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HEAL Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent de la santé


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 30 avril 2002




Á 1110
V         La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.))
V         
V         

Á 1115
V         La présidente
V         

Á 1120
V         La présidente
V         

Á 1125
V         La présidente

Á 1130
V         M. David Fletcher (directeur, Green Coalition)

Á 1135
V         La présidente
V         Mme Meg Sears (porte-parole, Dangers pour la santé de l'usage des pesticides en milieu urbain)

Á 1140
V         M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.)
V         Mme Meg Sears

Á 1145
V         
V         M. Rob Merrifield (Yellowhead, Alliance canadienne)
V         M. Alex Cullen
V         M. Rob Merrifield
V         M. Michel Gaudet
V         M. Rob Merrifield
V         M. Alex Cullen
V         M. Rob Merrifield
V         Mme Merryl Hammond
V         M. Rob Merrifield

Á 1150
V         Mme Merryl Hammond
V         M. Rob Merrifield
V         Mme Meg Sears
V         M. Rob Merrifield
V         Mme Meg Sears
V         M. Rob Merrifield
V         Mme Meg Sears
V         M. Rob Merrifield
V         Mme Meg Sears
V         M. Rob Merrifield
V         Mme Meg Sears
V         M. Rob Merrifield
V         
V         M. Rob Merrifield
V         M. David Fletcher

Á 1155
V         M. Rob Merrifield
V         M. David Fletcher
V         Le président
V         M. Réal Ménard (Hochelaga--Maisonneuve, BQ)
V         Mme Merryl Hammond
V         M. Réal Ménard

 1200
V         M. Alex Cullen
V         M. Réal Ménard
V         M. Alex Cullen
V         Mme Elisabeth Arnold
V         M. Réal Ménard
V         Mme Elisabeth Arnold
V         
V         M. Reg Alcock

 1205
V         M. Alex Cullen
V         M. Reg Alcock
V         M. David Fletcher
V         M. Reg Alcock
V         M. Alex Cullen
V         M. Reg Alcock
V         M. Alex Cullen
V         Mme Elisabeth Arnold

 1210
V         La présidente
V         Mme Merryl Hammond
V         
V         
V         Mme Merryl Hammond
V         M. Joe Comartin
V         Mme Merryl Hammond
V         M. Joe Comartin
V         Mme Merryl Hammond
V         M. Joe Comartin
V         Mme Merryl Hammond
V         M. Joe Comartin
V         M. Michel Gaudet
V         M. Joe Comartin
V         M. Michel Gaudet
V         M. Joe Comartin
V         M. Michel Gaudet

 1215
V         M. Joe Comartin
V         Le président
V         Mme Hélène Scherrer (Louis-Hébert, Lib.)
V         
V         Mme Hélène Scherrer
V         
V         M. David Fletcher
V         M. Michel Gaudet
V         M. Alex Cullen
V         
V         

 1220
V         Mme Meg Sears
V         M. James Lunney
V         Mme Merryl Hammond
V         M. James Lunney
V         M. Alex Cullen
V         M. James Lunney
V         M. Alex Cullen
V         M. James Lunney
V         
V         

 1225
V         M. Alex Cullen
V         Mme Hedy Fry
V         M. Alex Cullen
V         Mme Hedy Fry
V         M. Alex Cullen
V         Mme Elisabeth Arnold
V         Mme Hedy Fry
V         
V         M. Joe Comartin
V         Mme Merryl Hammond

 1230
V         M. Michel Gaudet
V         M. Joe Comartin
V         Mme Merryl Hammond
V         M. Joe Comartin
V         Le président
V         M. Réal Ménard
V         M. Michel Gaudet
V         M. Réal Ménard
V         M. Michel Gaudet
V         Mme Elisabeth Arnold
V         M. Réal Ménard
V         Mme Elisabeth Arnold
V         M. Michel Gaudet
V         M. Réal Ménard
V         M. Michel Gaudet
V         M. Réal Ménard
V         M. Michel Gaudet

 1235
V         M. Réal Ménard
V         
V         M. Réal Ménard
V         M. Alex Cullen
V         Mme Merryl Hammond
V         M. Alex Cullen
V         M. Michel Gaudet
V         M. Réal Ménard
V         Mme Merryl Hammond
V         M. David Fletcher
V         M. Alex Cullen

 1240
V         Le président
V         M. Jeannot Castonguay (Madawaska--Restigouche, Lib.)
V         M. Michel Gaudet
V         M. Alex Cullen
V         M. David Fletcher
V         M. Jeannot Castonguay
V         M. Michel Gaudet
V         M. Jeannot Castonguay
V         M. Alex Cullen

 1245
V         M. David Fletcher
V         Mme Meg Sears
V         
V         Mme Hélène Scherrer

 1250
V         M. David Fletcher
V         Mme Elisabeth Arnold
V         M. Alex Cullen
V         Mme Elisabeth Arnold
V         M. Alex Cullen
V         M. David Fletcher
V         Mme Elisabeth Arnold
V         Mme Meg Sears
V         Le président
V         Mme Hedy Fry

 1255
V         Mme Elisabeth Arnold
V         Mme Merryl Hammond
V         Mme Hedy Fry
V         Mme Merryl Hammond
V         
V         Une voix
V         La présidente
V         M. Réal Ménard
V         
V         M. Réal Ménard
V         
V         
V         
V         










CANADA

Comité permanent de la santé


NUMÉRO 072 
l
1re SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 30 avril 2002

[Enregistrement électronique]
]

Á  +(1110)  

[Traduction]

+

    La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)): La séance est ouverte. Je souhaite la bienvenue à nos témoins.

    Tous les témoins devraient être présents à la table: M.Cullen, Mme Arnold, Mme Hammond, M. Gaudet, Mme Sears et Mme Land.

    Mesdames et messieurs, nous allons commencer par M. Cullen.

    Veuillez commencer, monsieur.

+-

    M. Alex Cullen (conseiller, Circonscription Bay, Ville d'Ottawa, À titre individuel): Merci, madame la présidente. Je m'appelle Alex Cullen. Je siège au conseil municipal d'Ottawa, où je représente le quartier de Bay, qui se trouve à l'extrémité ouest de la ville. Je suis accompagné de ma collègue, la conseillère Elisabeth Arnold, qui représente le quartier de Somerset. Nous allons partager le temps qui nous a été imparti, bien que cinq minutes ce ne soit pas beaucoup de temps à partager.

    Les municipalités sont considérées comme le palier de gouvernement le plus proche des gens; il n'est donc pas étonnant si c'est à ce niveau que l'on ressent le plus les pressions exercées en faveur d'une réglementation de l'utilisation de pesticides à des fins esthétiques. La députée fédérale qui représente mon quartier, Marlene Catterall, est une ancienne conseillère de la ville d'Ottawa. Elle m'a raconté comment, il y a une vingtaine d'années, des mères de son quartier avaient encerclé le terrain de baseball du parc Frank-Ryan pour empêcher l'administration municipale de répandre des pesticides à cet endroit, où allaient jouer leurs enfants. Ces mères ne voulaient pas que leurs enfants s'exposent aux risques pour la santé associés aux pesticides. Elles ne voyaient aucun mal au fait de courir d'un coussin à l'autre en passant sur des pissenlits et du plantain.

    Des efforts de ce genre déployés par des groupes communautaires se multiplient dans la ville d'Ottawa. Ils comprennent notamment la campagne «Breathe Deeply» de Crystal Beach et Lakeview, lancée par un groupe de jeunes mères de mon quartier qui font du porte-à-porte dans le voisinage pour recommander l'utilisation de méthodes sécuritaires pouvant remplacer l'usage de pesticides, GO Manor Park!--GO comme dans «grow organically»--le Kanata Environmental Network, et la section d'Ottawa de l'Allergy and Environmental Health Association, pour ne nommer que quelques-unes de ces organisations.

    Lors des dernières élections municipales, lorsque je faisais du porte-à-porte pour solliciter des suffrages, j'ai vu beaucoup d'écriteaux, placés là par les gens, indiquant que les pelouses et les jardins étaient exempts de pesticides. On m'a souvent demandé pourquoi l'administration municipale autorisait l'épandage de pesticides exigeant la mise en place d'écriteaux pour signaler aux gens de ne pas marcher sur le gazon en raison du danger que cela comporte pour la santé. Aujourd'hui, la ville d'Ottawa n'arrose plus ses terrains de baseball, ses terrains de soccer et ses parcs avec des pesticides chimiques. Cette année, la ville lance une campagne d'éducation du public, au coût de 400 000 dollars, portant sur des moyens sécuritaires pouvant remplacer l'usage de pesticides chimiques. Mais c'est le cas d'une seule ville, et c'est ici qu'entre en jeu le projet de loi C-53.

    L'interdiction d'utiliser des pesticides à des fins esthétiques ne devrait pas dépendre d'un choix effectué à l'échelle locale, car, à ce que je sache, les effets toxiques des pesticides sont les mêmes pour tous les enfants, qu'ils soient de Kelowna, en Colombie-Britannique, ou de Goose Bay, au Labrador. Ce ne sont pas les municipalités qui devraient avoir à prendre une décision à ce sujet. Un grand nombre d'entre elles n'ont pas les ressources pour effectuer les recherches nécessaires en vue d'adopter un règlement de ce genre. Lorsqu'elles prennent des mesures, elles font souvent face à l'opposition d'entreprises qui s'abritent derrière l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire en demandant pourquoi il faudrait réglementer un produit s'il est considéré comme sécuritaire par l'ARLA. Or il faut réglementer, tout simplement parce que les parents et les médecins ainsi que les citoyens sensibles à des facteurs environnementaux nous disent de le faire parce que les pesticides comportent des dangers pour la santé.

    Le projet de loi C-53 devrait refléter expressément la primauté du principe de précaution. Les pesticides sont des poisons qui doivent avoir un effet mortel, et ils ne devraient donc pas entrer en contact avec des personnes, et surtout pas avec des enfants, qui risquent d'en être affectés. Pourquoi courir le risque, alors qu'il existe des solutions de remplacement plus sécuritaires? Faites preuve d'initiative en informant le public sur des moyens plus sécuritaires que les pesticides. Agissez d'une manière décisive en interdisant l'utilisation de pesticides à des fins esthétiques. Si la Colline du Parlement peut être exempte de pesticides---comme c'est d'ailleurs le cas--pourquoi il n'en irait pas de même pour les quartiers résidentiels du Canada?

