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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le vendredi 17 octobre 1997

• 1105

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Je vais déclarer la séance ouverte et souhaiter la bienvenue à tous. De nouveaux membres se joignent à nous aujourd'hui.

Deborah Grey et Rahim Jaffer, soyez les bienvenus.

Par ailleurs, M. Pillitteri s'est également joint à nous ici, à Edmonton.

Ces quelques journées promettent d'être très intéressantes. La moitié des membres de notre comité siègent dans d'autres villes, dans le cadre de notre série d'audiences itinérantes destinées à consulter le public sur la manière de réellement réaliser des changements positifs dans notre société, compte tenu des contraintes financières.

Comme beaucoup l'ont déjà indiqué, il ne fait aucun doute que nous sommes entrés dans une ère économique nouvelle qui nous présente de nombreux défis et choix. Ce que nous attendons de nos témoins, en gros, c'est qu'ils nous disent, lorsqu'ils envisagent l'avenir, comment ils voient ces choix, comment ils voient ces défis. Quels sont les aspects principaux qu'il nous faut considérer, selon vous? Quel est votre plan pour le court terme et le long terme, face à cette réalité nouvelle?

À l'intention des intervenants, des témoins, je précise la procédure que nous suivons. Vous disposez de cinq minutes pour faire votre exposé. Vous pouvez soit lire votre texte soit en résumer les points saillants. Nous aurons ensuite une période de questions et réponses très interactive.

Nous commencerons par l'Alberta Federation of Labour.

Monsieur Selby, soyez le bienvenu.

M. Jim Selby (directeur de la recherche, Alberta Federation of Labour): Merci et bonjour.

Je vais essayer de résumer très brièvement notre mémoire écrit.

Nous pensons que le moment est particulièrement opportun pour engager ce type de réflexion, sachant que la province de l'Alberta vient de faire de même avec son sommet sur la croissance.

Notre fédération a elle-même organisé un sommet parallèle sur la croissance pour réfléchir à ce que devrait être le rôle de l'État, à ce que les pouvoirs publics devraient faire pour les citoyens à l'horizon des dix ou 15 prochaines années. Étonnamment, la plupart des recommandations émanant du sommet gouvernemental cadrent bien avec la plupart des nôtres, ce qui est plutôt inhabituel pour nous.

En substance, tout d'abord, on s'est assez largement accordé à dire que les Albertains en général ne souhaitent pas des réductions d'impôt. Ils préfèrent voir un gouvernement plus interventionniste, certainement dans certains domaines clés, dans ce que nous appelons les services publics de base: l'éducation, la santé et l'aide sociale, domaines qui souffrent d'une grande pénurie de ressources en Alberta. Une partie de la faute en incombe au gouvernement fédéral, dont les paiements de transfert sont en recul.

Deuxième idée, nous aspirons à un rôle plus actif du gouvernement en matière de réglementation. Bon nombre de travailleurs de la province s'inquiètent de voir les pouvoirs publics à tous les niveaux se retrancher du champ réglementaire, et ce dans tous les domaines, depuis l'inspection de la viande jusqu'à la protection de l'environnement.

Les participants à notre conférence ont été à peu près unanimes pour réclamer un renforcement du rôle réglementaire des pouvoirs publics. Il ne suffit pas de laisser le marché décider ce qui est bon pour l'environnement ou la sécurité publique. C'est là traditionnellement le rôle de l'État, et ce pour une bonne raison.

Le débat ne se limite pas à l'alternative entre dépenses frivoles et réduction du déficit. D'aucuns voudraient le ramener à cela. Au contraire, nous considérons plutôt qu'il y a une possibilité pour les pouvoirs publics, maintenant qu'ils commencent finalement à maîtriser leur déficit, à rechercher des méthodes de réinvestir dans les Canadiens, particulièrement dans ces services publics de base.

L'un des problèmes véritables dont nous souffrons au Canada ces derniers temps, selon la perspective des travailleurs, c'est que les salaires réels ont subi un recul sensible au cours des dix dernières années. En Alberta, la baisse a été très marquée.

L'une des raisons de ce grave recul des salaires est que le taux de chômage est resté obstinément bloqué à un niveau élevé. Nous nous sommes toujours élevés contre la notion voulant qu'il existerait un taux de chômage à inflation stationnaire, le TCIS, que la plupart chiffrent aux alentours de 8 p. 100.

• 1110

Nous avons relevé que le gouvernement fédéral, tant le précédent que l'actuel, continue à majorer les taux d'intérêt dès que le taux de chômage tombe en dessous de 8 p. 100 ou s'en approche. Cela est dû à cette idée que les hausses de salaire sont inflationnistes et qu'il faut donc les combattre. Et évidemment, la façon la plus simple de tempérer les hausses de salaire est d'intervenir sur le marché du travail en maintenant un taux de chômage élevé.

Soit dit en passant, j'ai noté que l'ex-ministre des Finances fédéral, Don Mazankowski, a déclaré l'autre jour être très inquiet de voir que les travailleurs n'ont pas assez d'argent dans leur poche. Il indiquait que des réductions d'impôt serait une bonne façon de renflouer leur porte-monnaie. Nous avons jugé cela un peu paradoxal parce que, premièrement, les réductions d'impôt avantagent beaucoup plus les gros salaires que les petits et, deuxièmement, parce que la meilleure façon de mettre de l'argent dans la poche des travailleurs, c'est d'augmenter leur salaire réel.

Nous aimerions voir un budget fédéral qui vise explicitement à créer des emplois, au moyen de deux mécanismes.

Premièrement, le gouvernement fédéral en tant qu'employeur devrait créer des emplois en intensifiant ses activités. Nous songeons particulièrement au domaine réglementaire, mais également à des éléments tels que la recherche-développement, dans laquelle des coupes claires ont été effectuées ces derniers temps.

Un bon exemple en serait le Service canadien des forêts dont le personnel de recherche a été décimé. Nous ne pensons pas, par exemple, que l'industrie forestière puisse produire le genre de recherche impartiale que le Service canadien des forêts peut mener. La recherche industrielle vise des profits immédiats, à court terme, alors que la recherche à long terme menée par le SCF au fil des ans est exemplaire de ce que l'État peut et doit faire. Nous pensons qu'il faut élargir son rôle, tant sur le plan de la recherche agricole que de la recherche pharmaceutique et de la recherche alimentaire etc.

Nous pensons que la deuxième façon pour le gouvernement fédéral de créer des emplois est d'établir un climat économique tel que des hausses de salaire soient possibles, pour que les gens recommencent à dépenser et stimulent ainsi l'économie. Nous préconisons donc de poursuivre une politique de taux d'intérêt très bas et de considérer ce que les Américains disent du TCIS, et de cesser d'en faire la pierre angulaire de la politique monétaire.

Enfin, et pour parler plus particulièrement des réductions d'impôt, le moment n'est pas venu pour cela. Nous ne pensons pas que les réductions d'impôt bénéficient aux travailleurs. Nous préférerions de loin voir un réinvestissement dans les services publics, dans les emplois publics et un remboursement graduel de la dette publique.

Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Selby.

Nous passons maintenant à M. Phillips, de l'Alberta Real Estate Board.

M. Les Phillips (président, Alberta Real Estate Association): Merci beaucoup.

Nous n'avons malheureusement eu que très peu de temps pour préparer notre intervention d'aujourd'hui. L'Alberta Real Estate Association représente quelque 7 000 courtiers immobiliers de la province et nous n'avons eu que quatre ou cinq jours de préavis. Je me limiterai donc à quelques remarques générales concernant le budget et évoquerai brièvement certaines des questions sur lesquelles nous travaillons en partenariat avec l'Association canadienne de l'immeuble, laquelle représente quelque 70 000 courtiers immobiliers dans tout le pays.

En substance, nous sommes satisfaits de la direction dans laquelle le gouvernement fédéral s'est engagé ces dernières années avec ses budgets. Les grands titres de la presse d'hier annonçant un déficit considérablement moindre que prévu étaient pour nous une bonne nouvelle. Ce semble être devenu une tendance des gouvernements depuis quelque temps. Ils avaient coutume d'annoncer des déficits inférieurs à ce qu'ils étaient en réalité et aujourd'hui ils émettent des prévisions supérieures aux chiffres réels.

Le gouvernement fédéral suit dans une certaine mesure l'exemple de l'Alberta, avec peut-être un peu plus d'hésitation. Mais notre association estime que l'objectif doit être d'éliminer le déficit aussi rapidement que possible—et il semble que ce devrait être le cas en 1998-1999—suivi par une réduction véritable de la dette.

Nous sommes également très partisans d'une politique de taux d'intérêt bas. À l'évidence, cela est bénéfique non seulement pour notre association et nos membres, ceux qui travaillent dans le secteur du logement et de l'immobilier, mais aussi pour le grand public.

Cependant, nous avons quelques réserves quant à la direction suivie par le gouvernement sur le plan de ce qui constitue à toutes fins pratiques des majorations d'impôt.

Nous sommes particulièrement préoccupés par les politiques relatives à l'épargne-retraite, les prestations de vieillesse et le Régime de pensions du Canada. Nos calculs montrent que les modifications proposées aux prestations de vieillesse vont pénaliser ceux qui auront épargné avec diligence en prévision de leur retraite. Si l'on tient compte de la récupération, les retraités ayant un revenu supérieur à 26 000 $ subiront un prélèvement fiscal qui se situe entre 50 et 75 p. 100 de leur revenu de retraite privé.

• 1115

À nos yeux, cela est totalement inacceptable. Étant donné que la récupération des prestations commence à un bas niveau de revenu, il en résulte en réalité qu'il ne s'agit plus là d'un régime de pensions mais véritablement d'un impôt, et cela nous inquiète beaucoup. La plupart des courtiers immobiliers n'ont aucun régime de retraite privé—j'entends là des régimes d'entreprise. Ils doivent compter exclusivement sur leur épargne personnelle. Nous pensons que le plafonnement des contributions à un REER, doublé d'une récupération des pensions publiques, représente véritablement une double pénalité. C'est très injuste et nous pensons qu'un réexamen complet des politiques du gouvernement fédéral en matière d'épargne-retraite s'impose d'urgence.

Une autre mesure dont nous sommes de fervents partisans et sur laquelle nous attirons l'attention des politiciens à chaque occasion d'en parler publiquement, est que plus d'un demi-million de familles canadiennes ont déjà utilisé la possibilité de puiser dans leur REER pour acquérir un logement. Le gouvernement fédéral a fait sien, et à juste titre, ce programme initialement proposé par l'Association canadienne de l'immeuble. Il n'a presque rien coûté au gouvernement et a déjà engendré beaucoup d'activité économique dans tout le pays. Songez qu'un demi-million de familles ont pu accéder à la propriété grâce à ce programme, sans qu'il en coûte rien au gouvernement. C'est un exemple parfait d'un régime où le secteur privé peut collaborer avec les pouvoirs publics pour mettre en place des options financières et fiscales novatrices propres à stimuler l'économie.

Un autre élément que j'aimerais porter à l'attention du comité est le fait que les Canadiens en général sont abasourdis de voir que dans un pays comme le Canada le droit à la propriété, à la propriété privée, n'est pas reconnu. Ce droit n'existe pas chez nous, alors qu'il devrait être inscrit dans notre Constitution. Il faudra bien finir par le faire. Imaginez une démocratie occidentale où le droit de propriété n'est pas reconnu, et je ne songe pas seulement à l'immobilier, mais à tous les biens. Nous avons le droit à la jouissance des biens, mais on peut nous en priver à tout moment.

En Alberta, on ne cesse de nous rabâcher que ce soi-disant droit est bien protégé par la charte de l'Alberta. Mais celle-ci n'est qu'un simple loi, qui peut être modifiée en un rien de temps, et cela nous préoccupe beaucoup.

L'inscription de ce droit dans la Constitution retentit sur beaucoup de domaines. Nous nous sommes penchés sur nombre d'entre eux, depuis les espèces menacées jusqu'aux droits de la femme et nous pensons que ce serait une façon globale de régler pour l'avenir certains des grands problèmes qui se posent à notre pays. L'un de nos gros problèmes à l'heure actuelle est de savoir qui possède quelle parcelle du territoire de ce pays, car personne n'a le droit de propriété aujourd'hui.

Je vous remercie de votre invitation.

Le président: Merci beaucoup. Au nom du comité, je veux remercier tous les membres de l'Alberta Real Estate Board.

Nous passons maintenant à M. Garry Benoît. Bonjour.

M. Garry Benoît (directeur général, Canadian Dehydrators Association): Je vous remercie, monsieur le président.

C'est la deuxième année que la Canadian Dehydrators Association prend part aux consultations pré-budgétaires et nous voulons vous remercier de votre invitation à comparaître aujourd'hui. Plusieurs des usines de nos membres sont situées dans la circonscription de M. Solberg, si bien qu'il connaît certainement notre profession. Mais puisque d'autres membres du comité me paraissent nouveaux, permettez-moi quelques mots d'introduction.

Notre association représente 29 usines de traitement de la luzerne, fabricant des granules et cubes de luzerne. Près de 90 p. 100 de cette production est exportée, surtout vers la région Pacifique, via les ports de la côte Ouest. En 1996, la valeur totale de nos exportations a largement dépassé 100 millions de dollars, soit un peu moins de 700 000 tonnes. Nous sommes une industrie à valeur ajoutée qui réussit et qui est principalement implantée dans les Prairies. Nos usines sont situées dans des localités rurales et assurent au moins 1 000 emplois. Dans nombre de ces localités, nous sommes le plus gros employeur, des localités comme Falher dans la région de Peace River, et jusqu'au sud dans la région irriguée, habituellement des petites villes.

• 1120

Nous avons pris connaissance de la déclaration économique du ministre des Finances et nous reconnaissons que sa politique financière a contribué à des progrès sensibles vers la réduction du déficit fédéral.

Nous avons relevé que le ministre parle de mesures destinées à renforcer l'économie nationale. Nous avons noté en particulier le passage où il indique que l'un des éléments clés de la politique fédérale est de mettre en place l'infrastructure indispensable à une économie dynamique. Le ministre a même signalé avec satisfaction que le Canada est en train de passer d'une économie axée sur la production de biens primaires à une économie fondée sur la fabrication et les services.

Selon notre optique, la réalité est différente. À l'heure où je vous parle, notre percée sur le marché japonais est menacée par les retards du transport ferroviaire.

Nous sommes partisans d'une réduction rapide du déficit, d'un plan vigoureux de réduction de la dette nationale, de la maîtrise des dépenses publiques, de faibles taux d'intérêt et d'un coup d'arrêt à la prolifération des redevances d'usager.

Cependant, rien de cela ne vaut si nous ne pouvons résoudre les problèmes de transport dans l'Ouest. En l'absence d'une solution immédiate, nos membres ne survivront peut-être pas. Nous avons déjà perdu des marchés et des clients potentiels et souffrons de frais de surestarie démesurés. La réalité est qu'en ce moment même les usines de la circonscription de M. Solberg et d'autres ont énormément de mal à acheminer leur production jusqu'à Vancouver.

En mars, l'Association japonaise des négociants en fourrage— et près de 70 p. 100 de nos exportations vont au Japon—a averti le gouvernement canadien que nos retards de livraison à l'exportation ont grandement nui à l'image des fournisseurs canadiens et aux affaires futures.

J'ai ici une lettre adressée par l'Association japonaise des négociants en fourrage à l'ambassadeur du Canada à Tokyo, avec copie au ministre Goodale, au ministre des Transports, au ministre du Commerce international et à moi-même. J'aimerais vous la remettre. Je pense qu'il vaut la peine d'en prendre connaissance, car aucun progrès n'a été réalisé depuis lors.

Je suis allé au Japon et j'ai rencontré, en compagnie du ministre Goodale, d'importants négociants japonais. Nous avons essayé de calmer leurs craintes et fait savoir que nous travaillions à la solution de ces problèmes de transport, mais ces difficultés subsistent.

Le gouvernement fédéral s'abrite derrière une contestation judiciaire pour justifier son inaction et c'est ainsi que la situation perdure.

Tout cela concerne votre comité, monsieur le président, car si nous perdons des marchés, nous mettrons à pied des travailleurs. Nous serons forcés de réduire notre contribution à l'économie rurale. La déclaration économique insistait énormément sur ce qu'il est convenu d'appeler la nouvelle économie fondée sur le savoir. Tout cela est bel et bon, mais il est grand temps que le gouvernement fédéral regarde en face la réalité, l'existence de trous sérieux dans l'infrastructure de l'Ouest canadien rural. Plus particulièrement, le système de transport du grain ne fonctionne pas.

Nous avons participé aux missions commerciales de l'Équipe Canada. Ces missions visent à soutenir les petites entreprises dans leur conquête de débouchés étrangers. Mais si l'on veut préserver l'excellente réputation actuelle de notre industrie à l'étranger, un service ferroviaire rapide, fiable et de prix raisonnable est crucial. Il est par conséquent dans l'intérêt tant de notre industrie que du gouvernement fédéral que ces problèmes de transport soient résolus rapidement.

Nous exhortons votre comité à tirer le signal d'alarme. Faites comprendre au Cabinet qu'il faut trouver une solution à long terme, durable, au problème du transport ferroviaire canadien.

Nous sommes en faveur d'un système ferroviaire concurrentiel composé des deux chemins de fer nationaux canadiens, de chemins de fer d'intérêt local et de transporteurs ferroviaires américains, tous desservant des points multiples dans les Prairies au moyen de l'usage conjoint des voies. Mais, dans l'immédiat, nous avons besoin de garanties de service.

Nous sommes confrontés à un monopole. Il n'y a pas de concurrence et pas de contraintes de service. Il n'y a rien qui puisse faire bouger le système afin que les marchandises soient acheminées dans les délais voulus et, lorsque vous êtes exportateur, cela est un désastre.

• 1125

Le président: Merci beaucoup, monsieur Benoît.

Nous entendons maintenant le professeur Paul Boothe, du Département de sciences économiques de l'Université de l'Alberta.

M. Paul Boothe (professeur, Département de sciences économiques, Université de l'Alberta): Je vous remercie, monsieur le président. Je ne représente aucun groupe. Votre greffier m'a demandé de venir vous parler brièvement de quelques recherches sur le processus budgétaire que je viens d'achever avec mon collègue Brad Reid, de l'Université de l'Alberta, si bien que mon intervention portera moins sur les grands choix à opérer dans le budget fédéral et davantage sur les modalités et les règles budgétaires, sur lesquelles j'espère que le comité aura quelque influence dans l'année qui vient.

La réduction du déficit était la grande affaire la dernière fois, mais un autre facteur important était le rétablissement de la crédibilité du ministère des Finances et du ministre, du point de vue de leur détermination en matière de politique financière. Nous savons tous combien il en a coûté pour parvenir à ce résultat. Nous avons eu de la chance avec la baisse des taux d'intérêt et, parallèlement, une augmentation des recettes fiscales, mais il nous a fallu néanmoins effectuer quelques coupures assez substantielles dans les paiements de transfert pour la santé, l'éducation et les services sociaux, de même que dans certains programmes fédéraux.

Nous pensons que deux des objectifs de la politique financière future devraient être de ne jamais retomber dans des déficits persistants et de préserver cette crédibilité qu'il nous a coûté si cher à restaurer pendant le dernier mandat. L'un des moyens que le gouvernement a utilisés pour cela au cours du dernier mandat a été la constitution de réserves pour éventualités et le fait d'asseoir le budget sur des hypothèses économiques prudentes.

J'aimerais vous entretenir très brièvement de la manière dont nous devrions utiliser ces outils à l'avenir pour tâcher de remplir ces deux objectifs de moyen terme. Aujourd'hui, si vous regardez le budget de 1996-1997, vous verrez que nous disposons d'une réserve pour éventualités d'environ 3 milliards de dollars et d'hypothèses économiques prudentes qui valent encore 2 à 3 milliards de dollars. Cela nous donne dans le budget un volant de 5 ou 6 milliards de dollars, une police d'assurance pour garantir que nous pourrons tenir nos engagements et préserver notre crédibilité.

