de carte de crédit, de prêt, d'hypothèque et effectuer des transactions sur des fonds boursiers et des comptes de fonds mutuels par le téléphone et l'Internet.

Il faut bien voir, et c'est ce que nous avons cherché à faire ressortir dans notre étude, que le marché ou l'environnement dans lequel les services financiers sont fournis connaît une évolution technologique rapide et que ce mouvement ira en s'amplifiant.

Pour ce qui est de la rationalisation après fusion, elle sera fonction des agrégations. S'il y a des questions là-dessus, nous pourrons en discuter à loisir. Je vous renvoie encore une fois à l'étude de M. Mathewson et de M. Quigley sur les effets des fusions sur la rationalisation du système.

Les estimations que nous avons pu tirer de notre étude sont que, pour chaque Canadien, l'économie per capita se situerait entre 1 000 $ et 3 000 $ au cours des dix prochaines années si les fusions ont lieu. Tout cela suppose l'existence de marchés disputables. Encore une fois, nos suggestions vont tout à fait dans le sens du rapport MacKay pour ce qui est de l'ouverture du marché tant national qu'international.

Nous nous sommes penchés en deuxième lieu sur les questions d'emploi. Nous avons encore une fois considéré les cinq grandes banques au cours des dix dernières années. Nous avons constaté qu'en dépit de deux phénomènes ayant retenti sur l'emploi, à savoir la récession du début des années 90 et l'absorption de la plupart des grosses maisons de courtage et de quatre des plus grosses sociétés fiduciaires, l'emploi total dans le secteur a augmenté de 9 p. 100. Donc, sur une période de dix ans, en dépit de ces deux contractions et d'une mutation de la nature des emplois, l'emploi net a crû de 9 p. 100. En outre, la masse salariale, avantages sociaux compris et déduction faite de l'inflation, a gonflé de 90 p. 100. En rythme annuel, la croissance des salaires a été supérieure à 8 p. 100 au cours de la période de dix ans. On a donc assisté à une hausse à la fois du montant total des salaires et avantages sociaux et du nombre d'emplois.

Troisièmement, j'insiste de nouveau sur la conclusion du rapport MacKay que la politique publique ne doit pas chercher à diviner les décisions d'affaires. Malheureusement, le rapport contient à mon sens plusieurs contradictions à cet égard. L'une est relative aux prêts aux petites et moyennes entreprises. Je parlerai brièvement—et encore une fois nous pourrons y revenir, et Fazil et moi sommes à votre disposition—de la notion que la politique en matière de ressources humaines devrait être orientée et/ou dictée par la législation. Il me semble, d'après mon expérience personnelle puisque je viens du secteur bancaire, qu'il y a pas mal de mouvement vers le haut dans le système bancaire. Vouloir limiter cela par voie législative... Je pense que cela revient à postuler que les petites et moyennes entreprises chérissent la continuité et que les banques négligent cet aspect au niveau de leur politique de ressources humaines interne.

Par ailleurs, pour ce qui est du crédit aux SME, il faut voir que le rôle traditionnel des banques était de financer les comptes débiteurs et les stocks et que même un rapport de Statistique Canada a établi il y a deux ans que le problème réel est le financement interne—que les petites et moyennes entreprises ne savent pas mettre à profit les comptes créditeurs.

Le deuxième type de crédit bancaire aux petites entreprises est le financement traditionnel des immobilisations. Le rapport MacKay parle surtout de prise de participation et de capitaux-risque, ce qui modifierait à toutes fins pratiques le rôle traditionnel des banques à l'égard des PME. Je pense qu'il y aurait des moyens plus efficaces de fournir ce genre de financement. Cependant, ce n'était pas là le réel sujet de notre étude.

Enfin, pour ce qui est de certaines des recommandations, il y a la question de la réforme réglementaire. Nous convenons tout à fait de la nécessité de rationaliser le processus réglementaire. L'une de nos préoccupations est notre compétitivité par rapport aux États-Unis. On y a annoncé au cours des cinq derniers mois trois grandes fusions de banques. L'une a créé la cinquième plus grosse banque commerciale aux États-Unis et elle a été approuvée en l'espace de cinq mois. La deuxième a créé la plus grosse banque commerciale américaine et a été approuvée en quatre mois. Et enfin, la fusion entre Citibank et Travelers engendrera la plus grosse société financière du monde, et elle a été approuvée en cinq mois et demi.

• 1215

La fusion entre la Banque Royale et la Banque de Montréal en est maintenant à son huitième mois, et celle entre la CIBC et TD à son cinquième mois. Donc, si l'on parle de rationaliser le processus réglementaire, il faudrait certainement se pencher sur les délais.

Je considère qu'il faudrait également examiner le rôle du ministre des Finances pour ce qui est de l'agrément final, et qu'un système de renvoi similaire à celui utilisé aux États-Unis donnerait une plus grande voix aux parlementaires et permettrait mieux aux spécialistes et fonctionnaires de mener des analyses économiques.

Enfin, pour ce qui est de certaines des recommandations du rapport MacKay, nous aimerions un petit débat sur les sanctions et amendes. Si l'on va mettre en place des sanctions ou amendes, il faudra tenir compte de la nature dynamique du marché afin que les banques, comme toute autre entreprise, puissent réagir à l'évolution du marché et de ne pas détourner du secteur ceux qui ont la compétence pour siéger dans les conseils d'administration et gérer les banques par crainte d'encourir des sanctions pour le seul fait de réagir à l'évolution du marché.

En conclusion, nous souscrivons de tout coeur aux recommandations structurelles du rapport MacKay, avec très peu de réserves. Celles-ci, encore une fois, sont qu'un débat plus poussé devrait avoir lieu sur ces aspects.

Fazil et moi-même sommes à votre disposition si vous avez des questions sur notre étude. Je vous remercie.

Le président: Je vous remercie, monsieur Clemens.

Nous allons maintenant passer au représentant de Cordillera Books, Richmond Book Services, M. Sydney Heal. Soyez le bienvenu.

M. S.C. Heal (propriétaire, Cordillera Books/Richmond Book Services): Bonjour. Je me sens tout petit au milieu de ce groupe auguste, d'autant que je représente probablement la plus petite des entreprises représentées ici aujourd'hui.

Je suis l'auteur d'ouvrages publiés et âgé de 72 ans. Je suis officiellement retraité, mais je continue à gérer une entreprise de distribution de livres, en gros et au détail. Je vends des livres sur catalogue dans le monde entier, de la Communauté européenne jusqu'à l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Je tends à me spécialiser dans l'histoire maritime, la navigation et les sujets maritimes, tant dans mes ouvrages que dans les livres que je vends. Avant ma retraite, j'ai occupé des postes de cadre dans trois secteurs différents: l'assurance maritime, la gestion de navires et l'immobilier. Je possède des titres de compétence professionnelle en assurance maritime et en immobilier.

Mes préoccupations sont les suivantes.

Les banques se comportent de manière discriminatoire à l'égard des petits entrepreneurs. Les prêts de faible montant ne sont accordés que contre un nantissement intégral en faveur de la banque. Lorsque j'ai monté mon affaire en 1991—c'était après ma retraite, ne l'oubliez pas—la Banque Toronto-Dominion, sans tenir compte de ma cote de crédit personnelle, ne voulait m'avancer un prêt de démarrage de 5 000 $ que contre un nantissement de 100 p. 100 sous forme d'obligations d'épargne du Canada. Il était moins cher et plus facile de vendre les obligations.

J'exploite mon entreprise sans avoir accès à Visa ou MasterCard. Je n'ai pas de dettes ni n'ai besoin aujourd'hui d'emprunter. En réponse aux demandes occasionnelles de clients, j'ai deux fois envisagé le recours aux cartes de paiement. La première fois, Toronto-Dominion a refusé sans même savoir quel est mon produit ou mon type de clientèle. Elle a refusé parce que je vends surtout par correspondance et elle disait avoir fait de mauvaises expériences avec les entreprises de vente par correspondance.

La deuxième fois, la CIBC réclamait une demande complète de crédit général et le versement d'une caution de 5 000 $. Pourquoi? C'est une bonne question, alors que ce n'était pas mon crédit qui était en jeu. Ma vente au détail moyenne est probablement inférieure à 100 $. Mes clients sont surtout des personnes mûres, d'âge moyen ou plus, qui ont un sens poussé de l'honneur et de la responsabilité financière. Depuis le démarrage de mon affaire, j'ai eu trois chèques sans provision et tous les trois ont été remplacés. Jamais aucun chèque étranger n'a rebondi. Mon catalogue dit clairement: «Pas de paiement par carte de crédit» et j'accepte volontiers les chèques personnels étrangers.

Les frais bancaires sont aberrants. Je reçois des virements bancaires d'Allemagne. La Banque de Montréal perçoit un montant forfaitaire minimal de 10 $ sur le paiement, rien que pour me remettre un chèque négociable à ce bout-ci. Du fait que nombre de mes transactions ne me laissent qu'une marge bénéficiaire nette de 15 p. 100, la banque pille mon profit et ne me laisse parfois que 5 p. 100. Chaque fois que possible, mes clients allemands me paient par Visa ou MasterCard, que je négocie par l'intermédiaire d'un ami qui me fait payer la commission bancaire, ce qui fait que je ne perds que 3 p. 100 environ au lieu d'une commission beaucoup plus grosse. Le seul avantage de MasterCard ou de Visa pour la perception de comptes allemands est que je suis payé plus rapidement que par les moyens conventionnels.

• 1220

De manière générale, j'estime que les caisses de crédit offrent un service bien meilleur, plus personnel et plus aimable aux petits clients, qu'il s'agisse de particuliers ou d'entreprises. Il y a peu de raisons de croire que les banques fusionnées fourniront un service meilleur et plus concurrentiel aux petites entreprises, même si d'après certaines indications, et en réaction aux critiques du public, les banques à charte vont s'efforcer peut-être davantage de combler ce qui est devenu un vide énorme depuis l'informatisation et l'adoption du système de points. J'ai conscience que l'époque de la relation personnelle avec les gestionnaires de compte est probablement révolue.

Voilà mon exposé et je n'ai réellement rien à dire de plus. De mon point de vue, je ne peux que condamner le système tel qu'il existe actuellement, sur le plan du service à la petite entreprise. Au lieu de pouvoir compter sur les banques, je dois les contourner pour obtenir ce dont j'ai besoin.

Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant entendre la professeure Cohen.

Mme Marjorie Griffin Cohen (professeure, membre, B.C. Task Force on Bank Mergers): Je vous remercie.

Je me nomme Marjorie Griffin Cohen, et j'étais l'un des trois membres d'un groupe de travail de la Colombie-Britannique chargé d'examiner les fusions bancaires récemment proposées. Les deux autres membres sont là également: Blair Lekstrom et David Rosenberg. David Rosenberg était le président du groupe.

Nous avons siégé dans huit localités et avons reçu, je crois, 152 mémoires écrits et un certain nombre d'interventions orales. Le groupe de travail a également commandé trois études.

En gros, nous avons établi que les fusions bancaires n'apporteraient aucun avantage à la population ou à l'économie de la Colombie-Britannique. Notre principale recommandation était d'opposer un refus aux fusions bancaires. Nous avons conclu que la combinaison de privilèges réglementaires, de la levée des restrictions aux activités des banques et de leur position dominante sur le marché rend les fusions proposées indéfendables. La combinaison des fusions et de la déréglementation engendre la perspective qu'une ou plusieurs banques à charte jouissent d'un avantage excessif.

Nous nous sommes penchés sur trois aspects. L'emploi en était un. Notre étude, utilisant trois méthodes différentes pour prévoir les résultats sur l'emploi, a établi que plus de 3 000 emplois directs seraient perdus en Colombie-Britannique si les fusions bancaires proposées avaient lieu. Nous avons estimé que l'impact total des fusions bancaires entraînerait la perte de 7 000 emplois. À l'échelle du Canada, nous le chiffrons à 30 000 emplois directs et 60 000 emplois indirects. Nous avons relevé également qu'il y aurait un effet considérable sur l'emploi des femmes du fait de l'aplatissement de la structure de gestion.

En ce qui concerne l'accès, comme le professeur Bowles l'a indiqué, le problème se posera particulièrement dans les petites localités. De manière générale, on assisterait à une plus grande centralisation des décisions de crédit, une plus grande aversion au risque de la part des banques—surtout s'agissant de l'investissement dans les petites localités—des frais de service accrus et une rotation plus rapide des gestionnaires de comptes.

Mais nous nous sommes particulièrement intéressés à ce qu'il adviendrait du service à la clientèle, de même qu'à l'argument sur la liberté d'accès aux marchés. Nous avons constaté à ce propos une confusion considérable dans les esprits entre réductions de coût et efficience. Nous n'avons trouvé aucune indication de gains d'efficience réels suite à la fusion de grandes banques; en d'autres termes, il tend à y avoir des gains d'efficience si les banques sont petites, mais lorsqu'il s'agit de grosses banques, la réalisation de gains d'efficience, si l'on en juge d'après l'expérience à l'étranger, est très hypothétique.

Bien entendu, ce que craignent les consommateurs et ce qui semble se produire est que les frais augmentent et que l'accès au service recule. Le service à la clientèle tend à devenir plus automatisé, et ainsi de suite.

De manière générale, nous n'avons pas vu de mesures d'atténuation qui pourraient être prises à l'égard des fusions bancaires. Nous avons entendu les représentants de diverses banques, particulièrement au sujet des garanties d'emploi. En gros, nous avons constaté que ces mesures seraient à relativement court terme et qu'il n'y aurait aucun moyen d'en contrôler l'application.

• 1225

Deuxièmement, certaines des mesures d'atténuation proposées semblent être davantage dans l'intérêt des banques que des collectivités. Par exemple, on a proposé la cession de succursales bancaires de façon à respecter les contraintes de concurrence. Ce serait désastreux pour les collectivités rurales. On ne verrait pas les banques étrangères accroître leur présence dans les localités que les grosses banques fuient. Cela n'arrivera tout simplement pas. Ce sont donc là des mesures destinées à répondre aux voeux des banques plutôt qu'aux besoins des localités les plus touchées.

L'autre idée, bien sûr, est la suppression du plafond de 10 p. 100 sur la détention des actions bancaires pour permettre à davantage de banques étrangères de s'établir au Canada. Comme je l'ai dit, nous ne pensons pas que ces dernières soient susceptibles d'ouvrir des succursales dans les petites localités de Colombie-Britannique.

Nous avons formulé diverses autres recommandations qui ne sont pas liées aux fusions elles-mêmes mais qui nous paraissent nécessaires. Il s'agit là de points abordés par le groupe de travail MacKay. Par exemple, nous recommandons que chacun ait la garantie d'accès aux services bancaires essentiels, qui englobent les comptes chèques et d'épargne, et c'est également ce que propose le rapport MacKay.

Nous recommandons également la création d'un organe indépendant, d'un médiateur, qui entendrait les plaintes des clients, au lieu que cette fonction soit remplie par les banques elles-mêmes. C'est également une recommandation de MacKay.

Nous recommandons de plus diverses contraintes de divulgation, comme celle que l'on trouve dans la U.S. Community Reinvestment Act. Nous pensons qu'une loi fédérale devrait les imposer au Canada.

Nous recommandons en outre un meilleur contrôle des renseignements personnels circulant à l'intérieur et entre institutions financières. MacKay recommande la même chose. Et nous avons également différentes recommandations sur les engagements envers les collectivités, le micro-crédit, l'évaluation des répercussions sociales et environnementales des pratiques de crédit et la participation aux programmes de logement, d'éducation et d'autres types de programmes de micro-crédit. Certaines de ces idées figurent également dans le rapport MacKay. Nous avons aussi quelques recommandations sur une plus grande intégration nationale et régionale des caisses de crédit, ce que MacKay préconise aussi.

Il y a donc un certain nombre de choses dans le rapport MacKay que nous approuvons, bien que nous ne donnions pas un feu vert même conditionnel à ces fusions bancaires particulières. Et alors que le rapport MacKay ne s'est pas penché sur ces fusions particulières, nous l'avons fait, et nous avons abattu un travail considérable là-dessus. Je pense que nous sommes la seule province où un groupe de travail se soit penché spécifiquement sur ces fusions et la réaction est un non retentissant; nous opposons un feu rouge à ces fusions bancaires particulières.

Le président: Je vous remercie. Merci aussi à M. Lekstrom et M. Rosenberg.

Nous allons maintenant passer à la période de questions. Nous commencerons avec M. Harris.

M. Dick Harris (Prince George—Bulkley Valley, Réf.): Je vous remercie, monsieur le président.

Mesdames et messieurs, je vous remercie de vos exposés ce matin.

J'ai quelques questions à vous poser. Ma première s'adresse à M. Bowles. Dans votre exposé, vous avez parlé du fait que certaines localités rurales...

Le président: Excusez-moi, monsieur Harris.

Monsieur Lekstrom et monsieur Rosenberg, auriez-vous voulu la parole également?

M. David Rosenberg (président, B.C. Task Force on Bank Mergers): Oui, juste pour ajouter quelques mots. Je ne veux pas répéter ce qu'a dit Marjorie, mais peut-être simplement mettre en lumière quelques éléments supplémentaires.

Le président: C'est simplement que j'ai vu les trois noms ensemble dans le rapport du groupe de travail, et je pensais que vous aviez un porte-parole. Si vous en avez trois, c'est encore mieux.

M. David Rosenberg: Je vous remercie, monsieur le président et membres du comité. Soyez les bienvenus à Vancouver et merci de me donner la parole.

Vous avez ici notre rapport. J'ai essayé d'avoir suffisamment d'exemplaires pour tout le monde. Je sais que M. Harris aura reçu le sien, car tous les intervenants qui ont comparu devant notre groupe de travail ont reçu un exemplaire de ce rapport.

J'aimerais commencer par attirer votre attention sur quelques conclusions communes à notre groupe de travail et à celui de M. MacKay.

Vous trouverez toutes nos recommandations dans ce rapport. Si vous regardez à la page 56, il y a une liste des recommandations. Marjorie a couvert la plupart en détail, mais vous pourrez aussi vous reporter à la liste ici.

• 1230

Tout comme le groupe de travail fédéral, nous avons conclu qu'il y aurait lieu d'interdire plus fermement la vente liée; qu'il faudrait nommer un médiateur spécifiquement pour le secteur financier; qu'il faudrait garantir l'accès aux services bancaires des Canadiens à faible revenu; qu'il faudrait une reddition de compte envers les collectivités locales; et que le rôle des caisses de crédit devrait être renforcé.

Vous remarquerez que le rapport MacKay—et c'est à la page 22—souligne que le groupe de travail fédéral ne s'est pas penché sur les fusions bancaires proposées, les deux fusions particulières. Si vous jetez un coup d'oeil sur notre mandat, qui se trouve à la page 6 de ce rapport, vous verrez que les fusions sont la raison expresse de la mise sur pied de notre groupe. Notre mission consistait à étudier les deux fusions proposées.

Je crois savoir que la Colombie-Britannique est la seule province à avoir tenu des consultations publiques sur les fusions bancaires. Nous devions travailler en toute indépendance, être ouverts au public et tenir compte de l'intérêt public. Nous avons siégé dans sept localités différentes. Nous avons tenu onze audiences. Près de 400 intervenants ont comparu devant nous. Nous avons reçu 154 mémoires écrits.

Tous ceux qui voulaient intervenir ont pu le faire. Nous avons entendu les étudiants, les personnes âgées, les propriétaires de petites entreprises, des Britanno-Colombiens de tous les horizons. Nous avons entendu des politiciens et des banquiers. Mais après tout cela, après ces interventions du public et les études que nous avons commandées, nous avons rédigé ce rapport au gouvernement de la Colombie-Britannique et nos recommandations ont été acceptées. Ces dernières sont maintenant la politique officielle du gouvernement de la Colombie-Britannique.

Je ne vais pas résumer les rapports de recherche, car Marjorie et le professeur Bowles l'ont déjà fait. Mais j'aimerais traiter, si je puis, des deux principaux arguments que nous avons entendus à l'appui des fusions bancaires proposées, et indiquer pourquoi nous ne les avons pas fait nôtres.

Le premier argument avancé par les banques favorables aux fusions et les partisans des fusions est que celles-ci autoriseraient une plus grande efficience, et que l'efficience engendrée par les fusions se traduirait d'une façon ou d'une autre par des économies pour les consommateurs. Nous avons constaté qu'il y a, en fait, une confusion entre les réductions de coûts et l'efficience, qu'en réalité les banques fusionnées ne seraient pas plus efficientes car l'amalgame d'entreprises dépassant une certaine taille n'engendre pas de gains d'efficience. Aussi, nous avons conclu que les réductions de coûts réalisées par les banques fusionnées prendraient la forme de fermetures de succursales, de licenciements et de réductions de service.

Le deuxième argument avancé par les proposants est que ces fusions sont appropriées et importantes car la concurrence des banques étrangères au Canada compenserait la part de marché dominante dont jouiront les banques fusionnées et que ce surcroît de concurrence serait bénéfique pour les Canadiens. Or, nous avons constaté que, bien que la réglementation actuelle autorise l'implantation de banques étrangères au Canada, la présence étrangère au Canada a considérable diminué au cours des dix dernières années. Les chiffres que nous avons vus indiquent qu'il existait au Canada en 1987 59 banques étrangères ou banques de l'annexe II et seulement 45 en 1996.

Je ne peux évidemment pas passer en revue tout ce rapport avec vous aujourd'hui, mais j'aimerais vous le remettre et vous inviter à lire attentivement nos recommandations si vous en avez le temps.

Nous aimerions vous laisser sur la réflexion suivante. Le groupe de travail fédéral a recommandé que les fusions de banques de l'annexe I proposées et d'autres fusions bancaires fassent l'objet d'un examen public. Nous pensons avoir créé en Colombie-Britannique un modèle de consultation du public sur les fusions proposées. Nous avons sillonné la province et invité à intervenir tous ceux qui le voulaient et avons mené des recherches indépendantes en Colombie-Britannique sur la situation de la Colombie-Britannique. Tandis que le groupe de travail fédéral dit qu'il faudrait avoir un examen public avant d'autoriser toute fusion, nous disons que nous avons mené cet examen public et que les fusions ne sont pas dans l'intérêt public.

Je vous remercie.

Le président: Je vous remercie, monsieur Rosenberg.

Monsieur Lekstrom.

M. Blair Lekstrom (maire de Dawson Creek; membre, B.C. Task Force on Bank Mergers): Je vous remercie et bonjour.

Je suis un peu chamboulé. J'ai fait un voyage de 750 milles et j'ai certainement eu quantité de discussions avec Marjorie, et j'avais donc probablement déjà entendu ce qu'elle allait dire.

• 1235

Je vous remercie de votre invitation. J'aimerais introduire une perspective un peu différente, celle des petites localités. Je suis le maire de Dawson Creek, une localité du nord-est de la Colombie-Britannique comptant environ 11 500 habitants. La question des fusions bancaires revêt certainement une haute importance pour les petites localités, d'un bout à l'autre du pays, je crois. Les banques prônent les fusions et lancent quantité de chiffres, et j'aimerais parler d'abord de la question des emplois.

Les emplois et les licenciements sont un sujet de préoccupation. Les banques ont certes dit qu'elles procéderaient par attrition et parviendront probablement à comprimer leurs effectifs par cette méthode, mais le problème n'est pas là; ce qui nous préoccupe grandement, c'est la perte d'emplois dans les localités de notre taille, d'un bout à l'autre du pays, j'en suis sûr. Nous devons songer à l'avenir de nos enfants. Il leur faut des emplois. Comprimer les effectifs par attrition est très honorable et perturbe moins les familles qu'un licenciement sec, etc., mais s'il n'y a plus de postes à l'avenir pour nos enfants, je pense que ce sera un plus gros détriment pour notre société que beaucoup de difficultés que nous rencontrons aujourd'hui.

Donc, bien que les banques aient pris quantité d'engagements sur la question de l'emploi, j'ai beaucoup de réserves sur les répercussions de ces fusions bancaires à l'avenir.

L'autre question est la technologie. Les banques s'abritent d'ailleurs la technologie pour dire qu'il leur faut fusionner afin de devenir plus efficientes et intégrer la technologie de manière plus rentable. J'ai travaillé dans l'industrie de haute technologie pendant 18 années de ma vie et je n'ai certainement vu aucune indication que le développement technologie contribue à l'emploi. J'ai constaté tout le contraire. Le progrès technologique contribue certes, parfois—et je souligne parfois—à l'amélioration des services de communication, mais en revanche nous en constatons les effets néfastes sur l'emploi et je trouve que l'impact sur notre société et nos familles est beaucoup plus lourd que les avantages que nous dérivons de la technologie.

L'un des problèmes qui confronte les petites localités de tout le pays—et je suis sûr que Dawson Creek ne fera pas exception—est que nous avons actuellement des agences de toutes les grandes banques à charte, de même qu'une caisse de crédit dans notre ville. Si ces fusions ont lieu—et je spécule un peu mais je n'ai vu aucune indication contraire—nous verrons les quatre grandes banques installées aux quatre carrefours du centre-ville fermer deux de leurs succursales. Cela décimerait notre centre-ville de Dawson Creek en laissant deux bâtiments vides. Je ne dis pas qu'ils ne trouveraient pas preneurs, mais il n'est certainement pas facile dans les petites villes de tout le pays de trouver aujourd'hui de gros locataires pour occuper des bâtiments de cette taille dans le centre-ville. Ces banques ne sont pas construites comme des magasins, si bien que les frais de rénovation seront importants. C'est donc un problème préoccupant dans l'optique des petites villes.

Je ne vais pas trop m'attarder sur le rapport, Marjorie et David l'ayant assez bien couvert. Mais la tournée dans la province du groupe de travail a été pleine d'enseignements. Nous avons entendu un membre du conseil de Peachland, ici en Colombie-Britannique, qui nous a expliqué que leur seule banque avait fermé, si bien que maintenant les habitants de la localité doivent aller jusqu'à Westbank, qui se trouve en banlieue de Kelowna, pour leurs affaires bancaires. À mon sens, cela a non seulement rendu la vie plus difficile pour ces habitants, mais une fois qu'ils sont passés à la banque, ils ne reviennent pas à Peachland pour dépenser leur argent dans les magasins de Peachland. Puisqu'ils se trouvent à Westbank, après s'être rendus à la banque ils restent habituellement sur place pour y dépenser leur argent. C'est une grosse doléance exprimée par ce membre du conseil municipal de Peachland. Je partage son avis.

La question ici est de savoir si les fusions bancaires sont bonnes pour le pays. Comme nous l'avons indiqué, nous l'avons abordée, en tant que groupe de travail, selon une optique plus restreinte: les fusions bancaires sont-elles bonnes pour la Colombie-Britannique? La réponse du public est un non retentissant.

La chose qu'il ne faut pas perdre de vue est que les banques font campagne pour les fusions. Elles estiment qu'elles sont dans leur intérêt si elles veulent tenir leur rang dans l'économie mondiale qui nous attend. Mais comment une fusion peut-elle être bonne si elle n'est pas acceptée par les clients qui font tourner ces banques et pour l'activité elle-même, à savoir le service bancaire?

Je vois un camp disant que c'est une bonne chose, je vois un camp disant que ce n'est pas bon pour les Britanno-Colombiens, mais je vois aussi beaucoup de gens entre les deux qui ne savent pas trop. Je pense que c'est un enjeu majeur et de très grande portée et au cours des derniers mois, avec les milliers de pages de textes que moi et les membres du groupe de travail avons lues, cela a été tout à fait une expérience d'apprentissage aussi.

• 1240

Est-ce que les banques ont su bien informer le public au sujet de ces fusions? Certainement pas. J'espère qu'elles ne m'en voudront pas de le dire, mais elles sont de grosses boîtes. Je parle sans cesse avec mes administrés et j'ai vu défiler les intervenants, je peux dire que l'information n'est pas passée. Très franchement, il y a aussi le facteur confiance. S'agissant de l'emploi, qui allons-nous croire? Les uns disent qu'il y aura des licenciements massifs. Les banques disent qu'elles vont essayer de ne pas supprimer d'emplois et que si elles le font, ce sera par attrition.

Je crois que nous avons là une situation où... Je connais le commerce et je comprends l'impératif du profit. Mais je sais aussi ce qui est bon pour une société et ce qu'il faut faire pour assurer un avenir correct à nos enfants et à notre pays et notre province. C'est ce que je suis venu faire, ce que je veux vous faire comprendre. Je pense qu'il nous faut considérer cela dans une perspective très large, pas une perspective purement matérielle ou économique, mais dans la perspective de notre société et de ce qu'elle peut faire.

J'ai été heureux de voir que les recommandations du groupe de travail MacKay reflètent certaines des nôtres. Je ne pense pas que l'on puisse répondre par un simple oui ou non à la question de savoir si les fusions bancaires sont bonnes ou mauvaises. Les enjeux sont nombreux. Je pourrais continuer et j'ai probablement déjà dépassé le temps alloué.

J'évoquerais juste une autre question, celle de l'accès des agriculteurs au capital. C'est certainement un problème dans notre région. L'agriculture est l'épine dorsale de l'économie dans la région de Peace River de la Colombie-Britannique et cela fait déjà pas mal de temps que l'accès au capital pose problème. Cela a eu des effets dévastateurs au début des années 80 dans notre région.

De façon générale, la question des répercussions sur les localités et leurs habitants revêt à mes yeux la plus haute importance. Là dessus, je vous remercie du temps que vous m'avez accordé ce matin et serai ravi de répondre à vos questions. Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup.

Nous passons à la période des questions.

M. Dick Harris: Je vous remercie, monsieur le président. Je vais commencer de nouveau avec M. Bowles.

Dans votre exposé, vous vous êtes inquiété de la disparition des services bancaires dans les localités. Mais étant donné le recours aux nouvelles technologies dans le secteur des services financiers, qu'est-ce que cela signifie exactement lorsquÂon dit qu'une collectivité n'a pas d'institution financière? Est-ce que vous ramenez tout à une affaire de brique et de mortier? Si oui, que faites-vous de la technologie qui engendre aujourd'hui des banques virtuelles, des opérations bancaires par Internet et téléphone, des cartes de crédit, des prêts-automobile et hypothécaires, des REER et des FRR qui sont tous disponibles par téléphone ou par l'Internet ou par le biais d'agents indépendants ou franchisés du secteur des services financiers? Que voulez-vous dire lorsque vous dites que les collectivités n'ont pas d'institution financière ou d'accès aux services?

M. Paul Bowles: Je vous remercie de la question.

Vous avez raison de dire qu'en faisant mon étude je me suis intéressé principalement à la présence physique d'institutions financières dans des localités données. Vous avez également raison de dire que le Canada jouit d'un très vaste réseau de guichets bancaires automatiques. De fait, comme je l'indique dans mon rapport, il vient au deuxième rang, après le Japon, de tous les pays de l'OCDE quant à la couverture des guichets automatiques. Cependant, la question se pose de savoir quel est le degré de substituabilité d'une agence à service complet. Je me suis penché là-dessus, ainsi que sur les autres moyens électroniques que vous avez énumérés.

Je vais vous lire, si je puis, d'abord un rapport de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante qui a été publié cette année et qui dit:

    Pour l'instant, en sus de mettre à l'essai de nouveaux services électroniques, les pouvoirs publics, institutions financières et autres gros fournisseurs des petites et moyennes entreprises devront continuer à faire appel aux mécanismes traditionnels d'acheminement pour traiter avec ce marché.

Cela signifie que ces méthodes ne sont pas des substituts parfaits et que, pour les petites et moyennes entreprises, la présence d'une succursale physique reste certainement nécessaire.

• 1245

Je porte également à votre attention une étude américaine dans laquelle Stephen Rhoades, un membre du U.S. Federal Reserve System, signale que les guichets automatiques:

    [...] sont passés du nombre de 18 000 en 1980 à plus de 100 000 en 1994. En dépit de ces chiffres importants, les GAB se sont avérés être principalement des distributeurs d'espèces commodes et restent loin d'être un substitut général de l'agence bancaire traditionnelle.

C'est là une citation directe. Par conséquent, si vous avez raison de dire qu'il y a d'autres moyens de fournir les services, mais le degré de substituabilité reste à déterminer.

M. Dick Harris: Je vous remercie.

Ma question suivante s'adresse à M. Rosenberg, Mme Griffin Cohen ou M. Lekstrom.

L'un des thèmes principaux de votre intervention et de votre rapport, que j'ai lu, est votre crainte concernant les pertes d'emploi dans le secteur bancaire si les fusions ont lieu et le fait que les banques rationaliseraient probablement leur réseau de succursales et opteraient pour davantage de services de type haute technologie et qu'il en résulterait des suppressions d'emplois majeures. Mais ce changement technologique dans les banques n'a pas commencé hier et ne commencera pas si les banques fusionnent. Il a en fait commencé il y a peut-être 10 ou 12 ans.

Les banques ont été contraintes, par des pressions tant externes qu'internes, à mettre au point des moyens de travailler plus rapides et de beaucoup plus haute technologie. Les guichets automatiques ont fait leur apparition. Nous avons maintenant les transactions bancaires par Internet et par téléphone. Donc, les procédés bancaires ont profondément évolué, sous l'effet de la technologie, au cours des 10 à 12 dernières années.

D'autres industries ont suivi le progrès technologique. Je peux vous parler des scieries de ma région de Prince George. Je vois des scieries aujourd'hui qui ont quintuplé leur productivité grâce à la technologie, qui emploient moitié moins de personnel et sont plus profitables. Pourtant, en dépit de tous les changements technologiques que les banques ont connus au cours des dix dernières années, l'effectif a augmenté de 9 p. 100 ou 10 p. 100. De même, les salaires ont augmenté au cours des 10 ou 12 dernières années de 7 p. 100 à 10 p. 100 en moyenne.

Donc, en dépit de tous les changements technologiques, de la modernisation, des nouveaux procédés bancaires et de l'apparition de types de services moins personnalisés, le nombre d'employés a augmenté, de même que les salaires. Vu les changements technologiques dans le secteur bancaire et le fait qu'ils vont aller encore en s'amplifiant, si les banques n'ont pas réduit leurs effectifs au cours des 12 dernières années et les ont même accrus et si les salaires ont augmenté, qu'est-ce qui vous amène à dire que cette tendance va tout d'un coup s'inverser?

M. David Rosenberg: L'étude que nous avons commandée à M. McBride est jointe à notre rapport. Il y explique les trois modèles différents qu'il a utilisés pour conclure que, en moyenne, 3 100 emplois directs seront perdus en Colombie-Britannique et environ 6 000 emplois indirects. Il explique dans son étude comment il arrive à cette conclusion, mais j'aimerais peut-être ajouter quelques remarques personnelles fondées sur ce que j'ai entendu.

• 1250

M. Dick Harris: Si vous me permettez une petite interjection, ils ont dit exactement les mêmes choses il y a dix ans lorsque les banques ont parlé d'introduire les guichets automatiques, les services par Internet et par téléphone. Les Cassandres du monde annonçaient que le ciel allait nous tomber sur la tête, qu'il y aurait des licenciements massifs dans le secteur bancaire et que tout le système tombait en quenouille. Rien de cela n'est arrivé.

M. David Rosenberg: Peut-être, monsieur Harris, au cas où penseriez que ce sont là les délires d'un prophète de malheur de quelque centre d'études, faudrait-il considérer les banques elles-mêmes. La Banque Royale et la Banque de Montréal disent elles-mêmes qu'il y aura des suppressions d'emplois à court terme. Je crois que la Banque Royale annonce environ 10 000 pertes d'emplois par attrition et la Banque de Montréal donne le chiffre de 8 000. Je ne sais pas si vous acceptez les chiffres venant des banques, mais cela me paraît une estimation prudente puisqu'elle vient des banques elles-mêmes.

Le deuxième aspect en ce qui concerne la technologie—et nous avons considéré la Colombie-Britannique seulement puisque c'était notre mission—est que, comme l'indique l'une des études, seuls 17,6 p. 100 des Britanno-Colombiens ont accès à un modem. Cela signifie que moins d'un habitant sur cinq pourra tirer parti de cette technologie faramineuse offerte par ces fournisseurs de services Internet.

Le troisième élément qui ressort de nos consultations est que les Britanno-Colombiens ne veulent pas réellement de cette technologie et que certaines utilisations leur sont imposées. Nous ne disons pas que la technologie est mauvaise. Au contraire, les Britanno-Colombiens la jugent parfois extrêmement commode. Je pense que le professeur Bowles a souligné qu'ils veulent bien recourir à la technologie pour certaines choses, telles que le recours aux guichets automatiques pour retirer des espèces. Mais lorsqu'il s'agit pour une petite entreprise de négocier un prêt, elle veut s'adresser à son agence locale, avoir un entretien personnel et construire une relation avec le gestionnaire qui prend les décisions. La technologie n'est donc pas la solution à cet égard.

M. Dick Harris: Je conteste vos chiffres. Je sais que nos chiffres viennent probablement de sources différentes, mais je peux vous assurer que les miens ne viennent pas tous des banques. Le fait est que les services bancaires par Internet et téléphone ont connu une croissance astronomique au cours des dix dernières années. Vous devez admettre que dans cinq, dix ou quinze ans le secteur bancaire ne ressemblera plus du tout à ce qu'il est aujourd'hui. Nous aurons fait cet énorme pas en avant, même par rapport à aujourd'hui.

Je vais me faire l'avocat du diable contre votre rapport. Vous saviez que j'allais le faire de toute façon. Supposons que le but des banques, avec toutes ces histoires de fusion, soit simplement de restructurer leurs succursales. Elles ont trop d'infrastructure physique, elles veulent la rationaliser. Supposons que ce soit la principale raison derrière tout cela.

Étant donné que les banques pourraient simplement fermer des agences de toute façon et licencier le personnel au Canada—et je suis sûr qu'elles n'auraient pas de mal à s'arranger entre elles pour cela—supposons que leur but soit d'alléger leur infrastructure pour accroître leur profit. Supposons qu'elles puissent le faire de toute façon si elles le voulaient, et je le pense. Vaudrait-il mieux qu'elles décident de leur propre chef de simplement réduire leur réseau, fermer les agences non ou peu profitables, se cantonner dans les domaines d'activités les plus profitables—comme elles en ont le droit—ou bien vaudrait-il mieux élaborer de nouvelles modalités de service bancaire dans ce pays, avec des objectifs réalistes et contraignants, comme on l'imposera aux banques lorsqu'elles présenteront leurs demandes de fusion?

• 1255

N'oubliez pas qu'il n'y a pas de demande de fusion officielle à ce stade. Bon nombre des choses que nous lisons et sur lesquelles nous spéculons sont fondées sur la situation actuelle et ce que les banques ont pu dire.

Une fois l'action enclenchée, les banques devront s'adresser au Parlement, au ministre des Finances et à toutes les autres instances de réglementation et soumettre un plan ferme énonçant par écrit tous les engagements qu'elles prennent verbalement aujourd'hui, avec des mesures d'atténuation pour ce qui est de l'emploi, les fermetures d'agences, les services et toute cette sorte de choses.

D'un point de vue réaliste, quelle serait la meilleure solution: laisser les banques dégraisser à leur gré comme maintenant ou bien leur imposer des modalités dans le cadre d'une proposition ferme qu'elles soumettent?

M. Paul Bowles: C'est une longue question et je répondrai dès que j'en aurai l'occasion.

M. David Rosenberg: Je serai bref et je ne répondrai peut-être pas à toutes vos prémisses qui sont nombreuses. Si vous permettez, je vais me limiter à une ou deux et laisser d'autres mieux qualifiés que moi répondre.

On peut se demander pourquoi les banques accepteraient seulement de discuter de leur projet de fusion. C'est évidemment parce qu'elles sont dans une situation réglementaire privilégiée et qu'elles ont besoin de l'agrément de l'État, mais il y a une raison à cela. Elles ne sont pas comme les autres entreprises qui peuvent simplement dégraisser comme bon leur semble. Elles ont une charte et ont été protégées par la réglementation pendant de nombreuses années de façon à pouvoir croître sans concurrence ou avec une concurrence réduite.

M. Dick Harris: Mais il n'y a pas de règlement leur interdisant de fermer une agence.

M. David Rosenberg: Non, alors pourquoi ne le font-elles pas?

M. Dick Harris: Ma question était de savoir ce que vous préférez. Si elles veulent devenir plus profitables et plus compétitives, si elles veulent simplement se débarrasser d'éléments improductifs tels que, à leurs yeux, un peu de brique et de mortier...

M. David Rosenberg: Eh bien, monsieur Harris, je suis un peu surpris. Si je me souviens bien, lorsque vous avez comparu devant le groupe de travail, vous avez dit qu'il ne fallait pas autoriser les fusions avant qu'une concurrence réelle soit établie. Permettez-moi juste de terminer là-dessus et je vais céder la parole afin de ne pas dominer toute la discussion.

L'une de nos études traite de cela en détail. Le fait est que, dans les petites localités, tant qu'elles ne sont pas autorisées à fusionner, il y a une concurrence réelle. Ce n'est peut-être pas une concurrence sur les prix, mais c'est une concurrence pour ce marché. Tant qu'elles sont présentes toutes les deux dans une localité, à se concurrencer l'une l'autre pour les faveurs du public, il y a une certaine garantie que l'intérêt du consommateur ou du public sera protégé.

Le président: Je vous remercie, monsieur Rosenberg.

Professeure Cohen.

Mme Marjorie Griffin Cohen: Je ne peux simplement pas admettre votre prémisse que l'emploi dans les banques a augmenté grâce au changement technologique ou pour toute autre raison. Selon l'Association des banquiers canadiens, il y a eu une réduction assez considérable de l'effectif, particulièrement dans les années 90, mais déjà à partir de 1986. En Colombie-Britannique, nous avons connu un problème particulier. Nous avons une baisse de l'emploi de 5 p. 100 depuis 1991. À l'échelle nationale, le chiffre est de 7,5 p. 100. Une partie de cela est du au changement technologique, bien entendu, mais une autre partie est du au rachat des sociétés fiduciaires. La reprise de Trust Royal par la Banque Royale a certainement eu un gros impact sur l'emploi. Deux mille ont été supprimés à cause de cela.

Nous avions donc une préoccupation légitime et nous admettons certes que certaines compressions d'effectifs résultent du changement technologique. Mais lorsqu'il n'y a pas de concurrence entre les banques, elles sont d'autant plus incitées à fermer des agences.

• 1300

Soit dit en passant, j'apprécie réellement votre idée d'un nouveau plan avec des objectifs fixes. Depuis la déréglementation du secteur bancaire, il est beaucoup plus facile aux banques d'ignorer les besoins des collectivités. Il me semble que nous pourrions au Canada faire quelque chose de similaire à la Community Reinvestment Act aux États-Unis. Là-bas, avant d'autoriser une fusion, on considère la performance des banques sur le plan de leurs activités dans la collectivité et des crédits octroyés. Il y a divulgation complète des données, si bien que l'on sait à qui elles prêtent et dans quelles conditions. Nous n'avons pas cela au Canada. On peut ainsi déterminer quel argent provenant d'une localité est réinvesti dans celle-ci. Ce n'est pas une exigence aux États-Unis dans le cours normal des choses, mais c'est obligatoire lorsqu'il y a fusion, et c'est le genre de considération très importante qui pourrait être appliquée au comportement des banques.

Comme David Rosenberg l'a fait remarquer, les banques sont dans une situation extrêmement privilégiée. Elles créent l'argent dans notre société. Nous leur en avons donné la permission. Elles ont par conséquent des obligations différentes de celles d'entreprises ordinaires.

Vous avez raison, elles peuvent fermer n'importe quelle agence, mais le fait que la concurrence existe aujourd'hui limite leur marge de manoeuvre. C'est un aspect important. Nous avons déjà le secteur bancaire le plus fortement concentré du monde—en tout cas du monde développé—et ces fusions bancaires accroîtraient encore la concentration. Cela signifie que nous aurons de moins en moins de concurrence, par quel bout que l'on regarde.

M. Blair Lekstrom: Monsieur Harris, si je puis intervenir, je reviens à votre première question, à savoir comment nous pouvons prédire des pertes d'emplois suite à ce changement technologique alors qu'il y a eu augmentation au cours des dix dernières années.

Lorsqu'on regarde le secteur industriel, si l'on prend deux exploitations qui ont chacune leur plate-forme technologique—appelons-la ainsi—dans laquelle on entre des données et, si on amalgame ces deux plates-formes en une seule, il y aura certainement des économies d'échelle. Ces économies d'échelle s'accompagnent d'une réduction de l'effectif. C'est un phénomène assez simple, une conséquence mécanique de la technologie.

Lorsque je regarde les chiffres des suppressions d'emplois dans notre étude, c'est certainement un facteur dont je dois tenir compte et que je peux appuyer sur des faits. Il suffit de regarder la technologie industrielle. Cela ne signifie pas que les banques ont tort de se moderniser, mais le fait est que la société doit peser soigneusement les conséquences de l'avancée technologique.

M. Dick Harris: Mais mon argument était que le changement technologique dans les secteurs bancaires a eu des effets inverses à ceux constatés dans les autres secteurs où la technologie a effectivement amené des baisses d'effectif. Ainsi, au cours des dix dernières années, il y a eu une augmentation nette de 8 p. 100 à 10 p. 100 de l'effectif des cinq grandes banques canadiennes, en dépit de toute la technologie.

M. Blair Lekstrom: Je parlais strictement des fusions bancaires dont il est question aujourd'hui, et c'est ce qui était...

Mme Marjorie Griffin Cohen: Vous devriez utiliser les chiffres de l'Association des banquiers canadiens. Je pense qu'ils sont plus fiables.

M. Blair Lekstrom: Merci.

Le président: Avez-vous dit que les banques sont plus fiables?

Mme Marjorie Griffin Cohen: Oui. Les chiffres de réduction d'effectifs que j'ai proviennent de l'Association des banquiers. Elles n'ont pas de raison de mentir à ce sujet, et cette différence est étrange.

M. Dick Harris: Je pense que la différence tient au fait que l'ACB englobe... Les chiffres que j'ai concernent spécifiquement les cinq grandes banques.

Mme Marjorie Griffin Cohen: Même chose pour les miens. Ce sont les six plus grandes banques à charte.

M. Dick Harris: Il y a une divergence dans les chiffres, je suppose.

Mme Marjorie Griffin Cohen: Oui.