    Elisabeth.

+-

    Mme Elisabeth Arnold (conseillère, Circonscription Somerset, Ville d'Ottawa, À titre individuel): Je voudrais tout d'abord féliciter le gouvernement fédéral et la ministre McLellan d'avoir pris les premières mesures, par l'entremise du projet de loi C-53, en vue d'assurer la sécurité des Canadiens. Je me réjouis de voir le gouvernement fédéral répondre aux préoccupations d'un nombre croissant de Canadiens.

    Un des indicateurs qui montre, selon moi, que cette préoccupation va en augmentant est le site Web de la Fédération canadienne des municipalités. Nous enregistrons entre 20 000 et 30 000 visites par mois de la part de municipalités et de membres de nos collectivités qui demandent des renseignements sur des moyens pouvant remplacer les pesticides. Je suis d'avis qu'il existe des arguments solides et un appel vigoureux en faveur de l'élaboration de normes nationales concernant l'utilisation de pesticides à des fins esthétiques, et que les Canadiens ont des attentes raisonnables en voulant que leur environnement soit protégé, quel que soit leur lieu de résidence au Canada.

    En tant que représentant municipal, je considère qu'il est important que les trois paliers de gouvernement participent à la gestion des pesticides, dans une optique de complémentarité. Bien que nous reconnaissions les différences qui existent en matière de compétence entre les différents niveaux, tous les paliers de gouvernement peuvent entreprendre des campagnes d'information à l'intention du grand public afin de conseiller les Canadiens sur la façon de réduire leur utilisation de pesticides. Certains municipalités le font déjà; toutefois, le message passerait beaucoup mieux avec l'orientation et la coopération du gouvernement fédéral.

    Les efforts déployés par les administrations municipales, doublés de règlements et de programmes, comprennent une stratégie ayant pour but d'éviter l'exposition inutile aux pesticides utilisés à des fins esthétiques, et des campagnes d'information visant à sensibiliser la population ne peuvent qu'aider à cet égard. De plus, l'approche axée sur la réduction des risques et sur le principe de précaution est essentielle à la protection de la santé des Canadiens.

    Je me réjouis de la présence d'un grand nombre d'éléments du projet de loi. En particulier, je me réjouis des modifications qui font une priorité de la santé et de l'environnement, de l'application du principe de précaution comme élément qui sous-tend la réévaluation des produits, du fait que l'évaluation des produits soit fondée sur des concepts d'évaluation des risques, de la présence de l'exigence relative à la déclaration de tout effet nocif, et de la présence de la disposition concernant la réévaluation régulière des produits homologués. Mais il y a des éléments du projet de loi qui doivent être renforcés.

    Comme vous savez, la population canadienne est de mieux en mieux renseignée au sujet de l'utilisation de produits chimiques et s'inquiète des effets que peuvent avoir ces produits sur la santé. Les Canadiens demandent l'approbation accélérée de solutions de rechange moins toxiques, la reconnaissance du fait que des éléments constitutifs autres que le principe actif peuvent être nocifs et devraient être évalués de la même façon que cette composante, et la reconnaissance du pouvoir des administrations municipales de réglementer l'utilisation de pesticides à l'intérieur du cadre fédéral et provincial, afin de répondre aux préoccupations des diverses collectivités.

    Personnellement, je voudrais voir le principe de précaution enchâssé dans la législation par l'entremise d'une interdiction de l'utilisation de pesticides à des fins esthétiques et de recherches menées au niveau fédéral sur des solutions de rechange. Nous devons pécher par excès de prudence en ce qui a trait à la santé et à l'environnement. Tous les arguments constitutionnels du monde sont un piètre réconfort lorsqu'on est malade ou si l'on meurt, et ces arguments sont indéfendables puisqu'il existe des solutions de rechange efficaces, même si elles requièrent parfois plus de travail.

    Je crois que le projet de loi C-53 représente un bon pas en avant par rapport à la législation existante, mais il doit être renforcé de la façon que je viens de décrire sommairement.

    Merci beaucoup.

Á  +-(1115)  

+-

    La présidente: Nous accueillons maintenant Mme Merryl Hammond, fondatrice de Citoyen(ne)s pour les alternatives aux pesticides.

+-

    Mme Merryl Hammond (fondatrice, Les Citoyen(nes) pour les alternatives aux pesticides): Bonjour à tous. Merci de m'avoir invitée ici aujourd'hui. Je m'appelle Merryl Hammond; je suis infirmière de formation et je détiens un doctorat en santé communautaire.

    Comme vous pouvez le voir dans l'encadré qui figure à la page 1 de mon mémoire, je suis ici pour aborder deux questions fondamentales. En raison de contraintes de temps, je m'en tiendrai à la première, à savoir, la nécessité d'inclure dans le projet de loi C-53, un moratoire sur l'utilisation non essentielle, ou à des fins esthétiques, de pesticides. Ce besoin s'accompagne évidemment de la nécessité de promouvoir le recours à des solutions de rechange. Comme on vient de nous le dire, ces solutions de rechange existent et devraient être utilisées. Ces deux aspects vont donc de pair.

    Il y a exactement dix ans, au printemps de 1992, j'ai mis sur pied, à Baie-d'Urfé, qui fait maintenant partie de Montréal, un groupe qui porte le nom de Citoyens pour les alternatives aux pesticides. Nous voulions une interdiction de l'utilisation des pesticides à des fins esthétiques. Dans l'espace d'environ un an, notre mouvement comptait des membres issus des quatre coins du Canada et travaillant tous pour une même cause: l'interdiction de l'utilisation de pesticides dans nos collectivités.

    En 1994, j'ai eu la chance de rencontrer la ministre de la Santé de l'époque, Diane Marleau. À ce moment-là, j'avais déjà fait assez de recherches pour être absolument convaincue que tous les Canadiens méritaient le genre de protection que je recherchais au niveau local, c'est-à-dire municipal. J'avais soumis à la ministre les preuves accumulées. Malheureusement, la ministre Marleau avait fait la sourde oreille face à toutes ces preuves scientifiques, à l'époque, et j'avais donc été obligée d'écrire un livre intitulé Pesticide Bylaws: Why we need them, how to get them. Je recommandais uniquement l'adoption de règlements, parce que j'avais renoncé à voir du leadership à ce niveau.

    Ce livre a été publié en 1995, et j'aimerais seulement en lire un bref paragraphe:

    Malheureusement, la ministre de la Santé n'a pas réagi aussi rapidement que nous l'avions espéré. Jusqu'à ce qu'elle réagisse, il est du devoir des conseillers municipaux responsables de protéger la santé et le bien-être des gens qu'ils représentent en limitant l'utilisation de pesticides dans les zones résidentielles. Un moratoire sur l'utilisation de pesticides à des esthétiques semble être le point de départ le plus logique: il peut toujours être levé si des données scientifiques adéquates devaient montrer que certains pesticides en particulier sont en fait sécuritaires pour un usage en milieu résidentiel. Mais entre-temps, péchons plutôt par excès de prudence, afin de protéger la santé et la sécurité publiques, et non les profits des entreprises.

    Je le répète, c'était il y a huit ans, lorsque nous avions rencontré Diane Marleau. Ceux d'entre vous qui ont une bonne mémoire se souviendront que le scandale du sang contaminé avait éclaté à l'époque. J'avais dit alors que lorsque les Canadiens découvrirons «le scandale de l'utilisation de pesticides à des fins esthétiques», cela allait être bien pire que le scandale du sang contaminé, parce que tous les Canadiens sont exposé à des pesticides contre leur gré. Le sang contaminé n'avait affecté que les gens qui avaient reçu des transfusions. J'avais fait remarquer que les Canadiens les plus vulnérables--c'est-à-dire les femmes enceintes, les jeunes enfants, les personnes âgées et les gens sensibles aux produits chimiques--étaient tous exposés à ces produits toxiques, au sein même du quartier où ils vivent, travaillent et pratiquent leurs activités de loisirs. C'était vraiment un scandale.

    Comme vous savez, c'est toujours un scandale aujourd'hui, sauf dans quelques municipalité ici et là au pays, où il est maintenant interdit d'utiliser des pesticides à des fins esthétiques. Dans ma propre ville, cela nous a pris dix ans pour obtenir une interdiction complète. Ce n'est qu'en décembre de l'année dernière que nous l'avons obtenue, avant les fusions. Que la ministre McLellan se dérobe à sa responsabilité, qui est de «protéger la santé et la sécurité humaines et l'environnement--ces mots sont tirés directement du projet de loi--en refilant cette question essentielle aux municipalités, très franchement, je trouve cela inadmissible en 2002.

    Depuis que j'ai rencontré Diane Marleau, il y a huit ans, a-t-on publié de nouvelles études pour apaiser nos craintes? Bien au contraire. S'il y en a parmi vous qui se tiennent au courant des études réalisées dans le domaine médical ou épidémiologique, vous savez que presque chaque semaine, une nouvelle étude qui vient confirmer ce que j'avais dit à Mme Marleau il y a huit ans. La situation était connue il y a huit ans. Nous ne pouvons plus attendre. Nos inquiétudes ne font qu'augmenter. Nous voyons des cancers chez les enfants, des cancers chez les adultes, des troubles du système immunitaire, des déficits neurologiques, des troubles d'apprentissage, des troubles de la reproduction, et j'en passe. Les preuves sont maintenant accablantes. En tant que citoyens responsables, nous ne pouvons plus fermer les yeux sur cette situation. Il est temps maintenant de donner aux Canadiens la protection qu'ils recherchent, dont ils ont besoin et qu'ils méritent.

Á  +-(1120)  

    Comment pouvons-nous y arriver dans le contexte d'un projet de loi? Nous entendons parler du projet de loi C-53. Si vous allez à la page 2 de mon mémoire, vous trouverez l'amendement simple et élégant que l'on peut effectuer sans modifier de manière importante la portée, le but, les objectifs ou l'objet de la loi.