Le professeur Reid et moi-même avons utilisé une technique statistique appelée «simulation Monte Carlo»—je n'entrerai pas dans les détails—pour jauger l'impact de réserves pour éventualités de différente taille sur la crédibilité du gouvernement. Nous avons pris des réserves de zéro, 3 milliards, 6 milliards et 9 milliards de dollars, de même que des engagements d'équilibrer chaque année, tous les deux ans, ou tous les quatre ans du mandat d'un gouvernement.

On constate avec cette simulation que la meilleure combinaison semble être une provision d'environ 6 milliards de dollars dans le budget, couplée avec la promesse d'inverser pendant l'exercice suivant tout déficit encouru, de façon à disposer de quelque flexibilité dans le budget. Des circonstances imprévues peuvent vous amener à afficher un déficit, mais votre engagement envers les électeurs et les marchés financiers est de l'inverser l'année suivante et de rétablir l'équilibre.

Si vous utilisez la règle d'un an—vous allez équilibrer chaque année—et une réserve de 6 milliards de dollars, vous faillirez à tenir votre engagement 70 p. 100 du temps et votre crédibilité sera en pièces. Si vous utilisez la règle biannuelle et une réserve de 6 milliards de dollars, vous tiendrez votre engagement 90 p. 100 du temps. Neuf fois sur dix, votre police d'assurance fera en sorte que vous tiendrez l'engagement pris par le gouvernement.

L'une des interrogations est de savoir si votre police d'assurance doit prendre la forme à la fois d'une réserve pour éventualités et d'hypothèses prudentes, ou bien s'il faut combiner les deux.

Nous disons qu'il vaut mieux prévoir tout le tampon sous forme de réserve pour éventualités. C'est cela qui assoit la crédibilité du gouvernement, alors que si vous utilisez ces hypothèses économiques prudentes, que de plus en plus de gens commencent à ignorer parce qu'elles sont trop prudentes, vous réduisez la crédibilité du gouvernement. Il vaut donc mieux que tout soit transparent et s'efforcer d'estimer au plus juste l'évolution de la conjoncture économique et l'effet qu'elle aura sur le budget.

• 1130

J'aimerais dire deux dernières choses sur cette approche de la budgétisation. Premièrement, elle offre un avantage important en ce sens que, puisque ces provisions pour éventualités n'auront pas à être utilisées chaque année—elles ne sont qu'une forme d'assurance—, elles contribuent à un remboursement ordonné de la dette. Nos calculs montrent que si vous faisiez cela pendant quatre ans, vous réduiriez le ratio de la dette au PIB de presque 14 p. 100. Ainsi, en sus de fournir cette assurance, la méthode contribue également à cet autre objectif du gouvernement qu'est la réduction ordonnée du rapport dette-PIB.

L'autre élément important à signaler est que la plus grande partie de cette stratégie est payée par ce que je considère être le véritable dividende financier. On a beaucoup parlé au cours des six derniers mois du dividende financier et on confond beaucoup l'excédent et le dividende financier. J'espère que nous aurons un peu de temps pendant la période des questions pour en parler, car il règne une grande confusion à ce sujet. Les deux ne sont pas du tout la même chose.

Le véritable dividende financier est la réduction des intérêts à payer grâce au fait que la dette diminue au fur et à mesure, et c'est cette économie qui paie la plus grande part de cette police d'assurance souscrite pour protéger la crédibilité des autorités financières du gouvernement du Canada.

Voilà le point sur nos recherches récentes. Nous espérons que cela vous sera utile pour l'élaboration de vos plans budgétaires de l'année prochaine.

Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup, professeur Boothe. Je suis sûr que vous aurez des questions à ce sujet pendant la période des questions.

Le prochain intervenant est M. Rich Szostak. Il représente la Confederation of Alberta Faculty Association.

M. Rich Szostak (président, Confederation of Alberta Faculty Association): Je vous remercie de votre invitation, monsieur le président, et d'avoir prononcé mon nom correctement. J'apprécie.

Représentant 5 000 professeurs de cinq universités albertaines, je n'entrerai pas beaucoup dans le détail des deux questions que vous m'avez posées. Je dirais que la vaste majorité de nos membres reconnaissaient que la réduction du déficit était une nécessité absolue et souhaitent voir des efforts vigoureux pour réduire la dette au cours des prochaines années.

Ce dont nos membres sont encore plus convaincus, c'est que les dépenses publiques ne sont pas à fonds perdus, mais que la plupart constituent peut-être des investissements. Les dépenses consacrées à l'éducation publique dans ce pays sont l'un des investissements les plus importants—et peut-être même le plus important de tous— que ce gouvernement puisse effectuer. Tout le monde dit que l'avenir du Canada dépend d'une main-d'oeuvre instruite, et plus particulièrement de l'expansion des industries de haute technologie. On s'accorde largement à dire que la recherche universitaire représente la pierre angulaire de la capacité de recherche dans notre pays. Ainsi, en finançant les universités, le gouvernement fédéral soutient deux des plus importants moteurs de la croissance économique future du pays, soit l'éducation de notre main-d'oeuvre et la recherche.

Nous avons assisté au cours des dernières années, tant au niveau provincial qu'au niveau fédéral, à une diminution des crédits de l'éducation postsecondaire. Nous avons perçu quelques signes d'espoir dans les mesures récentes du gouvernement fédéral—la Fondation pour l'innovation, le remaniement des programmes de prêt aux étudiants, le Fonds des bourses du millénaire—qui traduisent, espérons-nous, une meilleure reconnaissance du rôle clé des universités à l'égard de la croissance économique.

M. Selby a mentionné le sommet récent sur la croissance tenu en Alberta. Il n'est, à mon avis, guère surprenant que l'éducation y ait été reconnue comme la plus grande priorité en Alberta. J'ai l'impression que vous obtiendriez le même résultat dans d'autres provinces.

Chacun sait que le gouvernement fédéral finance les universités dans ce pays par le biais de trois programmes.

Le plus important, du point de vue quantitatif, sont les transferts aux provinces. Nous aimerions certes voir une augmentation de ces transferts. Cependant, nous avons conscience qu'il n'existe aujourd'hui que peu ou pas de contrôle sur l'usage que font les provinces de ces transferts.

C'est pourquoi nous préconisons que l'on s'efforce d'assortir les transferts aux provinces pour l'éducation secondaire de quelques conditions. Nous connaissons les difficultés politiques à surmonter, mais idéalement nous aimerions voir une sorte de loi canadienne sur l'éducation postsecondaire, un peu comme la Loi canadienne sur la santé, prévoyant quelques normes en matière d'aide aux étudiants, exigeant que les universités fassent de la recherche, édictant quelques règles en matière de mobilité interprovinciale et de reconnaissance des diplômes. Cette loi pourrait même exiger que les gouvernements provinciaux apportent la contrepartie de ces fonds.

• 1135

La deuxième grande façon dont le gouvernement fédéral intervient dans l'éducation supérieure met en jeu des montants beaucoup plus réduits mais d'importance tout aussi cruciale—je veux parler du financement de la recherche, principalement par le biais des trois conseils subventionnaires et maintenant aussi par le biais de la Fondation canadienne pour l'innovation.

Je peux vous dire qu'au cours des dernières années, avec l'accroissement du nombre de jeunes professeurs et la diminution des budgets des conseils subventionnaires, ce qu'on appelle par euphémisme une «liste d'attente»—les demandes de subventions que les conseils jugent valables mais qu'ils n'ont pas les moyens de financer—s'est allongée de façon spectaculaire.

Je ferai valoir que le fait de couper les crédits des conseils de recherche représente une économie de bouts de chandelle. Nous dépensons de vastes sommes pour établir de bonnes universités, constituer des bibliothèques, payer les professeurs. De refuser ensuite à ces derniers la subvention de 5 000 $ dont ils ont besoin pour mener leurs recherches est peut-être une façon contestable de faire des économies. Des arguments solides militent plutôt en faveur d'une augmentation des budgets des trois conseils subventionnaires. Dans bien des cas, même une petite majoration permettrait à un grand nombre de professeurs de faire de meilleures recherches.

Un certain nombre de ministères fédéraux se sont également efforcés ces dernières années de parrainer des recherches dans des domaines qui leur paraissent particulièrement importants. Le ministère de la Santé a créé un fonds pour la recherche en politique sanitaire. Celui de l'Immigration a constitué plusieurs centres de recherche qu'il finance.

Nous voulons encourager ce type d'efforts. Des ministères particuliers ont certainement un rôle à jouer, de concert avec les organismes subventionnaires, en faisant savoir qu'ils aimeraient voir davantage de recherche sur certains sujets et en disant qu'ils sont prêts à contribuer financièrement. Nous pensons que cela peut être terriblement utile, tant pour les universités que pour le gouvernement. Cependant, nous soulignons que cela ne peut être un substitut au financement de la recherche pure par les conseils subventionnaires eux-mêmes.

La troisième manière dont le gouvernement fédéral influence l'éducation postsecondaire est son financement des prêts aux étudiants. S'il y a eu quelques améliorations dans ce domaine au cours de l'année dernière, nous avons conscience dans notre province que l'endettement que connaissent les étudiants devient un facteur de dissuasion. Il devient une barrière abrogeant le principe que les Canadiens ont longtemps fait leur, à savoir que le coût ne devrait pas être un obstacle à l'éducation.

Parmi les mesures que nous pouvons vous suggérer figure une meilleure harmonisation du programme de prêt fédéral avec les programmes provinciaux et la mise en place d'un seuil de remise. Nous en avons un en Alberta qui fait qu'au-delà d'un certain niveau d'endettement le restant de la dette est rayé, et ce afin d'assurer que les étudiants n'encourent pas pour leurs études universitaires une dette qu'ils ne pourront rembourser.

Je m'en tiendrai là. Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup pour cet excellent exposé.

Nous passons maintenant à Josh Keller et Paul Moulton, du Edmonton Arts Council.

M. Josh Keller (directeur général, Edmonton Arts Council): Merci beaucoup. Nous apprécions tous deux votre invitation. Nous sommes heureux que la communauté culturelle soit englobée dans ces discussions.

Je vais évoquer quelques-unes des priorités de la communauté culturelle ce matin, mais j'aimerais tout d'abord signaler que les arts et le milieu culturel ont contribué lourdement—et de façon disproportionnée, pensons-nous—à la réduction du déficit. Nombre de nos institutions culturelles nationales, telles que la SRC, le Conseil des arts, le Centre national des arts, l'Office national du film et Téléfilm, ont subi des coupures annuelles au cours des cinq à huit dernières années. Le financement des arts a également été réduit au palier provincial dans tout le pays, en sus du palier fédéral. De l'avis du secteur artistique et culturel, la réduction du déficit a été menée trop rapidement et trop profondément dans ce secteur particulier.

Nous pensons qu'il est temps de réinvestir dans ce secteur. Nous pensons que celui-ci est l'un des piliers de notre identité canadienne. À l'heure où le monde se transforme en village planétaire, je pense que les Canadiens ont besoin de se raccrocher à leur identité individuelle. Les arts offrent une synergie avec l'informatique et les industries de haute technologie que tant de provinces et de villes cherchent à attirer. Nous estimons que la réduction de la dette est une nécessité, mais que la vie doit quand même continuer, et nous aimerions que le gouvernement ne privilégie pas l'une aux dépends de l'autre.

Maints artistes cherchent à se former pour être en mesure de pouvoir travailler dans les nombreuses disciplines multimédias nouvelles incorporées dans les industries de haute technologie. Il importe d'offrir des possibilités à ces artistes afin qu'ils puissent continuer à s'épanouir dans cette économie et dans ce pays. Nous devons nous donner les moyens d'exprimer notre identité.

• 1140

Je sais que le ministre des Finances a souvent souligné, avec éloquence, l'importance de l'éducation dans la lutte contre le chômage. Nous pensons que les arts sont un excellent outil pédagogique. Ils aident à développer la créativité et la réflexion indépendante chez nos jeunes. C'est tout à fait vital pour le pays. Nous avons besoin des idées fraîches que notre jeune génération peut apporter. Pour cela, les jeunes doivent être très au fait de la culture internationale pour pouvoir relever les défis planétaires de demain.

Nombre de nos jeunes sont désireux d'explorer leurs talents créatifs. Ils veulent gagner leur vie dans les arts. Ce secteur présente une capacité énorme d'absorption de main-d'oeuvre pour peu que l'on y effectue le réinvestissement que nous attendons.

Tous les jeunes ne peuvent pas être absorbés par les industries de haute technologie qui se créent. Ils seront nombreux à se lasser des emplois peu payés et ennuyeux qu'ils trouveront dans le secteur des services. Le secteur artistique et culturel manque de ressources et la plupart des organisations manquent d'effectifs. Ce réinvestissement pourra être très payant du point de vue de l'emploi. Il y a du travail intéressant et satisfaisant à trouver dans le milieu culturel.

Nous aimerions également que ce gouvernement tienne les promesses de son livre rouge en matière de culture, soit 25 millions de dollars sur cinq ans pour le Conseil des arts, 3 millions de dollars par an pour les produits multimédias et l'autoroute de l'information, 15 millions de dollars par an pendant cinq ans pour l'édition, 10 millions de dollars pour des oeuvres d'art célébrant le millénaire et un financement stable pour la SRC.

Comme je l'ai dit, nous ne voulons pas que la réduction du déficit soit la préoccupation unique du gouvernement. Le gouvernement a besoin d'idées. Il a besoin de stratégies, de visions et d'initiatives pour introduire une dimension qualitative dans la vie des gens. Les Canadiens sont très fiers de leur haute qualité de vie et nous pensons que les politiques gouvernementales doivent le refléter.

Les grandes institutions culturelles d'un bout à l'autre du pays ont besoin d'un financement stable, pluriannuel. On attend de nos jours que les artistes fassent preuve d'esprit pratique, mais celui qui veut s'asseoir et dresser un plan de travail sur trois ou cinq ans a besoin de savoir de quels crédits il disposera sur trois ou cinq ans. Nous aimerions voir quelques engagements à cet égard.

Il y a beaucoup de mécontentement dans l'Ouest quant à la manière dont Patrimoine Canada distribue les crédits à bon nombre des festivals organisés à travers le pays. Le ministère s'accroche à un barème de financement fondé sur les chiffres de population qui ignore le rayonnement de nombre de ces festivals. Nous aimerions donc voir également une réévaluation de la répartition régionale des crédits pour les festivals.

La culture doit être considérée comme une composante majeure de la politique étrangère canadienne. Il convient donc d'appuyer les tournées internationales, d'englober la culture dans les missions commerciales et d'aider les artistes à se faire connaître à l'étranger.

Nous aimerions voir des crédits d'impôt accrus et nouveaux pour l'investissement dans la culture canadienne. Nous appuyons le travail effectué par des organisations nationales comme la Conférence canadienne des arts et d'autres groupes de travail nationaux. Nous voudrions que les crédits d'impôt pour la production de films et de vidéos canadiens soient élargis à d'autres supports de contenu canadien, tels que la production de livres et de disques.

Nous aimerions que le gouvernement envisage des crédits d'impôt pour les bénévoles et l'étalement du revenu aux fins de l'impôt pour les petits salariés que sont la plupart des travailleurs du secteur culturel.

J'aimerais dire quelques mots de l'unité nationale, un sujet très important pour les Canadiens. Nous pensons que les arts peuvent très largement contribuer à instaurer une meilleure compréhension entre les cultures. Le recul de l'assistance donnée aux arts se traduit indubitablement par un affaiblissement de l'unité nationale.

Moi qui vis dans l'Ouest depuis 15 ou 20 ans, je vois de moins en moins d'artistes francophones en tournée dans l'ouest du Canada. Il nous est très difficile de bien appréhender la culture francophone si nous n'avons pas de contact avec ses arts et sa culture. S'il y avait davantage de tournées nationales, davantage de possibilités de partir en tournée, je pense que cela contribuerait certainement à resserrer l'unité nationale.

Enfin, les arts ont un effet très important sur l'économie et constituent sans aucun doute un catalyseur pour le tourisme.

• 1145

Nous venons d'achever, ici à Edmonton, une étude d'impact économique sur le développement économique d'Edmonton. L'investissement de 1,9 million de dollars dans les arts consenti par la municipalité engendre des retombées économiques de 75 millions de dollars, et de 94 millions de dollars au niveau de la province. Ces investissements sont donc extrêmement rentables.

On a toujours considéré les arts comme des consommateurs de crédits plutôt que des générateurs d'activité économique et ces études d'impact économique commencent à nous fournir des données montrant que les arts représentent un bon investissement, que les pouvoirs publics, les municipalités, les régions et le pays retirent un bénéfice important de l'argent qu'ils placent dans les arts.

Je vous remercie de votre attention.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Keller.

Nous passons maintenant au représentant du Service de planification sociale de Red Deer, Mme Coleen Jensen.

Mme Coleen Jensen (Service de planification sociale, ville de Red Deer, Alberta): Je suis ici ce matin en ma qualité de directrice de la planification sociale de la ville de Red Deer, mais aussi à titre de membre de la Family and Community Support Services Association of Alberta.

Je tiens réellement à attirer votre attention là-dessus, car la FCSS constitue un programme sans précédent au Canada. Aucune autre province n'en possède de similaire. Son mandat est de privilégier les programmes sociaux préventifs dispensés selon une approche communautaire, le financement étant apporté conjointement par le gouvernement provincial et les municipalités. Jusqu'à la suppression du Régime d'assistance publique du Canada, le palier de gouvernement fédéral participait également.

Je veux signaler également que ce programme a un gros effet de levier au-delà des paliers de financement municipal et provincial, puisque les organismes communautaires font un énorme travail de levée de fonds. Ce volet bénévolat rassemble véritablement une armée de bénévoles du secteur des services sociaux de toute l'Alberta aux fins de la mise en place de programmes sociaux préventifs.

Je me présente devant vous aujourd'hui pour insister particulièrement sur la nécessité d'équilibrer la réduction de la dette et du déficit, dont nous acceptons tous le bien-fondé, et l'impératif de pallier les conséquences qui résultent de cet effort même, soit l'impact sur la population.

J'aimerais vous faire part aujourd'hui de quelques exemples d'effets constatés au niveau municipal et au niveau communautaire par suite des coupures fédérales destinées à combattre le déficit.

Premièrement, plusieurs intervenants ont déjà évoqué aujourd'hui les paiements de transfert. Celui que j'ai déjà mentionné, la suppression du Régime d'assistance publique du Canada, a réellement touché les municipalités de l'Alberta, ne serait-ce qu'en raison de la suppression des crédits alloués au programme FCSS.

Maintes localités, notamment Edmonton et Calgary, ont littéralement perdu des millions de dollars de ce fait.

Au-delà du financement de la FCSS, la suppression du RAPC signifie l'abandon d'un partage des coûts fondé sur le besoin et l'adéquation et sur un certain principe d'équité nationale, en faveur d'un partage purement démographique. Cela est certes censé donner aux provinces plus de pouvoir et de flexibilité, mais les effets sur la qualité de vie des gens sont lourds. Il n'y a plus d'équité nationale—qui était l'un des atouts de notre fédération sur le plan des programmes sociaux—et cette continuité des services sociaux qui a existé pendant plus de 30 ans est en train de s'effilocher.

La garde des enfants est un autre domaine réellement important sur le plan de la politique fédérale. Si le gouvernement fédéral pouvait faire un geste en ce sens, il donnerait l'exemple et montrerait son souci à l'égard de ce que nous savons tous être notre ressource la plus précieuse, nos enfants. Encore une fois, la suppression du Régime d'assistance publique du Canada a privé les collectivités de crédits importants pour les services de garde d'enfants. Dans ma ville de 60 000 habitants, nous avons ainsi perdu plus de 100 000 $.