M. Nelson Riis (Kamloops, Thompson and Highland Valleys, NPD): Vous avez dit qu'il s'agit des six plus grandes banques à charte.

Mme Marjorie Griffin Cohen: Oui, et puisque l'une n'a pas de présence ici, nous avons les chiffres pour cinq en Colombie-Britannique. Mais ce sont là les chiffres des banques elles-mêmes et il n'y aucune raison de ne pas les croire.

Le président: Si nous avons de la chance, nous aurons un jour dans ce pays des statistiques sur lesquelles tout le monde puisse être d'accord. Ce sera un grand jour dans l'histoire canadienne.

Monsieur Milhar, vous aimeriez peut-être dire quelques mots à ce sujet.

M. Fazil Milhar (directeur des études réglementaires, Fraser Institute): Je vous remercie.

On a beaucoup parlé de technologie et de destruction de l'emploi. Si la technologie était un mécanisme de destruction de l'emploi, le chômage serait massif aux États-Unis en ce moment.

Les États-Unis ont le taux de chômage le plus bas du monde à l'heure actuelle. Le fait est que les États-Unis sont le pays le plus technologiquement avancé du monde et ils ont créé environ 14,5 millions d'emplois au cours des cinq dernières années.

Le Canada est un pays technologiquement très avancé. Nous connaissons le progrès technologique depuis plusieurs décennies. Il s'est créé un million d'emplois au cours des cinq dernières années, avec 300 000 ou 400 000 rien que l'année dernière, dont 80 p. 100 à temps plein.

• 1305

D'où vient donc cette idée que la technologie tue l'emploi? En résultats nets, le changement technologique améliore la productivité, la croissance économique, l'activité économique et la création d'emplois. C'est avéré. En réalité, en dépit de tous les regroupements et de l'ampleur énorme du changement technologique intervenu, comme on l'a vu, les chiffres d'emploi dans les cinq grandes banques sont à la hausse, parce qu'elles ont investi beaucoup d'argent dans les changements technologiques ou les technologies nouvelles.

On a beaucoup discuté de la question de savoir si les petites et moyennes entreprises trouvent suffisamment de capitaux, s'il y a suffisamment de crédits pour les petites et moyennes entreprises. Il faut signaler qu'en date de septembre 1997, les cinq grandes banques, à elles seules, avaient environ 46 milliards de dollars de prêts en cours aux petites et moyennes entreprises. Des enquêtes indépendantes montrent que 87 p. 100 des demandes de crédit sont approuvées.

Il faut donc considérer cette question du changement technologique à long terme et non à court terme. À courte échéance, il y aura certes quelques suppressions d'emplois, mais qui peuvent facilement être couvertes par attrition ou par le roulement naturel, qui est d'environ 10 p. 100 dans le secteur bancaire.

Un dernier point à faire valoir est que les banques ne sont pas des organismes de bienfaisance. Les banques ont pour mission de gérer avec prudence votre argent durement gagné. Aimeriez-vous que les banques prennent des risques avec la pension de votre mère, par exemple? C'est la question que nous devons tous nous poser. Les banques sont les gardiennes de notre argent durement gagné, le vôtre et le mien. Nous attendons d'elles qu'elles gèrent leurs fonds très prudemment, et non pas de prêter à n'importe qui.

Je vous remercie.

M. Jason Clemens: Si je puis dire quelque chose très rapidement, les chiffres de notre étude sont des équivalents d'emplois à plein temps. Les chiffres de l'ABC ne sont pas autant pondérés. Nos chiffres ont été validés de manière indépendante, après discussion avec l'ABC. Selon les chiffres d'emplois ETP, l'emploi chez les cinq grandes a augmenté au cours des dix dernières années.

Deuxièmement, à titre d'observation, si vous regardiez une agence bancaire il y a dix ans, vous voyiez une dizaine d'employés de guichet et peut-être deux vendeurs. Aujourd'hui, c'est exactement l'inverse: vous avez deux ou trois guichetiers et une pléthore d'agents de vente qui s'occupent d'ouvrir des comptes, de vendre des CPG, des REER, des fonds mutuels, une pléthore de services. C'est ce qui explique l'augmentation des salaires. Et je souligne que c'est ce qu'autorise la technologie: des emplois plus qualifiés et mieux rémunérés, un mouvement vers ce type d'emploi au détriment des emplois de guichet. Encore une fois, tout cela est couvert dans notre étude.

Je vous remercie.

Le président: Professeur Bowles, vouliez-vous dire quelques mots là-dessus?

M. Paul Bowles: Oui, peut-être juste une remarque rapide.

La relation entre la technologie et l'emploi est dans ce contexte une fausse piste analytique. Ce débat se déroule au moins depuis que David Ricardo a inséré son chapitre sur la mécanisation dans la troisième édition des Principes d'économie politique et de fiscalité en 1821. La relation entre la technologie et le chômage n'a cessé depuis d'être un sujet de débat et continuera de l'être et j'ai l'impression que nous ne trouverons pas de solution ici aujourd'hui.

Ce qui est clair, c'est que les fusions bancaires ne sont pas un changement technologique. Les fusions bancaires vont conduire à des suppressions d'emplois, et même les banques le reconnaissent. La seule question est de savoir si elles seront toutes couvertes par l'attrition naturelle ou s'il y aura aussi des licenciements. Ne confondons donc pas une fusion bancaire avec un changement technologique.

[Français]

Le président: Monsieur Desrochers.

M. Odina Desrochers (Lotbinière, BQ): Bonjour. Je vous remercie de la présentation que vous avez faite aujourd'hui.

J'aimerais au départ souligner que le rapport MacKay porte sur toute la question de l'avenir du secteur des services financiers au Canada, mais qu'il ne faut pas ignorer les autres acteurs qui sont impliqués dans cette révision des services financiers. Je suis conscient qu'aujourd'hui on discute énormément de la fusion des banques, mais il ne faut pas oublier les autres acteurs tels que les compagnies d'assurances, les compagnies de crédit et le Mouvement des caisses Desjardins au Québec. Il faut avoir une vue d'ensemble.

La position de notre parti se résume en trois points. Il faut d'abord protéger l'accès au crédit par les consommateurs et les PME. Il faut revoir toute la question du comité de surveillance. Les banques nous proposent beaucoup de choses, mais on aimerait à ce que les banques soient tenues de rendre des comptes à la Chambre des communes et respectent des règles très strictes afin qu'on puisse suivre l'évolution des fusions.

• 1310

Nous sommes également favorables à ce que les banques aient une responsabilité sociale et communautaire. Ainsi, toute fusion devra s'accompagner d'un réinvestissement communautaire, comme cela se fait présentement aux États-Unis. Je n'appuie pas les propos de l'Institut Fraser et j'ai de la difficulté à comparer des statistiques qui portent sur un pays de 250 millions d'habitants et celles du Canada, qui compte 30 millions d'habitants. Il est toujours facile de se lancer dans une bataille de statistiques.

Notre préoccupation première, laquelle semble rejoindre le consensus d'aujourd'hui, est la protection de l'accès au crédit. Dans ce contexte-là, est-ce que vous croyez que la consultation devrait être élargie? Je sais qu'en Colombie-Britannique, vous avez fait un travail assez poussé. Le Comité des finances fait actuellement de nombreux efforts: nous avons rencontré M. MacKay et ses collègues qui ont rédigé le rapport et nous nous promenons d'un bout à l'autre du pays pour entendre différentes organisations. Mais en raison de l'importance de ce débat et des conséquences qu'il aura sur la santé financière du Canada au cours des 10, 15 ou 20 prochaines années, ne devrions-nous pas élargir ce débat et nos consultations pour que tout le monde ait le temps de se prononcer? Je pose cette question à tous les panélistes. La parole est au premier ou à la première qui voudra bien y répondre.

[Traduction]

Le président: Qui voudrait commencer?

M. Nelson Riis: Sur un rappel au règlement, monsieur le président, avant de commencer, pourriez-vous nous rappeler ce que le ministre des Finances a dit à ce sujet? Ce pourrait être pertinent.

Le président: C'était simplement qu'il n'y aura pas de fusion avant que des consultations publiques auprès des Canadiens soient tenues.

M. Nelson Riis: Au sujet de la proposition des banques?

Le président: Oui, sur les fusions elles-mêmes.

Tout le monde souhaite probablement intervenir. M. Bowles, suivi de M. Rosenberg.

M. Paul Bowles: Juste un mot rapide, pour dire que je suis d'accord avec les trois aspects que vous privilégiez. Votre question semble être de savoir si nous serions en faveur d'une concertation élargie. Pour ma part, j'ai beaucoup apprécié entendre les propos de M. Heal ce matin. Je pense que beaucoup d'entre nous, les spécialistes, pouvons toujours débattre entre nous, mais l'avis de gens comme M. Heal doit être écouté et figurer en bonne place dans ce genre de débat.

Le président: Monsieur Rosenberg.

M. David Rosenberg: Pour ce qui est de votre question sur la consultation publique, je pense avec le professeur Bowles que les propos de M. Heal étaient très utiles. C'est le genre de remarques que nous avons entendues tout au long de notre série de consultations publiques à travers la Colombie-Britannique.

Pour ce qui est plus particulièrement de consultations plus poussées, si vous regardez nos recommandations aux pages 56 et 57 et à l'annexe I du rapport du British Columbia Task Force on Bank Mergers, vous verrez que les recommandations 6, 14 et 15 traitent spécifiquement du processus de consultation. La recommandation 6 intéresse les responsabilités sociales et éthiques des banques. Ce n'est pas précisément là-dessus que portait votre question, mais dans les recommandations 14 et 15 notre groupe de travail estime qu'une fusion de banques de l'annexe I devrait faire l'objet d'une loi fédérale. Nous avons recommandé également que des audiences publiques soient tenues à travers le Canada dans le cadre de l'examen de la demande par le Parlement, et que le gouvernement fédéral consulte les provinces au sujet de toute fusion de banques de l'annexe I.

Je vous remercie.

[Français]

Le président: Monsieur Desrochers.

M. Odina Desrochers: Je suis très satisfait de la réponse de M. Rosenberg. Vous comprendrez que je n'ai pris connaissance du mémoire que ce matin et que mes questions ont peut-être devancé...

[Note de la rédaction: Inaudible]. J'invite donc les autres témoins à répondre.

[Traduction]

Le président: Monsieur Milhar.

M. Fazil Milhar: Je suis entièrement en faveur de consultations à condition que nous ayons un ensemble de chiffres et puissions discuter réellement des coûts et avantages économiques à long terme des fusions.

• 1315

Ne considérons pas le problème à court terme, en fonction de quelques emplois perdus. Je suis le premier à admettre qu'il y en aura, mais il faut considérer cette question à long terme, sous l'angle de notre compétitivité vis-à-vis des États-Unis. À condition que le débat porte sur les coûts et avantages économiques de ces fusions, au lieu d'être des duels rhétoriques, je suis tout à fait disposé à participer aux discussions et consultations publiques.

Mme Marjorie Griffin Cohen: Pendant nos déplacements à travers toute la Colombie-Britannique, il était très intéressant d'entendre les gens parler de leurs rapports avec les banques. Ce n'est pas que les gens étaient fâchés contre les banques, les vilipendaient. Dans l'ensemble, dans les petites localités, nous avons entendu les gens qui travaillent dans les banques, les cadres des banques et les habitants du coin, et les relations entre eux étaient bonnes. On nous a parlé des coûts et avantages économiques réels pour les localités lorsque des changements interviennent dans les banques, et l'on nous a donné des exemples particulièrement intéressants.

Une anecdote très instructive nous a été contée à Dawson Creek. Un homme d'affaires avait monté une nouvelle maison d'édition qui a connu une expansion très rapide. Il avait beaucoup de mal à convaincre sa banque de lui accorder le genre de crédit dont il avait besoin pour développer son entreprise aussi rapidement que l'expansion de sa clientèle. De ce fait, il a changé de banque trois fois en l'espace d'un an. Il faisait valoir que s'il y avait une fusion, il n'aurait pas pu le faire et que son entreprise aurait coulé. En gros, l'approche traditionnelle des banquiers était que si l'entreprise croît trop vite, elle est trop risquée. Mais il a pu changer de banque. C'était extrêmement important pour lui et son affaire marche très bien.

À nos yeux, c'est là l'intérêt de parler avec ceux qui vont être touchés par cela. Ce n'est pas tant qu'il y ait un sentiment anti-banques. Je sais que cela existe, mais ce n'est pas ce que nous entendions. Nous entendions une préoccupation sincère à l'égard du développement économique des collectivités—et pas seulement des collectivités rurales, aussi des agglomérations urbaines.

Vous avez dit que si les fusions bancaires sont autorisées, il faudrait une contrainte de réinvestissement dans la collectivité. Notre recommandation est de l'imposer même en l'absence de fusions bancaires, car c'est le genre de chose qui se pratique ailleurs. Il importe d'instaurer cela au Canada, afin que les banques aient davantage de comptes à rendre.

M. Blair Lekstrom: Très brièvement, sur la question de la consultation publique, celle-ci est de la plus haute importance. Cela ressort clairement aujourd'hui.

Ce processus de consultation publique devra répondre à un impératif. Lorsque je considère le travail effectué en Colombie-Britannique par ce groupe de travail dont j'étais membre, je trouve que trop souvent ces groupes siègent dans les grands centres urbains. Parfois ils ne répercutent pas ce que l'on entend dans les petites localités rurales à travers la province ou le pays. Le processus de consultation publique est très important, mais il faut le conduire de manière à avoir une bonne représentation de toute la population du pays. C'est un point à considérer. Une localité de 10 000 habitants peut exprimer des préoccupations différentes de celles d'une agglomération de 500 000 ou un million d'habitants.

Le président: Monsieur Riis.

M. Nelson Riis: Merci beaucoup, monsieur le président. Cet ensemble d'exposés était fascinant.

J'espérais qu'il y aurait là un banquier, car dans le dernier numéro du Reader's Digest, qui est mon ouvrage de référence, il y avait l'histoire d'une petite fille qui a déposé 46 $ à la banque. Elle avait relevé que les banques réalisent de gros profit, et elle s'est dit qu'elle allait accumuler quelques intérêts. Quelques mois plus tard, elle est allée à la banque pour retirer son argent mais il n'y en avait plus à cause des frais de service prélevés chaque mois pour non-utilisation du compte. J'ai trouvé que c'était une histoire intéressante. Mais il n'y a pas de banquiers ici aujourd'hui, du moins pas à la table.

Professeur Bowles, j'ai particulièrement apprécié votre Geography of Finance. S'il est une chose qui distingue le Canada de certains autres pays, c'est notre effort constant d'assurer l'égalité des chances pour tous, qu'il s'agisse d'habitants des campagnes, de petites ou de grosses entreprises, etc. Il me semble que c'est là un thème fondamental qu'il faut prendre en considération ici. Est-ce que ces fusions bancaires donnent aux Canadiens l'égalité des chances en matière d'accès au capital?

• 1320

D'une part, je trouve que ce débat a pris une tournure intéressante. Les groupes qui normalement prêchent le renforcement de la concurrence semblent favorables à la concentration, certes à condition que les banques étrangères viennent offrir une alternative. J'aimerais poser une question à qui veut y répondre, car cela semble être l'atout que les gens brandissent: si les fusions sont approuvées, les banques étrangères ou d'autres fournisseurs de services arriveraient et assureraient la concurrence. Vous y avez tous fait allusion sous une forme ou une autre. Dans quelle mesure cette perspective est-elle réaliste, à votre avis?

J'ai oublié de le mentionner, mais une autre chose à souligner est qu'il s'agit là d'un secteur qui opère depuis le début dans un environnement privilégié. Je ne pense pas qu'il y ait un autre secteur que l'on ait mis à l'abri, jusqu'à très récemment, de toute concurrence étrangère—et il n'y en a réellement jamais eu beaucoup car beaucoup de banques étrangères ont pris la fuite, ont renoncé.

Nous avons un secteur qui a engendré certaines des meilleures banques du monde, à des niveaux de profit qui laissent pantois même les banquiers. Je pense qu'ils sont gênés; ils n'ont pas hâte au jour de la publication de ces chiffres, à cause de tous les reproches qu'ils essuient. Nous avons donc créé un excellent système bancaire. Je soupçonne qu'en fait les services bancaires ne représentent plus grand-chose. La plupart des banques font toutes sortes d'autres choses. C'est un autre sujet qu'il faudra sans doute aborder aussi.

Le processus de consultation de la Colombie-Britannique confirme ce que beaucoup disent: une fois dépassé une certaine taille, il ne semble plus y avoir d'économies d'échelle. J'ai oublié quelle étude disait qu'avec un actif supérieur à 5 milliards de dollars, il y a très peu d'économies d'échelle supplémentaires à réaliser. Évidemment, les banques actuelles ont dépassé ce seuil.

Du point de vue de la concurrence, est-il réaliste de croire que les banques étrangères nous apporteront la concurrence? Voilà la première question.

Pour ce qui est de la deuxième question, je tiens à remercier le groupe de travail de la Colombie-Britannique. Comme vous l'avez dit, je pense que la Colombie-Britannique est la seule province à avoir réellement fait l'effort de consulter les citoyens. Je me souviens que, lorsque ce processus a commencé, j'ai parié 100 $ avec Paul Martin à la Chambre des communes qu'il finirait par approuver le projet et que ses hésitations étaient de la poudre aux yeux. Cependant, à cause du rapport MacKay qui réclame une consultation publique et du fait que le ministre Martin s'est engagé à tenir des consultations, je risque de perdre ce pari. Je pense que lorsque les Canadiens seront réellement consultés, ils feront valoir que ce n'est pas dans leur intérêt. C'est certainement dans l'intérêt des banques, cela ne fait aucun doute.

J'ai tout d'abord une petite question pour Blair. Dans les nouvelles ce matin, Matthew Barrett a déclaré que si l'on n'autorise pas ce mariage des banques, elles se vengeraient, qu'elles réduiraient leurs services et licencieraient des employés. Si nous ne les laissons pas faire, elles vont principalement amputer les services aux collectivités. C'était sa menace ce matin.

Je peux prédire votre réponse, mais je suis quand même curieux d'entendre ce que vous avez à dire. Je demanderai ensuite à quiconque veut répondre s'il est réaliste de penser que les banques étrangères fourniront aux Canadiens une concurrence sérieuse. Encore une fois, autour de cette table, nous ne représentons pas les banques, nous représentons les intérêts canadiens, les intérêts des gens d'affaires et des consommateurs. Dans ce contexte, les banques étrangères apporteront-elles la concurrence nécessaire?

M. Blair Lekstrom: Je vous remercie, Nelson. Je vais répondre brièvement.

Je n'ai pas entendu les propos de M. Barrett, mais s'il a dit cela—et je veux bien le croire—je lui répondrais que sa vision d'un bon mariage est probablement erronée depuis le début. C'est cela que je lui répondrais.

Nous employons le mot «mariage», à l'égard des banques. Les fusions sont certainement dans le meilleur intérêt des banques. C'est pourquoi ces dernières les veulent. Mais, en tout premier lieu, les banques ne seraient pas là sans les clients, c'est-à-dire vous et moi, ceux assis autour de cette table. Il ne faut pas l'oublier, car en fin de compte, un mariage doit être bon pour les deux parties. Si une personne pousse au mariage et que l'autre n'est pas trop sûre, j'hésiterais à nouer le cordon tant que les deux parties ne sont pas convaincues et sûres de ce qu'elles veulent.

Le président: Madame Cohen.

Mme Marjorie Griffin Cohen: J'ai relevé votre remarque disant que les gens semblent adopter des positions inhabituelles, du côté de ceux qui militent généralement pour la concurrence. Il y a une exception, et vous l'aurez peut-être vue dans les lettres à la rédaction du Globe and Mail. John Crispo, un économiste de l'Université de Toronto, qui normalement est favorable à la concurrence, s'est prononcé contre les fusions. C'est inhabituel. Normalement, il appuie les positions du Fraser Institute et de groupes de ce genre, mais pas dans ce cas particulier.

• 1325

Vous avez demandé s'il allait y avoir une augmentation de la concurrence étrangère. Les banques étrangères assurent une très faible proportion des services bancaires au Canada, plus faible que dans la plupart des autres pays, beaucoup plus faible qu'aux États-Unis. La part de marché des banques étrangères ici n'est que d'environ 10 p. 100.

Je pense qu'elles vont pouvoir accroître leurs activités dans certains domaines, notamment la gestion de patrimoines, les domaines où l'accès direct aux clients n'est pas nécessaire.

Je pense donc qu'elles pourront concurrencer dans certains domaines, mais dans l'ensemble elles ne seront pas un substitut à la baisse d'activité résultant des fusions dans certains types de localités du pays.

Le président: Monsieur Clemens.

M. Jason Clemens: Plusieurs choses. Je pense qu'il y a malentendu, du moins dans ce contexte, quant à la définition de la concurrence. Les travaux de Baumol et de Demsetz définissent clairement la concurrence en termes de barrières à l'entrée, et non pas d'un certain nombre de firmes comme dans l'ancien paradigme de la science économique néoclassique, voulant qu'il faut une centaine de firmes ou quelque nombre magique de concurrents. Il s'agit donc de savoir s'il y a des barrières à l'entrée? Si oui, enlevez-les et vous aurez ce cadre concurrentiel.

Nous citons plusieurs articles dans notre étude, ceux de Nathan et Neave, ainsi que de Shaffer, qui se sont penchés particulièrement sur le secteur canadien des services financiers et l'ont jugé disputable, avec seulement des barrières marginales.

Encore une fois, nous préconisons dans notre rapport de démonter ces barrières marginales. Je pense donc que la clé ici, sur le plan des prix concurrentiels, de la qualité de service et de tous ces autres attributs de la concurrence, est la suppression des barrières à l'entrée.

M. Nelson Riis: Ce ne seront donc pas nécessairement les banques étrangères qui apporteront la concurrence.

M. Jason Clemens: Oui. Le point crucial est que les concurrents étrangers et nationaux seraient autorisés à pénétrer tout marché régional, tout créneau du marché.

Je conviens avec vous qu'ils ne s'établiront sans doute pas sur le marché national avec une présence physique, à cause du coût. Mais si vous enlevez les barrières à l'entrée, s'il y a des prix monopolistiques ou oligopolistiques dans une région ou un créneau donné, les concurrents étrangers et nationaux pourront facilement pénétrer ce marché et le tester. Et j'estime que les restrictions actuelles, même si elles sont marginales, limitent ce type de disputabilité.

Nous avons aussi actuellement un système bancaire à deux paliers. Nous avons un système bancaire national représenté par les six grandes banques et nous avons un système bancaire régional représenté par les banques étrangères et les petites banques de l'annexe I. C'est la situation actuelle.

Nous avons fait pas mal de travail statistique sur les États-Unis, et je mets en garde ceux qui utilisent les statistiques récentes américaines et voudraient les transposer au système canadien. Les États-Unis ont des limitations régionales et un système de piliers qui est largement dépassé par rapport à l'état du système canadien. Il n'est pas possible de transposer au système canadien l'absence de grandes fusions ou la limitation des fusions à un plafond d'efficience de 5 millions de dollars comme aux États-Unis.

Suivant toujours Mathewson et Quigley, nous disons que les pays dont nous pouvons nous inspirer sont l'Australie, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni, car elles ont des systèmes bancaires similaires au nôtre sur le plan de l'absence de restrictions à la concurrence géographique et à la concurrence fonctionnelle.

M. Fazil Milhar: J'aimerais ajouter très rapidement quelque chose.

Les banques ne vont pas se comporter comme des petites filles sages s'il n'y a pas de risque de concurrence. La seule façon de les obliger à être sages et à être sensibles aux consommateurs canadiens est la menace de l'arrivée d'autres sur le marché—par exemple, Wells Fargo s'implantant dans le sud-ouest de l'Ontario et prêtant par l'Internet aux petites entreprises. À l'évidence, la CIBC, la Banque Royale, la Banque de Montréal et toutes les autres banques—tout le monde—tiennent à ce type de comptes. Une fois qu'elles commencent à perdre ces petits comptes...

Voyez-vous, la raison pour laquelle elles doivent commencer à s'inquiéter est que la plupart de leurs bénéfices proviennent des revenus d'intérêts nets; autrement dit, il leur faut des dépôts. Si vous n'avez pas les dépôts, vous ne pouvez pas gagner d'argent. Donc, dans cette mesure, du moment qu'il y a la menace d'entrée d'autres firmes, étrangères ou nationales, les banques seront sages et à l'écoute des consommateurs canadiens.

• 1330

Le président: Monsieur Rosenberg.

M. David Rosenberg: Je vous remercie, monsieur le président.

Monsieur Riis, pour répondre directement à votre question sur les perspectives de concurrence étrangère au Canada, si vous regardez l'annexe 5, qui est la dernière annexe de ce rapport—en fait, les pages 26 et 27 en traitent directement—vous verrez à la page 26 le titre: «Trois perspectives de concurrence accrue des banques étrangères dans le secteur bancaire de détail». On y passe en revue les statistiques que j'ai mentionnées dans mon exposé sur le recul effectif de la présence de banques étrangères au Canada, ces banques étrangères étant toutes des banques de l'annexe 2.

Je ferai une remarque. Je n'ai pas grand-chose à ajouter à ce qui figure là. Il y est écrit de manière très succincte et assez détaillée qu'il n'y a pas de concurrence étrangère réelle au Canada, particulièrement dans le secteur de détail. Cependant, je conviens qu'il y a un peu de concurrence étrangère dans certains produits ou créneaux spécifiques. Il y a du grappillage. Par exemple, il y a beaucoup de concurrence étrangère sur le marché des cartes de crédit. Il y a de la concurrence dans le domaine du traitement des chèques.

Permettez-moi une brève remarque à ce sujet. Lorsque ce genre de concurrence arrive au Canada, cela ne profite pas aux Canadiens. Ce qui se passe dans ce type de concurrence étrangère, c'est que le pays étranger fournissant le service draine les emplois, les profits et les impôts au détriment du Canada. Ce n'est pas le genre de concurrence qui est créateur d'emplois. Il n'y a pas de locaux physiques où des gens seraient employés au Canada pour fournir un service; c'est uniquement de la concurrence électronique. Cet aspect est très bien mis en évidence aux pages 26 et 27.

Je vous remercie.

Le président: Y a-t-il d'autres interventions? Monsieur Bowles.

M. Paul Bowles: Je vous remercie de vos questions. J'aborderais plusieurs points.

Je recommande au comité une excellente étude réalisée par un groupe du Québec, Option Consommateurs, sur la géographie des agences bancaires au Canada au cours des 30 dernières années. C'est la seule que j'ai vue qui prend une période aussi longue. Le rapport a été remis à Industrie Canada en juin de cette année. C'est un excellent rapport, si vous êtes intéressés par l'évolution géographique des services financiers et la manière systématique dont le Canada rural a été financièrement relégué.

Deuxièmement, j'ai été surpris d'entendre M. Clemens dire qu'il nous faut ignorer les États-Unis et nous inspirer de l'Australie, puisque la Commission Wallis a récemment tenu des audiences sur les fusions bancaires en Australie et leur a opposé un refus. Je donnerais donc le même conseil, mais probablement pour une raison différente.

Je citerais cependant une étude américaine, d'Amel et Liang, publiée en 1997 dans la Review of Industrial Organization, où ils ont compilé leurs propres données sur l'entrée de nouvelles banques sur le marché américain. Leur conclusion est que toute entrée d'une banque nouvelle est beaucoup plus probable—mais même là peu fréquente—dans les zones urbaines que dans les zones rurales. Leurs résultats montrent aussi que la nouvelle entrée visait principalement les grands marchés en expansion rapide. Par conséquent, l'idée que les marchés bancaires ruraux peuvent être considérés comme disputables du fait de la probabilité d'une concurrence étrangère ne tient tout simplement pas. Il est peu probable que des banques étrangères desserviraient les zones rurales. Il pourrait y avoir concurrence accrue dans les grandes agglomérations, mais c'est tout.

M. Nelson Riis: Au cours des derniers jours, particulièrement à la lumière des problèmes rencontrés dans les réunions du FMI, le ministre Martin s'est inquiété du risque qu'une grosse banque connaisse des difficultés en cette période de turbulences.

Tout d'un coup, le débat sur les fusions bancaires—plus on est gros mieux c'est, ou pire, peu importe—revêt une dimension différente, comme on a vu ces dernières semaines avec l'accumulation des incertitudes, à tel point que le FMI, ou du moins le G-7, semblent tout d'un coup presque prêts à intervenir... Je n'emploierai pas le terme «contrôle des changes», mais c'est en gros ce qu'ils envisagent, et cela aurait été impensable il y a encore six mois.

• 1335

Donc, face à la turbulence sur ces marchés et des événements récents, dans quelle mesure trouvez-vous valide la crainte du ministre Martin au sujet de la création d'une mégabanque, laquelle serait manifestement exposée à l'échelle mondiale? En effet, si elles veulent fusionner, c'est bien pour être plus actives à l'étranger.

Pensez-vous que la situation actuelle devrait nous inquiéter et nous amener à hésiter, tant que nous ne savons pas ce qu'il va advenir sur le marché financier mondial?

Mme Marjorie Griffin Cohen: Nous avons entendu des préoccupations similaires exprimées en Colombie-Britannique, sachant que la Banque Royale nous a annoncé que son objectif était d'avoir 40 p. 100 de son actif à l'étranger. C'est plutôt inquiétant. Si c'est l'une des deux grandes banques restantes du pays, et si quelque chose tournait mal avec ces 40 p. 100, ce qui est une possibilité très réelle, cela pourrait certainement menacer tout le système bancaire au Canada.

Ce n'est pas impensable. Ce qui se passe, en gros, est que le marché international récompense fortement la spéculation. Il y a d'énormes profits si ça marche. Mais si les choses tournent mal, les pertes sont tout aussi conséquentes. Ce qui se passe, c'est que les gouvernements nationaux couvrent lorsque les choses tournent mal. Le gouvernement américain a certainement couvert les activités spéculatives de ses banques au Mexique. On intervient parce que cela engendre réellement d'énormes problèmes économiques dans le pays si ces pertes ne sont pas couvertes.

Nous pourrions très bien nous trouver dans une situation où nos banques soient défaillantes, et nous ne pourrions pas les laisser sombrer. Mais nous n'aurions guère de contrôle sur leurs activités spéculatives internationales.

C'est une crainte très sérieuse, et c'est ce qui empêchera peut-être les fusions de se faire.

Le président: Dites-vous qu'elles ne sont pas grosses aujourd'hui?

Mme Marjorie Griffin Cohen: Elles sont grosses, mais si vous n'avez plus que deux grandes banques, elles seront nécessairement d'autant plus grosses.

Le président: Mais ne nous leurrons pas, si une banque faisait faillite aujourd'hui, nous...

Mme Marjorie Griffin Cohen: Ce serait un problème, mais vous admettrez qu'il sera encore plus grave si les fusions ont lieu.

Le président: Néanmoins, elles sont quand même déjà grosses, n'est-ce pas?

Mme Marjorie Griffin Cohen: Oui. Et il est manifeste qu'il faut quelques mécanismes de contrôle financier internationaux. Cela ne fait aucun doute. Mais cela est au-delà du mandat de notre groupe de travail.

Le président: D'accord.

Monsieur Clemens.

M. Jason Clemens: Deux remarques, très brièvement.

Je pense que certains des propos vont à l'encontre de ce que nous savons sur le plan de la diversification des prêts. Plus le portefeuille de prêts est diversifié, et plus sûrs sont les rendements. Je pense donc que l'idée que, si l'on a 40 p. 100 de diversification internationale, le portefeuille va être davantage exposé au risque trahit une méconnaissance complète de la diversification des portefeuilles.

La notion de risque systématique est plus pertinente. En effet, les portefeuilles de prêts des banques ne diffèrent guère entre eux. Ainsi, une faillite à grande échelle ou une crise dans le secteur du pétrole ou du gaz ou quelque chose du genre causerait un choc au système bancaire qui toucherait presque toutes les banques parce que leurs portefeuilles sont si semblables. Vous ne verrez pas nécessairement une différence dans la situation des trois grandes banques nationales et des cinq banques nationales ou des grosses banques nationales actuelles, simplement en raison de l'homogénéité de leurs portefeuilles de prêts.

Le président: Monsieur Riis, avez-vous terminé?

M. Nelson Riis: Oui.

Le président: D'accord. J'aimerais revenir sur certaines remarques concernant la familiarité du public avec ce problème.

Si je demandais à ceux qui ont procédé à des consultations publiques, en l'occurrence le groupe de travail de la Colombie-Britannique, de noter les connaissances sur le secteur des services financiers des habitants de la Colombie-Britannique sur un barème de zéro à dix, quelle note leur donneriez-vous?

Mme Marjorie Griffin Cohen: J'aurais bien du mal à faire cela...

Le président: Mais vous avez déjà noté des étudiants.

Mme Marjorie Griffin Cohen: Oui, effectivement.

J'ai été extrêmement impressionnée par la qualité des interventions. Je pense que nous l'avons tous été. Les gens semblaient extrêmement informés. Évidemment, il y avait des différences. Certains connaissaient surtout ce qui les concernait personnellement, mais beaucoup de gens ont fait des recherches considérables là-dessus et étaient très préoccupés. Nous avons donc eu—si vous avez jeté un coup d'oeil sur les mémoires—des présentations très sophistiquées, un nombre surprenant d'interventions très sophistiquées.

Je dirais donc que le public a conscience de l'importance des banques pour leur collectivité et qu'ils sont assez bien informés des répercussions qu'auraient sur eux les fusions bancaires.

• 1340

Le président: Ils réussiraient donc votre examen.

Mme Marjorie Griffin Cohen: Ils réussiraient certainement mon cours, probablement avec une note de huit.

Le président: Eh bien, c'est important, car pour prendre des décisions il faut des connaissances et des faits. On ne peut simplement décider ce qui est à la mode.

Nous allons passer à Mme Leung.

Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président. En tant que députée de Vancouver Kingsway, je suis très heureuse de me trouver chez moi.

Je suis d'accord avec la professeure Cohen. Vos interventions étaient très réfléchies, très bien présentées et très sophistiquées, et je les ai appréciées toutes.

J'ai quelques questions pour le professeur Bowles.

Cet été, le caucus de la Colombie-Britannique a fait une visite dans votre université. Nous avons été impressionnés par votre faculté. J'ai une question sur votre préoccupation à l'égard du système financier rural. Je sais que nous avons beaucoup de problèmes dans le Nord hormis les services bancaires. L'industrie forestière est en récession. Quel lien établissez-vous? En quoi cela se répercute-t-il sur votre argumentation contre les fusions? En quoi cela aiderait-il l'industrie locale?

M. Paul Bowles: Je vous remercie. Je suis heureux que vous ayez été impressionnés par notre université et je serais ravi d'accepter tous crédits supplémentaires que vous pourriez nous donner.

Mme Sophia Leung: Nous ne parlons pas de crédit.

M. Paul Bowles: Oh, nous ne parlons pas de cela, d'accord.

Vous avez évoqué l'industrie forestière. Comme vous le savez, l'industrie forestière est composée de grosses sociétés. Votre question est pertinente car elle fait ressortir que le processus d'exclusion financière enclenché par la restructuration du système bancaire—laquelle interviendrait de toute façon mais serait amplifiée par les fusions—intervient également dans un certain nombre d'autres domaines.

Par exemple, je signalerais la difficulté à trouver des médecins dans la Colombie-Britannique rurale. Je n'ai pas de chiffres de population ici, mais Fraser Lake, une petite ville proche de Prince George, a maintenant perdu ses deux seuls médecins à cause de la difficulté à fixer le personnel médical en zone rurale. Les habitants de Fraser Lake doivent maintenant aller jusqu'à Vanderhoof pour trouver un médecin. La compagnie aérienne locale, Central Mountain Air, vient d'annoncer la réduction de ses vols. Depuis lundi, la localité de Dease Lake n'a plus de service aérien, ce qui signifie un trajet de sept heures et demie par la route jusqu'à Terrace. L'abolition du tarif du Nid-de-Corbeau et de la subvention donnée aux céréaliculteurs pour le transport de leur grain a touché le port de Prince Rupert.

Nous assistons donc à une détérioration très rapide et interdépendante des services disponibles dans les campagnes. Il y a un changement dans la géographie économique qui fait que certaines grandes villes voient leur poids financier et économique s'agrandir alors que les collectivités rurales deviennent de plus en plus marginalisées, si bien qu'il faut considérer les fusions bancaires dans ce contexte plus large.

Mme Sophia Leung: Je vous remercie.

Je m'adresse au représentant du Fraser Institute. Vous êtes partisan des fusions bancaires en raison des économies de coût et d'échelle. Que faites-vous des facteurs humains tels que la perte d'emplois et l'impact sur les petites localités comme Dawson Creek?

M. Fazil Milhar: Ce qui milite en faveur des fusions bancaires sont les gains d'efficience au cours des prochaines 10 ou 20 années. Parallèlement, je pense que les craintes relatives aux pertes d'emplois sont tout à fait justifiées dans l'immédiat. À court terme, il y aura une période de transition et des suppressions d'emplois, c'est vrai. Mais la question est de savoir si l'on veut protéger les emplois dans l'immédiat et en perdre à long terme. La question est aussi de savoir si vous voulez considérer cette question à courte ou à longue échéance.

• 1345

Comme nous l'avons montré dans notre étude, les chiffres d'emploi des cinq grosses banques ont clairement augmenté au cours des dix dernières années. Le secteur des services financiers est en croissance à cause du changement technologique. On voit la croissance dans différents types de prestation de services financiers, tels que la banque mobile. Les services sont fournis de manière différente, ce qui bien sûr crée davantage d'emplois. Par exemple, si vous cherchez une hypothèque aujourd'hui, vous pouvez le faire par l'Internet. Il y a aussi des courtiers qui viendront chez vous, vont s'asseoir avec vous et s'occuperont de tout. Il y a clairement une tendance vers des services hautement spécialisés et des emplois à haut salaire. À long terme, on verra l'emploi augmenter.

Si vous regardez toutes les phases du changement technologique au fil des ans—au fil des siècles, de fait—on constate qu'il y a une destruction créative, selon l'expression du professeur Schumpeter en 1942. À long terme, il en résulte davantage d'emplois. C'est pourquoi je pense que le comité et le gouvernement fédéral devraient peut-être adopter une perspective à long terme plutôt qu'à court terme concernant cette question des fusions.

Le président: Je vous remercie.

Mme Sophia Leung: Professeure Cohen, j'aimerais vous remercier, vous et votre équipe. J'ai réellement apprécié votre exposé et je prendrai le temps de lire tout votre mémoire. Il est très bien écrit.

À la page 56, numéro 4, vous parlez du contrôle étranger. Vous aimeriez que le plafond de 10 p. 100 soit maintenu. Je me demande pourquoi cette limite existe? Comme vous le savez, nous sommes à l'ère de la mondialisation et c'est une préoccupation générale. Tant la Colombie-Britannique que le reste du Canada ont des débouchés internationaux très limités. Pourquoi pensez-vous qu'il faille s'inquiéter? Cela va certainement nous limiter dans notre développement futur.

Mme Marjorie Griffin Cohen: La suppression de la règle des 10 p. 100 est recommandée par les banques à titre de contrepartie des fusions, afin d'intensifier la concurrence. Dans l'ensemble, nous estimons que cela n'intensifierait pas la concurrence, pour une raison précise: la grande barrière pour les sociétés actuellement implantées au Canada est la taille des firmes existantes, leur nature oligopolistique.

Nous sommes préoccupés par la suppression de la règle des 10 p. 100. Nous pensons qu'elle serait davantage dans l'intérêt des banques qui pourraient s'absorber les unes les autres et acquérir de plus en plus un monopole, puis être exposées à une prise de contrôle internationale, qui est une possibilité. Lorsque nous en avons parlé aux banques, elles ne l'ont pas contesté. Elles pensent que c'est une possibilité réelle.

Il est possible également que plus les banques deviendront grosses, et plus elles deviendront une proie attrayante pour les banques étrangères. Nous pensons donc que la règle des 10 p. 100 est à peu près la seule chose qui ait permis à notre système bancaire de rester canadien.

Mme Sophia Leung: Je vous remercie.

Le président: Nous allons avoir une question de chacun des membres suivants: Mme Bennett, puis M. Gallaway et M. McKay.

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Est-ce que cela inclut un discours comme celui de M. Harris?

Le président: Vous pouvez faire un discours. Vous pouvez toujours tronçonner votre question.

Mme Carolyn Bennett: Je vais me limiter dans mes questions au Fraser Institute. Je vois dans votre énoncé de mission au début que vous faites de la recherche sociale pour assurer le bien-être des Canadiens, mais votre mémoire ne parle que des coûts. Je ne vois aucune mention du service dans votre mémoire. Et vous affirmez que la politique publique ne doit pas et ne peut pas se substituer à la stratégie commerciale. Ceux d'entre nous qui sont responsables de la politique publique considérons devoir oeuvrer dans l'intérêt public, et je m'inquiète de voir qu'il n'y a rien dans votre mémoire sur la responsabilité envers les collectivités.

Vous avez choisi d'ignorer de gros pans du rapport MacKay. Que devons-nous penser de mesures telles que la Community Reinvestment Act mise en place aux États-Unis? Vous semblez avoir quelque appétit pour les comparaisons avec les États-Unis.

• 1350

Avez-vous un avis sur la responsabilité des banques ou du secteur financier envers cet énorme pays, où il n'y aura pas de raison économique d'avoir une agence dans une région donnée? Nous pourrions nous retrouver avec les trois quarts du pays sans banque. Je ne pense pas que les banques aient fait grand-chose pour développer un réseau de fibres optiques ou quelque chose qui permette de réellement connecter le reste du Canada.

Lorsque nous étions à Iqaluit, à Grise Fjord ou Pangnirtung ou Cape Dorset, le seul serveur était à Iqaluit. Les gens paient des frais d'interurbains énormes pour se brancher sur l'Internet. Je ne vois pas comment vous pouvez compter que nous, responsables de la politique publique, puissions ignorer ces choses pour le bien de ce que vous appelez la concurrence ou le coût. Si les gens n'ont pas de service, en quoi seront-ils rassurés que vous leur disiez que les coûts vont baisser?

Le président: Monsieur Clemens.

M. Jason Clemens: Certainement. J'attire votre attention sur le tableau I, où nous donnons les estimations de coût. L'économie pour les Canadiens sera de 1 000 $ à 3 000 $ au cours des dix prochaines années...

Mme Carolyn Bennett: Mais s'ils n'ont pas d'agence et pas de service, que vont-ils économiser? Comment pouvez-vous soustraire quelque chose de zéro?

M. Jason Clemens: Non, mais encore une fois, la question concerne les services qu'ils ont. Si le coût de ces services...

Mme Carolyn Bennett: Je dis que si l'agence ferme, comment vont-ils économiser?

M. Jason Clemens: Encore une fois, nous montrons dans notre étude que cette notion de banque en briques et mortier est dépassée dans beaucoup de pays et est en cours d'anéantissement à l'heure même où nous parlons.

Vous verrez dans l'étude que, parallèlement à l'augmentation de la population, la capacité du réseau d'agences au Canada a diminué et la capacité de l'Internet, des transactions téléphoniques et des guichets automatiques a augmenté. La question est de savoir si les clients dans les campagnes, ou les villes ou n'importe quel centre que vous voulez, peuvent effectuer des transactions bancaires telles que payer des factures, effectuer des retraits, etc. et disposer de services bancaires?

Ce que nous avons remarqué en Nouvelle-Zélande, et ce que nous avons remarqué dans le sud-ouest de l'Ontario où j'ai travaillé dans le secteur bancaire, est une prolifération des services hors-agence—c'est-à-dire de spécialistes en hypothèques et en fonds de retraite qui ne sont pas basés dans une agence. Ils couvrent une région, et au lieu que les clients doivent se précipiter dans une agence pour un rendez-vous à 14 h 15, le vendeur vient à eux.

Je considère que ces méthodes de fourniture de remplacement se multiplieront avec les fusions.

Mme Carolyn Bennett: Monsieur Clemens, mon père a un commerce de fleurs et chaque jour il doit vider la caisse. Lorsque l'agence au coin de la rue a fermé, il a choisi d'ouvrir un compte dans une autre banque de l'autre côté de la rue au lieu de monter en voiture chaque jour pour se rendre à la Banque Royale la plus proche. Il avait cette option, car son magasin se trouve être dans Toronto Nord. Dans les petites localités, on demande maintenant aux commerçants ou à un de leurs employés de faire une heure de route dans chaque sens pour déposer la recette. Je ne vois pas que les banques se bousculent pour lui envoyer quelqu'un et ramasser sa caisse chaque jour. Je ne vois pas de changement réel dans la manière de travailler. Même si mon père était capable de remplir un bordereau de dépôt sur l'Internet, je ne vois pas que quiconque se précipite pour lui faciliter la tâche.

M. Jason Clemens: De fait, si vous regardez les chiffres de l'ACP pour les dix dernières années, on voit que presque la moitié de tous les virements passant par l'ACP sont maintenant électroniques. C'est la même chose que le système de paiement direct, où le client dans le magasin de votre père, au lieu de lui tendre 20 $, utilisera une carte Interac.

À cet égard, je pense que la prolifération de l'argent électronique et des nouvelles cartes électroniques, qui va intervenir au cours des cinq prochaines années, va réduire plus avant l'emploi d'argent en espèces.

Pour la plupart de nos transactions nous n'aurons plus à tendre un billet de 20 $ et à recevoir la monnaie. Avec le progrès technologique, si nous ne le freinons pas, le genre de choses dont vous parlez ne sera plus qu'un souvenir de l'époque où il fallait échanger des billets de 20 $, car les transactions seront surtout électroniques.

Mme Carolyn Bennett: Si seulement un client du magasin paie en espèces chaque jour, mon père a ce problème du dépôt de l'argent à la banque. Même à 98 p. 100 de transactions électroniques, nous avons toujours un problème.

M. Fazil Milhar: Puis-je répondre rapidement sur un autre élément que vous avez abordé, la responsabilité des politiciens à l'égard de la politique publique? En 1997, les six grandes banques ont réalisé environ 7,5 milliards de dollars de profit et payé 6,9 millions de dollars d'impôt. Elles ont versé environ 66 millions de dollars de dons de charité.