    À la page 8, un des titres est «Interdictions». Un article du projet de loi interdit donc certaines choses en ce qui a trait aux pesticides. Le paragraphe 6(1) porte sur les produits antiparasitaires non homologués. Cet élément figurerait au paragraphe 6(2). Dans la troisième colonne de mon tableau, vous trouverez le nouveau paragraphe 6(1), dont le libellé serait simplement le suivant:

    Il est interdit d'utiliser des pesticides à des fins non essentielles.

Voilà ce dont nous avons besoin. Qu'il soit interdit d'utiliser des pesticides à des fins qui sont non essentielles, esthétiques et j'en passe. Utilisez l'expression que vous voulez, mais nous savons tous ce que nous voulons dire. Il s'agit de d'utilisation urbaine, là où jouent les enfants, etc., il s'agit de ce dont on nous a parlé.

    Si nous insérons ce nouveau paragraphe 6(1) que je propose, l'actuel paragraphe 6(1) devient le paragraphe 6(2) et ainsi de suite, mais le reste ne change pas. C'est parfait. Nous avons alors ce qu'il nous faut, tout en demeurant entièrement dans la portée du projet de loi.

    La ministre dit qu'elle veut protéger les enfants. Elle dit que nous devons protéger nos collectivités vulnérables. Elle parle du «principe de précaution». Mais, dans le projet de loi, elle ne donne nulle part du mordant à ces beaux mots. Joignons donc le geste à la parole, pour une fois.

    Nous expliquons bien sûr ce que nous entendons par «utilisation à des fins esthétiques» dans nos définitions. C'est dans la note de bas de page 2, à la même page.

    Voilà donc ce dont nous avons besoin. Il s'agit d'un amendement rapide.

    Je ne commenterai pas tous les passages du mémoire. Il y a des propositions concernant l'ajout de certains éléments et l'utilisation de solutions de rechange au lieu des pesticides chaque fois que cela est possible. Ces propositions renforcent ces aspects du projet de loi.

    On ne trouve nulle par, dans ce projet de loi, les secteurs de l'agriculture écologique et de l'agriculture biologique. Or cela est inadmissible à notre époque.

    Mesdames et messieurs, je n'ai pas assez de temps pour aborder les autres amendements, de sorte que je vais sauter ces aspects. Ils ont tous trait à la nécessité, je le répète, d'inclure plus de dispositions relatives à des solutions de rechange écologiques.

    Ainsi, avec cet amendement principal en place et en étoffant un peu les autres éléments, je pense que nous aurons un projet de loi dont les Canadiens peuvent être fiers et que les membres de ce comité peuvent approuver entièrement.

    Merci beaucoup.

+-

    La présidente: Merci, madame Hammond.

    Nous passons maintenant à monsieur Gaudet, de la Coalition pour les alternatives aux pesticides.

+-

    M. Michel Gaudet (vice-président, Coalition for Alternatives to Pesticides): La Coalition pour les alternatives aux pesticides est un organisme à but non lucratif qui a été fondé en décembre 1999 par un groupe de personnes affectées par les pesticides. Aujourd'hui, la CAP compte près de 20 000 membres. En leur nom, je voudrais signaler des lacunes et des préoccupations, et formuler des suggestions, en ce qui a trait au projet de loi C-53.

    Nous demandons avec instance au Comité de la santé d'intégrer fermement le principe de précaution à l'ensemble du projet de loi, qui devrait être un reflet du principe appliqué par l'organisme gouvernemental suédois de protection de l'environnement. Le comité consultatif devrait représenter le plus large éventail possible d'opinions du public.

    Nous demandons que le comité de la santé inclue dans le projet de loi un moratoire sur l'utilisation de pesticides à des fins esthétiques, pour tout le Canada, d'ici au printemps de 2003, afin de protéger la santé humaine, les animaux domestiques, la faune et l'environnement. Cette mesure assurera une protection égale de tous les Canadiens. L'usage de pesticides de synthèse à des fins non essentielles doit être interdit. Les pesticides ne devraient pas être mélangés avec des engrais chimiques. Dans les cas où il faut utiliser exceptionnellement des pesticides dans des aires publiques, ou autour de ces zones, l'affichage de mises en garde appropriées doit être obligatoire. Dans le cas de résidences, d'écoles, de garderies, d'immeubles de bureaux, de terrains publics, de centres commerciaux, d'hôpitaux et de tous les endroits publics, seuls devraient être utilisés des pesticides à faible impact.

    Au lieu de l'élaboration de produits à faible risque, nous recommandons l'introduction de produits à faible impact qui ne comportent aucun risque pour la santé humaine, ni pour l'environnement. Il faut homologuer davantage de biopesticides, afin que tous les paliers de gouvernement à l'échelle du pays puissent être sûrs que les produits qu'utilisent les propriétaires occupants autour de leur résidence sont sécuritaires et qu'ils ne comportent pas de risque pour la santé. Il est nécessaire de mettre en oeuvre immédiatement à grande échelle un programme national de formation et d'assistance, afin de permettre aux travailleurs et aux entreprises spécialisées dans l'entretien d'espaces verts de connaître les solutions de rechange qui peuvent remplacer les pesticides chimiques et d'autres produits chimiques utilisés pour entretenir tous les espaces verts publics et privés.

    Le projet de loi devrait prévoir le retrait de tous les produits antiparasitaires de synthèse des magasins et des centres de jardinage, et autoriser uniquement la vente de pesticides à faible impact, gardés derrière un comptoir et vendus par du personnel qualifié. L'éducation du public sur les moyens sécuritaires existants qui peuvent remplacer les pesticides chimiques devrait être une composante clé du projet de loi.

    Le projet de loi devrait comprendre également un processus d'approbation accéléré pour l'homologation et l'utilisation de pesticides à faible impact et non toxiques. Le principe de précaution doit être respecté dans le cas de toute homologation ou réhomologation de tout produit dont on sait qu'il est nocif pour la santé ou pour l'environnement.

    L'homologation de pesticides devrait se faire à intervalles de trois à cinq ans. Il faudrait également appliquer le principe de substitution prévu par le code suédois de l'environnement. L'application de ce principe exigerait le remplacement des anciens pesticides par des nouveaux moyens non chimiques et des biopesticides.

    Il faut investir l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire d'un mandat clair et sans équivoque conféré par la loi, et le processus réglementaire doit être plus ouvert et plus transparent. Pour gérer les risques, il doit y avoir un processus permettant à chaque Canadien et à chaque Canadienne de connaître le degré de risque que comporte l'utilisation de pesticides, non seulement pour eux-mêmes, mais également pour leurs voisins, en raison de la dérive.

    Lors de l'essai de produits antiparasitaires, il faut tenir compte des effets sur le système endocrinien et sur le système immunitaire ainsi que de la neurotoxicité et du potentiel carcinogène de ces produits. Le public doit être informé de la nature des ingrédients inertes de tous les produits. Tout pesticide de synthèse dont l'utilisation a été interdite dans un pays de l'OCDE devrait être interdit sans délai au Canada également, et il devrait être retiré du marché le plus rapidement possible, et non par un processus graduel visant à épuiser les stocks des produits toxiques interdits.

    Les articles 42 à 44 du projet de loi devraient être l'équivalent des articles 51 à 53 de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement en ce qui a trait aux dispositions qui permettraient le plus grand degré possible de divulgation de renseignements au grand public. Santé Canada devrait avoir comme préoccupation principale et comme seule raison d'être la protection de la santé, qui doit passer avant tout. Le projet de loi C-53 doit refléter cette préoccupation. Santé Canada ne devrait pas se préoccuper de la valeur ou de la viabilité économique des produits antiparasitaires.

    En ce qui a trait à la gestion des risques, le projet de loi devrait comprendre des dispositions concernant les personnes dont la santé a été affectée par des pesticides, en prévoyant des centres spécialisés d'examen et de traitement. Actuellement, il n'y a que deux centres de ce genre à l'échelle du Canada qui sont en mesure d'offrir des traitements aux personnes dont la santé a été atteinte par des facteurs environnementaux. La période d'attente pour être admis dans ces centres est de deux ans.

    Les renseignements sur les effets aigus et les effets chroniques des pesticides devraient être consignés dans une banque de données nationale et être mis à la disposition du grand public. Il faut effectuer des recherches sur les effets combinés des pesticides. À cet égard, il devrait y avoir un processus permettant d'effectuer et de financer des recherches portant sur des biopesticides, c'est-à-dire des produits non toxiques et à faible impact. Il faudrait mettre en place un mécanisme pour la présentation de résultats scientifiques provenant d'organismes indépendants.

    Nous demandons que dans l'étude de ce projet de loi, le comité de la santé tienne compte des considérations suivantes en ce qui a trait à la science. La science est une activité humaine, et elle peut donc être imparfaite. Dans l'environnement d'aujourd'hui, avec les milliers de matières toxiques auxquelles nous sommes exposés depuis notre conception et jusqu'à la mort, il est impossible de savoir, sur le plan scientifique, quels sont les effets précis de ces produits chimiques, considérés individuellement ou ensemble, sur nos fragiles cellules. Les diverses études qui ont été effectuées sur les effets qu'ont les agents toxiques sur l'homme dressent un sombre bilan. La Coalition pour les alternatives aux pesticides, une organisation du Québec, vous demande avec instance d'appliquer le principe de précaution dans le cas de chaque article du projet de loi C-53.

Á  +-(1125)  

    Enfin, je voudrais vous informer qu'en tant que Québécois, je suis fier d'avoir un gouvernement qui entend adopter une loi sur les pesticides, afin de protéger la santé humaine et l'environnement. Je remercie tout particulièrement notre ministre de l'environnement, M. André Boisclair, de sa décision déterminante de faire passer la santé des Québécois avant tout. Cela devrait servir d'exemple au gouvernement fédéral en ce qui a trait à la protection égale de la santé de tous les Canadiens par l'imposition immédiate d'un moratoire sur l'utilisation de pesticides de synthèse à des fins esthétiques.

    Merci de votre attention.

+-

    La présidente: Merci, monsieur Gaudet.

    Nous passons maintenant à M. David Fletcher, directeur de la Coalition verte.

