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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON CITIZENSHIP AND IMMIGRATION

COMITÉ PERMANENT DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 3 novembre 1999

• 1535

[Traduction]

Le vice-président (M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.)): La séance est ouverte.

Il semble que M. Fontana soit en route, ce qui me permettra de participer à nouveau au débat avec M. Ménard et les autres. Sans plus tarder, nous devrions peut-être commencer.

Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous étudions tous les aspects du processus de détermination du statut de réfugié et des migrants clandestins.

Notre premier point à l'ordre du jour devrait être l'adoption d'un rapport du sous-comité, mais nous devrons attendre, puisque nous n'avons pas le quorum. Commençons donc par entendre les témoins. Nous accueillons cet après-midi le sous-ministre adjoint au Développement des politiques et programmes du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, M. Greg Fyffe. Il est accompagné de la sous-ministre adjointe aux Opérations, Martha Nixon; de la directrice générale à l'exécution de la loi, Elizabeth Tromp; et du directeur général, réfugiés, Gerry Van Kessel. Bienvenue, mesdames et messieurs. J'ai entendu dire que vous aviez besoin de 20 minutes environ.

Je vais d'abord donner la parole à M. Fyffe. Avez-vous besoin de 20 minutes chacun, ou est-ce pour vous tous?

M. Greg Fyffe (sous-ministre adjoint, Développement des politiques et programmes, Citoyenneté et Immigration Canada): Nous aurons besoin de 20 minutes au plus. Je commencerai l'exposé, puis Mme Nixon enchaînera, mais nous ne comptons pas prendre plus de 20 minutes.

Le vice-président (M. Steve Mahoney): Bien, après quoi nous aurons sans doute des questions à vous poser.

M. Greg Fyffe: Merci, monsieur le président. Nous avons distribué une liasse de documents que j'aborderai, dans le cadre de l'étude qu'on vous a demandé d'effectuer, comme vous l'avez dit.

Nous voulons vous expliquer aujourd'hui le processus de détermination du statut de réfugié et certaines questions connexes. Nous vous offrons toute notre collaboration dans votre étude sur la question. Nous vous fournirons avec plaisir toute information supplémentaire qui pourra vous être utile.

Aujourd'hui, je vais vous donner un aperçu de la façon dont le processus de détermination de statut de réfugié fonctionne au Canada. Je vous décrirai également certains des problèmes liés à la contrebande de personnes, et je vous exposerai brièvement les mesures législatives qui ont été proposées en janvier dernier en guise de réforme et qui pourraient vous aider dans votre réflexion.

Ma collègue, Martha Nixon, vous parlera ensuite de l'arrivée des réfugiés par bateau en Colombie-Britannique et vous expliquera comment nous avons réagi dans cette situation particulière.

L'information que nous vous transmettons aujourd'hui est assez générale. Nous espérons que vous nous direz aujourd'hui quels sont les aspects de la situation qui vous intéressent particulièrement, pour que nous puissions vous donner plus de renseignements au cours de nos prochaines rencontres.

En 1998, nos bureaux ont choisi à l'étranger pour des fins de rétablissement quelque 7 382 réfugiés parrainés par le gouvernement et 2 140 parrainés par des particuliers. Le processus actuel est suivi au Canada de la détermination du statut de réfugié repose sur nos engagements internationaux pris en vertu de la Convention de Genève sur les réfugiés et repose aussi sur la Charte des droits et libertés qui garantit au requérant le droit d'être entendu par les preneurs de décisions. Les demandes de statut de réfugié sont entendues par la Division du statut de réfugié au sens de la Convention de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié et par un tribunal administratif quasi-judiciaire qui est indépendant du ministère de l'Immigration et qui rend directement des comptes au ministre.

La CISR signale qu'au cours de l'année civile 1998, elle a accepté 44 p. 100 des demandes, en a refusé 35 p. 100, et que 21 p. 100 d'entre elles ont été retirées ou abandonnées.

Vous trouverez à la troisième page de la liasse de documents un diagramme de notre processus: lorsque quelqu'un réclame le statut de réfugié au Canada, c'est un agent d'immigration principal qui décide si la demande du requérant est admissible et peut être renvoyée à la Division du statut de réfugié au sens de la Convention de la CISR pour qu'il y ait jugement. En vue d'établir la décision relative à la recevabilité, on effectue d'abord un tri quant à la sécurité et aux antécédents criminels, ce qui permet d'éliminer quiconque est réputé être un danger pour la population ou quiconque qui a pris part à des actes de terrorisme ou à des crimes contre l'humanité. Chaque année, de 100 à 120 cas sont considérés irrecevables au titre du statut de réfugié pour ces motifs, ce qui permet de renvoyer ces personnes.

C'est la CISR qui décide si les revendicateurs sont des réfugiés au titre de la Convention. Ceux qu'elle considère comme étant des réfugiés au titre de la Convention peuvent demander à s'installer en permanence au Canada. Conformément aux garanties qu'impose la notion d'application régulière de la loi dans la Charte des droits et libertés, ceux qui ne sont pas considérés comme des réfugiés au titre de la Convention peuvent demander aux tribunaux fédéraux la révision judiciaire de la décision négative de la part de la CISR.

Les revendicateurs dont la demande a été refusée peuvent également demander un droit d'établissement dans le cadre d'un examen des risques consécutifs à la demande, examen qui tente d'établir si l'intéressé, même s'il ne répond pas à la définition du réfugié au titre de la Convention, pourrait être persécuté, c'est-à-dire torturé ou détenu de façon arbitraire à son retour dans son pays, ou qui tenterait d'établir si l'intéressé a des liens familiaux au Canada, ce qui pourrait permettre d'invoquer des motifs humanitaires et de compassion.

• 1540

Ceux dont la demande a été rejetée et qui ont épuisé tous les recours ont 30 jours pour quitter le Canada volontairement, après quoi le ministère peut les renvoyer.

La contrebande de personnes par le crime organisé est à la hausse, et ce pour diverses raisons: À cause de l'accélération des déplacements de population dans le monde; à cause de l'écart grandissant entre les nantis et les démunis, ce qui explique qu'un grand nombre de migrants pauvres cherchent à venir en Amérique du Nord; et à cause des profits démesurés que tire le crime organisé de la contrebande de personnes.

On a assisté récemment à plusieurs arrivées par bateau sur les côtes de la Colombie-Britannique, ce qui était inédit; toutefois, les niveaux d'arrivée que nous avons connus à ce jour ne se comparent à rien à ceux qu'ont connus l'Australie et les États- Unis. Ainsi, le gouvernement australien a fait savoir qu'entre juillet et octobre dernier, quelque 926 personnes étaient arrivés illégalement en Australie à bord de 28 bateaux. On estime donc qu'à ce rythme, plus de 2 500 personnes pourrait parvenir par bateau en Australie cette année. Au cours des 18 derniers mois, les États- Unis ont intercepté pour leur part 20 bateaux transportant plus de 1 200 personnes.

Si on regarde maintenant l'accès au Canada, la proportion des demandes abandonnées—21 p. 100—laisse croire qu'une certaine proportion de ces demandeurs se servent du système canadien de détermination de statut de réfugié pour mettre le pied en Amérique du Nord. Plus de la moitié des demandeurs de statut de réfugié ne présente ni passeports ni autres documents de voyage légitimes au moment où ils réclament le statut de réfugié. La grande majorité de ces demandeurs n'ont aucune autre pièce d'identité.

Il est concevable que ceux qui ont besoin d'être protégés puissent avoir besoin de faux documents pour pouvoir quitter un pays qui exerce un certain contrôle à ces frontières et pour pouvoir se rendre vers une destination sûre; toutefois, l'absence de pièce d'identité au moment de faire la revendication du statut de réfugié au Canada soulève des questions de crédibilité, puisque le demandeur a eu besoin de documents de voyage pour pouvoir monter à bord d'un appareil ou pour pouvoir entrer dans un pays voisin du Canada. L'incapacité pour nous d'établir l'identité rend d'autant plus complexe notre tâche de déterminer si ces gens constituent une menace pour la sécurité du Canada ou s'ils sont inadmissibles pour d'autres raisons, telles que des antécédents criminels.

Passons à la détention: Notons d'abord que personne n'est détenu arbitrairement. Les non-citoyens sont détenus pour des raisons spécifiques énoncées dans la Loi sur l'immigration, notamment qu'il est impossible d'établir leur identité, qu'ils risquent de s'évader, ou qu'ils constituent un danger pour la population.

En outre, les motifs de détention sont revus régulièrement par un arbitre de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, qui agit à titre indépendant. Les arbitres doivent décider lors de chaque examen s'il est judicieux de libérer le demandeur en question ou s'il vaut mieux maintenir la détention. La ligne qui sépare d'une part, les droits de l'individu et, d'autre part, les intérêts de l'État s'est déplacée au fil des ans, de sorte que plus longtemps la détention dure, et plus le gouvernement se voit obligé de la justifier.

Si CIC détient des individus parce qu'il croit qu'ils ne se présenteront pas pour la formalités d'immigration, les arbitres doivent alors se demander s'ils maintiendront la détention tout au long des formalités en vue de l'immigration. Dans le cas d'individus détenus avant leur renvoi, il est d'autant plus probable que la détention sera maintenue, puisque le renvoi a souvent lieu quelques jours ou quelques semaines plus tard. Toutefois, dans le cas de personnes détenues parce que l'on a des motifs raisonnables de croire qu'ils ne se présenteront pas lors des audiences du statut de réfugié, on a de plus en plus tendance à les libérer, étant donné que l'étude de leur cas peut prendre des mois.

Le système quasi judiciaire de détermination du statut de réfugié protège les droits individuels, mais peut être très long, étant donné que chaque décision peut faire l'objet d'une révision judiciaire. Toute la démarche peut prendre de 16,5 à 20 mois, ou encore plus parfois, si les demandeurs à qui on a refusé le statut de réfugié invoquent le processus de révision postérieur des revendications refusées.

Pour traiter ces cas, il faut 30 jours pour que CIC renvoie le dossier à la CISR; 35 jours pour que le demandeur dépose sa formule de renseignements personnels dûment remplie, sur laquelle repose la demande du statut de réfugié; 10 mois pour obtenir la décision de la CISR; et 15 jours pour déposer une demande de contrôle judiciaire auprès d'un tribunal fédéral, si la décision de la CISR est négative. Ce délai de 15 jours se décompte parallèlement à l'autre délai de 30 jours nécessaire pour déposer une demande d'évaluation postérieure des risques, évaluation qui prendra à CIC sept mois, tandis qu'il faudra de quatre à six mois au tribunal fédéral pour décider s'il accordera la révision judiciaire de la décision négative de la CISR.

Dans l'ensemble, quelque 10 p. 100 des demandes de révision judiciaire sont accordées, et la révision judiciaire est parfois couronnée de succès. La longue durée de tout le processus est pénible pour ceux qui ont besoin d'être protégés et compromet également la validité du système, puisqu'elle permet à ceux qui choisissent d'en abuser de rester au Canada de façon prolongée.

• 1545

Toute aide juridique relève des provinces, et certaines préoccupations ont été émises au sujet des coûts que représente le financement des recours juridiques pour les revendicateurs du statut de réfugié qui sont détenus, et de façon plus générale, au sujet de toute une série de questions découlant de l'aide juridique. Le renvoi peut prendre des années lorsqu'il y a des suspensions ordonnées par les tribunaux, lorsqu'il est difficile d'obtenir des documents de voyage du pays d'origine, et lorsque l'intéressé fait preuve de manque de collaboration. Je sais que votre comité s'est déjà intéressé à ces questions lorsqu'il étudiait les renvois.

Dans le cadre de l'examen législatif en cours, le gouvernement envisage sérieusement d'imposer toute une série de mesures visant à rendre plus intègre le système de détermination du statut de réfugié, notamment en augmentant les amendes pour qu'elles correspondent de façon accrue aux amendes imposées aux trafiquants de drogue, en saisissant les actifs des passeurs de réfugiés pour que cela serve d'agent de dissuasion, et en augmentant la durée de détention.

Actuellement, 8 p. 100 des demandeurs du statut de réfugié—c'est-à-dire 2 000 par année environ—arrivent sans document et refusent de coopérer. Par exemple, ils peuvent refuser d'identifier la compagnie aérienne qui les a transportés ainsi que l'itinéraire suivi, et peuvent refuser de nous aider à établir leur identité. Après tout, beaucoup d'entre eux ont des titres de voyage lorsqu'ils commencent leur périple vers le Canada, mais leurs documents disparaissent et sont souvent retournés aux passeurs, en cours de route. On peut donc détenir ces personnes pendant un certain temps, sous réserve des résultats de la révision judiciaire, tant que leur identité n'a pas été établie.