La difficulté est encore amplifiée par certains changements intervenant au palier provincial et probablement reliés à cette perte des fonds du RAPC, avec notamment la réduction des allocations de fonctionnement consenties aux garderies, supprimées sous le prétexte de reverser une partie de ces fonds—il ne s'agit que d'une petite partie—sous forme de subvention. Il est à craindre que les travailleurs économiquement faibles n'aient pas les moyens de payer ces droits.

Je pense que certaines de ces modifications provinciales sont également liées à la perte des paiements de transfert.

• 1150

Je sais bien que le TCSSS a été créé en remplacement, mais le problème est que les fonds du RAPC destinés aux services sociaux étaient précédemment une subvention conditionnelle. Les montants étaient réservés exclusivement aux services sociaux.

Or, avec le Transfert, le volet services sociaux est maintenant confondu avec les volets dominants que sont la santé et l'éducation, qui sont tous deux très importants. Aussi, les services sociaux sont devenus un petit poisson dans une grande mare et ma grande crainte est que nous nous retrouvions avec des montants considérablement moindres.

Une autre répercussion intéresse le logement. La suppression des crédits fédéraux pour la construction de logements bon marché et subventionnés aura certainement des effets sensibles au fur et à mesure du vieillissement du parc immobilier. Le secteur privé construit, mais uniquement des logements chers et rien pour les gens à faibles revenus. On s'inquiète réellement au niveau local de ce qui va advenir des pauvres.

Le dernier effet que je voudrais mentionner brièvement sont les changements dans le domaine de l'immigration. Nous voyons maintenant arriver des organismes d'aide à l'établissement quémander des crédits au palier municipal. Avec tous les autres problèmes que les municipalités ont dans leur assiette, on a vraiment l'impression—du moins au niveau municipal—que tout commence à atterrir dans nos assiettes. C'est vraiment difficile.

S'agissant des priorités à fixer, je pense que l'un des éléments qu'il faut réellement considérer est le filet de sécurité sociale que nous avons au Canada, et qui est ce qui nous définit en tant que Canadiens, avec aussi, bien sûr, la prospérité économique comme priorité.

J'ai récemment entendu l'analogie suivante: si nous remboursons l'hypothèque mais sans nous soucier d'effectuer les réparations en cours de route, la dette sera peut-être remboursée à la fin mais nous n'aurons plus de maison où vivre. Cette analogie m'a frappée comme particulièrement pertinente aujourd'hui, d'autant que vous êtes tous députés de la Chambre des communes. Elle mérite peut-être réflexion.

Je pense que le gouvernement fédéral doit prendre l'initiative et chercher à mettre en place quelques normes sociales, assorties de ressources correspondantes. Le financement pourrait prendre la forme d'un partage des coûts—et d'autres intervenants l'ont évoqué—de façon à garantir une certaine sécurité sociale et économique à tous les Canadiens, qu'ils soient riches ou pauvres.

Un ensemble national de principes de politique sociale similaire à ce que l'on trouve dans la Loi canadienne sur la santé—quelqu'un d'autre a lancé l'idée de principes d'éducation similaires—serait un pas en avant. Je reconnais que certains gouvernements provinciaux, y compris probablement le nôtre, ne seront pas nécessairement d'accord, mais ce serait très bien reçu au niveau municipal.

Le dernier aspect que je ferai ressortir sur le plan de l'établissement des priorités, c'est que les paliers de gouvernement ne doivent pas faire cela séparément. Il faut travailler en partenariat. Si chaque palier reste isolé, des catégories de personnes et des programmes tombent dans les failles, chaque palier disant que ce n'est pas de son ressort.

Je pense que ces partenariats peuvent prendre la forme d'un partage des coûts. Je pense que c'est une bonne manière de susciter un soutien et des ressources pour les programmes, parallèlement à l'existence de principes directeurs. Encore une fois, je cite en exemple le modèle des services de soutien aux familles et aux collectivités qui a donné de si bons résultats pendant plus de 30 ans.

En résumé, pour ce qui est des priorités, nous ne sommes pas partisans de réductions d'impôt. Nous sommes certainement en faveur d'un remboursement graduel de la dette car c'est un aspect important, mais l'essentiel est de prêter attention au déficit humain et de veiller à ce qu'il ne s'agrandisse pas pendant que nous avons les yeux fixés sur l'autre côté de la médaille.

Merci beaucoup.

Le président: Je vous remercie.

Nous allons maintenant entendre le dernier intervenant, M. Marcel Vanden Dungen, de Prairie Pools Inc.

M. Marcel Vanden Dungen (représentant, Prairie Pools Inc.): Je vous remercie, monsieur le président. Je vous prie d'excuser mon retard, il y a eu une petite confusion au sujet de l'heure. Je vous remercie de votre invitation. Je représente Prairie Pools Inc., une émanation conjointe du Albert Wheat Pool, de Manitoba Pool Elevators et du Saskatchewan Wheat Pool.

Prairie Pools se félicite des progrès réalisés par le gouvernement fédéral vers la maîtrise de la situation financière fédérale. Nous croyons savoir qu'il pourrait y avoir un excédent budgétaire fédéral dès le prochain exercice et sommes d'avis qu'un gouvernement, pas plus qu'une entreprise ou une famille, ne peut vivre à long terme au-dessus de ses moyens. Pendant trop d'années, le gouvernement fédéral a vécu au-delà de ses moyens. Le prix que nous avons payé pour ces années de dépenses gouvernementales excessives a été un taux d'inflation relativement élevé et des taux d'intérêt correspondants.

• 1155

Au cours des années récentes, au fur et à mesure que le déficit budgétaire s'est contracté, nous avons vu le taux d'inflation et les taux d'intérêt baisser. L'agriculture en général, et la manutention des céréales en particulier, est une industrie à haute capitalisation soumise à la concurrence mondiale. Aussi, la baisse des taux d'intérêt représente une économie directe pour les agriculteurs et les entreprises telles que les pools, améliorant notre compétitivité internationale. La réduction des taux d'intérêt canadiens, par comparaison aux taux américains, a également été un facteur important puisqu'elle a maintenu le taux de change du dollar canadien à un niveau compétitif par rapport à son homologue américain. En effet, une bonne partie des exportations de céréales et d'oléagineux canadiens sont libellées en dollars US. L'augmentation du taux du dollar canadien amènerait une baisse correspondante du revenu des agriculteurs canadiens, de même que de tous les autres exportateurs du Canada.

Ce sont là des raisons de féliciter le gouvernement d'avoir mis de l'ordre dans nos finances collectives. Elles militent tout autant en faveur du maintien de cet ordre.

Pour ce qui est du prochain budget, l'agriculture, et particulièrement l'industrie des céréales et oléagineux de l'Ouest, a contribué plus que sa part à cette réussite. Je citerai comme exemple—et je crois que certains de ces chiffres ont déjà été mentionnés tout à l'heure—la suppression de la subvention de 560 millions de dollars par an aux termes de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest et la diminution des crédits d'assurance, qui sont tombés de plus de 2 milliards de dollars en 1992-1993 à environ 650 millions de dollars cette année.

Ce dont nous avons maintenant besoin, et qui nous a été promis, est une réforme réglementaire qui permettra aux agriculteurs de bénéficier de tous les gains d'efficience possible au niveau du système de manutention et de transport du grain. Notre industrie a calculé que l'amélioration de ce système pourrait apporter à elle seule des économies de plus de 300 millions de dollars par an. Une étude effectuée par KPMG il y a quelques années chiffrait même ce montant à 500 millions de dollars. Ce sont là des économies qui se retrouveraient directement dans la poche des agriculteurs. L'étude en ce sens que le ministre des Transports devait lancer le printemps dernier n'a toujours pas commencé.

Nous pensons également qu'une bonne partie de la réduction des dépenses fédérales a été obtenue en se déchargeant sur l'industrie du coût de l'exécution de programmes fédéraux. Notre industrie paye maintenant des redevances pour les services maritimes, pour l'homologation de pesticides par l'Agence de réglementation de la lutte anti-parasitaire et pour les services d'inspection offerts par la Commission canadienne des grains. Nous estimons que ces redevances totalisent environ 200 millions de dollars. Nous croyons savoir que nous allons devoir payer plusieurs redevances nouvelles à partir de cette année et subirons en outre des hausses de plusieurs redevances introduites récemment.

Ces redevances ne sont rien d'autre que des taxes frappant des usagers particuliers. Nous pensons qu'il faut appliquer un moratoire au recouvrement des coûts par le biais de ces redevances, d'autant que bon nombre d'entre elles doivent faire l'objet d'un réexamen prochain. À l'avenir, le recouvrement des coûts sous forme de telles redevances devrait intervenir uniquement lorsque les services correspondants peuvent être pleinement commercialisés et lorsqu'il y a concurrence entre plusieurs fournisseurs de ce service.

En résumé, nous faisons valoir trois choses. Nous demandons au gouvernement, premièrement, de maintenir le cap en ce qui concerne la réduction du déficit et de la dette; deuxièmement, d'entreprendre la réforme réglementaire promise pour permettre à notre industrie de devenir plus efficiente; et troisièmement, de cesser d'instaurer de nouvelles taxes sous la guise de redevances de recouvrement des coûts.

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant passer à la période des questions et réponses. Pour qu'un aussi grand nombre que possible de questions et réponses puissent être posées et données, je vais demander à tous de poser des questions brèves et de donner des réponses concises. Nous allons commencer par Deborah Grey.

Mme Deborah Grey (Edmonton-Nord, Réf.): Je veux vous remercier tous des exposés que vous avez faits. Ils étaient excellents.

J'aimerais demander simplement à M. Paul Boothe un éclaircissement sur l'une des choses qu'il a dites.

Vous avez conclu, Paul, en disant que le véritable dividende financier est la réduction des paiements d'intérêt futurs sur la dette publique. Vous connaissez l'énormité de ce chiffre. Nous payons aujourd'hui 48 milliards de dollars par an rien qu'en intérêts sur cette dette. Pourriez-vous nous en dire un peu plus, s'il vous plaît, sur votre point de conclusion concernant le véritable dividende financier?

M. Paul Boothe: Nous savons que le facteur qui a le plus contribué à la réduction du déficit fédéral a été la diminution des paiements d'intérêt. Cela a été mentionné il y a une minute. Le facteur le plus important a été la réduction des paiements d'intérêt.

• 1200

Je pense qu'il règne une grande confusion en ce moment. D'aucuns disent que nous afficherons bientôt un surplus au lieu d'un déficit, et que c'est cela le dividende financier. Le surplus n'est que l'excédent des recettes par rapport aux dépenses, tout comme le déficit était l'excédent des dépenses par rapport aux recettes. Ce n'est pas un dividende. Si, au niveau municipal, votre budget était équilibré et que le maire vous disait: «Majorons les taxes l'année prochaine et nous appellerons cela le dividende», tout le monde penserait que c'est stupide.

Donc, en réalité, un dividende est le rapport que vous touchez sur un investissement et l'investissement ici est le rachat des obligations d'État—le gouvernement rachetant ses propres obligations et les retirant de la circulation. Le dividende n'est donc rien d'autre que l'intérêt que nous économisons par suite de la disparition de ces obligations. Bien entendu, c'est un chiffre bien plus faible que l'excédent lui-même, mais c'est un chiffre permanent. Une fois que vous rachetez ces obligations et que vous cessez de payer cet intérêt, vous n'avez plus jamais à le payer. C'est là l'économie véritable qui dérive de la stratégie de réduction du déficit et de la dette que nous avons suivie.

Le président: Je vous remercie.

Monsieur Desrochers.

[Français]

M. Odina Desrochers (Lotbinière, BQ): Nos deux langues officielles, c'est ce qui fait la variété culturelle du Canada.

Monsieur Selby, en écoutant votre exposé, je comprends bien que la situation qui prévaut présentement en Alberta est la même que celle que nous subissons au Québec. Les réductions des transferts aux provinces ont créé des problèmes socioéconomiques qui touchent les secteurs névralgiques de notre société.

Puisque les prévisions budgétaires annoncées par le ministre Paul Martin mardi dernier laissent entrevoir un surplus, ne croyez-vous pas que M. Martin, pour corriger les erreurs de son administration, devrait rembourser les sommes dues aux provinces avant de créer d'autres programmes qui laissent entrevoir une intrusion sans précédent dans les secteurs de compétence exclusivement provinciale?

[Traduction]

M. Jim Selby: Je ne suis pas sûr de bien comprendre la question, pour vous dire la vérité. Qu'est-ce qui précisément a constitué une intrusion injustifiée dans la sphère de compétence provinciale?

[Français]

M. Odina Desrochers: Les provinces ont été pénalisées par les compressions budgétaires qu'elles ont subies, et le gouvernement fédéral s'apprête maintenant à créer des programmes qui vont passer par-dessus elles, tentant de corriger les erreurs du passé.

[Traduction]

M. Jim Selby: Je conviens que les coupures dans les paiements de transfert ont pénalisé les provinces. Je pense que cela ne fait aucun doute.

L'une des choses que nous avons réclamées est la création de nouvelles normes nationales pour bon nombre des programmes, de façon à prévenir la balkanisation de la prestation de programmes dans ce pays. Je crains ne rien pouvoir dire de plus.

• 1205

[Français]

M. Odina Desrochers: Merci. Le son est très mauvais.

[Traduction]

Le président: Monsieur Riis.

M. Nelson Riis (Kamloops, NPD): Nous avons entendu d'excellents exposés ce matin, jusqu'à présent.

J'ai deux questions, une pour Les Phillips et une pour Josh. Je vais poser les deux questions à la suite et ces messieurs pourront répondre.

Monsieur Phillips, dans vos propos concernant le droit de propriété dans votre exposé, à la toute fin vous avez fait état des droits des femmes et des espèces menacées. Je ne vois pas très bien le lien.

Ma deuxième question s'adresse à Josh. Le Globe and Mail de ce matin parle d'une étude disant qu'une réduction de 5 milliards de dollars de l'impôt des sociétés créerait 50 000 emplois sur cinq ans. Si vous, dans le secteur culturel, touchiez 4,3 milliards de dollars, savez-vous combien d'emplois cela créerait sur cinq ans? Je sais que pour Coleen, dans le système de garde d'enfants, il en résulterait 200 000 emplois. Donc, pour placer en contexte ces plans de création d'emplois, je serais curieux de connaître votre réponse à cela, Josh.

M. Josh Keller: Je n'ai pas de calculette avec moi, mais ce serait un nombre important car le salaire annuel moyen d'un artiste se situe entre 20 000 $ et 30 000 $. Vous pouvez donc imaginer de quoi nous parlons.

Ce qui compte plus, c'est que nous avons un besoin réel. Nous avons besoin de gens éprouvant un fort désir de travailler dans ce secteur, et je ne pense pas que les coûts de formation seraient très élevés. Je pense que les organisations pourraient absorber les nouveaux venus et les former sur le tas, si bien qu'il n'y aurait pas là de frais supplémentaires. J'ai l'occasion de parler à beaucoup de jeunes et je sais qu'ils veulent utiliser leurs talents créatifs. Leurs options actuelles sont un emploi au salaire minimum, le chômage ou le retour aux études, et beaucoup veulent travailler, gagner de l'argent et être indépendants. La culture, les arts et le spectacle sont très importants dans leur vie.

Quantité de sondages montrent que les jeunes de moins de 25 ans veulent en grande majorité faire de la musique, du théâtre ou du cinéma. C'est un désir très fort. Nous ne pouvons absorber tous ces jeunes dans nos institutions culturelles, mais nous pouvons en absorber beaucoup.

M. Nelson Riis: Vous aideriez beaucoup le comité car le patronat fait valoir qu'une réduction de 5 milliards de dollars de l'impôt des sociétés créerait 50 000 emplois sur cinq ans. Le défi que je vous lance, c'est de nous dire—pas nécessairement immédiatement, bien sûr—combien d'emplois seraient créés dans le secteur culturel avec 5 milliards de dollars, afin que nous puissions mettre ces divers plans en contexte.

M. Josh Keller: Oui, certainement.

M. Nelson Riis: Je n'ai pas très bien saisi ce que vous vouliez dire par votre référence aux espèces menacées et aux droits des femmes.

M. Les Phillips: J'essayais de montrer que c'est un sujet complexe et que divers groupes de défense d'intérêts particuliers peuvent s'opposer au droit à la propriété privée, pour diverses raisons. Pour ce qui est des espèces menacées, par exemple, vous pourriez avoir une loi protégeant la chouette tachetée sur les terres privées et pas seulement sur les terres publiques, rien que pour mettre les choses en perspective. Ce n'est pas parce que vous êtes propriétaire du terrain que vous pouvez décimer la faune qui y vit.

Pour ce qui est du droit des femmes, des réserves ont été émises invoquant le fait que, aux termes de diverses lois relatives au mariage, si une personne possède un terrain, il ou elle peut le vendre et disposer librement du fruit de la vente. Mais il existe des dispositions dans diverses lois sur le douaire, par exemple, qui peuvent protéger le droit d'une femme à une partie ou un intérêt dans ce terrain.

M. Nelson Riis: Est-ce que ces lois auraient préséance sur la Constitution? Je ne le pense pas.

M. Les Phillips: Non, mais elles ne sont pas incompatibles, disons-nous, avec ce droit. Par exemple, l'État conservera toujours le droit d'exproprier dans l'intérêt général et des motifs de ce genre.

M. Nelson Riis: Juste pour que nous nous comprenions bien, en supposant que la loi sur la protection des espèces menacées l'autorise et qu'un terrain privé soit identifié comme un territoire crucial pour une espèce menacée, cela ferait-il une différence si le droit à la propriété était inscrit dans la Constitution, comme il l'est aux États-Unis?

• 1210

M. Les Phillips: Eh bien, cela ne ferait pas réellement de différence par rapport à la situation actuelle. Le gouvernement pourrait toujours exproprier s'il estimait, dans le cadre d'une loi, que c'est nécessaire dans l'intérêt général.

M. Nelson Riis: Oui. Je ne veux pas entrer dans ce débat.

M. Les Phillips: Oui. Ce n'est pas vraiment une question budgétaire. J'utilisais simplement cette plate-forme pour attirer votre attention là-dessus.

M. Jim Jones (Markham, PC): J'aimerais entamer le débat sur le droit de propriété sous un angle différent, sur la base de mon expérience de conseiller municipal de Markham pendant neuf ans.

J'aimerais poser une question à ce monsieur là-bas, qui a dit que la diminution de l'impôt ne crée pas d'emplois. Au cours des neuf derniers mois, l'Ontario a créé 218 000 emplois. Si vous en déduisez les emplois perdus dans le secteur public, cela fait 118 000 emplois nets.

Si la diminution de l'impôt ne crée pas d'emplois, comment se fait-il que les grosses sociétés américaines, les Intel et les Microsoft et les Sun etc., ne se précipitent pas au Canada?

M. Jim Selby: Je ne saisis pas la question.

M. Jim Jones: Lorsqu'une société décide où implanter ses nouvelles usines et bureaux, elle prend en considération toute une série de facteurs. L'un d'eux est le niveau des impôts. N'est-ce pas? Si un État ou une province ou un pays a des taux d'imposition favorables, c'est là qu'elle va s'établir. Donc, un impôt réduit crée des emplois. Des impôts élevés n'en créent pas.

Dans votre argumentation, vous disiez: Oh, nous ne voulons pas de réductions d'impôt, même si les réductions d'impôt créent des emplois. Vous voulez des salaires plus élevés. Les salaires élevés ne créent pas d'emplois.