• 1355

Si nous voulons un système compétitif leur permettant de prospérer, afin qu'elles puissent payer des impôts élevés et fournir des emplois bien rémunérés, il faut mettre en place un cadre réglementaire qui leur permette de faire tout cela. Il ne faut surtout pas leur attacher les mains dans le dos et leur demander de faire du trapèze. Et pour cela, car il y a la concurrence de ces nouvelles technologies et de nouvelles banques venant des États-Unis, etc., il faut veiller à ce que nos banques soient compétitives. Nous voulons que nos gars soient gagnants. S'ils ne sont pas gagnants, ils ne peuvent avoir des emplois hautement rémunérés, ils ne peuvent créer des emplois ni payer le niveau élevé d'impôt qu'ils payent aujourd'hui.

Le président: Monsieur Gallaway.

M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.): Puis-je parler maintenant? Puisque je suis limité à une question, elle sera très générale.

J'ai beaucoup apprécié la matinée. Nous avons eu toute la gamme d'opinions que l'on entend, pas seulement en Colombie-Britannique. Il n'est pas besoin de venir en Colombie-Britannique pour entendre ce vaste éventail d'opinions.

Mais il me semble aussi que l'on nous demande de considérer les modèles économiques comme une science, un processus scientifique. Sans vouloir offenser les économistes présents ce matin, je ne suis pas certain que ce soit une science méritant le genre de précision... J'essaie de dire les choses sans offenser personne.

Le président: Y a-t-il une question?

M. Roger Gallaway: Oui, il y a une question.

Je veux poser la question parce qu'on m'a demandé de le faire. M. Clemens ou M. Milhar ont indiqué que 87 p. 100 des demandes de prêt de petites entreprises sont approuvées—je crois que c'est ce que vous avez dit—et pourtant il y a un groupe, appelé la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, qui est violemment opposé à toute fusion bancaire. Ils disent que vos chiffres sont faux. En fait, ces recherches indiquent tout le contraire. Des groupes tels que Democracy Watch qui ont comparu devant le comité affirment que les banques refusent de révéler toute donnée qui permettrait d'arriver à ce genre de conclusion.

Nous avons donc ce chiffre très précis de 87 p. 100 d'approbation, alors qu'un certain nombre d'autres groupes qui connaissent de près le milieu disent que ce n'est pas vrai. Que répondez-vous à cela?

M. Fazil Milhar: Je ne fais que citer ce chiffre. Il vient d'une enquête indépendante. Des enquêtes indépendantes sont effectuées auprès des banques sur les taux d'octroi de prêts, particulièrement aux petites et moyennes entreprises. Je citais une étude, une étude indépendante, qui indique que 87 p. 100 des demandes de prêt des petites et moyennes entreprises ont été approuvées.

Cela dit, certaines études provenant des banques—je ne peux mentionner le nom de la banque, bien sûr, mais je l'ai de bonne source—indique que le taux d'approbation est maintenant passé à 93 p. 100 dans une certaine banque.

On peut débattre de la question du crédit aux petites et moyennes entreprises et celle de savoir s'il est suffisant, mais il ne faut pas perdre de vue le capital-risque, la levée de capital et de capital-risque comme sources possibles de financement. Les banques n'ont traditionnellement pas ce rôle et peut-être est-il temps de replacer la question dans un contexte plus large.

Mme Marjorie Griffin Cohen: Je pense que le chiffre de 87 p. 100 néglige l'auto-sélection des petits entrepreneurs qui renoncent à s'adresser aux grandes banques. Mais c'est très intéressant, car un grand nombre des petits emprunts sont complètement garantis, si bien qu'il n'y a virtuellement aucun risque pour les grosses banques. La garantie est donnée par des groupes tels que Développement des collectivités, etc.

Il y a manifestement des différences entre banques quant à leurs services aux petites entreprises. Certaines ont considérablement réduit la proportion de leurs crédits allant aux petites entreprises et d'autres l'ont légèrement augmenté.

Vous connaissez certainement les rapports publiés par le groupe de travail de Tony Ianno qui contient ce type de renseignements sur les banques.

Le président: Je vous remercie.

Monsieur McKay.

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): À mon tour, enfin.

Je veux parler avec le Fraser Institute d'une réponse peu franche à la question de M. Riis, car c'est un élément très inquiétant.

• 1400

Ces propositions, si elles sont approuvées, mettent en jeu un actif valant quelque chose comme un billion de dollars, soit à peu près l'équivalent de notre PIB, soit cinq ou six fois le budget de tout le gouvernement fédéral.

Les banques ne sont pas réputées pour la perspicacité de leurs investissements. L'une des banques candidates, en particulier, la CIBC, a voulu avaler Oppenheimer et éprouve quelques difficultés de digestion. Le marché l'a sanctionnée en faisant baisser ses actions de 80, pour tomber à 40—dans ces environs-là.

Si les fusions se font, je vous dis que nous cesserions d'avoir un problème du côté des actionnaires de la CIBC et nous retrouverions avec un problème national avec la CIBC parce que nous ne pouvons laisser couler une banque. C'est finalement la grande question que posent ces fusions. On nous a abusés. M. Heal a été abusé par ses banques par le passé et je n'hésite pas à dire qu'il le sera encore à l'avenir, quoi qu'il advienne.

Le vrai problème ici est que les fusions, telles que proposées, aboutiraient à des banques beaucoup trop grandes pour notre économie et la capacité de notre économie de rechercher des options raisonnables.

M. Jason Clemens: Je vous remercie. Encore une fois, je répète ce que j'ai dit en réponse à l'éminent député, M. Riis. Au sujet de la notion de risque systématique, pour y échapper, il faudrait une différence sensible entre les portefeuilles de prêts des cinq banques nationales. En l'absence d'une différence substantielle entre les portefeuilles, tout choc susceptible d'intervenir touchera toutes les banques également, à quelques petites différences près.

M. John McKay: Je ne comprends pas cette réponse, car la différence entre les portefeuilles de prêts n'a rien à voir avec notre situation actuelle. Vous avez beau avoir un portefeuille de prêts ultra solide, dans le contexte de la crise qui se profile—un écroulement du marché tel que des billions de dollars partent en fumée—cela importerait peu. Les fusions proposées imposeraient de ce fait un problème énorme au système bancaire et, par voie de conséquence, à la population canadienne.

M. Jason Clemens: Mais ce que je dis est que l'ampleur du problème est la même qu'il y ait trois ou cinq banques, étant donné que vous avez...

M. John McKay: Non, ce n'est pas vrai. Supposons que la Banque TD s'écroule et que son actif soit de l'ordre de 150 à 200 milliards de dollars. La meilleure estimation que j'ai entendue est que le gouvernement se retrouverait à éponger environ 10 p. 100 de ce montant. C'est donc une chose d'éponger 20 milliards de dollars; c'en est une autre d'éponger 10 p. 100 de 500 milliards de dollars ou un chiffre de cet ordre.

M. Jason Clemens: Non. Vous décrivez une situation où un facteur externe au système créerait un choc tel que l'une des grandes banques ferait faillite. J'essaie de vous montrer que, si l'on regarde les portefeuilles de prêts, ils sont à peu près homogènes. Les banques tendent à avoir la même distribution régionale et sectorielle dans leurs portefeuilles, si bien que tout choc qui ébranlerait la Banque TD, pour reprendre votre exemple, ébranlerait tout aussi bien les autres grandes banques, à quelques différences près, vu l'homogénéité de leurs portefeuilles de prêts.

Le scénario que vous décrivez serait donc une situation où un choc externe ou interne n'affecterait que l'une des grandes banques—dans ce nouveau scénario l'une des grandes banques fusionnées—sans toucher à peu près dans la même mesure les autres banques. Je réponds que je ne peux pas imaginer quel type de choc ce serait. L'exemple de la CIBC et Oppenheimer est un problème d'intégration et je reconnais volontiers que ses actions ont marginalement souffert en bourse. Mais encore une fois, on est loin d'une faillite.

M. John McKay: Cinquante pour cent, c'est beaucoup.

M. Jason Clemens: Mais la plupart des gens ont regardé le marché des services financiers et la baisse des actions de la plupart des banques aux États-Unis, au Canada et en Europe n'est pas due aux problèmes d'intégration de la CIBC; elle est due à l'exposition des banques en Asie et en Russie. Encore une fois, c'est le genre de choc dont nous parlons qui va toucher et qui a touché toutes les banques à peu près dans la même mesure. Donc, encore une fois, la question est celle des portefeuilles de prêts systématiques de chacune de ces banques et l'existence ou non d'un différentiel qui ferait qu'elles seraient touchées différemment.

• 1405

M. John McKay: Je peux retourner entièrement votre argument, car vous dites qu'elles ont toutes des portefeuilles de prêts similaires, et s'il se produit un effondrement mondial des marchés et qu'une banque fusionnée fait faillite, nous devrons éponger 50 milliards de dollars, et cela deviendra un problème pour le gouvernement du Canada. Si les fusions ne se font pas, ce sera le problème des actionnaires.

M. Jason Clemens: Je ne vois pas comment ce ne pourrait pas être un problème pour les actionnaires aujourd'hui.

M. John McKay: C'est le problème des actionnaires aujourd'hui.

M. Jason Clemens: Les fusions doubleront pratiquement la capitalisation boursière et comptable des quatre banques qui n'en feront plus que deux. Vous verrez donc une augmentation considérable de la capitalisation boursière.

M. John McKay: Avec une telle capitalisation, en cas d'effondrement des marchés boursiers mondiaux, le gouvernement du Canada devrait venir sauver le système bancaire.

M. Jason Clemens: Excusez-moi si je ne suis pas assez clair. Le fait est que si vous avez 100 millions de dollars d'actions distribuées entre cinq grandes banques et que vous en fusionnez quatre pour en former deux, vous aurez toujours à peu près les mêmes 100 milliards de capitalisation boursière. Les portefeuilles de prêts seront toujours sensiblement les mêmes, sauf qu'ils auront été regroupés. Mon argument est que, pour que l'entité fusionnée soit touchée davantage que ne l'aurait été l'entité avant fusion, il faudrait une différence dans les portefeuilles de prêts ou une différence dans les structures du capital-actions avant et après la fusion. Aucune des propositions que j'ai vues ne prévoit ce genre de changement structurel.

M. Nelson Riis: Pour en revenir à la remarque de Jason, lorsque le Mexique s'est ouvert, l'une des banques canadiennes s'est lourdement exposée au Mexique et a largement trinqué. C'était l'une des banques. N'y a-t-il pas un risque que si les fusions sont approuvées, l'une des grosses banques fusionnées s'expose excessivement sur l'un des marchés nouvellement émergents, comme l'Indonésie, ou le Brésil, ou peu importe? Ce ne serait pas toutes les banques, mais l'une des banques s'exposerait lourdement, mettons au Brésil ou sur le marché latino-américain, et coulerait, sans que les autres banques en fassent autant. Elles auraient investi ailleurs. Je ne sais pas où elles pourraient investir ailleurs sans s'exposer de nos jours, mais supposons qu'elles ne soient pas en Indonésie ou dans quelque autre lieu. N'est-ce pas une possibilité?

Je pense que le ministre Martin s'inquiète de ce genre de choses, par opposition à l'exposition dans un secteur, comme le pétrole et le gaz qui connaîtraient une récession—l'exposition géographique d'une banque dans une région qui plonge dans un gouffre.

M. Jason Clemens: Je suis d'accord avec vous et je conviens tout à fait que le risque systématique est une question importante. Je conviendrais avec M. McKay que ce serait une question importante s'il y avait des différences sensibles entre les portefeuilles de prêts. Mais il est intéressant de regarder la distribution. Par exemple, la Banque de Nouvelle-Écosse est la plus grosse banque dans la région Caraïbes et est la plus diversifiée à l'échelle internationale, comparée aux autres banques. Mais si vous regardez la provenance de leurs profits, il y a toujours une relative homogénéité avec les quatre banques nationales restantes. Donc, bien qu'elle soit davantage exposée dans la région Caraïbes que les autres banques—la Banque de Montréal, par exemple, est davantage exposée sur le marché de détail aux États-Unis que les autres banques—la structure de leurs prêts reste néanmoins très homogène.

Je répète simplement que la nature systémique de leurs portefeuilles de prêts ne change pas, qu'il y ait fusions ou non.

Le président: Je vous remercie.

M. Jason Clemens: J'ajouterais juste très rapidement qu'une bonne partie des données à ce sujet sont confidentielles. Mais avec celles dont nous disposons pour analyse, je reconnais qu'une concentration géographique spécifique, si elle existe, est inquiétante. Je citerais l'exemple de la CIBC qui a affiché en 1992 une perte nette à cause de ses pertes dans Canary Wharf. Mais, encore une fois, les données disponibles indiquent que les portefeuilles de prêts sont beaucoup plus homogènes qu'on ne le pense.

M. John McKay: Cela ne changera pas.

Le président: Je vous remercie.

Madame Cohen.

Mme Marjorie Griffin Cohen: Juste une dernière petite remarque. Je pense que Roger Gallaway a fait une remarque très intéressante, à savoir que lorsque les économistes parlent des marchés, ce n'est pas une science. Il n'y a rien de fiable et, dans bien des cas, cette croyance en la capacité autorégulatrice des marchés est une idéologie beaucoup plus qu'une réalité.

Lorsqu'on ramène toute la problématique à des notions étroites telles que l'emploi et l'accès des clients, on perd de vue le problème beaucoup plus large qui résultera des fusions bancaires—à savoir l'effet sur la capacité de nos gouvernements et de nos citoyens d'établir le genre de société que nous voulons et le genre d'économie que nous voulons, face à une concentration aussi énorme de richesse aux mains d'une poignée de gens dans notre pays.

• 1410

Je pense que cette concentration du pouvoir compromet des objectifs importants de notre système économique et politique. Ce qui importe, c'est que ces systèmes servent le peuple, et non pas l'inverse.

Le président: Je vous remercie, professeure Cohen.

J'ai une question, si je puis.

M. Dick Harris: Qu'elle soit brève.

Le président: Vous avez raison, la concentration de la richesse et du pouvoir est une question très importante. Qui possède ces banques?

Mme Marjorie Griffin Cohen: Cette règle de propriété de 10 p. 100 est importante. On dit que les banques appartiennent au public parce que les fonds de pension en détiennent des actions, ce qui est vrai, mais un pouvoir énorme est aux mains de ceux qui contrôlent les banques. C'est une raison de ne pas supprimer la règle des 10 p. 100, afin que les gens ordinaires puissent continuer à être des participants importants dans les banques. Mais il y a une différence entre avoir son fonds de pension investi dans les banques et avoir un pouvoir de décision sur l'usage fait de cet argent. C'est une grosse différence.

Le président: Mais les Canadiens en retirent avantage sous forme de dividendes. Il faut un profit.

Mme Marjorie Griffin Cohen: C'est vrai. Mais ce n'est pas ce qui intéresse le plus les gens. Que leur fonds de pension fasse un profit ou non n'est pas leur préoccupation première. C'est le contrôle sur la politique économique et sociale de ce pays qui les préoccupe le plus. Si la forte concentration qui existe déjà au Canada devient encore plus forte, ce contrôle devient encore plus grand.

Le président: Êtes-vous préoccupé par le fait que si l'on regarde la part de marché détenue par—je parle là de quelques indicateurs de la concentration dans les secteurs de l'économie canadienne—les cinq plus grosses banques accaparent 58,1 p. 100 de tous les dépôts, selon le rapport MacKay, alors que dans le secteur de l'assurance-vie, les cinq plus grosses compagnies accaparent 59,3 p. 100 des primes. Je veux en venir à ceci. Malheureusement, le Canada parle de ces fusions comme si elles étaient la seule chose qui comptait réellement dans le secteur des services financiers, un secteur qui emploie 500 000 personnes et pèse 5 p. 100 du PIB, alors que le statu quo n'est tout simplement pas une option, que cela nous plaise ou non.

Malheureusement, toute cette question des fusions accapare réellement tout le débat public. On ne parle donc plus de normes minimales de protection de la vie privée et on ne parle plus des questions qui sont importantes pour les Canadiens.

Il y a toute la question de la concurrence, les mesures à prendre pour intensifier la concurrence. Quelle meilleure façon de protéger le consommateur que de renforcer la concurrence sur le marché? Quelle meilleure façon que de moderniser les caisses de crédit? Quelle meilleure façon que d'établir des institutions financières de second rang qui contribueraient à la concurrence? Comment pouvons-nous promouvoir l'esprit d'entreprise au Canada en permettant aux gens de monter des sociétés de services financiers capables d'apporter la concurrence dont nous parlons tous?

Je pense donc que le débat doit s'élever au-dessus et dépasser la question des fusions, sans parler du fait que notre comité n'est même pas saisi des deux fusions proposées. La fusion est une pratique commerciale légitime pratiquée partout dans le monde.

Il s'agit donc de se pencher sur les questions d'intérêt public—par exemple, l'emploi. Voilà un parfait exemple où les gouvernements de tous bords ont comprimé les effectifs de fonctionnaires afin de rendre leur administration plus efficiente et ont été applaudis par les Canadiens d'une côte à l'autre. De l'autre côté, nous avons des banques qui ont toujours critiqué les grosses bureaucraties. Et que font-elles? Eh bien, elles créent cette énorme bureaucratie en fusionnant. Voyez-vous les incohérences du débat? Il y en a tellement. Mais je pense que nous devons nous pencher sérieusement sur quelques tendances.

• 1415

Les gens s'affrontent sur la question de la technologie. Eh bien, je peux dire une chose avec certitude, c'est que nous sommes passés de la pièce de monnaie au billet de banque, de là à la carte de crédit, de là à la carte de débit et nous allons passer à la carte intelligente. De cela je suis sûr. Personne ne peut le contester.

Je sais aussi que 500 personnes travaillaient jadis sur une ferme jusqu'à l'arrivée du tracteur. Cela est certain. Et si quelqu'un dans le panel peut le contester, qu'il le dise. Ai-je raison?

M. Blair Lekstrom: C'est une grosse ferme.

Le président: Oui, c'est juste, c'est une grosse ferme.

Voyez-vous où je veux en venir? Il y a des certitudes que l'on ne peut évacuer. Il semble que tout le monde se soucie de l'existence d'agences dans les petites localités et ce genre de choses, mais il y a certaines réalités économiques qu'il faut également considérer.

J'en viens à ma question. Je viens de vous indiquer le degré de concentration, d'accord? Maintenant, si cela devait sauver une agence bancaire, autoriseriez-vous les banques ou les institutions de dépôt à vendre de l'assurance et à faire du crédit-bail?

M. Blair Lekstrom: Demandez-vous si je serai en faveur de cela si cela signifiait que les succursales seraient sauvées?

Le président: Oui.

M. Blair Lekstrom: Avant de répondre par oui ou non, il faudrait que je voie ce que cela implique. Mais je ne disconviens certainement pas qu'il faut considérer tous les aspects, de façon à couvrir les questions que j'ai mises en avant au sujet des petites localités.

Si la question se pose, et si le résultat était dans l'intérêt des petites localités du pays, j'y réfléchirais certainement. Mais je ne vous répondrais certainement pas aujourd'hui par oui ou par non sans avoir toutes les données à ma disposition et sans les examiner. Je pense que c'est trop souvent le cas lorsque les décisions sont prises.

Toutes sortes d'options peuvent être envisagées, comme l'indique le rapport MacKay, s'agissant du secteur des services financiers. Je ne pense pas non plus que le statu quo soit acceptable. Je pense que nul autour de cette table pense que le changement est évitable. Mais encore une fois, c'est une question d'équilibre. L'aspect le plus important à considérer est l'équilibre de la société face aux changements qui se profilent, que ce soit dans le secteur des services financiers ou dans tout autre.

Le président: Permettez-moi de reformuler la question. Pensez-vous que les agences ont une meilleure chance de survivre si elles vendent davantage de produits ou offrent davantage de services?

M. Blair Lekstrom: En offrant davantage de services, oui. Pour ce qui est des produits, encore une fois, il faudrait que j'étudie cela avant de me prononcer dans un sens que je regretterais dans deux semaines, réflexion faite.

Encore une fois, je suis disposé à examiner toutes les possibilités qui peuvent contribuer au bien de nos collectivités. Je pense que c'est notre devoir à tous, que nous soyons du côté des banques, du côté des petites localités ou du côté du gouvernement. Tout le monde a la même obligation, celle d'oeuvrer dans le meilleur intérêt du public.

Le président: Combien d'agences les compagnies d'assurances ont-elles dans votre ville? Est-ce que les gens y vont souvent?

M. Blair Lekstrom: Oui, ils le font.

Le président: Voir des courtiers d'assurances? Voir de petits...

M. S.C. Heal: Ils vont dans les agences d'assurances, mais pas dans des bureaux de compagnies, à Dawson Creek. En fait, je suis personnellement très opposé à cette idée que les banques vendent des polices d'assurance, car ayant travaillé dans l'assurance moi-même pendant de nombreuses années, et possédant les qualifications professionnelles, pour lesquelles je dois travailler fort, ajouterais-je, je sais que ce n'est pas une tâche que je voudrais infliger à un commis de banque inexpérimenté qui doublerait comme agent d'assurances ou quelque chose du genre.

L'autre problème, c'est de savoir où cela va s'arrêter? Elles parlent d'assurance personnelle, d'assurance-automobile, le genre de chose qui concerne le particulier personnellement, mais dans une collectivité agricole, l'état d'agriculteur comporte des risques très particuliers—par exemple, l'assurance du bétail, l'assurance- récolte et l'assurance contre la grêle.

• 1420

Dans mon propre domaine, l'assurance maritime, je suis convaincu qu'il n'y a absolument pas moyen qu'une banque de nos jours puisse offrir le service fourni par des assureurs maritimes spécialisés et des courtiers hautement qualifiés et une structure commerciale tout aussi étoffée que le système bancaire lui-même, à moins que la banque prenne toute la structure de la banque maritime et la transfère physiquement dans ses locaux.

Le président: Monsieur Heal, encore une fois, c'est l'un ou l'autre. Pour en revenir à ce que disait Mme Bennett, il y a des régions de notre pays qui sont isolées et qui n'ont pas accès à la technologie. C'est une réalité. Mais il y a aussi une autre réalité, à savoir qu'il y a des gens ayant accès à la technologie, et il faut donc suivre le progrès technologique. Le monde n'est pas un lieu homogène, et il faut donc répondre aux besoins divers des individus. Ce que je veux dire, c'est qu'il existera toujours un expert dans ce domaine particulier de l'assurance. N'est-ce pas?

M. S.C. Heal: Oui.

Le président: Vous dites avoir travaillé dans un domaine spécialisé. Nous avons déjà cette situation. Vous pouvez coexister, croyez-le ou non. Pourquoi ne me donnez-vous pas le choix, comme consommateur, pour que, si je veux acheter mon assurance à la banque, je peux le faire, ou si je veux y conclure un crédit-bail automobile, je le peux? Pourquoi pas?

M. S.C. Heal: C'est une question de choix. Mais ma préférence personnelle, si je devais acheter une assurance, même du type le plus simple, serait d'aller voir mon courtier d'assurances, dont je sais qu'il a les connaissances voulues. Beaucoup de caisses de crédit ont des filiales d'assurances d'une sorte ou d'une autre, et elles fonctionnent probablement assez bien. Mais je n'irais quand même pas dans une filiale de caisse de crédit de préférence à un courtier d'assurances de première classe, que ce soit pour assurer ma maison ou autre chose.

Le président: Juste une structure physique...

M. S.C. Heal: Oui, je suppose que vous avez raison dans une certaine mesure. Mais en revanche, ayant l'expérience du domaine, je pense pouvoir parler avec quelque autorité des problèmes qui se posent lorsqu'il s'agit d'une assurance hautement spécialisée.

Le président: Donc, s'il s'agit d'une filiale physiquement séparée des locaux d'une banque, c'est bien. Mais si l'agent d'assurances se trouve dans une agence bancaire, ce n'est pas bien.

M. S.C. Heal: C'est ce que je pense. Par exemple, les banques ont repris les maisons de courtage en valeurs mobilières. CIBC a racheté Wood Gundy et ainsi de suite. Je conviens qu'il s'agit là probablement d'un simple changement de propriétaire, et pas tant de philosophie. Un courtier en bourse est toujours un courtier en bourse, qu'il appartienne aux actionnaires originels de Wood Gundy ou au propriétaire actuel, la CIBC.

Le président: Monsieur Riis.

M. Nelson Riis: C'est juste que j'ai remarqué l'heure. Il y a beaucoup de gens ici qui étaient censés comparaître à 11 heures. Ils ont probablement tous d'autres engagements, et je me demandais si nous pourrions...

M. S.C. Heal: Je pense que vous avez compris ma position.

Le président: D'accord. La raison pour laquelle je pose ces questions est que j'estime que le débat devrait être un peu plus large et ne pas se limiter aux deux fusions.

Quoi qu'il en soit, je vous remercie infiniment au nom du comité. La discussion a été très intéressante.

La séance est suspendue pour deux minutes.

• 1424




• 1428

Le président: Je déclare la séance ouverte et souhaite de nouveau la bienvenue à tout le monde ce matin.

Nous allons d'abord entendre le Vancouver Board of Trade. Monsieur Darcy Rezac, soyez le bienvenu.

M. Darcy Rezac (directeur général, Vancouver Board of Trade): Je vous remercie, monsieur le président.

Le Vancouver Board of Trade est une association patronale financée entièrement par ses membres, qui sont au nombre de 4 400. L'association a été fondée en 1887. Toutes les banques en sont membres, de même que la plupart des caisses de crédit du Lower Mainland.

L'économie est notre raison d'être. Nous fournissons au gouvernement des avis, tant sollicités que spontanés, sur divers sujets, principalement dans la sphère économique. De temps à autre nous allons nous mêler de sujets tels que la criminalité, etc. et prendre des positions à leur sujet, mais dans l'ensemble nous nous limitons aux questions économiques. Comme vous le savez, la conjoncture est très difficile en ce moment en Colombie-Britannique.

• 1430

Nous sommes membres du Forum économique mondial de Davos, en Suisse, et partirons à une conférence là-bas plus tard cette semaine. Nous recevons également quantité de visiteurs étrangers.

L'une des choses dont nous sommes très fiers au Canada, lorsque nous recevons des étrangers et voyageons à l'étranger, est la solidité de nos institutions financières. Bien sûr, nous n'avons pas à chercher beaucoup plus loin que certains de nos partenaires commerciaux les plus proches en Asie pour voir la situation inverse, et nous avons donc lieu d'être fiers.

Nous, dans notre association, restons les bras croisés lorsque taper sur les banques devient le sport à la mode, car nous considérons que la solidité de nos institutions financières et leurs profits méritent plutôt des louanges.

Après tout, les profits bancaires servent à trois choses. Premièrement, ils servent à payer l'impôt, et 70 p. 100 de l'impôt va aux programmes sociaux par le biais des paiements de transfert. Les profits servent aux dividendes, et un Canadien sur deux est un actionnaire, si bien qu'il bénéficie directement des profits des banques. La troisième destination des profits est le réinvestissement, lequel permet de verser encore plus sous les deux rubriques précédentes. Donc, il y aurait lieu de célébrer les profits des banques. Or, en tout cas, en Colombie-Britannique, diverses factions, dont le gouvernement provincial, critiquent rondement les profits des banques, alors qu'il faudrait plutôt s'en louer. Voilà donc une petite préface à mon exposé.

Ce que je veux faire surtout aujourd'hui est attirer votre attention sur l'importance du secteur bancaire pour l'économie de la Colombie-Britannique—et j'ai remis des copies de l'analyse à votre personnel, monsieur le président.

Nous sommes bien servis par les institutions financières de la Colombie-Britannique. Les caisses de crédit apportent une bonne concurrence aux banques. Les banques se concurrencent bien entre elles.

Une étude que nous avons menée en novembre 1997 sur l'impact économique du secteur bancaire mérite votre attention. Il s'en dégage deux grandes conclusions; je ne passerai pas en revue tout le rapport.

Les intervenants précédents ont fait état de données concernant le service aux petites entreprises. Ces dernières ont le choix entre divers concurrents en Colombie-Britannique. Les caisses de crédit fournissent un excellent service et représentent d'excellents concurrents pour les grandes banques. Ces dernières approuvent elles-mêmes la plupart des demandes de prêts, 75 p. 100 des prêts que les petites et moyennes entreprises demandent, selon nos recherches.

En date de février 1997, l'ensemble des dépôts et autres avoirs détenus par les banques de Colombie-Britannique totalisaient 66,8 milliards de dollars. Les prêts et autres crédits se chiffraient à 81 milliards de dollars. Ainsi, les banques ont importé le chiffre net de 14 milliards de dollars de capitaux utilisés par les habitants et les entreprises de la région. Il y a donc importation nette de capital.

Par ailleurs, pour ce qui est des coûts payés par les petites et moyennes entreprises—et la plupart de nos membres sont des petites et moyennes entreprises—selon nos recherches, les écarts au Canada sont bien plus favorables qu'aux États-Unis. Nous montrons que l'écart entre les taux bancaires, c'est-à-dire l'intérêt que les banques paient sur leurs dépôts et leurs emprunts et le taux d'intérêt auquel elles prêtent, est de 1,73 p. 100 au Canada, de 2,35 p. 100 aux États-Unis, de 2,91 p. 100 au Royaume-Uni, de 3,1 p. 100 en France, de 5,7 p. 100 en Italie et de 7,9 p. 100 en Allemagne. Donc, pour ce qui est du coût de l'argent, nos membres sont bien servis.

Je soupçonne que cela est dû en grande partie à la concurrence, et certainement à la concurrence sur les prix livrée par les caisses de crédit.

J'ai lu le rapport MacKay et je le trouve très bien fait. Si le Board of trade devait rédiger un document sur les défis et opportunités dans ce secteur, nous serions fiers s'il était de cette qualité. C'est un document très réfléchi et nous n'avons pas grand-chose à lui reprocher.

Pour ce qui est de la fusion, nous avons observé qu'une grande envergure ne signifie pas nécessairement un moins bon service. Est-ce que British Airways fournit un plus mauvais service que Lignes aériennes Canadien International, bien que la compagnie soit 10 ou 15 fois plus grosse? Pas nécessairement. Est-ce qu'American Airlines, qui a 1 000 avions, comparé aux quelque 120 de la flotte d'Air Canada, offre un plus mauvais service? Pas nécessairement. Nous ne sommes donc pas opposés en principe à une grande envergure, particulièrement lorsqu'on voit ce qui se passe dans le monde, avec tous les changements au niveau de la technologie et la concurrence mondiale.

• 1435

Cependant, sur le plan de la concentration des avoirs financiers, nous pensons qu'il importe d'avoir davantage de concurrence, comme le souligne le rapport MacKay. Et nous pensons que les caisses de crédit devraient pouvoir opérer à l'échelle nationale. C'est absolument impératif.

Si la concentration par fusion des banques résultait simplement en un plus petit nombre d'acteurs sur le marché, alors nous serions préoccupés. Mais nous ne doutons pas qu'avec les changements technologiques et la mondialisation, etc. et, espérons-nous des modifications législatives et réglementaires, la concurrence sera renforcée. Nous voyons déjà à Vancouver une concurrence accrue de la part de nouveaux venus et, si la tendance persiste, la fusion proposée devrait engendrer un système bancaire plus fort et permettre à d'autres, tels que le mouvement des caisses de crédit, d'acquérir une envergure plus nationale.

Voilà en gros ce que j'avais à dire, monsieur le président. Je serais ravi de répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Rezac.

Nous allons maintenant passer à la Credit Union Central of British Columbia, monsieur Wayne Nygren, soyez le bienvenu.

M. Wayne A. Nygren (président-directeur général, Credit Union Central of British Columbia): Je vous remercie. Je suis ravi d'être ici. Merci de nous avoir invités et donné l'occasion de vous faire part de nos vues.

Je me nomme Wayne Nygren et je suis le président-directeur général de la Credit Union Central of British Columbia. Je siège également au conseil d'administration de la Centrale des caisses de crédit du Canada et je préside son comité de la législation nationale. Je suis en outre membre du conseil d'administration de l'Association canadienne des paiements, en tant que représentant des caisses de crédit.

Je suis accompagné de Richard Thomas, vice-président chargé des relations gouvernementales et secrétaire de l'association. Il siège avec moi au comité de la législation nationale, de même qu'au comité de la politique publique de la Canadian Co-operative Association, depuis 1981.

Avant d'aller au vif du sujet, j'aimerais vous donner un bref aperçu de l'envergure du réseau des caisses de crédit en Colombie-Britannique.

Le mouvement s'est renforcé depuis 1960. Notre actif atteint 21 milliards de dollars; nous servons plus de 1,4 millions de Britanno-Colombiens; et nous avons 335 agences dans 125 localités. Collectivement, les caisses de crédit de Colombie-Britannique exploitent 418 guichets automatiques et, dans 28 localités de la province, la seule institution financière est une caisse de crédit. Nous pourrons parler de cela un peu plus tard.

Le nombre des caisses de crédit en Colombie-Britannique a atteint son apogée en 1961, avec 328 caisses, le nombre ayant décliné presque chaque année depuis pour retomber à 86 caisses aujourd'hui, comptant 335 points de service. Dans le même temps, le nombre des adhérents a été multiplié par six et le chiffre de l'actif multiplié par 80. Aujourd'hui, le réseau compte en Colombie-Britannique plus de 7 000 employés, si l'on inclut notre centrale et la Centrale de stabilisation, et apporte une contribution majeure à l'économie.

Bien que toutes les caisses de la province ne soient pas d'une taille qui leur permette de répondre à tous les besoins financiers de leurs membres, de plus en plus deviennent en mesure de le faire. Les caisses de crédit offrent non seulement toute la gamme des services de dépôts et de prêts, mais aussi des cartes de crédit, des services fiduciaires, des fonds mutuels et des services de courtage d'assurance multirisques et vie par le biais de filiales à 100 p. 100.

Les caisses de crédit en Colombie-Britannique possèdent et exploitent des agences d'assurances depuis 1960. Aujourd'hui, 38 caisses de crédit possèdent leurs propres filiales d'assurances. De même, comme dans la plupart des autres provinces, les caisses de crédit de Colombie-Britannique ont créé une centrale qui fait office de banque centrale pour le réseau, de fournisseur de services et d'association sectorielle. Chez nous, cette organisation est la Credit Union Central of British Columbia.

Les caisses de crédit de la province ont également fondé une deuxième centrale, la Centrale de stabilisation. C'est une entité juridiquement distincte de la Credit Union Central of British Columbia. Elle a été fondée en 1989 pour secourir toute caisse de crédit rencontrant des difficultés de gestion ou financières, un rôle précédemment rempli par le gouvernement provincial.

• 1440

La cote de crédit du système des caisses de crédit est pour nous un élément très important. Nous jouissons à l'heure actuelle de l'une des plus hautes cotes de crédit du pays. Les deux agences de cotation nous attribuent les mêmes cotes qu'aux grandes banques—à savoir, R1-intermédiaire et A1+.

Sur le front national, la Credit Union Central of British Columbia est le plus gros membre de la Centrale des caisses de crédit du Canada. Nous détenons 30 p. 100 des parts de la centrale canadienne et avons trois représentants à son conseil d'administration de onze membres.

Parlons maintenant du rapport MacKay. Les caisses de crédit de Colombie-Britannique souscrivent pleinement aux quatre grands thèmes isolés par le groupe de travail: renforcer la concurrence et la compétitivité, habiliter les consommateurs, répondre aux attentes des Canadiens et améliorer le cadre réglementaire.

Pour commencer avec le système des caisses de crédit, nous félicitons le groupe de travail pour la perspicacité et la précision avec lesquelles il a décrit les forces et les faiblesses du secteur financier coopératif canadien. Nous partageons l'avis que, si le gouvernement ne peut imposer par une loi un deuxième palier d'institutions financières dynamiques, les caisses de crédit du Canada se sont développées et continuent à se développer à titre de principal concurrent des banques à charte canadiennes dans le domaine des services financiers de détail.

Nous approuvons la recommandation du groupe de travail préconisant la modification de la Loi sur les associations coopératives de crédit de manière à permettre aux centrales de caisses de crédit de mieux servir leurs membres, tant en modifiant la définition du mot «contrôle» aux fins de l'article 390 qu'en changeant le règlement sur l'investissement minoritaire, à savoir la règle 10-50.

Nous saluons également la recommandation invitant le gouvernement fédéral à légiférer de manière à autoriser la création de banques coopératives au Canada, de façon à ce que nous ne soyons plus confinés dans une province. Comme vous le savez peut-être, tant la centrale canadienne qu'un certain nombre de centrales provinciales sont en train de revoir les modalités selon lesquelles les centrales servent les caisses de crédit et les membres de celles-ci. Ces discussions sont de grande portée et, comme M. MacKay le reconnaîtra, démocratiques et contradictoires. Les représentants de la Credit Union Central of British Columbia sont au premier plan de ces discussions et nous comptons présenter au gouvernement fédéral un consensus national d'ici la fin de l'année.

De manière générale, les caisses de crédit de la Colombie-Britannique sont de ferventes partisanes d'une plus grande concurrence dans le secteur des services financiers. On serait fondé à dire qu'aucune institution financière au Canada n'est plus dynamique que les caisses de crédit. En ce sens, nous convenons avec le groupe de travail qu'il faut trouver de nouvelles façons d'encourager les entrants nationaux et étrangers sur le marché canadien des services financiers. La concurrence est dans l'intérêt des Canadiens. Nous pensons que cela devrait être la pierre de touche de toute décision du gouvernement de refondre sa législation sur les institutions financières et d'autoriser ou non la fusion d'institutions financières.

Nous estimons aussi que les pouvoirs publics et les autorités réglementaires devraient faire respecter strictement la législation interdisant les pratiques anticoncurrentielles. Les institutions financières de Colombie-Britannique, hormis les banques à charte, ont l'interdiction de pratiquer la vente liée depuis 1990. Nous félicitons le gouvernement fédéral d'avoir récemment introduit des dispositions similaires dans la Loi sur les banques.

Cela dit, nous soulignons la différence manifeste entre vente croisée et vente liée. La première est et doit rester une pratique commerciale acceptable qui avantage le consommateur. La seconde doit être absolument proscrite. Monsieur le président, nous appuyons la recommandation du groupe de travail invitant les gouvernements et fédéral et provinciaux à alléger et à harmoniser la réglementation, tout en assurant que le cadre réglementaire prudentiel reste en phase avec l'évolution du marché.

À cet égard, quelques négociations positives ont eu lieu entre les gouvernements fédéral et provinciaux concernant la réglementation qui nous régit nous-mêmes. Nous sommes réglementés tant au niveau fédéral que provincial. Par le passé, notre vérificateur interne, notre vérificateur externe, l'autorité réglementaire provinciale et la fédérale se penchaient tous sur exactement sur les mêmes données. L'autorité réglementaire fédérale et la provinciale se sont maintenant entendues pour effectuer les inspections en alternance chaque année. Le seul problème est qu'elles n'ont pas allégé le coût, mais elles ont quand même réduit un peu le temps que nous devions consacrer à toutes ces inspections.

Les caisses de crédit de la Colombie-Britannique ne sont pas partisanes de l'harmonisation. Cette dernière peut conduire à une réglementation réduite au plus petit dénominateur commun. Si vous considérez le système, l'évolution du secteur et les systèmes très solides du Canada, cela devient très évident: la Colombie-Britannique a un système très solide; la Saskatchewan, un système très solide; et le Québec, une législation très favorable aux caisses de crédit. En revanche, si vous regardez le Manitoba et l'Ontario, où les caisses ne sont pas très en pointe, la réglementation y représente réellement un frein. Ainsi, le cadre réglementaire a contribué de façon prépondérante en Colombie-Britannique à la force des caisses de crédit.

• 1445

Si le gouvernement à l'époque avait choisi de simplement harmoniser notre législation avec celle d'autres gouvernements, les caisses de crédit n'auraient pas été autorisées à vendre de l'assurance par le biais de filiales, de pratiquer le crédit-bail automobile ou de fournir un certain nombre d'autres services financiers. Nous pensons que la législation doit favoriser la concurrence et l'innovation, et non pas les freiner.

Merci beaucoup. Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions et j'ai ici des exemplaires de mon mémoire.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Nygren.

Nous allons maintenant entendre Brian Carroll, de la Citizens Bank.

M. Brian Carroll (consultant, Citizens Bank): Je vous remercie, monsieur le président.

Pour situer le contexte, j'aimerais vous indiquer qui je suis et qui je représente, de même que les personnes qui m'accompagnent. Je suis en fait l'expert-conseil en chef pour une proposition visant l'établissement d'une banque communautaire nationale, qui serait composée d'un groupe de caisses de crédit et de la Citizens Bank, d'où ma présence.

Malheureusement, Linda Crompton a eu un empêchement et a dû partir à l'autre bout du pays aujourd'hui, et je transmets ses excuses. Elle aimerait pouvoir comparaître à une autre date.

Je suis accompagné de Harri Jannson, qui est président-directeur général de la Richmond Savings Credit Union, ici en Colombie-Britannique, et de Len Gatto, qui est le président-directeur général de la Gulf and Fraser Fishermen's Credit Union.

Au total, 12 caisses de crédit sont concernées par le projet—couvrant toutes les provinces exceptés l'Île-du-Prince-Édouard et le Québec, ce dernier étant déjà desservi par Desjardins—et la Citizens Bank, qui est une banque de l'annexe II, filiale à 100 p. 100 de VanCity.

Nous ne voulons pas prendre trop de votre temps. À nous trois, nous nous limiterons à un exposé de quelques minutes.

Ce dont nous parlons ici est un groupe de caisses de crédit grandes et petites, urbaines et rurales et, comme je l'ai dit, de toutes les provinces hormis le Québec et l'Île-du-Prince-Édouard. Elles se sont regroupées pour promouvoir la création d'une coopérative nationale ou banque communautaire, si vous voulez. Le projet a été formulé il y a plusieurs mois, soit avant que nous ayons connaissance du rapport du groupe de travail MacKay. Comme vous allez le voir, il y a un certain nombre de similitudes entre les idées du groupe de travail et ce que nous demandons, ce qui nous encourage passablement.

Le groupe représenté compte environ 800 000 membres, possède environ 25 p. 100 des avoirs du réseau administré par le système canadien des caisses de crédit—abstraction faite de Desjardins—et environ 140 ou 150 points de vente d'une côte à l'autre.

Je pourrais peut-être parler quelques instants de certaines des recommandations clés du rapport MacKay qui nous intéressent tout particulièrement. La première est qu'il faudrait renforcer la concurrence dans les services financiers en facilitant l'arrivée de nouveaux entrants et le renforcement des établissements plus petits, et en leur offrant une plus grande souplesse, ce qui est certainement l'un des thèmes du groupe de travail MacKay.

D'autres éléments sont la création d'une banque coopérative nationale régie par la Loi sur les banques—et nous proposons quelque chose de presque identique—et la levée des restrictions limitant les activités commerciales des caisses de crédit et de leurs centrales, ce dont Wayne vient de traiter. Le rapport reconnaît que la force fondamentale du réseau des caisses de crédit réside dans les racines profondes qu'elles plongent dans la collectivité, c'est-à-dire en fait leur propriété collective. L'existence de ce lien communautaire fait qu'il est très difficile de fermer une agence dans une localité, même si ses profits sont marginaux. Le rapport signale la force particulière des caisses de crédit dans l'ouest du Canada et également leur rôle important pour ce qui est du financement des petites et moyennes entreprises et aussi des exploitations agricoles.

Enfin—et c'est réellement le constat clé à l'égard du réseau des caisses de crédit et de notre proposition—le rapport reconnaît les difficultés que représente pour le mouvement canadien des caisses de crédit la fragmentation du capital. Ces caisses doivent fonctionner à toutes fins pratiques comme des entités indépendantes, possédant leur propre capital. La lourdeur de la prise de décision à l'échelle du réseau, composé de 850 à 870 caisses, chacune possédant son propre conseil d'administration, sa propre direction, ses VP des finances et de la technologie, etc., fait qu'il est très difficile de parvenir à un consensus. À l'évidence, il y a des doubles emplois fonctionnels entre ces organisations.

• 1450

Notre proposition vise à créer une banque communautaire nationale ou banque coopérative pleinement compatible avec les conclusions et recommandations du groupe de travail MacKay.

J'aimerais décrire brièvement les éléments clés de notre projet. Nous vous avons remis un mémoire à ce sujet. Je sais que vous ne l'avez reçu que ce matin et que vous n'avez pas tous eu le temps de le lire.

Il s'agirait d'une institution appartenant à 100 p. 100 à ses membres. Il s'agirait, à toutes fins pratiques, d'une caisse de crédit nationale, régie par le gouvernement fédéral et sa réglementation. Elle offrirait une gamme standard de produits et services d'une côte à l'autre, si bien qu'une fois que l'on est membre d'une caisse on est membre, à toutes fins pratiques, de toutes les autres.

C'est probablement là l'élément clé. Tout comme une caisse de crédit, elle appartient à la collectivité et, au lieu de chercher à maximiser les dividendes trimestriels des actionnaires, cherche à maximiser les dividendes et aussi le réinvestissement dans la collectivité qui reste propriétaire de la banque.

Je signale que nous avons effectué une étude de rentabilité préliminaire et constaté que le rendement pour les collectivités augmente assez sensiblement dans ce scénario, en grande partie grâce aux économies d'échelle que l'on peut attendre, mais aussi grâce à la récupération de la clientèle actuellement perdue lorsque nos membres déménagent dans une autre région ou province et s'adressent à d'autres établissements.

Nous croyons que l'entité projetée continuerait à se différencier des grandes banques canadiennes de par son orientation communautaire, sa propriété et ses valeurs coopératives. Le projet est expressément conçu de façon à être pleinement complémentaire des caisses de crédit qui choisiraient de ne pas participer et des centrales qui les servent. De fait, certains éléments sont toujours assez préliminaires, mais nous examinons, comme Wayne l'a mentionné, un système global sur le plan des services d'appui et des technologies dont nous avons tous besoin pour être compétitifs de nos jours.