Il faudrait également renforcer le réseau canadien des agents de contrôle d'immigration, afin de décourager encore plus toute immigration illégale. Je parle ici des agents en poste à l'étranger, dont les vérifications de sécurité pourraient être accrues et pourraient être effectuées au moment où les demandes sont présentées, ce qui permettrait de renvoyer plus rapidement ceux dont la demande de protection n'a pas été acceptée. Nous suggérons également que la prise de décision soit unifiée à la CISR, c'est-à-dire que tous les motifs de protection soient examinés en une seule démarche. Des motifs de protection élargis pourraient inclure les conventions internationales, dans les cas où le refoulement pourrait avoir comme conséquence de mettre en danger la vie et la sécurité physique d'une personne. On pourrait inclure, par exemple, la convention contre la torture.

Nous prenons également davantage d'interventions ministérielles à la CISR, pour faire en sorte que les preneurs de décisions ont en main l'information la plus complète qui soit. On envisage de plus des mesures supplémentaires pour faire face à l'arrivée des réfugiés par bateau; ces mesures pourraient être incorporées aux mesures législatives en vue de la réforme. Toutefois, le moment le plus approprié pour déposer la panoplie de mesures législatives n'a pas encore été choisi.

Pour ce qui est des initiatives internationales, étant donné que 58 p. 100 des revendicateurs du statut de réfugié qui se présentent aux points d'entrée proviennent des États-Unis, il est d'autant plus important que nous travaillions de concert avec nos partenaires américains. L'initiative sur la frontière commune avec les États-Unis vise justement à faire face au problème de la traversée de la frontière dans les deux sens par des gens qui ont réussi à mettre le pied en Amérique du Nord.

La déclaration sur la compréhension mutuelle et le partage d'informations récemment signée nous permettra de mieux échanger l'information sur la contrebande de personnes. CIC joue un rôle actif dans l'élaboration de deux protocoles onusiens contre la contrebande de migrants et le trafic de personnes, particulièrement de femmes et d'enfants, dans le cadre de la convention des Nations Unies sur la lutte contre le crime organisé transnational.

Le protocole a pour objectifs de criminaliser la contrebande et le trafic et de promouvoir la coopération entre les États dans leur lutte contre le crime transnational. De plus, CIC et la GRC travaillent de concert avec le gouvernement de la Chine pour limiter les activités des passeurs de réfugiés. Voilà pourquoi une mission comprenant des dirigeants de CIC et de la GRC s'est rendue récemment en Chine pour entamer les discussions.

Je demande maintenant à ma collègue Martha Nixon de vous parler de l'arrivée de bateaux de réfugiés en Colombie-Britannique.

Mme Martha Nixon (sous-ministre adjointe, Opérations, Citoyenneté et Immigration Canada): Merci, monsieur le président.

L'information que vous trouverez à la dernière page de la liasse de documents est sans doute bien connue des membres du comité. Quatre bateaux ont fait débarquer sur la côte Ouest 600 migrants provenant de la province du Fujian, en Chine. Comme vous le voyez au deuxième paragraphe, il reste encore quelque 400 migrants qui sont détenus.

De plus, 84 des arrivants sont des mineurs et ont été pris en charge par la protection de l'enfance. Quatre-vingt-trois autres arrivants ont été libérés par les juges. Vous savez sans doute également que 52 personnes provenant du premier bateau manquent aujourd'hui à l'appel. La plupart d'entre elles font l'objet d'un mandat d'arrestation.

Sur le nombre total de migrants, 492 ont présenté une demande de statut de réfugié. Au 28 octobre 1999, la CISR avait pris 11 décisions concernant le statut de réfugié, et elles étaient toutes défavorables.

• 1550

Nous savons que l'on se préoccupe de ce que nous coûtent ces gens qui sont arrivés par bateau. Actuellement, et contrairement au reportage que vous avez vu hier, les coûts réels engagés par CIC pour traiter les personnes débarquant des quatre bateaux étaient d'environ 5,7 millions de dollars—ce qui est énorme.

Si l'on s'arrête aux arrivées de ces bateaux, il est certain que malgré le plan d'urgence mis sur pied en Colombie-Britannique, ces arrivées exercent des pressions considérables sur notre système de prestations dans le province. Même si nous aimons à considérer que ces 600 arrivées sont un phénomène relativement inusité pour le Canada, nous devons néanmoins tenir compte aussi du fait que ces gens, dès leur arrivée, semblent avoir l'intention de revendiquer un statut pour des raisons que nous considérons frivoles.

Vous savez que nous comptons quelque 25 000 demandeurs du statut de réfugié, dont font partie les 600 que je viens de vous mentionner. Il va de soi que la totalité de ceux qui sont arrivés par bateau sont arrivés sans papiers aucuns, ce qui rend difficile notre tâche qui est d'établir leur identité.

Lorsque le premier bateau est arrivé, nous avons travaillé de concert avec les migrants et de concert avec notre ambassade à Beijing, ce qui nous a permis de confirmer l'identité de 153 d'entre eux, que nous avons libérés par la suite.

Lorsque des gens arrivent sans papiers par nos frontières terrestres ou par avion, nous n'avons pas l'habitude de les détenir. Toutefois, lorsque nous avons constaté l'ampleur du phénomène et l'arrivée d'autres bateaux, il nous a semblé clair que si nous ne détenions pas les réfugiés, nous aurions de la difficulté à traiter leurs cas. Nous avons craint également qu'ils se perdent dans la nature.

De façon générale, environ 69 p. 100 des demandeurs chinois arrivés en Colombie-Britannique entre janvier et août de cette année n'ont pas envisagé d'aller jusqu'au bout de leur demande de revendication, d'après ce que nous dit la CISR. Le taux élevé d'abandon des demandes de la part de ces Chinois nous fait craindre que le crime organisé soit derrière ces opérations de contrebande de personnes. Nous avons l'intention de continuer à réclamer que les migrants actuellement sous notre garde continuent à être détenus.

La détention d'un aussi grand nombre de gens cause des pressions énormes, et nous collaborons de notre mieux avec la province de la Colombie-Britannique, puisque c'est elle qui nous fournit les installations de détention. Quelque 227 des migrants ont été transférés à Prince George, où on pouvait les loger, et nous tentons actuellement de faire face aux problèmes logistiques pour pouvoir traiter rapidement les cas, tout en nous assurant de la présence des avocats de l'aide juridique.

J'imagine que votre comité s'intéressera aux différents aspects de ce phénomène et au processus connexe de détermination du statut de réfugié au Canada. Je n'ai fait qu'aborder la situation brièvement.

Mon collègue vous a parlé des orientations que nous avons proposées en vue de la réforme législative et qui figurent dans le Livre blanc. Nous y abordons brièvement le phénomène des arrivés de réfugiés par bateau. Il faut comprendre que, dans le cas qui nous occupe, nous oeuvrons avec énormément de partenaires ici même au Canada pour faire face au problème.

La GRC a été un des intervenants clés tout au cours de nos opérations. À l'échelle internationale, il est très important pour le Canada de continuer à travailler de concert avec d'autres pays, dans des tribunes internationales telles que les Nations Unies, pour que nous puissions collectivement nous attaquer aux passeurs qui sont à la source du problème et pour continuer à déployer des efforts soutenus afin de limiter leurs activités.

Comme le disait mon collègue, nous collaborons avec les États-Unis et avec bien d'autres pays qui font face, eux aussi, à ce problème.

Voilà ce que nous voulions dire en guise d'introduction, monsieur le président, pour que vous ayez une meilleure idée du problème. La question est complexe et difficile, et nous vous offrons notre collaboration dans le cadre de votre étude.

Merci beaucoup.

Le président (M. Joe Fontana (London-Nord-Centre, Lib.)): Merci d'avoir été si bref et veuillez excuser mon arrivée tardive.

Je suis sûr que nous avons beaucoup de questions à votre intention. Comme vous l'avez dit vous-mêmes, c'est un problème important non seulement pour CIC mais aussi pour notre gouvernement.

• 1555

M. Anders a droit à 10 minutes, puis M. McKay.

M. Rob Anders (Calgary-Ouest, Réf.): D'après ce que j'ai entendu dire, et particulièrement dans le cas de bateaux en provenance de la Chine, les États-Unis ont choisi d'envoyer leurs agents de traitement des demandes directement à la rencontre des bateaux en mer. A-t-on jamais envisagé de faire faire cela par nos agents d'immigration canadiens? C'est une chose de traiter le cas de gens qui sont déjà arrivés en sol canadien, et qui sont donc à l'intérieur de nos frontières et logés dans nos bâtiments. Mais a- t-on jamais envisagé faire comme les autres pays qui s'organisent pour aller au-devant des migrants en pleine mer pour traiter leur cas plutôt que d'attendre que ces migrants aboutissent sur leur sol?

Mme Martha Nixon: Je crois savoir que les États-Unis ont des moyens considérables, et particulièrement dans le Pacifique Sud, ce qui leur permet d'y être présents et de savoir quels sont les bateaux qui y naviguent. Ils ont souvent les moyens voulus pour intercepter ces bateaux et les diriger vers une île qui leur sert de protectorat plutôt que d'être un territoire véritablement américain. Il leur est donc beaucoup plus facile de traiter le cas de ces migrants, parce qu'ils ne sont pas sur le sol américain et que les migrants n'ont donc pas le droit de revendiquer le statut de réfugié.

M. Rob Anders: J'imagine que vous pourriez nous expliquer en long et en large pourquoi les Américains peuvent se permettre de le faire et pourquoi cela ne nous est pas permis, à nous. Ce que j'aimerais savoir c'est exactement ce qu'il vous faut pour pouvoir faire la même chose. De quoi avez-vous besoin, matériellement parlant? Que faut-il faire? Quel genre de navires vous faut-il? Quelles ressources faut-il vous allouer pour que cela se réalise?

M. Greg Fyffe: Monsieur le président, lorsque nous avons envisagé cette solution, nous nous sommes demandés si nous avions la capacité juridique, voire les installations voulues, pour prendre une décision préliminaire de ce genre. Nous n'avons eu aucun succès avec un régime de détermination préliminaire. Je sais que le processus actuel en prévoyait un, mais les tribunaux en ont interdit l'existence. Il nous faudrait intercepter les bateaux dans les eaux internationales, ce qui compliquerait énormément la dimension juridique du problème.

Nous avons conclu que ce n'était pas possible pour nous.

M. Rob Anders: Vous dites que cette intervention ne reposerait sur aucune base juridique. Est-ce parce que le Parlement ne vous a pas donné les moyens législatifs dont vous aviez besoin face aux tribunaux pour pouvoir faire votre travail?

M. Greg Fyffe: Cela va plus loin encore. Cela dépend du droit international, du droit maritime et de la charte.

M. Rob Anders: Je n'en crois pas un mot, puisque les États-Unis ont tout ce qu'il faut pour agir. Quand vous dites que cela déborde même du cadre du droit international, je sais pourtant que d'autres pays interceptent des bateaux en mer, même si le Canada ne le fait pas. Je sais très bien que cela se fait, et je voudrais savoir ce qu'il faut pour que le Canada puisse le faire lui aussi.

M. Greg Fyffe: D'après nos conseillers juridiques, il est douteux que cela soit une option pour nous. Cela ne semble pas être possible pour le Canada.

Le président: Peut-être puis-je intervenir, Rob. Je me demande si vous ne pourriez pas nous faire parvenir les dispositions du droit international qui établissent les compétences ainsi que l'interprétation juridique qui empêcherait le Canada d'emboîter le pas aux autres pays. Cela pourrait peut-être nous être utile.

M. Greg Fyffe: Certes, et nous vous enverrons cette analyse, monsieur le président.

Le président: Merci.

Rob.

M. Rob Anders: On nous explique, dans vos documents, que 400 Chinois sont toujours détenus, que 83 ont été libérés, mais que 52 d'entre eux ont disparu dans la brume et manquent à l'appel. Et pourtant, nous essayons encore de les retrouver avec des mandats d'arrestation et espérons que cela marchera.

Reportons-nous à l'avant dernier paragraphe de la page consacrée aux arrivées de bateaux. Vous dites qu'au 28 octobre, la CISR avait pris 11 décisions concernant le statut de réfugié, mais quelles étaient toutes défavorables. Où se trouvent ces gens? Qu'est-il arrivé aux 11 réfugiés dont les demandes ont été refusées?

Mme Martha Nixon: Une fois la décision prise concernant le statut de réfugié, nous essayons normalement de mettre la main sur ces gens-là pour pouvoir les renvoyer dans leur pays d'origine. Pour l'instant, je ne sais où se trouvent ces 11 personnes. D'habitude, nous les suivons de près pour pouvoir les renvoyer.