M. Jim Selby: En réalité, c'est faux. Des salaires supérieurs sont d'excellents générateurs d'emplois. Demandez donc aux agents immobiliers si ce sont des gens à haut salaire ou à faible salaire qui achètent des maisons. Le fait est que la majoration des salaires offre un avantage économique incroyable. Allez donc voir le niveau de vie en Scandinavie et en Europe de l'Ouest, où les salaires sont élevés.

M. Jim Jones: Je parlais d'impôts élevés.

M. Jim Selby: En fait, dans mon propos je ne liais pas du tout l'impôt à l'emploi. C'est vous qui l'avez fait. J'ai dit que nous préférerions voir restaurer les services publics. Nous préférerions que le gouvernement gouverne. Nous préférerions que le gouvernement remplisse son rôle, plutôt que de réduire l'impôt.

Nos membres veulent voir rétablis les services de santé. La moitié des lits d'hôpital qui existaient en Alberta en 1991 sont aujourd'hui fermés. Nous voulons qu'ils soient rouverts. Nous voulons que nos écoles retrouvent des moyens. Nous voulons que la taille des classes soit réduite. Cela exigera de l'argent.

Si vous baissez l'impôt, où le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et municipaux et les conseils scolaires trouveront-ils de l'argent?

M. Jim Jones: L'économie de l'Ontario, au cours du dernier trimestre, a affiché un taux de croissance de 7,5 p. 100 en rythme annuel. Des compagnies qui étaient parties aux États-Unis reviennent en Ontario à cause de son climat économique. Elles vont s'établir également en Alberta, parce que c'est là où le taux d'imposition est le plus faible. D'ici janvier, nous aurons le taux d'imposition le plus faible.

Même Frank McKenna, le jour où il démissionne, que dit-il? Il pense que les Maritimes doivent baisser leurs impôts.

M. Jim Selby: C'est certainement une école de pensée.

Il n'y a pas de compagnie pétrolière qui soit active en Alberta parce que nous avons un impôt réduit. Il n'y a pas de compagnie forestière qui soit active en Alberta parce que nous avons un impôt réduit. Elles sont là parce que nous avons du bois et que nous avons du pétrole. Si nos taux de redevance et d'imposition étaient dix fois plus élevés qu'ils ne le sont, elles seraient là quand même.

Le président: Nous allons maintenant passer à M. Valeri.

M. Tony Valeri (Stoney Creek, Lib.): Je voudrais revenir sur certaines des remarques du professeur Boothe.

Votre intervention traite réellement de la première question posée au comité, celle des hypothèses économiques et des facteurs de prudence. J'ai plusieurs questions.

La première intéresse votre définition du dividende fiscal. J'aimerais vous donner ma définition et que vous me disiez si vous êtes d'accord avec elle ou non: le dividende financier est réellement un excédent prévisionnel des recettes totales par rapport aux dépenses totales survenant en l'absence de tout nouvel impôt ou de toute nouvelle dépense.

Ma deuxième question est celle-ci: lorsque vous dites que la meilleure combinaison s'avère être une réserve de 6 milliards de dollars combinée à la promesse d'inverser tout déficit l'année suivante, avez-vous fait une étude prolongeant cela sur trois ans et avez-vous trouvé une différence sensible dans votre pourcentage?

• 1215

Troisièmement, pour ce qui est de l'idée de placer tout l'argent dans le fonds d'assurance plutôt que de recourir à des facteurs de prudence, qu'utiliseriez-vous comme hypothèse de taux d'intérêt et de croissance, en l'absence de facteur de prudence?

M. Paul Boothe: Premièrement, comme vous le pensez bien, je ne suis pas du tout d'accord avec cette définition du dividende financier. Comme je l'ai dit, c'est un peu comme dire que nous avons un budget équilibré et que nous allons majorer l'impôt, et que l'excédent ainsi créé est le...

M. Tony Valeri: Mais la définition est en l'absence de tout impôt nouveau ou dépense nouvelle.

M. Paul Boothe: Je saisis bien, mais les recettes fiscales augmentent parce que les revenus augmentent. Les dépenses sont à peu près stables, et ce que nous avons, c'est un excédent de recettes par rapport aux dépenses. Je pense que c'est une erreur d'appeler cela un dividende. Si le dividende est le retour sur l'investissement, l'investissement que nous faisons—et je pense l'investissement auquel songe le gouvernement—est le remboursement de la dette. Le retour sur cet investissement est l'intérêt que vous n'avez plus à payer sur ces obligations d'État.

Voilà ce que je pense au sujet du premier point.

M. Tony Valeri: Vous définissez donc le dividende financier comme l'intérêt économisé sur...

M. Paul Boothe: Une dette publique réduite entraîne un intérêt réduit. C'est cela votre dividende financier, parce que cet argent peut alors servir à payer pour les programmes, les choses qui nous tiennent à coeur.

Pour ce qui est d'une durée d'engagement différente, nous n'avons pas pris la règle des trois ans, mais nous avons utilisé celle des quatre ans, puisque quatre ans est le mandat normal d'un gouvernement. En gros, si vous appliquez une règle de quatre ans avec un déficit de 6 milliards de dollars, vous allez tenir votre engagement dix fois sur dix. Mais le résultat que vous obtenez est presque le même avec une règle de deux ans et vous êtes beaucoup moins susceptible avec elle de dévier du chemin et de commencer à accumuler des déficits persistants.

Le passage à la règle de quatre ans ne vous apporte pas grand- chose de plus du point de vue de la crédibilité. Nous essayons de maximiser la crédibilité, car c'est elle qui permet de planifier l'avenir. Elle contribue également à réduire la prime de risque dans les taux d'intérêt, ce qui permet d'avoir des taux d'intérêt plus bas. Mais l'autre avantage est que cela aide la démocratie à mieux fonctionner. Si nous pouvons prendre au mot ce que dit tel parti et dit tel autre, nous pouvons peser leur point de vue respectif sans avoir à nous demander s'ils vont bien faire ce qu'ils disent.

Je ne pense donc pas que l'on obtienne beaucoup de crédibilité supplémentaire, ou beaucoup d'assurance supplémentaire, en passant à quatre ans. Le maximum pour le prix est obtenu à deux ans.

Quelle était la dernière question que vous m'avez posée?

M. Tony Valeri: Elle portait sur les hypothèses de prudence, les facteurs de prudence.

M. Paul Boothe: Oui, c'est juste.

Ce que nous essayons de faire, c'est de donner au gouvernement le plus de crédibilité possible à l'égard de ses engagements financiers. Lorsque tout l'argent est placé dans le fonds de réserve, tout le monde peut le voir. Cela inspire confiance aux électeurs et aux marchés financiers. Mais si vous placez cet argent sous forme d'hypothèses économiques prudentes, plus personne ne croit à ces dernières. En pratique, cela réduit la crédibilité du gouvernement. Nous faisons donc valoir que si le but est réellement d'amener les gens à croire que le gouvernement fera bien ce qu'il annonce, la meilleure façon de procéder est que tout soit étalé au grand jour.

Mes amis du ministère des Finances et d'autres instances à Ottawa arguent qu'il est politiquement plus difficile de constituer un tampon de 6 milliards plutôt que de 3 milliards de dollars, car il devient comme un aimant pour ceux qui veulent dépenser cette provision. Je réponds à cela que c'est peut-être plus difficile à Ottawa, mais que c'est aussi plus difficile partout ailleurs—au niveau des électeurs et des marchés financiers—si la moitié de votre assurance prend la forme d'hypothèses prudentes auxquelles personne ne croit, à tel point que les gens vont simplement les ignorer.

M. Tony Valeri: Donc, en substance, voici ce qui se passerait selon votre scénario. Si vous ne posez pas des hypothèses prudentes et que vous procédez simplement comme le faisaient les gouvernements antérieurs—ils se sont tellement lourdement trompés—vous tireriez simplement sur ce fonds de réserve. Vous annonceriez que, parce que vous n'avez pas posé d'hypothèses prudentes, vous êtes maintenant obligés de tirer sur ce fonds d'assurance pour éviter un déficit budgétaire.

M. Paul Boothe: Je pense qu'il faut s'efforcer de prévoir au mieux l'évolution de l'économie, mais ne vous en prenez pas au ministre des Finances s'il ne tombe pas juste chaque fois. Personne n'y arrive, même pas les économistes.

M. Tony Valeri: Malheureusement, nous n'avons pas souvent ce luxe.

• 1220

M. Paul Boothe: C'est juste. Il faut bien voir que la prévision économique est une science très imparfaite, un peu comme les prévisions météorologiques, et se faire une raison.

Le président: Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président. J'aimerais parler avec Coleen.

Coleen, dans la présentation que le ministre des Finances nous a faite il y a quelques jours, il y avait une ligne qui a résonné dans mon esprit et dans celui de beaucoup de Canadiens: la mesure réelle du succès ne réside pas dans les chiffres, mais dans les répercussions sur les gens, l'effet sur la vie réelle des gens. Je pense que c'est là le message que vous nous avez apporté également, lorsque vous avez parlé des répercussions sur les enfants et, plus particulièrement, sur les garderies. Nous savons tous que certains parents choisissent de travailler et d'autres y sont obligés, et il importe d'offrir des services de garde d'enfants de qualité. Cela coûte cher à un palier de gouvernement ou à un autre. Il n'y a qu'un seul contribuable, et peu importe le palier, mais les garderies coûtent cher en subventions.

Je suis d'accord avec vous, mais je me demande si vous approuveriez aussi une autre approche, ou une approche complémentaire. Il y a deux façons de régler le problème de la disponibilité de garderies. L'une consiste à augmenter le nombre de places et l'autre à réduire la demande.

Un sondage de Decima effectué il y a quelques années a montré que 70 p. 100 des parents d'enfants d'âge préscolaire travaillaient tous deux et que, s'ils le pouvaient, leur choix serait qu'un des parents reste au foyer. La situation matérielle était le grand obstacle et s'il y avait une incitation ou une subvention éliminant ou réduisant l'obstacle économique, bon nombre des familles, si elles en avaient la possibilité, choisiraient de laisser un parent au foyer.

J'aimerais savoir, puisque le résultat final serait une disponibilité accrue de places en garderies, soit par une offre accrue soit par une demande réduite, si vous seriez en faveur d'allégements fiscaux pour les familles qui choisissent d'assurer elles-mêmes, directement, la garde de leurs enfants.

Mme Coleen Jensen: Je vous remercie, monsieur Szabo. Tout d'abord, je ne suis pas certaine que le nombre de places soit le problème. À ma connaissance, en Alberta il existe quantité de places inoccupées en garderie. On voit même des garderies fermer leurs portes. Le besoin est donc davantage celui d'une subvention aux familles pour mettre les garderies à leur portée. Voilà pour la première partie de votre question.

Je pense que cela a été illustré il y a un an environ lorsqu'on a annoncé que des crédits seraient peut-être débloqués, auxquels les provinces devraient apporter la contrepartie, et que cet argent irait vers la création de places supplémentaires. Je pense que la plupart des provinces ont répondu au gouvernement fédéral qu'elles n'ont pas besoin de plus de places de garderie.

Sur la deuxième partie de votre question, l'idée d'aider les parents à rester au foyer, je pense que c'est une possibilité. Cependant, lorsque je vois le nombre de familles monoparentales— par exemple, dans ma ville, il est très élevé: 23 p. 100 des ménages de Red Deer sont des familles monoparentales, dont la majorité dirigée par des femmes. Ces femmes ne vont évidemment pas rester au foyer. La plupart ont également un petit salaire. D'après ce que je puis voir, ce qui manque c'est une subvention pour que les enfants puissent être placés dans les places qui existent en garderie, mais je ne suis pas opposée à votre autre idée, comme élément d'un tout.

Le président: Monsieur Solberg.

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Pour faire suite à ce que M. Szabo a dit, M. Selby a estimé tout à l'heure que les réductions d'impôt bénéficient davantage aux riches. Je pense qu'il admettra que si l'on majorait l'exemption personnelle de base, cela bénéficierait le plus aux personnes à faible revenu.

En outre, étant donné que prochainement de nombreux Canadiens vont subir une majoration énorme de leurs cotisations au RPC, nous verrons une situation où de nombreuses personnes à faible revenu seront contraintes de choisir entre payer leur hypothèque et acheter leur nourriture.

• 1225

La question que je pose—à M. Selby ou à quiconque d'autre veut répondre—étant donné ce scénario, étant donné cette réalité très prochaine, si l'on veut réellement aider les Canadiens à faible revenu, n'est-ce pas là une bonne option? N'est-ce pas une bonne idée que de laisser les Canadiens jouir de cet allégement d'impôt et décider eux-mêmes ce qu'ils veulent faire de cet argent supplémentaire?

M. Jim Selby: Eh bien, il est difficile de s'opposer à une augmentation de l'exemption de base, mais si l'on veut s'attaquer au problème des faibles revenus, comme nous l'avons dit, le problème n'est-il pas celui de l'insuffisance des salaires? Je parle sérieusement, tout ce qui érode...

Le gouvernement est confronté à un double problème. Si vous baissez les impôts, les services mêmes dont dépendent lourdement les gens à faible revenu—aide sociale, soins de santé et logements publics—sont plus difficiles à mettre en place ou à financer par les pouvoirs publics. Il faut donc se demander si la baisse d'impôt n'est pas l'équivalent, d'une certaine façon, d'une suppression de services publics. Les personnes à faible revenu ont été plus touchées par la réduction des services publics que celles à haut revenu.

Aussi, plutôt que de réduire les impôts, parlons des moyens de relever les salaires dans ce pays. Comment faire pour ramener les revenus au-dessus du seuil de pauvreté?

Le président: Merci beaucoup, monsieur Solberg. Voilà qui clôt cette séance.

Vous voulez poser une dernière question? Vous avez 30 secondes.

M. Jim Jones: Oui, à la dame de Red Deer.

Aux États-Unis, les gens commencent à travailler à domicile et l'on estime que d'ici l'an 2000, 50 p. 100 travailleront chez eux. Si tel est le cas, n'est-ce pas s'engager dans la mauvaise direction que de financer des garderies? Peut-être faudrait-il veiller à mettre en place une bonne législation pour aider les gens, et laisser les entreprises faire confiance aux gens lorsqu'ils travaillent à domicile.

Mme Coleen Jensen: Monsieur Jones, je ne conteste pas ce que vous dites, et je vois beaucoup d'entreprises à domicile commencer à se constituer, mais comme je l'ai dit, c'est tout un ensemble qu'il faut considérer et une gamme d'options. Je ne prétends pas que la seule option soit de consacrer des fonds aux garderies, mais celles-ci représentent néanmoins un élément important. C'est presque comme un service de soutien, si vous voulez.

M. Selby parlait des bas revenus et de la création d'emplois et ce genre de choses. Les gens à faible salaire n'occupent pas ces emplois uniquement pour des raisons économiques. Il y a toute une série d'autres facteurs en jeu, toutes sortes d'obstacles, y compris une faible estime de soi ou l'impossibilité pour eux d'obtenir d'autres soutiens tels que des places en garderie—ou des services de garde en général—qui leur permettraient de s'en sortir.

Je dis que les garderies ne sont qu'un élément de la problématique. Je suis d'accord avec vous; nous allons voir proliférer au Canada les entreprises à domicile etc., et j'en ai fait autant en tant que mère.

M. Jim Jones: Je ne parle même pas d'entreprises à domicile. Les compagnies permettent à leurs employés de travailler chez eux.

Mme Coleen Jensen: Absolument, et je suis en faveur de cela. Lorsque mes enfants étaient petits, moi aussi je l'ai fait et cela marchait bien.

Le président: Je vous remercie, madame Jensen.

Nous aurons une très courte question de M. Pillitteri et ensuite nous devrons clore cette table ronde.

M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.

Puisque j'ai fait tout le chemin depuis l'Ontario, je ne vais pas laisser passer l'occasion de poser une question ici, en Alberta. Bien que je sois venu dans la province à maintes reprises pour des audiences sur le budget, les choses sont un peu différentes ce matin, d'après ce que j'entends. Je constate que tout le monde cherche à dépenser de l'argent que nous n'avons même pas encore.

Permettez-moi de poser une question à Rich Szostak.

Vous avez parlé d'éducation et de majoration des versements de transfert. Vous avez suggéré également d'assortir ces paiements aux provinces de conditions plus strictes. Si je me souviens bien, dans le passé, lorsque nous avions le Régime d'assistance publique du Canada et des versements pour l'éducation postsecondaire, bien que ces sommes étaient réservées à des fins particulières les provinces ne les affectaient pas là où elles étaient censées le faire. En quoi la position des provinces a-t-elle changé dans l'intervalle? Voilà une partie.

Avec le Transfert, le gouvernement fédéral a réussi en fait à resserrer un peu plus les conditions. Si une province ne dépense pas l'argent qui était censé être consacré... C'est donc bien mieux aujourd'hui, car cela n'existait pas avant.

• 1230

Vous avez dit également que les fonds de contrepartie empiétaient sur la compétence provinciale. Vous avez dit trois choses: deux n'ont jamais marché, et l'une est une intrusion dans la sphère de compétence provinciale.

M. Rich Szostak: Premièrement, je conviens que c'est là une problème depuis longtemps. C'était un problème avant le Transfert, à l'époque où des crédits étaient réservés à l'éducation postsecondaire. Beaucoup de provinces dépensaient à peine ce montant pour l'éducation postsecondaire, alors que l'intention était clairement que les provinces en rajoutent considérablement de leur poche. En Alberta, à la fin des années 80, je pense que 97 p. 100 des dépenses pour l'éducation postsecondaire provenaient du gouvernement fédéral.

Je trouve donc un peu dommage pour le gouvernement fédéral qu'il se retrouve à payer les factures, mais sans en recevoir le crédit. C'est l'une des raisons pour lesquelles je préconise encore plus de conditions.

Pour ce qui est de l'empiétement dans la sphère de compétence provinciale, le gouvernement fédéral a exercé ce pouvoir de dépense pendant de nombreuses années, ce que vous appelez une intrusion. Je ne voudrais certainement pas que le gouvernement fédéral dicte aux provinces ce qu'elles doivent enseigner dans les universités, ni rien du genre, mais je ne vois pas pourquoi il ne pourrait pas, à tout le moins, insister pour que les provinces coordonnent leurs programmes afin que les étudiants puissent passer facilement d'une province à l'autre, pourquoi il n'exigerait pas certaines normes. Si le gouvernement fédéral donne aux provinces de l'argent pour l'éducation postsecondaire, pourquoi ne peut-il exiger que les universités aient un important volet recherche, que l'enseignement dispensé réponde à certaines normes? Je ne vois pas cela comme une intrusion ni comme impossible.

Le président: Merci beaucoup. Je voudrais vous exprimer ma gratitude la plus chaleureuse et la plus sincère pour vos exposés. Je pense qu'ils nous seront très utiles. Nous passerons en revue soigneusement vos interventions, mais j'ai noté particulièrement la question des baisses d'impôt et de la dette, ainsi que le réinvestissement dans la santé et l'éducation, comme thèmes communs sur lesquels vous avez tous exprimé des valeurs claires.

Je vais maintenant suspendre la séance pour cinq minutes environ, et nous reviendrons avec la deuxième table ronde.

• 1232




• 1239

Le président: La séance est rouverte.

• 1240

Nous entamerons la deuxième table ronde avec l'exposé de la représentante de l'Alberta Association for Young Children, Liz Simmons.

La procédure que nous suivons dans ce comité est de donner à chacun environ cinq minutes pour présenter les points saillants de son mémoire. Nous avons ensuite une période de questions.

Soyez la bienvenue, madame Simmons.

Mme Elizabeth Simmons (vice-présidente, Alberta Association for Young Children): Bonjour. L'Alberta Association for Young Children est une association provinciale représentant les personnes travaillant avec de jeunes enfants dans des garderies, des crèches familiales, des collèges, ce genre de choses.