Cela nous fait sortir de l'environnement réglementaire provincial. À l'heure actuelle, si un membre déménage à l'intérieur de la Colombie-Britannique, il est obligé de fermer son compte à la caisse de crédit. Nous espérons qu'il en rouvrira un à l'autre bout, car dans la même province les caisses peuvent offrir des produits et services standards, mais si le client déménage en Alberta, les produits et services seront différents. Il y a donc lieu de se demander si cet état de chose est bon pour le public canadien.

Je précise que nous proposons une modification de la Loi sur les banques fédérales. Si vous considérez le projet comme une institution financière de l'annexe II—certains l'appellent une banque communautaire de l'annexe III et je ne sais pas trop moi-même comment l'appeler—il s'agirait à toutes fins pratiques d'une banque communautaire appartenant à ses membres et opérant d'une côte à l'autre. Nous ne proposons pas une modification de la loi applicable seulement à nous. Il s'agirait d'une mesure standard qui pourrait s'appliquer tout aussi bien à une autre mutuelle bancaire désireuse de nous émuler. Et le régime que nous proposons n'est pas sensiblement différent de celui des banques actuelles, non plus.

Voilà un bref aperçu. Nous serons heureux de répondre à vos questions.

Le président: Oui. Je vous remercie, monsieur Carroll.

Nous passons maintenant à M. Liam Hopkins de l'IFC Vancouver.

M. Liam Hopkins (directeur général, International Financial Centre Vancouver): Je vous remercie, monsieur le président.

Je suis désolé de ne pas avoir de texte. Le président du conseil m'a demandé de le remplacer à court préavis. Je vais donc parler sans notes, mais j'ai lu le rapport MacKay et je connais son contenu.

Je voudrais tout d'abord vous dire quelques mots de l'International Financial Centre. Il a été créé il y a dix ans suite à ce qui était initialement une initiative fédérale, la désignation de Vancouver et Montréal comme centres bancaires internationaux. Puis, chaque province, jugeant insuffisantes les activités autorisées, a légiféré pour élargir la gamme des activités permises.

• 1455

Au cours des dix dernières années, la croissance a été lente mais positive. Tous les 40 membres de plein droit sont des institutions financières. Tous les secteurs sont représentés. Nous avons également des membres associés, qui sont des cabinets comptables et juridiques et d'autres entreprises intéressées à développer Vancouver à titre de centre international.

Nous portons un vif intérêt au sujet de la concurrence, particulièrement s'agissant de banques ou institutions financières étrangères. Nous aimerions que le marché canadien s'ouvre à la concurrence étrangère. Nous pensons que cette ouverture devrait être l'une des conditions de toute fusion bancaire.

Le rapport MacKay est excellent. Il est très équilibré. Parfois, en le lisant, je me disais qu'il cherchait à plaire à tout le monde dans les milieux financiers. C'est une chose très difficile à faire, mais je trouve que le groupe a fait un excellent travail.

L'un des éléments qui m'a frappé est le passage qui traite de la retenue fiscale à la source et de l'impôt sur le capital, deux aspects très importants à mon sens. J'ai longtemps prôné la suppression de la retenue fiscale à l'égard d'un aussi grand nombre de pays que possible, particulièrement avec les États-Unis. L'un des avantages de nos concurrents à l'étranger est qu'ils ne souffrent pas de ces restrictions. Le problème de la retenue fiscale à la source explique en partie que la législation fédérale n'ait guère été utilisée.

Selon ma lecture du rapport, il propose de n'appliquer la retenue fiscale qu'aux investisseurs étrangers ou à quiconque effectue un prêt ou un investissement au Canada, si bien que la retenue fiscale serait supprimée dans le cas des Canadiens. Cela ne me paraît ni pratique ni possible. Il faut que la situation soit la même des deux côtés de la frontière. Je trouve que ce serait une excellente idée de le faire et j'appuierais cela à 100 p. 100.

L'autre aspect sur lequel il s'est penché est la taxe sur le capital. La taxe sur le capital qui frappe les nouvelles institutions financières s'établissant chez nous est source de grande difficulté. Je pense que les institutions financières existantes sont elles aussi entravées par le taux élevé de l'impôt sur le capital, tant au niveau fédéral que provincial.

En ce qui concerne les fusions, si vous considérez les fusions bancaires en général—il y en a eu pas mal ces dernières années—je trouve qu'elles se sont passées sans heurts. J'ai eu à m'occuper de l'une d'elles. Évidemment, on est toujours un peu nerveux au début, mais dans mon cas les choses ont bien tourné.

Je pense qu'il est très important d'avoir des banques solides et saines. Pour avoir une banque solide, il faut un bon capital de base. Il va sans dire que lorsqu'il y a fusion, le capital est d'autant plus important et donc la banque d'autant plus solide. Je pense que c'est important.

Pour ce qui est des services, comme vous l'avez fait remarquer lors de la session précédente, monsieur le président, la technologie est un phénomène primordial. Elle coure tellement vite, chaque jour, que nous avons du mal à la suivre. Mais le coût de cette technologie est énorme. Je pense que les banques vont offrir de plus en plus de services par le biais de la technologie. L'ère des agences bancaires est révolue; je pense qu'elles vont être de plus en plus remplacées par la technologie. Le public s'est maintenant accoutumé aux machines. Je les trouve fabuleuses. On en verra de plus en plus dans les régions rurales du Canada. Mais leur coût est énorme. Je pense que si les banques peuvent joindre leurs forces, c'est certainement avantageux dans un domaine comme celui-ci. L'investissement devient alors moins coûteux et ces économies peuvent être répercutées sur le consommateur.

Je ne veux pas passer trop de temps sur le volet détail car je ne suis pas expert, mais c'est un volet important.

S'agissant des grandes banques, on a évoqué tout à l'heure le risque outre-mer. Les banques ont connu des difficultés par le passé, mais elles ont appris une bonne leçon et connaissent bien la notion de risque-pays. Elles en sont tout à fait conscientes et, dans nombre de leurs transactions, elles partagent le risque ou le transmettent lorsqu'il n'est pas couvert par un organisme gouvernemental comme la SDE, par exemple, Elles sont donc très réticentes à prendre trop de risques. Je pense qu'elles gèrent très bien ce risque étranger. Je pense qu'elles sont bien placées aujourd'hui pour se lancer sur le marché international et y faire des affaires. C'est impératif si nous voulons survivre.

• 1500

En ce qui concerne les fusions, je pense que la solidité d'une banque est un facteur important. Il y a l'avantage d'un capital plus gros, il y a les économies d'échelle au niveau de la technologie et le savoir-faire au niveau du risque étranger est important. Mais je souligne que l'impôt est aussi un facteur important.

C'est tout ce que j'avais à dire. Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Hopkins.

Monsieur Harris.

M. Dick Harris: Je vous remercie, monsieur le président.

Messieurs, merci pour ces excellents exposés.

Je suppose que l'un ou deux d'entre vous avez quelque chose à voir avec ces excellentes publicités télévisées pour les caisses de crédit, et je vous en félicite. Dans ma ville, Ole Sorensen est probablement l'un des gars les plus heureux en ville. Sa clientèle s'est élargie et je suis sûr que la campagne publicitaire y est pour quelque chose.

J'ai été très intéressé il y a quelque temps lorsque j'ai lu que le mouvement des caisses de crédit au Canada cherche à ressembler davantage à une banque et nous avons entendu aujourd'hui la description de ce projet.

Il ne fait nul doute qu'il continuera d'y avoir des changements massifs dans l'industrie des services financiers du Canada, particulièrement les services bancaires. On s'est beaucoup inquiété aujourd'hui de ce qu'il arrivera aux habitants tant des villes que des campagnes. Mme Bennett nous a très bien expliqué ce matin le risque de fermeture de banques dans les petites localités.

Les caisses de crédit ont une merveilleuse réputation en Colombie-Britannique du point de vue de leur orientation communautaire et de leurs excellentes relations avec les collectivités. La question est de savoir si le mouvement des caisses de crédit est pleinement préparé à sauter dans la brèche causée par la rationalisation suite aux fusions, aux changements technologiques ou au mode de fonctionnement des grandes banques. Êtes-vous prêts à sauter dans la brèche et à combler les vides qui pourront surgir? Je ne parle pas seulement des fusions, je parle aussi de la technologie.

Le président: M. Nygren, suivi de M. Jannson.

M. Wayne Nygren: Permettez-moi de commencer par votre première question, car elle me semble essentielle. Vous avez fait état de notre campagne publicitaire à l'échelle de toute la province, qui a pour slogan: «Si votre banque ne veut pas changer, peut-être le devriez-vous». Tous les sondages que nous avons effectués auparavant disaient que lorsque les consommateurs étaient mécontents de leur banque, 99 p. 100 d'entre eux allaient dans une autre banque. Ils ne pensaient jamais à nous comme une alternative réelle, bien que nous fournissions tous les services et plus dans bien des cas. C'est pourquoi nous avons monté cette campagne pour faire passer ce message très clairement.

L'une des choses qui préoccupait réellement les gens qui songeaient à venir chez nous, et ce que nous essayons de régler au moyen d'une organisation nationale, est qu'ils ne nous voyaient pas comme un réseau national. Ils nous considéraient comme une petite caisse de crédit à l'esprit de clocher, qui marchait bien, qui était très implantée dans la collectivité, mais qui n'avait pas de réseau national pouvant les servir d'une côte à l'autre. C'est le message que nous essayons de faire passer.

C'est ce que nous cherchons à mettre en place maintenant. Environics a fait quelques sondages pour nous récemment, nous venons d'en avoir les résultats. Je pense que 70 p. 100 des clients des banques envisageraient très sérieusement d'opter pour une caisse de crédit s'il y avait un réseau national—s'ils pouvaient voir un réseau national, une marque nationale ou une présence dans tout le pays. C'est pourquoi nous avons dû envisager toute cette restructuration, en nous efforçant de conserver notre identité locale et notre particularité, tout en réalisant les économies d'échelle et en donnant au public ce qu'il recherche à savoir une marque nationale ou un réseau national d'associations. C'est pourquoi nous avons repensé toute la structure et réfléchi à ce qu'il faudrait faire—revoir la législation sur les coopératives, la LACC, et l'adoption d'une loi sur les coopératives bancaires qui ouvrirait la perspective.

• 1505

Le président: Monsieur Jannson.

M. Harri Jannson (président-directeur général, Richmond Savings Credit Union): Je me nomme Harri Jannson. Je suis le président-directeur général de Richmond Savings.

Monsieur Harris, permettez-moi d'abord de répéter que je représente un groupe au sein du réseau des caisses de crédit qui envisage de former une banque coopérative nationale. Comme Brian l'a dit, nous représentons toutes les provinces hormis le Québec et l'Île-du-Prince-Édouard. Nous existons pour le long terme. Cette année, ma caisse fête son 50e anniversaire. Nous représentons quelque 800 000 membres à travers le pays.

En réponse à votre question de savoir si nous pouvons ou non sauter dans la brèche, je répondrais qu'individuellement les caisses de crédit auront du mal à le faire. Mais en étant regroupées, que ce soit un regroupement de centrales pour former des organisations plus fortes et plus cohésives ou, comme dans notre cas, un groupe formant une banque coopérative nationale, oui, nous le pouvons. C'est très difficile sur une base individuelle. S'agissant de nos frais d'exploitation, une caisse de crédit typique dépense environ 80 cents pour gagner un dollar. Une banque dépense autour de 60 cents. Si les fusions se font, une fois les coûts initiaux absorbés, ce sera 45 cents. Cela fait qu'il est très difficile pour nous d'offrir un rendement décent à nos membres. C'est la raison principale pour laquelle notre groupe a monté ce projet.

M. Dick Harris: L'un de vous, messieurs—je ne sais plus qui, peut-être M. Nygren—a parlé des règlements fédéraux et provinciaux qui vous régissent. Trouvez-vous qu'il y a beaucoup de chevauchements entre les règlements fédéral et provinciaux et pourriez-vous formuler quelques recommandations en vue d'y remédier, car cela doit vous coûter cher?

M. Wayne Nygren: Je vais laisser Richard Thomas répondre. Il est notre vice-président des affaires gouvernementales et il s'occupe du cadre législatif.

M. Richard Thomas (vice-président, Opérations gouvernementales, et secrétaire de l'association, Credit Union Central of British Columbia): Merci, Wayne. Il y a effectivement des dispositions dans la loi fédérale, la Loi sur les associations coopératives de crédit, qui chevauchent certaines dispositions de la législation provinciale. Dans certains cas, elles sont absolument contradictoires et, si nous respectons les unes, nous violons les autres.

Je dois cependant préciser que cela s'applique uniquement à la Credit Union Central of British Columbia. La centrale canadienne n'est régie que par la loi fédérale. Cinq autres centrales provinciales sont dans le même bateau que nous. Le problème n'est pas le même pour les caisses de crédit individuelles, car elles sont principalement régies par la Credit Union Corporation Act et la Financial Institution Act de Colombie-Britannique.

Comme M. Nygren l'a signalé, nous avons fait quelques progrès l'année dernière sur le plan du chevauchement réglementaire. Je ne pense pas qu'à ce stade nous ayons des propositions à vous soumettre directement concernant ce chevauchement, mais nous travaillons avec les autorités réglementaires fédérales et provinciales en vue d'identifier les cas.

Le président: Je vous remercie.

Monsieur Carroll.

M. Brian Carroll: Monsieur Harris, je pourrais peut-être aborder cela sous une perspective légèrement différente. Pour ce qui est du projet de banque communautaire, la raison est en partie que chaque province donne à ses caisses de crédit un ensemble de pouvoirs différents. En Colombie-Britannique, nous pouvons vendre de l'assurance, alors que ce n'est pas possible dans d'autres provinces. Même chose pour ce qui est des titres boursiers, du crédit-bail et de divers autres services.

L'une des grandes décisions que nous devions prendre était de savoir s'il convient de rationaliser les réglementations provinciales afin d'aboutir à une sorte de plate-forme commune, en quelque sorte. Nous y avons réfléchi et avons conclu que chaque province épouse une conception légèrement différente de ce régime, au niveau des caisses de crédit. L'autre solution consiste à relever d'une loi fédérale. Nous avons examiné la Loi sur les fiducies, la Loi sur les coopératives de crédit et la Loi sur les banques. Nous avons conclu que, si l'on recherche le moins de changements possibles, la Loi sur les banques est déjà conçue pour une entité qui a des capacités de gros—elle effectue ses propres transactions et sa propre compensation, ce genre de choses—et qui a aussi des pouvoirs de détail, évidemment, ce dernier élément étant ce qui compte réellement pour le consommateur.

• 1510

Notre raisonnement est qu'il est plus facile de modifier la Loi sur les banques fédérale, de manière à établir un deuxième palier d'institutions financières, que d'essayer de rationaliser ou uniformiser dix lois provinciales, puis probablement aussi la loi fédérale car, comme Richard le dit, les centrales sont couvertes par cette dernière et par d'autres règlements—le BSIF et la SCAD, toute cette sorte de choses.

M. Dick Harris: Ma dernière question s'adresse également à M. Carroll.

Étant donné la lenteur apparemment interminable avec laquelle la bureaucratie et les gouvernements se déplacent parfois, dans les conditions idéales, combien de temps pensez-vous devoir attendre avant que votre banque communautaire nationale soit créée?

M. Brian Carroll: Jusqu'à ce que nous présentions une demande ou jusqu'à ce que nous obtenions la réponse?

M. Dick Harris: Jusqu'au jour de l'ouverture.

M. Brian Carroll: Pour vous situer un peu, nous avons fait pas mal de travail là-dessus. Comme je l'ai indiqué, nous avons commencé en avance; de fait, nous songions à cela avant même le début des discussions sur les fusions bancaires. Je me rendais justement à une réunion le jour où M. Cleghorn a annoncé son plan.

Cela a donc déjà commencé il y a pas mal de temps. Nous avons réfléchi à la structure commerciale et conçu un texte de loi. Nous serions prêts à le déposer immédiatement si nous savions auprès de qui et, pour ce qui est du délai de réponse, cela dépend plutôt de gens comme vous.

Si nous avions le feu vert législatif, je pense que nous pourrions être opérationnels dans les 12 mois suivants. Mais j'ai l'impression que rien ne se passera avant le millénaire à cause de toutes les questions mises en jeu et de la nécessité d'une consultation du public, etc.

Le président: Je vous remercie, monsieur Harris.

Monsieur Riis.

M. Nelson Riis: Je vous remercie, monsieur le président.

Lorsque j'entends ces excellents exposés, je ne peux m'empêcher de penser au petit chaperon rouge et au grand méchant loup qui se mettent d'accord entre eux.

Les gens qui s'intéressent aux caisses de crédit sont normalement des gens peu enthousiastes à l'égard des banques. C'est un peu la raison pour laquelle ils ont recours aux premières, et même les annonces publicitaires disent: Si vous êtes mécontents, venez chez nous.

Ma première question, qui s'adresse peut-être à Wayne, est de savoir ce que vos membres penseront de cela? Ils pensaient s'inscrire dans une caisse de crédit et faire partie d'une caisse de crédit, et voilà qu'ils vont se retrouver faisant partie d'une banque.

Ma question—et j'en ajouterais deux ou trois autres petites en même temps—est de savoir qui possédera réellement cette banque? Qu'en penseront les membres? Et où les centrales viennent-elles s'insérer dans cette banque?

Je m'en tiendrai là pour commencer.

M. Wayne Nygren: Tout d'abord, les centrales travaillent avec le gouvernement fédéral, avec la Commission MacKay, et tout le système des caisses de crédit, pour envisager une loi habilitante nous permettant de développer nos services. Nous n'avons pas encore déterminé le nom de cette organisation, mais elle aura des pouvoirs nationaux, et c'est certainement l'absence de ces pouvoirs qui fait problème dans le système actuel. Le nom de «banque» peut rassurer un certain nombre de gens, mais peut en gêner d'autres. Vous avez tout à fait raison.

Nous avons donc commandé quelques sondages à Environics, à l'échelle du Canada, pour voir ce que nos membres penseraient de l'appellation «banque», même si ses principaux fondamentaux sont tout à fait ceux des coopératives. Elles fonctionnent différemment, leur structure de profit est différente et elles ont un système de valeur différent, mais c'est certainement un aspect que nous cherchons à mieux cerner.

À l'heure actuelle, ce qui nous intéresse n'est pas tant le mot «banque», mais l'établissement d'une structure qui nous permette de fonctionner dans tout le pays et, comme Harri l'a dit, réduire certains des frais d'exploitation, obtenir plus de flexibilité, nous doter d'un réseau national et d'une image différente à différents égards.

M. Nelson Riis: Monsieur Carroll, puis-je vous poser une question précise? Travaillez-vous actuellement pour une banque?

M. Brian Carroll: Non, ce n'est pas le cas, et je détecte quelque confusion.

• 1515

M. Nelson Riis: Qu'est-ce que cette Citizens Bank?

M. Brian Carroll: D'accord. Je suis un simple consultant travaillant pour un groupe composé de douze caisses de crédit et de la Citizens Bank. La Citizens Bank est une banque virtuelle appartenant à VanCity Savings, qui est une caisse de crédit.

M. Nelson Riis: Juste un instant.

Ainsi, une caisse de crédit possède maintenant cette banque?

M. Brian Carroll: Effectivement.

M. Nelson Riis: Pourquoi une caisse de crédit ne pourrait-elle détenir tout simplement un certain nombre de banques? Si elle veut se lancer dans la banque, pourquoi ne pas le faire de cette façon, simplement en achetant une banque, comme VanCity l'a fait?

M. Brian Carroll: Il y a en fait plusieurs raisons.

Tout d'abord, la Citizens Bank est une banque de l'annexe II. Elle peut donc appartenir en totalité à une seule entité, par opposition à la règle des 10 p. 100. Elle opère dans un environnement virtuel. C'était la condition de l'obtention de sa charte, si bien qu'elle n'a pas de réseau d'agences. Elle possède quelques agences par le biais de Citizens Trust, qui était la compagnie fondatrice avant que VanCity l'achète.

L'une des questions qui se pose avec une banque de l'annexe II nous ramène à la vieille question de savoir si l'on veut une institution canadienne de deuxième rang, l'existence d'un avantage pour la politique publique. Ce n'est pas réellement à nous d'en décider. Nous pensons qu'il y a un avantage. Si nous cherchons à livrer concurrence sur un terrain de jeu égal avec les banques de l'annexe I, qui sont déjà diversifiées, qui possèdent déjà des filiales, qui sont manifestement très bien capitalisées, il ne faut pas perdre de vue que le réseau des caisses de crédit global administre un actif de 47 milliards de dollars. C'est moins que Canada Trust, moins que National Bank, mais le réseau jouit de quelques atouts. Il a une très bonne réputation. Il a déjà une infrastructure d'agences à travers le pays. À l'évidence, avec Citizens, il a une capacité électronique.

Essayer de doter Citizens d'un réseau d'agences ne serait peut-être pas une tâche impossible, mais certainement une tâche formidable et héroïque.

M. Nelson Riis: D'accord, je pense que vous avez répondu à ma question.

Vous demandez une assurance-dépôts de 100 000 $. Pourquoi ne pas vous en tenir à 60 000 $ ou choisir un autre montant? Est-elle de 100 000 $ en ce moment pour les caisses de crédit?

M. Brian Carroll: Oui, mais c'est variable selon les provinces, monsieur Riis.

Je ne suis pas sûr de me souvenir du chiffre de la Colombie-Britannique. Wayne le connaît probablement.

M. Wayne Nygren: Différentes provinces ont différents niveaux. Par exemple, c'est 100 000 $ en Colombie-Britannique, illimité en Alberta, illimité en Saskatchewan, 100 000 $ au Québec et 60 000 $ en Ontario. Donc, s'agissant d'une organisation financière avec assurance-dépôts, la majorité des caisses de crédit ont déjà 100 000 $ ou pas de plafond.

M. Nelson Riis: Alors que les banques ont 60 000 $?

M. Wayne Nygren: Oui, elles ont 60 000 $. Ce ne serait donc pas un avantage pour nous de redescendre à 60 000 $ puisque la plupart des caisses ont déjà 100 000 $ ou pas de limite.

M. Harri Jannson: Monsieur Riis, je ne suis pas sûr que nous ayons répondu à votre question sur l'attitude de nos membres concernant notre transformation en banque.

VanCity a effectué un sondage. Je ne me souviens plus qui en était l'auteur, ce n'était pas Environics, mais une firme réputée. La question était: resteriez-vous client de votre caisse de crédit si elle devenait une banque? La réponse était oui à 80 p. 100, pourvu que les produits soient compétitifs.

Nous employons le mot «banque» de manière assez souple. Le gouvernement nous a dit qu'il n'allait pas rédiger une loi sur les caisses de crédit ou intervenir dans une loi sur les caisses de crédit de compétence provinciale. Si nous voulons former une organisation nationale, il nous faut une réglementation fédérale car les réglementations provinciales diffèrent sensiblement entre elles.

Mais pour en revenir au coeur du sujet, nos caisses de crédit appartiennent actuellement à nos membres qui disposent d'une voix chacun. Ils élisent les membres du conseil d'administration. Nous envisageons que ces conseils d'administration des caisses de crédit soient transformés en conseils d'administration de coopératives. Ces conseils détiendraient des parts de la banque. La coopérative serait la propriété de ses membres.

Nous contribuons très largement à nos collectivités en formant une organisation nationale détenue par des coopératives appelées précédemment caisses de crédit. Nous pensons pouvoir accroître ce que nous reversons à la collectivité. Donc, si nous devenions simplement une grosse banque, je pense que nos membres nous diraient que ce n'est pas ce qu'ils souhaitent. Si nous nous en tenons au principe coopératif et à l'implication dans la collectivité, je pense que nos membres en tireront avantage.

M. Nelson Riis: Vous utilisez donc le mot «banque» simplement parce qu'il n'y a pas d'autre terme commode?

M. Harri Jannson: Exactement.

M. Nelson Riis: Ce pourrait être autre chose. Mais c'est une organisation nationale?

M. Harri Jannson: Exact.

• 1520

M. Nelson Riis: Tout d'abord, je suis réellement en faveur de cette initiative, et n'interprétez donc pas mal mes critiques ou mes questions.

Ce que j'aimerais vous demander, Harri, si cela se fait et qu'un jour nous pouvons franchir le pas de cette sorte de banque populaire quelque part, mettons au centre-ville de Winnipeg, et ensuite aller à côté dans une banque actuelle ou fusionnée, quelle sera la différence?

Pour en revenir à la remarque de Wayne disant que les caisses de crédit ont des systèmes de valeur différents, j'entends dire de plus en plus ces derniers temps que les caisses de crédit ont oublié qu'elles sont des caisses de crédit. Elles se considèrent comme des sortes de mini-banques et ont adopté cette mentalité. C'est ce que j'entends constamment. Mais en supposant que ce n'est pas le cas et qu'une organisation nationale serait réellement une banque coopérative, quelle devrait être la différence?

M. Harri Jannson: Je pense avoir l'expérience pour en parler, puisque j'ai passé 20 ans dans l'une des grandes banques.

La différence est que nous ne réagissons pas à ce que les analystes disent que devraient être nos bénéfices pour le prochain trimestre. Nous savons que nous serons pas aussi profitables que les banques. Nous ne visons pas un rendement de 17 p. 100 ou 18 p. 100 et ne garantissons pas aux analystes que nous allons atteindre ce chiffre année après année, quoiqu'il advienne.

Je pense que la différence réside dans la nature personnelle du service et la relation que nous établissons avec nos clients, et ce n'est pas là un vain mot. Nous avons encore des employés de guichet dans nos agences et nous les conserverons. Si une banque canadienne ouvre ses portes aujourd'hui, une nouvelle agence, là où vous voyiez afficher les heures d'ouverture, de 10 h à 15 h les jeudis et vendredis, vous voyez maintenant affichées des heures d'ouverture et des heures de service au guichet. Elles limitent donc l'interface, car celle-ci leur coûte très cher.

Nous nous engageons à maintenir le contact personnel parce que nous ne sommes pas mus par le même souci de profitabilité que les banques, qui doivent plaire aux analystes afin que le cours de leurs actions continue de grimper. Nous appartenons à nos membres et c'est donc à eux que nous devons plaire. Si nous commençons ensuite à agir comme les banques, en supprimant les employés de guichet... parce que beaucoup de nouvelles agences ouvertes récemment par les banques n'ont pas de services de guichet, et elles l'annoncent dans leur publicité. Nous ne ferons pas de même.

Ce que cela signifie, monsieur Riis, est que nous ne parviendrons jamais à un niveau de coût aussi bas que les banques canadiennes, et c'est une décision très consciente de notre part.

M. Nelson Riis: Je vous remercie.

Le président: Monsieur Gatto.

M. Len Gatto (président-directeur-général, Gulf and Fraser Fishermen's Credit Union): Merci.

J'aimerais poursuivre là-dessus. Premièrement, j'oeuvre depuis 25 ans à l'intérieur du système des coopératives. Je suis PDG de la Gulf and Fraser Fishermen's Credit Union. Celle-ci a 58 ans; elle a en effet été fondée il y a 58 ans par la confrérie des pêcheurs, dans le but de s'occuper de leur secteur d'activité. Nous avons des actifs qui se chiffrent à environ 300 millions de dollars. Nous avons tout récemment fusionné avec une autre coopérative de crédit, celle des travailleurs de l'industrie hydroélectrique de la Colombie-Britannique. Nous avons donc un créneau qui est quelque peu différent de celui des banques.

Que pensons-nous de l'image nationale et de l'aspect coopératif, lorsqu'on forme une banque coopérative? Eh bien, la différence—je pense, monsieur Riis, que vous avez posé la question—réside dans le fait que les avoirs que possèdent aujourd'hui les sociétés coopératives de crédit achèteraient des actions dans la banque nationale. Les sociétés de crédit seraient des filiales de la banque et constitueraient leurs propres divisions. Nous ne perdrions pas l'autonomie ni l'originalité qui nous caractérisent à l'heure actuelle. J'ai un conseil d'administration qui est composé de simples pêcheurs cols bleus; ils resteraient en place. Ils voteraient à leur tour pour un administrateur de la banque, mais ils continueraient d'être administrateurs de la coopérative.

Le rendement que rapporteraient à la banque les actions que nous aurions contribuées en tant qu'avoir, puisé à même les bénéfices non répartis de Gulf and Fraser, serait reversé sous forme de dividendes au conseil d'administration de la coopérative qui pourrait alors s'en servir dans sa communauté pour appuyer les causes choisies par lui. Il pourrait s'agir de n'importe quoi, allant d'aider les pêcheurs qui vivent des temps difficiles à l'ouverture de foyers de repos pour eux parce qu'ils ne se sont pas suffisamment occupés d'eux-mêmes. Ce pourrait être l'ouverture d'un hôpital coopératif, d'une école coopérative—mais toujours dans la région dans laquelle nous sommes implantés et que nous desservons. Je travaille dans le centre-ville de Vancouver, mais j'ai également des succursales dans les régions de pêche de Steveston et Richmond. Nous traitons également avec des membres tout au long de la côte, principalement par voie électronique.

Nous pensons que nous pourrions grâce aux coopératives desservir tous ces membres. C'est en cela que résiderait la différence. Je trouve quelque peu ironique—je ne suis pas ici pour taper sur les banques, croyez-moi—que les annonces que font les grosses banques appuyant ceci ou cela correspondent à des choses que nous avons, je pense, faites pendant des années.

Je sais que dans la province de Colombie-Britannique, où nous avions une autonomie locale dans les collectivités que nous desservions... Wayne a évoqué cela plus tôt: nous sommes la seule institution financière dans 28 localités. Dans plusieurs d'entre elles, nous n'étions sans doute pas la seule institution financière à l'époque, mais les banques n'ont pas réussi aussi bien qu'elles l'avaient espéré et sont reparties. Cette philosophie se maintiendra.

• 1525

Croyez-moi, le mot «banque» nous fait beaucoup hésiter. Nous savons que nous ne pouvons pas aller voir nos membres—ce qu'il nous faudrait faire—pour proposer cette initiative pour obtenir leur aval. Je n'ai pas l'autorité nécessaire pour leur livrer la banque nationale. Ils me diront, par l'intermédiaire de leurs conseils d'administration, élus par eux, qu'ils veulent cette initiative. Si nous la structurons comme il se doit, nous serons pour eux la solution de rechange, et il nous faut avoir une perspective nationale. Nous sommes trop vulnérables.

Comme vous le savez, la Colombie-Britannique utilise le mot «R». Nous vivons peut-être une récession. Cela nous touche. Si nous pouvions avoir des échanges avec les provinces qui se portent mieux, comme ils le font en Ontario et en Alberta, et déplacer de l'argent vers d'autres régions, alors cela bénéficiera à nos membres et nos gens. Voilà les choses qui nous préoccupent. Je viens de vous faire le schéma de la façon dont la coopérative resterait présente et dont l'autonomie locale demeurerait.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Riis.

Monsieur Nygren.

M. Wayne Nygren: Si vous revenez à votre commentaire original sur ce que nous sommes, lorsque nous nous sommes constitués il y a de cela 60 ans, nous étions là, et nous satisfaisions un besoin. Nous avons comblé un vide. Il n'y avait personne dans les localités rurales. Il était vraiment très difficile d'obtenir un prêt personnel. Si vous n'étiez pas sur la ligne d'aqueduc principale, vous ne pouviez pas obtenir d'hypothèque. Nous avons donc véritablement satisfait un besoin. Il y avait une lacune. Il n'y avait personne dans ces localités rurales. Même le citoyen moyen avait du mal à obtenir un prêt ou des services financiers. La situation a changé de façon marquée, à un point tel qu'à l'heure actuelle il y a beaucoup de gens qui remplissent ce trou. Il nous faut donc revoir ce que va être notre service spécial et ce sur quoi nous allons nous concentrer.

Des choses qui étaient importantes pour nous il y a quelques années et qui ont été le moteur de nos activités ne le sont plus. Des choses comme la loyauté, le contrôle démocratique et la participation locale sont très importantes, mais elles ne sont plus le moteur. Si vous demandez à nos membres ce qui est vraiment important pour eux, ils vous diront l'accès, le prix et le service. Il nous faut donc bâtir à partir de cela et déterminer quelle est leur priorité. Ce n'est pas un contrôle local, avec des réunions annuelles et ainsi de suite. Même si la participation communautaire est d'une importance critique, ce n'est pas là le moteur de l'activité. C'est pourquoi nous cherchons à élaborer une structure qui leur donne ce dont ils ont besoin.

La loyauté aujourd'hui n'est pas ce qu'elle était il y a 20 ou 30 ans. Si vous pouvez obtenir 0,5 p. 100 ailleurs, vous y aller. Il faut donc être raisonnablement concurrentiel dans cet environnement. Comme l'a dit Harri, il faudra peut-être se jeter de front dans la bataille. Nos coûts ne seront jamais exactement les mêmes, dollar pour dollar, que pour les banques. Alors il nous faudra certainement veiller à minimiser les coûts d'exploitation tout en offrant en même temps service et valeur. Nos membres demandent des choses différentes et tout le contexte est en train de changer. Ce qui comptait pour eux il y a des années n'est plus le principal élément. Ce n'est plus cela qui va pousser à la roue.

Le président: Merci.

Monsieur Gallaway.

M. Roger Gallaway: Merci, monsieur le président.

J'aimerais interroger M. Hopkins au sujet d'une remarque qu'il a faite voulant que les banques aient appris leur leçon en ce qui concerne les risques et les pertes. L'un des témoins précédents—et je sais que vous n'aurez pas entendu cet intervenant ce matin—a évoqué le fait qu'en 1992 la CIBC a perdu de l'argent à cause des risques pris par elle à Canary Wharf. Il est intéressant de relever qu'en dépit du fait que la CIBC ait perdu de l'argent, ses actions ont connu une année record en 1992. Cela est intéressant car il y a eu une nouvelle loi sur les banques en 1992.

Hier, nous avons entendu un économiste de la Colombie-Britannique qui a comme vous affirmé que les banques ont appris leur leçon. On nous a dit que ce qui se passe, que certains appelleraient turbulence sur le marché alors que d'autres parleraient d'écroulement dans certains secteurs, n'était pas prévisible. En fait, il y a trois ou quatre mois, les gens disaient qu'il y avait certains problèmes, mais personne ne comprenait ni ne pouvait prévoir la nature et l'envergure de ces problèmes.

En ce qui concerne ce qui se passe sur les marchés à l'heure actuelle. Pensez-vous que la question est de savoir si les banques ont appris leur leçon ou si les banques, comme d'autres, comptent sur des experts qui ne savent pas quel est le problème?

M. Liam Hopkins: Les banques ont leurs propres experts et il y aura des pertes dans différents secteurs, surtout outre-mer. Mais ces pertes ont été minimisées à cause de la leçon apprise par les banques au début des années 80. Je pense qu'elles font un très bon travail de gestion de leurs portefeuilles étrangers.

• 1530

Évidemment, il arrive dans le monde certaines choses que personne ne saurait prévoir. D'ailleurs, si vous regardez le rapport MacKay et ce dont il y est question, on est tous assis dans une arrière-salle en train d'essayer de planifier une stratégie pour l'avenir du secteur des services financiers alors qu'on ne sait vraiment pas ce qui va se passer—car des choses vont arriver.

Par conséquent, dans le scénario dont j'ai parlé, oui, il y aura des problèmes. Mais lorsque les banques prennent des risques dans un pays donné, elles partagent ce risque, ou le répercutent sur quelqu'un d'autre ou alors obtiennent certaines garanties. Elles protègent donc aujourd'hui beaucoup mieux leurs actifs qu'auparavant, à cause de la leçon qu'elles ont apprise. Mais rien n'est parfait. Je pense que chaque institution financière pourra s'attendre à essuyer certaines pertes. Mais celles-ci ont été minimisées, et les banques s'occupent beaucoup mieux de leurs affaires qu'auparavant. Elles doivent être présentes sur certains de ces marchés, mais elles y font aujourd'hui preuve de prudence et de prévoyance.

M. Roger Gallaway: L'autre question que je voulais soulever porte sur quelque chose donc on n'a pas beaucoup parlé en vérité: toute la question de l'habilitation des consommateurs, ce que j'appellerais les dispositions en matière de protection du consommateur du rapport MacKay. Je dois avouer que je ne suis pas très au courant du volet coopératives de crédit, bien que je sois en train d'apprendre. Dans le secteur bancaire, il y a toute une série d'ombudsmans, et les banques ont créé ce que j'appellerais un bureau de super-ombudsman, qui surveille les cinq ou six autres. Si je fais affaire avec une société de crédit et que j'ai une plainte, quelle qu'en soit la nature, en supposant qu'elle puisse être réglée au niveau du gestionnaire, est-elle acheminée au conseil d'administration de la coopérative de crédit ou bien y aurait-il lieu de recourir à un service d'ombudsman semblable à celui créé par les banques dans le temps?

M. Len Gatto: Monsieur Gallaway, les membres peuvent écrire directement au conseil d'administration, et ils le font en fait assez souvent. Tout juste la semaine dernière, je me suis occupé de deux questions du genre à la réunion du conseil d'administration, et c'est de cette façon que cela se règle en général.

Évidemment, si l'intéressé n'est pas satisfait de la réponse ou de la solution retenue par le conseil d'administration, il y a une commission d'appel et l'on passe par la centrale de stabilisation ou FICOM, soit le bras provincial du gouvernement. Je suis PDG de notre coopérative de crédit depuis seize ans et demi, et nous n'avons jamais eu à aller jusque-là. Les problèmes ont toujours été réglés par le conseil d'administration, en général à la satisfaction des deux parties concernées.

M. Roger Gallaway: Par conséquent, le fait que MacKay recommanderait un genre d'ombudsman pour toutes les institutions financières ne vous ennuierait j'imagine pas.

M. Len Gatto: Je ne sais pas si cela m'ennuierait. Je demeure convaincu que nous ne voulons pas perdre la force de nos organisations et qui réside dans le fait que celles-ci travaillent avec leurs membres. Le conseil d'administration est élu par les membres dont bon nombre connaissent personnellement les élus. C'est sans doute cela qui explique notre succès. Tant et aussi longtemps que cela ne devient pas trop bureaucratique, je pense que ce serait sans doute une bonne idée, mais sans qu'on ne nous consulte.

M. Harri Jannson: Je pense que vous constaterez que les membres traitent directement avec nous. Vivant dans la localité, je reçois des appels téléphoniques de membres tous les jours. Ce n'est pas comme essayer de joindre le PDG d'une banque canadienne. J'ai une ligne directe et les gens le savent, alors si quelqu'un est mécontent, il ou elle prend le téléphone et m'appelle directement.

Le président: Si vous vous regroupiez et formiez une organisation nationale, vous seriez assujetti à l'ombudsman fédéral, si en fait...

M. Harri Jannson: Cela ne me poserait absolument aucun problème. Dans le contexte actuel, nous sommes sur place dans la localité, et les gens nous connaissent. Je marche dans la rue à Richmond, et les gens savent qui je suis.

Le président: À bien des égards, donc, vous êtes en train de dire que l'autoréglementation est sans doute tout aussi bien.

M. Harri Jannson: Oui.

Le président: Madame Carroll, puis la parole sera à M. Thomas.

M. Brian Carroll: Peut-être que je pourrais ajouter quelque chose à cela, monsieur Gallaway. Si vous demandez au directeur de coopérative de crédit ou au directeur coopératif dans le cadre de la banque communautaire proposée—rien n'a vraiment changé à cet égard; il s'agit de gens de la communauté—pourquoi il s'est porté volontaire pour occuper le poste, typiquement, ce sera pour une raison parmi plusieurs, mais une raison que vous entendrez souvent mentionner est qu'en tant que membre d'une société de crédit, qu'elle ait une ou 50 succursales, il n'aime pas la façon dont un service donné est offert ou bien pense qu'il y aurait moyen d'offrir quelque chose de mieux, alors il se porte candidat en vue d'être élu au conseil d'administration. Ce n'est donc pas différent de, mettons, un processus démocratique...

• 1535

M. Roger Gallaway: Se porter candidat pour une charge publique.

M. Brian Carroll: Tout simplement se porter candidat.

Ils se portent donc candidat pour être élus au conseil d'administration, et c'est ainsi qu'ils peuvent obtenir des changements. Un certain nombre de coopératives de crédit ont une fonction de type ombudsman. Nous appuierions en fait n'importe quel genre d'ombudsman fédéral, tant et aussi longtemps, bien sûr, que cela n'alourdit pas le fardeau bureaucratique, mais j'aurais du mal à m'imaginer comment cela pourrait être le cas. Ce serait tout simplement un autre mécanisme auquel recourir en cas de difficultés.

Le président: Vous paieriez cela également. Vous le savez, n'est-ce pas?

M. Brian Carroll: Nous le paierions, mais—et c'est le revers de la médaille—nous relèverions d'un seul cadre de réglementation ce serait donc, je pense, kif-kif.

Le président: Monsieur Thomas.

M. Richard Thomas: J'aurai une observation à faire relativement à vos rapports avec les coopératives de crédit.

Nous recevons à la centrale un certain nombre d'appels de membres de coopératives de crédit qui nous téléphonent pensant, à tort, que nous sommes le bureau chef responsable du système. Nombre de ces appels me sont acheminés. Je crois fermement que nous jouons à l'heure actuelle pour le compte des coopératives de crédit un rôle d'ombudsman. Si un membre n'a pas réussi à obtenir satisfaction auprès de sa société de crédit, neuf fois sur dix je peux demander «Avez-vous discuté avec le gérant? Avez-vous essayer de soulever le problème avec le conseil d'administration?». La réponse est non, et, comme le souligne M. Jannson, c'est à ce niveau-là que les problèmes sont réglés. Nous intervenons et nous essayons de rapprocher les parties si le membre a bel et bien épuisé ces recours, et en règle générale nous obtenons un règlement.

M. Riis est peut-être la seule personne assise à cette table qui était là dans les années 80, lorsque les taux d'intérêt ont crevé le plafond dans ce pays et que le gouvernement fédéral a nommé et a demandé aux institutions financières de nommer un représentant pour jouer ce rôle au nom de leur institution dans les cas où les clients/membres/emprunteurs risquaient de se retrouver en situation de défaut de paiement d'hypothèque du fait de ne pas pouvoir payer le nouveau taux d'intérêt supérieur. C'était moi cette personne pour les coopératives de crédit en Colombie-Britannique. Pour l'ensemble des coopératives de crédit qui existaient en Colombie-Britannique à l'époque, j'ai reçu moins de six appels pendant toute la période pendant laquelle j'ai joué ce rôle.

J'ai reçu un appel d'un membre d'une coopérative de crédit. J'ai parlé à la dame deux fois dans la même journée. Le plus court des deux appels téléphoniques a duré deux heures et demi. Lorsque nous avons terminé, elle voulait m'inviter à aller rencontrer sa fille.

Je peux vraiment dire, en toute franchise, que je crois fermement que nous jouons bien ce rôle. Au niveau d'une coopérative de crédit, je ne suis pas certain qu'il faille avoir un ombudsman. Je pense qu'un système informel existe.

Le président: Merci, monsieur Gallaway.

Madame Leung.

Mme Sophia Leung: Merci, monsieur le président.

J'ai beaucoup apprécié vos présentations.

Il est manifeste que la coopérative de crédit se porte bien, Wayne. Mais d'après ce que j'ai compris, certaines d'entre elles sont largement contrôlées par des groupes politiques. Pourriez-vous nous expliquer comment vous pouvez vraiment refléter les besoins et les désirs des membres? Pourriez-vous répondre à cette question?

M. Wayne Nygren: Pourquoi m'adressez-vous cette question-là?

Mme Sophia Leung: Nous savons que vous êtes en Colombie-Britannique, où l'on parle...

M. Wayne Nygren: Je pense que différents conseils d'administration sont composés de personnes différentes avec des intérêts différents, c'est vrai. Et c'est la manifestation du processus démocratique à l'oeuvre. Si les membres votent pour elles, alors ce sont elles qui sont en place.

Il existe différentes coopératives de crédit qui ont différentes affiliations avec différentes organisations, mais tout ce que nous regardons c'est la force de l'organisation, et elles sont, pour la plupart, très solides et tout à fait en mesure de poursuivre.

Mme Sophia Leung: Merci.

M. Brian Carroll: Si vous me permettez d'ajouter quelque chose dans le contexte du projet de banque communautaire qui est envisagé, vous avez absolument raison, et Wayne a très bien répondu. Différents groupes assurent la régie de différentes coopératives de crédit, et c'est une question dont discute à l'occasion le groupe avec lequel je travaille. Ce qui est proposé est en fait qu'il y ait deux conseils d'administration: vous avez dans la proposition un conseil coopératif communautaire, qui serait très semblable aux conseils tels qu'ils existent aujourd'hui dans les coopératives de crédit; et vous avez aussi un conseil de banque nationale, élu par eux, à leur tour, ou bien élu par leurs membres—peu importe le mécanisme, mais ces gens sont élus par les membres, si vous voulez.

M. Nelson Riis: Comme le Sénat.

M. Brian Carroll: Ou pas. C'est un Sénat élu.

Y a-t-il moyen de rayer certaines choses du procès-verbal? Non?

Quoiqu'il en soit, il faudrait que le conseil de banque soit admissible en vertu des critères de la Loi sur les banques. Je m'attendrais à ce qu'au niveau du conseil d'une banque nationale ou d'une banque communautaire, il soit difficile pour les candidats d'une liste de tout simplement se présenter, alors que j'imagine que cela pourrait toujours se faire au niveau de la coopérative ou de la caisse de crédit.

Mme Sophia Leung: Allez-y.

M. Wayne Nygren: Avec notre structure, nous sommes certainement ouverts à une régie par un certain nombre d'organes de groupes d'intérêt spécial. Notre principale préoccupation est qu'ils soient prudents sur le plan financier, que les dépôts des membres ne soient pas mis en situation de risque et qu'ils s'occupent des besoins des membres. C'est en vérité tout ce que nous demandons, et c'est ce qui se passe, pour la plupart.

• 1540

Mme Sophia Leung: Merci. J'ai une autre question d'ordre général.

Il a été suggéré qu'il y ait un chien de garde indépendant chargé de surveiller le système financier international afin d'empêcher qu'il y ait une crise mondiale. Pensez-vous qu'il y aurait un rôle à jouer en Colombie-Britannique pour un tel organe?