M. Rob Anders: Quand vous dites que vous les suivez de près, que faites-vous exactement? Est-ce que quelqu'un sait où ils se trouvent? C'est à espérer. Vous-même n'en savez rien, visiblement. Mais quelqu'un sait-il où ils se trouvent? Que leur arrivera-t-il?

• 1600

Personne ne veut répondre?

Mme Elizabeth Tromp (directrice générale, Exécution de la loi, Citoyenneté et Immigration Canada): Ce n'est pas cela: nous allons répondre.

Le président: Je suis sûr que les témoins peuvent répondre, si vous leur en laissez le temps.

Mme Elizabeth Tromp: Quelqu'un sait où ils se trouvent.

M. Rob Anders: Et que fait ce quelqu'un qui est censé savoir?

Mme Elizabeth Tromp: Ce quelqu'un est censé faire rapport régulièrement, dans les cas où les migrants ne sont pas détenus, ce qui nous permet de suivre continuellement la situation pour nous assurer que les intéressés ne nous font pas faux bond. C'est évidemment une situation qui se produit souvent, et pas uniquement dans le cas qui nous occupe.

M. Rob Anders: Est-il possible que ces 11 personnes, que quelqu'un suit à la trace, puissent disparaître comme les 52 autres?

Mme Elizabeth Tromp: Oui.

M. Rob Anders: C'est ce que je pensais.

Tout cela est très frustrant lorsque l'on parle aux législateurs américains qui ne cessent de critiquer notre façon de faire au Canada: vous comprendrez que notre frontière est extrêmement poreuse et que beaucoup des migrants illégaux finissent par se retrouver aux États-Unis, vous vous en doutez bien. Ce que je trouve frustrant, pour ma part, c'est que je suis obligé de lever les yeux au ciel et d'expliquer que, malheureusement, notre gouvernement n'est pas disposé à faire ce qu'il faut pour apporter les changements nécessaires. C'est très frustrant.

M. Greg Fyffe: Monsieur le président, permettez-moi d'ajouter quelques renseignements supplémentaires. Le 25 octobre, cinq des 11 personnes dont la demande avait été refusée étaient en détention, quatre avaient été libérées sous certaines conditions, et deux étaient introuvables—autrement dit, ils avaient disparu. Je voudrais toutefois signaler que ces gens-ci, dont nous parlons, font partie des arrivants du premier bateau, et qu'ils n'en restent plus qu'une poignée. Une fois ces cas préliminaires traités, nous abordons les cas de tous les détenus, et le problème de l'évasion est moins épineux.

M. Rob Anders: Vous dites que vous avez 400 personnes qui sont toujours en détention. Si, étant donné la rapidité éclair avec laquelle vous avez procédé jusqu'à maintenant, 52 de ces personnes manquent à l'appel, combien de temps vous faudra-t-il pour traiter les demandes des 400 qui restent? Nous ne pouvons finalement qu'estimer le nombre de celles qui manqueront à l'appel. Combien de temps vous faudra-t-il pour traiter au moins leurs demandes avant qu'elles ne prennent la poudre d'escampette?

Mme Martha Nixon: Je crois que des représentants de la CISR viendront témoigner devant vous demain pour vous donner plus de détails, mais d'après les estimations, l'on prévoit qu'on aura fini de traiter les demandes des migrants qui sont en attente d'ici au 15 février. C'est à la mi-février que la dernière audience doit avoir lieu.

M. Rob Anders: Je veux vous poser une question à partir de vos documents à vous et de votre mandat tel que vous le décrivez.

Le risque pour le public canadien et pour la sécurité nationale est censé être pris en compte. C'est ce que disent les documents; c'est ce que dit le mandat. Si donc nous savons que certaines personnes ont des liens avec le crime organisé, comme vous l'avez dit—vous avez dit que cela était assez évident d'après votre expérience—n'est-il pas raisonnable de supposer alors que le fait de permettre à ces personnes de circuler librement sans être soumis à un contrôle suffisant constitue un risque pour la sécurité nationale et pour le public canadien?

M. Greg Fyffe: Quand les bateaux ont commencé à arriver, nous nous sommes trouvés aux prises avec une situation bien particulière car nous avions un régime de détention conçu uniquement pour les détentions à court terme. La réaction initiale des arbitres a été de laisser partir les migrants, comme nous le faisons normalement dans ces cas-là. Il est vite devenu évident toutefois qu'il faudrait recourir à la détention, et on a alors commencé à détenir presque tous les migrants. C'est pour cette raison qu'il ne reste que quelques personnes encore qui doivent comparaître devant la commission et qui ne sont pas en détention. Il nous reste environ 13 cas, puis toutes les autres personnes qui comparaîtront devant la commission se trouveront déjà en détention.

M. Rob Anders: Ma dernière question pour ce tour-ci, en supposant qu'il y en aura d'autres, monsieur le président, est la suivante. J'aimerais savoir quelles sont les amendes et les peines qui s'appliquent actuellement aux passeurs clandestins. Je suis nouveau au comité et vous avez peut-être discuté de cela auparavant, mais j'aimerais savoir quelles sont les amendes ou les peines d'emprisonnement prévues dans ces cas-là. Je voudrais aussi savoir c'est quand la dernière fois qu'une personne a été effectivement condamnée pour ce crime et qu'on lui a imposé une peine d'emprisonnement ou une amende.

M. Greg Fyffe: Je voudrais demander à M. David Dunbar, de notre service du contentieux, de vous donner une réponse précise sur les amendes, mais je tiens à préciser que c'est la GRC qui est responsable des enquêtes et des poursuites. La décision ultime ne nous appartient donc pas.

David.

M. David Dunbar (avocat, Citoyenneté et Immigration, ministère de la Justice): Les dispositions de la Loi sur l'immigration concernant ceux qui font entrer illégalement des gens au Canada commencent à l'article 94.1 de la loi. Il y en a deux. L'article 94.1 concerne ceux qui font entrer illégalement une personne. En cas de mise en accusation, l'amende maximale est de 100 000 $ et l'emprisonnement maximal est de cinq ans. Si la poursuite opte pour la procédure sommaire, l'amende maximale est de 10 000 $ et la peine d'emprisonnement maximale est de un an.

• 1605

Quiconque est reconnu coupable d'avoir fait entrer illégalement un groupe de dix personnes ou plus—c'est l'article 94.2—s'expose—par mise en accusation—à une amende maximale de 500 000 $ ou à une peine d'emprisonnement maximale de 10 ans.

M. Rob Anders: Mais...

Le président: Non, je ne peux pas. Vous aurez de nouveau votre tour.

M. Rob Anders: Très bien.

Le président: Il semble que vous êtes le seul qui représente le Parti réformiste, alors vous aurez beaucoup d'occasions de poser des questions.

Monsieur McKay.

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Je vais partager mon temps de parole avec M. Mahoney.

Le président: Merci.

M. John McKay: Je vois que, sur l'avant avant dernière page de votre liasse, vous esquissez une orientation de la réforme. C'est quelque chose que nous essayons d'obtenir depuis déjà un certain temps de ce côté-ci de la Chambre, mais nos collègues d'en face ne semblent pas vouloir prendre de mesures en ce sens.

Ma première question concerne la première page qui porte sur la détermination du statut de réfugié. En supposant que tout est sur la table et étant donné que cette catégorie de migrants ne tient pas absolument pas à obtenir le statut de réfugié—ils sont ici en transit ou ils veulent se livrer à des activités incompatibles avec nos valeurs canadiennes—si un agent d'immigration principal détermine que telle demande est acceptable, la personne passe ainsi par le processus de détermination du statut de réfugié; si l'agent juge la demande inacceptable, la personne peut obtenir la permission d'en appeler de la décision. À quoi cela rime-t-il?

M. Gerry Van Kessel (directeur général, Réfugiés, Citoyenneté et Immigration Canada): Vous parlez du cas de quelqu'un dont la demande serait rejetée par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.

M. John McKay: Non, quelqu'un dont la demande serait rejetée par l'agent d'immigration principal.

M. Gerry Van Kessel: D'après ce que j'en sais—David pourra compléter ma réponse—à n'importe quel stade du processus décisionnel, il est possible, d'après la législation canadienne et d'après notre jurisprudence, de demander un contrôle judiciaire. D'après ce que j'en sais, ce contrôle judiciaire se fait rarement au stade de la décision sur l'acceptabilité, simplement parce que si peu de demandes sont rejetées à ce stade-là.

M. John McKay: Justement. Pourquoi alors y a-t-il cette première étape? Pourquoi le demandeur ne passe-t-il pas aussitôt au processus de détermination du statut de réfugié? En quoi cette étape sert-elle les objectifs de la politique gouvernementale?

M. Gerry Van Kessel: La politique gouvernementale vise à empêcher que ces personnes, tout comme celles qui jouissent d'une protection ailleurs, qui n'ont pas besoin de la protection liée au statut de réfugié, et à qui on pourrait refuser l'entrée au Canada, par exemple parce qu'elles auraient commis des crimes de guerre, en supposant que nous ayons des informations en ce sens, n'accèdent au processus de détermination du statut de réfugié. C'est pour cette raison qu'il y a cette étape.

Il arrive que nous n'ayons pas les informations voulues au moment de la décision initiale et que nous obtenions par la suite des informations négatives, si bien que nous cherchons à retirer la personne du processus.

M. John McKay: Mettons que je sois un criminel de guerre qui essaye d'émigrer au Canada et que je me présente à l'aéroport Pearson en disant: «Je suis un réfugié». L'agent d'immigration principal dit: «Non, vous n'êtes pas un réfugié.» Nous sommes alors aux prises avec une procédure d'appel. Ne venons-nous pas de perdre beaucoup de temps? Pourquoi ne pas simplement laisser la personne passer par le processus et que cela s'arrête là?

M. Greg Fyffe: Le problème qui se poserait alors si la demande allait à la commission, c'est que la commission doit évaluer la demande en fonction des critères de protection—la personne a-t- elle besoin d'être protégée—et, à moins que des critères visant expressément les crimes de guerre ne soient incorporés au processus, la commission ne pourrait en tenir compte. Autrement dit, la personne pourrait en fait être un réfugié parce qu'elle aurait commis des crimes vraiment horribles et qu'elle aurait fui le régime sous lequel elle vivait; il se pourrait que la commission ne puisse pas tenir compte de ses crimes. Il faut qu'il en soit tenu compte, soit au moment de décider de l'acceptabilité soit une fois que la personne a été admise au processus, et le processus est axé sur la Convention...

M. John McKay: Pourquoi alors ne pas simplement inclure ce facteur dans le processus? Un des problèmes qui se pose, un des éléments du processus qui est frustrant, c'est qu'il faut trop de temps pour passer par le processus. Y a-t-il donc une raison liée à la politique gouvernementale, à la législation ou à la réglementation qui empêcherait que l'évaluation du risque, l'évaluation des considérations humanitaires, voire la décision sur l'acceptabilité qui est faite par un agent d'immigration ne pourrait pas se faire dans le cadre du processus de détermination du statut de réfugié?

M. Greg Fyffe: Oui est non. Il y a une raison...

M. John McKay: Pourriez-vous m'expliquer pourquoi oui et non?

M. Greg Fyffe: Il y a une raison qui empêcherait que cela se fasse au moment de la décision sur l'acceptabilité, car cette décision est d'un type différent. Il s'agit d'une décision sur l'acceptabilité de la demande au départ; la politique gouvernementale stipule comme critère fondamental que ceux qui ont commis des crimes ou qui présentent un risque ne devraient pas être évalués selon le besoin qu'ils ont d'être protégées. Ces personnes devraient sont exclues du processus dès le départ, et c'est une façon plus efficace de procéder que de leur permettre de passer par tout le processus de détermination du statut de réfugié.

• 1610

Pour ce qui est toutefois des autres éléments que vous avez évoqués, tout ce qui touche essentiellement à la protection—les éléments de risque de l'évaluation humanitaire, les autres éléments de risque, comme la convention sur la torture ou le risque qui est découvert après la détermination, ainsi que les motifs énoncés dans la Convention—pourraient être étudiés à un stade en particulier du processus de décision de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, comme on l'avait proposé dans le Livre blanc.

M. John McKay: Exactement. Qu'est-ce qui vous empêche finalement de prendre des mesures en ce sens? Vous n'avez pas besoin de modification législative pour faire cela.

M. Greg Fyffe: Si.

M. Gerry Van Kessel: Si.

M. John McKay: Vous avez besoin de modification législative pour cela? Pourrait-il s'agir d'une modification à l'actuelle loi?

M. Greg Fyffe: Oui.

M. John McKay: Ainsi, il suffirait d'une modification assez mineure à la loi pour raccourcir considérablement toute la procédure.

