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HEAL Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON HEALTH

COMITÉ PERMANENT DE LA SANTÉ

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 5 juin 2001

• 1142

[Traduction]

La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)): Mesdames et messieurs, je déclare la séance ouverte.

Au nom du comité, c'est un plaisir pour moi de souhaiter la bienvenue à Mme Patricia Baird, la seule témoin que nous recevons aujourd'hui. Mme Baird a présidé la Commission royale sur les nouvelles techniques de reproduction qui a présenté son rapport il y a quelques années. Elle est maintenant professeure et directrice du Département de médecine génétique à l'Université de la Colombie-Britannique.

La parole est à vous, madame Baird.

Mme Patricia Baird (présidente de la Commission royale sur les nouvelles techniques de reproduction (1989-1993); professeure et directrice du Département de médecine génétique, Université de la Colombie-Britannique): Merci. Je suis très heureuse d'avoir été invitée à comparaître devant vous. C'est un grand plaisir pour moi d'être ici.

Ma présentation durera environ 40 à 45 minutes, et le greffier m'a dit que c'était acceptable.

Tout d'abord, permettez-moi de dire que je suis très heureuse que M. Rock ait présenté cette ébauche de projet de loi. Nous discutons de ces questions au Canada depuis plus d'une décennie, et je trouve que le besoin primordial en ce moment est de mettre en place un régime concernant les techniques de reproduction. Il pourra être mis au point par la suite.

Il y a deux choses que j'aimerais faire dans le temps que vous m'avez accordé. Tout d'abord, je veux parler brièvement du travail de la Commission royale, qui a présenté son rapport il y a sept ans, et de ses conclusions, car il ne faut pas oublier que les Canadiens ont été consultés sur ces questions depuis la fin des années 80. Ça fait longtemps. Deuxièmement, je vais parler de l'ébauche du projet de loi, faire quelques commentaires et poser certaines questions. Comme je vais vous laisser mon texte, il n'est pas nécessaire de prendre des notes.

En premier lieu, je veux parler de la Commission royale. Son mandat était très vaste. Nous devions examiner les différentes techniques et pratiques de reproduction, dont j'ai dressé la liste, et ensuite recommander comment les réglementer dans l'intérêt public—et j'insiste sur ces derniers mots.

Je pense qu'il est très clair, et vous vous en rendrez compte dans le cadre de vos travaux, que nous sommes en plein milieu d'une révolution continue des connaissances sur le plan de la génétique et de la biologie de reproduction. De plus en plus, il est possible d'utiliser des techniques pour changer, contrôler ou surveiller la reproduction humaine, et nous pouvons permettre certaines choses qui ne pourraient certainement pas se faire par copulation. Un enfant peut provenir de parents qui sont déjà morts, de la grossesse de sa grand-mère, ou de la grossesse d'une femme avec qui il n'a même pas de lien génétique.

• 1145

L'application de ces connaissances comporte beaucoup de questions d'ordre éthique et social. On ne peut pas retourner en arrière; il faut répondre à ces nouvelles capacités, parce qu'elles ne vont pas disparaître. Notre réponse à cette question veut démontrer quelles sont nos priorités et dans quel genre de société nous voulons vivre. Qu'on utilise ou pas les technologies en question, nous nous intéressons tous au genre de société dans laquelle nous vivons—nous ne voulons pas d'une société qui traite les personnes ou leurs moyens de reproduction comme des marchandises. Donc, notre approche en ce qui concerne les techniques de reproduction doit tenir compte des valeurs des Canadiens.

Lorsque nous avons fait notre enquête à la Commission, nous avons constaté qu'avoir des enfants en bonne santé constituait l'aspect le plus important de la vie de la plupart des Canadiens. Autrement dit, pour la majorité des gens, l'infertilité n'est pas quelque chose d'insignifiant. Il ne s'agit pas d'un problème ponctuel, il a des incidences pendant toute la vie de ces personnes. Nous avons aussi constaté que les Canadiens estiment que s'il existe des méthodes sûres et efficaces d'aider les gens à avoir des enfants, ces méthodes doivent être disponibles. Cependant, en même temps, ils veulent que le gouvernement impose certaines limites et s'assure qu'on utilise la technologie à bon escient.

Comment avons-nous procédé et comment avons-nous démarré notre tâche? Vous pouvez vous reporter aux documents distribués. D'abord, nous avons mené de très vastes consultations. Nous avons, bien sûr, tenu des audiences publiques partout au Canada, comme le font toutes les commissions royales d'enquête. Nous avons reçu plus de 6 000 appels téléphoniques sur des lignes sans frais dont le numéro avait été diffusé pour que les Canadiens qui trouvaient difficiles de se rendre à nos audiences publiques puissent nous faire part de leur point de vue.

Comme tous ceux qui avaient répondu à notre invitation l'avaient fait de leur propre initiative, nous avons jugé qu'il fallait également enquêter auprès d'un échantillon de Canadiens choisis au hasard (plus de 15 000 personnes). Enfin, nous avons organisé des tables rondes et plusieurs autres tribunes de consultation.

En tout, plus de 40 000 personnes ont participé aux consultations. Sur ce nombre, les représentants des groupes religieux ou des syndicats, par exemple, représentaient à leur tour des milliers d'autres Canadiens. Autrement dit, à la fin de nos consultations, nous avions communiqué avec plus de Canadiens qu'aucune autre commission royale d'enquête auparavant.

Durant la même période, la Commission exécutait un programme de recherche et d'évaluation, afin de déterminer ce qui se faisait déjà au Canada. Nous avons donc colligé des données dans les cliniques et auprès des patients. Nous avons examiné ces questions en profondeur dans le cadre de projets de recherche et d'analyses dans un grand nombre de disciplines, dont les sciences sociales, l'éthique et le droit, de même que la médecine. Plus de 300 chercheurs répartis dans 50 établissements ont participé aux travaux.

Grâce à ces deux mécanismes—la recherche et les consultations—la commission a pu fournir, pour la première fois au Canada, un tableau de l'infertilité et de l'utilisation des techniques de reproduction, ainsi que des analyses sociales, éthiques et juridiques approfondies des répercussions de l'utilisation, ou de la non-utilisation, des techniques de reproduction.

La Commission a pris ses décisions à la lumière à la fois des résultats des recherches et des commentaires de la population, en fondant ses choix sur des principes explicites. L'orientation éthique générale adoptée par la Commission était une «éthique des soins»—un point de vue qui accorde la priorité aux soins et à l'interrelation entre les gens et leur collectivité. Puis, dans le cadre de cette orientation, elle a utilisé une série de huit principes directeurs.

Je vous ai envoyé copie d'un article qui résume brièvement nos travaux, mais si vous souhaitez plus d'information, vous pouvez obtenir notre rapport en deux volumes ainsi que les 15 volumes contenant des études qui sont également disponibles. À mon avis, le rapport établi les grands enjeux scientifiques, sociaux et déontologiques de façon claire et exhaustive. Ces volumes ont été délibérément rédigés pour vulgariser la problématique, et on y trouve les raisons sur lesquelles s'appuyaient nos recommandations. Je suppose que vous n'aurez pas le temps d'étudier tous ces volumes, mais vous trouverez sans doute utile d'en parcourir quelques-uns.

• 1150

Même le chapitre qui explique la reproduction de l'homme n'est pas expliqué de façon simpliste, ni même le chapitre sur le cadre déontologique sous-tendant nos décisions.

J'espère que le greffier vous en obtiendra un exemplaire. Je pense qu'il serait utile de vous décrire brièvement certaines de nos conclusions. Commençons par la prévalence de l'infertilité. Avant d'élaborer une politique gouvernementale dans ce domaine, il est évidemment utile de connaître la prévalence de ce problème. La Commission a été étonnée de constater que cette information n'est pas disponible, les données pertinentes n'ayant jamais été recueillies au Canada. La Commission a donc découvert que 8,5 p. 100 des couples, chez lesquels la femme avait entre 18 et 44 ans, et qui cohabitaient depuis un an sans utiliser des méthodes de contraception, n'avaient pu procréer. Or, si l'on passe à deux ans de cohabitation, le pourcentage baisse à 7 p. 100 de couples qui n'ont pas réussi à procréer: autrement dit, seule une femme sur cinq devient enceinte pendant ce temps.

La prévention, si elle est possible, constitue une autre solution qui saute aux yeux et qui est indiquée sur le plan déontologique. La Commission a découvert que les facteurs de risque pour l'infertilité sont à la fois complexes et interreliés, et qu'ils dépendent aussi des deux membres du couple. Néanmoins, il a été démontré que les trois facteurs les plus importants qui causent l'infertilité et pour lesquels il existe des stratégies de prévention sont les maladies transmises sexuellement, le tabagisme et les grossesses tardives.

L'adoption a fait l'objet d'un examen, étant donné qu'elle est systématiquement proposée comme solution de rechange aux couples infertiles. Or, des données indiquent que cette solution est de moins en moins courante au Canada et qu'elle ne constitue plus une option réaliste pour un grand nombre de couples. Il s'agit d'une information importante, parce qu'elle jette une lumière différente sur la nécessité de prévoir d'autres méthodes pour aider les gens à fonder une famille.

L'insémination par donneur est une solution qui s'offre lorsque le partenaire masculin est infertile. La Commission a constaté qu'au Canada, cette méthode est celle qui est la plus couramment utilisée après les médicaments pour faciliter la procréation. Mais étant donné que, dans ces circonstances, le père biologique de l'enfant n'est pas le partenaire masculin, certains couples préfèrent ne pas recourir à cette méthode. Cependant, il s'agit d'une méthode de procréation sûre, peu coûteuse et efficace, dans la mesure où les normes établies sont respectées. Or, dans le cadre de la collecte de données à l'échelle du Canada, la Commission a constaté que les normes ne sont pas respectées. En raison de lacunes dans la tenue des dossiers, il est impossible de le confirmer, mais l'insémination par donneur représentait probablement un peu moins de 1 p. 100 de toutes les naissances au Canada au début des années 90.

Des lignes directrices ont été élaborées par la profession médicale en 1988. Mais lorsque nous nous sommes penchés sur la problématique au début des années 90, nous avons constaté que ces lignes directrices n'étaient pas suivies dans plus de la moitié des cliniques et encore moins dans des cabinets de médecins. Il y avait donc beaucoup de différences dans la nature des données recueillies d'ordre médical et social concernant le donneur, et dans la durée de conservation de ces dernières. Ainsi, rien ne garantit qu'on limite le nombre d'enfants issus d'un même donneur dans une collectivité ou qu'on empêche les mariages entre demi-frères et demi-soeurs.