Á  +-(1130)  

+-

    M. David Fletcher (directeur, Green Coalition): Tout d'abord, j'aimerais préciser que la Coalition verte est une organisation-cadre composée de groupes environnementalistes. Elle a été fondée comme organisation reconnue en mars 1990, et son siège est à Montréal.

    La Coalition verte se réjouit de voir qu'enfin, la Loi sur les produits antiparasitaires sera remplacée par une loi plus adéquate en matière de protection de la santé et de la sécurité humaines et de l'environnement. Nous sommes d'accord avec l'objectif général du projet de loi C-35, qui est maintenant devant la Chambre des communes, en ce qui a trait à l'engagement en faveur des principes du développement durable. Nous avons cerné certains éléments que nous voudrions voir modifiés ou ajoutés afin d'améliorer la réalisation des objectifs du projet de loi.

    Premièrement, le respect du principe de précaution devrait être considéré comme un aspect fondamental de la nouvelle loi. À notre avis, l'inclusion de ce principe est d'une importance primordiale. Au paragraphe 31 du jugement de la Cour suprême relatif au règlement pris par la ville d'Hudson, madame la juge Claire L'Heureux-Dubé cite le paragraphe 7 de la Déclaration ministérielle de Bergen sur le développement durable (1990):

    Un développement durable implique des politiques fondées sur le principe de précaution. Le mesures adoptées doivent anticiper, prévenir et combattre les causes de la détérioration de l'environnement. Lorsque des dommages graves et irréversibles risquent d'être infligés, l'absence d'une totale certitude scientifique ne devrait pas servir de prétexte pour ajourner l'adoption de mesures destinées à prévenir la détérioration de l'environnement.

    Je soutiens donc que la santé humaine ne peut être considérée que dans le contexte d'un environnement sain.

    Le principe de précaution est l'un des piliers sur lesquels s'appuie le jugement. Mais comme l'ont fait remarquer plusieurs députés lors de la première lecture, dans le projet de loi C-53, ce principe est évoqué uniquement en référence à l'examen des produits déjà homologué, et même dans ce cas, on y ajoute une condition d'efficacité par rapport au coûts. Je prétends qu'il s'agit là pratiquement d'un oxymoron, car le coût de la santé ne peut être mesuré d'après les coûts économiques. Le principe de précaution devrait être un élément important de l'application globale de la nouvelle loi, et le principal facteur déterminant dans toutes les décisions.

    Deuxièmement, nous n'avons trouvé, dans le projet de loi, aucune référence faite à l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, Les paragraphes 5(1) et 5(2) prévoient la création d'un «comité consultatif dont la composition reflète les intérêts et les préoccupations en jeu», et que le rapport de comité est versé au Registre par le ministre. Or nous ne pouvons nous empêcher de présumer que le comité consultatif remplacera l'ARLA. Le comité consultatif aura un énorme pouvoir et sera chargé de réaliser les objectifs décrits dans la mission énoncée à l'article 4 de la Loi. L'objectif premier qui y est énoncé est de «prévenir les risques inacceptables pour les personnes et l'environnement que présente l'utilisation des produits antiparasitaires». Nous estimons que le libellé du paragraphe 5(1) est trop vague et laisse trop de latitude au ministre en ce qui a trait à la composition du comité.

    Étant donné que cette loi pourrait être en vigueur pendant trente-trois ans, soit la durée de vie de la loi précédente; étant donné le nombre de produits chimiques homologués qui doivent être retirés du commerce en raison de leurs effets nocifs sur la santé ou sur l'environnement; et compte tenu des objectifs louables énoncés dans l'avant-projet de loi pour protéger la santé humaine et l'environnement en conformité avec les principes du développement durables, il semble clair qu'il faudrait des précisions en ce qui a trait à la «composition» qui «reflète les intérêts et les préoccupations en jeu». Il est clair que les personnes qui veulent faire homologuer un produit ainsi que les utilisateurs finals potentiels ont des intérêts et des préoccupations pour des raisons financières. Toutefois, il y a certainement d'autres parties qui ont un intérêt--qu'ils soit social, lié à l'environnement ou à la santé--dans tout rapport présenté au ministre.

    Nous sommes d'avis qu'il faut faire intervenir un éventail aussi large que possible de l'opinion publique dans le processus d'homologation, et que cette opinion soit exprimée dans le rapport du comité consultatif. Nous estimons que les professionnels des services de garde d'enfants, les travailleurs et les travailleuses qui s'occupent des personnes âgées, les syndicats, les travailleurs agricoles, la profession médicale, les psychologues, les travailleuses et travailleurs sociaux, les agriculteurs biologiques et les spécialistes de l'entretien de pelouses qui utilisent des moyens de remplacement, pour ne nommer que ces catégories de personnes, représentent tous des parties pouvant avoir des intérêts et des préoccupations à cet égard, et qui devraient participer aux délibérations du comité consultatif.

Á  +-(1135)  

    Troisièmement, en ce qui concerne l'interdiction d'utiliser des pesticides à des fins esthétiques--une pratique carrément inutile et une dangereuse--nous croyons que cette restriction cadre parfaitement bien avec les objectifs énoncés dans ce projet de loi. Tous les Canadiens ont droit à une protection égale en vertu de la loi, quelle qu'elle soit. En vertu de cette nouvelle loi, la restriction relative à l'utilisation des pesticides sera entièrement du ressort de Santé Canada, comme ce fut le cas aux termes de l'ancienne loi. Ce principe fondamental ne doit pas être laissé au bon vouloir des instances inférieures, comme les municipalités. Les frontières qui séparent les collectivités sont ténues et il ne faudrait pas que les gens aient l'impression que leur santé n'a pas la même importance qu'ailleurs. Si les pesticides sont dangereux pour la santé, ils le sont pour tous, quelles que soient les convictions de chacun.

    On a reconnu cette menace dans le présent projet de loi C-53. Autrement, nous ne nous serions pas engagés dans ce processus. Le gouvernement fédéral doit faire preuve de leadership à cet égard et bannir l'usage des pesticides à des fins esthétiques.

    Quatrièmement, il faudra procéder rapidement à l'examen de tous les produits présentement inscrits en raison de leurs problèmes physiologiques potentiels, tels la carcinogénèse, l'immunosuppression, la dégénérescence du système nerveux et des troubles endocriniens chez toutes les espèces non visées--et j'inclus les humains dans cette catégorie. Ces examens devraient inclure la vérification des synergies négatives lors d'expositions simultanées à d'autres produits chimiques, et non seulement sur le plan environnemental. J'inclurais donc les médicaments d'ordonnance qui agissent souvent de la même manière que les pesticides.

    Enfin, il faut mettre en place un processus accéléré qui respecte le principe de substitution. Ainsi, les produits considérés sûrs par d'autres instances à l'extérieur du pays, comme aux États-Unis et dans l'Union européenne, pourraient être approuvés rapidement. En outre, toute solution de rechange aux produits nocifs doit être rendue disponible le plus rapidement possible. Un conseil consultatif bien représenté peut assurer l'application de critères rigoureux en matière de sécurité et d'efficacité, tout en adhérant au principe de la prudence.

    Je terminerai simplement en rappelant à chacun que le rapport intitulé Notre avenir à tous est paru en 1987. Ce rapport a été produit par la Commission mondiale sur l'environnement et le développement, sous la présidence de Gro Harlem Brundtland. L'article 5 de la déclaration de Tokyo stipule clairement ce qui suit en annexe :

Il faudrait favoriser la participation du public aux processus de prise de décision en matière d'environnement et de développement, et le libre accès aux informations à cet égard.

    Je crois que nous avons précisément un précédent pour inclure des personnes dans les délibérations du conseil consultatif.

    Voilà, j'ai terminé. Merci.

+-

    La présidente: Merci monsieur Fletcher.

    Nous allons maintenant passer à la question des dangers que représentent pour la santé l'utilisation des pesticides en milieu urbain. Le porte-parole est le Dr Meg Sears.

+-

    Mme Meg Sears (porte-parole, Dangers pour la santé de l'usage des pesticides en milieu urbain): Je vous remercie de l'occasion qui m'est fournie de m'exprimer sur cette question.

    Le comité consultatif de la ville d'Ottawa m'a demandé de parler des aspects scientifiques de la question. J'ai une formation scientifique et j'ai un doctorat en génie biochimique. J'ai également écrit quelques articles sur la santé, l'environnement et sur des sujets scientifiques pour le compte de certains médecins. J'ai donc une bonne idée de ce qu'est la science.

    La structure du projet de loi C-53 est telle qu'il faut prendre une décision à savoir si oui ou non, quand, comment et pourquoi nous utilisons des produits chimiques toxiques. Ne tournons pas autour du pot. Ces produits sont dommageables. Nous jouons avec le feu, alors soyons prudents.

    Ces pesticides comportent des risques et des avantages. Lorsque nous évaluons les risques, nous dépendons de la science. Il est assez évident qu'avec le projet de loi C-53, nous nous en remettons à la science, à de solides connaissances scientifiques. Mais qu'est-ce que la science? Je suis une scientifique, alors je vais tenter d'y répondre brièvement.

    La science est un mécanisme, un processus, un moyen à partir duquel nous accumulons des images pour dépeindre le fonctionnement du monde dans lequel on vit. Des gens ont accumulé ces images parce qu'ils se sont posé des questions et qu'ils ont fait des expériences pour y répondre. Par petites bribes, nous nous sommes forgé de merveilleuses images sur la façon dont notre monde fonctionne, mais ce ne sont là que de petits fragments. Si nous regardons ces images en perspective, les fragments ressemblent à ces images constituées de points. Nous voyons une image, mais non la totalité. C'est cela la science.

    Pour analyser les risques que comporte l'utilisation des pesticides, à quel domaine scientifique peut-on faire appel? On peut utiliser des études épidémiologiques, mais elles posent de nombreux problèmes. De toute évidence, ces études sont faites rétrospectivement sur des personnes qui peuvent ou non se souvenir des produits auxquels elles ont été exposées. Elles peuvent même ne pas savoir à quels produits elles ont été exposées--et c'est justement un des enjeux importants du projet de loi C-53 : l'obligation de déclarer sur les étiquettes tous les ingrédients des produits offerts en magasin et par les médecins. Voilà le genre d'étude que nous pouvons faire.