M. Gerry Van Kessel: J'ai deux ou trois observations à faire.

Tout d'abord, en ce qui a trait à la détermination de l'acceptabilité, je crois que je sais où vous voulez en venir: le temps nécessaire à la détermination de l'acceptabilité par le service intérieur dans certaines régions de l'Ontario est—et nous le reconnaissons—trop long et vient allonger le temps total de traitement. C'est un problème que nous étudions en ce moment, et nous croyons pouvoir raccourcir le délai, comme nous avons pu le faire aux aéroports, afin qu'il ne soit plus que de quelques jours. C'est là ma première observation.

Deuxièmement, en ce qui concerne le résultat qu'on obtiendrait en consolidant les diverses décisions touchant les réfugiés et les critères appliqués aux réfugiés, chose certaine, on gagnerait du temps pour cet aspect-là, mais étant donné—et là ça devient assez technique—que la partie du processus qui suit le refus de la revendication se déroule en parallèle avec l'appel devant la Cour fédérale, il reste encore cet aspect-là qui peut allonger le processus. Il faut de quatre à six mois pour obtenir la permission d'en appeler à la Cour fédérale, soit à peu près le même temps qu'il faut pour la révision que nous faisons du refus de la revendication. On épargnera sur le plan des ressources, mais on n'épargnera pas autant de temps qu'on pourrait être porté à le penser au départ.

Enfin—et là encore il s'agit de quelque chose de très technique—bien que nous essayons d'inclure la dimension du risque de l'évaluation humanitaire dans la décision de la Commission du statut de réfugié, les avis que nous avons obtenus de la Cour suprême indiquent clairement que, s'il s'était écoulé une période de temps considérable après le refus de la demande, la personne pourrait dire: «oui, la décision a peut-être été négative, mais les circonstances ont changé et, par conséquent, vous devez réexaminer mon cas», nous serions alors tenus de réexaminer le cas, non pas de suivre toute la procédure pour l'audition de la demande du statut de réfugié, mais de faire en quelque sorte une révision administrative comme nous le faisons à l'heure actuelle ou de déclencher une procédure officielle quelconque qui n'existe pas à l'heure actuelle.

M. John McKay: Je sais qu'il y a un certain nombre d'éléments que vous avez évoqués dans votre réponse à la question et je voudrais y revenir, mais je suis conscient du fait que j'enlève du temps de parole à M. Mahoney.

Le président: Avant que vous ne fassiez cela, pourrais-je simplement—je ne prendrai pas votre temps de parole, Steve...

M. Steve Mahoney: Combien de temps allez-vous m'accorder?

Le président: Il vous reste trois minutes.

M. Steve Mahoney: Je devrais pourtant avoir droit à cinq minutes.

Le président: Pour faire suite à ce qu'ont dit MM. McKay et Anders, je crois savoir, monsieur Fyffe, que notre comité n'a pas étudié ces propositions de réforme qui ont été déposées en janvier 1999. Au fait, où est ce document où les propositions de réforme sont énoncées?

M. Greg Fyffe: Le document a été publié en janvier cette année. Nous avons tenu des consultations publiques sur le document et nous avons aussi discuté des propositions avec l'ancien ministre. Elles sont maintenant à l'étude chez le nouveau ministre.

Le président: Et elles se trouvent dans ce document?

M. Greg Fyffe: Oui.

Le président: Alors si nous parcourions ce document, nous y trouverions certaines de ces propositions?

M. Greg Fyffe: Oui, vous les trouveriez dans le document intitulé De solides assises pour le XXIe siècle.

Vous y trouverez, à quelques exceptions près, toutes nos propositions.

Le président: Très bien. Vous comprendrez que c'est là l'objet de notre étude. S'il y a des propositions qui ne se trouvent pas dans le document, je me demande si vous pourriez nous les présenter toutes pour que nous puissions commencer à étudier... nous sommes à la recherche de solutions qui tiennent compte de la situation actuelle, et je me reportais simplement à votre liasse.

M. Greg Fyffe: Nous pouvons certainement faire parvenir au comité le texte des propositions qui se trouve dans le document De solides assises pour le XXIe siècle que nous avons déjà rendu public.

Le président: Merci.

Steve.

M. Steve Mahoney: Si vous le permettez, je voudrais vous poser une série de questions et je vous demanderais de les prendre en note et d'y répondre ensuite dans l'ordre que vous voudrez.

• 1615

En ce qui a trait aux migrants arrivés par bateau, vous avez indiqué qu'il y en avait eu 600 pendant la période visée. J'aimerais vous demander si vous savez combien de demandes de statut de réfugié nous recevons chaque mois à l'aéroport international Pearson; je voudrais pouvoir comparer.

Ensuite, en ce qui a trait aux 11 demandes qui ont été refusées, je voudrais savoir si, à votre connaissance, elles avaient des éléments communs. A-t-on déterminé, par exemple, que ces demandeurs étaient simplement des réfugiés financiers ou économiques? Comment se peut-il qu'il y en ait deux qui manquent à l'appel alors qu'ils étaient à l'audience à laquelle leur demande a été refusée, et que faisons-nous pour les retrouver? Ont-ils maintenant la possibilité de passer par ce processus de révision de 30 jours, de 35 jours, de 10 mois, de 15 à 30 jours, de 7 mois ou de 4 à 6 mois dont vous avez parlé tout à l'heure?

J'aimerais aussi que vous me disiez si vous savez combien de bateaux sont arrivés en Australie, par exemple, pendant la même période et quel est le processus qu'on suit là-bas. Vous pourriez aussi me dire si les propos de M. Anders au sujet de ce qui se fait aux États-Unis sont exacts—il semble qu'on envoie des canonnières en mer, des canonnières de la marine américaine, ou quelque chose de ce genre, qui emmène les migrants à une espèce d'île de Gilligan où leur demande est traitée—je ne sais pas au juste ce qu'ils font. Que font les Américains? Pourrions-nous voir ce qui se fait en Australie ou aux États-Unis pour déterminer s'il y a des pratiques exemplaires que nous pourrions ou que nous devrions appliquer? Si nous pouvons les appliquer, pourquoi au juste ne le faisons-nous? Si ce n'est pas une question de législation, est-ce à cause de notre Charte des droits, dont eux ne sont pas accablés et que nous possédons pour notre plus grand bonheur, ou est-ce à cause d'autre chose?

Voilà un certain nombre questions auxquelles vous pourriez peut-être me donner une réponse.

M. Greg Fyffe: Je vais commencer, monsieur le président, puis j'inviterai mes collègues à compléter.

Nous examinons justement ce qui ce fait aux États-Unis et en Australie pour voir si nous ne pourrions pas en tirer des pratiques exemplaires. Nous avons beaucoup de conversations avec les deux pays.

Notre situation s'apparente sans doute le plus à celle de l'Australie, qui n'a toutefois pas de charte des droits, si bien qu'elle a une plus grande souplesse à certains égards. Essentiellement, les pratiques sont les mêmes que les nôtres. Ils arrêtent les bateaux en haute mer, les escortent jusqu'à la terre ferme et tiennent des audiences de détermination du statut de réfugié, mais ils ont un centre de détention à Port Hedland où ils détiennent les demandeurs avant de les renvoyer. Ils ont beaucoup travaillé avec les Chinois afin d'obtenir de l'aide pour les renvois et nous aimerions en savoir plus à ce sujet pour en tirer des leçons.

La pratiques aux États-Unis est quelque peu différente, et Gerry pourra vous donner un peu plus de détails.

Vous avez aussi posé une question au sujet de la durée du processus. Toutes les étapes que nous avons décrites pourraient faire partie du processus; la CISR accorde toutefois la priorité à ces audiences. S'il faut tellement de temps, c'est parce que notre bureau en Colombie-Britannique est petit. On donne toutefois la priorité au traitement des demandes de ces migrants et on espère pouvoir raccourcir la durée totale du processus, tant dans leur intérêt que dans le nôtre.

J'inviterais Gerry à répondre aux questions concernant les réfugiés.

M. Gerry Van Kessel: J'espère les avoir toutes notées.

En ce qui concerne le nombre de personnes qui arrivent à Pearson, monsieur Mahoney, l'information que j'ai ici a trait au nombre total de cas qui sont confiés au bureau de Toronto par la CISR. Ce n'est pas tout à fait la même chose que le nombre de ceux qui arrivent à Pearson, mais cela vous donne une idée, si vous me permettez. Le nombre total de cas confiés au bureau de Toronto par la CISR l'an dernier était de près de 9 900—plus précisément 9 865. Si je fais un calcul rapide, c'est 822 par mois. Sur ce nombre, 615 étaient des Chinois, soit environ 51 par mois. Nous pourrions vous obtenir les chiffres pour Pearson. Ils sont un petit peu différents, mais je pense que ceux que je vous ai donnés vous satisferont sans doute.

M. Steve Mahoney: Non, ça va.

M. Gerry Van Kessel: Je n'ai pas l'information voulue pour vous dire si les 11 demandes qui ont été refusées avaient des éléments en commun. Je sais, comme vous le savez aussi sans doute, qu'une de ces demandes était celle d'une personne qui prétendait être chrétien, mais on ne l'a pas crue.

Pour ce qui est des recours dont disposent ceux dont la demande est refusée, ils ont les recours habituels, c'est-à-dire de demander la permission d'en appeler à la cour fédérale, de demander la révision du refus et de demander que leur cas soit étudié au regard de considérations humanitaires.

• 1620

Comme nous le savons, plusieurs de ces personnes ont déjà pris la fuite et n'interjetteront plus d'appel.

En ce qui concerne la pratique aux États-Unis, si vous m'accordez une minute, je vous dirai que le processus que suivent les États-Unis à l'étranger a déjà été décrit, mais je voudrais simplement ajouter quelques précisions. Quand ils arraisonnent un bateau, les Américains l'escortent jusqu'à une île spécialement aménagée à cet effet, auquel cas le processus habituel n'est pas suivi. Ils interrogent les demandeurs et, s'ils constatent qu'il y a le moindre fondement à leur demande, ils les font ensuite passer par toutes les étapes du processus sur le continent. Je suis au courant d'un cas où on a obligé les occupants du bateau à débarquer et où on a déterminé qu'il y avait un minimum de fondement à la demande d'un petit nombre d'entre eux. Ils ont alors été amenés à un centre de détention à Chicago, par exemple—et je crois qu'ils avaient débarqué dans les îles Mariannes dans l'est du Pacifique, si je ne m'abuse.

M. Steve Mahoney: Et s'il n'y a pas ce minimum de fondement?

M. Gerry Van Kessel: S'il n'y a pas ce minimum de fondement, il se trouve qu'ils ne sont jamais entrés officiellement en territoire américain. On prend alors des dispositions, malgré toutes les difficultés qui se présentent, pour les renvoyer au pays dont ils sont venus, soit en Chine dans ce cas-là.

Le système américain...

M. Steve Mahoney: Par navire?

M. Gerry Van Kessel: Je suppose que c'est par avion.

Les Américains ont un système en vertu duquel ceux qui arrivent à un port d'entrée aux États-Unis sans papiers sont soumis à un processus accéléré. Ces personnes sont automatiquement mises en détention. Là encore, on les interroge pour déterminer s'il y a un minimum de fondement à leur demande et, dans l'affirmative, on les fait passer par toutes les étapes du processus. Si l'on juge qu'il n'y a pas ce minimum de fondement, les demandeurs sont en fait renvoyés.

D'après ce que j'en sais—et l'information que j'ai n'est pas vraiment à jour—dans 90 p. 100 des cas, on détermine qu'il y a un minimum de fondement et on leur accorde une audience en bonne et due forme. En règle générale, on les garde en détention pendant les premiers mois, et ils n'ont pas le droit de travailler pendant les six premiers mois.

Le président: Si vous le permettez, nous passerons maintenant au deuxième tour. Je devrais tout d'abord vous faire remarquer que le premier rapport de notre comité directeur indique que nous voulons que le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration fournisse au comité une étude comparative, sous forme de tableaux, des régimes d'immigration et de détermination du statut de réfugié de pays comme l'Australie, les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France et l'Allemagne, notamment du processus qui s'applique aux réfugiés. Nous pourrions peut-être en discuter un peu plus tard, mais je crois que cette étude permettra de répondre à certaines des questions concernant ce qui se fait dans d'autres pays.

Passons donc au deuxième tour, de cinq minutes, en commençant par M. Anders, suivi de Sophia Leung et de M. Price.

M. Rob Anders: Merci, monsieur le président.

Dieu merci, j'ai pu obtenir la réponse à ma question. Quelqu'un m'a envoyé une note à ce sujet, et j'en suis très reconnaissant. Il se trouve que, depuis 1995, personne n'a été emprisonné même un seul jour pour avoir fait entrer illégalement des gens au Canada. C'est la dernière fois que quelqu'un a en fait été condamné et emprisonné pendant un certain temps. Je crois savoir que l'amende la plus élevée qui ait été imposée était de 5 000 $, alors que, d'après ce qu'on me dit, la loi prévoit une amende maximale de 10 000 $. À mon avis, cela fait partie du problème.