M. Wayne Nygren: Ma réponse dans le contexte actuel est non. Je pense qu'il doit y avoir... Il y a la Banque mondiale, il y a le Fonds monétaire international. Il y a plusieurs organismes qui ont été créés pour s'occuper de la perspective mondiale. Je ne pense pas qu'il y ait de véritable rôle à l'interne pour un intervenant à dimension internationale.

Le président: Y a-t-il d'autres observations?

Merci, madame Leung. Le tour est maintenant à Mme Bennett.

Mme Carolyn Bennett: Je voulais tout simplement poser des questions au sujet de la proposition relativement à la banque communautaire nationale. Vous avez dit que le Québec et que l'Île-du-Prince-Édouard n'y sont pas inclus. Quel pourcentage des coopératives en Colombie-Britannique et dans chacune des autres provinces feraient partie de la proposition?

Le président: Monsieur Carroll.

M. Brian Carroll: Merci. Je vais essayer de faire rapidement les calculs dans ma tête. En gros, la proposition qui a été préparée—et il faudrait que je sois clair là-dessus—est tout simplement un scénario d'affaires devant servir à déterminer si ce serait même viable et à lancer des discussions réfléchies comme celles que nous sommes en train d'avoir maintenant, ainsi qu'avec le BSIF et d'autres personnes et provinces.

À l'heure actuelle, il y a un nombre disproportionné d'intéressés, sur le plan avoirs, qui sont résidents de la Colombie-Britannique. J'imagine que c'est parce que partout dans la région centrale de la Colombie-Britannique, on a fait beaucoup de travail pour examiner la structure du système, et cela a pris de l'ampleur, si vous voulez, entraînant certaines coopératives de crédit à se pencher sur cette possibilité.

D'autres provinces le font, mais je pense que c'est la Colombie-Britannique qui a été le pionnier. La proposition—j'imagine qu'on peut l'appeler ainsi—n'a jamais vraiment été proposée partout au pays. Ce que nous avons voulu faire, cependant, c'est avoir un mélange à l'échelle du pays pour contester certaines des hypothèses au fur et à mesure de la mise au point de la trame pour ceci, et nous voulions être certains d'avoir des gros et des petits et des centres urbains... Je suppose que vous pourriez dire Toronto versus les Prairies.

À l'heure actuelle, je pense qu'il serait impossible pour nous de faire des prévisions. Si nous obtenions les pouvoirs nécessaires et allions de l'avant avec ce projet, il serait impossible de prévoir combien il y aurait de participants. Ce que je peux vous dire, c'est ceci: à la fin du scénario d'affaires, nous avons demandé que la proposition retourne à chacun des conseils participants l'ayant parrainée, et il leur a fallu prendre une décision réfléchie sur la question de savoir s'ils allaient poursuivre l'adoption de projets de loi—émettre une résolution normalisée là-dessus. Tous à l'exception d'un ont voté en faveur. Nous attendons toujours le résultat du vote de ce conseil-là. Il semble donc qu'il y ait toujours un certain appétit pour la chose, mais voilà à quelle étape on en est.

Le président: Monsieur Jannson.

M. Harri Jannson: Madame Bennett, nous avons délibérément fait en sorte que le groupe demeure relativement petit parce qu'il y a un certain nombre de questions plutôt complexes à examiner, sans parler du fait qu'on vient de provinces différentes. Le fait que ce soit 12 correspond tout simplement au désir de rester petit afin de pouvoir faire les choses rapidement. Un certain nombre de coopératives de crédit d'un peu partout au pays se sont dites intéressées à regarder le modèle et à participer. Nous leur avons demandé de nous laisser tout simplement rassembler le tout, et une fois que nous aurons terminé et que nous aurons obtenu des réactions positives auprès des responsables en la matière, alors nous ouvrirons le processus.

Mme Carolyn Bennett: Pourrait-on se retrouver avec la moitié des coopératives de crédit du pays?

M. Harri Jannson: Oui, c'est possible.

Mme Carolyn Bennett: Pourrait-il y en avoir plus que cela?

M. Harri Jannson: C'est possible.

Mme Carolyn Bennett: Serait-il possible qu'on les y retrouve toutes?

M. Harri Jannson: C'est très difficile à prévoir. Le groupe, soit les 12, est d'avis que les changements auraient dû être faits hier. Il y a dans ce pays des coopératives de crédit qui ne voient pas la nécessité d'apporter immédiatement des changements, mais qui regardent vers l'avenir et qui se disent qu'il va leur falloir changer. Si vous êtes une coopérative de crédit sur un marché non concurrentiel, votre monde ne va sans doute pas changer aussi vite que si vous êtes une société de crédit dans le centre-ville de Toronto ou de Vancouver, où la concurrence est féroce. Cinquante pour cent d'entre nous, qui sommes membres de cette organisation, nous trouvons dans des marchés hautement concurrentiels. Il nous faut changer rapidement. C'est ce qui nous a poussés à nous mettre ensemble.

Mme Carolyn Bennett: Merci.

Le président: Merci, madame Bennett.

Monsieur McKay.

M. John McKay: Je suis quelque peu surpris que votre mouvement ne soit pas plus critique de MacKay à cause de l'imbroglio réglementaire dans lequel vous vous trouvez: deux vérificateurs dans une même année; certaines lignes qui sont réglementées au niveau fédéral, et d'autres au niveau provincial. Vous faites une série finale, en définitive, en créant une banque, et les membres de cette banque seront alors assujettis aux règles et fédérales et provinciales, et vous voulez avoir une envergure nationale. Il ressort clairement que les temps sont en train de changer.

• 1545

Le méli-mélo en matière de réglementation que nous avons dans ce pays semble entraver votre désir d'entrer dans le XXe siècle avant qu'on en soit au XIXe siècle. Pourquoi donc hésite-t-on à demander à MacKay de dire que le gouvernement fédéral devrait tout simplement être l'organe de réglementation pour l'ensemble des institutions et des instruments financiers?

M. Harri Jannson: J'imagine que dans un monde parfait, si l'on pensait pouvoir influencer les décisionnaires en ce sens, nous le ferions vraisemblablement. Nous essayons de travailler à l'intérieur du cadre qui existe, car nous pensons que c'est sans doute le moyen le plus rapide de faire changer les choses, mais je ne conteste aucunement ce que vous dites.

M. John McKay: Il s'agit donc d'un objectif souhaitable. Cela vaut-il pour tout le monde autour de la table?

M. Wayne Nygren: Permettez-moi de faire un commentaire. Le système des coopératives de crédit est le plus gros réseau financier de cette province, comme c'est le cas au Québec et en Saskatchewan, à cause de la façon dont fonctionnent les opérations et à cause du contexte législatif. Nous sommes donc tous et chacun des structures provinciales. Néanmoins, cela étant dit, l'une de nos principales faiblesses est que nous n'avons pas pu établir de réseau à l'échelle du pays, en dépit du fait que chacun d'entre nous ait de bonnes lois et de bonnes règles.

MacKay a recommandé que nous envisagions d'établir un réseau à l'échelle du pays au moyen d'une structure bancaire coopérative. Nous nous efforçons donc de construire dans un contexte de règlements et de lois provinciaux positifs, et c'est pourquoi nous examinons l'assurance-dépôt de 100 000 $. Nous examinons la formule BIS plutôt que la formule effet de levier—des choses qui amélioreraient notre compétitivité et les meilleures qualités que nous avons côté provincial, afin de verser tout cela dans un réseau national grâce à une banque coopérative, ce qu'a recommandé Harold MacKay.

M. John McKay: Mais si le comité ici réuni et d'autres veulent qu'on se débarrasse de beaucoup de bois mort réglementaire, est-il souhaitable de se lancer sur la voie de l'établissement d'un système unitaire de réglementation fédérale?

M. Wayne Nygren: Oui, à condition que nous obtenions des règles avec lesquelles nous nous sentons bien. À l'heure actuelle, certaines des règles fédérales ne seraient pas très positives pour nous.

M. John McKay: C'est ce que je devine, car vous parlez de façon très positive de la façon dont la Colombie-Britannique a traité le mouvement. J'imagine que c'est un modèle que l'on pourrait utiliser.

Le président: Monsieur Carroll.

M. Brian Carroll: J'aimerais me faire l'écho de ce que viennent de dire Harri et Wayne. J'imagine que s'il y avait une synthèse au niveau de la législation et si le résultat était acceptable pour toutes les parties, il en découlerait de très nets avantages. Cela donnerait à tout le monde une carte très claire pour l'avenir. J'imagine que ce que nous nous disions est qu'il y a ici une question de convergence. Les sociétés coopératives de crédit, comme l'a souligné Harri, se tournent vers le modèle fédéral—appelons cela une banque, car c'est un mot qui s'y applique—car elles ressentent à l'heure actuelle la pression.

Lorsque nous avons demandé aux gens si des changements de cette envergure leur paraissent logiques ou non, un nombre important d'entre eux ont dit que oui, qu'il nous faut avoir des résultats rapidement et que ces résultats doivent être de taille. Ils ont donc examiné un petit peu le contexte existant. Peut-être qu'ils n'ont pas adopté l'approche élégante, mais j'imagine qu'ils ont vu cela du point de vue d'une entité réglementée par opposition à celui d'un organe de réglementation. Voilà la première chose.

Deuxièmement, et c'est un élément du rapport MacKay que nous appuyons très fermement, le Canada est vraiment unique parmi les pays développés en ce qu'il n'a pas de législation applicable aux institutions financières coopératives qui vous permettrait d'avoir une administration soit provinciale, soit fédérale. À l'heure actuelle, si vous voulez être une institution financière coopérative de détail, vous devez avoir un mode de fonctionnement provincial. L'aspect auquel nous applaudissons est que cela nous donnera le choix, et il y aura sans doute de ceux qui continueront, pour leurs propres raisons, de fonctionner selon un régime provincial.

M. John McKay: J'imagine que cela revient à essayer d'établir un cadre réglementaire fédéral qui plaise aux joueurs.

• 1550

Le mouvement coopératif est assez fort en Colombie-Britannique, très fort au Québec et fort jusqu'à un certain point en Saskatchewan, et il est quasi inexistant en Ontario. Voyez-vous l'Ontario comme étant une région qui offre de vraies possibilités de remplissage, ce qui se fera forcément? Que les banques fusionnent ou non, elles vont se retirer des domaines de la brique, du mortier et des gens—elles vont emprunter une toute autre direction. Y a-t-il moyen pour le gouvernement fédéral d'encourager le mouvement coopératif à faire un peu de ce remplissage?

Le président: Monsieur Carroll.

M. Brian Carroll: Vous avez tout à fait raison lorsque vous observez que le mouvement coopératif ne s'est pas établi sur le marché ontarien et sur un certain nombre d'autres marchés également, mais c'est l'Ontario qui est le plus évident. Je pense que—et nous continuons nous-mêmes de lutter avec cela—que vous envisagiez la consolidation de services centraux et les opérations de coulisses, la création d'une banque et l'établissement de partenariats avec des centrales ou d'autres choses encore, s'il s'agit de pénétrer le marché ontarien, nous pensons que le marché est là, mais il nous faut être compétitifs et offrir toute la gamme des produits et services.

Ce que nous avons en Ontario c'est tout un tas d'emplacements, et il est évident qu'aujourd'hui personne ne construit plus de succursales avec autant de briques et de mortier. Il nous faudra peut-être établir un arrangement de partenariat ou autre, non pas avec une banque mais avec une autre entité de type coopératif. Ce sont là des choses que nous essayons présentement de tirer au clair, et je pense qu'il nous faut intégrer cela dans la proposition. C'est un élément clé.

M. John McKay: Ce qui nous rend complètement fous en tant que politiques fédéraux est la façon dont les banques traitent leur clientèle. L'on pourrait dire que c'est assez abusif. Cela devient très abusif dans le contexte des fermetures, les décisions étant prises de façon très étrange. Vous savez, vous avez 16 succursales et vous devez ramener cela à 14. La façon dont vous vous y prenez m'est complètement égale, mais faites-le. Ce sont là les ordres que l'on donne au vice-président.

Y aurait-il un quelconque rôle pour le gouvernement fédéral ou des moyens en vertu desquels les coopératives de crédit seraient automatiquement consultées dans les cas où une banque entend fermer une succursale? Serait-ce là quelque chose de valable?

M. Harri Jannson: Je pense que ce serait relativement difficile. Permettez-moi de dire ceci, m'appuyant sur mon expérience. À l'heure actuelle, il ne se fait pas de fermetures de succursales, et il y a une très simple raison à cela.

M. John McKay: Ah, vraiment?

M. Harri Jannson: À l'heure actuelle, et c'est sans doute le cas depuis trois ou quatre mois, les banques n'annoncent pas...

M. John McKay: D'accord, mais elles sont tout simplement gentilles avec nous.

M. Harri Jannson: Précisément. Il y a une raison à cela. Elles ne veulent bouleverser personne. Mais il y a une autre raison pour laquelle les banques voudraient fermer des succursales, et ce n'est pas toujours la seule raison. Rares sont les succursales qui ferment parce qu'elles ne sont pas rentables. Les banques les ferment parce qu'elles ne sont pas suffisamment rentables.

Si donc vous demandez si une coopérative de crédit devrait être consultée avant la fermeture d'une succursale, j'imagine que vous demandez si nous ne voudrions pas reprendre cette succursale si elle doit fermer. Si c'est cela que vous voulez dire, je dirais que cela dépend. Si c'était un angle à quatre succursales dans le centre-ville torontois, avec une succursale fermée et les trois autres présentes depuis 75 ans, notre société serait la dernière arrivée et la première partie, alors je ne sais trop si c'est cela que nous rechercherions.

Pour en revenir à votre point précédent, les coopératives de crédit de la Colombie-Britannique sont très solides et ont très bien réussi. Nous ne sommes plus qu'environ 85 alors que nous étions 175 il y a 10 ou 15 ans. Mon dernier relevé en Ontario a déterminé qu'il y en an là plus de 300. En nous réunissant et en ayant une organisation nationale, nous pourrons partager certaines des expériences que nous avons vécues en Colombie-Britannique pour aider certaines des coopératives en Ontario. Il leur faudra fusionner, et il faudra qu'il y en ait moins, afin qu'elles puissent être concurrentielles.

Lorsque vous avez en Ontario 300 coopératives de crédit, il n'y en a sans doute que trois ou quatre qui sont suffisamment grosses pour concurrencer qui que ce soit.

Le président: Wayne Nygren.

M. Wayne Nygren: Lorsque nous avons discuté avec le sénateur Kirby, ses principales préoccupations étaient que nous essayions de nous occuper des prêts à la petite entreprise ainsi que du marché ontarien.

• 1555

Si vous prenez le marché ontarien dans son entier, il se compose en fait de deux marchés distincts: le marché torontois et l'Ontario rural. Le système des coopératives de crédit dans l'Ontario rural est raisonnablement fort et dispose d'un vaste réseau de succursales. À Toronto, le système est bien évidemment très anémique. Étant donné la législation en matière de coopératives de crédit à accès limité, le réseau n'a pas pu s'élargir. Il ne s'agit donc pas à proprement parler d'un problème ontarien, mais plutôt d'un problème torontois. C'est en effet à Toronto qu'il y a des lacunes côté réseau de coopératives de crédit, alors il s'agit d'une question tout à fait différente.

Je peux vous dire quelque chose au sujet d'une des questions que nous examinons. Par exemple, dès qu'il est question de la simple possibilité qu'une succursale ferme ici en Colombie-Britannique, il y a tout de suite création d'un système de coopératives de crédit. Cela résulte de la force du système des coopératives. On nous appelle à la centrale, et, en gros,...

M. John McKay: Bien.

M. Wayne Nygren: C'est la communauté.

M. John McKay: La Banque TD nous a dit exactement le contraire.

M. Wayne Nygren: Eh bien, la dernière fois que cela s'est produit, nous sommes allés à Clinton, où a fermé la Banque de Montréal. Le maire de Clinton m'a téléphoné et m'a demandé si cela m'intéressait d'y implanter une coopérative de crédit. J'ai donné des coups de fil et au bout d'environ trois semaines, une coopérative s'y est installée, a pris en mains les locaux et les coffres-forts, a fait changer les enseignes, et s'est installée. Nous avons fait la même chose dans quatre ou cinq localités. Dès que la succursale ferme, la collectivité se réunit et la première chose qu'elle fait c'est essayer de faire venir une société coopérative de crédit. Mais la situation n'est pas la même en Ontario, tout particulièrement en Toronto, car il y a là quantité d'organisations financières.

Le président: Monsieur Thomas.

M. Richard Thomas: Je voulais tout simplement souligner que dans ses remarques liminaires, Wayne a fait ressortir qu'il y a environ 28 localités dans lesquelles nous sommes seuls sur le territoire. Les deux derniers ajouts sont Clinton et Elkford: dans le sud de Caribou et dans les Kootenays de l'Est. Dans les deux cas, la banque s'est retirée. Dans les deux cas, une coopérative de crédit existante y a implanté une succursale. Les gens de la localité se sont ralliés autour de la nécessité d'avoir des services financiers.

Ce qui caractérise les caisses populaires et les coopératives de crédit est qu'elles sont construites de bas en haut. Elles ne peuvent pas être imposées du haut. Ce n'aurait peut-être pas été logique qu'une coopérative s'installe à Elkford ou à Clinton pendant que s'y trouvait une succursale bancaire. Cependant, lorsqu'il n'y avait plus de services financiers, c'était une bonne idée, et cela a vraiment décollé.

L'une des idées les plus étranges que j'ai entendues relativement aux fusions de banques est celle voulant que les banques soient tenues de vendre au réseau de coopératives de crédit les succursales dont elles ne veulent plus. Je ne suis pas certain que ce soit dans l'intérêt du système de coopératives de crédit. Si quelqu'un veut nous accrocher cet albatros au cou, il nous faudra en discuter un petit peu.

Le président: Monsieur Carroll ou monsieur Gatto.

M. Len Gatto: J'aurais un seul commentaire à faire. Les coopératives de crédit sont au Canada représentées dans 300 localités dans lesquelles nous sommes la seule et unique institution financière.

Est-ce bien que nous vous soumettions une lettre au sujet du marché ontarien? Nous n'avons pas suffisamment réfléchi à votre observation, monsieur MacKay, alors si nous pouvions repartir avec cela et y réfléchir, nous pourrions vous envoyer une lettre vous exposant nos opinions à ce sujet.

M. John McKay: Bien sûr.

M. Len Gatto: Bien. Merci.

Le président: J'aimerais poser une question au sujet du crédit-bail et des assurances. Les coopératives de crédit de la Colombie-Britannique peuvent vendre par l'intermédiaire des succursales. Quel genre d'expériences avez-vous vécues dans ce domaine jusqu'ici?

M. Wayne Nygren: Je vais laisser Richard répondre. C'est lui qui a les statistiques.

M. Richard Thomas: Monsieur le président, je suis heureux que vous souleviez la question des assurances, car je pense que M. Lekstrom a mentionné plus tôt ses préoccupations relativement au fait que des institutions financières en vendent.

Permettez-moi d'être clair dès le départ. Il a dit qu'il ne voulait pas traiter avec une caissière qui est agente d'assurances à temps partiel. Chaque employé de coopérative de crédit dans cette province qui vend de l'assurance est un employé de la compagnie d'assurances qui est filiale de la société de crédit, et non pas de cette dernière. Chacun de ces employés est pleinement accrédité et a été formé conformément à la loi provinciale en matière de réglementation des activités des agents d'assurances. Chacun d'eux est assujetti à l'Insurance Council of British Columbia et est assujetti à une surréglementation par la Commission des institutions financières. Je tiens à ce que cela soit clair dès le départ.

J'ai passé deux ans à travailler comme fonctionnaire dans cette province dans le domaine de la politique de réglementation des coopératives de crédit. Cela remonte à l'année 1978. Sans craindre qu'on me contredise, je pense pouvoir toujours dire que pendant cette période de 20 ans il n'y a jamais eu dans cette province de plainte déposée auprès de l'organe de réglementation relativement à une coopérative de crédit ou à une agence de coopérative de crédit vendant de l'assurance, qui n'ait pas été déposée par une personne liée au secteur des assurances—jamais.

Le président: Puis-je vous poser une question? Si vous créez cette banque du millénaire ou autre...

M. John McKay: La banque du millénaire.

Le président: La banque du millénaire.

• 1600

M. John McKay: La seule question est de savoir si c'est la suivante ou celle qui viendra après.

Le président: Si vous regardez le statu quo, les banques ne peuvent pas vendre—je parle maintenant de vente au détail—alors ce serait quelque chose que vous perdriez.

M. Richard Thomas: Eh bien, MacKay a recommandé que les institutions financières fédérales plus petites soient autorisées à se lancer dans le jeu dès que les règles auront pu être modifiées, et que les plus grosses—celles qui ont une capitalisation supérieure à 5 milliards de dollars—soient autorisées à se lancer dans la partie au bout de trois ans. Si une initiative nationale est lancée, je pense que ce sera le fait d'une des plus petites institutions. Nous serions donc admissibles si le gouvernement fédéral adoptait la recommandation MacKay à cet égard.

Le président: Quelle est votre position quant à la vente au détail d'assurances et de crédit-bail par des banques?

M. Richard Thomas: Nous ne nous y sommes pas opposés. Bien franchement, ce serait hypocrite. Depuis des années, une association de courtiers en assurances cherche à obtenir notre appui à son opposition à l'entrée des banques dans ce domaine. Nous nous y sommes refusés. Nous sommes dans la partie depuis la fin des années 60 et nous appuyons pleinement la concurrence. Nous ne nous sommes pas opposés à ce que les banques interviennent dans ce domaine.

Le président: Permettez-moi de vous poser une question. Vous êtes unique dans le secteur des services financiers. Votre culture est unique. Nous sommes tous d'accord là-dessus. Peut-être que nous pourrions même aller jusqu'à dire que vous êtes le produit de l'expression de la volonté démocratique de vos membres. Il me semble que si tel est le cas, alors vos membres seront logiquement d'accord avec vous sur ce que vous venez de dire.

M. Richard Thomas: Excusez-moi, mais vous parlez du fait que les banques se lancent dans le domaine?

Le président: De la vente au détail.

M. Richard Thomas: Je serais d'accord sur ce point.

Le président: Décrivez-moi votre prototype, votre client moyen.

M. Harri Jannson: Tout dépend, en définitive, de votre marché. Il me faudrait vous dire que si vous meniez un sondage auprès de tous les membres de la Richmond Savings—qui sont au nombre d'environ 80 000—et leur demandiez s'ils se perçoivent comme étant des membres ou des clients, la plupart d'entre eux diraient qu'ils se considèrent clients.

M. Nygren a souligné plus tôt que la Richmond Savings a été fondée il y a 50 ans parce que les gens à Richmond ne pouvaient pas obtenir une hypothèque auprès d'une banque ou d'une institution financière, parce que c'est une région marécageuse. Ils ont donc créé leur propre coopérative de crédit et c'est là la genèse de l'affaire.

Nos membres cherchent aujourd'hui des choses différentes de ce qu'ils cherchaient il y a 15 ou 20 ans. Si nos services ne sont pas pratiques, s'ils ne sont pas compétitifs, si nos prix et nos produits ne sont pas concurrentiels, alors ils ne resteront pas longtemps avec nous. Je ne peux pas vous citer de résultats du sondage, mais je les ai vus: les membres se voient comme étant d'abord des clients et ensuite des membres. Il y en a peut-être une poignée qui diraient l'inverse, mais je pense que la majorité des gens se voient comme étant des clients d'abord.

Le président: Mais vos clients sont manifestement d'accord avec M. Thomas dans ce qu'il dit.

M. Harri Jannson: Je dirais que oui, en effet.

Le président: Madame Bennett.

Mme Carolyn Bennett: J'aurais une petite question à poser. Dans les localités qui ont perdu leurs banques et où vous êtes maintenant la seule institution financière, qu'ont tendance à faire les résidents? Vous est-il possible d'évaluer la part de marché qui vous revient? Les gens de l'Institut Fraser nous ont expliqué que ce qui est à la mode, c'est la banque virtuelle. Combien de personnes traiteront avec leur banque précédente, avec la banque précédente en briques et en mortier, en direct ou par téléphone, et combien de personnes vont véritablement traverser la rue pour déposer leur argent chez vous?

M. Wayne Nygren: Permettez-moi de revenir au dernier exemple que je vous ai fourni, soit la localité de Clinton, marquée par une fermeture très récente. Lorsque la Banque de Montréal a décidé qu'elle voulait se retirer de Clinton, la Quesnel and District Credit Union, par exemple, a décidé qu'elle y jetterait un coup d'oeil. Elle a mené un sondage à l'échelle de la localité tout entière. Elle a fait du porte à porte pour savoir qui voudrait participer, qui appuierait une société coopérative de crédit. Pour abréger, nous avons doublé le volume d'affaires de la Banque de Montréal et les gens de la localité ont le sentiment que l'organisation leur appartient.

Il vous faut presque mener une campagne de porte à porte et dire «Nous allons venir nous installer si vous êtes derrière nous». Il vous faut demander aux gens s'ils vont appuyer votre organisation financière. Les gens sont nombreux à venir et, pour le premier volet, c'est presque payant. Ce n'est donc pas là en tant que machine à profits, mais strictement en tant que fournisseur de services.

Mme Carolyn Bennett: Comment les banques justifient-elles la fermeture de succursales si elles perdent en définitive les affaires de toute la localité?

• 1605

M. Wayne Nygren: Eh bien, c'est qu'elles ont décidé que ce n'est pas assez rentable pour elles de rester ouvertes dans telle ou telle localité. C'est ainsi que nous nous implantons avec, pour intention initiale, de combler le vide. Dans bien des cas—presque la majorité d'entre eux—nous finissons néanmoins par devenir rentable, parce que nous prenons le temps de faire du porte à porte et de demander aux gens s'ils nous appuieront si nous venons, et ils le font.

Le président: La parole sera maintenant à M. McKay, pour une dernière toute petite question.

M. John McKay: M. Hopkins commence à s'ennuyer là-bas, alors j'ai pensé lui poser une question.

À quoi sert-il que Vancouver soit un centre financier international? Que cela lui rapporte-t-il et pouvez-vous m'expliquer pourquoi Toronto n'est pas un centre financier international?

M. Liam Hopkins: La deuxième question est difficile.

Le président: Alors commencez tout simplement par la première.

M. Liam Hopkins: Nous allons donc commencer par la première. C'est le meilleur endroit où commencer.

Nous attirons bel et bien ici à Vancouver beaucoup d'activités financières internationales. Cela crée davantage de compétences dans l'industrie, ainsi que des emplois. Cela attire également des gens d'affaires qui viennent ici dans le cadre de notre initiative mais qui peuvent également s'adonner à d'autres activités en dehors de cette initiative. En d'autres termes, quelqu'un voudra peut-être faire des transactions ici. Il ou elle découvre Vancouver grâce à notre initiative, vient à Vancouver et pour une raison ou une autre achète, mettons, un hôtel ou autre. Malheureusement, j'ai toujours renvoyé ces gens aux banques, et non pas aux coopératives de crédit, pour quelque raison.

Nous mettons néanmoins l'accent sur Vancouver en tant que centre pour mener des affaires internationales de tous genres, que cela relève ou non de notre mandat ou de la législation en place. C'est moins cher de faire ces activités car il y a un remboursement de taxe dans le cas de la Colombie-Britannique. C'est plus intéressant sur le plan fiscal lorsque vous faites affaire, pour certains types de transactions internationales, avec des non-résidents, et c'est là l'aspect important.

En ce qui concerne la deuxième question, je pense qu'il vous faudrait retourner voir le gouvernement fédéral et lui demander pourquoi il a laissé Toronto de côté. Comme vous le savez, il y a toujours un litige en cours entre la ville de Toronto et le gouvernement fédéral, et la situation dure depuis dix ans. Je pense que c'était une situation régionale. Cela a vraiment commencé à Montréal, au Québec. Ils voulaient faire des affaires là-bas, puis Vancouver a sauté dans le train.

Le président: En dépit du fait que les avantages de ces soi-disant centres internationaux... Lorsque vous regardez ce qui s'est passé en Angleterre, par exemple, ils y ont vraiment établi un centre de secteur de services financiers international. Je pense que notre définition de ce qui constitue un secteur de services financiers international est très différente.

M. Liam Hopkins: Oh oui, de loin. Nous ne pouvons pas nous comparer à des endroits comme Londres, New York ou Tokyo, mais il existe une quarantaine environ d'autres centres financiers de la même taille que nous ou même peut-être plus petits, et ils attirent beaucoup d'activité. Bien sûr, celui dont je parle tout le temps et qui a été lancé en même temps que le nôtre, est celui de Dublin, pour des raisons évidentes. Il a réussi à attirer beaucoup d'activités. La raison à cela, bien sûr, est que le centre se trouve dans la capitale, Dublin. Mais il y a moins de restrictions qui leur sont imposées là-bas, par rapport à notre situation ici, en vertu de la loi.

Le président: Merci, monsieur Hopkins et monsieur McKay.

J'aimerais, au nom de tout le comité, vous remercier très sincèrement. Lorsque j'ai lu le rapport du groupe de travail MacKay, j'ai vu que l'un des secteurs qui va connaître une sérieuse évolution sera le vôtre, alors ce sera une période très stimulante pour les sociétés de crédit.

Cela fait en même temps ressortir qu'à bien des égards lorsqu'un vide est créé, des possibilités en résultent. Il nous faudrait garder cela à l'esprit lorsqu'il s'agira de repenser et d'essayer de retravailler le secteur des services financiers. Je vous dis bien sûr là des choses que vous connaissez déjà.

M. Wayne Nygren: Une petite remarque, en guise de conclusion. Lorsque nous avons discuté avec Harold MacKay, l'une des choses que nous avons soulevées était la question de savoir qui pourrait offrir de la vraie concurrence dans ce pays. Il faut vraiment que ce soit un réseau de distribution.

Le gouvernement fédéral peut parler autant qu'il veut de banques étrangères, mais celles-ci n'ont pas de réseau de distribution. Ce sont les coopératives de crédit qui sont la seule solution de rechange logique si l'on veut un secteur concurrentiel dans ce pays. Je pense que c'est ce qui ressort de tout le rapport MacKay, et c'est pourquoi nous nous penchons sur la perspective nationale.

Ce que le rapport MacKay révèle également, sans doute sans le dire, est que le réseau le plus sous-utilisé du pays pour ce qui est du réseau à sa disposition, de l'emplacement des succursales et des avoirs qu'il administre, est précisément celui-là. C'est pourquoi nous nous penchons sur le tableau plus large.

• 1610

Le président: Vous parliez de centres de distribution. Comme vous vous en souviendrez sans doute, le bureau de poste, surtout dans le Canada rural et dans les petites localités, a été un élément très important de l'infrastructure. Voyez-vous un rôle pour Postes Canada dans tout ce débat?

M. Harri Jannson: Ils sont déjà en partenariat avec l'une des banques à charte, la Banque de Montréal, dans le but d'établir une succursale de prêts bancaires et un bureau de poste—on se partagera le loyer, on formera vos gens pour qu'ils soient caissiers afin qu'ils traitent les dépôts. Le gros défi, lorsqu'ils quittent une ville et essaient de convaincre les résidents de continuer de traiter avec une banque, est la question de savoir où les gens vont mettre leurs dépôts. Postes Canada peut faire cela.

Le président: Postes Canada est une institution de dépôt?

M. Harri Jannson: Oui.

M. Wayne Nygren: Nous envisageons deux relations possibles—l'une avec Postes Canada et l'autre avec la Banque fédérale de développement—et la possibilité de travailler en partenariat avec des organismes fédéraux. Ils nous ont pressentis au sujet de ces deux questions. Nous sommes en train de les étudier toutes les deux.

Le président: Encore une fois merci, au nom de tout le comité. Cet échange a été très intéressant.

La séance est suspendue.

• 1611




• 1702

Le président: À l'ordre. Nous reprenons et je souhaite à tous la bienvenue ici cet après-midi.

Nous sommes heureux d'accueillir parmi nous des représentants de l'Insurance Brokers Association of British Columbia. Nous allons également entendre, à titre individuel, M. Ian MacLeod, et de Southern Cross Sheepskins Inc., M. Ashley Dermer. Nous attendons par ailleurs l'arrivée de M. George L. Molpass de la Primex Forest Products Ltd., et Chris O'Toole, qui comparaîtra à titre individuel.

Nous allons commencer par les représentants de l'Insurance Brokers Association of British Columbia. Il s'agit de M. Michael Megson, président; de Brent Atkinson, Atkinson, Terry Insurance Brokers; et de Roger Finnie.

Bienvenue.

M. Michael Megson (président, Insurance Brokers Association of British Columbia): Merci, monsieur le président.

Permettez-moi de nous présenter à vous une nouvelle fois de façon plus officielle. Je suis Michael Megson et je suis présentement président de l'Insurance Brokers Association of British Columbia. Je suis un courtier d'assurances indépendant. J'ai une société de courtage dans la région métropolitaine de Victoria.

Mes deux collègues sont ici. M. Brent Atkinson est un ancien président de notre association et il a une boîte de courtage dans le grand Vancouver. M. Roger Finnie est directeur exécutif de notre association et lui aussi a une compagnie de courtage dans la région métropolitaine de Vancouver.

Bonjour, mesdames et messieurs. C'est un privilège pour nous d'avoir ainsi l'occasion de vous exposer aujourd'hui certains de nos sentiments relativement à la recommandation du rapport MacKay voulant que l'on consente aux banques des privilèges spéciaux en matière de vente d'assurances. Nos observations se limiteront à cette seule question.

L'Insurance Brokers Association of B.C. est l'une des plus importantes associations professionnelles de la province. Nous représentons plus de 750 bureaux de membres et quelque 6 000 courtiers en assurances générales à l'échelle de la Colombie-Britannique. La majorité des courtiers en assurances sont des femmes et l'industrie embauche par ailleurs une proportion élevée de jeunes personnes. Nos membres sont présents dans plus de 116 localités un peu partout dans cette vaste province.

Notre organisation a déclaré devant le groupe de travail MacKay lors de sa plus récente tournée l'an dernier que les consommateurs devraient être notre principale préoccupation dans l'examen de tout changement possible au secteur des services financiers. Le groupe de travail a clairement ignoré les opinions des consommateurs en proposant de consentir aux banques des privilèges supplémentaires spéciaux en matière d'assurances et de vente. Ses propres recherches font ressortir que la majorité des Canadiens estiment que les banques ont déjà trop de pouvoirs et trop d'influence, sans parler de leur en accorder davantage.

Chose importante, la recherche conclut par ailleurs qu'une majorité de Canadiens sont satisfaits du niveau de service qui leur est offert par leurs courtiers en assurances et estiment qu'il y a suffisamment de concurrence sur le marché de l'assurance. Or, le groupe de travail a choisi d'ignorer sélectivement ces faits. Des données empiriques supplémentaires tirées de nos sondages d'opinion publique menés en Colombie-Britannique montrent que les consommateurs classent régulièrement très haut les courtiers en assurance pour une vaste gamme d'attributs et les consommateurs britannico-colombiens estiment que le secteur des assurances fonctionne dans la province.

• 1705

Une étude de l'Insurance Corporation of British Columbia, réalisée en 1995 sur un échantillon de 2 500, faisait ressortir que 95 p. 100 des consommateurs étaient très ou relativement satisfaits de leurs courtiers en assurances. Trois sondages supplémentaires, menés en 1998, en 1997 et en 1996 par l'une des sociétés de recherche commerciale les plus réputées de la province, ont eux aussi attribué aux courtiers en assurances indépendants de la Colombie-Britannique des notes élevées, plus de 80 p. 100 des répondants accordant à leurs courtiers des cotes élevées pour leur service, leurs connaissances, leur équité, leur franchise, leur fiabilité, leurs connaissances des produits et leur respect.

Pourquoi le groupe de travail recommanderait-il que l'on accorde aux banques des privilèges supplémentaires spéciaux en matière de vente d'assurances alors que tous leurs propres travaux de recherche font ressortir que les Canadiens ne veulent pas que les banques aient plus de pouvoirs et que l'actuel système de distribution des assurances fonctionne de façon efficace?

Le rapport comporte d'autres lacunes également. Notre organisation nationale, l'Association de courtiers d'assurance du Canada, que je vais dorénavant appeler l'ACAC, a déjà déclaré que le rapport témoigne d'un manque choquant de compréhension de l'industrie des assurances multirisques et de son unicité. Il applique par ailleurs aux assurances multirisques des arguments qui relèvent du domaine de l'assurance-vie, sans grand égard pour la distinction à faire entre les deux.

Par exemple, l'un des arguments qu'il utilise pour appuyer sa position voulant que des privilèges supplémentaires de vente d'assurances soient accordés aux banques est que les Canadiens sont sous-assurés et que les banques corrigeront ce problème en offrant des produits aux Canadiens à faible revenu et à d'autres catégories sous-assurées. Cet argument est erroné. Les banques ne souhaitent pas servir les Canadiens à faible revenu ni les autres catégories sous-assurées, qu'il s'agisse d'assurance multiriques ou d'assurance-vie. En fait, elles vont à l'heure actuelle dans le sens tout à fait inverse. La Banque de Hong Kong, qui possède Canada Direct Insurance, trie au volet ses clients pour l'assurance automobile et résidentielle et n'est guère intéressée à offrir de l'assurance à d'autres que la crème. D'ailleurs, c'est ce qu'elle dit dans ses annonces et sa campagne promotionnelle.

Sur le front terrain de jeu concurrentiel égal, le rapport MacKay ignore le fait que les banques ont un accès moins coûteux aux capitaux que les courtiers en assurances, ce qui leur donne un avantage concurrentiel par rapport à ces derniers. Il est facile de battre votre concurrent sur le plan prix lorsque l'argent vous coûte la moitié de ce qu'il coûte à votre concurrent qui est courtier indépendant. Ce ne serait qu'une simple question de temps avant que cet énorme avantage sur le plan coût ne raye de la carte les courtiers indépendants et les emplois créés par eux.

Parlant de terrains de jeu inégaux, pourquoi une banque qui vend de l'assurance dans sa succursale voudrait-elle prêter de l'argent à un courtier en assurances local qui lui fait concurrence? D'autre part, comment le terrain de jeu peut-il être égal si le courtier indépendant doit livrer tout son plan d'entreprise à son concurrent bancaire pour pouvoir obtenir un prêt? Même si, en vertu du nouveau régime, il y a certaines banques qui ne vendront pas d'assurance à leurs succursales pour une période de temps donnée, qui peut dire qu'elles ne vont se décider de se lancer plus tard dans le secteur des assurances? Qu'adviendra-t-il alors du client du courtier? Lui faudra-t-il changer d'institution? Dans les villes de taille petite et moyenne à l'extérieur de Vancouver, ce ne sera pas possible de changer. Cela sert les intérêts de qui?

Le rapport MacKay ignore le fait que les banques utiliseraient les dates d'expiration de polices d'assurance pour stimuler la vente. Aucune loi sur la protection de la vie privée ou autre n'empêchera ce ramassage de données. Par ailleurs, lorsque cela arrive, il est très difficile de fournir des preuves suffisantes pour qu'une poursuite aboutisse.

Le rapport ignore également le fait que les consommateurs ont déjà beaucoup de choix en matière de produits et de services d'assurance partout au pays. En Colombie-Britannique, par exemple, il y a plus de 6 000 agents d'assurance générale, 900 bureaux d'assurance générale et plus de 40 compagnies d'assurances qui se livrent concurrence pour l'assurance résidentielle, automobile et d'affaires de la Colombie-Britannique. Le marché des assurances demeure dynamique et axé sur le client, tandis que les banques continuent de fermer des succursales et de réduire les heures d'ouverture.

Nous tous réunis dans cette salle aujourd'hui savons que la petite entreprise est et sera, de plus en plus d'ailleurs, le principal créateur d'emplois au Canada. Accorder aux banques canadiennes des privilèges supplémentaires spéciaux en matière de vente d'assurance amènera sans aucun doute des pertes d'emplois et des difficultés. Chose importante, les emplois que nous créons aujourd'hui en notre qualité de courtier d'assurances sont des emplois de qualité qui appuient l'acquisition de précieuses compétences et qui appuient les familles et les communautés.

Les courtiers en assurances de partout en Colombie-Britannique sont très préoccupés par le manque de sensibilité du groupe de travail à l'égard de cette question et de nombreux autres sujets que nos collègues de l'Association des courtiers d'assurance du Canada ont soulevés relativement au rapport. Nous espérons et comptons qu'à la fin de vos audiences vous conclurez, comme l'ont fait les gouvernements nationaux qui vous ont précédé, qu'accorder aux banques des privilèges supplémentaires spéciaux de vente d'assurances en milieu bancaire n'est pas, pour une multitude de raisons, dans l'intérêt des Canadiens.

Mon collègue, M. Atkinson, va maintenant ajouter quelques observations.

Le président: Merci.

M. Brent Atkinson (Atkinson, Terry Insurance Brokers, Insurance Brokers Association of British Columbia): J'aimerais tout simplement ajouter quelques observations en ma qualité de courtier d'assurances indépendant.

Les courtiers d'assurances comme moi achètent de nos jours beaucoup de nouveau matériel et de nouveaux logiciels informatiques qui nous permettront de télécharger des renseignements entre courtiers et compagnies. Cela facilitera également l'émission de polices d'assurance sur place, évitant ainsi les frais de manutention, assurant en même temps compétitivité et excellent service à la clientèle. Ces investissements sont assez lourds pour la plupart des courtiers indépendants. Cela nous inquiète au plus haut point que le groupe de travail recommande que l'on permette aux banques de vendre de l'assurance dans leurs succursales.

• 1710

Il existe à l'intérieur du système de nombreuses voies de distribution différentes. Nous avons des centres d'appel, des assureurs directs, des courtiers indépendants, et des compagnies qui ont leurs propres représentants de vente, tous ces intervenants assurant une concurrence raisonnable sur le marché pour le client. Nous ne voyons par conséquent nul besoin, dans le contexte actuel, d'ajouter quelque chose à ce mélange.

Nous avons le sentiment que les banques en tant que telles ne sont pas particulièrement concurrentielles dans le contexte actuel dans le cadre duquel elles sont autorisées à fonctionner—je citerai à titre d'exemple les prêts à la petite entreprise, les taux d'intérêt sur les cartes de crédit, les frais de service et d'autres questions encore—et nous ne pensons pas qu'elles seraient plus concurrentielles si on les autorisait à vendre de l'assurance.

D'après ce que j'ai compris, la Société d'assurance-dépôts du Canada (SADC) a déjà un volume d'affaires de l'ordre de 259 millions de dollars à l'échelle du pays par l'intermédiaire de sa compagnie d'assurances, mais elle a imposé deux augmentations de tarifs et ses prix se situent aujourd'hui dans la moyenne, de telle sorte qu'elle n'est aujourd'hui pas plus concurrentielle que la majorité des compagnies qui servent leurs clients canadiens depuis des années déjà.

Nous estimons que notre industrie est très concurrentielle. Nous ne croyons pas que la groupe de travail MacKay se soit penché sur cette question et nous ne pensons vraiment pas que l'ajout de succursales bancaires sur le marché de la vente d'assurance ajoutera quoi que ce soit qui bénéficie au client.

Le président: Merci, monsieur Atkinson.

Monsieur MacLeod.

M. Ian C. MacLeod (témoigne à titre personnel): En guise d'introduction, étant donné que je comparais ici en mon nom personnel, je tiens à vous dire que je suis associé dans un gros cabinet d'avocats à Vancouver. Dans une carrière antérieure, j'ai pendant 15 ans été banquier de succursale de petite ville un petit peu partout en Colombie-Britannique. En 1992-1993, j'ai été président de la Chambre de commerce de la Colombie-Britannique, et je me suis occupé d'une vaste gamme de questions de politique publique—activité qui remonte d'ailleurs à avant cela.

J'ai été président fondateur/rédacteur/auteur d'un important rapport intitulé Moving Forward—The Vision of B.C. Business, qui faisait l'examen des besoins et des défis des entreprises de la Colombie-Britannique. Je parlerai un peu petit plus de cela plus tard, mais nous avons mené un sondage auprès de plus de 600 entreprises, sondage très approfondi incluant de longues entrevues avec quelques douzaines de PDG, et nous avons puisé dans un vaste nombre de rapports existants dans la préparation du rapport.

En même temps, j'ai été coprésident régional du projet «Aim for a Million jobs» de la Chambre de commerce du Canada, et je m'occupe encore aujourd'hui de divers dossiers relatifs à la création d'emplois, au perfectionnement et à l'avenir du travail, et ainsi de suite.

Je comparais cependant devant vous aujourd'hui en mon nom personnel, et je m'empresse de souligner que mon cabinet et moi-même ne jouons aucun rôle important pour l'une quelconque des cinq grosses banques.

Je vais dans ma présentation passer rapidement en revue plusieurs points. Premièrement, je vais traiter de ce que recherchent les Canadiens auprès de leurs banques au niveau client ou succursale, du rôle joué par les banques, de certains principes de base, de certaines questions clés et de conclusions à tirer de tout cela.

Au niveau du client de base, les éléments clés que les Canadiens recherchent auprès de leurs banques sont la possibilité de faire des dépôts en toute sécurité, des prêts à l'entreprise, des prêts à la consommation, d'autres services financiers comme par exemple des coffrets de dépôt, des REER et ainsi de suite, et le public compte sur les banques comme importante source d'emplois de qualité.

Ce que demandent les Canadiens en tout premier lieu à leurs banques c'est la sécurité pour leurs dépôts, et accompagne cela l'assurance que leurs emprunts ne seront pas assujettis à des exigences de paiement arbitraires pour cause de problèmes de liquidités de la banque. Je ne pense pas que nous ayons vu cela au Canada depuis au moins les années 30. Par conséquent, dans la mesure où la taille est liée à la sécurité, les fusions ne pourront qu'améliorer la sécurité des dépôts.

Deuxièmement, sur le plan crédit, ou pour les consommateurs ou pour les entreprises, les entreprises canadiennes, surtout les petites et moyennes, doivent avoir accès à du crédit à des conditions raisonnables, et les particuliers ont, dans une moindre mesure, besoin de cet accès au crédit, mais je parlerai plus tard de certaines des solutions de rechange.

La question du transfert de fonds est de moins en moins importante depuis l'avènement des cartes débitrices et des guichets automatiques.