Nous estimons qu'une stratégie nationale en matière de garde d'enfants et l'investissement dans les enfants représentent un besoin impérieux. Si la responsabilité d'élever les enfants réside bien évidemment chez les familles, nombre de ces dernières ont besoin d'aide pour s'acquitter de cette tâche. Les familles où les parents travaillent et doivent faire garder leurs enfants requièrent certainement l'accès à des services de garde de qualité et de prix abordable.

Je crois savoir que le crédit d'impôt national est censé aider les familles où les parents travaillent, mais uniquement celles à faible revenu. Par ailleurs, je crois savoir que rien ne garantit que les crédits actuellement disponibles soient réservés aux services de garde, ou même réservés aux enfants de la famille. Nous préconisons donc qu'un mécanisme soit mis en place pour garantir que ces montants bénéficient bien aux enfants.

Nous nous demandons s'il ne serait pas possible de réserver ces montants aux garderies accréditées, de qualité, peut-être par le biais d'un complément de salaire versé au personnel qualifié, ou au moyen d'autres méthodes mariant l'argent à des indicateurs de qualité. Il existe quantité d'indicateurs de qualité pour les programmes de garde d'enfants. Ici, en Alberta, nous avons un système d'accréditation des garderies, mais les critères n'assurent guère qu'une qualité minimale de service. Certains programmes offrent toutes sortes de choses en sus de cette qualité minimale. S'il était possible d'assister ce genre de services, le niveau des services de garde en Alberta en serait certainement meilleur.

C'est tout ce que j'ai à dire pour l'instant, je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup.

Nous passons maintenant au représentant de l'Alberta Council on Aging, M. Neil Reimer. Bonjour.

M. C. Neil Reimer (président, Alberta Council on Aging): Bonjour, et merci de votre invitation.

Je représente le groupe de coordination qui chapeaute en Alberta diverses associations de personnes âgées de toute la province.

Je voudrais tout d'abord parler un peu de démographie. Au Canada, dans son ensemble, les personnes âgées représentent environ 12 p. 100 de la population. Cette province est la plus jeune du Canada, avec une population d'aînés de 9,1 p. 100. Une bonne partie de la rhétorique au sujet des difficultés que le nombre des personnes âgées présente à la société est importée. Nous ne connaîtrons pas une vague aussi importante de personnes âgées que celles qu'ont déjà beaucoup d'autres pays. Ici, en Alberta, nous sommes même à 4 ou 5 p. 100 en dessous de la Colombie-Britannique ou de la Saskatchewan, les provinces voisines. Donc, si vous êtes le trésorier d'une province et avez moins de gens dont vous avez à vous occuper, pour ainsi dire, je suis sûr que cela facilite pas mal les choses.

On nous dit que la génération du baby-boom représentera une grande difficulté à l'avenir. Je vais me référer pas mal à cette étude de la Canada West Foundation dont je vous remettrai un exemplaire.

Les statistiques montrent que la génération du baby-boom, c'est-à-dire les gens nés entre 1937 et 1957, est généralement assez à l'aise. Ce sont les derniers membres de la vague qui ne le sont pas. Nous contestons donc la notion qu'il faille gonfler les cotisations pendant 20 ans; en réalité, ce ne sera qu'un problème d'une dizaine d'années, dans 20 ans—pas aussi grave qu'on veut le faire croire. Ces personnes âgées n'auront pas droit au SRG ni à toutes les prestations placées sous condition de ressources, et c'est là un facteur que l'on néglige.

Nous admettons que les revenus des aînés ont augmenté, peut- être de 3,1 p. 100 depuis 1980, alors que les autres revenus ont baissé. Cependant, ce que l'on oublie, ce sont les frais supplémentaires que nous encourons par suite des coupures.

• 1245

Les cinq minutes y passeraient en entier si je vous lisais la liste des coupures infligées aux personnes âgées dans cette province et au Canada.

Dans notre province, 14 programmes ont été réduits, modifiés ou totalement supprimés, totalisant une baisse de 20 p. 100 des revenus des personnes âgées. Le gouvernement fédéral a opéré dix coupures touchant les aînés. En sus, il va y avoir le programme de prestations aux personnes âgées qui va intervenir, je crois, en 2001. Je crois savoir que ce n'est encore qu'un projet et nous espérons qu'il ne sera pas mis en oeuvre sans des consultations poussées, car il pénalise également. Il contient quantité d'éléments négatifs qui sont recensés dans le mémoire.

Si nous avons à suggérer une priorité, ce serait probablement le système de santé. En tant que personnes âgées, nous sommes opposés à toute notion de privatisation ou de suppression des cinq principes de la Loi canadienne sur la santé. Nous pensons qu'il faut plutôt renforcer ces derniers. Si vous nous demandez comment les excédents résiduels—quel que soit le nom que vous voulez leur donner—devraient être dépensés une fois que le déficit aura disparu, je pense que l'on ne peut y réfléchir sérieusement qu'une fois que les plus grosses coupures auront été inversées.

Tant le gouvernement fédéral que la province nous ont amenés à croire que le déficit était quelque chose de désastreux qui exigeait des mesures draconiennes. Les mesures ont effectivement été draconiennes. On nous a dit qu'il faudrait des années pour l'éponger, et pourtant nous voici avec un excédent budgétaire dans la province, en l'espace de trois ans. On peut donc se demander si les coupures n'ont pas été trop profondes, trop rapides. La question n'a pas été posée est de savoir si elles ont été trop profondes. Et elles l'ont été. Avant que l'on décide la direction que la société veut emprunter du point de vue des impôts, nous ne voulons pas de coupures d'impôt du tout—n'y songez même pas—tant que ces questions n'auront pas été rectifiées. Beaucoup de gens souffrent.

Je me dois de signaler que le système de santé est en soi un stimulant de l'emploi et une incitation pour l'industrie à s'établir au Canada. J'ai entendu hier le directeur général de Ford expliquer qu'un abaissement de 9 p. 100 des droits de douane frappant les voitures japonaises entraînerait la fermeture de 25 usines. Eh bien, si nous avions un système à deux paliers comme celui des États-Unis, l'effet serait encore plus désastreux. Quantité d'entreprises se sont établies au Canada à cause du coût de l'assurance-maladie. J'ai été représentant d'un syndicat qui représentait un grand nombre de travailleurs tant aux États-Unis qu'au Canada, et je peux vous dire que le coût aux États-Unis est prohibitif. Notre système est un stimulant de l'emploi.

Ici, en Alberta, nous avons le HRG. Nous voyons une amorce de privatisation des hôpitaux, et je pense que cela ne peut que déboucher sur un système à deux paliers. Nous croyons qu'il faut financer de manière adéquate le système d'assurance-maladie pour prévenir tout mouvement en ce sens.

Je peux vous dire que le système de santé publique suscite bien des mécontentements. Si vous êtes une personne âgée, et si vous allez voir mon médecin... Je viens de subir une arthroplastie de la hanche... et si vous allez le voir, il vous dira qu'il a une liste d'attente de neuf mois avant de pouvoir opérer. Voilà le genre de choses qu'il faut rectifier, selon nous, et je pense que les enfants ou les petits-enfants sont les deux plus grandes priorités à se fixer.

Je pense que cela a pris plus de cinq minutes, mais je vous remercie.

Le président: Vous abordez là quelques points très importants.

Nous passons maintenant à M. Mark Genuis.

[Français]

M. Mark Genuis (directeur exécutif, Fondation nationale de recherche et d'éducation de la famille): Je vous remercie de m'avoir convoqué à cette séance. Il me fait plaisir d'être ici aujourd'hui au nom de la Fondation nationale de recherche et d'éducation de la famille.

• 1250

[Traduction]

Nous avons remis un mémoire et je me ferai un plaisir d'en traiter, mais je voudrais auparavant prendre quelques instants pour porter le débat à un niveau un peu différent.

Notre fondation concentre son attention sur la famille et c'est dans ce contexte que l'on nous a demandé d'aborder le sujet. J'aimerais commencer par citer une personne qui se trouve ici et qui vient de publier, très franchement, un livre remarquable sur la famille.

M. Szabo a écrit que notre société existe et se maintient grâce à la famille, laquelle il conviendrait d'honorer en conséquence. Si nous commençons à ce niveau et réalisons bien que la société n'existe et ne fonctionne que grâce à la stabilité de ce noyau, un certain nombre de décisions et de priorités deviennent beaucoup plus claires.

On commence à réaliser que, dans la vaste majorité des cas dans ce grand pays, les familles sont compétentes. Les parents se soucient de leurs enfants et les aiment; ils les élèvent bien.

Une autre chose que les parents disent uniformément d'un bout à l'autre du pays est qu'ils voudraient, s'ils en avaient la possibilité, passer plus de temps à s'occuper de leurs enfants, à les élever, à les aimer et à leur enseigner.

J'ai eu une réunion avec l'honorable Anne McLellan et nous lui avons fait valoir que si les parents pouvaient faire cela, ce serait réellement la meilleure méthode de prévention de la criminalité dans ce pays. Les parents rendent ce service très, très bien dans la vaste majorité des cas.

Malheureusement, au fil des dernières décennies, ils s'en sont trouvés empêchés de bien des façons à cause de nombreux changements malavisés apportés à notre régime fiscal.

C'est pourquoi je me présente devant le Comité des finances aujourd'hui pour formuler une recommandation toute simple, pour dire que si nous nous concentrons sur notre plus grande priorité, sur notre plus grande opportunité et notre grand avenir, alors nous pourrons façonner nos enfants de manière merveilleuse et positive.

La meilleure façon pour le Comité des finances de faire cela, et c'est notre recommandation, serait de suivre les recommandations du Comité permanent de la santé et du Forum national sur la santé, qui ont dit: «S'il vous plaît, supprimez dans le régime fiscal la discrimination à l'encontre des familles canadiennes; s'il vous plaît, laissez un peu plus d'argent dans la poche des familles canadiennes afin qu'elles puissent faire leurs choix—sans les leur imposer—en fonction de ce qu'elles savent être le mieux pour leurs enfants, de ce qu'elles veulent faire elles-mêmes».

La plupart des parents disent, encore une fois, qu'ils voudraient passer plus de temps avec leurs enfants, surtout quand ils sont en jeune âge. Il en résulterait toutes sortes de choses merveilleuses dans tous les secteurs, et nous recommandons fortement au Comité des finances d'engager ce mouvement de façon à accroître la stabilité de notre pays, réaliser des objectifs économiques solides et aider les enfants de ce pays.

Nous pouvons parler des recherches, et je serais ravi de le faire de manière très détaillée, discuter des méthodes et des résultats. Je serais ravi de le faire car notre organisation se concentre sur la recherche, mais un fait déjà avéré est que dans la société les mieux à même de s'occuper de nos jeunes enfants—c'est- à-dire les mieux à même de construire les fondements de notre société—sont les parents, et que la séparation régulière des enfants de leurs parents pendant plus de 20 heures par semaine avant l'âge de cinq ans accroît le risque d'un développement négatif de ces enfants dans des domaines que l'on peut précisément délimiter.

Donc, laisser un peu plus d'argent dans la poche des familles aidera directement celles à revenu faible et moyen et apportera énormément de bienfaits à notre grand pays.

Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup.

Nous passons maintenant au représentant de la Seniors Action and Liaison Team, Con Duemler. Bonjour, monsieur.

M. Con Duemler (Seniors Action and Liaison Team): Je vous remercie, monsieur le président. J'apprécie votre invitation à prendre la parole de nouveau devant ce comité.

Cinq minutes, cela n'est pas beaucoup pour traiter de sujets qui sont chers aux Canadiens, qui sont d'intérêt national et typiques des valeurs canadiennes. C'est pour cette raison que l'on peut dire que le Canada est plus que la somme de ses parties. LÂassurance-maladie et les programmes sociaux canadiens sont uniques et doivent être protégés. De fait, le ministre des Finances, M. Martin, a assuré à tous les Canadiens que ces normes seront respectées et préservées et nous nous fions à sa promesse.

La question de savoir si le programme de réduction du déficit a été ou non trop rapide trouve sa réponse toute seule dans le fait que nous parlons maintenant prématurément de réinvestissement.

• 1255

Comme M. Reimer l'a dit, la question qui n'a pas été posée est de savoir si les coupures ont été trop profondes. Nous en sommes profondément persuadés, surtout dans le domaine qui intéresse au premier chef tous les Canadiens, et les personnes âgées en particulier, à savoir la santé.

À cet égard, nous pensons qu'il faut revenir sur la modification apportée il y a quelques années aux transferts aux provinces sur la base d'une réduction et d'un financement global. Nous pensons que le droit de regard du gouvernement fédéral sur le maintien de normes nationales s'est trouvé dilué sous les auspices de la dévolution. Cela nous inquiète beaucoup.

En Alberta, en particulier, nous entendons déjà des histoires d'horreur. Je veux faire part au comité d'une expérience que j'ai vécue il y a à peine 36 heures, monsieur le président. J'étais sans nouvelles d'un ami, un homme de 67 ans qui vivait seul, et qui ne s'est pas présenté à un rendez-vous mardi soir. Lorsque je me suis rendu chez lui hier, je l'ai trouvé mort sur le plancher de sa chambre. Il était malade, placé sous soins médicaux, mais n'avait pas été hospitalisé. Il est difficile pour quiconque d'imputer aux coupures la faute de sa mort, mais il est tout aussi difficile pour ceux qui les ont apportées d'affirmer que sa mort n'en est pas une conséquence. La perception des gens... et j'espère qu'aucun d'entre vous n'aura jamais l'expérience que j'ai vécue il y a 36 heures, de trouver un ami cher mort depuis deux jours sur le plancher de la chambre, sans soins à domicile, sans hospitalisation—et il aurait dû être hospitalisé, à mon avis, mais je ne suis pas médecin.

Je pense que l'affaiblissement du système de santé est au premier plan des préoccupations des personnes âgées, et même de tous les Canadiens, particulièrement ici en Alberta, où il est même question que des services de base fassent l'objet de redevances d'usager. Nous payons les cotisations d'assurance-maladie, qui sont une forme de redevances d'usager, et il y a des violations de la Loi canadienne sur la santé que le gouvernement fédéral ne sanctionne pas. Ce n'est pas nécessairement du ressort de votre comité, mais en dernière analyse, tout tourne autour de l'argent.

Enfin, je voudrais parler brièvement de la prestation de personne âgée projetée. Nous trouvons quelque peu ironique que nous soyons là à parler de réinvestissement et que le comité demande où il faudrait réinvestir, alors qu'il y a ce projet qui est gravement défectueux.

J'étais à Ottawa il y a deux semaines pour participer à un comité de Revenu Canada et de Ressources humaines traitant des personnes âgées, et je n'ai pas pu obtenir les réponses à certaines questions, par exemple ce qui arriverait aux familles où l'un des conjoints a moins de 65 ans. Je n'ai pas pu obtenir de réponse sur la signification de «pleine indexation», ou «seuils et prestations» dans ce projet. J'ai effectué de nombreux calculs que j'ai transmis il y a une semaine et demie environ lors de la réunion officieuse de ce comité ou d'une partie de ce comité présidé par M. David Walker.

Les calculs montrent que l'économie prévue—pas une solution miracle, puisque M. Martin a dit que cela ne l'intéressait pas— l'économie initiale la première année serait de 200 millions de dollars pour le gouvernement fédéral. Mes calculs le confirment, mais ils prouvent également que sur ce chiffre, 150 millions sont réalisés aux dépens des provinces.

En 2030, après l'exécution complète et le décès de la génération actuelle de personnes âgées, mes calculs montrent que l'économie nette prévisionnelle de 8,2 milliards de dollars pour le gouvernement fédéral est sans doute exacte, mais il est tout aussi vrai de dire que presque un tiers de celle-ci est réalisée aux dépens des provinces. J'ai été choqué d'entendre le président du comité, M. Walker, dire que les provinces le savent et que des pourparlers sont en cours en ce moment même avec elles sur la manière de surmonter ces déficiences.

Monsieur le président, au nom du comité et de tous les Canadiens, je ne peux que vous implorer de faire savoir aux Canadiens ce qui est sur la table des négociations avec les provinces dans le but de compenser ces déficits, ces manques à gagner fiscaux pour les provinces.

• 1300

C'est bien joli d'économiser 8 milliards de dollars. Ce n'est pas joli de les économiser au moyen d'une mesure gravement viciée et inexpliquée pénalisant les personnes âgées de deux façons. La première est la prestation en soi, qui est à peu près la même PSV et SRG que nous avons actuellement. Les 120 $ supplémentaires sont tout simplement dus à l'indexation prévue de 1,75 p. 100 des prestations au niveau de janvier 1996. C'est peut-être même trop faible, car dernièrement l'inflation a couru à 1,9 p. 100. Par conséquent, les 120 $ de plus sont un peu un trompe-l'oeil, à notre sens. C'est uniquement un tampon de sécurité pour compenser les erreurs d'estimation entre 1996 et 2001.

La prestation elle-même est gravement viciée et elle trouve probablement son origine dans un article de trois économistes, intitulé «The Incidence of Low Income Among the Elderly», paru dans une publication en juin 1994. Ces économistes sont tous trois des anciens du Trésor albertain. L'article de ces économistes sur les personnes âgées, traitant de la prévalence de l'indigence chez eux et préconisant de la mesurer selon un étalon différent, est entaché de graves faiblesses et démontre dans les renvois du tableau 1 une incompréhension totale du mode de vie des aînés de la part des auteurs.

Nous avons déterminé—et je peux démontrer le lien très facilement—que cet article est le point de départ du programme de la prestation pour personnes âgées.

Monsieur le président, mon temps est presque écoulé. Je vais conclure en résumant mes recommandations à votre comité.

Si vous voulez donner la première lecture au projet de prestation de personnes âgées à la Chambre des communes, allez-y, mais ne le faites que dans le but d'en assurer une large publicité, avec un débat sous forme de tables rondes et d'ateliers. Les personnes âgées sont censées avoir la faculté de choisir entre le système actuel et le système nouveau. Ce choix doit être fait en toute connaissance de cause. Les aînés ne s'y retrouveront pas dans cette affaire hautement complexe. Je fais office de conseiller auprès des personnes âgées dans ce domaine et je ne peux leur donner de conseil à cause des incertitudes qui existent.

Le choix ne doit pas être fait seulement en fonction de la première année d'entrée en vigueur en l'an 2001; le choix vaudra pour le restant de leur vie. Aussi longtemps que des incertitudes subsistent sur le programme, son exécution et sa structure, je ne peux conseiller les aînés sur le choix à faire. Ce pourrait être un piège s'ils optent pour le nouveau système et s'aperçoivent ultérieurement qu'ils se sont trompés et ne peuvent plus revenir au système initial. Ce peut être un piège totalement injuste.

Et, bien sûr, il y a ce problème avec les provinces. Il n'est que raisonnable dans une démocratie que les intéressés et les contribuables soient informés et consultés lorsqu'il s'agit de décider quels programmes serviront de monnaie d'échange pour compenser le manque à gagner des provinces. Si c'est un partenariat entre le gouvernement fédéral et les provinces, monsieur le président, nous réclamons qu'il soit élargi aux intéressés.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup de cette intervention très importante. Je parlerai de certaines de ces questions avec M. David Walker. J'aimerais quelques renseignements en rapport avec certains des points que vous avez soulevés.

La parole est à Mme Lorna Downey, de l'Alberta Association of Registered Social Workers.

Mme Lorna Downey (représentante, Alberta Association of Registered Social Workers): Bonjour, et merci de votre invitation à prendre la parole devant le comité.

En tant que représentante des travailleurs sociaux autorisés de cette province, la chose qui me frappe le plus, c'est la pauvreté et, bien entendu, la pauvreté des enfants. Comme vous le savez, les enfants ne sont pas seulement notre avenir, ils sont aussi les membres les plus vulnérables de notre société. Lorsque nous influons directement sur la famille par le biais des crédits d'impôt, nous touchons aussi directement les enfants.