Je voudrais notamment obtenir une réponse à la question suivante. Sur le nombre total de personnes dont la demande a été refusée par la CISR, combien ont été renvoyées après avoir épuisé tous les recours possibles?

Mme Elizabeth Tromp: Excusez-moi, vous parlez de la situation au Canada en général?

M. Rob Anders: Bien sûr, si vous avez des exemples concernant le cas qui nous occupe ou un autre exemple pertinent, c'est parfait. De manière générale, cependant, combien des personnes dont la demande est en fait refusée par la CISR sont effectivement renvoyées après avoir épuisé tous leurs recours?

Mme Elizabeth Tromp: J'ai certainement les données concernant les renvois. Cette année, par exemple, nous avons jusqu'à maintenant, pendant les neuf premiers mois de l'année, renvoyé plus de 4 500 demandeurs du statut de réfugié dont la demande a été refusée, sur le nombre total de 6 895 personnes qui ont été renvoyées.

M. Rob Anders: Ainsi, vous dites qu'en 1995, sur les 6 895...

Mme Elizabeth Tromp: En 1999.

M. Rob Anders: Excusez-moi, 1999. J'ai entendu 1995 quelque part.

Pour tirer tout cela au clair, je vais vous poser une autre question. Ces statistiques sont-elles partielles? Il s'agit du nombre de renvois jusqu'à maintenant cette année?

Mme Elizabeth Tromp: C'est exact. Il s'agit des renvois effectués au cours des neuf premiers mois de cette année.

M. Rob Anders: Ainsi, pendant ces neuf mois, vous aviez 6 800 personnes dont la demande a été refusée, qui auraient dû être renvoyées, sur ces 6 800...

• 1625

Mme Elizabeth Tromp: Excusez-moi, je parle du nombre de personnes qui ont effectivement été renvoyées du Canada. Vous me demandez toutefois quel est le pourcentage de ceux dont la demande de statut de réfugié a été refusée qui ont été renvoyées, n'est-ce pas? C'est bien là votre question?

M. Rob Anders: Nous pouvons calculer quel est le pourcentage, mais je cherche à savoir quel est le nombre de ceux dont la demande a été refusée et qui avaient aussi épuisé tous leurs recours. Si leur demande a été refusée, combien d'entre eux ont effectivement été renvoyés? Voilà ce que je cherche à savoir, et je suis prêt à accepter les chiffres pour l'an dernier. Je suis aussi prêt à accepter les chiffres partiels pour cette année. J'essaie simplement d'avoir une idée du nombre de personnes en cause.

Mme Elizabeth Tromp: Il sera difficile de répondre à cette question, mais je ferai de mon mieux pour ce qui est de vous donner nos chiffres généraux—et Gerry pourra sans doute m'aider.

Chaque année, nous recevons au Canada 25 000 personnes qui demandent le statut de réfugié. Dans 60 p. 100 des cas environ, leur demande est refusée. Cela représente quelque 10 000 décisions?

M. Gerry Van Kessel: L'an dernier, 10 231 demandes ont été refusées.

M. Rob Anders: Bon, d'accord, 10 231.

Mme Elizabeth Tromp: Et l'an dernier, nous avons renvoyé 5 097 personnes dont la demande avait été refusée.

M. Rob Anders: Ce chiffre de 5 097 indique donc que moins de la moitié de ceux dont la demande est refusée et qui devraient être renvoyés le sont effectivement. C'est bien cela?

M. Gerry Van Kessel: Pas tout à fait.

M. Rob Anders: Pas tout à fait?

M. Gerry Van Kessel: Si je réponds pas tout à fait, c'est, premièrement, parce qu'il ne faut pas oublier que d'autres procédures qui sont déclenchées après qu'une demande de statut de réfugié est refusée. Il est possible que ces autres procédures se soldent par une décision favorable. Ainsi, la personne qui demande une révision pour des considérations humanitaires peut obtenir une décision favorable. Aux différentes étapes du processus complexe que nous avons en place, le refus pourrait en fait se transformer en une décision favorable.

Il y aura d'autres gens qui, par exemple—aidez-moi Elizabeth —abandonneront leurs efforts ou retireront leurs demandes; il s'agit de gens que nous perdons de vue parce qu'ils retournent dans leur pays sans nous le dire.

M. Rob Anders: Je sais que c'est fort complexe et que ce dossier est très difficile à gérer, mais le fait demeure qu'environ la moitié d'entre eux ne sont jamais expulsés.

Ma deuxième question...

Le président: Aux fins du procès-verbal, je dois signaler que je ne suis pas convaincu que ce soit vraiment la situation. C'est votre opinion, pas celle des témoins.

M. Rob Anders: Tout le monde va dire qu'il s'agit d'un problème fort complexe, d'une réponse fort complexe, d'une solution fort complexe ou peu importe.

Très bien. On a posé des questions sur des aspects particuliers du processus, mais je ne sais pas encore combien de temps il faut pour traiter une demande de statut de réfugié; j'entends du début à la fin. Supposons que quelqu'un arrive à l'Aéroport international Pearson et dise: «Me voilà, je suis un réfugié». Combien de temps faut-il compter pour que cette demande soit pleinement traitée? Combien de temps faut-il en moyenne?

M. Gerry Van Kessel: Je crois qu'il faudrait un minimum de 20 mois si ce demandeur a recours à tous les mécanismes qui existent. Selon la façon dont les dossiers franchissent chaque étape, il se pourrait en fait que cela prenne encore plusieurs mois de plus.

Enfin, je crois qu'il faut signaler en ce qui a trait au renvoi, qu'il y a des dossiers où il est difficile de renvoyer quelqu'un en raison de problèmes de documentation. Mais dans la mesure où nous pouvons contrôler certaines étapes du processus, je crois qu'il faudrait un minimum de 20 mois et quelques mois de plus dans certains cas.

Le président: Rob, c'est votre dernière question.

David, je me suis trompé quand j'ai dit tout à l'heure que c'était la fin du premier tour. Nous en sommes toujours au premier tour de questions, nous sommes passés de périodes de 10 minutes à des périodes de cinq minutes.

Sophia et M. Price.

Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Merci. Je m'excuse de mon léger retard, mais j'étais à une autre réunion.

Je m'intéresse à vos commentaires sur la réforme. Certaines des idées proposées sont fort bonnes. Tout d'abord, je crois qu'il est bon d'augmenter les peines pour les passeurs clandestins. Avez- vous des recommandations particulières à cet égard? Le système actuel n'est pas très strict.

M. Greg Fyffe: Nous procédons actuellement à une étude des peines imposées, pour déterminer dans quelle mesure elles pourraient être majorées. Nous n'avons donc pas de réponse définitive à cet égard, mais nous cherchons certainement à augmenter ces peines. Comme je l'ai signalé, nous voulons également trouver un moyen de saisir les produits de la criminalité, ce qui constitue une autre forme de dissuasion.

Une voix: Bonne idée.

Mme Sophia Leung: Merci.

Qu'entendez-vous quand vous dites qu'il faut avoir un processus décisionnaire consolidé à la CISR?

• 1630

M. Greg Fyffe: On entend par là qu'il faut que la Commission prenne toutes les décisions qui touchent la protection; il s'agit donc de la détermination du statut de réfugié aux termes de la Convention, de l'évaluation du risque en ce qui a trait aux demandes pour raisons d'ordre humanitaire, ce qui est fait par la suite, et de l'évaluation du risque une fois que la décision a été prise, ce qui encore une fois est fait après. Il faudrait également tenir compte de toutes les conventions qui pourraient être pertinentes, comme la Convention contre la torture.

Mme Sophia Leung: Il y a actuellement 400 réfugiés détenus en Colombie-Britannique. Nous savons que vous ne disposez pas des installations nécessaires, ce qui posera des problèmes. Que projetez-vous de faire pour avoir des installations plus permanentes pour la détention? Il ne faut pas non plus oublier les coûts. Qui les assumera?

Mme Martha Nixon: Nous étudions actuellement diverses solutions au problème afin de déterminer ce qui est en fait possible. Nous voudrions avoir de meilleures installations pour la détention. Évidemment, nous collaborons de très près avec la province afin de maximiser, d'utiliser leurs installations.

Par exemple, nous pourrions essayer de communiquer avec nos collègues du Service correctionnel et étudier certaines des solutions qui s'offrent à nous maintenant. Par exemple, au Québec, nous avons notre propre installation et nous pouvons nous en occuper nous-mêmes. Mais nous sommes loin d'avoir pris une décision. Nous devons étudier tout le dossier pour savoir ce qui serait plus logique dans les circonstances.

Mme Sophia Leung: S'agissant des initiatives internationales, il est intéressant de noter que vous parlez de la «collaboration avec le gouvernement de la Chine». Comme vous le savez, trois d'entre nous se sont rendus en Chine et ont négocié au nom des Affaires étrangères. On m'a dit que deux bateaux en destination de la Colombie-Britannique ont été interceptés par le gouvernement chinois. Ce fut certainement là une indication du fait qu'ils nous avaient écouté et que nous avons vraiment collaboré. Je veux simplement en savoir plus long. Avez-vous donné suite à cette entente que nous avons conclue avec le gouvernement de la Chine?

Le président: Vous ne cherchez pas à avoir un poste permanent en Chine, Sophia?

Mme Sophia Leung: Non, je vais rester ici.

M. Greg Fyffe: Je crois qu'il faut absolument s'entendre avec la Chine sur la question. Il n'y a pas simplement eu le voyage que vous et vos collègues avez fait; notre ancien ministre s'y est rendu, avec Mme Nixon, et en fait un ancien sous-ministre délégué avait déjà fait un voyage là-bas.

Dans le cas qui nous occupe, moi-même et Mme Tromp, à titre de directrice générale responsable de l'exécution de la loi, nous y sommes rendus pour avoir des entretiens préliminaires avec les Chinois et pour comprendre la priorité que leur gouvernement accorde à la question. Nous avons eu plusieurs réunions avec des représentants du ministère de la Sécurité publique qui ont dit qu'il s'agissait pour eux d'une priorité; ils y affectent en fait des ressources. Nous avons également eu l'occasion de parler à des fonctionnaires de la province de Fujian qui nous ont assuré qu'ils avaient pris des mesures. L'exemple que vous nous avez donné nous le démontre.

Nous entretenons également des relations avec des consulats chinois au Canada. Il existe de très bons rapports entre notre bureau régional de la Colombie-Britannique et le consulat chinois à Vancouver. Nous allons essayer de créer de nouveaux liens et d'accroître les échanges de renseignements au cours de la prochaine année et plus tard.

Le président: Merci, Sophia.

Monsieur Price.

M. David Price (Compton—Stanstead, PC): Il y a environ deux semaines, il y a eu une réunion de ministres en Finlande qui portait exclusivement sur les revendicateurs du statut de réfugié. Les Européens songent à élaborer une zone judiciaire commune afin d'étudier le problème. Actuellement, les Britanniques ne s'intéressent pas vraiment à la question, mais il semble que le reste des pays européens eux s'y intéressent.

Nous savons pertinemment qu'il faudra un certain temps, mais ils prévoient que cette année quelque 500 000 personnes arriveront en Europe; c'est deux fois plus que les trois dernières années. Actuellement, nous savons qu'un bon nombre de revendicateurs du statut de réfugié quittent l'Europe pour venir au Canada. Comme M. McKay l'a signalé, l'Aéroport international Pearson est un endroit privilégié. Si l'on établit cette zone commune, si les Européens y parviennent, nombre de ces revendicateurs n'arrêteront même pas en Europe et viendront directement au Canada.

Étions-nous à cette réunion? Comment composons-nous avec ce problème? Comment nous préparons-nous à cette augmentation probable du nombre de revendicateurs et aux problèmes que cela pourrait créer?

• 1635

J'aimerais poser une autre question. Nous parlions un peu plus tôt de l'île ou du protectorat dont se servent les Américains. Je n'avais jamais entendu parler de cela auparavant. En lisant la documentation, j'ai constaté qu'en 1987-1988, nous avons ajouté à la loi une modification touchant le tiers pays sûr. Aucun tiers pays sûr n'a jamais été identifié. Ils ne figurent pas sur la liste. Qu'est-ce qui se passe à ce niveau-là? Pouvez-vous me donner un peu plus de renseignements?

M. Greg Fyffe: Je pourrais répondre en partie à cette question. Puis je crois que Mme Nixon pourra vous en dire un peu plus long puisqu'elle participe à la création de cette frontière commune avec les États-Unis.