Enfin, en ce qui concerne la question des emplois, que j'ai déjà mentionnée, voici, en gros, ce que je pense. En ce qui concerne l'aspect stabilité, lorsque je me suis occupé du projet Moving Forward, que j'ai évoqué au début, parmi les six forces qui existent dans l'économie de la Colombie-Britannique et qui ont été mentionnées par les gens d'affaires, cinq sont ce que l'on pourrait appeler des avantages naturels: le cadre de vie, l'emplacement géographique, l'accès à des ressources naturelles, la culture canadienne et la propreté de l'environnement.

• 1715

La seule parmi ces six premières forces de l'économie de la Colombie-Britannique qui n'était pas un avantage naturel était la force et la stabilité des institutions financières canadiennes. Nous avons trouvé cela quelque peu étonnant, étant donné tous les commentaires publics négatifs à l'égard des banques, mais c'est ce que nous ont dit les gens d'affaires. Par conséquent, dans la mesure où les fusions viennent rehausser cette force et cette taille, elles ne pourront que rassurer encore davantage à cet égard les entreprises.

La deuxième question est celle de la concurrence, et ce n'est pas à moi de présenter l'argument des banques—elles pourront le faire elles-mêmes—mais elles ont beaucoup fait état des investissements technologiques qui sont nécessaires et des économies d'échelle découlant de la possibilité d'étaler les coûts sur ces grosses institutions fusionnées.

La troisième question est celle du financement de gros investissements. Personne ne construit de nouvelles usines de pâte à papier ces jours-ci, mais si c'était le cas, cela coûterait au-delà d'un milliard de dollars. Si quelqu'un voulait construire une usine de fabrication de puces informatiques, cela dépasserait le 1,3 milliard de dollars. Vous devez avoir accès à des institutions financières de taille pour financer des projets de cette envergure et, là encore, les fusions contribueront à la constitution de la masse requise, tant pour le marché intérieur canadien que pour la concurrence internationale.

Quatrièmement, il y a la question de la mondialisation. La mondialisation et le commerce international sont là pour de bon. Plus du tiers de l'économie canadienne s'appuie sur le commerce. Les Canadiens sont très doués pour le commerce. Nous n'avons pas le choix que de rester mondialement concurrentiel, et dans la mesure où nos entreprises canadiennes doivent jouer sur le marché mondial, nos banques canadiennes doivent être en mesure de leur offrir les services financiers et autres dont elles ont besoin et la taille des banques aura, par la force des choses, son importance.

Les questions clés découlant de tout cela, sont, premièrement, l'accès au crédit, la disponibilité de crédit qui viendra ou ne viendra pas au fur et à mesure des fusions. Je serais beaucoup plus inquiet si les banques étaient la seule source de crédit, mais il existe vraisemblablement une douzaine de sources autres, allant des compagnies de crédit-bail automobile aux sociétés coopératives de crédit, en passant par les sociétés de capital-risque, les compagnies d'assurance-vie, les fonds de pension, les prêteurs privés et les banques de l'annexe II. Tous offrent des services de prêt et de crédit.

Si les banques n'offrent pas le service, si elles ne réagissent plus aux besoins de la localité, toutes ces autres institutions seront toutes prêtes à bondir et à remplir le vide. En fait, si les fusions amènent le manque de sensibilité à l'égard de la localité que d'aucuns disent craindre avant tout et si les banques sont obligées à avoir une part de marché inférieure, cela pourrait peut-être même jouer en faveur des petites entreprises, les trous étant comblés par les autres.

La seule question qui me préoccupe est le sort des petites entreprises qui sont dans la marge. S'il s'agit d'une entreprise qui est sur le point de réussir mais que c'est une question de jugement de la part de l'institution financière pour vous accorder ou non le prêt, si elle a cinq endroits où aller au lieu de trois, cette relation personnelle, cette question de jugement pourrait faire pencher la balance. Mais la question ne se pose que pour le très petit nombre d'entreprises marginales, solvables, pour lesquelles une fusion éliminerait peut-être une partie de la concurrence réduisant ainsi la disponibilité de crédit à leur portée.

Une autre question qu'il faut se poser est la suivante: Que se passe-t-il si une banque décide de se retirer d'une ville ou s'il y en a deux qui y sont implantées et que l'une d'elles décide de s'en aller?

Je vais vous donner un bref exemple tiré de mon expérience personnelle. Cela remonte 20 ans en arrière, lorsque j'étais banquier dans une petite ville. Je suis allé dans une ville où il y avait une seule banque. Le service qui avait été offert n'avait pas été particulièrement bon. Un grand nombre de résidents faisaient affaire avec une banque concurrentielle à 16 milles de là, et la situation était telle que cette banque a voulu s'implanter dans la ville. Je suis arrivé en ville le même jour qu'ouvrait cet autre concurrent, et un mois ou deux plus tard, une coopérative de crédit y ouvrait elle aussi ses portes.

Mon mandat était d'offrir un service et de participer dans la communauté, ce que j'ai fait, à un point tel qu'au bout de deux ans, les deux autres institutions pliaient bagages. C'était tout simplement une question de service. Si vous offrez le service, vous garderez votre client.

• 1720

Une autre question, dont parle beaucoup le rapport MacKay, est celle du crédit pour les soi-disant groupes défavorisés: entreprises autochtones, entreprises exploitées par des femmes, micro-entreprises. Je crains, même si les banques ne vont pas protester, qu'elles soient chargées d'offrir du crédit à des demandeurs qui, autrement, ne satisferaient pas les critères. La raison pour laquelle je m'inquiète est que si vous prenez des décisions en matière de crédit en vous appuyant sur autre chose que de solides principes de gestion de risque, vous subventionnez en définitive ces pertes, qui se répercuteront inévitablement sur les frais que vous imposerez à tous les autres clients de la banque ou à ses actionnaires.

Si le consentement de prêts à ces groupes repose sur une politique publique, et j'arguerais que ce serait le cas, ces prêts devraient être consentis de façon transparente par le biais, par exemple, de programmes de garanties de prêt. Sans cela, cela revient à de la taxation par réglementation. Vous déchargez un rôle que le gouvernement a traditionnellement joué et vous l'imposez aux milieux d'affaires par voie de réglementation, et personne n'a jamais à en assumer la responsabilité ni à rendre de comptes.

Le troisième point concerne les services, que j'ai déjà mentionnés. Le troisième est la question des emplois. Je ne pense pas que la question des emplois devrait être sur la table dans le contexte du débat en cours ici. Le changement est inévitable. Le gouvernement ne peut jamais maintenir le statu quo. S'il le pouvait, nous serions toujours en train de construire des bateaux en bois, comme c'était le cas au début du siècle, et personne ne les achèterait.

Le gouvernement a forcément un rôle à jouer pour aider dans la transition lorsqu'on est en présence d'une économie changeante. Cela attire beaucoup l'attention du public lorsqu'un gros employeur coupe 2 000 ou 2 500 emplois. Or, la réalité en Colombie-Britannique est qu'il y a grosso modo 150 000 entreprises, dont la quasi-totalité sont de taille petite ou moyenne. Si chacune d'entre elles embauchait une personne, cela créerait 150 000 nouveaux emplois, mais cela ne ferait la une des journaux nulle part. Les banques, si elles fusionnent et, par suite de consolidation ou de rationalisation de services, coupent des emplois, ont un certain nombre d'emplois de rechange à offrir. Je ne pense pas que nous puissions nous permettre, en tant qu'économie, d'essayer de préserver des emplois qui ne sont pas économiquement durables.

Pour passer maintenant à une question macro-économique plus vaste, la productivité canadienne recule par rapport à celle de la plupart des pays membres de l'OCDE depuis 20 ans, et la Colombie-Britannique recule par rapport au Canada. Cela se traduit inévitablement dans le temps par des revenus inférieurs et moins d'emplois, et c'est ce qu'indiquent les données canadiennes. C'est ainsi qu'il arrive que lorsque nous essayons d'aider, nous aggravons en fait les choses.

En dernière analyse, je recommanderai que les fusions bancaires soient autorisées à condition d'assurer un meilleur accès au marché canadien aux concurrents étrangers, aux banques de l'annexe II, et à toute la myriade d'autres institutions financières grâce à l'Interac ou à des systèmes accessibles par guichet automatique. Pour exprimer les choses simplement, la taille égale la force qui égale la stabilité qui égale la sécurité, qui est après tout l'une des grandes forces de l'économie de la Colombie-Britannique dont les gens d'affaires de la province nous ont parlé.

Merci.

Le président: Monsieur Dermer.

M. Ashley Dermer (président, Southern Cross Sheepskins Inc.): Merci, monsieur le président. Je vais commencer par vous lire une citation de Walter Stewart, journaliste canadien chevronné: «Ce que veulent nos banques, presque plus que la vie elle-même, c'est fusionner». Stewart a écrit cela en 1997 avant l'annonce des fusions.

Merci de me donner la possibilité de comparaître devant le Comité permanent des finances de la Chambre des communes pour vous exposer mes opinions sur le rapport MacKay et les fusions de banques. Cela m'a beaucoup étonné lorsque j'ai reçu l'invitation il y a tout juste quelques jours. À la fin de l'année 1997, avant que les PDG des banques n'annoncent leurs intentions en matière de fusion, j'avais écrit au groupe de travail chargé d'examiner les banques canadiennes. C'est sans doute cette lettre qui est à l'origine de ma présence ici aujourd'hui.

Le droit des citoyens de participer aux décisions qui ont une incidence sur leur vie est l'un des grands principes de la démocratie. Ce droit est clairement en train d'être exercé dans le cadre de ce processus, ce dont je suis reconnaissant. J'espère que des possibilités semblables de participation du public se présenteront avant que le Canada ne signe un quelconque accord multilatéral sur l'investissement.

• 1725

La perspective mondiale en ce qui concerne les services financiers change chaque jour, les récents événements laissant entendre que la tendance vers la déréglementation et la mondialisation est peut-être aujourd'hui à son zénith. Les énormes banques japonaises, avec des radiations de dettes d'un billion de dollars, menacent la stabilité du système financier mondial. En Russie, le système bancaire s'est écroulé, le rouble est presque sans valeur et des millions de personnes risquent de mourir de faim cet hiver. Les tigres asiatiques sont plongés dans le chaos, leurs économies spéculatives ayant éclaté. Les capitaux fuient l'Amérique latine. Même aux États-Unis, Bank America, Citicorp et Bankers Trust ont perdu un milliard de dollars en juillet/août 1998 et la Banque fédérale américaine a injecté deux milliards de dollars pour sauver un seul fonds spéculatif de couverture.

Le marché mondial des instruments dérivés, avec des contrats totaux pouvant, selon certains rapports, atteindre jusqu'à 130 billions de dollars, sont un accident à en devenir, et ici, l'exposition des banques se chiffre à plusieurs billions de dollars—Stewart parle de cinq billions—avec un équivalent crédit qui à peu près le double de l'avoir total de leurs actionnaires.

Nos banques ne parlent pas de cette exposition hors-bilan. En fait, un homme d'affaires torontois a récemment poursuivi la CIBC à Los Angeles dans le but d'obliger la banque à divulguer son exposition sur les marchés des dérivés.

La déréglementation, la mondialisation et le libre mouvement de capitaux nous ont amenés sur le bord du précipice, et les fusions de banques canadiennes, vantées comme étant un moyen pour elles d'améliorer leur compétitivité internationale, est un pas de plus sur ce chemin.

Tout juste le mois dernier, la Malaisie a renversé la valeur en reréglementant ses marchés avec un contrôle des changes, tandis que Hong Kong a injecté des fonds publics sur son marché pour brûler les spéculateurs faisant des opérations à découvert. Taiwan a en fait interdit la vente des fonds de George Soros.

La tendance vers la mondialisation est en train d'être entravée et renversées par ces interventions gouvernementales et d'autres pays vont sans doute emboîter le pas, affirmant leur souveraineté en imposant des mesures de contrôle contre la volonté de l'élite financière. Un article paru dans le numéro du 7 septembre du Business Week annonçait qu'un «contre-coup contre la mondialisation a déjà commencé».

La poussée des banques canadiennes pour fusionner revient à monter à bord du Titanic après que celui-ci ait frappé l'iceberg. Ce n'est pas forcément préférable d'être plus gros, comme cela est clairement ressorti au Japon. Plus la banque est grosse, plus c'est la catastrophe en cas de désastre. En Angleterre, la Barings Bank a existé pendant 200 ans avant que les récentes opérations d'un seul trader ne viennent la détruire. Les PDG des banques canadiennes peuvent-ils aujourd'hui garantir que leurs géants fusionnés ne connaîtront pas le même sort? S'ils offraient une telle garantie, devrions-nous être crédules au point de la gober?

Qui bénéficiera des fusions proposées? Les services bancaires du Canadien moyen vont-ils s'améliorer? Les employés des banques vont-ils jouir d'une sécurité d'emploi accrue? Certainement pas. De nombreux employés de banque à plein temps gagnent à peine plus que le seuil de la pauvreté. En 1995, pendant que M. Cleghorn gagnait plus de 2 millions de dollars, ses caissiers se voyaient accorder une augmentation de six cents de l'heure.

Les banques nous disent que des fusions et des profits accrus bénéficieront aux Canadiens, mais bien que les profits et les gains par actions aient augmenté régulièrement, les dividendes versés sont demeurés à peu près constants, et le ratio dividendes-gains a en fait reculé pendant les périodes de croissance massive des profits, comme le souligne Walter Stewart dans son livre intitulé Bank Heist.

Les banques veulent être concurrentielles sur la scène mondiale, mais elles semblent être incapables d'offrir une véritable concurrence ici au Canada, car elles changent leur taux en même temps. Si les cinq banques ne peuvent déjà pas offrir des taux concurrentiels, est-ce que trois banques feront mieux?

Les gouvernements canadiens de partis différents qui se sont succédé ont eu la triste habitude de se plier aux pressions exercées par les lobbys bancaires. Il y a 30 ans, les banques ont été autorisées à se lancer sur le marché des hypothèques. Puis elles se sont vues accorder le droit de vendre des titres et maintenant elles dominent ce segment de l'économie canadienne. Pendant des années, elles ont reluqué les marchés des assurances et du crédit-bail pour les achats d'automobile, et maintenant voici que le rapport MacKay leur offre ces marchés. La presse a décrit le rapport comme étant un feu jaune pour les banques, mais avec les deux bijoux que sont le crédit-bail automobile et les assurances, cela ressemble beaucoup plus à un feu vert pour les banques.

Les cinq grosses banques possèdent déjà plus de 400 filiales au Canada et bien plus encore à l'étranger. Le rapport MacKay ne fait qu'accélérer cette domination par les banques de toute l'économie canadienne.

Le public canadien est de plus en plus mécontent de son lot. Les Canadiens voient les profits des entreprises et des banques atteindre des sommets records tandis que leurs salaires demeurent gelés. Ils voient se creuser toujours plus l'écart entre les taux de dépôts et les taux d'emprunt et les taux d'achat et de vente de devise, pendant que les banques tirent des profits déraisonnables de chaque transaction.

• 1730

Les Canadiens voient un régime fiscal injuste en vertu duquel les entreprises paient une proportion décroissante des revenus d'impôt tandis que les travailleurs en paient une part toujours croissante. Leur colère peut mordre en période électorale, comme le sait bien Kim Campbell. Si les fusions bancaires proposées sont approuvées, les aspirations de nombreux politiques libéraux seront peut-être ébranlés par un contre-coup de mécontentement public.

Je vous lis maintenant une citation de Stewart: «Nos banques sont devenues si gonflées, si contentes d'elles-mêmes, si imbues d'elles-mêmes et si douées pour convaincre nos politiques de leurs vertus, qu'elles sont peut-être maintenant incontrôlables».

J'exhorte le comité de rejeter la fusion proposée des banques et de chercher à adopter des lois adéquates pour limiter l'intrusion des banques dans les ventes d'assurance et dans le crédit-bail automobile. J'espère que le comité renversera les tendances qui ont permis aux grosses banques de dominer à un degré sans précédent l'économie canadienne.

Encore une fois, merci de m'avoir donné l'occasion de vous saisir de mes opinions sur ces questions. En guise de mot de la fin, j'ai inséré dans mon mémoire un petit article de John Crispo, professeur émérite à l'Université de Toronto, qui donne encore d'autres excellentes raisons pour lesquelles il conviendrait d'opposer les fusions de banques. Merci.

Le président: Merci, monsieur Dermer.

Monsieur Desrochers.

[Français]

M. Odina Desrochers: Bonjour. Je vous remercie d'être présents aujourd'hui pour nous faire part de vos remarques et commentaires en ce qui a trait à l'important rapport MacKay sur tous les services financiers canadiens.

J'aimerais poser quelques questions au représentant de la Insurance Brokers Association of British Columbia. Vous semblez être très déçus du rapport MacKay. Croyez-vous que l'avènement de la bancassurance peut mettre en péril vos activités en Colombie-Britannique?

[Traduction]

M. Brent Atkinson: Oui. Je songe à l'intrusion des banques par l'intermédiaire des succursales, où le client est obligé de se rendre pour discuter de ses affaires financières, pour obtenir une hypothèque, par exemple. La banque usera de son influence pour encourager le client à acheter son produit d'assurance exclusif au lieu qu'il ait le choix de faire appel à un courtier professionnel. Un autre exemple de cela m'a été fourni récemment lorsqu'un de mes clients est allé à la banque pour demander une hypothèque et s'est fait dire par l'agent de prêt de la banque que pour obtenir le meilleur taux escompté pour son hypothèque il lui faudrait déplacer ses REER et ses fonds mutuels de son conseiller financier à la banque.

M. Roger Finnie (administrateur, Insurance Brokers Association of British Columbia): Puis-je ajouter quelque chose, monsieur le président?

Le président: Bien sûr.

M. Roger Finnie: Nous sommes très préoccupés en tant qu'association, comme le sont nos membres, par les effets de coercition et par les ventes liées qui sont de façon générale proposées au public. La position d'une banque qui consent du crédit est très privilégiée. Il ne faudrait jamais que cela débouche sur des abus. Prenons le cas de quelqu'un qui a un compte en banque; prenons le cas d'un jeune couple qui pense s'acheter un jour une maison. Qu'ils le fassent délibérément ou non, il essaiera d'acheter tous les produits bancaires possibles de façon à pouvoir économiser ce quart de point ou ce demi-point de pourcentage sur l'hypothèque. Les banques jouissent donc d'une position privilégiée et cela limitera les activités de nos membres.

M. Michael Megson: Si vous me permettez d'ajouter quelque chose moi aussi, comme vous le savez, la révision de 1992 de la Loi sur les banques a autorisé les banques à vendre de l'assurance par l'intermédiaire de ses filiales. Je tiens à ce qu'il soit très clair que nous autres courtiers ne voyons aucun problème à ce que les banques oeuvrent dans ce domaine sur cette base-là. C'est un marché, et si les banques choisissent de nous y livrer concurrence, alors c'est très bien.

Notre problème, comme nous l'avons expliqué, est leur capacité de vendre leurs produits dans la succursale bancaire même. Étant donné les deux situations évoquées par mes collègues, en choisissant une banque dans un cas comme cela, lorsque la personne se sent obligée d'acheter le produit à cause de la nature de la transaction qu'elle souhaite conclure avec la banque, source de crédit, alors elle n'a eu qu'un choix d'un seul produit de la banque—le produit de la banque. Clairement, dans le cadre d'une transaction comme cela, l'intéressé perd également l'aspect défense de ses intérêts dans l'équation, et que peut contribuer le courtier.

• 1735

Encore une fois, donc, je voulais tout simplement qu'il soit claire que nous ne sommes pas anti-concurrence pour ce qui est des banques ou d'un quelconque autre intervenant dans l'industrie. Le problème pour nous réside dans le fait qu'on autoriserait les banques à vendre le produit ans les succursales mêmes.

Merci.

[Français]

M. Odina Desrochers: Selon vous, que pourrait faire le gouvernement fédéral pour protéger vos activités dans le cadre d'éventuelles fusions bancaires?

[Traduction]

M. Brent Atkinson: Eh bien, nous avons de réelles préoccupations en ce qui concerne le rapport MacKay qui dit que d'une façon ou d'une autre ils vont établir des règlements tels que la situation sera surveillée. La situation—soit l'emploi par la banque de coercition—n'est pas une chose que le consommateur se plaît à rapporter au surintendant des assurances ou à quelqu'un d'autre par écrit, étant donné qu'il craint beaucoup que cela ait une incidence sur le renouvellement sur sa marge de crédit ou sur son accès à une hypothèque.

Par conséquent, même si de nombreux consommateurs dans notre province nous disent oralement qu'ils ont été contraints d'acheter des produits d'assurance auprès de coopératives de crédit, ils disent que bien que cela les préoccupe, pour pouvoir obtenir des prêts bancaires pour des bateaux de pêche ou autres, ils ne sont pas prêts à coucher cela sur papier et à déposer une plainte officielle. Étant donné cette expérience, nous croyons que quels que soient les règlements évoqués par le rapport MacKay, c'est une situation qu'il est impossible de contrôler.

C'est également une question de perception par le client, et il est très difficile de contrôler les perceptions par voie de réglementation. Par conséquent, elles s'accapareront d'une plus grosse part du marché, et si elles ne réussissent pas sur ce plan-là, bien franchement, elles feront ce qu'elles ont fait dans les autres secteurs, soit ceux des titres et autres, comme par exemple hypothèques et prêts personnels. Elles utiliseront tout simplement leur force financière pour acheter leur part de marché.

[Français]

M. Odina Desrochers: Connaissez-vous la loi qui existe au Québec en ce qui a trait au Mouvement Desjardins et au monde des assurances? On a encadré davantage ce genre de situation avec des règlements qui protègent l'information et la confidentialité des données. Savez-vous que cette démarche a déjà été faite au Québec et que cela a plu au monde des assurances même si cela n'a pas réglé complètement la question?

[Traduction]

M. Michael Megson: Parlez-vous du Bill 188? Est-ce le bon numéro? Je pense que c'est cette loi qui a été adoptée au Québec.

[Français]

M. Odina Desrochers: Oui.

[Traduction]

M. Michael Megson: Oui, je suis au courant et je ne pense pas que la situation... En tout cas, les courtiers se sont très fermement opposés à la position adoptée par le Parti québécois en faisant en sorte que le Bill 188 devienne loi. Et je pense, comme l'ont signalé mes collègues, que cela n'a vraiment rien changé en fait quant au problème que nous voyons: la coercition et la protection insuffisante des renseignements personnels, etc.

Nonobstant les règlements qui ont peut-être mis en place dans cette province, et cela a aussi été recommandé dans le rapport MacKay, je pense que la question devient la suivante: lorsque vous vous rendez dans un établissement de concession de crédit pour emprunter de l'argent, que ce soit pour une entreprise, une maison d'habitation ou autre, c'est cette transaction qui vous occupe surtout. Que ces règles soient ou non en place, en règle générale, vous achèterez le produit à la banque elle-même car vous aurez le sentiment que cela va améliorer vos chances de faire aboutir la transaction d'octroi de crédit.

Par conséquent, nonobstant le Bill 188 qui est, je le sais, devenu loi au Québec—et je trouve qu'il s'agit là d'une situation plutôt malheureuse pour le public, les courtiers, l'industrie des assurances et le gros des clients de cette province—notre position n'a pas changé du tout.

M. Roger Finnie: Monsieur le président, j'aimerais ajouter une observation.

Le rapport MacKay a dit, je pense, que 18 p. 100 des participants à un sondage ont déclaré avoir subi des pressions exercées par une banque relativement à une vente liée, et cela avant même que les ventes puissent se faire en succursale.

Merci.

• 1740

[Français]

M. Odina Desrochers: J'ai une dernière question. Si la Loi 188 du Québec ne répond pas à vos attentes et si le rapport MacKay ne satisfait pas votre industrie, que suggérez-vous au gouvernement canadien pour corriger cette lacune que vous dénoncez aujourd'hui?

[Traduction]

M. Michael Megson: Ce que j'aimerais c'est que le gouvernement fédéral laisse les changements massifs découlant du remaniement de 1992 de la loi sur les banques mûrir et déboucher sur quelque chose. Si le gouvernement fédéral apporte précipitamment des changements recommandés par le rapport MacKay, ces nombreux changements apportés à la loi—et ces changements sont de nature fondamentale—n'auront pas le temps de mûrir. En vertu des changements apportés en 1992, comme nous l'avons expliqué, les banques ont été autorisées à se lancer dans l'industrie. Elles n'y avaient pas droit auparavant, et maintenant qu'elles y sont, il semble qu'elles veuillent tout de suite franchir une autre étape—et je parle ici, bien sûr, du privilège de vendre le produit dans leurs succursales.

Par conséquent, pour donner une réponse simple à votre question, je n'essaie pas de stopper ou de bloquer le changement, mais je pense que nous n'avons pas attendu assez longtemps pour voir évoluer les autres changements, et je crois que c'est ce qu'il faudrait faire.

Merci.

M. Brent Atkinson: Si me permettez d'ajouter quelque chose, l'une des préoccupations que j'ai relativement à la possibilité pour les banques de se lancer dans la vente d'assurance générale découle de leurs récentes activités dans le domaine des fonds mutuels.

Dans le domaine des fonds mutuels, elles vendent en principe exclusivement leurs propres produits, ce qu'elles feraient sans doute également dans le cas des assurances multirisques. Le secteur canadien des assurances multirisques est à l'heure actuelle desservi par 240 compagnies qui sont très concurrentielles sur le plan prix et qui offrent des produits très variés. Le deuxième plus important bien du consommateur est sa maison, et je pense qu'il doit avoir la possibilité de choisir le produit qu'il veut au lieu d'être limité exclusivement à un produit interne de la banque, car il perd alors le droit de faire appel à un intervenant pour agir en son nom en cas de réclamation.

En guise d'illustration, s'il fait une réclamation et qu'il n'est pas satisfait du résultat et qu'il est assuré par l'intermédiaire de la banque, je ne pense pas qu'il se sentira très à l'aise de discuter de la question avec le gérant de banque qui s'occupe en même temps de son hypothèque. Il ne va pas y avoir d'intermédiaire agissant pour le compte du client, contrairement à la façon dont les choses se passent dans le cadre du système actuel, et j'estime que cela sera néfaste pour le client.

[Français]

M. Odina Desrochers: Je comprends. Vous dites que vous voulez plus de temps, mais que voulez-vous que le gouvernement fédéral fasse concrètement une fois que ce temps sera écoulé? Voulez-vous qu'il légifère pour protéger votre industrie? Voulez-vous qu'il refuse carrément la bancassurance? J'aimerais avoir une réponse claire. Qu'est-ce qui vous attend demain?

[Traduction]

M. Brent Atkinson: Je pense que la situation est très claire: nous pensons qu'il est dans l'intérêt du consommateur que les règles actuelles ne soient pas modifiées.

Nous ne pensons pas que les changements apportés à la Loi sur les banques en 1992 aient eu l'occasion de mûrir et l'on ne sait pas comment le marché va se développer par suite de ces changements. Nous croyons que les banques ont très hâte de se lancer sur une plus grande échelle dans le secteur des assurances, comme elles ont à l'heure actuelle très hâte de fusionner le plus rapidement possible, mais ni l'un ni l'autre de ces désirs ne vienne des clients.

Nous comprenons que les présidents ou gérants de banque aient très hâte de faire ces deux choses. Cependant, nous ne pensons pas que ce soit en réaction à une demande venant de la clientèle. Nous pensons que le client est bien servi à l'heure actuelle. Nous avons des sondages qui le montrent et nous ne voyons nul besoin d'aller au-delà des changements qui ont été apportés à la Loi sur les banques et qui sont en place à l'heure actuelle.

M. Roger Finnie: Si vous me permettez d'ajouter quelque chose à cela, nous avons pour opinion que les banques ont une base très distincte, comme c'est le cas des compagnies d'assurance multirisques, et vous pouvez poser la question rhétorique suivante: Où tracer la ligne de démarcation?

Les banques ont pour rôle d'accepter les avoirs de leurs clients. Les compagnies d'assurances ont pour rôle d'accepter les risques ou les obligations de leurs clients. Si vous dites que nous allons commencer à ajouter tout ce fardeau de risque au système bancaire, aux côtés de toutes les autres choses dont s'occupent les banques, il nous faudra examiner l'incidence de cela sur le système financier canadien. Il nous faut également nous poser la question suivante: Si c'est de l'assurance demain, est-ce que ce sera des projets immobiliers d'ici deux ans? Il s'agit d'activités distinctes et il convient de les garder séparées.

• 1745

M. Michael Megson: J'aimerais ajouter quelque chose.

On a posé la question suivante: A-t-on besoin de loi et que devrions-nous faire en ce moment? Il est clair que nous ne demandons pas du tout de loi pour protéger notre industrie. Nous avons des entreprises communautaires très concurrentielles qui réussissent très bien et, comme je l'ai dit, les sondages que nous avons déposés le prouvent. Le public est très satisfait de ce que nous faisons.

Alors ce que j'ai dit, c'est que nous ne poussons pas dans cette direction; ce sont clairement les banques qui poussent en ce sens. Cela ne nous intéresse pas d'avoir des lois qui protègent notre industrie. Nous sommes très bien dans la situation actuelle.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Megson.

Nous allons maintenant passer à M. O'Toole. Vous pourrez prononcer votre discours de cinq minutes après quoi nous aurons une période de questions et réponses.

M. Chris O'Toole (témoigne à titre personnel): Monsieur le président, suis-je dans le bon comité? Parlons-nous ici des fusions bancaires proposées?

Le président: Oui.

M. Chris O'Toole: Très bien. Excusez-moi, mais je ne suis pas tout à fait au courant de la situation ici.

Merci de m'avoir donné la possibilité de m'entretenir avec le comité. Je suis venu ici pour vous parler du projet de fusion et pour vous expliquer pourquoi je suis en faveur.

J'ai émigré au Canada il y a environ 35 ans et je me suis lancé dans le secteur des finances vers la fin des années 60.

J'ai passé environ six mois sur le marché de la région métropolitaine de Vancouver, travaillant dans le secteur financier comme agent de prêts personnels, pour être ensuite muté dans le Nord, à Dawson Creek, où j'ai vécu pendant près d'un an.

Pendant cette période de temps, j'ai remarqué qu'il y avait une trentaine de prêts à Dawson Creek, une petite localité, desservant environ 10 000 clients. J'ai vite compris que toutes les sociétés de prêts visaient la même clientèle. Je me souviens d'avoir maintes fois discuté avec des collègues oeuvrant dans le secteur et je me demandais pourquoi on surchargeait ses clients de dettes et autres. L'idée suivant m'est venue: que se passera-t-il si ces sociétés de financement ferment boutique? Il ne se fera plus de prêts dans cette petite localité... et ce serait la même chose à Prince George, à Kamloops ou ailleurs.

Très vite les clients étaient trop endettés. Ils ont été nombreux à faire faillite. On avait consenti trop de prêts. Il n'y avait à ce niveau aucun contrôle et en bout de ligne, il y a eu de nombreuses faillites, de nombreuses pertes et les sociétés de financement ont commencé à se retrancher du secteur des prêts. C'était là très négatif pour les petites localités de partout en Colombie-Britannique, et, j'en suis certain, de partout au Canada.

À cette époque, les banques ne s'occupaient pas de prêts à la consommation, mais au début des années 70, elles s'y sont lancées. Un grand nombre de gérants de services financiers qui avaient travaillé pour des compagnies de financement ont fini par changer de carrière et se sont retrouvés dans des banques, chargés de leurs portefeuilles de prêts à la consommation.

En y réfléchissant, j'ai été amené à la conclusion que le client a été mieux servi par le secteur bancaire pendant cette période et que c'est encore le cas aujourd'hui. Leur taux d'emprunt était moitié moins élevé. Tous les gestionnaires financiers qui allaient rester sans travail par suite du retrait des sociétés de financement du secteur des prêts ont fini par être embauchés par les banques, alors l'on sait, rétrospectivement, qu'il n'y a pas eu de perte d'emplois.

La question qu'il faut se poser est la suivante: le client d'une petite ou d'une grosse ville a-t-il souffert à cause de la disparition des sociétés de financement? Je répondrais par un non catégorique. Les coûts d'emprunt sont la moitié de ce qu'ils étaient avec les sociétés de prêts. La technologie a permis de maintenir l'endettement déjà à des niveaux raisonnables et est telle que l'on peut réexaminer un dossier en un clin d'oeil. Rétrospectivement, donc, les clients s'en portent mieux car leurs coûts d'emprunt sont inférieurs.

En ce qui concerne les emplois, tout le monde craint qu'il y ait des pertes d'emplois par suite de fermetures éventuelles de succursales. La plupart de ces personnes ont été embauchées par les banques pour gérer leurs propres portefeuilles de prêts, ont eu des emplois rémunérateurs et ont pris leur retraite avec de jolie pension. La nature ne supporte le vide et si les banques ne servent pas de façon satisfaisante leurs clients dans ces villes et villages, alors ils en paieront le prix en perdant clients et part de marché.

Aujourd'hui, le marché japonais subit des pertes d'emplois épouvantables. Ma fille a récemment fait un voyage au Japon et elle a dû encaisser un chèque de voyage dans la succursale d'une grosse banque. Il s'agissait d'un chèque de 200 $ et il a fallu que pas moins de six ou sept employés de banque l'examinent et donnent leur accord avant qu'on ne puisse lui remettre des yens. Cela est-il efficient? Comme nous le savons tous, les banques japonaises ont un retard technologique de 10 à 20 ans par rapport à nos banques. Elles sont aux prises avec un énorme fardeau de mauvaises créances qui s'élèverait d'après certains à un billion de dollars US. Ce que je pense, c'est que les banques, obligées par le protocole de garder des employés inefficients ou inutiles se sont coupées de la possibilité de fonctionner de façon efficiente.

• 1750

Un emploi ne dure pas toute une vie. Aujourd'hui, et à cause du taux de mortalité des entreprises et à cause des aspirations de carrière de la plupart des travailleurs, une personne peut s'attendre à occuper de nombreux emplois pendant sa vie active, ou en tout cas plusieurs. La révolution technologique est telle que certains emplois sont démodés et que de nouveaux sont en train d'être créés. Je devine que deux emplois sur quatre créés dans ce pays au cours de la dernière décennie ont été dans le domaine technologique. Nos banques ont été les chefs de file dans ce domaine. L'affaire de nos banques, c'est les affaires. La définition affaires englobe les entreprises commerciales, le commerce, l'achat ou la vente, etc. Calvin Coolidge, ancien président des États-Unis, a un jour dit que la civilisation et les profits vont main dans la main. William Hazlitt, en 1821, a écrit ceci: «Les personnes les plus censées que l'on peut rencontrer dans la société sont les hommes et les femmes du monde, qui discutent en fonction de ce qu'ils voient et de ce qu'ils savent au lieu de fabriquer des entrelacs de distinctions sur la façon dont les choses devraient être».

Je pense que nos banques savent ce qu'est leur domaine. Herbert Hoover, le 22 octobre 1898 a dit: «Il est tout aussi important que les affaires restent à l'écart du gouvernement, que le gouvernement reste à l'écart des affaires». Les affaires sont une très ancienne occupation de l'homme, mais l'on s'occupe de plus en plus de nouveaux produits et services. L'on évalue à environ 10 000 le nombre de produits qui chaque année entrent en production ou sont abandonnés. Depuis 1950, la tendance a été vers des sociétés plus grosses et meilleures. Ce phénomène n'a pas nui au consommateur au Canada. En fait, les Nations Unies ont récemment déclaré que le Canada affiche le niveau de vie le plus élevé dans le monde. Cela est en grande partie dû au système d'appui efficient et diligent qui existe dans notre merveilleux pays.

Nos banques sont sûres, solides et fiables. Selon mon expérience personnelle, elles méritent notre confiance et devraient être autorisées, sans ingérence, à se lancer sur le marché mondial solide et libre comme elles l'ont toujours été. Je suis en faveur de la fusion de la Banque Royale et de la Banque de Montréal.

Le président: Merci beaucoup, monsieur O'Toole.

Monsieur Riis.

M. Nelson Riis: Merci beaucoup, monsieur le président.

Monsieur O'Toole, que faites-vous déjà?

M. Chris O'Toole: Je suis courtier en hypothèques. J'ai une société de prêt hypothécaire.

M. Nelson Riis: Je suis intéressé par vos commentaires sur le fait que les banques oeuvrent sur un marché libre. Je ne pense pas qu'il existe au Canada d'industries plus protégées depuis qu'elles se sont lancées il y a 150 ans. Je ne peux penser à aucun autre secteur dans lequel on n'a pas autorisé de concurrence étrangère dans ce pays. Voilà pourquoi je pense que votre argument voulant qu'il faille un marché libre pour les banques ne passe pas du tout. C'est peut-être tout simplement une divergence d'opinions, mais ce que je vois, c'est que ces gens fonctionnent dans un milieu d'affaires très privilégié.

M. Chris O'Toole: Je ne suis pas de cet avis, car si vous jetez un coup d'oeil autour aujourd'hui, il y a...

M. Nelson Riis: Je parle uniquement du secteur bancaire. Ce n'est que tout récemment que nous avons laissé des banques étrangères venir dans ce pays.

M. Chris O'Toole: C'est exact.

M. Nelson Riis: Et même là, c'était assorti de restrictions très restrictives.

M. Chris O'Toole: C'est exact. Mais la réalité est que cela va changer. Regardez les possibilités de crédit qui exigent aujourd'hui à l'intérieur de l'économie canadienne: vous avez General Motors qui distribue des cartes Visa ou MasterCard.

M. Nelson Riis: Je suis d'accord.

M. Chris O'Toole: Ces milliards de dollars de crédit supplémentaires ne relèvent même pas du contrôle des banques. Il existe dans le système actuel quantité de cartes comme cela, et il y a donc un élément de libre jeu des forces du marché, indépendamment des règles qui sont en place pour les banques. Je pense que celles-ci sont jusqu'à un certain point limitées en ce qui concerne la concurrence qui est autorisée.

M. Nelson Riis: Je trouve quelque peu étonnant d'entendre ce genre de commentaires de la bouche de quelqu'un qui a oeuvré dans le secteur bancaire.

M. Chris O'Toole: Je suis en faveur de la réalité de permettre aux banques de fonctionner avec des contrôles non entravés dans le cadre des règles existantes.

M. Nelson Riis: Je suis heureux que vous souleviez la question du marché des dérivés. Il s'agit là de quelque chose qui n'a pas été bien examiné. Comme vous l'avez dit, nous ne savons pas dans quelle mesure nos banques sont exposées sur ce marché. C'est une chose qui n'a pas été suffisamment dévoilée. Comme vous le dites, nous ne savons pas dans quelle mesure nos banques sont exposées sur ce marché. Étant donné la turbulence qui le caractérise à l'heure actuelle, l'on frémit rien qu'à la pensée de ce qui pourrait se produire. Le fait que nous ne le savions pas fait vraiment très peur. Il n'y a là aucune transparence. Je sais que notre ministre des Finances a indiqué qu'il est confiant que les banques sont assez bien à cet égard. Je me sentirais mieux s'il en avait la certitude. Merci d'avoir soulevé cette question.

• 1755

Ma première question pour M. MacLeod concerne son commentaire voulant que la taille égale la stabilité égale la force. M. MacLeod, seriez-vous vraiment heureux si les quatre banques fusionnaient pour devenir une mégabanque? Votre argument était que ces deux banques plus grosses seraient bonnes pour le pays et pour les affaires. Vous avez esquissé toute une série de raisons à cela, et ce de façon très réfléchie.

Nous sommes une importante nation commerçante, et nous faisons beaucoup de commerce outre-mer à partir de Kamloops. Je n'ai jamais entendu parler de problème dans nos relations commerciales pour cause de difficulté bancaire. Peut-être qu'il y en a eu, mais je n'ai jamais entendu dire que cela ait entravé notre capacité de faire du commerce.

En ce qui concerne la sécurité des dépôts, vous avez dit que nous n'avons jamais eu de problème. Nos dépôts sont sûrs. Nous avons un système d'assurance positive, alors cela ne pose pas de problème aujourd'hui si une plus grosse banque veille à ce que nos dépôts soient plus sûrs.

Quant à l'accès au crédit, y a-t-il vraiment un problème ces jours-ci? Je pose cette question car, encore une fois, à l'exception de certains petits entrepreneurs, j'entends rarement ce genre de propos, surtout de la bouche de quiconque oeuvre dans le commerce international.

Pour ce qui est de fournir la possibilité de financer de grosses affaires, comme par exemple une fonderie ou autre, lorsque des organisations comme celles-là sont financées il intervient en règle générale dans le tableau un certain nombre de joueurs, et ce n'est pas souvent que cela se limite à une seule banque, n'est-ce pas?

M. Ian MacLeod: En règle générale, la banque meneuse organisera la transaction, et si le modèle et le prix sont bons, il y a formation d'un syndicat ou en tout cas participation par un certain nombre d'autres institutions. Il faut cependant qu'il y ait quelqu'un qui soit en mesure de mener le bal. Vous avez donc en partie raison.

M. Nelson Riis: Très bien. J'apprécie cela.

Les études que nous avons vues laissent entendre qu'une fois qu'une banque a atteint un actif d'une valeur d'environ 5 milliards de dollars, les efficiences commencent vraiment à chuter. Une banque plus grosse ne sera pas nécessairement une banque plus efficiente. C'est ce que font ressortir les études. Ce serait en tout cas une banque plus grosse, et ainsi de suite.

Je sais que vous n'avez pas vu cet article de John Crispo que M. Dermer nous a remis—ou peut-être que vous l'avez vu dans le Globe and Mail—mais celui-ci s'interroge sur les motifs mêmes de cette initiative. Les banques demandaient le rapport MacKay, et avant que ce rapport ne sorte, elles ont annoncé ce que l'on sait. L'auteur de l'article met en doute les motifs et laisse entendre que certains des gros joueurs dans ces banques fusionnées vont ramasser des dizaines et des centaines de millions de dollars personnellement si ces fusions sont autorisées, et leurs conseils d'administration s'en tireront eux aussi à très bon compte.

D'où est venue cette demande de fusion bancaire?

M. Ian MacLeod: Je ne suis pas certain que cela soit vraiment pertinent.

M. Nelson Riis: C'est pertinent en ce sens que les banques ont demandé le rapport MacKay, que le gouvernement a entrepris de livrer. Avant que ne sortent ces conclusions, les banques ont annoncé de but en blanc—et vous conviendrez que c'était le cas—qu'elles voulaient faire, sans attendre le rapport qu'elles avaient elles-mêmes demandé. Qu'est-ce qui a changé dans le processus? Comme le dit M. Crispo, il a le sentiment que c'est à cause des motifs presque discutables de certains des gros joueurs bancaires qui comptent personnellement empocher des dizaines ou des centaines de millions de dollars.

Pourquoi pensez-vous que les banques ont annoncé cela à ce stade-ci?

Le président suppléant (M. Roger Gallaway): Monsieur MacLeod, pourriez-vous répondre en premier, après quoi ce sera au tour de M. O'Toole?

M. Ian MacLeod: En affaires, ce n'est pas souvent que les transactions sont négociées dans le long terme. Elles sont organisées lorsque les dirigeants en affaires estiment qu'il y a une synergie ou une dynamique qui servira leur intérêt mutuel. Il se peut qu'il y ait des motifs sinistres, mais les gens sont nombreux, surtout au Canada, à considérer qu'être gros c'est être méchant, que les banques sont excessivement puissantes et que tout ce qui prend de l'ampleur est pire. Je n'ai rien vu qui dise que c'est le cas, alors je ne vais pas supposer que parce qu'une chose est grosse elle est forcément mauvaise. Les dirigeants de ces institutions ont, pour quelques raisons, proposé que cette fusion ait lieu, et je serais enclin à dire que cela devrait se faire à moins que vous ayez de bonnes raisons de préconiser le contraire.

Vos observations semblent aborder la question du côté opposé. Votre prédisposition est de dire que cela ne devrait pas se faire à moins que vous puissiez prouver qu'il y a de très bonnes raisons d'aller de l'avant avec le projet. Je pense donc que cela explique sans doute la différence entre mon approche et votre interprétation.

• 1800

M. Nelson Riis: J'apprécie cela. Je dois dire que cette partie de ma réflexion... Vous n'étiez manifestement pas ici plus tôt dans la journée, mais nous avons entendu un certain nombre de témoins, notamment les auteurs du rapport de la Colombie-Britannique...

M. Ian MacLeod: J'ai comparu devant ce groupe.

M. Nelson Riis: ...qui se prononce clairement contre la fusion. Je reflète, en un sens, certains des arguments qui ont été soulevés à ce stade.

J'ai néanmoins une dernière question pour vous, monsieur MacLeod, après quoi j'aurais une petite question pour les gens des assurances.

Le ministre Martin, il y a je pense quelques semaines, a dit craindre que dans ce marché turbulent, où l'on voit... Je ne sais trop comment vous décrire la situation, mais nous avons vu par le passé à quel point certaines de nos banques canadiennes étaient exposées dans certains secteurs qui ont connu des difficultés. Mon commentaire, je suppose—et je vais ici emprunter un petit peu à mon ami M. McKay, que nous avons entendu plus tôt dans la journée—est que si l'une des banques s'écroule aujourd'hui, situation qui fait peur rien qu'à l'envisager, ce pourrait être une très mauvaise nouvelle pour ses actionnaires. Si une mégabanque s'écroulait d'ici deux ou trois ans, ce serait un problème non seulement pour les actionnaires, mais pour tout le pays. Et nous leur demanderions sans doute de s'occuper du problème.

Le ministre Martin a dit que dans le cadre du marché financier turbulent tel qu'il existe à l'heure actuelle, où l'on ne sait vraiment pas ce qui va se passer la semaine prochaine lorsqu'on écoute les nouvelles, sans parler de l'an prochain, la question qu'on devrait se poser est la suivante: ne devrait-on pas s'inquiéter de se lancer et d'exposer le contribuable canadien à ce risque dans un tel climat d'incertitude? Êtes-vous en train de dire que nous devrions laisser cela de côté et foncer droit devant?

M. Ian MacLeod: Je pourrais peut-être dire cela de façon quelque peu cavalière, mais c'est plus complexe que cela.

Le changement nous accompagne toujours et le changement va s'accélérant, et si une personne propose qu'on maintienne le statu quo, c'est qu'elle n'a pas très bien suivi.