    Ces études sont très difficiles à réaliser, mais une étude incontournable sera bientôt rendue publique. Au Mexique, des enfants issus de milieux très similaires, dans une vallée où on utilise énormément de pesticides agricoles, sont comparés aux enfants vivant dans les contreforts des montagnes, où aucun pesticide n'est utilisé. L'avenir des enfants de la vallée est très sérieusement compromis. Mais ce sont tous des «enfants» normaux. La Dre Elizabeth Guillette qui mène cette expérience depuis près d'une décennie maintenant, brosse un tableau à la fois convaincant et terrifiant de ce qui se passe chez ces gens normaux à l'avenir bel et bien compromis. Et comme les pesticides touchent tout le monde, nous ne le savons même pas. Ce n'est là qu'une étude épidémiologique parmi tant d'autres, parce que nous sommes tous exposés à ces choses-là.

    Si les études épidémiologiques ne nous permettent pas d'évaluer les risques, nous pouvons observer les animaux en laboratoire. Mais les animaux ne sont pas des humains et ce genre d'expérience pose une multitude de problèmes.

    Nous pouvons également étudier les cellules dans des éprouvettes, y ajouter des produits chimiques et observer ce qui se passe. Nous sommes peut-être en mesure de modeler un foie, un rein, un cerveau ou un système nerveux, mais peut-on, par extrapolation, faire le parallèle entre ce qui se produit dans une éprouvette, dans un organisme ou chez une personne, ou encore, chez une personne par rapport à une autre? C'est impossible.

    La science ne nous dit pas réellement et véritablement quels sont les risques liés à l'utilisation des pesticides. Si des gens demandent l'autorisation d'inscrire un pesticide au Registre, le gouvernement du Canada leur demande de démontrer qu'il n'y a pas de preuve de leurs effets préjudiciables. Ainsi, les Canadiens sont littéralement laissés pour compte, parce que cette absence de preuve des effets préjudiciables est interprétée comme une preuve de l'absence de préjudice. Ce sont pourtant là deux choses complètement différentes qui ne doivent pas être confondues, mais elles le sont. C'est pourquoi nous devons faire preuve de prudence lorsqu'il est question de produits chimiques toxiques. C'est pourquoi nous devons accorder une place de choix à l'application du principe de la prudence dans ce projet de loi C-53.

Á  +-(1140)  

    Une crise de conscience nous frappe maintenant chaque semaine, que ce soit en raison du bois traité sous pression, du paradichlorobenzène dans les seaux à couche, etc. Nous réalisons maintenant que des produits cancérogènes et d'autres produits nuisent à la santé des Canadiens. Par ce projet de loi, nous ne cherchons pas à éliminer de petits irritants à la loi présentement en vigueur, mais à lui donner une nouvelle orientation. Les canadiens ne veulent en aucun cas être exposés par indavertance à toute une gamme de produits chimiques toxiques.

    Voilà pour les risques, mais il y a un autre aspect à ce projet de loi C-53, et ce sont les avantages que présentent les pesticides. Il est fort probable que dans le traitement d'un cancer, on aura recours à la chimiothérapie, c'est-à-dire à des produits chimiques très toxiques, afin d'en tirer des avantages. Le projet de loi C-53 a été conçu de telle sorte que l'avantage est déterminé comme une politique du gouvernement du Canada.

    Vous avez une question?

+-

    M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.): Oui, j'ai signalé que je voulais poser une question. C'est ainsi que nous procédons ici.

+-

    Mme Meg Sears: Ainsi, l'avantage est entièrement déterminé dans le cadre de politiques du gouvernement du Canada et celui-ci ne devrait pas permettre l'usage de produits chimiques toxiques pour éliminer les pissenlits. Or, la politique canadienne va clairement dans ce sens. Si ce n'était pas la politique du Canada, pourquoi n'utiliserait-on pas de pesticides sur la colline du Parlement?

    Ainsi, les pesticides présentent des risques et des avantages possibles. C'est à partir de ce constat que nous prenons des décisions.

    En conclusion, j'aimerais vous présenter quelqu'un. Je ne suis pas seulement une scientifique, je suis également une mère. La science ne nous dira jamais ce qui s'est réellement produit, mais la personne que je vais vous présenter s'est peut-être torouvée du mauvais côté de votre analyse des risques et des avantages. Voici une photo de mon fils. Il est décédé il y a un an d'une tumeur maligne, peut-être causée par ... Lorsque j'étais enceinte de cet enfant, on a construit un terrain de golfe en bas de la rue près de chez moi. On a dû utiliser une énorme quantité de pesticides à ce moment-là.

Á  +-(1145)  

+-

    La présidente: Merci, Dre Sears.

    Nous allons maintenant passer à la deuxième partie de notre réunion, Les membres vont poser des questions aux témoins et nous commencerons avec M. Merrifield.

+-

    M. Rob Merrifield (Yellowhead, Alliance canadienne): J'aimerais vous remercier de votre présence. Le sujet de notre débat est très intéressant et très important pour les Canadiens. Il touche très de très près les conditions de vie des Canadiens et de tous les peuples du monde, en ce début du XXIe siècle, cela ne fait aucun doute. C'est pourquoi nous devons revoir maintenant revoir cette loi qui n'a fait l'objet d'aucune révision depuis son adoption, il y a trente ans. En fait, c'est une mesure qui se fait attendre depuis trop longtemps.

    Je pense que vous avez abordé certains des avantages de ce projet de loi, ses bons côtés, et que vous avez également souligné quelques-uns de ses problèmes. D'après les témoignages entendus ce matin, j'en conclus que les pesticides ne devraient réellement pas être utilisés à des fins esthétiques ou non essentielles. Pourriez-vous élaborer un peu sur ce que vous considéreriez comme un usage essentiel de produits chimiques et sur les produits que vous recommanderiez?

+-

    M. Alex Cullen: Qui se prononcerait là-dessus, n'est-ce pas!

    Des être humains ont vécu sur cette terre pendant des milliers d'années sans avoir jamais utilisé de pesticides. Nous avons évolué, notre santé s'est améliorée et nos civilisations évoluent. Je crois que l'odieux de la question réside dans l'obligation, lors de l'introduction d'un produit toxique pour l'être humain et l'environnement -- parce que nous en faisons partie -- sur le marché, on doit procéder à l'analyse des coûts et des avantages. Et évidemment, il faut parfois trancher.

    Nous ne sommes pas ici pour défendre la cause des pesticides, nous sommes contre les pesticides. Pourquoi? Parce qu'ils présentent une menace pour l'être humain. S'il existe un moyen plus efficace de fournir les produits agricoles qui assurent notre subsistance, c'est bien. Mais à partir du XXe siècle, parce qu'on a commencé à offrir des pesticides sur les marchés--

+-

    M. Rob Merrifield: Excusez-moi, mais je dois vous dire que, selon la procédure en cette Chambre, si vous prenez trop de temps à répondre à une question, vous limitez le mien et le président devra m'interrompre. Alors, sans vouloir vous brusquer, je devrai vous interrompre si je considère votre réponse trop longue.

    Je crois comprendre que vous êtes contre les pesticides, mais vous dites être contre lorsque leur usage est non essentiel. C'est donc dire que vous considérez certains pesticides essentiels. Pour donner suite à cette question il faudrait donc communiquer avec l'ARLA, Agence actuellement responsable de l'inscription des pesticides. Considérez-vous que les mesures prises par cette agence sont appropriées, qu'elle n'est pas assez efficace, qu'elle autorise dans ce pays des produits chimiques qui ne devraient pas l'être? Est-ce bien ce que vous êtes en train de dire?

    D'autres pourraient peut-être s'attaquer aux recommandations actuelles à l'égard de l'utilisation des pesticides à des fins essentielles.

+-

    M. Michel Gaudet: Nous ne recommanderions l'usage des pesticides que si la santé de l'être humain était en danger. Ainsi, nous les utilisons lorsque toutes les autres solutions possibles ont été envisagées sans donner de résultat. Mais c'est très rare. La coalition fait affaire avec des sociétés qui traitent les pelouses avec des produits biologiques et elle réussissent à se débarasser d'à peu près n'importe quoi. Mais elles ne parviendront peut-être pas à éliminer l'herbe à poux, par exemple. Dans ce cas, elles auront recours à des produits chimiques, mais le moins possible, et seulement si la santé de l'être humain est en danger. Si d'autres solutions ont été envisagées sans donner de résultats, alors vous pouvez utiliser un pesticide. Mais on ne s'en servira pas pour éliminer les pissenlits de la pelouse.

+-

    M. Rob Merrifield: Pouvez-vous me dire s'il existe un endroit au Canada où cette règle est appliquée? Le secteur industriel canadien utilise probablement plus de produits chimiques que quiconque.

+-

    M. Alex Cullen: C'est tout le contraire. On utilise de plus en plus de pesticides dans les milieux urbains et de moins en moins dans le secteur agricole.

+-

    M. Rob Merrifield: Bon! Nous allons jouer avec les chiffres maintenant.

+-

    Mme Merryl Hammond: Oui, si on considère la dose à laquelle nous sommes exposés, par âcre, celle-ci est plus élevée dans les secteurs résidentiels, et j'ai des chiffres à l'appui. Le secteur agricole utilise 1,5 livres de pesticides par âcre par année, alors que les propriétaires en utilisent de 3 à 10 livres par âcre, par année.

+-

    M. Rob Merrifield: Ces chiffres sont très différents des chiffres qu'on vient de soumettre. Mais je sais ce que sont les chiffres. Ça va, et nous pouvons engager le débat sur cette base. Mais vous laissez entendre que la quantité de pesticides utilisée dans les centres urbains est peu appropriée, et ainsi de suite, et vous avez sans doute raison.

Á  +-(1150)  

+-

    Mme Merryl Hammond: C'est l'usage qu'on en fait dans les centres.