La Commission a constaté que la stratégie la moins fréquemment utilisée pour combattre l'infertilité est la fécondation in vitro. En 1991, environ 400 enfants sont nés au Canada grâce à cette technique. Nous avons découvert que les données qui permettraient d'évaluer correctement le taux de succès de la FIV ne sont pas recueillies par toutes les cliniques; dans certains centres, des renseignements incomplets et fallacieux sont transmis aux femmes qui envisagent de subir une telle intervention. C'est une technique qui comporte certains risques pour la santé des femmes et de leurs enfants.

Nous avons constaté que certaines cliniques acceptent des couples qui ont essayé de concevoir pendant une période relativement brève et qui auraient de bonnes chances de concevoir sans traitement.

Nous avons constaté à quel point il est nécessaire de colliger des données pour pouvoir guider toutes pratiques futures. En effet, on demande à notre régime de soins de santé d'assumer les coûts qui sont générés par les cliniques privées—ceux des naissances multiples, notamment—alors que ce même régime ne peut contrôler les pratiques des cliniques qui favorisent ces grossesses multiples.

• 1155

Un pour cent des grossesses sont gémellaires dans la population en général. Or, la FIV fait monter à 25 ou 30 p. 100 l'éventualité des grossesses multiples. Cela ne représente pas toujours la réalité, puisque ce ne sont pas les grossesses qui comptent, mais les deux ou trois bébés qui naissent de ces techniques; toutefois, il faut aussi se rappeler qu'environ quatre bébés sur 10 nés par FIV proviennent d'une grossesse multiple, ce qui implique souvent des complications et des problèmes.

Les contrats de maternité de substitution. Le monde médical de même que la collectivité dans son ensemble sont grandement préoccupés par le fait que l'insémination par donneurs et la FIV peuvent être utilisées à des fins de plus en plus variées, notamment pour permettre à une femme de tomber enceinte, de mener à terme une grossesse et de remettre l'enfant à un couple demandeur qui la rétribue pour ses services.

La Commission a appris lors de ces recherches que le tarif courant était d'environ 15 000 $ pour la femme et de 15 000 à 20 000 $ pour le courtier. Le plus souvent, il arrivait que l'insémination se fasse avec le sperme de l'homme faisant partie du couple demandeur, même si, à l'occasion, on faisait le transfert d'embryons à la suite d'une FIV, en utilisant les gamètes du couple demandeur.

Lorsque la Commission s'est penchée sur la question et a examiné les données sur la maternité de substitution, ce qu'elle en a retenu était assez déconcertant. Elle a constaté que les couples demandeurs ont des revenus beaucoup plus élevés et sont beaucoup plus scolarisés que les mères porteuses. Les courtiers représentent en fait les intérêts du couple demandeur qui les rémunère. Il est donc peu probable que les deux parties négocient d'égal à égal. Ces accords risquent d'exploiter la vulnérabilité des femmes qui sont démunies du point de vue financier et de les exposer à la coercition.

Les enquêtes effectuées par la Commission auprès des femmes dans la population canadienne ont montré qu'un très petit nombre d'entre elles seraient prêtes à être des mères porteuses quelles que soient les circonstances. C'est sans doute parce que, à mon avis, la grossesse et la naissance sont des expériences intimes et profondément humaines. Autrement dit, il n'y a pas d'issue favorable pour la femme qui accepte de porter un enfant: si elle nie les émotions qu'elle ressent durant cette expérience et qu'elle considère cela comme une transaction commerciale, c'est une partie de son humanité qu'elle perd à un certain niveau; si, au contraire, elle admet ses émotions, elle s'attachera à l'enfant et éprouvera un sentiment de perte et de tristesse. Sa capacité de procréer est réduite à un service marchand qu'elle vend à autrui. Nous considérons que la maternité de substitution va à l'encontre de la dignité humaine.

Nous avons constaté que la famille de la mère porteuse était également affectée. Ses autres enfants voient le ventre de leur mère grossir, puis voyant qu'on abandonne le bébé, peuvent craindre que la même chose ne se reproduise dans leur cas.

Si un enfant naît avec des malformations congénitales—ce qui fait partie de la condition humaine et se produit à une certaine fréquence—et que le couple demandeur rejette l'enfant, la mère porteuse et son partenaire, si elle en a un, sont confrontés au problème d'avoir à élever un enfant qu'ils n'ont pas prévu de garder et dont les besoins particuliers peuvent grever leurs ressources affectives et financières.

Il est difficile d'oublier que ces contrats reposent sur la prémisse qu'un enfant est un produit qu'on peut acheter sur le marché. Une société compatissante a l'obligation de s'assurer que les gestes des individus—même ceux qui visent à apporter des avantages à certains—ne causent pas plus de préjudices à d'autres individus ou groupes.

Les intérêts de quelques individus servis par les accords de maternité de substitution sont de loin éclipsés par les répercussions négatives pour autrui et pour la société qui risquent de survenir. Or, les contrats de maternité de substitution par insémination ne sont pas illégaux au Canada, et j'entends dire de plus en plus souvent que des cliniques privées concluent des accords de maternité de substitution par FIV.

La Commission a reconnu qu'on ne pouvait empêcher des ententes privées sans intermédiaire médical et juridique, mais qu'il fallait protéger les intérêts des enfants concernés en instaurant des mesures législatives pertinentes.

Quant à la recherche sur les embryons, certaines connaissances concernant la reproduction sont nécessaires pour traiter l'infertilité, mais elles ne peuvent être acquises qu'en effectuant des recherches sur la fécondation et les premières étapes de développement dans différentes conditions. Certaines recherches sont donc essentielles pour s'assurer de l'innocuité et de la qualité des traitements médicaux dans le domaine. Même si la recherche sur les cellules souches dérivées des préembryons offrent beaucoup de potentiel, il importe toutefois de veiller à ce que les embryons soient traités avec respect à cause de leur appartenance à la race humaine. Il faut imposer des limites et une réglementation sur la recherche sur les embryons, de même que réglementer l'utilisation des embryons ex utéro. Or, il n'y a toujours pas de réglementation au Canada.

• 1200

Le diagnostic préimplantation, qui n'est pas la même chose que le diagnostic prénatal, puisqu'il est effectué avant la grossesse. Ce diagnostic illustre l'importance qu'il y a d'utiliser avec grand soin le matériel génétique. Dans la mesure où l'on effectue une fertilisation in vitro, on peut avoir un pré-embryon sur lequel il est possible de faire des analyses génétiques avant son implantation. Autrement dit, si vous prenez une cellule dans la grappe de cellules qui composent le pré-embryon, vous pouvez utiliser des sondes génétiques pour examiner des gènes en particulier, ou vous pouvez aussi examiner les chromosomes pour déterminer s'ils présentent des caractéristiques inusitées. Puis, seuls les embryons dont un génotype n'a pas été identifié comme indésirable seront transférés dans l'utérus.

Il est extrêmement rare qu'il soit approprié de faire un diagnostic pré-implantation. Ce diagnostic n'est utile que pour les parents qui courent un grand risque de transmettre une maladie monogénique identifiée ou une anomalie génétique chromosomique, mais qui ne souhaitent pas faire l'objet de tests génétiques prénatals moins risqués, moins coûteux et plus exacts. Malgré tout, on peut s'attendre à ce que les cliniques privées qui offrent ce service en fassent la promotion et le commercialisent. En effet, plus elles offrent de services, plus leur chiffre d'affaires augmente.

En 1997, une clinique privée de fertilité à Toronto offrait de vérifier les embryons avant qu'ils soient implantés pour voir s'ils ne présentaient pas un risque de malformation génétique contre des frais d'environ 8 000 $ par cycle. De plus, la clinique offrait à la population un diagnostic préimplantation de 27 maladies dites génétiques dont certaines n'étaient associées ni de près ni de loin à un gène particulier ou à une maladie, dont le cancer du sein.

Le médecin de la clinique en question expliquait qu'on assistait au début de la fin des maladies génétiques. Visiblement, il ne savait pas grand chose de la génétique. Mais il a ajouté que la liste des maladies que la clinique pourrait dépister allait croître exponentiellement avec le temps.

Ce genre de promotion et d'affirmations exagérées illustrent une technologie qui ne fait l'objet d'aucun contrôle de qualité pour les parents et qui peut mener à une utilisation abusive. Nous en sommes à l'époque où l'identification des génotypes associés à un risque particulier de maladie devient de plus en plus commun. Or, la population pourrait ne pas comprendre que la présence d'un gène n'implique pas nécessairement que l'on développera la maladie associée à ce gène. Par conséquent si on laisse se développer de façon aléatoire le diagnostic préimplantation, cela ne garantit pas que cette technique sera utilisée de façon bénéfique.

Tous les parents veulent que leurs enfants soient en bonne santé, et la commercialisation de cette technologie pourrait servir cet objectif de façon trompeuse et exploiteuse. Pour que le diagnostic préimplantation soit bénéfique du point de vue de la santé, il ne devrait être offert que dans des cliniques qui adhèrent à des protocoles clairs, qui ont démontré les avantages de la technique et ont prouvé leurs compétences en la matière, et qui offrent enfin les ressources suffisantes en termes de counselling et de suivi.

Le choix du sexe: il existe trois moyens de choisir le sexe simplement parce que l'on préfère avoir un garçon plutôt qu'une fille, ou vice versa. D'abord, il y a l'avortement qui peut être pratiqué après le diagnostic prénatal lorsque l'enfant ne correspond pas au sexe désiré; ensuite, il y a le transfert de l'embryon du sexe choisi après le diagnostic préimplantation; enfin, il y a l'insémination d'un embryon du sexe choisi après le traitement du sperme. Chacune de ces méthodes soulève différents enjeux éthiques et sociaux, mais la Commission a jugé que le choix du sexe par simple préférence est contraire à ses principes directeurs et aux valeurs des Canadiens en général sur l'égalité entre les hommes et les femmes. Toutefois, aucune politique ou mécanisme n'est encore en vigueur.

Passons à la manipulation des gènes humains: la modification génique des cellules somatiques comporte l'introduction d'un gène normal dans les cellules d'une personne pour corriger une maladie génétique. L'utilisation d'une telle technique chez les adultes ou les enfants peut être indiquée si c'est la seule manière de sauver les personnes gravement atteintes. Durant la grossesse, cette technique présente des risques pour la mère de même que pour le bébé. Autrement dit, en plus de l'examen habituel des aspects éthiques, il faudrait donc un autre mécanisme d'examen.