M. Nelson Riis: Je n'ai jusqu'ici entendu aucun témoin qui ait dit cela.

M. Ian MacLeod: Oui. Nous vivons donc une époque turbulente. Et nous avons une force à l'intérieur du système bancaire canadien qui n'existe à certains égards pas ailleurs, et cela nous vient de la structure réglementaire que nous avons grâce au BSIF, grâce aux exigences en matière de capitalisation qui sont imposées à nos banques et grâce aux exigences en matière de rapport.

J'ai entendu ce qui a été dit au sujet de l'exposition sur le marché des dérivés, mais déterminer l'importance du marché des dérivés en fonction de chiffres bruts en dollars ne rime à rien. Il s'agit davantage de regarder quelle pourrait être l'exposition non contrecarrée sur ce marché de dérivés, car dans la mesure où c'est équilibré, il ne devrait y avoir aucun risque du tout.

Par conséquent, en ce qui concerne les fusions bancaires, cela ne me fait pas peur que l'on vive une époque turbulente. J'aurais peut-être peur sur d'autres fronts.

Je me souviens très bien de la période au milieu des années 70, sans doute, où l'on parlait dans différents milieux de certaines banques qui allaient chuter à cause de leur exposition avec Dome Petroleum et, plus tard, Campeau, et ainsi de suite. Mais la force des institutions financières canadiennes leur a permis de survivre, tandis que certaines des banques plus petites, comme par exemple la Northland Bank, la Banque Commerciale Canadienne et dans une certaine mesure même la Banque de la Colombie-Britannique, si la Banque de Hong Kong n'était pas venue à la rescousse, auraient échoué.

Je pense donc que l'argument peut aller dans les deux sens, et je ne crains pas que l'on se surexpose tant et aussi longtemps que l'on maintient les mécanismes de contrôle réglementaire du BSIF en matière de capitalisation.

Le président suppléant (M. Roger Gallaway): Monsieur O'Toole, aimeriez-vous ajouter quelque chose à cela?

M. Chris O'Toole: J'aimerais réagir à cela car je traite moi-même avec les banques en question depuis une trentaine d'années. Je me souviens m'être rendu en 1979 dans la succursale locale de la Banque Royale à Richmond, pour demander un prêt de 400 000 $ pour un achat de 450 000 $, et j'ai pu l'obtenir comme cela. J'ai versé 10 p. 100 et j'ai obtenu un financement à 90 p. 100.

Bien sûr, ayant subi le fait que la Banque Royale se soit retranchée dans le cadre de ses pratiques de prêts, essuyant les pertes qu'elle a subies, comme cela a été le cas de toutes les banques en Amérique latine, j'imagine, au début des années 70 et ainsi de suite... nos banques ont beaucoup appris. Et ayant traité avec le secteur des banques commerciales dans la région de Vancouver au cours des 25 dernières années, il me faut dire que nous avons dans ce pays un groupe de banquiers très mûrs.

Certes, si vous regardez un petit peut partout dans le monde aujourd'hui... En Amérique latine, on avait l'habitude de tout simplement distribuer notre argent, et les Américains continuent de le faire, minant les dépôts en argent comptant des déposants de la banque. Nous ne vivons pas cela au Canada à l'heure actuelle. Je pense que nous avons appris nos leçons et nous appliquons très judicieusement nos pratiques en matière de prêt. Ils ont adopté cela en tant que culture au sein du secteur bancaire.

• 1805

Ces banques ont appris et ont payé le prix, avec une sérieuse érosion de leurs avoirs au fil des ans. Aujourd'hui, ce n'est plus courant, et je pense qu'il est clair, si vous regardez un peu partout dans le monde, que notre exposition en Asie et en Amérique latine est très minime du fait des leçons tirées du passé.

M. Nelson Riis: Monsieur O'Toole, j'apprécie vraiment vos observations et j'estime qu'elles sont justes. Mais rappelez-vous qu'il n'y a pas longtemps—peut-être deux ou trois ans en arrière—lorsque vous entriez dans n'importe quelle librairie au pays, surtout dans les aéroports et autres, les murs étaient tapissés de livres sur le modèle japonais. Tout le monde lisait ces livres. Mon bureau est rempli de tas de choses du genre que les gens m'ont donné à lire pour que je me renseigne sur la façon dont le monde devrait fonctionner. La réalité aujourd'hui est très différente.

Je prends donc bonne note de vos observations et je partage vos opinions. Je suis un petit peu inquiet ces jours-ci lorsque je vois ce qui se passe.

Ma dernière question, monsieur le président, s'adresse à Michael et vise à nous aider, nous autres membres du comité, à comprendre la question des assurances. Celle-ci prend de plus en plus d'ampleur, et ce que nous voyons, je pense, c'est que tout un secteur dans nos localités sera en situation de risque si la recommandation MacKay est adoptée.

Vous avez parlé du professionnalisme du courtier et de l'importance d'obtenir des conseils vraiment professionnels lorsque vous achetez différents types d'assurances. Je suppose que ce que vous disiez, implicitement, est que lorsqu'on ira à la banque à l'avenir, on n'obtiendra pas ce même niveau de conseils professionnels. L'on rencontrera un conseiller plus holistique en matière de services financiers. Pourriez-vous nous expliquer cela un peu plus? Pourquoi est-ce important d'obtenir des conseils professionnels lorsqu'il s'agit de prendre une assurance?

J'aborde la question d'un point de vue plutôt naïf, car je n'ai que des assurances sur ma maison et autres. Je n'appelle même pas mon courtier une fois par an. Il m'envoie une facture, je remplis la feuille et je la renvoie. Il arrive que trois ou quatre années s'écoulent avant qu'on ne se reparle. Je n'ai jamais considéré que c'était aussi sophistiqué que cela. Peut-être que je suis mal renseigné.

M. Michael Megson: Peut-être que le simple fait que vous ne lisez pas votre police montre que vous comptez bel et bien sur votre courtier pour qu'il prenne la bonne décision pour vous. Je pense qu'il vous faut comprendre que la branche multirisques est une branche très complexe englobant beaucoup de choses: des biens, bien sûr, la responsabilité et d'autres choses encore.

En ce qui concerne les banques, il est clair que si elles s'occupent de ventes d'assurance—bien sûr, elles s'occupent de ventes d'assurance par l'intermédiaire de leurs filiales—alors les agents devront être accrédités conformément aux exigences de la province dans laquelle ils se trouvent.

Ce que perdrait le client en traitant avec la banque, c'est l'aspect choix. Nous devons supposer que les banques utiliseront leurs propres produits bancaires. La Banque Royale utiliserait sa compagnie d'assurances et la Banque Impériale la sienne. Dès le départ, le consommateur n'a pas accès à myriade de produits qui sont proposés sur le marché. Il obtient un seul produit.

En même temps, en cas de réclamation—et c'est la raison pour laquelle les gens achètent des assurances—les courtiers jouent le rôle de défenseurs et conseillent leurs clients. Du simple fait d'être courtiers, ces agents ne sont pas employés par les assureurs eux-mêmes mais travaillent pour le consommateur. Toute cette relation est modifiée si l'on traite directement avec la compagnie qui vend le produit. Vous traitez avec des personnes qui sont employées par la banque, qui vendent le produit de la banque et offert par celle-ci. Vous perdez donc cette relation avec votre défenseur, cette indépendance, si vous voulez, que fournit un courtier.

Je pense que le plus gros élément c'est l'idée d'un choix, c'est-à-dire ce qui existe peut-être sur le marché mais que les banques ne peuvent bien sûr pas vendre. Un autre produit pourrait être meilleur pour la personne qui achète.

Mes collègues voudraient peut-être ajouter quelque chose.

M. Roger Finnie: Je pourrais faire une brève observation.

J'ai suivi de nombreux cours professionnels et je suis en fait fellow de l'Insurance Institute of Canada, ce qui est en fait l'équivalent de comptable agréé dans notre secteur. Une part importante de notre travail consiste à donner des conseils en matière de couverture, selon l'élément ou les risques assurés et même selon la valeur de l'assurance. En d'autres termes, votre maison vaut-elle 500 000 $ ou 100 000 $? Est-elle assurée sur cette base-ci, ou bien sur cette base-là? Ce n'est pas comme compter des dollars dans un compte en banque. C'est très différent.

Lorsque nous examinons ces choses, il nous fait parfois conseiller le client sur les lacunes et faire des arrangements spéciaux pour des assurances supplémentaires. Notre espoir est d'apprendre à bien connaître nos clients et de concevoir sur mesure des produits pour eux et leur livrer ces produits à partir de la multitude de sources présentes sur le marché.

M. Nelson Riis: Petite question supplémentaire—et vous nous avons donné une bonne réponse générale, Roger—: pourriez-vous nous citer un exemple de cas dans lequel vous donneriez des conseils professionnels en matière d'assurance à cause de vos connaissances, de votre expérience, et ainsi de suite qu'une personne plus naïve ou peut-être moins professionnelle, oeuvrant dans une banque, ne pourrait pas donner? Encore une fois, dites-nous ce que nous obtiendrions en traitant avec vous et que nous n'obtiendrons peut-être pas en nous adressant à quelqu'un dans une banque.

• 1810

M. Roger Finnie: Je pourrais peut-être vous donner très vite l'exemple d'un petit homme d'affaires qui a une entreprise mobile de déchiquetage de papier. C'est une activité très simple. Il y a beaucoup de papier, alors il se lance en affaires, ramasse le papier et le broie.

Cette personne a la possibilité d'acheter des assurances pour la boîte qui est installée à l'arrière de son camion, puis il y a l'assurance pour la cabine et le châssis. Il est loin de se douter que sur la police d'assurance pour la cabine et le châssis, il y a ce que l'on appelle une clause de coassurance. Cette clause dit que s'il n'assure pas le camion tout entier comme étant une seule et même unité, en cas de réclamation et surtout de réclamation partielle, le calcul du versement sera fait au prorata selon l'assurance qu'il a achetée comparativement à la limite totale pour le camion, plutôt que juste la cabine et le châssis. S'il n'est pas au courant de l'existence de ces clauses, il risque de se retrouver dans une situation sérieusement déficitaire en cas de réclamation.

M. Nelson Riis: C'est un bon exemple.

M. Brent Atkinson: Monsieur le président, j'aimerais, si vous me permettez, vous donner quelques exemples. Il relate du domaine de l'assurance-vie, mais non pas d'accident, et il s'agit de clients à moi qui ont fait affaires avec la banque.

Comme nous le savons, cela fait plusieurs années que les banques vendent de l'assurance-vie créancier. J'ai déjà été là au comptoir lorsque le client a demandé à l'employé de banque s'il y avait une clause d'exclusion en cas de suicide dans les assurances-vie sur hypothèque qu'il vendait. Le commis de banque a déclaré catégoriquement au client qu'il n'y avait pas d'exclusion pour suicide. Je n'ai personnellement pas de licence pour vendre de l'assurance-vie depuis 20 ans, mais lorsque j'en avais une, j'étais très au courant du fait que toutes les polices d'assurance-vie sont assorties d'une exclusion de deux ans en cas de suicide.

Mais cela n'est pas tout à fait aussi important que l'autre question.

Le deuxième cas concerne ce qui se passe lorsque vous allez à la banque pour acheter votre assurance hypothécaire. L'employé de banque parcoure la demande avec vous et recommande une assurance-vie créancier pour ou vous-même ou votre épouse, afin de vous protéger contre la perte de cette hypothèque. Dans le cas des clients auxquels je pense, après en avoir discuté avec l'employé de banque, celui-ci avait mis une croix stipulant que c'était une assurance-vie pour lui seulement, par opposition à une assurance conjointe. Malheureusement, son épouse souffrait malheureusement d'un cancer terminal. Ils avaient trois jeunes enfants, il est venu me voir et il était bouleversé de savoir que l'assurance hypothèque qu'il avait acheté auprès de la banque sur les conseils de l'employé de banque n'était pas conjointe mais ne s'appliquait qu'à sa vie. Cela n'allait pas lui permettre d'embaucher quelqu'un pour l'aider à élever sa famille au cours des 15 années suivantes.

Le dernier exemple que j'ai se situe dans le domaine des fonds mutuels. Un certain nombre d'employés de banque viennent me voir pour remplir des formulaires pour obtenir des licences de vente de fonds mutuels, et je rends visite à ces employés et je discute avec eux de fonds mutuels. En gros, ces gens se font accréditer pour vendre des fonds mutuels. J'en discute avec eux et je constate qu'ils sont assez confus d'apprendre qu'un fonds mutuel n'est en réalité qu'un bassin d'actions ordinaires, que le facteur risque avec l'achat d'un fonds mutuel est semblable à celui de l'achat d'actions ordinaires, la seule différence étant que le risque est étalé.

Ces employés sont d'avis que les dépliants qu'ils distribuent pour le fonds de l'Extrême-Orient, le fonds asiatique, le fonds technologie de pointe ou autres qui reviennent à conduire sa voiture en regardant dans le rétroviseur au lieu d'examiner les taux de rendement de l'année précédente, sont une source d'excellents conseils professionnels pour leurs clients, leur indiquant ce dans quoi ils devraient investir leur argent par opposition à des dépôts à terme à 2,75 p. 100. Je ne pense pas que ce soit une façon très professionnelle de traiter de ce produit, et je craindrais beaucoup que le même genre de problème survienne dans le domaine des assurances multirisques.

Le président: Monsieur Atkinson, vous êtes régi par un organisme, n'est-ce pas?

M. Brent Atkinson: Le surintendant des assurances.

Le président: Et vous avez également votre propre association provinciale, bien sûr.

M. Brent Atkinson: Une association professionnelle.

Le président: Les gens qui vont travailler à la banque dans la vente d'assurance seront assujettis au même code déontologique et autres que vous, n'est-ce pas? Il faudrait qu'ils suivent les mêmes cours, qu'ils fassent la même chose.

M. Brent Atkinson: Cela est vrai jusqu'à un certain point. Permettez-moi tout simplement de dire qu'il y a dans cette province trois niveaux de licence: au niveau d'un an, vous pouvez faire certaines choses, puis il y a le niveau deux ans, et les courtiers doivent rester au niveau deux pendant au moins cinq ans.

• 1815

Ce qui se passerait sans doute d'après moi est que les banques entreprendraient d'employer des personnes qui possèdent les licences nécessaires afin que les exigences à cet égard soient tout de suite remplies. Cependant, avec un service de courtage indépendant, il y a beaucoup plus de participation personnelle. Je pense que dans une banque—je suis dans ma banque, avec laquelle je fais affaires depuis que j'ai commencé il y a 27 ans—la tendance serait de recourir au plus bas dénominateur commun pour régler les questions. Vous n'auriez pas beaucoup de services personnels ou professionnels. Ce que vous avez c'est quelqu'un qui veut faire remplir rapidement votre formulaire afin de s'occuper de la personne suivante dans la queue. Le préposé ne va pas accorder d'attention individuelle à vos besoins particuliers.

C'est ce qui se passe à l'heure actuelle dans le domaine des fonds mutuels, comme le fait ressortir mon exemple. Les personnes qui ont une licence pour fonds mutuels sont accréditées de la même façon que les conseillers financiers. L'autre source de confusion dans les banques est que ces personnes seront employées à quantité d'autres tâches. Je ne pense pas qu'elles seront désignées pour se consacrer exclusivement à l'assurance.

Le président: Elles ne vont donc pas vendre beaucoup d'assurance, n'est-ce pas?

M. Brent Atkinson: Elles ne vendront peut-être pas beaucoup d'assurance. Mais ce qui me préoccupe c'est la question de savoir si elles vendront aux clients la bonne couverture. Elles ne vendent pas grand-chose côté fonds mutuels. Le gros de ce secteur est revenu à des conseillers financiers du marché indépendant. Les banques commencent tout juste à retourner sur ce marché ou à essayer d'y retourner.

Le président: J'aimerais revenir sur une question que vous avez soulevée, car nous avons fait un peu de travail relativement à ce que l'on appelle les ventes liées. Il me semble que votre association a comparu devant notre comité et a vivement recommandé que l'on veille à ce que l'article approprié soit inséré dans la Loi sur les banques, disant qu'il s'agit d'un très important texte de loi, etc.

Or, aujourd'hui, vous êtes venus ici et vous avez dit que cela importe peu car en bout de ligne ces genres d'attitudes vont se retrouver dans le système bancaire de toute façon. Les gens vont être contraints de vendre des produits et ainsi de suite. D'un côté, on nous a dit que cette disposition en matière de ventes liées est très importante.

C'est la même chose avec la question de la protection de la vie privée. Vous avez dit que cette question est elle aussi très importante. Vous ne pouvez pas avoir accès à tous ces renseignements. Si nous mettions en place toutes ces choses, visant la question de la protection des renseignements personnels et celle des ventes liées, alors pourquoi est-ce que les banques n'offriraient pas des assurances et du crédit-bail automobile?

M. Brent Atkinson: Monsieur le président, je ne peux que répondre dans le contexte de l'expérience limitée que j'ai eue avec les coopératives de crédit dans cette province qui sont autorisées à vendre de l'assurance dans leurs succursales, bien qu'étant tenues d'avoir des emplacements distincts.

Dans de nombreux cas, j'ai soulevé par écrit les questions des ventes liées et de la coercition dans le contexte des règles en vigueur avec le surintendant. En dehors des ordonnances de cessation et d'abstention envoyées aux différentes organisations qui ont participé à cette activité, la loi ne prévoit rien de substantiel.

Permettez-moi de répéter tout simplement qu'il est extrêmement difficile pour moi d'obtenir de mon client qu'il confirme par écrit ce qui s'est passé. Cela est dû au fait qu'il a l'impression qu'il risque sa relation d'affaires future avec l'institution financière en rapportant cela par mon intermédiaire au surintendant. Bien que je reçoive beaucoup de plaintes verbales, il y en a très peu que je parvienne à obtenir par écrit. Les rares rapports que j'ai obtenus par écrit et déposés n'ont pas abouti, en dehors de l'envoi d'une ordonnance de cessation et d'abstention du surintendant des assurances laissait entendre que la coopérative de crédit ne devrait pas le faire.

Un autre bel exemple est qu'en tant que courtier je suis obligé d'envoyer une copie de la perte payable sur ma police d'assurance à la coopérative de crédit qui détient l'hypothèque sur la propriété. J'ai eu des cas où la coopérative de crédit a pris cette copie des pertes payables pour en retirer des renseignements sur mon client pour ensuite le solliciter en prévision de la date de renouvellement. J'ai rapporté ce genre de chose maintes fois au surintendant. Encore une fois, tout ce que j'obtiens ce sont des ordonnances de cessation et d'abstention envoyées par le surintendant à la coopérative de crédit.

Si je m'appuie sur mon expérience personnelle, ce que je dis c'est que les règles et la loi en vigueur, qui sont là et dont vous et moi aimerions penser qu'elles suffisent pour contrôler ces activités, n'ont pas vraiment de substance et ne fonctionnent pas de façon satisfaisante.

Le président: Permettez-moi de vous poser une question. Qui essayez-vous de protéger? Vous êtes ici aujourd'hui et nous parlons d'essayer de construire un secteur moderne de services financiers pour le XIXe siècle. Essayez-vous de protéger le consommateur? Essayez-vous de protéger les emplois dans votre industrie? Essayez-vous de protéger le code d'éthique professionnel de ceux qui vendent des assurances? Qu'est-ce qui vous motive?

• 1820

M. Brent Atkinson: Je suppose que je dirais que j'essaie de protéger ces trois choses à la fois. Je suis également d'avis, à tort ou à raison, que les banques dans ce pays occupent une place et une taille de marché suffisantes dans les domaines dans lesquels on les a autorisées à se lancer. Je trouve qu'il est difficile d'acheter par les temps qui coure des titres auprès d'une société indépendante de courtage et de vente de valeur. La plupart ont été achetés par des banques. Je trouve qu'il est difficile d'obtenir une hypothèque auprès d'une société de fiducie indépendante, la plupart d'entre elles ayant été absorbées par des banques. Je ne pense pas que cela soit dans l'intérêt du consommateur. Je ne pense en tout cas pas que ce soit dans l'intérêt des exploitants de petites entreprises, dont je suis un membre actif. Il est rare, si même cela arrive, que j'entende un propriétaire ou un associé de petite entreprise qu'il est le moindrement satisfait du niveau de service et de réaction qu'il obtient auprès de sa mégabanque.

On parle du fait qu'elles mènent leurs affaires à l'échelle mondiale et qu'elles perdent de l'argent en Amérique latine ou ailleurs. Je ne vois aucun témoignage de leur nature concurrentielle exprimé dans les frais de service qui nous sont imposés, ou dans les taux d'intérêt applicables à mes cartes de crédit, ou dans mon taux hypothécaire, ou dans l'un des quelconques autres domaines dans lesquels elles sont aujourd'hui autorisées à oeuvrer. Le rapport MacKay dit qu'elles vont d'une façon ou d'une autre fournir au consommateur un produit d'assurance à plus bas coût. Ce que je dis c'est que je ne comprends pas et que je ne suis en tout cas pas d'accord.

Le président: Nous essayons de tirer au clair un certain nombre de choses ici, alors j'espère que la question ne vous ennuiera pas.

Elles sont si mauvaises, mais tout le monde souhaite quand même que leur succursale reste ouverte. Ces banques font un si mauvais travail, mais fermez une succursale et tout le monde s'affole. Comment cela se fait-il? Si les banques dans ce pays offrent un si mauvais service et sont si peu concurrentielles sur le plan prix—elles sont médiocres en tout, d'après les personnes qui ont comparu devant le comité—alors comment se fait-on que cela nous ennuie qu'elles ferment leurs succursales?

M. Brent Atkinson: Eh bien, tout d'abord, c'est parce qu'elles ont le monopole. Ce n'est pas comme dans l'État de Washington, où 20 gens d'affaires peuvent se réunir et ouvrir leur propre banque le lendemain.

Le président: C'est ce que MacKay voulait que nous fassions.

M. Brent Atkinson: Si vous me demandez si je pense qu'il faudrait qu'il y ait un marché concurrentiel dans le secteur bancaire, ma réponse est oui. Je pense que la situation actuelle est catastrophique. Je n'aime pas être obligé de ne traiter qu'avec cinq banques qui, Dieu fasse que cela n'arrive pas, pourraient n'être plus que trois. Cela ne fait rien pour moi. Je ne pense pas que cela fasse quoi que ce soit pour le consommateur.

Mes bureaux sont ouverts 73 heures par semaines dans des emplacements pratiques pour servir le public. Je ne peux même pas trouver un caissier dans ma banque le samedi. Savez-vous quoi? Ils veulent que j'utilise le guichet automatique. Il se trouve que je préfère un service personnel mais elles ne m'offrent pas de service de caissier. Elles m'obligent à utiliser le guichet automatique. Elles ferment leurs succursales et font travailler leurs caissiers de 10 h à 15 h, et nous autres, nous devons accepter cela. Pourquoi l'acceptons-nous? Parce qu'elles ont le monopole. Il n'y a pas d'autres solides prêteurs commerciaux auxquels puisse faire appel un petit entrepreneur indépendant. Les caisses de crédit ne sont pas fortes dans le domaine des affaires. Elles sont solides côté hypothèque pour des particuliers, mais elles ne sont pas solides du côté des milieux d'affaires.

La réponse à votre question quant à savoir pourquoi nous ne voulons pas qu'elles ferment est que si elles ferment, cela veut dire que nous devrons parcourir de plus grandes distances ou alors nous passer de service. Que cela nous plaise ou non, nous avons toujours besoin du service.

Le président: Et vous êtes également préoccupé par leur concentration, n'est-ce pas? Vous savez, il se trouve à la page 114 du rapport MacKay la petite figure 6.2. Vous êtes dans l'assurance-vie, n'est-ce pas?

M. Brent Atkinson: Non, je suis agent d'assurance multirisques.

Le président: Y a-t-il quelqu'un ici qui s'occupe d'assurance-vie? Eh bien, il devrait y en avoir.

M. Brent Atkinson: Vous avez raison. Il devrait y en avoir.

M. Roger Finnie: Monsieur le président, j'aimerais ajouter que je me suis senti calomnié dans leur rapport, où l'on nous mêle au secteur des assurances-vie. Nous autres qui nous occupons de l'assurance multirisques sont très différents.

Le président: Je comprends votre douleur.

M. Roger Finnie: Merci.

Le président: Vous savez, lorsqu'on regarde les dépôts personnels et toutes les institutions de dépôts et qu'on constate la part détenue par les cinq plus grosses banques, il s'agit de 58,1 p. 100. Lorsqu'on regarde la part, en pourcentage, des primes d'assurance-vie détenues par les cinq plus grosses compagnies d'assurance-vie, elle s'élève à 59,3 p. 100. C'est un secteur très concentré. Tout ce que je dis, donc, c'est qu'il faut être prudent. Car lorsqu'on parle de concentration, il y a toutes sortes d'autres industries sur le marché qui sont, bien franchement, très concentrées. Cela ne se limite pas aux banques.

• 1825

M. Brent Atkinson: Monsieur le président, j'aimerais vous signaler que le marché des assurances multirisques que nous représentons intéresse quelque 240 compagnies dans ce pays, dont aucune n'a une pénétration de marché supérieure à 9 p. 100. Notre marché est donc très fragmenté quant à la répartition des parts de marché. Le marché des assurances-vie ne l'est pas. Mais, là encore, nous ne voulons pas...

Le président: J'ai entendu ce point; il a déjà été soulevé. Vous n'aimez pas le fait qu'on vous mêle aux compagnies d'assurance-vie.

J'ignore ce qu'elles pensent du fait d'être mêlées à vous, mais quoi qu'il en soit...

Monsieur O'Toole.

M. Chris O'Toole: Ayant acheté des assurances—j'ai une femme et trois enfants qui sont maintenant grands—à différents moments, j'ai traité avec l'agent d'assurances pendant ces 30 ans dans un contexte d'assurance-vie pour la vie durant et d'assurance à terme. À différents moments, on m'a vendu un, deux, trois, quatre ou cinq polices différentes, et j'ai appris dix ans plus tard que l'agent d'assurances touchait une jolie prime du fait de m'avoir vendu en même temps des polices individuelles d'une valeur de 25 000 $ ou de 50 000 $. C'est pourquoi je me demande si l'industrie des assurances s'occupe vraiment de ses clients.

Je parle du fait de traiter avec une seule compagnie et de me retrouver avec sept polices différentes. Lorsque j'ai fini par m'adresser à un autre professionnel travaillant pour un concurrent, il a dit: «Écoutez, on pourra vous faire économiser beaucoup d'argent en combinant toutes ces polices».

Ce que je dirais à M. Atkinson est que je serais ravi d'aller à ma banque et d'y acheter l'assurance pour ma maison. Je me sens obligé de faire affaires avec mon bonhomme local, ici à Richmond, où j'ai—je ne sais trop comment on appelle cela—une assurance tremblement de terre. Il semble que l'on ne puisse pas acheter d'assurance tremblement de terre à l'heure actuelle. Peut-être qu'il y a eu un changement au cours de l'année écoulée et dont je ne suis pas au courant. Mais j'ai le sentiment d'être en quelque sorte tenu en otage par l'industrie qui contrôle véritablement ce marché.

En ce qui concerne les investissements que l'autre intervenant a mentionnés tout à l'heure, j'ai de l'argent avec RBC Dominion Securities, qui est le bras financier de la Banque Royale. J'ai vu dans le Financial Post une liste de quelque 1 700 fonds mutuels. Le rendement que j'ai obtenu au cours des quelques dernières années chez RBC Dominion avec quelques REER et d'autres économies a été au moins égal sinon supérieur aux moyennes de l'industrie.

Dire que les banques exercent un contrôle total sur le système monétaire en ce qui concerne les investissements est faux, car j'ai le choix d'aller chez Trimark, chez Templeton, ou n'importe où ailleurs. Il reste encore beaucoup de fonds mutuels indépendants parmi lesquels je peux choisir pour investir mon argent, et aujourd'hui je peux acheter des fonds mutuels aux États-Unis par l'intermédiaire de Morgan Trust ou d'autres, selon ma préférence.

À mon avis, donc, si les banques ont le droit de vendre de l'assurance, elles vont devoir mettre en place des professionnels, tout comme elles ont acheté des compétences professionnelles au sein de Wood Gundys, de RBC Dominions et des deux ou trois autres sociétés de distribution de placement à capital variable qu'elles ont acquises au fil des ans.

En gros, donc, je ne pense pas qu'il nous faille avoir peur de laisser les banques entrer dans le domaine des assurances. Je pense qu'en bout de ligne elles pourront nous offrir un meilleur prix... Nous pourrions obtenir beaucoup; il y a quantité de grosses compagnies d'assurances au Canada qui possèdent d'énormes avoirs, de l'immobilier, etc. Il faut espérer qu'elles essaient comme tout le monde de deviner ce qui va se passer sur le marché.

Je préférerais en tant que consommateur pouvoir me rendre dans ma succursale locale de la Banque Royale et d'y acheter mes assurances pour ma vie, ma santé, ma maison, le tout—m'adresser à un seul guichet pour obtenir tout ce qu'il me faut. Je pense que beaucoup de consommateurs seraient de mon avis.

Le président: Monsieur Megson.

M. Michael Megson: Tout ce que j'aimerais dire à l'intervenant qui vient de parler est que les banques ont accès au secteur des assurances depuis l'adoption de la Loi sur les banques de 1992. Encore une fois, elles ne sont pas autorisées à en vendre dans leurs succursales, mais elles peuvent oeuvrer dans ce secteur.

Le président: Elles sont donc au milieu.

M. Michael Megson: C'est ce qui semble être le cas.

Le président: Est-ce que ce n'est pas concurrentiel?

M. Michael Megson: Je pense qu'elles ont commencé avec des prix relativement bas—à la CIBC—et il y a eu une croissance d'environ 30 p. 100, alors elles ont très bien fait en un très court laps de temps.

Le président: Qu'en est-il de toutes ces compagnies d'assurances qui demandent plus cher qu'elles? Pourquoi font-elles cela?

M. Michael Megson: La CIBC n'est pas présente dans ce marché. Mais je ne pourrais pas vous dire grand-chose au sujet de cette question en particulier.

M. Brent Atkinson: La seule observation que j'aimerais faire est que je n'ai jamais eu de mal à fournir une couverture pour tremblement de terre. C'est peut-être un problème particulier à ce courtier à Richmond avec les marchés qu'il représente, car j'ai beaucoup de clients à Richmond et j'ai pu obtenir pour eux lorsque cela était nécessaire des assurances tremblement de terre.

En ce qui concerne les remarques qui ont été faites relativement à la RBC Dominion Securities, il s'agit là d'un courtier indépendant distinct qui représente 1 700 compagnies de fonds mutuels. Vous ne pouvez pas vous rendre dans une succursale de la Banque Royale et demander à un représentant d'un fonds mutuel d'acheter Templeton ou un autre parmi les 1 700; vous ne pouvez qu'acheter des produits des fonds mutuels de la Banque Royale. Par conséquent, si vous voulez aller à la banque, vous n'aurez pas le même service que celui que vous donne la RBC Dominion Securities, car ce dernier est un courtier indépendant.

• 1830

Je pense que cette différence est critique dans le cadre de notre discussion, car je suis courtier indépendant et les banques sont aujourd'hui autorisées à vendre des assurances mais elles ne sont pas autorisées à en vendre sur un terrain de jeu égal. Ce que nous ne voulons pas c'est qu'elles puissent vendre des assurances dans leurs succursales, en limitant le choix à leur produit exclusivement.

Le président: Merci.

Madame Bennett.

Mme Carolyn Bennett: Ma première question s'adresse à M. MacLeod.

En ce qui concerne l'une des hypothèses que vous émettez dans la partie de votre mémoire traitant de la stabilité, vous faites état de la force et de la stabilité des institutions financières canadiennes, ce qui préoccupe le comité c'est la force et la stabilité du secteur financier canadien. Ce que nous ne savons pas très bien c'est si le secteur pourra ou non demeurer stable avec ce tabouret à cinq pattes, ou bien s'il sera stable avec deux longues pattes et une courte.

Êtes-vous confiant qu'une fois que vous aurez dépassé tout le reste, qui est toujours stable, que le pays et ce secteur continueront d'être perçus comme étant stables?

M. Ian MacLeod: Oui. La crainte implicite dans votre observation est que s'il y a deux grosses banques qui contrôlent environ 70 p. 100 du secteur bancaire et que du fait de leur taille elles créent une certaine domination du marché, cela aura une incidence négative sur le reste de l'industrie. Je pense que c'est précisément cela que j'essaie d'aborder dans mes remarques.

Si elles n'offrent pas le service et le produit, alors les autres le feront à leur place. En fait, personnellement, je ne fais affaires avec aucune des six grosses banques. Je traite avec la numéro sept ou la numéro huit, et la raison à cela est qu'elles me donnent un service imbattable. C'est pourquoi j'y vais.

L'autre chose est que le secteur des services financiers au Canada, comme on vous l'a sans doute maintes et maintes fois répété, ne se limite pas aux seules banques; il est plus gros que cela. Vous serez plus inquiets sÂil y a domination du marché par deux institutions qui en détiennent 70 p. 100 que s'il s'agit plutôt de 30 p. 100 ou autre, sur un secteur plus large.

La question n'est donc pas d'avoir... Cela nous ramène aux observations faites par M. Riis tout à l'heure. Je serai certainement inquiet s'il n'y avait plus qu'une grosse banque, mais il y a des ouvertures pour les grosses banques et les ouvertures pour de plus petites institutions. Chacune a un rôle à jouer et il y aura peut-être un peu de chevauchement.

Mme Carolyn Bennett: Par conséquent, plus vous êtes gros, plus vous tombez fort—pour revenir à l'affaire de M. Crispo. La question est la suivante: Si vous autorisez cela et que les deux dernières décident de fusionner, à quel stade devrait intervenir le gouvernement?

Vous avez dit que ce ne serait sans doute pas une bonne chose de n'avoir plus qu'une seule grosse banque, alors si ces deux partenaires décidaient de fusionner, pensez-vous que le gouvernement devrait alors intervenir?

M. Ian MacLeod: Je ne sais où serait le seuil et cela devrait sans doute faire l'objet d'un débat différent, mais ni l'une ni l'autre de ces deux mégabanques éventuelles, si vous voulez, va avoir plus que... Quel est le chiffre? C'est moins de 20 p. 100 du marché des services financiers dans ce pays. Si vous aviez une institution qui détenait 50 p. 100 du marché, ce serait très inquiétant. Mais ce n'est pas de cela que l'on discute à l'heure actuelle, et s'il s'agit de 20 p. 100 ou d'un petit peu moins, cela ne me préoccupe pas trop.

Mme Carolyn Bennett: Peut-être que je devrais inclure M. O'Toole.

Votre mémoire dit que vous êtes en faveur de la fusion de la Banque Royale et de la Banque de Montréal. Le problème est que lorsque cela a été suivi de très près par la Banque TD et la CIBC, alors cela a commencé à inquiéter les gens, étant donné que plus on est gros plus on se fait mal en tombant, et si l'on tombe, qu'arrive-t-il? La responsabilité ultime revient alors au gouvernement.

Le fait que la Banque TD et la CIBC veuillent fusionner tout de suite après change-t-il quelque chose à votre avis initial favorable en ce qui concerne la fusion de la Banque Royale et de la Banque de Montréal?

• 1835

M. Chris O'Toole: Personnellement, je ne pense pas que cela ait vraiment eu d'effet. Je pense que nous avons dans ce pays évolué pour acquérir un niveau d'expérience financière très élevé dans les services que nous offrons au public. Il y a de si nombreuses sources, et M. Atkinson a, je pense, dit que les coopératives de crédit ne donnent pas de service commercial. Eh bien, je sais qu'à Richmond, la Richmond Savings Credit Union s'occupe de toutes sortes d'affaires commerciales. C'est la même chose de la Vancouver City Savings Credit Union ici en ville. Il y a donc quantité de services commerciaux.

Comme je le disais dans ma lettre, si les banques ne servent pas leurs clients, elles perdront sur le plan part de marché, et je ne pense pas que ce soit là l'objet de leur fusion. L'objet de leur fusion est d'augmenter si possible leur part de marché.

Mme Carolyn Bennett: J'imagine que ce que je veux dire c'est que pour le Canada... Vous et M. MacLeod dites que la force c'est la stabilité des institutions. Si nous nous trouvons tout d'un coup avec un, deux ou trois énormes organisations peu maniables qui commencent à perdre de leur part de marché parce que tout d'un coup plus gros n'est pas mieux, la confiance des Canadiens à l'égard de ces institutions financières ne serait-elle pas assez vite entamée? Et que cela ferait-il à notre pays?

M. Chris O'Toole: Je pense que le gouvernement a établi un certain nombre de principes fondamentaux qui continueront de maintenir nos banques sur de très solides fondations, pour le bien de tous les Canadiens. Ces choses s'appuient sur 200 ou 330 années d'activités. Il y a également les lois régissant leur fonctionnement—assurance-dépôts et autres.

Et s'il n'y a que deux grosses banques, de nombreuses petites banques viendront saisir les marchés-créneaux. La nature ne supporte pas le vide, et je pense que ces intervenants-créneaux viendront s'il y a un créneau à remplir par la communauté bancaire mondiale. Je ne pense qu'il nous faille nous inquiéter de cela en tant que consommateurs aujourd'hui. Il y a toutes sortes de services financiers, à tous les paliers, auxquels nous pouvons nous adresser pour régler nos problèmes.

Mme Carolyn Bennett: J'aimerais que vous deux qui êtes en faveur de cette fusion nous disiez si le système que nous avons à l'heure actuelle au Canada est bon: les cinq banques et tout le reste. Je suppose que ce que nous essayons de comprendre c'est toute cette histoire de «convainquez-moi». Convainquez-moi que la meilleure formule est d'avoir deux grosses banques et une de taille moyenne.

M. Chris O'Toole: Mais il y a une synergie, comme l'a expliqué plus tôt M. MacLeod, au niveau des économies. Pourquoi la Banque Royale devrait-elle maintenir une succursale dans le centre-ville de Lone Butte, en Colombie-Britannique, aux côtés de la Banque de Montréal et de la Banque de Commerce, s'il n'y a que 3 200 clients à servir? Il n'est pas logique, sur le plan économique, que ces succursales restent ouvertes là-bas. Elles n'ont pas de clients à servir et peut-être que cela a été fait parce qu'on pensait que ces villages allaient disparaître. Il faudrait que les banques soient autorisées à se consolider et à bénéficier de la synergie en provenance d'économies et autres dans différentes localités, et nous paierons tous moins de frais de service grâce à ces économies.

Mme Carolyn Bennett: D'après ce que j'ai compris, vous les fermez de toute façon, tout simplement parce qu'elles ne sont pas extrêmement rentables.

M. Chris O'Toole: Bien sûr.

Mme Carolyn Bennett: Ce que je veux dire par là c'est quÂelles sont toutes rentables. Les banques sont en train de fermer des succursales rentables tout simplement parce qu'elles ne sont pas suffisamment rentables.

M. Chris O'Toole: Peut-être, et puis après.

Mme Carolyn Bennett: Elles ne ferment pas des succursales parce qu'elles perdent de l'argent.

M. Chris O'Toole: Mais ce que vous aurez, si Ian et moi-même fondons une coopérative de crédit un jour, ensemble ou avec les gérants d'autres coopératives de crédit, c'est quelqu'un qui dira: «Regardez, il y a là-bas un créneau. Ouvrons là-bas une sous-succursale; offrons les services qu'une banque n'assure plus là-bas». C'est ce qui va se passer dans ce cas particulier, et je pense que les choses iront très bien, car c'est peut-être là que doivent s'installer les coopératives de crédit pour satisfaire leurs besoins en matière de croissance ou autre. Et les banques n'ont pas forcément à être là.

Mme Carolyn Bennett: Dans ce village, où il y a deux banques, est-ce qu'il n'arrive pas automatiquement que l'une décide de se retirer pour laisser l'autre seule, si c'est ce qu'elles veulent? Je veux dire, nous n'avons pas besoin d'une fusion pour... S'il n'y a pas assez d'activités pour deux banques, le village se retrouvera avec une seule banque, mais il n'est pas nécessaire qu'il y ait fusion pour cela.

M. Chris O'Toole: Malheureusement, vous avez vos clients qui se déplacent un petit peu partout au pays, et une banque, comme nous l'avons fait il y a 30 ans à Dawson Creek dans le secteur financier... Vous essayez de servir vos clients ou qu'ils déménagent. Je ne pense donc pas que les fermetures auraient donc lieu. Ce que je veux dire par là c'est que la Banque de Montréal ne peut pas fermer sa succursale et céder ses clients à la Banque Royale. Les deux ne travaillent pas de pair en ce moment.

Pourraient-elles s'entendre pour faire cela sans fusionner? J'imagine qu'elles le pourraient, en vendant leurs comptes à recevoir et leur clientèle à la succursale de l'autre. Peut-être qu'elles le pourraient, mais là n'est pas le but ici. Je pense que leur but est d'être suffisamment grosses pour concurrencer la Citibanks et la Chase Manhattans et ainsi de suite—pour s'occuper de grosses transactions dans ce pays et ailleurs dans le monde.

Mme Carolyn Bennett: D'après ce que j'ai compris, les banques canadiennes sont déjà les meneuses pour nombre de prêts consortiaux. Je n'ai pas entendu dire qu'elles sont en train de rater l'occasion de s'occuper de ces grosses affaires parce qu'elles ne sont même pas suffisamment grosses, car il semble qu'elles soient assez futées pour être au premier rang.

• 1840

M. Chris O'Toole: Elles ont certainement joué un rôle à Canary Wharf, à Londres, alors elles se débrouillent pour flairer les grosses affaires.

Mme Carolyn Bennett: C'est la Banque Scotia qui semble être le principal courtier pour nombre de ces prêts syndiqués dans le monde. Alors j'ai toujours du mal à comprendre.

Le maire de Dawson Creek est venu ici aujourd'hui. Il est quelque peu préoccupé par toutes ces choses. Il ne pense pas que les fusions soient une bonne chose pour sa ville.

M. Ian MacLeod: Eh bien, le maire de Dawson Creek a siégé au panel de trois membres qui a rédigé ce rapport provincial dont vous avez parlé. Il a certainement abordé la question dans cette perspective-là.

Mme Carolyn Bennett: Cela voulait tout simplement dire qu'il avait fait le tour de la province pour écouter tout le monde, mais il est toujours le maire de Dawson Creek.

M. Ian MacLeod: Bien sûr.

Mme Carolyn Bennett: Je ne pense pas qu'il faille l'écarter du fiat qu'il ait eu cette expérience.

M. Ian MacLeod: Non, mais il ne faudrait pas non plus lui donner trop d'importance.

Le président: Car c'est la raison pour laquelle nous faisons ceci.

M. Ian MacLeod: Précisément, et c'est pourquoi nous sommes ici nous aussi.

Vous avez dit tout à l'heure, en guise de préface à votre question, que plus on est gros, plus on tombe dur, et M. Dermer a parlé de certains des problèmes avec les banques japonaises, et du fait qu'il semble qu'il y ait un lien entre gros... et elles vont éventuellement chuter, et cela entraînera la catastrophe. J'ai essayé de répondre à cela dans le cadre de mes remarques un petit peu plus tôt, en parlant tout d'abord du rôle du BSIF ainsi que de la capitalisation et de la surveillance des banques canadiennes.

L'autre aspect est culturel. Je ne pense pas qu'il soit vraiment pertinent d'essayer de comparer les problèmes des banques japonaises avec les nôtres. Tous ces livres qui sont sur les étagères de beaucoup de gens, moi compris, et qui parlent des merveilles du système japonais racontent l'étroite intégration entre pouvoir public, secteur privé et secteur bancaire. Tout cela est très bien tant et aussi longtemps que tout le monde fonctionne de façon objective et parfaitement intègre, mais nous savons tous que sévissent dans le système japonais népotisme, autofavoritisme et autres, à un point tel que là où il n'y avait pas un système objectif de consentement de crédit, il n'y avait pas de gestion objective du système bancaire. Voilà pourquoi je ne pense pas que le Japon soit le bon modèle à regarder.

Mais pour en revenir à l'un de vos autres thèmes—soit pourquoi c'est mieux d'être gros?—j'aborde la question dans le sens contraire. La direction de ces institutions estime qu'il y a de bonnes raisons d'affaires de fusionner, et je pense que l'argument est vraiment: pourquoi ne le devraient-elles pas? Pourquoi ne devrait-on pas les laisser le faire?

Le président: M. Dermer a peut-être la réponse.

M. Ashley Dermer: Oui, je pense que M. Crispo a déjà donné la réponse. C'est le profit collectif de dizaines de millions de dollars versés aux cadres supérieurs des banques au titre de leur valeur d'options.

J'aimerais dire à MM. O'Toole et MacLeod que je n'ai pas la confiance qu'ils ont dans les capacités de réglementation de nos contrôleurs financiers. Je suis certain que les Britanniques étaient particulièrement fiers des règles qu'ils avaient en place, mais cela n'a pas empêché l'écroulement de la Barings, une institution vieille de 200 ans. Je suis certain que les Américains étaient très fiers des règlements qu'ils avaient en place, mais cela n'a pas empêché trois de leurs plus grosses banques de perdre un milliard de dollars en l'espace de six ou huit semaines, il y a de cela quelques mois seulement.

Dans le cas de nos propres banques, comment pouvons-nous réglementer leurs activités si l'on ignore quelle est leur exposition aux dérivés? Je conviens que l'on ne peut pas parler de 130 billions de dollars, mais c'est néanmoins un montant d'argent phénoménal, que les banques refusent tout simplement de nous déclarer. Stewart laisse entendre que le risque direct pour les banques canadiennes est le double de l'exposition totale de leurs actionnaires, et j'aime l'analogie de Mme Bennett au sujet du tabouret à cinq pieds et du tabouret à trois pieds. Si l'un de ces trois pieds devait céder, ce serait catastrophique pour tout le pays.

Merci.

Le président: Monsieur McKay.

M. John McKay: Monsieur Dermer, je comprends à peine les instruments dérivés. Mon fonds mutuel m'a récemment écrit et m'a dit qu'il allait se lancer dans les dérivés, et la conversation que je viens d'entendre m'amène à vouloir réexaminer cette lettre, que j'ai lue deux fois et que je n'ai toujours pas comprise. Pourriez-vous me faire une petite leçon sur les dérivés? Et dites-moi, pourquoi cela devrait-il m'exciter?