C'est vrai qu'il existait une disposition sur les tiers pays sûrs, ce qui veut dire que si une personne pouvait obtenir la protection souhaitée d'un autre pays, elle ne pouvait pas présenter une revendication au Canada. Nous avions pratiquement négocié une entente avec les Américains sur les tiers pays sûrs lorsque ces derniers ont décidé qu'ils ne voulaient plus se pencher sur la question pour le moment, et cela s'est produit il y a environ un an et demi.

Certains ont signalé à l'occasion que les Américains seraient peut-être prêts à reprendre les discussions, parce que les migrants qui traversent la frontière dans une direction ou dans l'autre sont quand même assez nombreux. Je ne pense pas que la porte soit vraiment fermée, mais elle n'est pas vraiment ouverte encore.

Je crois que le travail que l'on fait actuellement sur la frontière commune répond en fait à la question que vous avez posée sur la façon de composer avec le problème. Je demanderai à ma collègue de vous décrire plus en détail cette vision.

Mme Martha Nixon: Je serai très heureuse de le faire. Gerry en connaît peut-être plus long.

Je ne crois pas que nous étions à la réunion en Finlande, mais nous en avons eu des échos. Il s'agissait d'une réunion importante parce que c'était la première fois que l'UE convenait de se réunir pour discuter d'une seule question, et pour avoir une discussion de cette nature. J'ai eu l'occasion de parler il y a environ deux semaines aux Italiens, qui ont assisté à la réunion et qui en fait ont présenté un des premiers documents de principe sur la question, si je ne me trompe.

Je crois qu'il faut plutôt se demander comment travailler dans le contexte nord-américain, comme nous avons d'ailleurs essayé de le faire. Nous avons entamé des discussions avec les États-Unis pour étudier le périmètre de l'Amérique du Nord, comme zone sur laquelle nous pouvons collaborer. Si nous voulons trouver des façons d'écarter les gens, si je peux m'exprimer ainsi, d'empêcher les migrants de traverser la frontière dans une direction ou dans l'autre—il nous faudra vraiment collaborer avec des pays membres de l'Union européenne, des pays d'Europe, afin de créer des alliances. Nous avons déjà des discussions avec nombre de pays européens.

Le genre de rapports qui ont été créés par l'Accord de Schengen sont toujours à l'essai, je crois, en ce qui a trait aux mouvements des personnes; je crois cependant qu'il est important que nous participions à ces discussions. Gerry et certains de nos collègues du ministère assistent aux réunions de nombreuses tribunes européennes ou multilatérales, ce qui nous donne l'occasion de participer à des exercices communs, d'avoir des discussions avec les autres intervenants en ce qui a trait à l'interdiction et des questions de ce genre.

Ce qui compte le plus, probablement, c'est l'échange de renseignements. Nous avons signé des ententes avec les États-Unis qui prévoient l'échange de renseignements, pour en savoir plus long sur les mouvements de personnes et sur les passeurs. Nous avons également signé des ententes avec le Royaume-Uni, avec l'Australie et avec la Nouvelle-Zélande.

Il s'agit là des premiers jalons, je crois, d'une pleine participation à la discussion de sorte que le problème ne soit pas toujours transféré à un autre pays. Je crois que collaborer avec les États-Unis renforce notre position au Canada à cet égard.

M. David Price: Vous dites que nous collaborons avec les États-Unis, et qu'il y a échange d'information, mais d'après ce que nous avons appris cet été, ce n'est pas toujours le cas. On nous a dit qu'il y avait beaucoup plus de monde qui traversait la frontière, comme à la réserve d'Akwesasne. Apparemment, comme Canadiens, nous ne sommes pas du tout au courant de la situation.

Mme Martha Nixon: Je crois que nous sommes parfaitement conscients des mouvements de part et d'autre de la frontière. Le partage de l'information n'est qu'un début. Il est clair qu'on ne réglera pas le problème du jour au lendemain. Il comporte beaucoup plus de facettes volets que cela. Nous collaborons avec les Américains dans divers secteurs. Le partage de renseignements n'est qu'un aspect de cette collaboration.

Je crois que nous voulons étudier diverses choses comme la politique touchant les visas, et la façon de mieux harmoniser, avec les États-Unis, les politiques régissant ceux qui sont autorisés à entrer dans les deux pays respectifs; après tout, leurs décisions au niveau des visas ont un impact sur ceux qui viennent dans notre pays et vice versa. Nous essayons de trouver une façon de composer avec la question de l'interdiction dans une zone commune. Où se trouvent nos ressources sur l'interdiction? Et celles des Américains? Quelles sont les routes utilisées par les passeurs? Quelles sont les lacunes? Comment mieux collaborer lorsque nous faisons front commun? De plus, nous nous penchons sur la façon de mieux gérer les mouvements de personnes aux frontières.

M. David Price: Je pose cette question parce que...

Le président: Excusez-moi, David.

Nous passerons maintenant à Andrew, puis à John et Jean.

• 1640

M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Monsieur Fyffe, j'ai beaucoup aimé votre exposé et j'aimerais bien en avoir le texte.

Quel pourcentage de revendicateurs du statut de réfugié arrive au Canada par les États-Unis, avez-vous dit?

M. Greg Fyffe: Je ne crois avoir donné cette statistique.

M. Andrew Telegdi: Oui, je crois que vous nous avez donné un chiffre.

Le président: Je crois que c'est un pourcentage plutôt.

Mme Martha Nixon: Vous avez dit que 25 p. 100 venaient aux frontières terrestres.

M. Andrew Telegdi: Qu'en est-il des aéroports et des choses de ce genre?

Mme Martha Nixon: J'ai ces chiffres.

M. Gerry Van Kessel: D'autres présentent des demandes aux bureaux intérieurs. Ils traversent la frontière, légalement ou pas, et présentent une demande une fois arrivés au pays. Certains d'entre eux entrent parfois au Canada par les États- Unis—probablement un grand pourcentage d'entre eux.

Mme Martha Nixon: Les statistiques sont 30 p. 100 aux aéroports, 25 p. 100 se présentaient aux frontières terrestres et 45 p. 100 aux bureaux intérieurs.

M. Greg Fyffe: Ce sont là des demandeurs sans documents.

Mme Martha Nixon: En effet.

M. Andrew Telegdi: Cela me semble être un nombre assez important de gens qui nous arrivent des États-Unis. Essayons-nous de convaincre les Américains d'exercer de meilleurs contrôles à leurs frontières, de sorte que nous ne soyons pas envahis par des gens qui veulent venir revendiquer le statut de réfugié au Canada?

M. Greg Fyffe: Il s'agit là de certaines des questions auxquelles Mme Nixon fait allusion. Il faut tout d'abord leur donner des renseignements sur le nombre et le type de revendicateurs qui viennent de certains des plus grands aéroports américains, par exemple, de gens qui sont arrivés de cette façon et ont revendiqué immédiatement le statut de réfugié.

On étudie également ceux qui se sont servi de visas américains pour entrer aux États-Unis, dans le but principal en fait de venir au Canada et d'y présenter une demande de statut de réfugié. Les entretiens sur ces questions se poursuivent et sont fructueux.

M. Andrew Telegdi: Monsieur Fyffe, peut-être pourriez-vous fournir des chiffres plus exacts au comité, de sorte que la prochaine fois que M. Anders rencontrera les législateurs américains, il pourra mieux expliquer le problème que nous vivons.

Vous savez, parfois j'aurais aimé être né réformiste, parce que c'est une façon bien simple d'interpréter des problèmes très complexes.

Le président: S'il vous plaît, tenez-vous-en aux questions et aux témoins qui sont ici. Rob, ça va. Andrew, poursuivez vos questions.

M. Andrew Telegdi: Ce que je voulais dire, c'est...

Le président: Oui, mais Rob n'est pas le témoin.

M. Andrew Telegdi: Peu importe ce que nous faisons, nous devrions le faire en respectant la Charte des droits et libertés. C'est ce qu'il faut faire. Cela présente sans aucun doute certains problèmes.

M. Greg Fyffe: Justement, il faut protéger les droits garantis par la Charte—le droit de revendiquer le statut de réfugié et le droit à l'application régulière de la loi—dans un contexte où l'on abuse en fait du processus qui a déjà été établi. C'est là le dilemme auquel nous sommes confrontés.

M. Andrew Telegdi: Certaines des modifications proposées par mon collègue pourraient permettre d'accélérer le processus tout en respectant les dispositions de la Charte.

M. Greg Fyffe: Oui. Il y a beaucoup de choses que nous espérons pouvoir accomplir pour accélérer le processus.

Le président: Il faut absolument l'accélérer.

John.

M. John Bryden (Wentworth—Burlington, Lib.): Merci, monsieur le président.

Pour en revenir à ce que disait M. Anders, en dépit des commentaires du secrétaire parlementaire, vous dites que l'interception de ces bateaux et le traitement de ces personnes en haute mer ne sont une option en raison des règles internationales. Pourquoi pas? Qui dit que ce n'est pas une option que nous puissions retenir?

M. Greg Fyffe: Comme l'a proposé le président, nous vous fournirons de plus amples détails sur l'opinion de notre expert juridique. Mais ce qu'on nous a dit à ce jour, c'est que nous ne savons pas vraiment dans quelle mesure le droit canadien et la Charte des droits pourraient s'appliquer à l'extérieur des eaux territoriales du Canada.

Quand on parle d'interception de bateaux, il s'agit de déterminer s'ils battent pavillon d'un pays ou pas. Il y a d'autres questions dont je ne peux vraiment pas vous parler parce que je ne suis pas un expert en droit maritime. Les renseignements qu'on nous a fournis indiquent que ce n'est pas là une solution pratique; mais nous vous fournirons certainement plus de détails là-dessus.

Mme Martha Nixon: Nos représentants, ainsi que des représentants du ministère de la Défense, de la Garde côtière et du MPO, se réunissent pour étudier certaines des questions touchant le Droit maritime afin de déterminer ce que nous pouvons faire.

Tout cela est compliqué par le fait qu'une de mes préoccupations lorsqu'on songe à intercepter ces navires c'est qu'il faut tenir compte que les passeurs sont prêts à tout et qu'ils n'hésitent pas à mettre les gens en danger. Je sais que cela nous préoccupe vraiment. C'est un peu différent du droit maritime dont vous parlez.

• 1645

M. John Bryden: Je ne parlais pas du tout de droit maritime. Je voulais simplement vous rappeler que le Canada a saisi un chalutier espagnol en haute mer il n'y a pas très longtemps. Il battait pavillon, et on parlait à ce moment-là de poissons, pas d'êtres humains. Qui avait pris cette décision? Est-ce le ministère de la Justice?

Le président: Non, c'était Brian Tobin.

Des voix: Oh, oh!

Mme Martha Nixon: Je ne peux répondre à cette question.

M. Greg Fyffe: Il y a également des questions pratiques. Peut- être Mme Tromp pourrait-elle nous en parler.

Mme Elizabeth Tromp: Nous avons certainement étudié la question d'un point de vue pratique et, si on oublie la petite blague au sujet du fait que nous n'avons pas d'île, au point de vue pratique c'est un problème. De façon générale, on n'a pas vraiment beaucoup de choix pour ce qui est de renvoyer ces navires une fois qu'on les identifie. Ces navires sont souvent en si mauvais état qu'il y a une question de sécurité pour ceux qui se trouvent à bord. Donc ce n'est pas une option qui nous est offerte.

C'est clair, mais nous n'avons pas de protectorat dans le Pacifique où nous pouvons amener les navires afin d'assurer le traitement des passagers. D'un point de vue pratique, même si nous avions plus de bateaux et plus de matériel dans le Pacifique pour certaines de ces interceptions, une fois que nous aurions trouvé le navire, il serait pratiquement dans le territoire canadien, dans les eaux canadiennes, et d'un point de vue pratique aucune autre option ne s'offre à nous, nous devons les amener en port canadien.

M. John Bryden: Je dois cependant signaler que les Américains doivent également avoir ces problèmes pratiques. Ils ne veulent pas que les gens meurent ou sautent à l'eau lorsque les navires de la Garde côtière approchent. On pourrait certainement en venir à une entente avec les Américains pour pouvoir se servir de leurs îles protégées, de leurs protectorats, pour assurer le traitement de ces personnes.

À un moment donné, le premier ministre ou le Conseil des ministres a pris une décision en ce qui a trait au chalutier espagnol. Je note également que personne ne va se tourner vers la Cour mondiale simplement si nous interceptons un navire à bord duquel se trouvent des migrants, surtout un navire qui ne bat pas pavillon. Quel risque prenons-nous? Je crois qu'il faut se pencher plus à fond sur cette option, et j'aimerais bien savoir ce qu'en pensent des experts en droit international qui pourraient en fait évaluer le risque qu'on prendrait, en ce qui a trait à la Cour internationale, si l'on saisissait un navire en haute mer.