L'Alberta possède l'un des plus forts pourcentages de familles monoparentales et si j'applaudis aux efforts du gouvernement sur le plan de la prestation nationale pour enfants, il me semble—mais je peux me tromper—que sa structure même va encore pénaliser principalement les plus démunis, et en particuliers les familles monoparentales. Il ne leur bénéficiera pas directement. Je vous demande donc de regarder d'un peu plus près comment il va être distribué à travers le pays.

• 1305

Lorsque vous nous demandez quelles devraient être vos priorités, à notre sens, les dépenses ciblées devraient profiter aux plus vulnérables, aux enfants vivant dans la pauvreté. Des milliers d'enfants ont faim au Canada. La seule idée de cela est désolante. Nous sommes l'un des pays les plus riches de la planète et nous avons des enfants qui restent sur leur faim chaque jour. À Edmonton, je travaille très dur, tant en ma capacité professionnelle que dans ma vie personnelle, pour essayer de mettre sur pied des programmes de déjeuners chauds à l'école, par exemple, car alors les enfants ont au moins un repas plusieurs jours pas semaine.

Je sais que cela peut vous choquer, mais c'est la réalité.

Nous applaudissons à vos efforts de mettre sur pied une prestation nationale pour enfants. Cependant, si cela va être fonction du revenu, alors vous allez négliger en pratique les plus démunis, et en particulier les parents seuls. Évidemment, nous le savons tous, les parents seuls sont surtout des femmes. Les fonds provinciaux devraient aller directement aux familles à faible revenu... au lieu de détourner les fonds vers des programmes qui n'apportent pas un avantage direct à ceux qui éprouvent le plus grand besoin.

Le gouvernement du Canada doit intégrer la planification économique et sociale dans ses délibérations budgétaires. C'était la recommandation principale du sommet sur la croissance en Alberta tenu ici les 29 et 30 septembre. Elle donne acte de l'importance du développement des personnes.

La Banque du Canada devrait énoncer tant ses objectifs sociaux qu'économiques. Elle reconnaîtrait ainsi la relation qui existe entre l'inflation et l'emploi, de même que les répercussions potentiellement négatives de décisions fondées uniquement sur les considérations économiques.

Dernier point, mais non le moindre, j'aimerais que l'on mette de nouveau l'accent sur la violence familiale et la violence faite aux femmes.

Le président: Merci beaucoup.

Nous passons maintenant à une représentante de l'Alberta Teachers Association, Fran ,Savage. Bonjour.

Mme Fran Savage (Alberta Teachers Association): Je vous remercie. En tant que représentante de l'Alberta Teachers Association, je suis heureuse de l'invitation à exposer nos vues au Comité permanent des finances. On nous a demandé de répondre à deux grandes questions. Mon association a choisi de concentrer ses propos sur le problème national qu'est la pauvreté des enfants et des familles. Voici notre réponse.

J'ajouterais que je préside depuis six ans un comité sur l'enfance au nom de l'Alberta Teachers Association. Ce comité est très largement représentatif.

Pour ce qui est de la réduction du déficit, à notre avis elle a été nettement trop rapide. Les enseignants de l'Alberta en voient les effets dans les salles de classe de la province et dans la vie des nombreux enfants qui apprennent, ou essaient d'apprendre, dans nos écoles. Je suis sûre que vous en connaissez tous les raisons. Un enfant qui a faim est très difficile à instruire. Un enfant qui est pauvre ou peut-être victime de sévices en raison de sa situation socio-économique n'est certainement pas en mesure de faire de bonnes études.

Les effets des initiatives tant fédérales que provinciales ont été néfastes, comme je l'ai dit, pour la vie de ces familles qui luttent pour survivre et assurer leur subsistance avec des niveaux de soutien du revenu toujours décroissant. C'est un état de chose honteux dans un pays jouissant d'autant de ressources que le Canada.

Pour ce qui est des priorités du gouvernement et de ce qu'elles devraient être, nous félicitons le gouvernement de son initiative concernant la prestation pour enfants. Malheureusement, elle ne va pas assez loin et n'aidera certainement pas, à notre sens, ceux qui en ont le plus besoin. Malheureusement, le gouvernement de l'Alberta a choisi d'exécuter le programme de telle façon qu'il ne bénéficiera pas aux familles qui en ont le plus besoin, particulièrement les assistés sociaux. En effet, il projette de contrebalancer l'augmentation prévue des prestations fédérales en réduisant d'autant les prestations provinciales offertes aux familles assistées.

C'est peut-être une question simpliste, mais comment des gens qui ne gagnent pas assez pour payer des impôts peuvent-ils tirer parti d'un crédit d'impôt pour enfants? Peut-être quelqu'un peut-il m'expliquer par quel tour de magie cela se passe, car je ne comprends pas très bien.

Au coeur du problème, il y a l'absence d'obligation de rendre des comptes, à mon avis. Au lieu d'assortir ce programme de critères stricts, le gouvernement fédéral a donné aux gouvernements provinciaux toute latitude de l'appliquer selon leur fantaisie politique, ce qui, en Alberta, signifie que l'on va punir les chômeurs.

• 1310

Nous réclamons une loi sur le transfert social, d'esprit similaire à la Loi canadienne sur la santé, pour contraindre les provinces à respecter certains critères si elles veulent continuer à recevoir des fonds à des fins sociales.

Par ailleurs, nous exhortons le gouvernement du Canada à tenir sa promesse électorale de 1993 et à mettre en place un système national de garderies offrant des services de garde de prix abordable, et peut-être gratuits dans de nombreux cas, et de qualité. Trop d'enfants sont placés dans des milieux de garde de niveau déplorable parce que leurs parents ne peuvent payer les droits exorbitants exigés par les garderies privées.

Des parents qui touchent des subventions provinciales pour garde d'enfants doivent ouvrir leur domicile et leurs dossiers personnels, sans préavis, à ces mêmes gouvernements pour conserver cette aide. D'autres parents qui préféreraient travailler finissent par rester au foyer pour s'occuper de leurs enfants, parce que leur salaire mensuel ne suffirait même pas à couvrir les frais de garde.

Il faut aussi se demander comment les garderies pourraient être de qualité lorsque tant de leurs employés sont rémunérés au salaire minimum. Vous savez combien celui-ci est bas dans notre province.

Nous avons été troublés d'apprendre que le ministre des Finances, Paul Martin, envisage des coupures d'impôt une fois que le déficit fédéral sera épongé. Nous craignons que ces réductions ne soient qu'un stratagème pour acheter les voix des Canadiens de classe moyenne lors des prochaines élections fédérales. Ces baisses d'impôt n'apporteront rien à nos citoyens les plus nécessiteux, ceux qui ne gagnent pas assez d'argent pour payer des impôts.

Les impôts sont le prix que les Canadiens paient pour vivre au Canada et jouir d'une assurance-maladie universelle, d'une éducation publique et d'un bon filet de sécurité sociale.

Nous savons tous que nombre de sociétés n'ont jamais payé leur juste part du fardeau fiscal. Si vous le voulez, donnez un allégement d'impôt à la classe moyenne, mais faites en sorte que les sociétés augmentent leur contribution afin que le gouvernement ait les moyens de faire cela. Toutefois, tant que le gouvernement s'occupe de nos citoyens les plus vulnérables, les enfants économiquement défavorisés et leurs familles et confirme l'image internationale d'une société juste et compatissante qui est celle du Canada, cessons pour le moment de parler de réduction d'impôt.

Je suppose que le dernier, et probablement le plus important, point que je pourrais faire valoir ce matin est que mon association est consternée de voir que les pauvres ne sont pas représentés autour de cette table aujourd'hui. L'industrie de la pauvreté, si on veut l'appeler ainsi, est peut-être représentée. Ce sont là ceux qui travaillent avec les défavorisés et les pauvres. Mais, sauf erreur, vous n'entendez pas le point de vue de ceux qui vivent effectivement dans cette situation.

Nous vous exhortons à consulter les pauvres, en sus des classes moyennes et supérieures de la société canadienne. Consulter les pauvres vous aidera à assurer que nos programmes sociaux répondent aux besoins des bénéficiaires, au lieu de ceux des bureaucrates fédéraux qui n'ont peut-être pas, dans certains cas, à coeur les intérêts des bénéficiaires.

Je dois signaler que dans cette salle, dans l'auditoire, se trouvent des personnes qui vivent dans la pauvreté. Ce sont des gens qui ont participé aux réunions de mon comité. Il serait intéressant que vous ayez un entretien avec eux pour voir ce qui se passe. Mettez un visage sur la pauvreté. Parlez à ces gens. Vous aurez peut-être ainsi une optique un peu différente de ce qu'il convient de faire.

Merci de votre invitation à prendre la parole.

Le président: Merci beaucoup, madame Savage. Je pense que votre conseil est très sage. C'en est un que nous avons suivi bien des fois au long de nos déplacements.

Je peux vous dire que l'une des particularités de nos consultations cette fois-ci est que les députés organiseront, chacun dans sa circonscription, des réunions publiques pour entendre les avis de personnes comme celles dont vous parlez. Évidemment, le comité lui-même est limité dans ses déplacements, mais je pense que lorsque vous avez 301 députés invitant le public à s'exprimer au niveau des circonscriptions, vous aurez là un processus de consultation très large où seront abordées certaines des questions très importantes que vous avez soulevées, en particulier la dernière.

Mme Fran Savage: Très brièvement, pensez-vous vraiment que les gens qui vivent réellement dans la misère vont participer à ces réunions? Parfois, je le constate, il leur est très difficile de s'exprimer. Je vous mets simplement en garde. Vous y avez peut-être déjà songé, mais ce ne sera peut-être pas aussi facile que vous le pensez.

Le président: Je pense que c'est une excellente suggestion. Je vous remercie.

Le prochain intervenant sera le révérend Bruce Miller, de la Quality of Life Commission.

• 1315

Le révérend Bruce Miller (Quality of Life Commission): Merci beaucoup. J'ai été tout récemment l'un des délégués au sommet sur la croissance économique de l'Alberta. Nous avions déjà fait auparavant une expérience de débat en table ronde en Alberta, et le public en avait été très mécontent. Ce sommet a été une amélioration, ces deux journées que nous avons passées ensemble. Il est apparu que l'on commence à renoncer à traiter des sujets économiques isolément et à les placer plutôt dans le contexte des questions plus larges de développement social. Je trouve cela réellement encourageant.

Si vous vous intéressez au genre de réinvestissement à effectuer dans l'avenir, je vous recommande de peut-être organiser un sommet de la croissance canadien sous une forme ou une autre. Vous avez là un modèle dont vous pouvez vous inspirer.

Ce sommet présentait une faiblesse. Pour revenir sur la remarque qui vient d'être faite, il n'y avait pas de pauvre au sommet de la croissance en Alberta. Aujourd'hui est la Journée internationale pour l'élimination de la pauvreté, et il me semble que si les pauvres ne sont pas autorisés à prendre la parole ici, alors je n'ai plus rien à dire. J'étais représentant du secteur de l'économie sociale au sommet de la croissance. Ce que nous voulons réaliser dans ce pays, c'est réellement la pauvreté zéro.

Je voudrais donc céder mon temps à Midge Cuthill, membre d'un groupe de lutte contre la pauvreté, ici, à Edmonton. Le très révérend Bill Phipps, modérateur de l'Église unie du Canada, est présent dans la salle pour appuyer ce groupe. Si vous lui en donnez la permission, j'aimerais qu'elle vous conte son histoire.

Le président: Allez-y.

Mme Midge Cuthill (présidente, Organisation nationale anti- pauvreté, section d'Edmonton): Je vous remercie de nous donner cette occasion. D'autres membres de notre comité sont également présents. Je pense qu'il vous faut réellement entendre ce qu'ils ont à dire.

Le gouvernement fédéral va prendre quelques décisions réellement brutales sur ce qu'il fera une fois que le déficit... et il dit que le déficit a deux années d'avance, dans son estimation.

Je veux vous faire entendre un discours que j'ai récemment donné à l'Alberta Vocational College à l'occasion de la Journée internationale pour l'élimination de la pauvreté. J'espère que, à partir de là et des discours tenus par nos dirigeants communautaires... les effets que les gens ressentent. Prenez donc patience pendant que je fais lecture de cela.

Nous sommes ici aujourd'hui pour célébrer la Journée internationale des Nations Unies pour l'élimination de la pauvreté. En 1948, l'Assemblée générale des Nations Unies a proclamé la Déclaration universelle des droits de l'Homme. La déclaration a été adoptée à l'unanimité, avec seulement l'abstention de l'Afrique du Sud, de l'Arabie saoudite et des six pays du bloc soviétique. En 1966, la déclaration a donné naissance à deux conventions contraignantes, la Convention internationale sur les droits civils et politiques et la Convention internationale sur les droits économiques, sociaux et culturels. Le Canada a ratifié les deux en 1976 avec le consentement unanime des provinces. Elles lient maintenant le Canada en droit international.

Le Canada, en tant que société, a souscrit à ces droits fondamentaux. Pourquoi sont-ils négligés de manière aussi flagrante? Nous devons tenir nos gouvernements responsables des promesses qu'ils ont faites à leurs citoyens et au reste du monde. Au Canada, dans toutes les provinces, on parle beaucoup de déficit zéro, de tolérance zéro et de pollution zéro, etc., etc. Au sein du mouvement de lutte contre la pauvreté, une cascade de changements est intervenue d'un bout à l'autre du pays. Aujourd'hui, en coalition avec l'Organisation nationale anti-pauvreté, nous lançons la campagne pour la pauvreté zéro à travers tout le Canada.

Nous, les pauvres, avons eu à payer un prix disproportionné au cours des dernières années aux fins de la réduction du déficit. Nous avons assisté à des réductions massives des prestations sociales, à une baisse du salaire minimum réel, à un resserrement des conditions de l'assurance-chômage, à des restrictions d'accès à la santé et à l'éducation et à des coupures dans les services sociaux. Nous avons appelé au secours, sans résultat autre que de voir nos enfants appréhendés par les services de protection de l'enfance. Le nombre d'appréhensions a augmenté de 42 p. 100 depuis 1993, alors que le nombre des assistés sociaux a baissé de 61 p. 100, ici, en Alberta.

On a taillé dans les subventions provinciales pour la garde des enfants, si bien que les parents qui étudient ou qui travaillent au salaire minimum voient leur salaire passer entièrement dans les frais de garde d'enfants. Le gouvernement doit considérer l'impact global de cela et non pas se soucier seulement d'économies.

Les personnes malades n'ont pas les moyens de payer les frais de 2 $ pour les ordonnances qui vont être instaurés à compter du 1er novembre. J'étais moi-même visée, puisque je prenais du Tylenol 3 lorsque j'étais assistée sociale. Maintenant, parce que je ne suis plus assistée, je ne suis plus concernée. Mais le fait est que je continue à prendre le même médicament.

• 1320

Nous voyons des gens qui sont sur le point de perdre leur maison ou qui l'ont déjà perdue, qui vont errant d'ami en membre de la famille et de retour chez des amis, et dans les cas les plus graves, qui vivent dans la rue.

Notre Parlement ne siège même pas cet automne. Pourquoi cette législation n'est-elle pas appliquée? Il faudrait en faire usage immédiatement pour les sans-logis. Nous avons besoin de stabilité, pas de valises.

En Alberta, notre gouvernement a dépassé ses objectifs dans sa campagne pour le déficit zéro. Nous lui demandons maintenant, au public et au gouvernement fédéral, de faire preuve d'autant de passion et d'énergie pour une objectif de pauvreté zéro. Nous avons vu ce que les gouvernements peuvent faire lorsqu'ils sont motivés. Motivons-les en vue d'un objectif de pauvreté zéro d'ici le nouveau millénaire.

La pauvreté est un symptôme de la dette sociale accumulée au fil des dernières années du fait de l'absence d'investissement social. Investissons réellement dans notre avenir et entrons dans le nouveau millénaire avec une pauvreté zéro.

J'aimerais inviter Regina Parker à monter ici. J'aimerais que vous entendiez le récit saisissant de ce qui lui arrive. Elle est l'une des personnes à qui on a dit qu'elle sera rayée des services sociaux.

Approchez-vous, s'il vous plaît, Regina.

Le président: Bonjour.

Mme Regina Parker (comparution à titre individuel): Bonjour. Ceci est très inhabituel pour moi et j'ai besoin de votre indulgence. Je vous remercie de m'écouter. Il n'est pas facile pour moi de me confier, mais je pense que vous avez besoin de voir ce qui se passe.

Je suis handicapée, comme vous pouvez le voir, et incapable de travailler. De la façon dont le gouvernement a fait les choses jusqu'à présent, je ne suis pas admissible à l'AISH, l'invalidité... que nous avons ici, car je serai peut-être capable de travailler dans quelques années. Cependant, c'est très peu probable.

On m'a rayée de l'assistance sociale parce que j'ai emménagé avec ma fille. Ils ne vous paient pas le logement lorsque vous vivez avec un parent par le sang. Ma fille est âgée de 21 ans. Elle a acheté un logement en copropriété il y a trois mois pour que je puisse venir vivre avec elle.

C'est une enfant qui a été élevée, en partie sur l'assistance sociale, par une mère seule. Elle a défié toutes les règles du sort. Elle a un beau logement pour une personne de 21 ans. Maintenant, le gouvernement me dit que je ne peux toucher aucune allocation de logement pour l'aider, parce qu'elle est propriétaire. Si elle était locataire, il n'y aurait pas de problème, mais parce qu'elle est propriétaire, on la pénalise. C'est injuste.

Je suis maintenant rayée de l'aide sociale. J'ai à peu près 400 $ par mois pour vivre. Mes médicaments coûtent 429 $. Je ne suis pas mathématicienne, mais ça ne colle pas. Ils veulent faire payer 2 $ par ordonnance. Si j'étais assistée sociale, je devrais prélever 18 $ sur mon budget d'alimentation et ma subsistance, alors que cela ne suffit déjà pas. Maintenant, je dois payer 30 p. 100.

Je ne peux pas vivre avec le peu que l'on me donne. Je n'ai pas d'argent pour même acheter un café par mois. Je ne peux aller nulle part; je n'ai pas d'allocation de transport. Il n'y a rien. Ce n'est pas vivre, c'est survivre. J'aimerais vivre et pas seulement exister.

Ce n'est pas de ma faute si je suis handicapée. J'ai travaillé. J'ai été parent nourricier. J'aide partout où je peux. Je ne suis pas ce que beaucoup de gens imaginent lorsqu'il est question d'aide sociale. J'ai été active. J'ai fait ma part, du mieux que je pouvais. On me pénalise aujourd'hui avec une vie de misère dans une des provinces les plus riches du Canada.

J'ai lu un article disant que ces coupures que l'on impose sont la mort à petit feu. C'est exactement ce que je ressens. Je ne sais pas si je pourrai continuer avec mes médicaments. Tout ce sac est rempli de médicaments. Je n'en ai pas vraiment les moyens, mais il n'y a rien ici dont je puisse me passer. Si j'arrêtais de prendre n'importe lequel d'entre eux, je finirais à l'hôpital. Cela coûterait plus cher au gouvernement.

• 1325

Je ne sais absolument pas quoi faire, et je ne suis pas la seule. Il y a des gens que l'on prive de l'AISH sans préavis, y compris des schizophrènes. Une dame atteinte de paralysie cérébrale a été rayée sans même qu'on lui dise. Elle n'a simplement pas reçu son chèque. C'est de la folie. Si on traitait des animaux comme on nous traite, il y aurait un scandale. On ne peut pas donner aux gens à peine de quoi survivre et s'attendre à ce qu'ils soient heureux et pacifiques. On a vu des gens débarquer dans les bureaux des services sociaux en tirant des coups de fusil, ou prétendant avoir une arme. C'est une époque de misère. Les gens sont dans le désespoir.