• 1205

La modification génique de la lignée germinale, qui sert à modifier les gamètes, l'embryon ou la personne avec un gène transmissible, ou encore la modification génique à des fins non thérapeutiques en vue d'améliorer certaines caractéristiques d'un individu par ailleurs en bonne santé posent un problème différent. Elles comportent de graves risques sur le plan social et médical sans apporter d'avantages évidents pour l'individu. Une réglementation est donc nécessaire pour fixer des limites.

Enfin, passons à l'utilisation du tissu foetal. Selon les données recueillies par la Commission, il existe une possibilité réelle que le recours à la greffe de tissu foetal atténue considérablement la souffrance humaine dans certaines maladies dévastatrices. L'interdiction d'effectuer de telles recherches serait peu généreuse et contraire à l'éthique. Mais, par ailleurs, comme l'avortement électif constitue la seule source pratique de ce tissu, des contrôles doivent être établis pour s'assurer que son utilisation pour la recherche ne favorise pas l'avortement ou l'exploitation des femmes. Nous avons recommandé, par exemple, que la décision de permettre l'utilisation du tissu soit prise après celle d'avorter, qu'aucun don direct ne soit possible à un membre de la famille, par exemple, et que la mère qui avorte n'en tire aucun bénéfice ou rémunération.

J'ai parcouru le document rapidement, mais en bref, vous comprenez que les techniques de reproduction ne forment certes pas un ensemble homogène. Certains usages sont bénéfiques et devraient être encouragés, d'autres doivent être interdits complètement et enfin, des limites particulières devraient être fixées dans certains autres cas. Autrement dit, il est grand temps d'intervenir dans le dossier des nouvelles techniques de reproduction, car les problèmes ne disparaîtront pas; en fait, la technologie ne cesse de progresser, et toutes les semaines les manchettes font état d'une nouvelle technique, en même temps que les usages et les possibilités d'abus se multiplient.

Quelles ont été les conclusions de la Commission? Nous avons recommandé que le gouvernement canadien, à titre de gardien de l'intérêt public, intervienne sur deux plans, soit pour fixer des limites dans le domaine des nouvelles techniques de reproduction et pour mettre en place un système pour gérer ces techniques dans le cadre de ces limites. Il ne s'agirait pas seulement de gérer la situation actuelle, mais surtout de pouvoir gérer son évolution d'une matière souple, adaptée et continue. Nous avons donc recommandé une législation pour interdire plusieurs aspects des nouvelles techniques de reproduction tels que certains types de recherches sur les embryons, le clonage reproducteur, la création d'hybrides ou le transfert d'embryons humains à d'autres espèces. Nous avons également recommandé d'interdire l'utilisation d'ovules provenant de foetus de sexe féminin en vue de leur implantation; la vente d'ovules, de sperme, de zygotes, de foetus ou de tissu foetal humain et, enfin, le versement de sommes d'argent pour des contrats de maternité de substitution ou le fait d'agir comme intermédiaire.

La grande majorité des Canadiens approuve ces limites, d'après ce que nous avons entendu, et notre analyse déontologique de la situation nous laisse croire que ce genre d'activités ne devraient jamais avoir lieu. En effet, les raisons déontologiques qui permettent d'expliquer pourquoi les recherches ne devraient pas avoir lieu ne disparaîtront pas du jour au lendemain.

Deuxièmement, la Commission a vivement recommandé que le gouvernement canadien crée un organisme national de réglementation et que des licences soient nécessaires pour offrir les nouvelles techniques de reproduction à la population. Le Canada ne peut maintenir l'ensemble disparate de normes et d'usages qui existent actuellement et que la Commission a décrits, les cliniques et les pratiques allant de l'exemplaire au plus nocif. La population semblait dire à l'unanimité ou presque qu'il était nécessaire de créer un organisme de réglementation. Presque tous ceux à qui nous en avons parlé en étaient convaincus. Une vision nationale est essentielle, car ces techniques ont des répercussions qui dépassent les frontières d'une seule province. Par exemple, le fait de permettre les accords rémunérés de maternité de substitution dans une province, mais pas dans une autre laisse entendre que cette pratique est acceptable—idée qui fera immanquablement son chemin dans les autres provinces. En permettant à des femmes de 65 ans de subir une FIV dans une province, mais pas dans une autre, on encourage le tourisme de la reproduction et les exemples sont nombreux.

• 1210

On a recommandé qu'une Commission nationale de la réglementation soit établie pour délivrer les licences et réglementer la prestation de services, et que cette Commission soit indépendante du gouvernement. On nous l'a répété maintes fois. Nous avons recommandé que la Commission compte au moins la moitié de femmes et qu'elle inclut des personnes ayant une expérience et des points de vue variés, même s'il n'est pas obligatoire que ces membres soient des spécialistes de la médecine de la reproduction.

En effet, les membres de la Commission pourraient se renseigner auprès de spécialistes tout comme vous l'avez fait vous-même. Les personnes choisies ne devraient pas avoir le sentiment de représenter une clientèle particulière à qui ils doivent des comptes, car cela mènerait au cul-de-sac. Les personnes choisies devraient avoir une expérience et des points de vue variés et pouvoir prendre des décisions du point de vue du citoyen. En effet, ces gens doivent juger dans l'intérêt de la population, tout comme le font les parlementaires, et non pas dans l'intérêt de certains groupes particuliers.

Tout au long de nos audiences, nous avons entendu dire que cette Commission de réglementation devrait être indépendante du ministère de la Santé, afin d'assurer l'ouverture et la transparence. Nous avons recommandé que les audiences pour l'obtention de licences soient publiques et que l'organisme de réglementation rende compte chaque année aux Canadiens, par l'entremise du Parlement, des usages que l'on fait des techniques de reproduction.

La Commission a recommandé qu'il soit obligatoire de détenir une licence pour offrir des services aux Canadiens, et la licence serait délivrée que si l'on respecte certaines conditions bien précises. L'absence d'un tel système coûterait en fin de compte beaucoup plus cher aux Canadiens que les dépenses relativement modestes associées à la création d'un organisme de ce genre.

Le système de réglementation recommandé a l'avantage d'intégrer les exigences minimales dans une loi; bien qu'en vertu de la loi, il faudrait être titulaire d'une licence pour offrir des services aux Canadiens, les politiques et règles régissant l'obtention de cette licence pourraient évoluer et être modifiées sans qu'on ait à apporter des changements à la loi. C'est un aspect important dans un domaine qui progresse à un rythme fulgurant alors qu'il faut, nous le savons bien, plusieurs années pour modifier une loi.

Vous aurez constaté qu'il y a beaucoup de ressemblance entre ce que la Commission recommandait et l'avant projet de loi dont vous êtes saisis.

J'ai fait un bref tour d'horizon des travaux de la Commission royale d'enquête, et j'aborderai maintenant le deuxième volet de ma présentation, soit l'avant-projet de loi. Il est beaucoup plus important de créer un régime de réglementation que de tergiverser sur des détails. En effet, le grand nombre de Canadiens qui ont aujourd'hui recours à ces technologies le font sans nécessairement pouvoir obtenir toute l'information voulue sur les risques et les avantages de ces méthodes, sans que les dossiers soient bien montés et sans que les informations pertinentes soient bien recueillies. Étant donné que l'on n'a pas d'information solide sur l'issue des traitements, l'important est de rendre obligatoire l'octroi des licences.

Lorsque le système proposé aura été instauré, je crois qu'il sera possible d'apporter des changements en temps et lieu, malgré la rapidité avec laquelle évolue ce domaine. Je préférerais personnellement que les interdictions soient limitées au minimum dans la loi et que l'on s'attarde plutôt aux conditions d'octroi des licences.

L'avant-projet de loi dont vous êtes saisis me semble plus équilibré et mieux élaboré que l'ancien projet de loi C-47, car il traite non seulement des interdictions, mais aussi de l'envers de la médaille, c'est-à-dire qu'il assure l'accès à des techniques éprouvées et bénéfiques.

Les Canadiens qui ont recours à ces technologies pour fonder une famille doivent savoir que ces techniques leur sont accessibles dans un environnement réglementé qui répond à des normes de dispense de service, de divulgation d'informations et de tenue de dossiers.

• 1215

L'avant-projet de loi ouvre pour la première fois la possibilité d'identifier les donneurs de sperme. Les individus qui sont nés par dons de sperme sont comme vous et moi et veulent tout autant que nous avoir des détails sur leurs géniteurs biologiques. Rappelez-vous le secret qui entourait l'adoption il y a de cela 50 ans. On n'en parlait pas, comme si c'était honteux. Or, l'adoption est aujourd'hui considérée comme un phénomène précieux pour la société, et les enfants apprennent dès l'enfance qu'ils ont été adoptés. Peut-être pouvons-nous évoluer vers une situation semblable qui permettrait aux donneurs de sperme altruistes d'accepter que l'on divulgue de l'information qui les identifierait. Il me semble qu'il faut tenir compte fortement des besoins psychologiques de ceux qui sont nés grâce à cette technologie et qui une fois adultes ont des sentiments mixtes à ce sujet.

Nous avons entendu—tout comme vous les avez entendus vous aussi—des professionnels nous expliquer que leur profession se réglementait elle-même et qu'il était inutile de créer une Commission de surveillance. Je conviens avec eux que la réglementation par l'ordre professionnel est nécessaire, mais elle ne suffit pas. Beaucoup des décisions qui touchent à la façon dont nous avons recours aux technologies de reproduction sont de nature déontologique et touchent la politique sociale, et les spécialistes en médecine ne sont pas les mieux équipés pour prendre des décisions au nom de la société. Nous devons évidemment miser sur le travail valable des sociétés professionnelles qui ont fixé des normes, ont formé et accrédité leurs gens, ont établi des lignes directrices techniques, mais il nous faut aussi une instance qui établisse la politique et soit le réceptacle de l'opinion de la société canadienne sur la façon dont les technologies seront utilisées au Canada. Les Canadiens nous ont dit à maintes reprises qu'il ne suffisait pas de demander aux spécialistes de s'autoréglementer.

Pour ce qui est de l'avant-projet de loi, j'aurais des questions au sujet de six dispositions, et je vais les parcourir l'une après l'autre. Commençons par la définition du génome, soit «la totalité de la séquence d'acide deoxyribonucleic nucléaire d'une cellule donnée». Cette définition exclut le transfert cytoplasmique ou mitochondrial; or, vous avez certainement entendu parler—peut-être par les journaux—de l'annonce récente faite par les scientifiques américains de la naissance créée par le transfert de cytoplasmes et de petites organelles du cytoplasme appelés mitochondries, qui comportent des gènes, prélevées de l'ovule d'une femme et implantées dans l'ovule d'une autre. Ces enfants ont des gènes nucléaires de deux parents, comme c'est toujours le cas, mais présentent également des gènes supplémentaires—les gènes mitochondriaux—provenant d'une troisième personne et pouvant être transmis à leur tour à leurs propres enfants.