    J'aimerais seulement dire, au nom de l'organisation de citoyens que je représente, que nous n'avons pas les qualifications nécessaires pour nous attaquer aux problèmes agricoles. Mais la plupart d'entre nous consommons des aliments biologiques à la maison. Et si nous ne voulons pas de pesticides sur nos pelouses, peut-on me dire pourquoi nous en mettrions sur notre table? Je suis une professionnelle de la santé, alors je n'ai pas les compétences pour aborder l'ensemble des problèmes agricoles. Nous savons qu'il existe des producteurs biologiques et qu'ils doivent être entendus. Ils doivent également se faire entendre dans ce projet de loi. Mais simplement en tant qu'organisation de citoyens, nous ne nous sentons pas en mesure de trancher sur cette très importante question. C'est pourquoi nous--

+-

    M. Rob Merrifield: Je posais la question seulement pour avoir une idée d'ensemble.

    J'aimerais poser une question aux scientifiques. Vous avez mentionné cette étude réalisée au Mexique et c'est la deuxième fois que des témoins en font mention. Pouvez-vous me dire quels produits chimiques ont été utilisés dans le cadre de cette étude?

+-

    Mme Meg Sears: Je peux vous dresser la liste de tous les produits chimiques qui ont été utilisés, mais cette étude a été réalisée au Mexique et ce pays fait partie de l'ALENA, alors --

+-

    M. Rob Merrifield: Ces produits chimiques sont-ils légalement inscrits au Canada alors?

+-

    Mme Meg Sears: C'est tout probable. Ils ne le sont peut-être pas tous, mais ces produits chimiques réagissent de façon similaire. Des populations canadiennes sont certainement exposées à des produits similaires.

    Mais c'est difficile de comparer les produits utilisés à des fins agricoles aux produits utilisés pour la pelouse, simplement parce que la gamme de produits chimiques est--

+-

    M. Rob Merrifield: Si je soulève ce point, c'est que vous l'avez utilisé comme une base pour la partie traitant des dangers scientifiques.

+-

    Mme Meg Sears: Ce que ça démontre--

+-

    M. Rob Merrifield: Je souligne simplement que les produits chimiques utilisés pour cette expérience n'étaient pas inscrits au Canada, qu'ils ne sont pas approuvés au Canada, alors nous voulons être prudent en ce qui concerne notre façon de lancer--

+-

    Mme Meg Sears: Non, ce n'est pas une expérience.

+-

    M. Rob Merrifield: Alors nous ne parlons peut-être pas de la même étude.

+-

    Mme Meg Sears: Non, c'est--

+-

    M. Rob Merrifield: Oui, vous avez raison. Il ne s'agit pas d'une expérience, mais d'une étude.

+-

    Mme Elisabeth Arnold: Je crois que c'est la raison pour laquelle... [Note de la rédaction: Inaudible] ... projet de loi C-53. Même parmi les membres du secteur agricole, puisque c'est le point sur lequel vous semblez porter votre attention, on réclame des solutions de rechange aux pesticides chimiques. Ce que nous aimerions voir dans le projet de loi C-53, c'est un processus d'approbation accéléré des produits de remplacement, afin que nous puissions aider nos producteurs agricoles à être concurrentiels. En fait, nous constatons qu'un marché de produits agricoles sans produits chimiques est en pleine croissance, partout dans le monde. De ce point de vue, il sera certainement avantageux d'adopter une loi qui nous aidera à rendre la collectivité agricole plus compétitive sur le marché. Cette approche présente de toute évidence des avantages sur le plan de la santé et de l'environnement. Ce n'est peut-être pas nécessairement l'orientation que j'ai voulu donner à mon exposé en tant que conseiller municipal, mais c'est certainement ce son de cloche que nous donne le site Web de la Fédération canadienne des municipalités et ce qu'on entend aux réunions de la Fédération.

+-

    M. Rob Merrifield: Je suis content d'entendre cela. Je pense que toutes les parties intéressées par cette question sont d'accord sur l'urgence d'offrir sur le marché des produits qui soutiennent la concurrence, d'utiliser des technologies de pointe et de présenter des produits qui soient plus sûrs.

+-

    M. David Fletcher: J'aimerais revenir à toute cette question entourant l'utilisation des produits chimiques. Je crois que nous devons être très prudents et utiliser ce que nous avons dans les fiches signalétiques lorsque vient le temps d'établir si un produit est dangereux ou non.

    Si vous me permettez, j'aimerais vous faire part de mon expérience personnelle à titre d'enseignant. J'ai été témoin de l'affaire impliquant les enfants des écoles de Pierrefonds et de Dollard qui avaient été aspergés par la société Chemlawn, en 1986. Je ne sais pas si vous vous souvenez de cet incident, mais le ministère Agriculture Canada avait alors traduit Chemlawn devant les tribunaux, remportant sa cause, et Chemlawn a été mis à l'amende.

    Une multitude d'exposés ont été présentés sur le produit chimique utilisé par Chemlawn. Si un produit chimique peut être utilisé à des fins agricoles, il peut être utilisé à des fins esthétiques et le PDG de Chemlawn s'est d'ailleurs empressé de se présenter à l'école pour y tenir une conférence de presse, déclarant que ce produit était en réalité moins dangereux que l'aspirine. On peut se demander si Chemlawn n'aura pas l'idée d'épandre pas de l'aspirine dans toute la communauté.

    Ce que j'ai appris à la suite de cet incident, c'est que ce produit chimique était considéré inoffensif. J'ai alors demandé à mon directeur ... Il a fallu que je demande à mon directeur de le faire. Je devais garder la tête basse parce que mon emploi était en jeu. Je devais me taire.

Á  +-(1155)  

+-

    M. Rob Merrifield: Pourriez-vous conclure rapidement? J'aimerais poser une autre question.

+-

    M. David Fletcher: Oui, mais puis-je faire valoir ce point? C'est très important.

    Le produit chimique utilisé a été considéré comme inoffensif et non comme une substance cancérogène. J'ai discuté au téléphone pendant 45 minutes avec le Dr John Hall de la société Chevron, à San Jose, Californie. Au terme de cette conversation, il m'a dit qu'en réalité ce produit avait provoqué le cancer du rein chez des souris génétiquement assez homogènes, les femelles seulement.

    Je veux simplement vous signaler que d'après The Politics of Cancer du Dr Samuel Epstein, il existe neuf principes de l'Agence de protection de l'environnement selon lesquels il n'existe aucun seuil pour ces produits chimiques. Tout ce qui provoque la formation de tumeurs chez les animaux doit être considéré cancérogène chez l'homme, peu importe si ces tumeurs sont bénignes ou non. J'ai ces principes sous les yeux, j'ai également le livre en question dans ma serviette, et je me ferai un plaisir de vous donner les références. Ce livre traite des effets cancérogènes de l'aldrine et de la dieldrine, qui se sont manifestés dans les années 70. L'EPA a établi ces neuf principes que j'ai ici même.

    Ce produit chimique qui agit en tandem avec d'autres produits chimiques à l'état latent dans l'environnement, peut provoquer le cancer jusqu'à vingt ou trente ans plus tard. C'est le danger qui nous guette. C'est ce à quoi nos enfants seront confrontés. Peu importe que notre milieu soit rural ou urbain, c'est de là que vient notre paranoïa. On ne peut aller nulle part sans s'exposer à ces produits chimiques pernicieux et omniprésents. Il est temps que nous mettions un terme à tout cela.

+-

    Le président: Merci monsieur Fletcher, monsieur Merrifield.

    Nous passerons maintenant à M. Ménard et à M. Alcock.

[Français]

+-

    M. Réal Ménard (Hochelaga--Maisonneuve, BQ): Merci madame la présidente. Si vous me le permettez, je vais commencer avec une question plus générale. Est-ce que je comprends bien de l'ensemble de vos interventions que l'un des amendements les plus importants que vous souhaiteriez voir adopter à l'étape du rapport et ensuite dans la loi, c'est une interdiction très claire de l'utilisation des pesticides à des fins esthétiques. Il vous apparaît qu'un amendement comme celui-là passerait le test d'une éventuelle contestation devant les cours et serait en mesure de rallier bon nombre de nos concitoyens?

    Je suis convaincu qu'il faut l'adopter, mais il faut qu'on parte sur une solide unanimité. Est-ce que quelqu'un d'entre vous peut nous dire ce qu'un tel amendement au projet de loi ferait comme différence. Je pense que vous êtes la meilleure personne pour répondre à cette question en commençant.

[Traduction]

+-

    Mme Merryl Hammond: Quelle différence cela ferait-il? On enverrait ainsi un message clair, à mon humble avis, qui aurait dût être envoyé aux Canadiens il y a au moins huit ans, à l'effet que nous sommes confrontés à un problème de toxicité et que nous devons faire preuve de leadership.

    Si les Canadiens constatent que les produits répandus dans les banlieues ne sont pas inoffensifs, d'autres processus prendront la relève. Les gens vont commencer à se poser les mêmes questions que plusieurs parmi nous se posent depuis des années, à savoir qu'est-ce que je mange, qu'est-ce que je respire, etc., et la roue ne s'arrêtera pas de tourner. Nous savons que c'est la direction à prendre. C'est comme un premier pas. Et c'est le moins que le gouvernement canadien puisse faire pour le moment, puisque nous savons tous quels sont les intérêts, les emplois, etc. en jeu. Les travailleurs en entretien des pelouses apprendront à les traiter sans utiliser de pesticides. En fait, il y a du travail à faire dans ce secteur; c'est d'un processus de conversion qu'il s'agit. Ils se réveilleront, lentement.

    Mais c'est ce message que nous devons transmettre parce que ce qui se passe actuellement est intenable. Rien ne justifie cela. Connaissant les effets de ces produits chimiques, leur usage à des fins aussi frivoles que celles de l'esthétique ne saurait se justifier.

[Français]

+-

    M. Réal Ménard: Si quelqu'un veut ajouter quelque chose, il peut le faire. Sinon, je pose ma deuxième question. En fait, j'ai trois questions.

    Pour que l'on compare les rôles possibles des différents paliers de gouvernements, qu'est-ce que la municipalité d'Ottawa a fait à ce jour dans le dossier des pesticides?

    Après cela, on renverra la balle. Vous avez éloquemment cité le sympathique et attachant ministre de l'Environnement, M. André Boisclair, comme étant un exemple pour les autres provinces. Peut-être avez vous le goût de m'aider à convaincre mes collègues que l'exemple du Québec doit être suivi ailleurs. C'est une question non partisane: chacun l'aura compris.