• 1845

M. Ashley Dermer: Je ne pense pas qu'il vous faille en être excité; vous devriez être très méfiant. Je ne prétends pas être un grand expert des dérivés, mais par curiosité et parce que cela m'intéresse j'ai tenté d'obtenir des renseignements.

En gros, les dérivés sont une forme de jeux de haute voltige. D'après ce que j'ai compris, un contrat d'option sur dérivés faisait des paris sur le nombre des disques platines qu'Elton John allait produire, et l'on pouvait miser beaucoup d'argent.

Dans mon texte, je mentionne la facture de 2 milliards de dollars de l'intervention de secours de la Federal Reserve il y a tout juste quelques semaines. C'était en fait plus de trois milliards de dollars, et ce fonds de couverture misait sur des dérivés. Ils avaient à bord quelques économistes lauréats du prix Nobel et le matériel informatique le plus sophistiqué qui soit. D'après ce que j'ai compris, ils misaient sur de légères variations dans les écarts entre les options. Ils regardaient, une option d'octobre et une option de décembre, et s'ils voyaient le fossé s'élargir ils chargeaient des millions de dollars, pariant que l'écart se fermerait, ce comptant sur leur modèle informatique. En d'autres termes, les dérivés sont des instruments financiers très mystérieux que 99,9 p. 100 d'entre nous ne saisissons pas vraiment. Je sais cependant que nos banques canadiennes y sont exploitées sur une grande échelle, comme en témoigne ce qui est arrivé avec la U.S. Federal Bank, au sud de nous, tout juste la semaine dernière.

M. John McKay: Je ne sais si cette réponse m'a beaucoup éclairé. C'est une forme de... le mot jeu est peut-être un peu chargé.

M. Ashley Dermer: Permettez-moi de tirer cela un peu au clair. En gros, un dérivé est une mise sur une entité qui est comme une option sur indice boursier, ou une option pour laquelle la valeur se faisant l'objet de l'option n'est pas visée par la mise. La mise porte davantage sur l'option, ou l'instrument dérivé, en fonction de la valeur faisant l'objet de l'option.

M. John McKay: La mise porte sur le contrat lui-même, si vous voulez. Et sur la possibilité que le contrat monte ou descende.

M. Ashley Dermer: Oui.

M. John McKay: Vous faites un petit profit par-ci et un petit profit par-là sur le mouvement, plutôt que sur autre chose.

M. Ashley Dermer: C'est ainsi que je comprends la chose.

M. John McKay: Très bien. Alors si vous avez misé sur une hausse et...

M. Ashley Dermer: S'il y a une baisse, vous perdez tout l'argent que vous avez misé sur l'option.

M. John McKay: Quelle preuve directe avez-vous que les banques canadiennes sont exposées ou trop exposées à cet égard?

M. Ashley Dermer: Je m'appuie largement sur le livre de Walter Stewart. Ce n'est pas mon domaine d'études ni mon domaine d'affaires, mais j'ai lu Walter Stewart avec empressement. Ce qu'il disait raisonnait en moi et je recommanderais tout particulièrement les annexes de son livre, qui fournissent les chiffres. Je ne les connais pas par coeur, mais vous les y trouverez. Le livre s'intitule Bank Heist: How Our Financial Giants Are Costing You Money, et il est très récent.

Le président: Monsieur MacLeod.

M. Ian MacLeod: Je ne prétends pas être un expert en matière de dérivés, mais des gérants de banques de commerce m'ont expliqué cela. Il y a toujours quelques trous.

M. John McKay: Et vous êtes allé chercher un autre scotch.

M. Ian MacLeod: Une fois que mes yeux étaient ouverts, oui.

Il y a sans doute deux principaux domaines dans lesquels les dérivés sont utilisés, et ils sont très largement utilisés dans les transactions commerciales d'affaires. Si vous êtes une société forestière vendant du bois aux États-Unis et que vous allez être payés en dollars américains 30 ou 90 jours plus tard, vous voulez vous mettre à l'abri de risques dus à l'évolution du cours de la devise. Vous voulez avoir votre prix en dollars américains d'aujourd'hui, et vous voulez vous faire verser cette valeur dans les 30 ou 60 jours. Vous prendrez peut-être un contrat à terme pour vendre des dollars américains dans 90 jours pour le même montant en dollars américains que vous allez recevoir pour votre bois dans 90 jours afin qu'en ce qui concerne votre risque sur le plan cours de la devise en tant que vendeur de bois, vous soyez bien à l'abri. Il y a des gens qui, dans 90 jours, auront des dollars américains qu'ils veulent vendre, alors il s'agit tout simplement de faire correspondre les flux futurs de revenu entre ceux qui ont de l'argent et ceux qui n'en ont pas.

Dans le cas de transactions commerciales, c'est une façon de prévenir un risque. Les gens font le même genre de choses avec les flancs de porc ou l'or ou l'argent. Le secteur minier s'en sert également, tout comme le secteur forestier. Cela s'applique dans le cas de risque sur la devise, la denrée ou même le taux de chance.

M. John McKay: Le marché des dérivés n'est-il pas encore plus sophistiqué que cela?

M. Ian MacLeod: Oui, tout à fait.

M. John McKay: C'est comme une mise sur une mise.

M. Nelson Riis: C'est comme une couverture sur une couverte.

M. Ian MacLeod: Oui. Le marché a été créé pour faire coller les flux de revenu futurs, afin d'éliminer le risque imputable aux fluctuations dans les taux de change, les taux d'intérêt ou les prix des denrées.

• 1850

Comme l'a dit M. Dermer, les choses sont allées beaucoup plus loin que cela, et les gens qui s'occupent d'arbitrage regardent les petits changements marginaux dans les contrats d'achat et de vente. Ils achètent, avec une très petite mise de fonds, d'énormes contrats à terme, et s'ils n'ont pas une couverture pour les protéger et que le prix joue en leur défaveur, alors ils auront une si faible marge pour couvrir le prix qu'ils seront étalés.

C'est ce qui s'est passé avec la Barings. Le trader n'a cessé de négocier et de négocier—c'était comme s'il doublait à chaque fois sa mise, et il perdait de plus en plus. En bout de ligne, cette multiplication exponentielle l'a mis par terre.

Les dérivés ne sont pas une mauvaise chose en soi. Tout dépend de la marge qui est autorisée et de l'utilisation qui en est faite. Mais il y a pour la plupart d'entre eux de très bonnes raisons commerciales.

M. John McKay: Pensez-vous que les institutions de dépôts devraient être autorisées à jouer sur le marché des dérivés?

M. Ian MacLeod: Si c'est pour établir un équilibre, il s'agit en gros d'un service financier, où elles fournissent la conduite pour la compagnie des négociations ou des exportations en vue de l'établissement de cette concordance entre les flux de revenu.

M. John McKay: Mais l'argument de M. Dermer est que les banques, en fait, misent leurs propres avoirs. Elles risquent leurs propres avoirs sur ce marché des dérivés. Il ne s'agit pas tout simplement d'offrir un service à un client, c'est plus que cela. Elles jouent en fait sur le marché avec des éléments de leurs propres avoirs.

M. Ian MacLeod: Si c'est vrai, cela dépasse le rôle que devraient jouer les banques. Mais je n'ai entendu personne dire que les banques sont des spéculateurs débridés sur le marché des dérivés. Elles offrent le service à ceux qui sont peut-être eux-mêmes des spéculateurs, et il s'agit alors là d'une question de risque bancaire.

Lorsque je regarde les gros prêts commerciaux—et je vais utiliser comme exemple une société forestière—si elle prend un contrat à terme en dollars américains, la banque établira un certain pourcentage de risque pour la devise et l'intégrera aux facilités de crédit de l'emprunteur. C'est comme s'il s'agissait d'un prêt direct à cet emprunteur. La banque n'est donc exposée qu'au risque bancaire de l'emprunteur en prenant ces contrats à terme au nom de son client.

M. John McKay: Dans le contexte de la Colombie-Britannique, même cela peut devenir un petit peu épineux si votre client est dans le domaine des denrées.

M. Ian MacLeod: Je suppose que le risque est que si l'acheteur ne paie pas lorsque le paiement est dû et que tout d'un coup vous devez payer et que la devise a bougé en votre défaveur, il vous faut payer avec des dollars au taux de conversion actuel, et vous pouvez ainsi vous retrouver à court. C'est là qu'intervient le risque bancaire du client. C'est le client qui paie et non pas la banque.

M. John McKay: Mais cela est-il vrai?

M. Ashley Dermer: Monsieur McKay, vous approchez de très près ma compréhension de la situation. Je pense que M. MacLeod décrit une utilisation très plébéienne des dérivés. Cela fait en tout cas longtemps que les dérivés sont utilisés comme simple couverture pour les producteurs de denrées, et c'est ce qu'a décrit M. MacLeod. Mais nos banques canadiennes vont plus loin que cela et, si j'ai bien compris, c'est ce qui vous intéresse.

Permettez-moi de dire que la personne qui a gagné le plus d'argent l'an dernier à l'intérieur du système bancaire canadien n'était pas un président de banque, avec ses 2 ou ses 3 millions de dollars. C'était un négociant en valeur d'arrière-salle—j'ignore son nom—et il a gagné 10 millions de dollars. Ce que j'aimerais vous dire cÂest que ces joueurs d'arrière-salle de banque, où les téléphones sonnent 24 heures par jour et des appels vont et viennent, partout dans le monde, se font beaucoup d'argent. Leurs noms figurent sur les listes de paye des banques—et c'est là que va une partie des profits des banques—et ils misent leur propre argent, que ce soit sur des devises ou sur les disques platine d'Elton John. Ils font beaucoup plus que tout simplement protéger les denrées essentielles.

M. Roger Finnie: J'aimerais ajouter un petit commentaire, dans le contexte des assurances. Vous parlez des dérivés. Mon impression des dérivés est qu'ils se résument à des risques purs et simples, ce qui ajoute à l'équation «plus on est gros plus on se fait mal en tombant» relativement à nos institutions de dépôts. Nous avons des banques qui peuvent posséder des compagnies d'assurances, et souvent, les compagnies se vantent d'être appuyées par des banques.

• 1855

Dans le contexte des assurances, disons que vous êtes propriétaires de votre maison à Vancouver, que vous venez me voir et que vous me dites «Je ne peux pas tolérer le risque de perdre ma maison en cas de tremblement de terre, alors je vais vous verser, à vous monsieur l'assureur, 200 $ pour ce privilège». C'est alors mon problème de trouver suffisamment de capital et de réassurance pour appuyer cela. Et comme je l'ai dit tout à l'heure dans mes remarques liminaires, si les secteurs sont distincts, on a non seulement le risque du dérivé, mais on a également, avec les assureurs qui appartiennent à des banques, une exposition aux catastrophes naturelles. Cela n'est encore jamais ressorti. Cela fait très peur.

M. John McKay: J'imagine que là où vous voulez en venir avec argument est que parce que les banques ont superposé des contrats financiers sur des contrats financiers, vous aimeriez que ce pilier soit rétabli, si vous voulez, afin de ne pas ajouter le risque correspondant aux dérivés ainsi que le risque correspondant aux catastrophes naturelles.

M. Roger Finnie: C'est exact. En résumé, nous ne pensons pas que les institutions de dépôts, qui sont les gardiens de l'argent des Canadiens, devraient être actives dans ces secteurs.

M. Chris O'Toole: Je rappellerais à l'intervenant ce qui s'est passé il y a quelques années lorsque la Lloyd's of London s'est lentement désagrégée devant nos yeux.

M. John McKay: Oui, l'histoire des noms.

M. Chris O'Toole: C'est exact. Et d'autres en Ontario ont été pris avec. Mais la compagnie d'assurances a presque fait faillite, elle ne pouvait pas payer les réclamations et le reste de l'industrie des assurances a en fait dû l'appuyer et financer une part importante de ses...

M. John McKay: Et cela est une preuve de ce que vous dites?

M. Roger Finnie: Monsieur le président, il n'y a eu aucune aide gouvernementale dans le cas de la Lloyd's of London, et la Lloyd's of London est prospère aujourd'hui et aucun titulaire de police n'a été abandonné.

M. Chris O'Toole: Eh bien, si vous parlez aux gens dans l'est des États-Unis, nombre d'entre eux n'ont pas été payés, mais j'imagine que c'est là une autre question. La réalité est que l'industrie des assurances doit se resserrer et être solidaire derrière... ou vivre un gros écroulement à cause de la Lloyd's, un peu comme ce qu'ont fait les banques avec les dérivés il y a une ou deux semaines, à Washington. Mais je comprends que l'effondrement de la gestion à long terme a en gros été amené par l'écroulement de l'économie russe et pas forcément par des paris insensés.

Cependant, je ne suis moi-même pas suffisamment au courant pour pouvoir me prononcer là-dessus.

M. John McKay: Pour en arriver au fond de la question, je suppose qu'un dérivé, si j'utilise ici l'analyse pure de mon ami, est un risque pur. Le jeu se fait dans ceux qui sont maintenant des filiales à part entière des banques, appuyés, je le présume, par tout le système financier canadien. Si vous passez à travers les couches, vous allez de Nesbitt Burns à la Banque de Montréal au peuple canadien. Vous avez donc arrêté de jouer à ce stade-là avec l'argent des actionnaires et vous jouez en gros avec l'argent de la «police d'assurance» de tout le pays.

Est-ce que je me trompe là-dessus?

M. Chris O'Toole: Je vais laisser M. MacLeod répondre, car il est plus éclairé que moi dans ce domaine.

M. John McKay: Je ne suis même pas certain de ce que je demande.

M. Ian MacLeod: Bien franchement, je ne sais pas, car les seules références que j'ai eues quant à l'exposition des banques aux dérivés me viennent en définitive du livre dont a parlé M. Dermer. Un risque dans le cas d'un dérivé n'est un risque que dans la mesure où ce n'est pas compensé par un contrat exécutable. Je n'ai vraiment aucune idée du volume des dérivés qui sont de la pure spéculation, du volume des dérivés qui sont des transactions commerciales de couverture et de l'exposition des banques. C'est une bonne question, et peut-être que les banques pourront vous renseigner.

M. John McKay: Mais c'est plutôt pertinent, étant donné les billions de dollars qui sortent du marché.

• 1900

Et vous avez raison de dire que ce n'est pas un risque dans la mesure où il y a un contrat en face qui peut être réalisé. Si ce contrat ne peut pas être réalisé, au lieu que ce soit votre problème, c'est maintenant mon problème, et on fait tout simplement le tour de la table et tout d'un coup ça devient le problème du pays.

M. Roger Finnie: Monsieur le président, j'aimerais ajouter quelque chose à cela. Je pense que votre résumé des faits est tout à fait juste. Je pense qu'il y a de sérieuses conséquences de cette superposition de risque pour la Société d'assurance-dépôts au Canada et pour la Banque du Canada, qui fournit aux banques à charte tout le financement d'urgence.

Le président: Avant de sauter à cette conclusion, j'ai un problème ici avec M. Dermer.

Est-ce que ce type dont vous avez parlé, Walter Stewart, est vraiment très proche des banques?

M. Ashley Dermer: Il a écrit deux livres qui sont très critiques à l'égard des banques. C'est un journaliste canadien d'expérience. Il a fait ses devoirs et sa recherche. Je vous encourage fermement à parcourir son livre.

Le président: Oui, et je le ferai, car vous m'avez dit que les banques ne rendent pas publiques toutes ces questions liées aux dérivés. Comment se fait-il que Walter Stewart soit au courant? A-t-il des renseignements privilégiés auxquels le reste d'entre nous ne pouvons pas accéder?

M. Ashley Dermer: Je ne peux pas vous fournir de réponse précise, mais il a fait des recherches approfondies auprès de sources indépendantes.

M. Nelson Riis: À ce sujet, monsieur le président, si je me souviens bien, presque toutes les banques avaient un département responsable des dérivés. Je me souviens de m'être rendu dans un de ces départements il y a quelques années pour y suivre un cours sur les dérivés, et, Dieu merci, il n'y avait pas d'examen à la fin. C'était très complexe.

En gros, sans vouloir avoir l'air ridicule, il s'agit en fait de parier sur des paris sur des paris. Il y a donc des couches de paris, et ou vous gagnez gros ou—le risque est très élevé—vous perdez. Il y a apparemment également là-dedans un important ratio de levier. Le ratio de levier est très élevé. Les banques pourront vous renseigner là-dessus si vous allez leur rendre visite. J'imagine que c'est auprès d'elle que Walter Stewart a obtenu certains de ses renseignements.

Le ministre des Finances n'est pas au courant de cela. J'ignore si quiconque est au courant de l'envergure de l'exposition de différentes banques.

Le président: Monsieur Dermer, c'est pourquoi je pose la question, et cela revient à celle posée par M. McKay. Lorsque je vous ai entendu parler des dérivés, j'ai eu l'impression qu'on parlait de jeux. C'est bien cela?

M. Ashley Dermer: J'ai cru cela lorsque je l'ai entendu.

Le président: Lorsque M. MacLeod a parlé, j'ai eu l'impression—et peut-être que je me trompe—que le but était en fait de vous protéger contre un risque.

M. Ashley Dermer: Puis-je essayer d'expliquer?

M. Ian MacLeod: Les deux choses sont vraies.

Le président: Une dernière petite question. Les traits de caractère des banquiers ont-ils changé au fil des ans en ce sens qu'ils ne sont pas aussi conservateurs qu'ils l'étaient autrefois? C'est toujours ce que j'ai pensé, en grandissant. Si vous vouliez trouver la personne la plus ennuyeuse, la plus conservatrice, la plus dénuée de tout sens de l'humour...

M. Nelson Riis: Faites attention. Nous avons ici beaucoup de banquiers.

Le président: C'est très bien. Ils sont d'accord avec moi.

M. Chris O'Toole: Si vous vous rendiez aujourd'hui dans votre succursale commerciale locale pour essayer d'obtenir un prêt à l'entreprise, vous constateriez que les agents de prêts sont très bien formés et très efficaces, qu'ils examinent le tout de façon très minutieuse et qu'ils sont très renseignés côté mouvement de caisse et ainsi de suite.

J'ai traité avec diverses banques pour ce genre de choses. Aujourd'hui, comparativement à la situation il y a 20 ans, elles empêchent beaucoup d'amateurs de jeu de se tromper en ne leur donnant pas l'argent dont ils auraient besoin pour faire des transactions stupides, dirais-je.

M. Nelson Riis: Elles s'intéressent aujourd'hui aux devises. Il s'agit là d'une grosse partie des activités des banques.

M. Chris O'Toole: À ma connaissance, les banques ne sont pas des prêteurs très habiles sur le marché d'aujourd'hui.

M. Ashley Dermer: L'exposition des banques canadiennes dans le domaine des dérivés ne figure définitivement pas sur leur bilan. Il y a quelques mois, le Globe and Mail a publié le récit d'un homme d'affaires torontois désireux de se renseigner sur l'exposition de la CIBC sur le marché des dérivés. Il n'a pas pu le faire en s'adressant tout simplement à la banque ou à quelqu'un d'autre. J'ignore pourquoi il a choisi le tribunal de Los Angeles pour sa poursuite. Mais il a intenté des poursuites contre la CIBC à Los Angeles en vue d'essayer de l'obliger de divulguer son niveau de risque sur le marché des instruments dérivés. Parce que cela ne figure pas sur les bilans, nous restons dans le noir.

J'ignore comment Walter Stewart s'y est pris pour se renseigner. C'est un domaine à très haut risque. Le négociant en valeur d'arrière-salle dont j'ai parlé tout à l'heure n'a pas empoché des millions de dollars l'an dernier en se limitant à des contrats de couverture sur le bois. Il pariait gros pour empocher un chèque de pays de 10 millions de dollars sur une période de douze mois. Les banques peuvent se tromper comme tout le monde en pariant sur des devises, des options ou n'importe quel autre produit dérivé. Le risque est là.

• 1905

Le président: Mais le risque fait-il partie du secteur des services financiers? Souvenez-vous que vous parliez de l'affaire de la Barings et vous avez mentionné une longue liste d'autres choses qui ont mal tourné. Il y a beaucoup de choses qui tournent bien dans la vie également. À l'époque de l'empire romain, les gens étaient très fiers de leur empire, puis il a chuté, mais d'autres empires ont vu le jour. C'est la vie.

Ce qu'il faut, c'est être prudent. Vous ne pouvez pas être certain de tout 100 p. 100 du temps. Il y a un élément de risque qui est toujours présent dans le secteur financier, comme vous l'avez à juste titre souligné. En ce qui me concerne, nous essayons de diminuer le risque afin que le secteur soit stable.

Monsieur MacLeod.

M. Ian MacLeod: Pour revenir à votre question de savoir si le caractère des banquiers a changé, je pense qu'il a définitivement changé. Comme cela a été dit, je pense qu'ils sont beaucoup plus sophistiqués.

Je me suis lancé dans le secteur bancaire en 1969. À l'époque, les banques recrutaient du personnel directement à la sortie des écoles secondaires et les formaient sur le tas. Les gens vivaient une dizaine de mutations puis se retrouvaient gérant de succursale. Dans l'intervalle, ils avaient été exposés à toutes sortes de localités, d'entreprises et de secteurs. Les banques offraient une très bonne formation à l'interne, mais comparativement à la situation aujourd'hui, ce n'était pas du tout sophistiqué. Aujourd'hui, les banquiers que ne connaît sont très sophistiqués, mais ils reçoivent toujours des plaintes au sujet de la pratique de prêts.

J'ai moi-même vécu une expérience avec une entreprise qui voulait emprunter de l'argent. Nous avons prêté de l'argent à l'entrepreneur, et il l'a mal investi. Il a cependant rejeté le blâme sur nous, car c'était nous les experts et nous n'aurions pas dû leur prêter l'argent. L'année suivante, il a eu besoin d'argent pour autre chose et nous avons refusé de lui en prêter. Il nous en a voulu de ne pas lui avoir prêté l'argent et de ne pas avoir voulu qu'il prenne lui-même sa décision. En fait, c'était dans l'ordre inverse. Je ne pense pas qu'il ait jamais compris l'ironie de la situation: en l'espace de douze mois, il nous avait accusés et d'avoir été trop serrés et d'avoir été trop généreux.

Les banquiers s'efforcent donc d'être objectifs dans leur processus décisionnel, mais ils ne peuvent bien sûr pas plaire à tout le monde tout le temps.

L'autre élément de complexité ou de sophistication est venu au fur et à mesure que les banques ont pris de l'ampleur, sont devenues plus internationales, au fur et à mesure que les milieux d'affaires eux-mêmes sont de façon générale devenus plus mondiaux, plus technologiquement liés avec le reste du monde. Les banques ont dû devenir beaucoup plus sophistiquées.

J'ai moi aussi, tout comme les autres intervenants, des inquiétudes quant au risque lié aux dérivés, si ce risque est là. Mais j'ignore s'il est là. S'il l'est, il faudrait s'en préoccuper, mais je ne sais même pas si cela fait partie du débat sur les fusions bancaires. Si vous êtes une petite banque, c'est peut-être un plus gros sujet de préoccupation que si vous êtes une grosse banque. Quoi qu'il en soit, il faut s'en inquiéter. Mais si le risque n'est pas là, autant qu'on le sache pour qu'on puisse se sentir à l'aise.

Le président: Madame Leung, suivie de M. Gallaway.

Mme Sophia Leung: Merci, monsieur le président.

J'ai entendu beaucoup d'interventions pour et contre les fusions bancaires. Je me demande s'il y en a parmi ceux d'entre vous qui appuient les fusions qui se sont penchés sur les aspects humains, c'est-à-dire les pertes d'emplois et les conséquences négatives pour les petites localités rurales. Il y a également le fait qu'il y aura une réduction du service personnalisé.

M. Ian MacLeod: Je pense que nous avons dans une certaine mesure tous les deux abordés cet aspect. Dans ma petite présentation, j'en ai fait état. J'ai dit de façon quelque peu cavalière que si les gouvernements avaient essayé de protéger tous les emplois contre les effets du changement, nous serions toujours en train de construire des navires de bois que personne n'achèterait. C'était peut-être une remarque un peu désinvolte, mais je pense que c'est vrai. Les économies changent, les besoins en matière de services changent et la dynamique des localités change. Si vous essayez de maintenir une activité ou une entreprise qui n'est pas viable, qui ne peut pas tenir seule, vous allez en bout de ligne faire du mal à tout le monde.

• 1910

L'autre observation que j'ai faite au sujet du secteur de la petite entreprise, et avec raison, est que vous ne verrez jamais les médias là où tous les emplois sont en train d'être créés dans le secteur de la petite entreprise. D'aucuns ont parlé de pertes de 2 000 ou de 3 000 emplois dans les banques par suite de ces fusions. Les banques dans ce pays emploient à elles seules environ 150 000 personnes, ou peut-être même plus, mais je vais utiliser ce chiffre.

Si 2 000 ou 3 000 personnes perdent leur emploi, ce sera sans doute traumatisant et catastrophique pour elles, personnellement. Mais les banques ont promis que leurs compressions d'effectifs ne se feront pas au moyen de mises à pied ou de renvois, mais bien de départs naturels. Et même si ce n'est pas le cas, s'il devait y avoir des mises à pied, comme quelqu'un l'a dit, dès qu'il y a un vide, quelque chose viendra le remplir. Au lieu d'avoir dix emplois dans une petite succursale à Lumby, vous aurez peut-être cinq emplois à la coopérative de crédit, vous aurez peut-être un poste de technicien pour les guichets automatiques et vous aurez peut-être quelqu'un d'autre qui fabriquera le guichet automatique.

Je pense qu'il faut laisser un maximum de liberté dans le marché. Il y a un rôle pour le gouvernement: il doit faciliter la transition, mais non pas la stopper. Certains penseront peut-être que cela est petit peut trop sévère dans le court terme. Mais dans le long terme, je pense qu'il est bénéfique pour le marché du travail et pour l'économie de laisser le marché fonctionner librement.

Mme Sophia Leung: Pendant l'été, le caucus libéral de la Colombie-Britannique s'est rendu dans le Nord et nous avons été très impressionnés. Beaucoup d'industries, notamment l'industrie minière et la foresterie, ont vraiment souffert. Nous étions très préoccupés par l'incidence sur les régions rurales. Nous devons supposer que l'on veut vraiment faire ce qui est dans l'intérêt de tous les Canadiens, surtout ceux qui vivent dans les régions qui souffrent. Auriez-vous des observations à faire là-dessus?

M. Chris O'Toole: Pour appuyer ce qu'a dit M. MacLeod, les banques ont pris des engagements et sont presque prêtes à garantir qu'il n'y aura pas de pertes d'emplois significatives. La réalité est cependant la suivante—et j'en parle dans ma lettre ici—: au Japon, où les emplois étaient presque garantis à vie depuis 40 ou 50 ans, ou en tout cas depuis la guerre, il y a aujourd'hui des entreprises et des sociétés qui font faillite en essayant de continuer de payer leurs employés alors qu'il n'y a plus de travail pour eux. Elles auraient dû mettre à pied ces employés il y a 10 ou 15 ans. Des milliers et des milliers de ces entreprises font faillite chaque année.

Si les fusions ont lieu, oui, il y aura certaines pertes d'emplois. Mais, bon sens, ce ne sera pas la fin du monde. Les gens changent aujourd'hui de carrière quatre ou cinq fois dans le courant de leur vie active. Si les banques garantissent qu'elles vont en fait fournir aux employés des mutations ou des possibilités de croissance au sein du secteur banquier, alors les consommateurs ou les employés de ces banques n'ont rien à craindre. Si vous interrogiez les employés, je pense que vous verriez que la plupart d'entre eux ne sont pas très inquiets. Ils sont en faveur des fusions. S'il y a des inquiétudes quant à la perte possible d'emplois, ce n'est pas du côté des premiers intéressés.

Mme Sophia Leung: Merci.

J'ai maintenant une question pour les représentants de l'Insurance Brokers Association. Il est intéressant que vous ayez mentionné la couverture pour les catastrophes naturelles. Je viens de la Colombie-Britannique, et je connais donc bien le risque des tremblements de terre que nous avons ici. À mon sens, il est nécessaire que les consommateurs soient protégés contre cela. Pensez-vous qu'il n'est pas réaliste d'envisager ce genre de couverture? En tout cas, je ne pense pas que ce puisse être un argument valable lorsqu'il s'agit d'offrir une couverture. Que l'on parle de banques ou de courtiers indépendants, je pense que c'est une nécessité pour le consommateur et que vous deviez peut-être examiner cela.

M. Michael Megson: En réponse à votre question, l'assurance contre les tremblements de terre est certainement disponible aux clients sur ce marché. Il y a quelques années, il y avait des difficultés pour en obtenir. Cela étant dit, je pense que nous avons travaillé avec les courtiers et les compagnies d'assurances dans ce pays, ainsi qu'avec le gouvernement provincial, pour changer certains des règlements découlant de la loi sur les assurances et de son application aux tremblements de terre, de façon à ce que nous ayons plus de marge de manoeuvre. Le BSFI a également établi certains mécanismes de vérification qui lui permettent de surveiller la capacité des compagnies d'assurances de couvrir les risques en cas de tremblements de terre.

• 1915

Ce genre de choses est donc en place. Ce genre de couverture est actuellement disponible sur le marché. La plupart, voire tous ceux qui souhaitent obtenir cette couverture le peuvent à l'heure actuelle.

Mme Sophia Leung: Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Gallaway.

M. Roger Gallaway: Je vous remercie, monsieur le président.

On vient de me dire que les négociants en produits dérivés, si c'est bien le bon terme, détiennent habituellement un doctorat, mais—et ce sont là mes termes—sont une combinaison de statisticien et d'actuaire, et peut-être de croupier de casino, je ne sais pas trop.

Je me pose la question: s'il y a tous ces risques dans ces transactions à haut risque mettant en jeu ce que l'on appelle les produits dérivés, comment se fait-il que nous n'apprenions pas... S'il y a de gros gagnants, il doit aussi y avoir de gros perdants. Qui sont les gros perdants? M. Stewart pourrait-il nous le dire?

M. Ashley Dermer: Vous n'avez pas besoin de M. Stewart pour cela, monsieur Gallaway. Nous avons vu un exemple classique il y a deux semaines environ aux États-Unis. Ce fonds de couverture spéculait sur les produits dérivés, sous la direction de deux lauréats Nobel et l'aide des ordinateurs les plus puissants et les plus perfectionnés. Ils se sont tout simplement trompés, et il en a coûté 3 milliards de dollars aux contribuables américains pour les renflouer parce que la banque fédérale craignait que si elle n'intervenait pas, cela aurait déclenché une tempête financière aux États-Unis et dans le monde. Le président Clinton a même dû s'adresser à la nation sur ce point précis, de même que Greenspan, pour justifier l'intervention de la banque centrale.

M. Ian MacLeod: Nous avons certainement vu des exemples de pertes massives. On a déjà parlé de Barings. Le comté d'Orange, qui englobe Los Angeles, a fait faillite en spéculant sur le marché à terme. Mais c'est là une municipalité, pas une banque.

Le risque est donc connu, mais comme plusieurs personnes l'ont dit, lorsqu'on explique le mécanisme, il faut un doctorat en mathématiques pour comprendre quelque chose. Je suis peut-être un peu sarcastique, mais...

M. John McKay: C'est absolument vrai. Si vous allez sur le plancher de CIBC Wood Gundy, il y a toute une section réservée aux courtiers en produits dérivés, et chacun d'eux a un doctorat en mathématiques et travaille sur des modèles économiques complètement impénétrables. Je prétends que les PDG des banques qui possèdent ces institutions et qui sont responsables de ces traders, leurs employés, ne pourraient pas vous expliquer ce que font ces derniers.

M. Ian MacLeod: C'est probablement vrai.

Votre mandat s'étend peut-être au régime réglementaire et de divulgation de ces institutions financières. Je pense que le problème est très différent de celui de la fusion des banques, mais je conviens qu'il est très important.

Le président: Lorsque Confederation Life a coulé, sur quoi spéculait-elle, les produits dérivés? Je ne le pense pas. Si?

M. Ashley Dermer: Je ne sais pas.

Le président: Elle a coulé. Pourquoi?

M. Ian MacLeod: Je pense que, dans son cas, c'était le marché immobilier. Je me souviens que le marché immobilier s'est effondré en 1981. Le taux directeur a atteint 22 p. 100 et toute l'économie, particulièrement dans l'Ouest, a plongé.

Le président: Vous voyez où je veux en venir, n'est-ce pas? Il y a toujours un risque et il y a toujours quelque chose qui peut déraper dans une économie, et je sais qu'il y a maintenant à l'horizon cet énorme nuage noir appelé «produits dérivés», mais la réalité est que Confederation Life a sombré et ce n'était probablement pas à cause des produits dérivés.

M. John McKay: La question n'est pas là, monsieur le président. La question est que nous cherchons à percevoir l'avenir des services financiers, comme vous nous le rappelez fréquemment.

Je peux pas affirmer absolument que MacKay en a traité—je ne me souviens pas qu'il l'ait fait—mais le comité devrait peut-être se faire expliquer ce que sont les produits dérivés, quels risques ils posent à une banque, si ces placements devraient être garantis par une institution et si le système financier canadien est exposé à un risque? Voilà la question.

Le président: Et c'est ce que je dis. Mais je fais ressortir aussi que le risque est présent dans tout système économique. Il faut toujours se préserver contre le risque. Je ne pense pas trouver un seul Canadien qui ne veut pas se prémunir contre le risque, et il faut mettre en place tout ce que...

M. John McKay: À condition qu'il sache qu'il y a un risque.

• 1920

Le président: Exactement. Mais je pense, comme M. Dermer l'a dit, qu'il est évident que des risques sont associés aux produits dérivés et M. MacLeod est d'accord aussi, bien que, à mon sens, il nous a donné deux explications différentes de la raison pour laquelle les gens travaillent avec les produits dérivés.

M. Ashley Dermer: Je pense que c'est une question d'ampleur du risque. Lorsque Confederation Life a coulé—nous parlons là du marché immobilier de Colombie-Britannique qui est certainement énorme, mais pas du tout du même ordre de grandeur que les contrats de produits dérivés qui totalisent, d'après ce que j'ai lu, 132 billions de dollars. C'est un chiffre inimaginable, à l'échelle mondiale. C'est la valeur des contrats, pas des risques. Mais le risque en représente néanmoins un gros morceau. C'est un ordre de grandeur beaucoup plus grand que Confederation Life.

Le président: Puisque M. McKay a fait ressortir à juste titre qu'il importe de se prémunir contre le risque, que peut-on faire pour cela?

M. Ashley Dermer: Pour commencer, j'aime bien l'idée de M. McKay. Vous interrogez les dirigeants des banques, et de préférence des témoins-experts indépendants, sur la nature du risque dérivé dans le système bancaire canadien.

M. Chris O'Toole: Je ne pense pas qu'il y ait de réelles garanties contre le risque. Le seul fait de naître est un risque de nos jours. La réalité est que nous avons à décider entre jouer le tout pour le tout ou prendre un risque calculé, et c'est finalement la vraie différence. Il y a le fiasco de Barings et le fiasco des produits dérivés à long terme. Ce sont là des gens qui ont joué le tout pour le tout au lieu de gérer le risque, et je pense qu'il y a là une distinction subtile.

Je suis obligé de croire, connaissant le système bancaire dans mon petit monde, que nous avons des gens très crédibles à la tête de toutes les institutions du Canada. Ce sont des gens très qualifiés, bien formés et instruits. Nous devons leur faire confiance et notre système tient le coup depuis des centaines d'années. Voilà la considération première au sujet de nos banques.

Le président: Oui, monsieur Finnie.

M. Roger Finnie: Nous, courtiers d'assurances, traitons du risque chaque jour. Nous travaillons avec le risque à l'état pur, et notre point de vue est que les activités doivent rester distinctes. La banque est un métier, l'assurance un autre et peut-être—aux fins de votre argumentation—les produits dérivés en sont-ils un autre encore.

Le président: Vous n'êtes donc pas d'accord avec MacKay au sujet d'une convergence des industries.

M. Roger Finnie: Ce sont des activités distinctes. Nous ne sommes pas d'accord là-dessus.

Le président: Non. D'accord.

M. Ian MacLeod: Votre question était de savoir quoi faire de l'information sur le risque dans la mesure où il y a transparence et divulgation, et cela s'applique à toutes les sociétés cotées en bourse. Il y a un débat aujourd'hui dans la presse sur la question de savoir si la profession comptable n'est pas en conflit d'intérêt, du point de vue de leur expertise sur la divulgation financière et les changements de risque dans diverses sociétés cotées en bourse. Ce genre de débat est terriblement important car les investisseurs ne demandent pas l'absence de risque, ils demandent un risque en connaissance de cause. Cela va dans le sens de ce que vous disiez. Si on leur dit quels sont les facteurs de risque, ils peuvent prendre leurs décisions. Mais il faut qu'ils sachent.

Le président: Allons-nous trop vite? Le monde traverse une mutation très rapide et l'argent traverse les frontières très rapidement. Face à cette accélération, va-t-il devenir de plus en plus difficile de construire des systèmes efficients et de les réglementer?

M. Ian MacLeod: C'est justement le débat à propos du commerce électronique. Sans aucun doute, l'électronique est largement en avance sur les autorités réglementaires et les décideurs politiques. Votre question est légitime. Je ne sais pas si vous pourrez suivre le mouvement ou si vous serez obligés de vous fier aux experts.

Plus les choses deviennent complexes et plus il est difficile à une personne de tout maîtriser. Je suis sûr que c'est un défi auquel votre comité est confronté, si j'en juge d'après la discussion aujourd'hui, qui saute de la protection de l'emploi aux produits dérivés au risque général, etc., et cela juste pour un petit segment de l'industrie. Je comprends donc tout à fait votre interrogation.

• 1925

Certaines des règles qui façonnent aujourd'hui notre système perdent pratiquement toute signification avec le commerce par Internet. C'est un constat probablement réaliste. Comment taxer, contrôler les mouvements de marchandises et mesurer la taille de son économie? Je sais que Paul Martin s'en occupe sur un front différent, sous l'angle du commerce électronique et de la technologie et réglementation du codage. Al Gore aux États-Unis est également à la pointe de ce débat. Je ne sais pas à quoi cela va aboutir, mais la question est légitime.

Le président: Monsieur Gallaway.

M. Roger Gallaway: Tout cela est très intéressant, mais nous allons devoir répondre au public canadien. Le groupe de travail de la Colombie-Britannique qui a comparu plus tôt nous a dit, après avoir mené une consultation publique poussée, que les Britanno-Colombiens n'en veulent pas. Ils n'y croient pas et ils n'en veulent pas. Ils ne veulent pas de fusions.

M. O'Toole a employé le terme «synergie», et nous savons que la Banque Royale est au deuxième rang et je crois que la Banque de Montréal est au quatrième rang. Nous avons aussi la fusion des numéros un et trois ou cinq. Il y a une assez grande différence entre la taille relative de ces banques, en particulier entre la Banque Royale et la Banque de Montréal.

M. Barrett, lorsqu'il a comparu devant notre comité, a parlé des économies qui en résulteraient pour les Canadiens. Elles seront visibles. C'est le public qui va devoir démêler tout cela et percevoir des avantages. Quels sont les avantages pour les Canadiens? M. Barrett a garanti des économies pour les Canadiens. Ce matin, nous avons entendu les gens du Fraser Institute qui ont parlé de leur modèle économique et annoncé des économies situées entre 1 000 $ et 3 000 $ sur dix ans pour le Canadien moyen, quel que soit ce Canadien moyen mythique.

Tout cela est très bien. Si vous disiez à quelqu'un qu'il va économiser 300 $ par an grâce à ces synergies, cela deviendrait peut-être un peu plus attrayant. Mais il faut se poser la question: s'il y a cette différence de taille à l'heure actuelle, comment se fait-il qu'il n'y ait pas de différentiel de coût en ce moment; pourquoi n'y a-t-il pas un différentiel d'économies en ce moment? Pourquoi la fusion soudaine de ces deux banques engendrerait-elle instantanément des économies qui ne sont pas apparentes sur le marché actuel, et certainement pas au niveau des services personnels?

M. Chris O'Toole: Merci, monsieur Gallaway. Pour trouver la réponse, il vous suffit d'aller à Richmond au carrefour de la Route 3 et de la route de Westminster. Vous y verrez une agence de VanCity sur un coin, la CIBC sur l'autre, une Banque TD au troisième et un magasin de beignes au quatrième parce que cet espace-là n'a pas encore été développé. Mais s'il y avait fusion entre la CIBC et TD, il ne serait pas rationnel d'avoir l'autre agence de l'autre côté de la rue. Il se trouve que je sais combien la CIBC paye de loyer pour ce petit coin. C'est environ 90 000 $ par mois, et j'ai l'impression que la Banque TD juste en face paye un montant similaire. Avec l'évolution de la technologie—qui va se poursuivre—l'agence restante pourra servir la clientèle des deux agences antérieures. Cela fait une économie de 100 000 $ par mois, ou 1,2 million de dollars par an, rien que sur ce petit coin. Voilà, me semble-t-il, l'explication.

Ces économies seront-elles répercutées sur nous, les consommateurs? Si elles ne le sont pas, nous aurons le choix d'opter pour la banque sur le troisième coin dans l'espoir d'inciter à quelques changements. Mais les banques existent pour faire des profits et préserver leur part du marché, quelle qu'elle soit. Rien que sur ce plan il y a une synergie permettant des économies, et je suis sûr que cette situation existe dans toute la ville et toute la province.

Est-ce qu'il en résultera des suppressions d'emplois? Peut-être, mais il y a de l'attrition. Je sais que, rien que dans mon agence de Richmond, cinq ou sept personnes sont parties à la retraite au cours des deux dernières années et sont remplacées par des plus jeunes qui grimpent l'échelle. Je ne pense donc pas qu'il faille s'inquiéter des pertes d'emploi, et, dans certains cas, des économies sont possibles en combinant certaines de ces agences.

• 1930

M. Brent Atkinson: Monsieur le président, si je puis répondre à cela, je ne suis pas certain d'avoir les moyens que ma banque fasse d'autres économies.

Parlons un peu chiffres. Il y a 600 banques en France, environ 600 au Royaume-Uni, 3 600 en Allemagne et 10 000 aux États-Unis. On peut débattre de la question de savoir si nous en avons cinq, sept ou douze au Canada, mais nous avons actuellement cinq grandes banques qui ne se font pas particulièrement concurrence dans le cadre actuel. Permettre à deux des cinq de fusionner ne fera pas, à mon avis, grand-chose pour le consommateur, du point de vue des économies concurrentielles.

Les banques ne sont pas réputées pour se concurrencer sur les prix. Elles ne se font pas des guerres de prix comme les stations d'essence. Rarement pourrez-vous trouver un dépôt à terme à 7 p. 100 dans votre CIBC qui vous veut du bien, contre 4 p. 100 à la Banque Royale. Chaque fois que l'une modifie son taux hypothécaire, les autres suivent.

Le Canada a un système bancaire tout à fait particulier. Notre législation a donné naissance à ces grosses banques centralisées.

L'une de mes préoccupations est que les suppressions d'emploi interviendront au niveau des collectivités. Elles seront peut-être compensées par d'autres emplois à Toronto, là où seront situés les centres techniques et logistiques, ou dans les grandes agglomérations, mais les suppressions d'emploi dans les petites localités de la province seront réelles et ne seront pas facilement compensées dans l'économie d'aujourd'hui.

Quel est l'avantage pour le consommateur du passage de cinq grosses banques à trois grosses banques? Personne ne m'a encore montré d'avantage appréciable pour le consommateur. S'il y a un effet, ce sera de réduire encore davantage la concurrence, ce que la Loi sur les banques fait déjà depuis des années, ce qui explique que nous n'ayons que cinq à sept banques d'importance.

C'est un peu comme dans l'assurance. Nous avons modifié la législation bancaire en 1992, trop récemment pour en voir les effets. Nous autorisons maintenant certaines banques étrangères à grignoter une petite portion du marché, mais cela ne fait pas assez longtemps pour qu'une réelle pression concurrentielle se fasse sentir. Les petites entreprises sont mal servies aujourd'hui et elles seront servies encore plus mal si on laisse les banques fusionner.

Le président: Au nom du comité je tiens à vous remercier sincèrement. La discussion a été très intéressante. Vous avez tous très bien défendu vos positions. Nous avons besoin de réponses à certaines questions et nous devons les poser car nous sommes là pour cela.

Une chose est claire, cependant. Comme M. MacKay me l'a rappelé, l'une de nos principales obligations est d'essayer, en gros, d'introduire des changements positifs dans ce secteur et également d'entrevoir l'avenir du secteur des services financiers. Nous avons donc besoin des avis de gens comme vous.

Mais j'ai remarqué aussi une chose, et je dois vous le dire, à savoir que lorsque les témoins comparaissent devant notre comité sur ce sujet, la fusion domine la discussion; cela ne fait aucun doute.

Mais nous n'avons pas à nous prononcer sur les deux fusions proposées; nous nous penchons sur le mécanisme de la fusion à titre de pratique commerciale légitime, comme le dit MacKay. Mais nous pouvons influencer la décision en ce sens que nos recommandations porteront sur des aspects connexes.

La difficulté pour nous est que les intervenants viennent ici pour parler de leur situation particulière, car ils doivent défendre leurs intérêts. Mais j'aimerais beaucoup que davantage de gens considèrent le tableau d'ensemble, parlent du type du secteur financier qu'ils aimeraient nous voir édifier, au-delà de leurs intérêts particuliers—et qui sont tout à fait légitimes; vous devez présenter vos arguments à notre comité. Mais, à l'avenir, j'aimerais bien que les gens qui comparaissent nous parlent de ce que le secteur des services financiers devrait être dans 10 ou 15 ans. Si nous nous limitons à un horizon de deux ou trois ans, cela ne répond pas vraiment aux questions qui se posent.

Donc, si jamais vous avez le temps de réfléchir au tableau d'ensemble, n'hésitez pas et écrivez-nous, car nous en serions réellement reconnaissants.

Merci beaucoup.

La séance est levée.