L'alinéa 3(1)b) dit que nul ne peut sciemment «modifier le génome d'une cellule d'un être humain ou d'un embryon in vitro de manière à rendre la modification transmissible aux descendants de celui-ci». Mais étant donné que le génome est décrit plutôt comme étant simplement un génome nucléaire, comme le veut le libellé actuel du projet de loi, il serait permis de modifier les gènes mitochondriaux transmissibles.

Quelle que soit la position que prendra le gouvernement à ce sujet, il me semble qu'il n'appartient pas aux cliniques ou aux médecins de prendre position ici. L'autorité réglementaire devra évaluer le pour et le contre, et il faudra mettre en place une politique qui s'appliquera aux gènes aussi bien mitochondriaux que nucléaires.

Voilà qui résume ma première observation. Je n'en ai que six, et je tâcherai d'être brève.

Toujours au sujet des définitions, le matériel reproductif humain est défini dans les termes suivants: «gène humain, cellule humaine, y compris un ovule ou un spermatozoïde, embryon in vitro...». Je me demande encore, étant donné que je n'ai pas eu suffisamment de temps pour réfléchir sérieusement à tout cela, si ce libellé n'aura pas des effets inattendus sur la recherche sur le clonage des tissus ou sur le traitement de l'infertilité. «Cellule humaine» me semble définir tous les tissus humains vivants comme étant du matériel reproductif humain, et plus tard, au paragraphe 8(1), on dit que sauf en conformité avec une autorisation délivrée par l'autorité réglementaire, il est interdit de «traiter du matériel reproductif humain... pour faciliter la reproduction humaine».

Il me semble que ces définitions s'appliqueraient aux médecins pratiquant une chirurgie tubaire étant donné qu'ils facilitent la reproduction humaine et qu'ils traitent du matériel reproductif humain, en vertu de la définition actuelle. Vous voudrez peut-être réfléchir à cela.

Ma troisième observation a trait à une autre définition qu'on retrouve à l'article 2 et qui dit:

    «mère porteuse» La personne de sexe féminin qui porte un embryon ou un foetus provenant des gènes d'un donneur, avec l'intention de remettre l'enfant au donneur à la naissance [...]

• 1220

Il faudrait ajouter ici les mots «ou aux donneurs», pour que l'on ait «au donneur ou aux donneurs». Le libellé actuel ne traite pas de la fécondation in vitro avec transfert d'embryon parce que dans ce cas-ci, les gènes du foetus proviennent de plus d'un donneur. La personne visée ne serait pas considérée comme une mère porteuse dans le libellé actuel et se soustrairait à l'application du paragraphe 4(1) du projet de loi, qui interdit de rétribuer une mère porteuse.

Quatrièmement, j'attire votre attention sur l'article 10, qui traite du remboursement des frais. À mon avis, l'alinéa 10b) veut dire que les établissements autorisés seraient en mesure de rembourser les frais d'une donneuse d'ovocytes ou d'un donneur de spermatozoïdes. Quels sont les frais légitimes des donneuses d'ovocytes? Est-ce que cela signifie prendre un mois de congé pour se remettre d'un traitement hormonal ou du prélèvement de l'ovocyte? La Commission jugeait qu'il n'était pas justifié pour les femmes de prendre des risques pour leur santé lorsqu'elles font don d'ovocytes pour quelqu'un d'autre. Nous pensions que les femmes qui se prêtent à une chirurgie gynécologique ou qui reçoivent un traitement d'infertilité, et qui par conséquent prennent déjà des risques pour leur santé, devraient être en mesure de faire don d'ovocytes, si elles le désirent, mais qu'on ne rembourserait pas leurs frais. Si les établissements autorisés remboursent ces frais substantiels, il est aisé d'imaginer des cas d'exploitation.

On pourrait amener des femmes qui sont dans le besoin à faire don d'ovocytes, et soit dit en passant, je crois qu'il faut être très prudent et utiliser des termes précis, parce que cela facilite réellement une réflexion claire. Certaines cliniques de l'Ontario versent maintenant 5 000 $ à ces personnes qu'elles appellent les donneuses d'ovocytes. Ce terme n'est pas exact. Si on leur remet une telle somme, elles deviennent des vendeuses d'ovocytes, et l'on ne réfléchit clairement que lorsqu'on appelle les choses par leur nom.

La disposition du projet de loi qui suit, l'alinéa 10c), signifie que l'on peut payer le médecin qui pratique l'insémination par donneur ou la fécondation in vitro pour la mère porteuse, et l'alinéa 10d) suivant permet aux établissements autorisés de rembourser les frais des mères porteuses. Quels sont ces frais? Si une femme prend plusieurs mois de congé, achète des vêtements de maternité, doit se déplacer pour subir des tests et des examens médicaux, prendre des suppléments vitaminiques, ces dépenses de la mère porteuse pourraient totaliser plusieurs milliers de dollars. Ces frais pourraient inciter les femmes qui sont dans le besoin à entreprendre une grossesse afin de donner le bébé.

Même si une disposition antérieure, le paragraphe 4(2), interdit de faire de la publicité ou d'agir comme intermédiaire pour de tels services, je pense que l'alinéa 10c) veut dire que les médecins qui pratiquent l'insémination par donneur ou le transfert d'embryons fécondés in vitro à une mère porteuse peuvent être rétribués pour ce faire dans un établissement autorisé. Il me semble que le médecin devient ici un intermédiaire. La Commission avait recommandé que l'on ne donne aucun encouragement à la maternité de substitution, et elle avait affirmé que le fait d'autoriser une assistance médicale rétribuée pour faciliter la maternité de substitution indiquerait que la société est désormais disposée à accepter cette pratique.

Le counselling également, en ce qui concerne la maternité de substitution, est permis dans les établissements autorisés, mais pour les raisons que j'ai mentionnées plus tôt, la Commission avait recommandé que l'on interdise la marchandisation de la maternité de substitution, tout comme le veut ce projet de loi-ci. Mais contrairement au texte de loi que vous avez devant vous, nous avons découvert que ce que l'on appelle la maternité de substitution à visée altruiste posait également de nombreux problèmes. Il peut s'agir de coercition ou de pressions familiales pour participer—nous avons constaté plusieurs cas de ce genre—, la confusion chez l'enfant pendant sa croissance s'il connaît l'identité du donneur, et le fait qu'une femme en bonne santé prenne des risques au profit de quelqu'un d'autre. Même s'il n'y a aucun échange d'argent, il n'en demeure pas moins qu'un enfant est conçu pour être remis à quelqu'un d'autre, et cela a pour effet de réifier les enfants. Si l'on autorise le remboursement généreux des dépenses des mères porteuses, je crois que cela pose un problème et que cela constitue dans les faits une marchandisation de la maternité de substitution.

La Commission a admis que l'insémination par donneur privé sans intermédiaire pouvait se faire, et pour protéger l'enfant dans de tels cas, nous avons recommandé que l'on modifie le droit de la famille afin de préciser que les accords de maternité de substitution ne sont pas exécutoires, que la femme qui donne naissance est la mère légale, qu'il y ait une période d'attente minimum avant qu'elle ne renonce à ses droits sur l'enfant, et que dans tout litige, l'intérêt supérieur de l'enfant l'emporte. Mais il y a une différence dans la mesure où nous avons également recommandé que tout établissement qui, sciemment, pratique l'insémination par donneur ou la fécondation in vitro afin de faciliter un accord de maternité de substitution perde son permis. C'est une question à laquelle le comité voudra peut-être accorder plus de réflexion.

• 1225

J'ai deux autres observations très brèves. L'une porte sur le paragraphe 20(2) concernant la destruction des renseignements biologiques. Je ne suis pas avocate, mais je ne comprends pas les motifs et les effets de cette disposition qui permet à un donneur, une personne soignée ou une personne qui est issue de ce traitement, de faire détruire des renseignements biologiques, mais peut-être que vous comprenez cette disposition mieux que moi.

Ma dernière observation a trait au paragraphe 21(2), qui dit que l'on tiendra un registre où figurent les renseignements biologiques sur les donneurs, les personnes ayant obtenu une assistance à la procréation et les personnes qui en sont issues. On ne dit pas pour combien de temps, et je pense qu'il serait bon de le préciser. Lorsque nous avons réuni des données provenant de toutes les régions du pays, nous avons constaté qu'il y avait de grands écarts, comme je l'ai dit, dans la conservation des renseignements. C'est important parce que les personnes issues de la procréation assistée pourraient être d'âge adulte le jour où elles auront besoin de renseignements médicaux pertinents ou d'autres renseignements sur le donneur, et il faut donc conserver ces renseignements pendant plusieurs années. En Grande-Bretagne, on les conserve pendant 70 ans. Nous avions recommandé qu'on les conserve pendant 100 ans.

En terminant, je tiens à vous remercier de m'avoir écoutée. Je suis probablement plus consciente que quiconque des difficultés véritables et de l'ampleur de la tâche qui vous attend—et chose certaine, ce n'est pas facile. Je ne crois pas que toute innovation constitue un progrès par définition. Ce n'est pas être technophobe que d'admettre que l'exploitation, l'injustice sociale et la déshumanisation peuvent résulter de certains usages de la technologie génétique et génésique. À mon avis, lorsque le gouvernement prend des décisions, il doit être conscient non seulement des dangers physiques mais des dangers que ces décisions font peser sur les rapports que nous avons entre nous.

Je tiens à le rappeler, et cette idée est au coeur de ma contribution, que je suis favorable à ce projet de loi dans son ensemble, étant donné que le vrai besoin consiste à établir un régime réglementaire pour les technologies de reproduction. Il y a plus de dix ans que nous débattons, que nous discutons et que nous procédons à des consultations sur ces questions au Canada, et pendant ce temps, il y a plusieurs milliers de Canadiens qui chaque année, ont recours à ces technologies. Le gouvernement a le devoir de s'assurer que leur santé et leur sécurité sont protégées, et je crois que le plus important est de mettre en place le plus vite possible une autorité réglementaire, après quoi nous pourrons apporter les ajustements voulus.