Vous voulez donner l'argent aux provinces et les laisser en faire ce qu'elles veulent, mais il n'y a aucun respect pour les pauvres dans cette province. Je suis désolée, mais l'argent n'ira pas à ceux qui en ont besoin. Il y a des enfants qui n'ont rien mangé depuis des jours ou uniquement du spaghetti. Je peux vous montrer quatre façons de préparer du spaghetti sans viande. Jadis, il y avait 99 façons de faire du hamburger, mais plus personne n'a les moyens d'acheter du hamburger avec cette misère. On ne peut pas vivre juste de spaghetti.

Je suis intimidée par tout le pouvoir rassemblé dans cette salle et excusez-moi si je n'arrive pas à m'exprimer. Je n'ai jamais été entourée de personnes aussi puissantes, mais il faut que vous sachiez que quelque chose doit être fait. Je connais des gens qui sont actuellement au bord du suicide parce qu'ils ne peuvent plus continuer ainsi. Ce sont des gens qui n'ont aucun espoir que les choses changent. Pour certains, il n'est pas question de trouver simplement un emploi. Elles n'en sont pas capables. Est-ce qu'on va regarder ces gens se suicider sans rien faire?

C'est merveilleux d'équilibrer le budget. Je suis tout à fait pour. Mais pourvu qu'il reste encore quelqu'un pour le voir.

Merci de votre attention.

Des voix: Bravo, bravo!

Le président: Je vous remercie.

Mme Midge Cuthill: Je veux vous remercier du temps que vous nous avez accordé.

Il y aurait encore beaucoup de choses à dire. La misère est dans les rues. Elle est dans nos villes, où les gens souffrent réellement. Dix-sept mille personnes utilisent les banques alimentaires chaque mois. Et encore, ce sont là les chiffres officiels, mais il y en a beaucoup d'autres que l'on ne connaît pas.

L'Alberta Vocational College est une école dont les étudiants sont d'anciens assistés sociaux. Il y a là une banque alimentaire qui est indépendante de l'Edmonton Food Bank. Ils sont ignorés des statistiques, parce qu'on ne les compte pas. Il n'y a pas de statistiques montrant combien de gens sont dans le besoin.

Je fais partie de ceux que les statistiques ignorent. Je n'ai jamais utilisé la banque alimentaire, j'avais quelques ressources. Mais il y a eu des fois dans ma vie où j'aurais eu besoin d'y recourir, mais je n'y suis jamais allée.

Nous faisons des choses. Nous ne sommes pas seulement une partie du problème, nous sommes une partie de la solution. J'apprécie quand nos dirigeants disent qu'ils vont organiser des tables rondes dans notre province et qu'ils vont faire ceci et cela. Mais je peux vous dire carrément que la majorité des gens invités sont les puissants. Ils parlent en notre nom et nous sommes fatigués que les gens parlent en notre nom. C'est nous le peuple. Lorsque vous mettez de l'argent dans les programmes, c'est pour nous.

Il faut changer les choses. Il faut restructurer. Nous ne demandons pas à devenir riches, ni rien du genre. Nous demandons simplement à avoir de la nourriture sur notre table, un toit sur notre tête, savoir où mettre nos enfants pour que nous puissions aller travailler. Ce sont là des choses très importantes pour nous et pour la qualité de notre vie. Notre bien-être est très important pour nous.

Le président: Merci beaucoup à tous de ces interventions. Je vous remercie, Révérend. Je pense que c'était une excellente idée d'entendre...

Nous allons maintenant passer à M. Georges Arès, un représentant de l'Association canadienne française de l'Alberta.

• 1330

[Français]

M. Georges Arès (Association canadienne-française de l'Alberta): Bonjour, monsieur le président et membres du comité.

Je pense qu'on vient d'entendre parler de quelque chose qui est très près de la population canadienne: la pauvreté. Notre association appuierait entièrement le gouvernement fédéral s'il pouvait mettre en place les mesures nécessaires pour soulager la pauvreté. Je remercie ces dames de leur présentation; c'est toujours très touchant et je pense qu'il faut que le gouvernement réagisse à cette sorte de présentation.

J'aimerais aujourd'hui toucher à un autre point qui est très important pour ce pays, soit la question de l'unité nationale et la façon dont le gouvernement fédéral pourrait, par sa façon de dépenser, favoriser l'unité nationale.

Je veux parler du traitement des communautés francophones à l'extérieur du Québec. Au cours des dernières années, le gouvernement fédéral a sabré dans les sommes que nous recevions pour assurer une présence francophone partout à l'extérieur du Québec, ici en Alberta et ailleurs. Le financement de base de notre association a été réduit de 30 p. 100. Je ne crois pas que tous les ministères et institutions du gouvernement fédéral ont subi des compressions de cet ordre.

On aussi sabré dans les sommes affectées à l'éducation postsecondaire, ce qui a directement touché la seule institution postsecondaire francophone à l'ouest du Manitoba, la Faculté Saint-Jean ici, à Edmonton. Cette faculté est en quelque sorte une mini-université francophone qui offre quatre diplômes, quatre baccalauréats et une maîtrise en éducation française ici, en Alberta. Les compressions budgétaires ont affecté la capacité de cette faculté de livrer des services non seulement aux francophones de l'Alberta, mais aussi aux francophiles de cette province et de l'Ouest en général, à des anglophones ayant étudié dans des écoles d'immersion et désireux de poursuivre leur instruction postsecondaire en français. Certains étudiants fréquentant la Faculté Saint-Jean viennent de la Colombie-Britannique et de la Saskatchewan, tandis que d'autres viennent même du Québec.

Monsieur Desrochers, je sais que vous êtes du Bloc québécois et je puis vous dire que souvent, après avoir fait l'expérience d'une communauté francophone et d'une communauté francophile d'anglophones qui aiment la langue et la culture française, de jeunes Québécois, à tendance séparatiste avant de venir en Alberta et de fréquenter la Faculté Saint-Jean, changent beaucoup. Et ça ne leur prend pas beaucoup de temps. Ils deviennent fédéralistes et veulent que le Québec reste au pays. Il faut encourager ce genre d'institutions; il faut encourager les écoles françaises. Ce n'est pas en diminuant le financement qu'on réussira à assurer une présence francophone en Alberta. Je crois que M. Lucien Bouchard, le Bloc québécois et le Parti québécois en sont tous très conscients.

En 1995, avant le référendum, nous avons vu une tentative d'arrêter le discours des communautés francophones à l'extérieur du Québec. M. Bouchard était très inquiet du discours que pouvaient tenir les francophones hors Québec au moment du référendum. Le Bloc québécois énonça alors sa position officielle sur le traitement des communautés francophones hors Québec après une éventuelle indépendance du Québec. Quelques mois plus tard, le Parti québécois et le gouvernement du Québec faisaient de même. Par la suite, en août, un mois ou deux avant le référendum, la Coalition pour la souveraineté, une organisation de 15 syndicats québécois, appuyée de plusieurs autres organismes, déclarait aussi sa position officielle.

Tout ce que je veux dire, c'est que le traitement des communautés francophones à l'extérieur du Québec est une question importante pour ce pays. Les compressions budgétaires qu'a subies Radio-Canada ont fait disparaître des services déjà minimes et beaucoup affecté l'attitude des francophones hors Québec.

Je vais vous donner l'exemple de ce qui est survenu lors de notre assemblée générale annuelle l'an passé. Il faut que vous sachiez que notre association existe depuis 1926 et que nous sommes depuis toujours fédéralistes. Nous étions du côté fédéraliste en 1980 et en 1995 et nous le sommes toujours. Mais à la suite des réductions budgétaires dont faisait l'objet Radio-Canada, une des institutions de base pour notre communauté, certains de nos membres se sont demandé pourquoi notre association devait travailler pour l'unité du pays alors qu'elle subissait de tels coups.

• 1335

Les compressions budgétaires effectuées à Radio-Canada ont pour effet de diminuer un service essentiel à notre communauté. Quand on parle au ministre des Finances, il nous dit que c'est Mme Copps, la ministre du Patrimoine canadien, qui en est responsable. Quand on parle à Mme Copps, elle nous répond que c'est le ministre des Finances qui n'accorde pas assez d'argent. On se passe la balle. On fait des compressions budgétaires sans en prévoir les conséquences.

C'est une question très importante pour le pays et pour son unité. Ne vous souvenez-vous pas qu'en 1980, presque toutes les associations francophones hors Québec étaient en faveur des séparatistes ou neutres? La seule qui ne l'était pas, c'était notre association, l'ACFA.

Mais le gouvernement fédéral a investi dans un domaine qui est très important pour les communautés francophones et qui, je crois comprendre, remonte à la Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme, la commission Laurendeau-Dunton: les écoles et la gestion des écoles par et pour les francophones de ce pays. Grâce au gouvernement fédéral, qui avait mis en place un programme de financement pour la gestion scolaire, nous avions finalement obtenu des écoles ainsi que leur gestion. Lors du référendum de 1995, on constatait que toutes les autres associations étaient devenues fédéralistes. La seule grande différence avait justement été cet investissement du gouvernement fédéral dans les écoles et leur gestion. Selon nous, cela prouve que si on traite mieux les communautés francophones hors Québec, on pourra assurer une place aux Québécois partout en ce pays.

Les écoles françaises de Calgary sont un autre exemple. L'an dernier, elles comptaient 460 élèves, tandis que cette année, elles en comptent 600. Pourquoi? C'est parce que plusieurs familles québécoises y ont été mutées par des compagnies, dont le Canadien Pacifique, qui déménageaient leur administration centrale à Calgary. Il y avait déjà sur place une école pour accueillir leurs enfants. Si cette école n'avait pas existé, que serait-il arrivé?

La société canadienne a de nombreuses priorités, dont le soulagement de la pauvreté, comme je le mentionnais au début. Nous devrions certainement tenir compte de cette priorité au cours des prochaines années, au moment de réinvestir. Je suis d'accord avec madame qu'avant de réduire les impôts des contribuables canadiens, nous devrions soulager la pauvreté et toutes ces choses qui font très mal aux gens. Nous devrions toutefois aussi réinvestir dans notre pays en vue d'en assurer l'unité.

Nous devons nous pencher sur la façon dont on traite les communautés francophones hors Québec. Il faut les traiter favorablement, les aider à survivre et s'assurer qu'elles reçoivent des services adéquats. Nous avons fait des progrès immenses dans le domaine de l'éducation au cours des 10 dernières années, mais il nous manque toujours des services de santé et de développement économique en français. De nombreux événements culturels n'ont jamais lieu. Il y a toutes sortes de différents domaines sur lesquels on ne s'est pas encore penchés parce que notre priorité a été pendant longtemps les écoles. Il nous fallait des écoles et le contrôle de ces écoles pour nous assurer qu'il y ait au moins une source permanente de francisation dans notre société albertaine. C'est maintenant accompli: nous avons 16 écoles ici, en Alberta, lesquelles sont gérées par trois conseils scolaires. Cette année, dans presque toutes les écoles, le nombre d'inscriptions a considérablement augmenté.

Le financement accordé par le gouvernement fédéral en est en grande partie responsable. En 1993-1994, il investissait quelque 110 millions de dollars pour favoriser la mise en oeuvre de la gestion scolaire francophone à l'extérieur du Québec et on en voit les résultats. Il ne faut toutefois pas sabrer dans les fonds accordés aux autres institutions qui nous sont essentielles: l'enseignement postsecondaire, la Faculté Saint-Jean, Radio-Canada et ces services de santé qu'on n'a toujours pas et pour lesquels nous avons besoin d'aller chercher de l'aide.

Vous devez tenir compte de l'effet de ce financement positif qui contribue à assurer une place à la francophonie pancanadienne. Si nous continuions de faire des compressions budgétaires, nous aurions un impact inverse.

Je regrette de devoir partir sous peu puisque je dois participer à une réunion sur l'unité nationale ce midi. Y aurait-il des questions avant que je parte, monsieur le président?

[Traduction]

Le président: Nous devons passer à l'intervenant suivant, qui sera M. Martin Garber-Conrad, directeur exécutif de l'Edmonton City Centre Church Corporation. Bienvenue.

• 1340

M. Martin Garber-Conrad (directeur exécutif, Edmonton City Centre Church Corporation): Je vous remercie, monsieur le président. J'apprécie grandement votre invitation. Cependant, puisque j'ai un mémoire très court et que je peux le remettre au greffier, si quelqu'un d'autre de Poverty in Action veut prendre la parole, je me ferai un plaisir de céder ma place.

Personne? Dans ce cas je vais poursuivre. J'aimerais parler de trois choses que le gouvernement fédéral a faites dernièrement et qui ont des répercussions financières pour vous-mêmes et pour nous ici, dans les provinces.

Le premier élément est la prestation nationale pour enfants. Je félicite certainement le gouvernement de cette initiative mais partage néanmoins la profonde déception ressentie ici, en Alberta, face à la réaction du gouvernement provincial. Je pense que le grand titre de l'Edmonton Journal d'aujourd'hui n'est pas sans rapport avec certaines des choses mentionnées précédemment, particulièrement concernant les familles assistées. L'avantage net qu'elles vont en retirer est exactement zéro. Nous conservons néanmoins une toute petite parcelle d'espoir que le réinvestissement promis de l'économie réalisée par la province dans le budget de l'aide sociale sera effectivement réinvesti au profit des enfants pauvres et de leurs familles. Je reviendrai là-dessus à la fin.

La deuxième mesure dont je voudrais féliciter le gouvernement est l'annonce faite aux alentours de janvier au sujet du chômage des jeunes. C'est là aussi une mesure positive, sauf qu'elle reste de portée très réduite vu l'ampleur du problème. Nous sommes déçus de voir, compte tenu de notre expérience avec les jeunes chômeurs à haut risque, que ce groupe ne soit pas une cible spéciale. Les bourses avantageront beaucoup de jeunes gens faisant des études collégiales et universitaires mais guère les gamins des rues, les jeunes à faible revenu et à haut risque qui ont aussi besoin d'emplois.

Le troisième et dernier point que je ferai valoir n'intéresse pas tant les programmes que la politique générale. Nous sommes profondément convaincus que le gouvernement fédéral doit maintenir et même augmenter son investissement direct dans les enfants à risque et leurs familles. Il y a quelques excellents exemples du succès de ces mesures. Je songe au programme d'action communautaire pour les enfants de Santé Canada et au programme Bon départ pour les Autochtones, mis en place par le gouvernement précédent et heureusement maintenu par le vôtre. Il y a des moyens évidents, faciles et rentables d'accroître l'impact de ce programme en rétablissant simplement les compressions de presque 50 p. 100 effectuées l'année dernière.

Je pense que le principe opérationnel ici est qu'il est possible, même en cette période d'autonomie et d'intransigeance provinciales accrues, pour le gouvernement fédéral d'avoir un partenariat positif et direct avec les collectivités de tout le Canada. Nous avons certainement apprécié la relation avec Santé Canada et, dans une mesure moindre, avec Développement des ressources humaines Canada, et ce sont là des façons par lesquelles, même dans les provinces qui ne sont pas particulièrement coopératives avec l'objectif fédéral sincère de réduire ou éliminer la pauvreté chez les enfants canadiens, le gouvernement fédéral peut constituer une force positive et assurer que des objectifs nationaux soient remplis, sinon avec, du moins en dépit, des provinces. S'il vous plaît, poursuivez votre leadership, vos partenariats et vos exigences ou normes élevées et commencez à réinvestir encore plus sérieusement dans les enfants démunis.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Conrad.

• 1345

Nous passons maintenant au dernier intervenant, Brian Bechtel, directeur général de l'Edmonton Social Planning Council.

M. Brian Bechtel (directeur général, Edmonton Social Planning Council): Bonjour et merci de votre invitation à prendre la parole ce matin.

Nous avons entendu quelques exposés très éloquents sur la pauvreté ce matin et je vais poursuivre dans la même veine.

Je commencerai par dire que nous avons ici un débat national sur la pauvreté. Un programme national-provincial de lutte contre la pauvreté qui doit démarrer en juillet prochain, mais nous n'avons pas de seuil de pauvreté national. Il n'y a pas de consensus dans ce pays sur ce qu'est la pauvreté. Nous avons le seuil de faible revenu, ou SFR, de Statistique Canada. Ce n'est pas un seuil de pauvreté et cet indicateur n'a pas de crédibilité en tant que seuil de pauvreté. Les Américains ont un seuil de pauvreté.

Une étude poussée a été effectuée par un comité présidé par la députée Barbara Greene en 1993 sur toute la question de savoir comment mesurer et évaluer la pauvreté. À ma connaissance, il n'y a pas eu de suivi. Je n'étais pas tout à fait d'accord avec ses résultats, mais le comité a néanmoins fait ressortir que nous ne savons toujours pas ce qu'est la pauvreté, exprimée en dollars. Combien faut-il pour vivre? Quel est le minimum social dans ce pays?

Tant que nous n'aurons pas cet indicateur, je pense que tous nos programmes continueront à suivre l'ancien modèle où l'on mesure l'action entreprise en fonction des crédits engagés et non pas en fonction du nombre d'enfants effectivement arrachés à la pauvreté. C'est ce que le groupe national Campagne 2000, dont notre conseil est un partenaire, dit depuis toujours. Aucun palier de gouvernement n'a jamais pris d'engagement quant au nombre d'enfants qu'il veut arracher à la pauvreté.

Le problème avec le SFR a toujours été que les critiques conservateurs tels le Fraser Institute et la Canada West Foundation, ici en Alberta, prétendent que cet indicateur surestime le nombre de démunis, qu'il occulte les améliorations réelles.

Dans une ville de la taille d'Edmonton, pour une famille de quatre, le seuil de faible revenu est d'environ 33 000 $. Eh bien, les gens que nous voyons dans les banques alimentaires et dans les organismes d'aide rêvent d'un revenu de 33 000 $. C'est une somme qui dépasse largement leur compréhension. Nous n'avons pas affaire à des gens dans la fourchette de 24 000 $ à 50 000 $; nous voyons des gens qui ont 6 000 $, 8 000 $ ou 10 000 $ par an.

Je vous ai remis un bref extrait d'une étude que l'Edmonton Social Planning Council a publiée il y a tout juste quelques semaines. Nous avons dit: «Bon, d'accord, vous n'aimez pas le SFR. Jetons un coup d'oeil sur la moitié du seuil de faible revenu pour Edmonton». Nous avons constaté un certain nombre de choses qui ont tout à fait confirmé notre sentiment que les gens s'appauvrissent, tombent plus bas, même ceux gagnant déjà moins que le SFR.

Nous avons constaté qu'à partir de 1993, qui est l'année des grandes réformes des services sociaux en Alberta, jusqu'en 1995, le nombre des familles vivant avec moins de la moitié du seuil de pauvreté ou du SFR a pratiquement doublé, passant de 2,5 p. 100 à 4,9 p. 100. Les familles monoparentales, principalement celles dirigées par des femmes, sont passées de 6,6 p. 100 à 17,1 p. 100 au cours de la même période de trois ans. Ce sont là les données les plus récentes, celles de 1995. Nous n'avons aucune raison de penser que la tendance ne s'est pas poursuivie en 1996 et 1997. Le nombre a presque triplé; il y avait presque trois fois plus de familles dans cet état de dénuement extrême.

Nous avons considéré ensuite le nombre des enfants, et constaté que le nombre des enfants dans cette situation a spectaculairement augmenté. Nous estimons qu'environ 15 000 enfants de plus, rien qu'à Edmonton, vivent avec moins de la moitié du seuil de pauvreté, rien qu'au cours de cette période de trois ans.