  +-(1200)  

[Traduction]

+-

    M. Alex Cullen: Croyez-le ou non, Ottawa est une nouvelle ville. Nous avions onze municipalités l'an passé. Après la fusion de ces onze municipalités, nous avons harmonisé nos règlements et nous avons maintenant adopté une politique qui interdira l'usage des pesticides sur les propriétés de la ville. Ces propriétés comprennent les parcs, les terrains de soccer et de baseball de la ville, etc. Nous avons donc pris ces mesures et, évidemment, notre personnel utilise des produits de remplacement plus sûrs, parce qu'il nous faut des terrains de soccer, de baseball, etc. où nous pouvons courir et nous amuser.

    Nous avons également décidé de mettre en oeuvre un programme d'information sur les produits de rechange plus inoffensifs, afin que les gens sachent qu'ils peuvent avoir une pelouse verte, sans mauvaises herbes, sans pour autant menacer la santé de leurs voisins. Nous sommes en train de préparer cette campagne d'information. Nous donnerons des informations techniques, des conseils sur les moyens d'y arriver, et les motifs justifiant cette approche. Nous espérons adopter cet automne un règlement qui interdise l'usage de pesticides à des fins cosmétiques dans la région urbaine.

[Français]

+-

    M. Réal Ménard: Alors, avant de donner la parole à votre collègue, sans vouloir m'intéresser de manière biographique à votre carrière, vous êtes un conseiller municipal de la ville d'Ottawa.

[Traduction]

+-

    M. Alex Cullen: Nous sommes dans un secteur rural, un secteur dont la taille est en réalité supérieure à celle de l'Île-du-Prinde-Édouard, mais 90 p. 100 de la population vit dans la zone urbaine. Toutefois, si vous allez à l'extérieur de cette ceinture verte--et je vous invite à le faire--vous verrez qu'environ 90 p. 100 de notre région, de notre territoire, est agricole. Actuellement, nous concentrons nos efforts là où les gens vivent en communauté. C'est donc au problème de l'utilisation des pesticides à des fins esthétiques en région urbaine que nous nous attaquons.

+-

    Mme Elisabeth Arnold: J'aimerais ajouter une chose à ce sujet. L'expérience acquise par cette fusion--que cela nous plaise ou non--nous a donné une leçon en ce qui a trait aux pesticides. Je crois que cette leçon pourrait, par extrapolation, servir au niveau fédéral.

    Premièrement, les pesticides comme les poulations traversent les frontières. L'un des arguments que l'on faisait valoir sous l'ancien régime était que nous ne pouvions avoir une politique sur les pesticides qui soit plus stricte dans la vieille ville d'Ottawa que dans la ville de Vanier, etc. Maintenant que les villes sont fusionnées, cet argument ne tient plus.

    Alors je pense qu'il est extrêmement important que nous nous dotions d'un--

[Français]

+-

    M. Réal Ménard: Je sais que Mme Scherrer a pris bonne note qu'il y a des aspects positifs à la fusion.

[Traduction]

+-

    Mme Elisabeth Arnold: Il n'y en a pas beaucoup, mais c'en est un, pour empêcher que nous aboutissions à un traitement très inégal des questions touchant l'environnement et la santé.

+-

    La présidente: Merci monsieur Ménard.

    Nous irons à M. Alcock.

+-

    M. Reg Alcock: Je m'interrogeais pendant que j'écoutais les exposés. Madame Sears, vous m'avez amené à réfléchir à une partie du problème lorsque vous avez parlé de la science, parce que c'est un problème qui se pose dans de nombreux domaines, pas seulement dans celui entourant les pesticides. Il s'est posé au cours d'une discussion précédente sur la recherche portant sur les cellules souches et il s'est posé à propos de l'homologation de nouveaux médicaments et des OGM. Il s'agit de cette question : lorsque l'on se place de ce côté de la table, une des choses auxquelles il faut penser, c'est d'établir des processus sur lesquels on pourra compter pour faciliter la prise de décisions.

    Si l'on s'en tient à la seule question de l'utilisation esthétique des pesticides en milieu urbain, je pense que l'on peut se demander s'il est absolument nécessaire d'utiliser des produits chimiques. Mais dans le sens plus large que couvre l'actuel projet de loi, il y a toujours cette nécessité de se demander si telle ou telle chose a des avantages à opposer aux risques. Le problème auquel font constamment face les gouvernements, c'est de trouver quelqu'un pour les conseiller à ce sujet. En bout de ligne, on se tourne vers la communauté scientique pour obtenir un certain type de conseil structuré.

    Et je suis d'accord avec votre commentaire suggérant qu'il y a des failles. Nous avons vu les gestes posés par l'université de Toronto récemment. À cause de certaines craintes au sujet du financement, l'université a tenté de renvoyer une personne qui effectuait des recherches d'un type particulier. Il ne faut pas sous-estimer le pouvoir des industries dans la formation de ces opinions. Il s'agit là de débats très réels.

    Cela dit, toutefois, il y a quand même une large part de la communauté scientifique qui est honorable, responsable et déterminée. Les gens ne veulent pas approuver des choses qui pourraient causer du tort à d'autres personnes. Je pense que l'intention générale, c'est d'essayer de toujours évaluer ces choses. Une partie du problème est liée à un fait que j'ai constaté dans le débat actuel--pas «actuel» dans le sens de ici et maintenant, mais dans le débat en général. Nous commençons à discréditer l'opinion scientifique à un point tel que nous allons perdre une source crédible vers qui se tourner pour obtenir une vraie opinion sur les avantages ou les inconvénients de tel ou tel produit. Nous nous figeons dans l'inaction en ce sens qu'en plus d'avoir fait naître de vraies menaces, de très réels risques, et de très réels problèmes, ces produits chimiques et ces changements ont aussi entraîné de substantiels avantages.

  +-(1205)  

+-

    M. Alex Cullen: [Note de la rédaction: Inaudible]

+-

    M. Reg Alcock: Bien, le projet de loi couvre l'utilisation des pesticides, pas seulement l'utilisation des pesticides par les municipalités.

    J'aimerais avoir vos commentaires sur le processus que nous utilisons pour déterminer si le secteur scientifique est crédible ou non ou si le processus de sélection des produits fonctionne. En plus de vos craintes au sujet des produits chimiques esthétiques, si je vivais à côté d'une ferme--comme je l'ai déjà fait--j'aurais sûrement des craintes semblables. Mais où devons-nous aller pour obtenir une opinion scientifique crédible que tous accepterons?

+-

    M. David Fletcher: Si je peux soulever un point, j'ai mentionné quelque chose à propos des effets synergiques de ces produits chimiques auparavant. J'ai examiné moi-même les fiches techniques. Je l'ai fait pendant de nombreuses années. La communauté scientifique traite tous ces produits chimiques isolément. Quand j'ai appelé M. John Hall, j'ai demandé entre autres si ce produit chimique qui causait le cancer chez les souris était testé séparément des autres éléments avec lesquels il pouvait se retrouver dans l'environnement. Il a admis qu'il était testé seul. Comme j'ai dit, cela n'a rien à voir avec les médicaments sur ordonnance auxquels les gens pourraient aussi être exposés et qui sont neuroactifs.

    Je ne suis pas certain que même la communauté scientifique pourrait nous éclairer sur les effets synergiques que nous pourrions obtenir de choses qui se retrouvent ensemble dans l'environnement ou qui arrivent jusqu'à nous par la voie de nos aliments, de nos médicaments, etc. Comment pourrait-elle y arriver? Le système est tellement chaotique. Nous n'arrivons pas à prédire la température, alors comment pourrions-nous prédire ces effets synergiques?

+-

    M. Reg Alcock: Et la solution est?

+-

    M. Alex Cullen: Il y a quatre-vingts ans, les médecins vantaient les avantages de fumer. On les voyait dans les revues parler de style de vie, d'image et de tout ce cirque. Maintenant, bien sûr, il y a peut-être encore des médecins qui fument, mais nous savons ce que la profession médicale en dit.

    C'est peut-être que le vent change, mais lorsque le Ontario College of Family Physicians, l'Association pour la santé publique de l'Ontario, l'Association canadienne de santé publique et la Société canadienne du cancer vous disent tous qu'il y a des risques pour la santé associés aux pesticides, vous devez avoir recours au principe de prudence. Il n'est plus seulement question de prouver que ces produits sont sûrs, il faut montrer qu'ils n'entraînent aucun dommage. On peut procéder à une évaluation des risques, mais en plaçant l'accent sur la protection de la santé humaine. Si vous ne pouvez prouver que ce produit ne blessera personne, et prouver que tous ses composants--et pas ce qui est malheureusement dans ce projet de loi... La pratique du passé consistait à examiner les ingrédients actifs. Nous en savons beaucoup plus maintenant.

    Les choses changent. Oui, vous être pris dans ce changement et il rend la vie difficile, mais bien franchement--et je suis désolé d'y revenir--les personnes qui présentent des manifestations d'intolérance au milieu ne vivent pas toujours que dans les villes. Lorsqu'elles sont là et qu'elles en ressentent des effets, lorsqu'elles ne peuvent sortir de la maison quand on répand des pesticides, vous savez qu'il y a un problème.

+-

    M. Reg Alcock: Alors pourquoi ne parlez-vous pas d'interdire tous les pesticides? Pourquoi juste dans la ville?

+-

    M. Alex Cullen: Je suis motivé par ma communauté à traiter de quelque chose qui est là juste devant nous. Il y a deux ans, votre propre comité disait que nous devrions éliminer progressivement l'utilisation esthétique des pesticides. Cela ne se trouve pas dans ce projet de loi. Faites-le.

+-

    Mme Elisabeth Arnold: Je pense que c'est aussi une question de fardeau de la preuve. Allons-nous procéder sur une série de sources scientifiques qui disent qu'elles n'ont pu prouver qu'il y a un lien direct longitudinalement, ou allons-nous procéder en fonction d'une preuve scientifique qui dit qu'elle peut garantir qu'il n'y a pas de risque?