Je pense que c'est une grande responsabilité que vous avez de gérer la manière dont nous allons faire les choix qui nous attendent, et mes meilleurs voeux de réussite vous accompagnent dans la réflexion que vous allez entreprendre pour nous tous.

Merci.

La présidente: Merci, docteure Baird, pour cet aperçu très complet de vos activités, et particulièrement de votre réflexion sur ce projet de loi.

Nous allons maintenant passer aux questions. Je tiens à rappeler à mes collègues que nous avons également au programme une étude d'un rapport que nous pourrions adresser au Parlement sur le processus de filtrage des dons de sang. C'est assez court, mais c'est un texte qui pourrait être controversé, nous devons donc nous réserver du temps. Je serai donc un peu plus sévère relativement au droit de parole aujourd'hui.

J'ai sur ma liste jusqu'à présent M. Merrifield, M. Bonin, Mme Picard et Mme Sgro. Je vais tâcher de vous limiter à cinq minutes chacun—c'est-à-dire cinq minutes comprenant questions et réponses.

[Français]

M. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.): Madame la présidente, je voudrais parler d'horaire. Avec la permission ou la collaboration de M. Ménard, nous pourrions nous entendre pour reporter l'étude de cette question à la prochaine séance, jeudi, puisque nous avons perdu du temps au début de cette séance, à cause du vote. M. Ménard est dans la même situation que nous.

Pour rendre justice au dossier que nous avons étudié ensemble, et aussi pour pouvoir profiter de la présence de Mme Baird, qui a une expérience exceptionnelle, pourrions-nous convenir de reporter l'étude de ce dossier à la prochaine séance, jeudi?

M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Vous devez comprendre que si nous reportons l'étude de cette question à jeudi, nous ne pourrons pas rendre notre rapport public avant la fin de la présente session, puisque nous ne siégerons probablement plus après cette semaine. On pourra rendre le rapport public au mois de septembre.

Il n'y a pas d'urgence, mais je voudrais que, du côté ministériel, on me donne la garantie que nous allons déposer un rapport en septembre. Ce n'est pas une urgence. On peut s'entendre à ce sujet, mais je tiens à ce qu'un rapport soit déposé parce que nous avons rencontré des gens.

• 1230

Je pense, en effet, qu'il faut prendre le temps d'échanger avec Mme Baird, compte tenu de son expertise. Il serait mieux, dans ce cas, de s'en reparler en septembre, parce qu'en reparler jeudi ne donnera rien. Vous ne pourrez pas déposer de rapport vendredi.

[Traduction]

La présidente: Merci, monsieur Charbonneau.

Monsieur Ménard, je tiens à vous prévenir que nous avons un témoin aujourd'hui, et que jeudi, nous aurons six témoins représentant des groupes religieux. Ce sera donc des exposés assez longs, et je pense que des questions compliquées en émaneront. Bien sûr, nous n'avions pas prévu le vote aujourd'hui et, mais j'avais bel et bien prédit que nous déborderions un peu de notre horaire, et voilà pourquoi nous avons prévu un déjeuner aujourd'hui. Nous pourrions donc faire au moins un tour avec la Mme Baird, faire une pause pour le déjeuner, et ensuite étudier ce rapport. Le rapport n'a qu'une page. Je voulais aussi prévenir M. Ménard que le comité n'a pas encore décidé s'il fera un rapport ou non ou s'il veut simplement écrire une lettre au ministre, etc. J'ai dit que nous tâcherions de produire un rapport, et nous avons une ébauche que nous pouvons étudier, mais cela ne veut pas dire que le comité va produire ce rapport. Donc le comité doit étudier cette question. J'ai pensé que pendant la pause déjeuner, les gens pourraient lire ce que l'on propose, et que nous pourrions en discuter ensuite.

Monsieur Charbonneau, je crains que la séance de jeudi ne soit très longue de toute façon. Nous devrions peut-être simplement commencer. Je vais demander à mes collègues d'être aussi brefs que possible. La Mme Baird nous laisse le texte de ses observations, donc toutes ces principales observations seront versées dans vos dossiers de toute façon.

Monsieur Merrifield.

M. Rob Merrifield (Yellowhead, AC): Cinq minutes, ça peut passer très vite, je tiens donc à vous remercier d'être venue. De toute évidence, vous disposez d'une vaste expérience dans ce domaine, et je vous sais vivement gré de nous en avoir fait part ce matin.

Je suis un peu inquiet quand je vous entends dire que les embryons doivent être traités avec le plus grand respect. J'imagine qu'une partie des difficultés qui nous attendent ont trait justement au degré de respect. Vous dites qu'il faut être prudent avec le clonage et l'utilisation de la recherche sur les embryons. D'autres témoins nous ont dit, comme vous, qu'il fallait être prudents au niveau des interdictions. Nous devons nous interroger sérieusement sur le statut de l'embryon. Vos vues ont-elles quelque peu changé à cet égard? C'est ma première question.

L'autre question que j'aimerais poser avant que mon temps de parole ne soit écoulé—et j'espère que vous pourrez répondre aux deux—porte sur l'autorité réglementaire. Vous dites que ce groupe de personnes ne doivent pas avoir d'intérêts particuliers, et pourtant 50 p. 100 d'entre elles, dites-vous, seront des femmes, qui constitueront aussi un intérêt particulier. Je constate donc une faille dans cette logique. Pouvez-vous répondre à cette question aussi?

Mme Patricia Baird: Je dois être brève, pour que vous puissiez poser quelques questions, mais le statut moral de l'embryon est une question qui préoccupe les théologiens et les philosophes depuis des centaines d'années. Cette question préoccupait aussi notre commission, tout comme tous les comités ou commissions d'enquête qui se penchent là-dessus. Chose certaine, au Canada, les opinions sur le statut moral de l'embryon sont très diverses. Je crois que votre tâche consiste, tout comme la nôtre, à trouver une solution qui soit humaine et fondée sur des principes, et qui admet le fait que les opinions à ce sujet sont très diverses. Notre commission, tout comme presque toutes les autres commissions d'enquête qui se sont penchées sur la question, croit qu'il faut respecter l'embryon étant donné son lien avec la communauté humaine, mais qu'il est permis de l'utiliser dans certaines circonstances dans la première ou les deux premières semaines d'évolution, et c'est ce que nous avons recommandé.

Je pense que vous pouvez dire également que nous avons recommandé l'établissement d'une autorité réglementaire qui serait composée d'hommes pour moitié, et peut-être que les hommes ont des intérêts particuliers eux aussi. Notre société est faite d'hommes et de femmes, moitié-moitié. La plupart des technologies sont en fait utilisées sur le corps de la femme, et il nous semblait donc tout à fait indiqué de s'assurer que la perspective féminine soit représentée dans cette commission.

Je crois sincèrement que c'est une erreur que d'avoir au sein de l'autorité réglementaire des personnes qui représentent des clientèles particulières. À mon avis, ces personnes doivent avoir la ferme conviction qu'il s'agit là de questions très complexes et qu'il y a là des dilemmes qu'elles doivent régler dans l'intérêt public d'une société diverse.

• 1235

M. Rob Merrifield: J'aimerais que l'on parle un peu plus de ces intérêts particuliers. Vous dites qu'étant donné que 50 p. 100 de la population est féminine, elle ne constitue pas par conséquent un intérêt particulier. C'est la logique que vous employez?

Mme Patricia Baird: Non. Je dis qu'il y a des perspectives masculines ainsi que féminines. Je crois que si c'est moitié- moitié, il faut que les deux soient bien représentés.

M. Rob Merrifield: Oui, on pourrait essayer.

Je pense qu'il y a d'autres intérêts particuliers. Je trouve seulement intéressant que vous ayez signalé cela dans cette perspective. C'est une logique intéressante.

Je crois que l'autorité réglementaire est une solution d'avenir. Vous dites qu'elle doit être indépendante du gouvernement. Mais dans quelle mesure doit-elle l'être? Une autorité quasi-judiciaire est-elle préférable à une autorité relevant de Santé Canada?

Mme Patricia Baird: Je crois que les Canadiens ont fait savoir très clairement qu'ils voulaient une autorité indépendante de Santé Canada. Cette autorité doit rendre des comptes aux citoyens du Canada, par l'entremise du Parlement, et la façon de faire qui est probablement la plus raisonnable consiste à passer par le ministre de la Santé. Étant donné que les parlementaires rendent des comptes aux Canadiens, et que l'autorité réglementaire leur rendra des comptes à eux, des comptes seront ultimement rendus au public. Je crois qu'une autorité réglementaire totalement indépendante ne serait pas vraiment comptable envers les Canadiens.

Vous allez devoir examiner un certain nombre de modèles. L'un d'entre eux qui a marché raisonnablement bien est celui de la Grande-Bretagne. Mais vous devez savoir que les Canadiens ont fait savoir à maintes reprises et avec force qu'ils veulent un organisme indépendant—qui ne serait pas totalement indépendant, qui rendrait des comptes de toute évidence par l'entremise du ministre—mais qui leur donnerait la certitude qu'il agit dans l'intérêt public.

La présidente: Merci, docteure Baird.

Merci, monsieur Merrifield.

Monsieur Bonin.

M. Ray Bonin (Nickel Belt, Lib.): Merci, madame la présidente.

Tout d'abord, je tiens à féliciter notre présidente, nos attachés de recherche et notre greffier pour la qualité des témoins que l'on a invités.

Le talent que vous déployez dans l'enseignement de votre spécialité m'impressionne au plus haut point.

J'ai remercié le ministre de nous avoir présenté ce projet de loi sous forme d'ébauche parce que je constate que la majorité d'entre nous avons des réserves relativement au caractère moral et déontologique de cette question. Nous ne sommes pas seuls d'ailleurs. Étant donné qu'il s'agit d'une ébauche, nous sommes en mesure de participer et d'y contribuer.

J'ai moi aussi une question sur l'autorité réglementaire. Elle est peut-être injuste; si tel est le cas, veuillez nous dire ce que vous pouvez parce que vous avez bel et bien entendu les avis de groupes religieux. Lorsqu'on dit que l'autorité réglementaire ne doit pas être la propriété d'une instance intéressée ou d'une instance formée de personnes ayant des intérêts particuliers, cela veut-il dire que les Canadiens qui ont des convictions religieuses fortes devraient en être exclus?

Je sais à quel point cette question est difficile, probablement pour vous aussi. Mais vous avez entendu des témoins. Pouvez-vous nous éclairer à cet égard?