Nous voyons donc que les pauvres s'appauvrissent davantage. Personne n'a jamais pu me montrer aucune donnée qui me convainque du contraire. Ce ne sont pas juste des paroles. Ce sont des données sur les contribuables ou les données du recensement de Statistique Canada. Les pauvres, s'ils ne remplissent pas de déclaration d'impôt, ne figurent même pas dans ces statistiques, sauf peut-être dans celles du recensement. S'ils n'ont pas le téléphone, ils n'apparaissent pas. La moitié de ceux qui fréquentent les banques alimentaires n'ont pas le téléphone.

Donc, ces chiffres sous-estiment peut-être même la population la plus indigente d'Edmonton.

Je vous dis cela parce qu'Edmonton devient rapidement une zone de pauvreté intense dans cette province. C'est le résultat des réformes du régime social et nos programmes nationaux doivent en tenir compte.

Si l'on prend les paiements de transfert aux enfants, on voit qu'ils ont diminué à l'échelle nationale. Ils étaient déjà inférieurs en Alberta pour commencer, et ils y ont baissé encore plus vite. Les enfants de l'Alberta, en moyenne, reçoivent environ 20 p. 100 de moins sous forme de paiements de transfert que dans le reste du pays.

Tout ceci vient renforcer ce que vous avez déjà entendu ce matin, à savoir que l'Alberta mène une politique sociale qui a abandonné les pauvres et abandonné les plus indigents. Il n'y a pas deux façons de dire les choses.

• 1350

Le Transfert canadien en matière de santé et de sécurité sociale, qui a remplacé le régime d'assistance du Canada il y a 18 mois environ... Le régime précédent comportait des garde-fous. Ils étaient insuffisants, mais il y avait quand même certaines garanties concernant l'utilisation faite des fonds fédéraux. Le Transfert a abandonné les pauvres. La seule condition attachée aux crédits est la contrainte de résidence, si bien que lorsque la Colombie-Britannique a mis en vigueur sa période de carence de trois mois, cela a été déclaré impossible. Il n'y a aucune autre condition. Le gouvernement provincial peut faire absolument ce qu'il veut, et ne s'en prive pas, et adopte une approche extrêmement idéologique et dogmatique de la pauvreté. C'est absolument évident.

Nous aussi applaudissons la prestation nationale pour enfants. C'est un pas dans la bonne direction. Une autre chose que le gouvernement fédéral peut faire est de demander ce qui est nécessaire. Quel est le seuil de pauvreté dans ce pays? Quel est notre seuil social, la ligne en dessous de laquelle nous ne laisserons pas sombrer les gens?

Je vous encourage donc et applaudis le leadership que nous avons vu jusqu'à présent, mais je vous encourage également à ne pas faire confiance aux provinces, à ne pas compter qu'elles feront toujours le nécessaire. Or, justement, le ministre Pettigrew, lorsqu'il était le ministre responsable, disait que les collectivités surveilleront. Dans cette province, aucun de ceux qui ont pris la parole aujourd'hui ne peut rencontrer le ministre des Services sociaux. Je ne suis pas sur sa liste A. Il n'écoute pas ce que dit la collectivité.

Nous avons besoin du gouvernement fédéral. Ces gens sont des Edmontoniens. Ils sont des Albertains, mais ils sont aussi des Canadiens. Songez-y lorsque vous investirez dans les enfants, comme vous avez dit vouloir le faire. Nous avons besoin de la présence du gouvernement fédéral. Je pense que l'une des forces de la fédération canadienne est que nous avons des pouvoirs qui peuvent se contrebalancer. Parfois, il faut taper un peu plus fort sur l'épaule de l'autre et lui demander ce qui se passe.

Le président: Je vous remercie.

Nous allons maintenant passer à la période des questions. Monsieur Solberg.

M. Monte Solberg: Merci beaucoup, monsieur le président.

Je voudrais tout d'abord apporter un rectificatif. Je pense que Mme Savage a évoqué le crédit d'impôt pour enfants, en indiquant que ceux qui ne paient pas d'impôt sur le revenu n'en bénéficient pas. Mais c'est un crédit remboursable, si bien que les personnes reçoivent un chèque par la poste s'ils ne paient pas d'impôt sur le revenu. C'est là un point important et il est important que les gens le sachent.

Je commencerai par dire que lorsqu'il y a pénurie de crédits pour les programmes sociaux, il est très important que l'argent soit concentré sur les plus nécessiteux. Je ne sais pas si le gouvernement fédéral applique ce principe dans ses programmes sociaux, mais je pense que c'est un principe important et qui s'impose.

Une chose qui m'apparaît clairement en écoutant tout le monde ici, c'est que si la pauvreté est certes un énorme problème, la meilleure chose que l'on puisse faire c'est encore de la prévenir. J'ai l'impression qu'une fois que les gens sont dans le dénuement et plongés dans une situation désespérée, il est beaucoup plus difficile de les en sortir que si on avait évité qu'ils y tombent en premier lieu. Il me semble qu'il faut trouver des moyens de créer des emplois pour que les gens ne se retrouvent pas dans cette situation, une façon de soulager le fardeau des familles qui trop souvent se séparent pour de mauvaises raisons. J'ai l'impression que souvent les familles éclatent en raison d'énormes tensions financières.

Cela m'amène à ma question, que je vais adresser à M. Genvis. Si quelqu'un d'autre souhaite répondre, n'hésitez pas à intervenir.

Dans l'état actuel des choses, lorsque vous avez deux familles ayant un revenu identique, l'une où un seul parent travaille et l'autre où les deux travaillent, celle à deux revenus jouit d'un allégement fiscal plutôt substantiel. J'aimerais que M. Genvis y réfléchisse un peu et nous dise de quel ordre est cet écart, s'il connaît le renseignement. Combien d'impôt paie la famille typique à un seul revenu comparée à la famille à deux revenus, pour un montant de ressources identiques?

M. Mark Genvis: Il y a deux éléments à considérer et, vu l'heure, je garderai ma réponse brève. Premièrement, si vous prenez par exemple une famille à un seul revenu gagnant 40 000 ou 50 000 ou 60 000 $ et une famille à deux revenus touchant exactement le même montant, en général, pour autant que je sache, la première paiera plus de 1 000 $ de plus, soit de l'ordre de 50 p. 100 de plus en impôt, que la famille à deux revenus. Voilà le premier aspect.

• 1355

Donc, s'agissant de gens qui sont déjà à un niveau de revenu moyen ou moyen-inférieur—et une bonne partie de la discussion ici a tourné autour de la pauvreté—ce que vous faites à cette famille qui soit tient à s'occuper elle-même de ses enfants ou qui est incapable de trouver un deuxième emploi, l'un ou l'autre, c'est de la pénaliser beaucoup plus fortement. Ainsi, comme on l'a vu, on la rapproche beaucoup plus d'une situation de pauvreté.

Le deuxième élément est que lorsque des personnes, que ce soit le père ou la mère, décident—dans les cas où il s'agit d'un libre choix,—de quitter un emploi rémunéré pour s'occuper à plein temps des enfants, nous devons réaliser que c'est là une contribution substantielle à la société. Non seulement cette famille renonce-t- elle aux allégements fiscaux, si vous voulez, mais elle se prive également d'un revenu. Par exemple, la famille à un seul revenu disposant de 40 000 $ par an pourrait atteindre 60 000 $ si l'autre parent pouvait ramener 20 000 $ de plus, ou quel que soit le chiffre. Donc, elle ne paie pas seulement un taux d'impôt supérieur. Elle doit quand même acheter des jouets et encourir toutes sortes de dépenses pour l'éducation des enfants et elle va renoncer à tout un revenu pour s'occuper de ses enfants et apporter cette contribution substantielle.

C'est un énorme problème. Ces personnes sont gravement pénalisées.

Le président: Monsieur Desrochers.

[Français]

M. Odina Desrochers: J'aimerais d'abord dire à M. Arès que nous sommes très sensibles à ce qu'il nous a dit aujourd'hui et, d'autre part, que les compressions budgétaires à Radio-Canada ont également pénalisé certaines régions éloignées du Québec. Je transmettrai vos revendications à notre critique officiel des langues, le député Louis Plamondon.

J'aimerais maintenant formuler un autre petit commentaire pour féliciter tous ceux et celles qui travaillent pour aider les pauvres. Ce ne sont pas des situations faciles. Nous constatons, surtout depuis le début de cette tournée, que les compressions qui ont été faites, particulièrement au chapitre des transferts aux provinces, ont contribué à hausser le taux de la pauvreté partout au pays.

Madame Cuthill, je vous félicite d'abord de l'initiative que vous avez prise de lancer aujourd'hui l'opération pauvreté zéro. Cela signifie que si jamais vous atteignez votre objectif, l'économie de notre société sera en parfaite santé. Nous avons toutefois beaucoup de chemin à parcourir avant d'atteindre cet objectif. Selon vous, qui devrait assumer ce leadership? Est-ce que ce devrait être les provinces, le gouvernement fédéral ou un partenariat privé, social, provincial ou fédéral?

[Traduction]

Mme Midge Cuthill: Pourriez-vous répéter la dernière partie de la question?

[Français]

M. Odina Desrochers: Qui devrait assumer le leadership?

[Traduction]

Qui devrait assumer le leadership: le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial ou les organisations sociales?

Mme Midge Cuthill: Je pense qu'il faudrait que ce soit une combinaison de tous ces paliers. Si nous ne travaillons pas de concert, nous ne parviendrons pas à changer les choses. Nous pouvons commencer par intervenir dans nos collectivités et travailler à la base, et c'est ce que nous faisons. Nous accomplissons des progrès avec les pauvres eux-mêmes. Mais nous savons que nous n'y arriverons pas seuls, si bien qu'il faut collaborer.

D'après ce que je crois savoir, le gouvernement fédéral envisage de transférer des fonds aux gouvernements provinciaux. À en juger d'après ce que ces derniers ont fait jusqu'à présent, si on va leur faire confiance, les choses vont encore empirer. Nous savons donc qu'il nous faut travailler de concert là-dessus, avec une représentation non seulement des dirigeants, mais aussi des intéressés eux-mêmes. Il faut que ce soit un effort concerté. Le leadership doit donc être un leadership combiné.

Le président: Monsieur Riis.

M. Nelson Riis: Merci beaucoup, monsieur le président.

Nous avons entendu une série d'exposés très émouvants dont ressortent deux ou trois thèmes communs. Premièrement, le gouvernement de cette province est un gouvernement brutal, un gouvernement cruel. Moi, je peux le dire; vous, vous ne pouvez pas. Si, vous pouvez peut-être le dire.

• 1400

Pour ce qui est de votre idée d'adopter une politique de tolérance zéro à l'égard de la pauvreté, ce qui va beaucoup plus loin que de prévenir la pauvreté à l'avenir, je me souviens qu'en 1989 le Parlement a adopté une motion visant à éliminer la pauvreté des enfants d'ici l'an 2000. Bien évidemment, depuis lors, celle-ci n'a fait que gagner en ampleur. Nous avons beaucoup de chemin à faire.

Je veux simplement vous remercier de vos interventions passionnées. Ceux qui se soucient d'autrui et se sentent concernés font des discours qui reflètent cette passion.

Normalement, autour de ces tables, le capital est bien représenté, pas très passionnément, mais bien. Le peuple n'est pas aussi bien représenté, et surtout pas les pauvres, et c'est pourquoi je veux simplement vous remercier d'avoir esquissé ce qui sera peut-être une direction importante pour notre comité lorsque nous déposerons notre rapport. Nous pourrions peut-être suggérer qu'une façon merveilleuse de mesurer à quel point notre pays est merveilleux—ce qu'il est—serait de prendre des mesures sérieuses pour éliminer la pauvreté des enfants et la pauvreté en général.

Le président: Je vous remercie, monsieur Riis. Monsieur Jones.

M. Jim Jones: Je vous remercie, moi aussi, de vos exposés. Je n'ai pas réellement de question à poser à aucun de vous. J'ai trouvé que vous avez tous été très éloquents. J'ai été un peu surpris d'entendre... Je pensais que la responsabilité de ce problème incombait à la province et je pensais que la province s'en occupait. Je suis un peu déçu.

Je considère, néanmoins, qu'il nous faut équilibrer nos budgets. Il nous faut réduire les déficits, car lorsque nous dépensons 48 milliards de dollars pour le service de la dette, c'est de l'argent qui ne peut être consacré à des programmes susceptibles d'améliorer la condition des citoyens ou financer un bon système de santé. Cinquante p. 100 du service de notre dette aujourd'hui va à des banques allemandes et japonaises. Il faut mettre fin à cela et se débarrasser de ce qui est le plus gros poste de dépenses du gouvernement fédéral. Il est important de le faire.

J'ai vécu des moments difficiles il y a quelques années lorsque je travaillais dans une grosse compagnie dont je pensais— et je le pense toujours—qu'elle est l'une des meilleures au monde, mais nous avons été ramenés à l'humilité. Nous étions peut-être arrogants dans les années 70 et 80, mais nous avons presque été mis à genoux. Nous avons dû effectuer une douloureuse restructuration. Cela a été fait, et la société l'a fait avec humilité et respect pour l'individu. Ce sont des qualités que l'on ne retrouve pas nécessairement aux divers paliers de gouvernement. La société dont je parle est IBM. J'ai trouvé que nous avons fait un excellent travail. Nous avons opéré toutes les coupures difficiles, et elle a retrouvé la santé. Elle ne gagne pas autant d'argent qu'elle en avait coutume, mais elle emploie beaucoup plus de monde et elle est beaucoup plus dynamique.

Ce que j'ai dit à Vancouver et en d'autres lieux... Une motion a été adoptée au Parlement, mais sans être suivie d'effet. Dans cette législature, il y a beaucoup de comptables et d'économistes et je pense que nous savons gérer la dette et le budget. Nous pouvons faire toutes ces choses. Le plus difficile est de remettre les Canadiens au travail. La vaste majorité des Canadiens veulent travailler. Et ceux qui ne le peuvent pas, nous devons nous en occuper.

Il faudrait fixer un objectif réaliste. L'objectif de 5 p. 100 de chômage, couper le chômage en deux, le faire passer de 9 p. 100 à 5 p. 100 au cours des quatre prochaines années, voilà qui serait un bon objectif pour les 301 députés de cette 36e législature. C'est là-dessus que nous devrions nous concentrer.

Nous n'aimons pas voir ou même entendre des présentations comme celles que vous avez faites, mais je les apprécie réellement. En tant que conservateur, je travaillerai en ce sens, car j'ai une conscience sociale, mais j'estime aussi que nous devons payer nos factures au fur et à mesure. Si nous l'avions fait au lieu d'hypothéquer l'avenir, nous ne serions pas dans cette triste situation. Je pense que nous commençons à remonter la pente, mais nous ne pouvons nous relâcher, car nous vivons dans un monde sans frontières très concurrentiel. Si nous voulons être compétitifs dans ce monde, nous devons faire preuve de beaucoup de prudence, mais nous devons également satisfaire les besoins de tout le monde dans ce pays.

Je vous remercie de vos exposés. Je suis heureux que vous soyez tous venus aujourd'hui.

Le président: Je vous remercie, monsieur Jones. Madame Redman.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.

• 1405

Je veux remercier tous les témoins d'être venus. Sachez que nous avons entendu une intervention très passionnée au nom des pauvres, hier à Vancouver, et que vous n'êtes donc pas seuls.

J'ai constaté autour de moi que la plupart des politiciens sont là pour des raisons honorables. L'une des raisons pour lesquelles nous sillonnons le pays avec ce comité, c'est que nous voulons prendre le pouls des Canadiens, et nous apprécions que vous soyez venus.

Il semble, à vous entendre, que les choses vont très mal dans cette province. Madame Savage, vous avez abordé un aspect qui est soulevé également dans ma province de l'Ontario. Il nous faut rechercher des partenariats avec nos homologues provinciaux. Chaque fois que l'on a un partenaire, on partage sa vision. Il y a un risque dans cela, c'est sûr, mais je suis aussi persuadée que ce risque doit être partagé avec la collectivité, avec le palier municipal, en sus des paliers provincial et fédéral. Manifestement, en l'occurrence, le gouvernement fédéral est peut-être celui qui doit assurer le leadership, mais je partage votre préoccupation concernant les effets sur les salariés pauvres et les assistés sociaux, sur le plan de la prestation pour enfants.

J'ai également apprécié la remarque qui a été faite au sujet du seuil de pauvreté. C'est une remarque judicieuse. On demande au gouvernement de fonctionner de plus en plus comme une entreprise, et je pense que c'est là un point repère qu'il serait bon que le gouvernement adopte.

J'ai une question qui s'adresse au révérend Miller. Vous vous êtes dit opposé au programme de la prestation nationale pour enfants, compte tenu des autres besoins. Je dois vous dire que moi- même j'en suis très partisane, car je pense que c'est l'une des façons de concrétiser le fait que dans un partenariat on partage une vision, et c'est un programme qui canaliserait directement des fonds vers les enfants démunis. J'aimerais donc que vous précisiez un peu votre position.

Le révérend Miller: Je n'ai pas dit sur cette page que je suis opposé au programme. Je pense que c'est un problème de reddition de comptes. Des critères sont prévus, mais y a-t-il un mécanisme de reddition de comptes au gouvernement fédéral quant à la manière dont les provinces utilisent cet argent? C'est l'un des problèmes.

Il y a deux problèmes, en fait. Il me semble que les catégories à faible revenu et aussi les assistés sociaux n'ont pas assez de ressources pour subvenir aux besoins de leurs enfants. Les fonds versés aux provinces aux fins de l'aide sociale... mais alors, cela libère des fonds qui vont être dépensés pour d'autres types de programmes. Cela signifie que l'argent ne va pas directement aux familles démunies. Voilà le problème que je vois.

C'est bien joli d'avoir ces programmes supplémentaires et de nourrir les enfants dans les écoles etc., mais il est inacceptable que des gens soient si pauvres qu'ils doivent confier leurs enfants à des familles d'accueil. Comment faire pour que la province doive rendre compte au gouvernement fédéral sur l'usage qu'elle fait de l'argent?

Mme Karen Redman: Le partenariat que nous mettons sur pied avec les provinces—et nous sommes toujours en négociation—prévoit qu'elles réinvestiraient ces sommes dans des programmes comparables d'aide aux enfants, de façon à ce que cela ne revienne pas à prendre dans une poche et à la mettre dans une...

Le révérend Miller: Je crois savoir que l'un des critères est l'emploi. Il serait très facile pour le gouvernement albertain de simplement canaliser l'argent vers des programmes de création d'emplois, jugeant que c'est une solution suffisante. Mais les gens qui ne sont pas en mesure de jamais occuper un emploi resteront complètement en plan.

Je ne suis pas réellement satisfait de la manière dont les critères sont définis. Ensuite, il y a le problème de la reddition de comptes. Le gouvernement fédéral semble avoir un excès de confiance. Il laisse faire les provinces, sans qu'elles aient de comptes à rendre. À mes yeux, ce n'est pas acceptable. Aussi, pendant que l'on met la dernière main au programme, pourrait-on ajouter un bon mécanisme de reddition de comptes?

Mme Karen Redman: Certainement. Je ne veux pas parler au nom des responsables de la négociation, mais si vous avez des idées ou des critères précis, je pense qu'ils seraient bien accueillis.

Le président: Merci beaucoup, Révérend.

Cela a été une excellente table ronde. Je pense que l'élément humain du débat est très bien ressorti, et il est très important que nous ne le perdions pas de vue dans nos déplacements à travers le pays et au moment de faire nos recommandations au ministre.

Je veux également vous donner l'assurance que ce comité est convaincu que la croissance et l'opportunité économiques n'ont pas nécessairement pour corollaire un coût humain. Je pense que l'on peut ouvrir les perspectives tout en conservant la sécurité pour les êtres. Voilà le genre de cadre auquel nous songeons.

• 1410

Au nom des membres du comité, je veux sincèrement vous remercier pour ce que je considère comme une excellente table ronde, ce matin à Edmonton.

La séance est levée.