Si je peux poursuivre un petit peu plus longtemps, monsieur le président, j'aimerais aborder une autre ligne de pensée.

Le président: Il vous reste une minute et demie pour la question et la réponse. Votre question est mieux d'être très brève si vous voulez une réponse.

M. John Bryden: Je pourrai toujours y revenir.

La Charte des droits est très claire. Elle dit que tout le monde a le droit de ne pas être arrêté ou détenu de façon arbitraire. Je suppose que c'est là un de vos problèmes en ce qui a trait à la détention de ces migrants. Vous craignez de violer la Charte?

M. Greg Fyffe: Il y a des dispositions juridiques bien précises en ce qui a trait à l'examen des dossiers des gens qui sont détenus, on pense par exemple à l'aide juridique et bien d'autres choses.

M. John Bryden: Est-ce que la détention de ces gens vous préoccupe parce que vous craignez de violer la Charte?

M. Greg Fyffe: Le système pour l'examen des détentions est approprié compte tenu des dispositions de la Charte. On ne se demande pas si le système respecte la Charte, mais plutôt quelle sera la décision de l'arbitre qui se penche sur cette décision de détenir un individu. Le fait est qu'il est probable que l'arbitre décidera qu'il faut le libérer. C'est une évaluation dossier par dossier.

M. John Bryden: Autrement dit, si quelqu'un entre au pays illégalement, est-ce une infraction à la loi canadienne?

M. Greg Fyffe: Oui.

M. John Bryden: Si donc nous décidions de placer cette personne sous garde parce qu'elle est entrée illégalement au pays, on ne pourrait pas parler de détention arbitraire.

M. Greg Fyffe: Normalement, on n'entame pas de poursuites criminelles contre quelqu'un qui entre illégalement au pays. On envoie plutôt l'intéressé vers les autorités d'immigration et il s'agit d'une détention administrative.

M. John Bryden: Ce n'est toutefois pas ce que je demande. La Charte est très claire. On ne peut détenir arbitrairement quelqu'un.

M. Greg Fyffe: En effet.

M. John Bryden: Donc, si quelqu'un a de façon évidente enfreint la loi canadienne, peut-on parler de détention arbitraire?

M. Greg Fyffe: Si l'on place quelqu'un sans garde pour des raisons administratives, la charte exige qu'on examine régulièrement les motifs de détention afin de s'assurer que ce ne soit pas arbitraire.

M. John Bryden: Mais est-ce arbitraire...

Le président: Excusez-moi, John, ce sont de bonnes questions mais je vous demanderais d'y revenir plus tard.

Jean.

Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): Monsieur le président, tout d'abord, je voudrais vous prier de m'excuser d'être arrivée en retard et d'avoir manqué...

Le président: Ce n'est pas grave. Vous avez apporté des biscuits et on vous a pardonné.

Mme Jean Augustine: Oui, c'était important.

Le président: C'est une leçon pour tout le monde. Quand vous êtes en retard, apportez des biscuits, du café... le président aime ces petites gâteries. Ça ne le dérange pas.

Mme Jean Augustine: J'ai donc manqué l'exposé mais je voudrais poser deux petites questions. D'une part, à propos de la méthode de renvoi. La dernière fois que vous avez comparu, je crois que vous nous aviez dit que vous aviez une liste de pays d'accueil qui ne semblaient pas trop prêts à émettre des titres de voyage. Cette liste a-t-elle raccourci et comment traitons-nous avec les pays qui semblent tarder à émettre de tels titres?

• 1650

Mon autre question porte sur quelque chose qui me trouble un peu, à savoir tout le problème des demandes abandonnées et retirées. Qu'arrive-t-il à ceux qui ont abandonné leur demande ou qui l'ont retirée? Suivent-ils un autre processus?

Vous semblez dire que certains demandeurs utilisent ce système pour accéder à un emploi ou entreprendre des activités criminelles. Donc, ils s'identifient, ils présentent une demande puis ils la retirent, ce qui les laisse dans une situation un peu délicate. Quelle est exactement la situation?

M. Greg Fyffe: Je voudrais essayer de préciser ce que j'ai dit. Nous pensons que si des demandes sont abandonnées, c'est parce que certaines personnes ont utilisé le système de détermination du statut de réfugié pour obtenir accès à l'Amérique du Nord. Ils font une demande, puis ils disparaissent. Ils sont peut-être par exemple allés aux États-Unis ou ils se cachent.

Il peut aussi arriver que quelqu'un retire officiellement sa demande après avoir décidé de rentrer dans son pays. Cela se produit. Mais le gros problème c'est qu'ils peuvent certainement avoir utilisé ce système pour pénétrer dans le pays puis avoir ensuite oublié qu'ils ont fait une telle demande parce qu'ils n'avaient jamais eu l'intention de la poursuivre.

Mme Tromp pourrait probablement vous donner davantage de détails sur la liste des pays qui ne veulent pas coopérer.

Mme Elizabeth Tromp: Il y a certainement des pays avec lesquels il est plus difficile d'obtenir les titres de voyage nécessaires. Nous avons toutefois constaté récemment une amélioration. Particulièrement avec la Jamaïque, où nous avions de gros problèmes et où nous ne réussissions pas à renvoyer les gens, faute de titres de voyage alors qu'il s'agissait pour beaucoup de criminels. C'était des cas importants pour nous.

À force d'efforts répétés avec ce pays, nous n'avons en fait plus d'arriéré. Nous avons considérablement réduit le nombre de cas problèmes, de pays qui ne respectent pas les délais prévus dans le protocole d'entente que nous avons signé avec eux pour l'émission des titres de voyage.

Nous obtenons donc quelques succès. Nous avons réalisé certains progrès modestes également avec le Vietnam. Cela prend beaucoup de temps. Avec ces pays, nous devons travailler avec nos collègues des Affaires étrangères et essayer d'améliorer les relations pour obtenir des résultats. C'est ce que nous faisons et continuons de faire. Notre visite en Chine récemment est un autre exemple des efforts que nous déployons pour obtenir de meilleures relations avec ce pays afin de faciliter ce processus.

Mme Jean Augustine: Bien, monsieur le président. Merci.

Le président: Merci, Jean.

C'est à Rob, puis à David et ensuite à John.

M. Rob Anders: Monsieur le président, je viens de me faire peur. J'ai fait quelques calculs.

Le président: Vous vous améliorez en math?

M. Rob Anders: Je ne sais pas si c'est ce que j'appellerais une amélioration. S'il faut un minimum de 20 mois pour suivre le processus jusqu'au bout, cela représente 610 jours. À 200 $ par jour, soit le coût estimatif par personne, et 421 personnes sont encore détenues, cela donne plus de 51 millions de dollars. Existe- t-il un budget pour ce processus? De combien est-il? Est-ce aussi important?

Le président: Nous pourrons probablement y revenir lorsque nous étudierons le budget du ministère. Je suis sûr que Mme Nixon peut répondre.

Mme Jean Augustine: Quelqu'un voudrait-il vérifier les calculs, s'il vous plaît?

Le président: Nous pouvons lui faire confiance, il a une calculatrice.

M. Rob Anders: Vous pouvez le faire vous-même, ce n'est pas difficile.

Mme Martha Nixon: Nous suivons certainement les coûts. Comme je le disais tout à l'heure, nous prévoyons que le total serait de 24,4 millions de dollars pour CIC. Pour le moment, nous avons 5,7 millions de dollars de coûts réels, dont 4,1 millions de dollars représentent les coûts de détention.

M. Rob Anders: C'est ce que vous avez jusqu'ici, mais que prévoyez-vous que cela va coûter au total? D'après les chiffres que vous m'avez donnés, j'en arrive à plus de 50 millions de dollars. Cinquante et un millions trois cent soixante-deux mille dollars. Et c'est simplement pour ce qui reste, sans compter ce qui a déjà été dépensé.

• 1655

Mme Martha Nixon: Il ne fait aucun doute que détenir les gens coûte cher. Vous me semblez faire une projection directe, c'est-à- dire supposer que tout le monde va rester dans le système pendant 610 jours et sera détenu pendant tout ce temps-là.

M. Rob Anders: On m'a dit que le minimum était 20 mois.

Mme Martha Nixon: C'est simplement si l'arbitre les place sous garde.

Nous sommes bien d'accord que cela coûte cher. Nous pouvons faire certaines projections. Je ne puis confirmer que cela va coûter 51 millions de dollars, mais cela va coûter cher.

M. Rob Anders: Je ne pense pas que quiconque voudrait confirmer que cela coûtera 51 millions de dollars, mais il n'empêche que c'est ce qu'indiquent les chiffres.

Mme Martha Nixon: D'autre part, nous parlions de 20 mois pour le traitement normal d'une demande. La Commission de l'immigration et du statut de réfugié a convenu d'accélérer le processus et nous espérons que ces 421 demandes auront été traitées avant le 15 février. Cela réduirait considérablement le coût.

M. Rob Anders: Bien. J'aurais une autre question. Nous avons eu des détentions avec les réfugiés qui sont arrivés par bateau sur la côte Ouest. Nos collègues libéraux ont signalé des situations à l'Aéroport international Pearson à Toronto et ailleurs. En quoi la situation était-elle si différente qu'il a fallu détenir ces gens- là alors qu'on ne le fait pas ailleurs?

Je sais que la population était peut-être plus au courant parce qu'un bateau qui arrive de la pleine mer sur les côtes canadiennes, c'est plus spectaculaire aux actualités télévisées mais qu'en est-il des aéroports et des autres points d'entrée? Parce qu'il ne semble pas que l'on détienne en général ces gens-là?

Mme Martha Nixon: Nous considérons en effet que ces situations sont différentes, en ce sens que ceux qui sont arrivés par bateau sur les côtes de la Colombie-Britannique essayaient de façon tout à fait flagrante d'entrer au pays illégalement. Ils n'avaient aucune intention de passer par un aéroport, de se faire arrêter par un agent d'immigration qui leur aurait demandé la raison pour laquelle ils voulaient entrer au pays. Leur intention était de ne pas se faire remarquer; d'arriver en bateau sans que personne ne les voie. Ce sont donc des situations tout à fait différentes.

Toutefois, récemment, à Pearson, nous avons reçu un groupe de 22 migrants de la Chine qui arrivaient de la province de Pukiang par un avion nolisé hongrois. Parce qu'ils étaient 22 et parce qu'ils arrivaient de toute évidence sans papiers et avaient les mêmes intentions que ces réfugiés de la mer en Colombie- Britannique, nous les avons également détenus. Nous pensions que c'était important.

M. Rob Anders: Je suis désolé. Vous me dites que, d'après vous, les circonstances sont différentes quand, dans d'autres cas, les mêmes passeurs interviennent, et que vous ne mettez pas en doute les intentions de ceux qui brûlent leurs papiers et disent qu'ils n'ont aucun papier quand ils se présentent aux autorités?

Mme Martha Nixon: Non, ce n'est pas ce que je dis. Je dis que pour ceux qui sont amenés, assistés, aidés et encouragés par des passeurs, nous espérons pouvoir les attraper à un aéroport, déterminer qui ils sont et leur faire suivre le processus du statut de réfugié. Mais il y a une grande différence entre se présenter à un aéroport où l'on se fait poser des questions et essayer d'entrer sans se montrer par un port de la Colombie-Britannique.

Le président: Monsieur Price.

M. David Price: Revenons à la question du tiers pays sûr. Je vous donne un exemple. Il y a environ un mois, des citoyens tibétains sont arrivés à Toronto et il semble que certains étaient même nés en Inde et que la majorité d'entre eux avaient passé une bonne partie de leur vie en Inde, mais qu'ils avaient pris l'avion en Inde et d'autres en Allemagne pour arriver aux États-Unis et ensuite au Canada et revendiquer le statut de réfugié comme Tibétains. Pour moi, s'il existait une liste de tiers pays sûrs, je serais bien étonné que l'Allemagne et l'Inde n'y figurent pas. Dans ce cas, n'aurions-nous pas pu les renvoyer immédiatement dans ces pays?

• 1700

M. Greg Fyffe: L'idée est que si quelqu'un passe par un autre pays où il aurait pu être protégé parce qu'il s'agit d'un tiers pays sûr, il ne peut accéder à notre processus de reconnaissance du statut de réfugié, il est renvoyé dans ce tiers pays.

Comme je le disais, nous avions beaucoup progressé dans nos négociations avec les États-Unis, qui les ont suspendues et que nous pourrions reprendre.

La question de savoir ce qu'est un tiers pays sûr est délicate. Il y a pas mal de demandeurs du statut de réfugié qui viennent au Canada en provenance de l'Inde—que ce soit justifié ou non, ils sont nombreux—et le principe que nous suivons, quoi qu'on en pense, est que quiconque a droit d'être entendu par la Commission. Si nous avions une entente de tiers pays sûr avec les États-Unis, cela changerait sensiblement les choses.