Mme Patricia Baird: Non. Je pense que les groupes religieux ont longuement réfléchi au fil des siècles à certaines de ces questions. Nous avons beaucoup à apprendre de ce genre d'analyse et de réflexion. Il serait donc parfaitement indiqué qu'il y ait au sein de l'autorité réglementaire des personnes qui sont de confessions différentes. Mais ce qui est important, c'est qu'elles ne considèrent pas qu'elles siègent à cette autorité réglementaire strictement pour représenter leurs confessions et qu'elles ont des comptes à rendre à leurs groupes religieux. Ces personnes doivent être là, je crois, pour faire valoir des perspectives telles que tous les parlementaires, pour ainsi dire—ceux qui représentent l'intérêt public—puissent alors parvenir à un consensus sur la politique la plus raisonnable qui soit.

Je crois que nous avons beaucoup à apprendre de l'analyse des groupes religieux.

M. Ray Bonin: Le problème pour certains d'entre nous, c'est qu'il y a des gens qui croient que les politiciens devraient laisser leurs convictions morales au vestiaire. J'ai entendu cela tant de fois. Moi je ne laisse pas mes convictions morales au vestiaire. Est-ce que cela veut dire que je ne pourrais pas...? C'est difficile, parce que je ne représente pas l'Église catholique; je ne représente que moi-même.

• 1240

En toute équité envers l'autorité réglementaire et le projet de loi, je peux faire savoir quelles sont mes réserves, mais je pense que je devrais avoir le droit d'être membre de cette autorité réglementaire—je ne dis pas que mes vues doivent être majoritaires au sein de l'autorité réglementaire—pour nous assurer que les autres vues sont représentées.

Mme Patricia Baird: Tout comme nous constituons une société diverse dont les perspectives différentes sont nombreuses, il faut vraiment que cette autorité réglementaire soit très diverse aussi.

M. Ray Bonin: Merci beaucoup. J'apprécie votre point de vue.

La présidente: Merci, monsieur Bonin.

Madame Picard.

[Français]

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Bonjour, madame Baird. Je suis très heureuse de vous revoir. Vos propos sont toujours intéressants, même si nous en sommes à la quatrième étude de ce sujet. Je vous remercie d'être là.

Vous êtes sûrement d'avis que la recherche progresse plus vite que la réglementation. Vous l'avez mentionné plus tôt. Lors de votre première consultation, quand vous avez déposé le rapport Baird, le comité avait parlé de clonage humain. À cette époque, on ne parlait pas de clonage à des fins thérapeutiques.

J'ai moi-même déposé un projet de loi visant à interdire le clonage humain. Vous aviez alors affirmé ne pas être en faveur de ce projet de loi à cause de son libellé. Vous considériez que cela représentait un frein à la recherche, que cela pouvait empêcher la recherche d'évoluer. J'imagine qu'à cette époque, vous songiez au clonage à des fins thérapeutiques. Êtes-vous en faveur du clonage à des fins thérapeutiques?

Vous avez mentionné plus tôt que l'avant-projet de loi actuel est meilleur que le projet de loi C-47. En quoi est-il meilleur?

[Traduction]

Mme Patricia Baird: Si je comprends bien ce projet de loi, on y interdit le clonage génésique. Je suis tout à fait d'accord pour que cela soit interdit. On permet la recherche sur les cellules souches qui sont dérivées des premiers embryons—des embryons dont on n'a plus besoin pour le traitement du couple et qui existent en ce moment. Il me semble que c'est une position très raisonnable parce qu'on autorise une recherche qui peut présenter une grande valeur pour la société et pour les personnes qui souffrent de maladies impitoyables.

Il me semble donc que ce projet de loi réussit à interdire des interventions contraires à la déontologie, par exemple le clonage génésique, mais qu'il le fait d'une manière contrôlée et avec la reddition de comptes voulue. Je crois comprendre que tout établissement qui procède au clonage des cellules souches de l'embryon devra avoir un permis et que leurs géniteurs devront recevoir une permission, et l'on prévoit également toute une série d'interdictions. Il me semble que c'est un compromis raisonnable.

[Français]

Mme Pauline Picard: Vous avez répondu à ma première question, mais en quoi l'avant-projet de loi pose-t-il problème, selon vous? Vous avez dit qu'il était meilleur que le projet de loi C-47, que le gouvernement a retiré et qui est mort au feuilleton.

Vous avez dit qu'il est meilleur. Vous avez donné beaucoup d'information, mais je n'ai peut-être pas compris l'essentiel. Vous avez quand même des réserves sur l'avant-projet de loi actuel. Quelles sont ces réserves? Ne va-t-il pas assez loin?

La question de l'infertilité et de ses causes me tient vraiment à coeur. Je trouve qu'on utilise la procréation assistée très facilement. Bien sûr, il est très intéressant pour la science de trouver de nouveaux matériaux et de nouvelles techniques, mais je pense qu'on ne se penche pas assez sur les causes de l'infertilité de la femme. Percevez-vous, dans l'avant-projet de loi, la volonté de faire de la recherche sur les causes de l'infertilité, comme c'était le cas du rapport de la Commission Baird?

• 1245

[Traduction]

Mme Patricia Baird: De toute évidence, l'une des choses que vous voulez faire, c'est de prévenir l'infertilité, si possible. Nous avons recommandé la mise en place d'une approche globale à la santé génésique qui nous permettrait d'atteindre ce but. Je crois savoir que Santé Canada est en train de mettre au point une approche à la santé génésique en tant que telle. Vous pourriez peut-être demander aux responsables de Santé Canada quelle est cette approche. Mais il est parfaitement vrai et essentiel que notre pays offre des moyens de prévenir l'infertilité.

Néanmoins, je crois très important d'aller de l'avant et de mettre en place une autorité réglementaire et une loi. Je pense que nous pourrons apporter ensuite les ajustements voulus. Par exemple, si une clinique doit avoir un permis, l'une des conditions du permis peut être que, par exemple, la clinique accepte seulement de soigner des gens d'un certain âge et qui essaient d'avoir des enfants depuis un certain temps. Les cliniques qui vont accepter des couples dans la jeune trentaine et qui essaient seulement depuis cinq ou six mois... Les conditions d'octroi du permis de la clinique ne devraient pas permettre autant de précipitation.

Il faut également s'assurer que les renseignements qui sont révélés aux futurs patients sont exacts et qu'on leur explique tous les risques, de telle sorte qu'ils soient au courant du risque de grossesses multiples, des complications que pose un poids faible à la naissance, et du fait que la plupart des couples qui ont recours à la fécondation in vitro n'ont pas d'enfants. Même après plusieurs cycles de traitement, 80 à 85 p. 100 d'entre eux n'ont pas d'enfants.

Je pense que nous pourrions régler une partie de ces problèmes dans l'énonciation des conditions relatives à l'octroi du permis.

La présidente: Merci.

Madame Sgro.

Mme Judy Sgro (York-Ouest, Lib.): Merci beaucoup, docteure Baird.

Quand j'entends toutes les semaines les instances de personnalités aussi imminentes que vous-même, je suis heureuse de savoir que vous êtes canadienne et je vous suis très reconnaissante pour le travail que vous faites.

Il y a une question qui continue de susciter chez moi un grand malaise. J'aimerais avoir une baguette magique pour le faire disparaître à l'instant. Puis, le moment d'après, je me rends compte que nous devons aller de l'avant et régler cette question. Mais il y a tant d'autres questions qui interviennent ici, d'un point de vue déontologique et moral, que je trouve tout cela extrêmement difficile.

Dans quelle mesure ces techniques sont-ils répandues en ce moment? Où êtes-vous en mesure de me donner ce renseignement? Existe-t-il un grand nombre de cliniques qui procèdent à ces interventions sans les contrôles que vous recommandez? Dans quelle mesure est-ce répandu au Canada?

Mme Patricia Baird: Eh bien, je peux vous donner des chiffres approximatifs. On n'a pas fait d'étude scientifique depuis la nôtre, donc je fais des projections et je mets à jour ces données.

Je pense qu'environ 4 400 femmes entreprennent un cycle, soit une année de traitement FIV, ou quelque chose du genre. Entre 800 ou 900, je n'ai pas vu les statistiques, je vous dis donc cela au pied levé—ont des enfants grâce à la fertilisation in vitro. Elles sont entre 2 000 ou 3 000 à avoir des enfants de donneurs par insémination. Nous n'avons pas de statistiques là-dessus parce qu'une partie de ces interventions se font dans des cabinets de médecins ainsi que dans des cliniques privées.

On se retrouve probablement devant plusieurs milliers de Canadiens qui s'adressent chaque année à ces établissements. Je dirais qu'il y a probablement moins de deux douzaines de cliniques qui ont recours à ces techniques pointues, cela ne pose donc pas un grand problème. Mais c'est un problème important parce que les effets sur la santé sont considérables si vous n'avez pas de normes appropriées et s'il n'y a pas de divulgation. Les attentes des gens sont différentes lorsqu'elles ne disposent pas de renseignements exacts.

Est-ce que cela vous donne une idée?

Mme Judy Sgro: Quel genre de permis et de contrôle existe-t-il en ce moment pour ces divers laboratoires ou agences qui font ce genre d'interventions?

Mme Patricia Baird: Pas grand-chose.

Certaines personnes ont pris des initiatives au sein de la profession médicale—par exemple, la Société canadienne de fertilité et d'andrologie—pour mettre au point des lignes directrices et des normes. Mais tout cela est facultatif. Ce qui veut dire que les personnes qui sont dans des cliniques privées et qui ne veulent pas rendre de compte et qui se comportent vraiment comme des entrepreneurs ne veulent peut-être pas participer et ne participent pas non plus.

Mme Judy Sgro: On pourrait donc avoir des chiffres beaucoup plus élevés.

• 1250

Mme Patricia Baird: Pas dans les cliniques d'infertilité parce qu'évidemment, elles doivent faire de la publicité pour attirer des patients, donc nous les connaissons. Je crois qu'il en existe environ 22 en ce moment. Mais comme je l'ai dit, je n'ai pas étudié la situation au cours de la dernière année.

Mme Judy Sgro: A-t-on essayé de mesurer le taux de succès au bout du compte? Ces interventions ont cours depuis plusieurs années maintenant. J'imagine qu'il y a...

Mme Patricia Baird: Voyez, l'un des problèmes est de savoir comment l'on définit le taux de succès. Les diverses cliniques emploient des définitions tellement nombreuses, et l'on dit aux femmes que le taux de succès est ceci ou cela.

Qu'est-ce que le taux de succès? Et bien, si vous définissez le taux de succès comme étant le nombre de cycles de traitement qui ont été entrepris par rapport au nombre d'enfants qui en sont nés, le taux après FIV avoisine probablement les 15 à 20 p. 100. Si vous faites ce qu'on appelle une IIS, soit une injection intracytoplasmique d'un spermatozoïde, c'est probablement un peu plus élevé. Mais encore, la grande majorité des gens qui ont recours à ce traitement pointu n'ont pas d'enfants.

Cela signifie que si un couple est parfaitement renseigné—qu'il connaît les coûts, les risques, les risques pour la santé, les complications pour l'enfant—et qu'il désire aller de l'avant, alors cela vaut mieux que d'avoir une très, très faible chance d'avoir un bébé. Il y a des couples qui sont dans ce cas.

Mme Judy Sgro: Madame la présidente, simplement une question pour vous. Dans la liste d'intervenants qui viendront nous parler de cette question, est-ce que l'on compte inviter des couples qui ont eu recours à ces diverses interventions?

La présidente: Oui.

Mme Judy Sgro: Merci.

Mme Patricia Baird: Nous avons interviewé plus de 500 couples qui avaient utilisé divers... Vous économiserez peut-être un peu de travail en prenant connaissance de notre sous-rapport qui porte sur le témoignage de ces personnes.

Mme Judy Sgro: Merci.

La présidente: Merci, madame Sgro.

Monsieur Ménard.

[Français]

M. Réal Ménard: Je voudrais vous poser trois courtes questions. Les choses ont-elles à ce point changé depuis le dépôt de votre rapport que nous ne pourrions plus présenter maintenant de projet de loi qui interdise le clonage humain?

Je comprends que les choses évoluent rapidement et qu'il existe de nouvelles réalités technologiques. N'aurions-nous pas pu, nous, législateurs, adopter rapidement un projet de loi sur le clonage humain et étudier par la suite les autres questions, ces cinq autres recommandations de votre rapport? Les choses vont-elles si vite que ce que la Commission Baird avait recommandé nous empêche de passer à l'action dans le cas du clonage humain?

D'autre part, un aspect de votre exposé n'est pas clair. La commission ne défend pas la même position que celle qui est contenue dans l'avant-projet de loi. Avez-vous toujours la même position? Êtes-vous d'accord, oui ou non, avec l'utilisation et la création d'embryons à des fins de recherche seulement? La Commission Baird semblait dire que c'était possible, mais l'avant-projet de loi l'interdit complètement.

Finalement, je n'ai pas très bien compris vos recommandations au sujet des mères porteuses. Quelles sont vos mises en garde et quels sont les changements que vous souhaitiez à l'avant-projet de loi? Est-ce que vous pourriez nous les rappeler?

J'ai compris que vous aviez six sujets de préoccupation, mais dans le cas des mères porteuses, une dimension m'a échappé.

[Traduction]

Mme Patricia Baird: Je pense que vous avez posé trois questions différentes. Je ne suis pas certaine de les avoir tout à fait comprises.

Premièrement, vous voulez savoir si la recherche avait évolué beaucoup depuis la Commission. Effectivement, il y a eu une évolution. Depuis le rapport de la Commission, le clonage reproductif, entre autre, est devenu possible. Nous avons prévu cette technologie. Avant cela, le clonage n'était pas possible, mais nous avons recommandé qu'il soit interdit. Voilà, la réponse à votre première question.

En ce qui concerne la recherche sur les embryons, je pense que...

[Français]

M. Réal Ménard: N'aurions-nous pas pu adopter maintenant un projet de loi? Les choses ont-elles changé à ce point au niveau scientifique? N'aurions-nous pas pu bouger maintenant et interdire le clonage humain, dans un premier temps, et répondre à vos autres interrogations plus tard? Serait-il préférable d'avoir d'abord toutes les réponses aux questions que vous avez posées?

Il me semble que nous aurions pu légiférer sur le plan du clonage humain maintenant.

[Traduction]

Mme Patricia Baird: Je ne pense pas qu'un projet de loi ponctuel, qui traite des questions dans ces domaines une à la fois, soit une bonne idée. Nous devons interdire le clonage reproductif, mais je suis d'avis que ça doit se faire dans le contexte de la gestion de l'ensemble des technologies de reproduction. Il y a une évolution dans les questions relatives au clonage d'année en année et nous ne pouvons pas prévoir les questions qui vont surgir l'année prochaine, ou l'année d'après?

• 1255

Il nous faut une approche intégrée globale, ainsi qu'un cadre, auquel nous pouvons ajouter des éléments au fur et à mesure que la science évolue. Je ne pense pas que nous devions adopter un projet de loi pour tout simplement interdire le clonage. Bien sûr il faut l'interdire, et le plus vite possible, mais cette interdiction devrait être intégrée dans une approche globale.

La création d'embryons pour la recherche est une question difficile. J'appuie le projet de loi tel qu'il existe, parce qu'il nous permet de faire de la recherche en utilisant des milliers de zygotes gelés qui sont entreposés dans des congélateurs partout au pays.

En ce qui concerne l'amélioration du taux de traitement de l'infertilité—les 8,5 mères sur 10 qui n'arrivent pas à concevoir un bébé—dans quel genre de fluide faut-il garder les spermatozoïdes, dans quel genre de fluide faut-il garder les embryons pour atteindre un taux de fertilisation maximal? La seule façon d'améliorer ce taux est de garder ces deux éléments dans les fluides différents, pour analyser par la suite le taux de fertilisation.

C'est une question difficile, parce qu'un traitement médical amélioré quelconque doit être fondé sur une recherche appropriée. Néanmoins, je n'hésite pas à appuyer le projet de loi sous sa forme actuelle, parce que nous disposons de milliers d'embryons gelés in vitro dont nous pourrions se servir pour faire de la recherche utile sur les cellules souches.

Vous aviez posé une troisième question.

[Français]

M. Réal Ménard: Que pensez-vous de la question des mères porteuses?

[Traduction]

Mme Patricia Baird: Vous ne compreniez pas tout à fait pourquoi je pensais que les mères porteuses n'étaient pas une bonne idée?

[Français]

M. Réal Ménard: Vous sembliez dire que la définition du concept de mère porteuse contenue dans le projet de loi posait problème. Quelles modifications, selon vous, faudrait-il y apporter?

[Traduction]

Mme Patricia Baird: Quelles modifications apporterais-je à ce projet de loi actuel, en ce qui concerne la question des mères porteuses? Je ferais en sorte que les cliniques obtiennent leur permis à la condition de ne pas effectuer des FIV ou des inséminations artificielles par donneur dans le cadre de la maternité par substitution.

La maternité par substitution va bien sûr continuer à exister parce que c'est une méthode assez facile. Néanmoins, l'approbation de la société de concevoir un enfant non pas pour l'élever et l'aimer, mais plutôt pour le donner à quelqu'un d'autre est une autre paire de manches.

La présidente: Monsieur Charbonneau.

[Français]

M. Yvon Charbonneau: Merci, madame la présidente.

Madame Baird, merci beaucoup de votre témoignage. Je voudrais résumer à ma manière votre message global et vérifier auprès de vous si je l'ai bien perçu. Vous nous dites, globalement, qu'il faut qu'il y ait des interdictions pour certaines choses, et que cela est évident. Par contre, il faut faire attention, car certaines interdictions pourraient avoir des répercussions inattendues.

Vous nous dites ensuite que, plutôt que de chercher à raffiner et à peaufiner la liste des interdictions et la liste des activités réglementées indéfiniment, il serait préférable de travailler à la mise en place d'un organisme de réglementation équilibré, éclairé et qui ait réellement le pouvoir de suivre le dossier et son évolution. C'est ce que j'ai compris de votre message. Avez-vous des commentaires?

• 1300

[Traduction]

Mme Patricia Baird: Votre analyse est très bonne. C'est exactement ce que j'essaie de dire. Nous devons aller de l'avant, mettre en place un système pour protéger la santé et la sécurité des Canadiens qui feront appel à ces technologies. C'est essentiellement ça que j'essaie de dire. Nous en discutons depuis suffisamment longtemps.

[Français]

M. Yvon Charbonneau: Vous nous invitez donc à faire de notre mieux pour établir une liste d'activités interdites et d'activités à réglementer. D'autre part, grâce à votre longue expérience et aux observations que vous avez faites au cours de toutes ces années passées à étudier ce dossier, vous nous suggérez de créer un organisme qui ait l'appui du monde de la recherche et qui soit représentatif de la diversité des courants d'opinion de notre société, de lui laisser beaucoup de latitude, tout en lui imposant de faire rapport sous une forme ou une autre.

Je veux maintenant vous poser une question. Pensez-vous que cet organisme devrait faire rapport directement à la Chambre des communes ou au ministre de la Santé? Avez-vous réfléchi à cela? Qu'est-ce qui serait préférable dans le cas de cet organisme?

[Traduction]

Mme Patricia Baird: Nous recommandons que cet organisme rende des comptes au Parlement, qu'il présente un rapport annuel sur ce qui se passe dans les cliniques, et les sur nouvelles questions dans le domaine de la technologie de la reproduction.

À mon avis, un tel organisme pourrait non seulement réglementer et surveiller ce domaine, mais il pourrait aussi servir de tribune de discussion où les Canadiens pourraient exprimer leurs préoccupations. Par exemple, ces organismes pourraient publier des livres blancs sur une nouvelle question. Ils pourraient demander des commentaires et par la suite, commencer à élaborer une politique.

L'organisme réglementaire ne commence certainement pas à partir d'une table rase. Dans notre rapport, il y a un plan très détaillé, de ce que l'organisme réglementaire devrait faire, avec des suggestions détaillées en matière de politique et de réglementation.

[Français]

M. Yvon Charbonneau: Merci.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Lunney.

M. James Lunney (Nanaimo—Alberni, AC): Merci, madame la présidente.

Je voudrais d'abord traiter rapidement de trois sujets, et vous laissez du temps pour me répondre. Le premier sujet concerne les tests génétiques avant l'implantation.

Madame Baird, vous êtes une spécialiste de la génétique médicale, et je crois que vous avez dit qu'on a certainement répandu des exagérations trompeuses au sujet de la possibilité de tester les gènes et de guérir certaines maladies grâce à une détection très précoce. De fait, j'ai cru vous entendre dire que le fait d'avoir tel gène ne signifie pas que l'individu souffrira de telle ou telle maladie. S'il vous plaît, expliquez-nous cela; vos commentaires seraient très appréciés.