M. David Price: Voulez-vous dire que nous pourrions alors commencer à négocier aussi avec d'autres pays?

M. Greg Fyffe: Non, mais que cela ferait une différence dans le nombre de ceux qui se prévalent du système de reconnaissance du statut de réfugié canadien.

M. David Price: Mais pourquoi ne pouvons-nous pas négocier avec d'autres pays? Par exemple, c'est la raison pour laquelle j'ai soulevé la question européenne. Il y en a tellement qui viennent d'Europe, alors que ces pays européens pourraient très bien être considérés comme des tiers pays sûrs, ce qui éviterait qu'ils traversent l'Atlantique.

M. Greg Fyffe: En effet, mais la majorité des pays qui s'y intéresseraient seraient des pays qui auraient quelque chose à y gagner. Autrement dit, si l'Allemagne n'a rien à y gagner, nos négociations n'iront pas forcément très loin. Le résultat serait en effet que tous ceux qui passeraient par l'Allemagne devraient y rester, ce qui ne satisferait pas tellement ce pays qui en reçoit déjà beaucoup.

M. David Price: Mais dans ce cas, si je ne m'abuse, ces gens que l'on renverrait dans ce tiers pays sûr pourraient toujours présenter une demande à notre consulat pour venir au Canada légalement plutôt qu'illégalement.

M. Greg Fyffe: Ce qui arriverait sans doute, c'est qu'ils n'iraient pas en Allemagne; ils présenteraient leur demande à partir d'un pays voisin de celui qu'ils fuient.

M. David Price: Oui.

M. Greg Fyffe: Ils sauraient probablement que, si nous avons une entente pour désigner l'Allemagne, par exemple, comme tiers pays sûr, cela ne servirait pas à grand-chose de présenter une demande au consulat du Canada à moins qu'il y ait un besoin particulier quelconque d'invoquer la protection du Canada.

M. David Price: Dans le petit diagramme que vous nous avez remis—et j'en avais un différent que j'ai trouvé sur Internet—il est aussi question d'un processus accéléré pour l'audience de détermination du statut de réfugié. Il s'agit de certains pays.

M. Greg Fyffe: Les représentants de la Commission vous donneront probablement une explication détaillée de tout cela demain, mais, pour résumer, la Commission a des mécanismes administratifs pour identifier les cas qui semblent susceptibles naturellement de susciter une réponse positive et non négative et de les traiter de façon accélérée pour pouvoir passer plus de temps sur les cas plus litigieux.

M. Gerry Van Kessel: J'ajoute qu'il y a aussi d'autres cas qui sont traités plus rapidement sur le plan administratif parce qu'ils touchent des personnes détenues, des mineurs ou les auteurs de crimes graves, par exemple, et c'est la Commission de détermination du statut de réfugié qui utilise cet arrangement administratif.

Le président: Merci.

John et John, vous allez nous répartir le temps pour que nous...

M. John Bryden: Je ne pense pas que nous divisions notre temps. Je pense que John...

Le président: Non, je le divise pour vous. Vous pouvez poser une autre question.

M. John Bryden: Ce sera difficile parce que nous suivons une certaine ligne de pensée, mais c'est à vous de décider.

Je vous ai entendu dire que vous considérez la détention comme un arrangement administratif. Est-ce exact?

M. David Dunbar: Lorsqu'on détient quelqu'un, il faut suivre un certain processus pour la détention. Si vous portez des accusations au criminel contre quelqu'un qui est ensuite déclaré coupable, le processus s'arrête là. Nous ne sommes pas obligés de revenir sur son cas parce que la personne en cause a été trouvée coupable par un juge au criminel.

À l'heure actuelle, dans les cas d'immigration, le ministère de l'Immigration déclare simplement que nous pensons ou avons des motifs raisonnables de penser qu'un demandeur ne se présentera pas pour l'audience aux fins de l'immigration ou qu'il représente un danger pour le public. Ce sont des mesures moins strictes que ce qui se passe lorsqu'une personne est détenue. La protection n'entre pas en ligne de compte à ce moment-là, mais uniquement à l'examen relatif à la détention qu'on fait aux termes de la Charte.

M. John Bryden: Vous ne détenez donc pas les demandeurs parce qu'ils ont fait quelque chose d'illégal. C'est ce qui ressort de ce que vous dites.

M. David Dunbar: Il y a trois raisons prévues dans la loi pour la détention. La première, c'est que le demandeur ne se présentera pas; la deuxième, c'est qu'il représente un danger; et la troisième, c'est que le demandeur s'est présenté au point d'entrée sans document.

M. John Bryden: Il ne s'agit donc pas de personnes qui ont violé la loi canadienne en entrant au pays illégalement. Ce n'est pas la raison de la détention.

M. David Dunbar: Je vous ai donné les trois raisons.

M. John Bryden: Si je puis faire une observation, selon mon dictionnaire, le mot «arbitraire» signifie «qui dépend du bon plaisir, sans raison suffisante, de façon capricieuse, anticonstitutionnelle ou despotique».

Qu'arrive-t-il lorsque quelqu'un fait un cambriolage dans votre maison? Les policiers ne sont-ils pas autorisés à l'arrêter parce que cette personne a commis un vol par effraction? N'autorise-t-on pas la détention de quelqu'un qui est entré illégalement quelque part, même avant l'accusation officielle et la déclaration de culpabilité? Est-ce que ce n'est pas un parallèle exact de cette situation-ci vu que tout ce qui manque, c'est une disposition de la loi disant qu'un immigrant illégal est entré au Canada par effraction et qu'on doit donc traiter cette personne de la même façon que quelqu'un qui commet un vol par effraction dans votre maison?

• 1705

Ne peut-on pas envisager la situation ainsi?

M. Greg Fyffe: D'une certaine façon, les deux choses sont semblables parce que nous pouvons décider dans un tel cas de placer la personne sous garde. Nous détenons le demandeur, mais nous devons nous présenter régulièrement devant l'arbitre pour prouver qu'on a encore besoin de détenir cette personne. C'est à cela que je songeais quand j'ai parlé d'équilibre. Plus une personne est détenue longtemps, plus le processus est rigoureux. Tout comme une personne arrêtée peut demander une enquête sur le cautionnement, la Couronne doit prouver qu'il y a des risques que la personne s'enfuie.

Les États-Unis ont très souvent recours à la détention. Cela coûte très cher et il y a des installations de détention partout. C'est une mesure très controversée.

M. John Bryden: Si je n'aime pas qu'on n'est pas davantage recours à la détention, c'est que nous savons que, si certaines personnes sont libres, elles vont tomber dans une espèce d'esclavage. Dans un tel cas, il me semble que la détention est la solution la plus humanitaire.

Pourrions-nous rédiger un projet de loi qui définirait la possibilité de détention dans de tels cas? Le fait est que vous ne pouvez pas prouver de façon absolue que quelqu'un ne va pas s'enfuir et qu'il arrive donc que des gens disparaissent. Ne pourrions-nous donc pas ajouter à la loi une disposition qui vous permette de détenir de telles personnes indéfiniment, ou du moins, jusqu'à ce que le processus soit terminé? Il me semble que ce serait une façon d'empêcher les passeurs.

M. Gref Fyffe: Si ce que vous voulez savoir, c'est si ce serait utile pour nous que le comité étudie quel genre de régime de détention et de pouvoirs pourrait être envisagé, la réponse est oui. J'ajoute cependant que la question est très difficile, parce que toute la question de la détention est très complexe, mais c'est certainement une question clé.

M. John Bryden: Merci, monsieur le président.

Le président: John.

M. John McKay: J'aimerais poursuivre dans la même veine que mes autres questions, mais je vais passer à autre chose.

Relativement à la décision d'admissibilité que peut rendre un agent d'immigration supérieur et la situation parallèle aux États- Unis pour une demande crédible, quelles sont les différences dans le processus de détermination?

M. Gerry Van Kessel: Ce sont deux choses très différentes. La revendication de crédibilité aux États-Unis vise à déterminer si le demandeur a une raison bien fondée de réclamer la protection. C'est tout ce que c'est.

La question d'admissibilité n'est pas vraiment reliée au mérite. Selon la Convention de Genève, certaines personnes sont exclues de la protection. C'est là-dessus que porte la décision d'admissibilité: on détermine si quelqu'un a déjà une protection quelque part, s'il a commis un crime grave, et ainsi de suite.

Il s'agit donc d'un accès tout à fait différent au processus ou d'un examen différent pour décider si quelqu'un est admissible au processus. Nous avions au Canada vers 1989 ou 1993, j'oublie les années exactes, une étape du processus qui visait à établir un motif crédible. Cependant, à cause de certaines décisions des tribunaux, le seuil pour déterminer s'il y avait un motif crédible était tellement faible que le processus ne voulait absolument rien dire. Nous l'avons donc supprimé parce que, si tout le monde réussit à une étape donnée, à quoi cette étape peut-elle servir?

Je sais que c'est à peu près la même chose pour l'admissibilité, mais l'étape relative à l'admissibilité détermine si un demandeur a accès à un système où l'on pourra établir son admissibilité d'après d'autres facteurs que la crédibilité ou le mérite de la revendication.

Le président: Au nom de mes collègues, messieurs Fyffe et les autres, je tiens à vous remercier beaucoup de cette séance très utile. Soit dit en passant, c'est notre première réunion.

Vous avez sans doute compris à cause de certaines des questions que c'est un sujet très important pour notre comité. Nous servons tous le même maître, c'est-à-dire le public canadien, et nous voulons trouver des solutions pour que notre système de détermination du statut de réfugié soit l'un des meilleurs au monde. Vous avez déjà noté certaines des choses qui vous préoccupent.

Je demande à tous les membres du comité de rester parce que nous n'avons même pas adopté notre programme. Nous avons entamé notre travail avant d'adopter officiellement l'étude du processus de détermination du statut de réfugié et de migrants clandestins.

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Vous avez été très généreux de nous offrir certains renseignements juridiques à propos des choses dont nous avons parlé. Vu que nous examinons ces questions... Vous avez parlé de janvier 1999. Je sais que vous avez signalé que c'était ici, mais comme nous entamons maintenant cette étude, avez-vous un document sur les travaux que vous faites maintenant, c'est-à-dire un bref document où l'on note les principaux problèmes et les urgences et les solutions possibles que vous envisagez?

Deuxièmement, nous vous avons aussi demandé, je pense, s'il y avait moyen de comparer les solutions adoptées par divers pays pour certains problèmes, notamment l'Australie, les États-Unis, la France, l'Allemagne et la Grande-Bretagne. Si vous avez de tels renseignements à votre ministère, nous vous serions très reconnaissants de nous les faire parvenir.

M. Greg Fyffe: Monsieur le président, nous avons accepté de vous fournir davantage de renseignements sur les interceptions en mer et nous le ferons certainement. Nous avons aussi accepté de vous fournir un tableau comparatif complet des autres systèmes de détermination du statut de réfugié et nous le ferons aussi.

Il y a peut-être d'autres renseignements que nous pourrons vous fournir sur d'autres sujets qui ont été soulevés aujourd'hui et qui vous donneront un peu plus de détails que le Livre blanc.

Comme nous avions témoigné devant le comité il y a quelques années quand vous examiniez la question des renvois, nous avions fourni un document sur les étapes du renvoi, de même que les définitions et les chiffres. Nous mettrons ce document à jour et nous vous le ferons parvenir aussi.

Le président: Merci beaucoup de nous avoir fait cet exposé et d'avoir accepté de nous fournir d'autres renseignements. Nous communiquerons certainement avec vous plus tard pendant cette étude. Merci beaucoup.

Chers collègues, nous pourrions peut-être revenir à l'ordre du jour et faire ce que nous aurions dû faire au début quand il y avait quorum et quand le président aurait dû être à sa place, même si le vice-président a été plus que compétent. Si vous êtes d'accord, je demanderai qu'on adopte le premier rapport du Sous- comité du programme et de la procédure que vous avez sous les yeux.

M. Rick Limoges (Windsor—St. Clair, Lib.): Je le propose.

Le président: Y a-t-il des objections au premier rapport?

(La motion est adoptée)

Le président: La deuxième chose vient au point B, où l'on dit, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, étude sur tous les aspects... Nous l'avons déjà fait, mais je voulais le confirmer.

Des voix: D'accord.

Le président: Excusez-moi. Je tiens à signaler au comité que la ministre peut venir le mercredi 24 à 15 h 30 pour parler du rapport de performance, comme nous l'avions demandé.

Nous nous reverrons donc demain matin au 151, rue Sparks, pièce 705 La Promenade.

Merci beaucoup. La séance est levée.