Deuxièmement, les chercheurs sur les cellules souches de sources adultes ont fait des progrès passionnants—la moelle osseuse, le tissu adipeux et la liposuccion, ainsi de suite, ainsi que les cellules du cordon ombilical, etc. Il serait possible d'isoler des cellules adultes, de cultiver du tissu in vitro et de l'implanter dans une personne qui a besoin d'un organe, ce qui éviterait l'incompatibilité génétique du tissu foetal, qui oblige à prendre des médicaments contre le rejet si le tissu provient de quelqu'un d'autre. J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.

Enfin, pour gagner du temps, je toucherai brièvement au troisième sujet. Dans le rapport de la Commission royale, vous avez parlé des interdictions. Vous y avez mentionné le transfert d'embryons humains aux animaux, et d'embryons animaux aux humains, et de la création d'hybrides entre l'être humain et l'animal, ou de chimères. J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet, car les lois actuelles prévoient la création de chimères pour des fins de recherche.

Mme Patricia Baird: Je ne m'en étais pas aperçue.

Au sujet du diagnostic avant l'implantation et des maladies génétiques, il existe des maladies génétiques qu'on appelle des maladies monogéniques ou mendéliennes, où la présence du gène est un signe assez certain de la présence de la condition. Par exemple, si vous avez le gène de l'achondroplasie, vous aurez l'achondroplasie. Mais avec les nouvelles connaissances que nous apporte le projet du génome humain, nous pouvons maintenant identifier des génotypes particuliers qui indiquent seulement un plus grand risque de contracter telle ou telle maladie clinique.

Alors je pense que le diagnostic avant l'implantation devrait être utilisé seulement pour les maladies dont l'existence est très clairement indiquée par la présence d'une anomalie donnée des gènes ou des chromosomes. Il ne faudrait pas qu'on l'utilise pour les gènes dits de susceptibilité, etc.

• 1305

Aussi, avec ce type de diagnostic, la femme doit courir les risques de la fécondation in vitro et du traitement hormonal, etc., avec peu de probabilité de grossesse, etc. Ainsi, les gens choisiront surtout le diagnostic prénatal plutôt que le diagnostic avant l'implantation.

En ce qui concerne les sources de cellules souches, on fait beaucoup de travail dans ce domaine, et l'idéal serait, sans doute, de pouvoir diriger les cellules souches adultes pour qu'elles produisent le tissu. C'est beaucoup plus difficile qu'on ne le penserait. Les spécialistes dans le domaine semblent toujours penser que les cellules souches de source embryonnique ont des avantages qui n'existent tout simplement pas dans les cellules adultes. Il faudra surveiller l'évolution de cette recherche. Nous devrions sûrement encourager aussi la recherche sur les cellules souches adultes. Ce serait la solution préférée. Mais par crainte de négliger des occasions très intéressantes de guérir certaines maladies dévastatrices, je pense qu'il faudrait permettre les recherches sur les cellules souches embryonnaires jusqu'à un certain point.

En ce qui concerne la création de chimères, lorsque j'ai lu la loi, je n'ai pas interprété cela comme une permission de créer des chimères. C'était dans quel article? Je ne me rappelle pas...

M. James Lunney: C'est en haut de la page 10.

Mme Patricia Baird: Oui. Je ne suis pas certaine de ce qu'on entend par chimère. Par exemple, il existe des techniques pour diagnostiquer les déficiences du sperme où il faut injecter du sperme dans l'ovule d'un hamster. Or, je n'ai pas bien vu si c'était le genre de choses qu'on envisageait. Donc, je regrette, mais je ne peux pas faire de commentaires là-dessus. Mais je ne pense pas que nous devrions faire des hybrides entre l'animal et l'être humain.

Maintenant, si ce qu'on veut dire ici par «chimère» comporte l'accouplement de tissu embryonnaire humain précoce qui comporte certaines anomalies, avec d'autres tissus embryonnaires précoces sans anomalie, je pense que cela ne devrait pas être permis. Il faudrait l'interdire. Vous avez peut-être trouvé un autre article qui mérite notre sérieuse attention.

La présidente: Peut-être, docteure Baird, que vous pourriez examiner cette question, consulter vos collègues et nous répondre par écrit à ce sujet. Pourriez-vous le faire?

Mme Patricia Baird: Certainement, avec plaisir.

La présidente: Merci beaucoup.

Monsieur Castonguay.

[Français]

M. Jeannot Castonguay (Madawaska—Restigouche, Lib.): Merci, madame la présidente.

[Traduction]

La présidente: Après M. Castonguay, nous prendrons une pause pour déjeuner.

[Français]

M. Jeannot Castonguay: On a parlé du diagnostic de préimplantation. J'y vois beaucoup de potentiel. Dans vos interventions, il est question de génotypes indésirables et d'un enfant en santé. Cela a-t-il été abordé? Qu'est-ce qu'un enfant en santé? Qu'est-ce qu'un génotype indésirable? Nous dirigeons-nous vers une situation où on voudrait une race pure? En sommes-nous là présentement? J'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet.

Je voudrais aussi parler d'infertilité. Je partage les préoccupations de Mme Picard. Ne prenons-nous pas le chemin de la facilité, celui de l'utilisation d'embryons en croyant que cela va régler tous les problèmes? On oublie alors l'importance de trouver les causes de l'infertilité et de chercher à régler ce problème. J'aimerais entendre vos commentaires sur ces deux sujets.

[Traduction]

Mme Patricia Baird: Au sujet des naissances non désirées, ce qui motive beaucoup de gens à faire un diagnostic prénatal, c'est le désir d'éviter la souffrance.

Au cours de la première enfance, certaines conditions très graves peuvent entraîner des symptômes dévastateurs—de nombreuses crises épileptiques tous les jours, une incapacité totale de reconnaître les gens, impossibilité de se faire nourrir, etc. Nos sondages et nos recherches ont clairement révélé que s'il y a des gens qui risquent fortement de mettre au monde des enfants qui souffriraient de conditions pareilles, les Canadiens croient que les tests de diagnostic devraient être mis à leur disposition et que ceux qui courent ce risque devraient avoir l'occasion d'éviter de mettre de tels enfants au monde.

• 1310

Il faut regarder cela dans un contexte plus large. La société devrait valoriser la diversité. Le seul fait d'avoir un handicap ne devrait pas enlever à une personne tout le respect qui lui est dû en tant que membre à part entière de notre société. Mais il y a des conditions qui entraînent la mort précoce et de réelles souffrances. Nous avons découvert que la plupart des Canadiens croient que dans de tels cas, la société devrait offrir l'occasion d'éviter que cela se produise.

Tous n'y auront pas nécessairement recours. Mais nous devons assurer cette possibilité aux gens. S'ils n'en veulent pas, la société ne les laissera pas tomber.

Est-ce que j'ai plus ou moins répondu à votre question?

M. Jeannot Castonguay: Oui.

[Français]

Parlons d'infertilité. Il est, bien sûr, facile de prendre un embryon et de l'implanter. Au départ, cette technique était utilisée pour régler les problèmes d'obstruction tubaire. On se disait que s'il n'était pas possible de corriger le problème d'obstruction tubaire, il y avait une autre façon de créer un enfant et de l'implanter dans un utérus, où il se développerait normalement. Maintenant, nous en sommes beaucoup plus loin que cela dans le développement de notre société. Oublie-t-on qu'il serait peut-être bon également de continuer nos recherches sur les causes de l'infertilité? Qu'est-ce qui se fait présentement dans ce domaine? Avez-vous des choses à nous offrir ou à partager avec nous?

[Traduction]

Mme Patricia Baird: Non, je pense, comme vous, qu'il est très important de prévenir la stérilité dans la mesure du possible, une très grande partie de notre rapport est consacrée à ce sujet.

Comme je l'avais dit auparavant, il s'agit, dans certains cas, de prévention de maladies infectieuses—en particulier, les maladies inflammatoires du pelvis—il s'agit aussi de tabagisme et de retarder l'accouchement. Nous avons décrit les politiques qui devraient exister pour tenter de réduire ces causes de maladie.

Il est difficile de rectifier des trompes bloquées plutôt que d'offrir la fécondation in vitro. La chirurgie des trompes et la recherche à ce sujet existent depuis plusieurs années, et, malheureusement, cela ne fonctionne pas bien. Si cela fonctionnait, ce serait peut-être une solution préférable. Mais il semble que les maladies inflammatoires du pelvis endommagent la paroi intérieure des trompes.

C'est un processus exquis, très esthétique, les minuscules cils très fins sur la paroi des trompes font avancer l'oeuf, et le sperme se meut dans un environnement biochimique particulier. Chez quelqu'un qui a souffert de maladie inflammatoire du pelvis, cette paroi est altérée et elle n'est plus capable d'offrir cette aide exquise au processus de fécondation. Ainsi, le simple fait de rétablir un canal au moyen d'un alésage chirurgical ne règle pas le problème.

[Français]

M. Jeannot Castonguay: Je comprends, mais présentement, Santé Canada cherche-t-il à obtenir de l'information et à encourager les recherches sur les causes de l'infertilité? Tâche-t-il de donner de l'information aux gens? Fait-on quelque chose en ce sens présentement? J'essaie de préciser ma question.

[Traduction]

Mme Patricia Baird: Il pourrait être très utile de demander à Santé Canada de faire une présentation au sujet de ce qu'il fait dans ce domaine. Oui, je pense que nous en avons besoin.

[Français]

M. Jeannot Castonguay: D'accord. Merci.

[Traduction]

La présidente: Merci beaucoup, docteure Baird.

Nous avons terminé un premier tour de questions. Le déjeuner nous attend dans une autre pièce, et je propose que les gens qui avaient d'autres questions pourraient profiter de cette petite pause pour parler à la Mme Baird et trouver les réponses à leurs questions.

Je voudrais dire, docteure Baird, que nous en sommes au début, et que nous ne sommes pas certains des problèmes que nous allons rencontrer en novembre prochain, mais nous voudrions tous réserver la possibilité de vous convoquer de nouveau pour nous guider davantage, si cela vous convient.

Mme Patricia Baird: Je serais enchantée de venir.

J'ai beaucoup de compassion pour vous, parce que je suis certaine que vous ressentez les mêmes choses que j'ai ressenties, et c'est une grande responsabilité. Il n'est pas facile d'y retrouver son chemin.

La présidente: Oui. Alors, merci au nom de tous les Canadiens du travail que vous avez fait et d'avoir été disponible pour nous venir en aide dans ce projet. Merci.

Maintenant, nous allons faire une pause, mesdames et messieurs, et je vous prie de revenir.

• 1314




• 1337

La présidente: Nous n'avons plus de quorum. La séance est maintenant levée.

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