    L'autre élément de la question c'est quand il y a des solutions de rechange. Nous savons qu'il existe des solutions de rechange viables à l'utilisation esthétique des pesticides. Nous savons qu'il y a des choses qui fonctionnent, qui produisent les mêmes résultats. Ce que nous n'avons pas, ce sont des solutions de rechange pour le secteur agricole dans l'ensemble. C'est en partie parce que nous n'avons pas fait de recherches et n'avons pas été en mesure de soutenir notre communauté agricole pour qu'elle ne dépende plus des pesticides utilisés à des fins esthétiques. Mais nous devons y arriver. Nous devons absolument y arriver.

    Je viens d'une famille d'agriculteurs très préoccupés par la question. Ils doivent prendre des décisions concernant leur gagne-pain tout en sachant que parfois ils mettent leur propre vie en danger. En tant que nation, il faut nous faire à cette idée et leur fournir des solutions pour qu'ils n'aient plus à faire ces choix.

  +-(1210)  

+-

    La présidente: Merci, monsieur Alcock.

+-

    Mme Merryl Hammond: Puis-je rapidement répondre à...

+-

    La présidente: Non je suis désolée. C'est au tour de M. Comartin.

+-

    M. Joe Comartin (Windsor—St. Clair, NPD): Juste une brève déclaration qui s'adresse à vous tous, je vais poser ces questions avec l'hypothèse--qui est une fausse hypothèse--qu'il n'y a aucune chance que nous obtenions une interdiction. Je veux juste être clair là-dessus. Je vais me faire un peu l'avocat du diable...

    Monsieur Cullen, vous avez soulevé un point au sujet de l'étude. Le seul fait que ce projet de loi soit devant nous et non devant le comité de l'environnement en dit beaucoup sur la position du gouvernement en regard de ce qui doit être fait concernant les pesticides au pays.

    Cela dit, laissez-moi poser quelques questions.

    Madame Hammond, concernant l'amendement que vous proposez, si je lis bien, la nouvelle disposition pour le paragraphe 6(1) est suffisamment générale pour couvrir non seulement les régions urbaines, mais aussi les régions rurales et suburbaines. Est-ce exact?

+-

    Mme Merryl Hammond: Oui.

+-

    M. Joe Comartin: À cet égard, les autres dispositions de la section qui se trouve presque à la fin prévoient des pénalités qui sont assez importantes. En clair, elles sont davantage conçues pour traiter avec les gros contrevenants, si je puis m'exprimer ainsi.

    Les avez-vous examinées? Avez-vous des suggestions concernant le type de pénalités qui seraient appropriées pour les propriétaires résidentiels? En quoi consisterait une pénalité appropriée?

+-

    Mme Merryl Hammond: Je pense qu'il s'agit là d'un point très important, mais, non, je ne les ai pas examinées dans ce contexte. Je crois que nous pourrions examiner bon nombre des règlements qui ont été adoptés et certaines des amendes prévues dans ces règlements: 500 $ pour une première infraction et puis ensuite 1 000 $, etc. Quelque chose comme cela conviendrait. Mais c'est un point très important. On pourrait apporter des ajustements en même temps.

+-

    M. Joe Comartin: Pour en revenir au paragraphe 6(1) que vous proposez, prenons un agriculteur hypothétique dans une petite municipalité comptant une vingtaine de maisons. Comment agissons-nous avec les pénalités dans ces circonstances où l'agriculteur procède à un épandage de pesticides sans doute essentiel? Il est évident que cet épandage va toucher la zone résidentielle, alors comment agissons-nous avec cet agriculteur? Et une fois encore, je me fais ici l'avocat du diable.

+-

    Mme Merryl Hammond: Nous connaissons tous la dérive de pesticides. C'est un fait réel. Mais si ces pesticides ne vont pas à l'encontre de la loi et qu'il les utilise dans un sens «légal», il ne devrait pas être mis à l'amende. Pour l'instant, il n'y a aucune protection pour ceux qui se trouvent sous le vent par rapport à ceux qui appliquent un quelconque pesticide. C'est là une autre des raisons qui explique pourquoi nous avons besoin...

    Comme je l'ai dit, ce que nous proposons c'est une première étape. Pourquoi n'avons-nous pas demandé une interdiction de tous les pesticides? Franchement, nous n'avons pas cru que c'était raisonnable en 2002. Nous travaillons dans ce sens. Donnez-nous celle-là d'abord, puis ensuite nous aurons l'énergie de nous attaquer à la question suivante. Nous n'allons pas abandonner. Nous allons procéder étape par étape. Mais nous avons simplement pensé que ce n'était pas raisonnable. Le monde entier y viendra un jour.

+-

    M. Joe Comartin: Cette interdiction toucherait 80 à 85 p. 100 de la population canadienne pour l'instant?

+-

    Mme Merryl Hammond: Exactement.

+-

    M. Joe Comartin: Monsieur Gaudet, concernant cette dernière question que j'ai posée, est-ce que le projet de loi du Québec traite de ce type de questions? Est-ce qu'on interdit les pesticides dans tous les secteurs?

+-

    M. Michel Gaudet: Il n'y a encore aucun projet de loi de déposé.

+-

    M. Joe Comartin: De quoi M. Boisclair parlait-il?

+-

    M. Michel Gaudet: L'intention du gouvernement québécois serait d'interdire l'utilisation de pesticides en milieu urbain, pas en milieu agricole--du moins pas pour l'instant, en aucun cas.

    Premièrement, vous devez savoir que les enfants vont jouer sur le gazon, mais il est peu probable qu'ils aillent jouer dans un champ de maïs. Les pesticides employés au parc ou sur votre gazon vont toucher les enfants beaucoup plus. Ensuite, la population est concentrée dans les milieux urbains.

    Dans son code des pesticides pour les édifices fédéraux, Environnement Canada commence à préciser des distances de dérives inférieures à dix kilomètres à l'heure de vent. Pour le Killex, un produit bien connu, cette distance est inférieure à 100 mètres. Si vous l'appliquez sur votre maison, vous contaminez 40 familles autour de chez vous.

+-

    M. Joe Comartin: Avez-vous une idée de la façon dont on pourrait définir le «milieu urbain»?

+-

    M. Michel Gaudet: Dans le projet de loi du gouvernement? Non.

  +-(1215)  

+-

    M. Joe Comartin: Non.

    C'est tout pour l'instant madame la présidente.

+-

    Le président: Merci, monsieur Comartin.

    Madame Scherrer.

[Français]

+-

    Mme Hélène Scherrer (Louis-Hébert, Lib.): Merci beaucoup, madame la présidente. Je pense que j'ai bien entendu, de la part de tous les intervenants d'aujourd'hui, un consensus sur les effets nocifs des pesticides. Je pense également avoir entendu un consensus sur une demande formelle d'interdiction de l'ensemble des pesticides à des fins esthétiques.

    Là où je me pose un peu une question, et j'aimerais que quelqu'un qui se sent concerné puisse y répondre, c'est sur la mise en application de cette interdiction, à savoir le respect de l'interdiction ou l'assurance que cette interdiction sera efficace en bout de ligne. Selon moi, pour pouvoir s'assurer que ça fonctionne bien, je pense que les gens de la ville d'Ottawa nous l'ont bien dit, ça prend évidemment tout un système d'information de la population. Je pense que ça prend également des ressources humaines pour pouvoir aller proposer des mesures de rechange et, en plus, tout un système pour assurer qu'il y ait un volet punitif ou au moins un volet contravention, car il faut que cela dépasse le voeu pieux, le souhait qu'il n'y ait pas d'utilisation de pesticides nulle part. En bout de ligne, c'est une chose de le dire, mais s'assurer que ça se fait dans chacune de nos localités, c'est une autre chose. C'est une opération qui n'est pas évidente.

    J'entends M. Fletcher dire qu'il ne faut pas laisser cette application aux wimps of lower governments. J'entends aussi M. Gaudet vanter les mérites d'un projet de loi qui s'en vient. Ma question est la suivante: pourquoi voulez-vous mettre l'application de cela dans les mains du gouvernement fédéral, ou pourquoi ne souhaitez-vous pas que ce soient les municipalités, qui semblent très bien réussir, ou le gouvernement, qui semble avoir un projet mirobolant? Pourquoi voulez-vous absolument que ce soit le gouvernement canadien qui passe à travers toutes les choses et qui vienne faire l'application, alors que ça me semble être une chose qui doit se faire, au contraire, au plus bas niveau de gouvernement, parce que c'est à ce niveau qu'il y a vraiment un contact direct avec la population et qu'on peut s'assurer effectivement que cette mise en application soit efficace?

[Traduction]

+-

    La présidente: Excusez-moi, mais nous n'avons pas l'habitude de voir les témoins lever la main pour que les reconnaisse. Il serait utile que vous adressiez plutôt votre question à quelqu'un.

[Français]

+-

    Mme Hélène Scherrer: Alors, j'adresse ma question à M. Fletcher et à M. Gaudet puisque ce sont les deux... Je l'adresse à tous.

[Traduction]

+-

    La présidente: Toutes ces personnes ont deux minutes et demie au total pour répondre. C'est environ 30 secondes chacune.

+-

    M. David Fletcher: Si je peux soulever un point, je fais du lobbyisme pour ma municipalité depuis 1986 et depuis l'incident de Beechwood, la municipalité s'en est toujours remise aux paliers supérieurs du gouvernement. Elle s'en est remise à la province ou, plus particulièrement, au gouvernement fédéral, en se disant que si le gouvernement fédéral homologuait ces produits, ils devaient être sûrs pour nous.

    Les éléments les plus conservateurs des municipalités vont utiliser cet argument dans tout le pays. En fait, ils prennent des décisions qui touchent notre santé--nous le reconnaissons--et la santé est hors de tout doute du ressort du gouvernement fédéral. En fait, vous devez vous assurer que notre santé n'est pas menacée. Cette question ne devrait pas être laissée à un fonctionnaire municipal.

    Ce sera ma réponse.

[Français]

+-

    M. Michel Gaudet: En ce qui a trait au projet de Québec, est-on une société distincte à un tel point que les pesticides affectent seulement les Québécois? D'après moi, cela affecte tous les Canadiens. Le projet de loi C-53 est un projet de loi du gouvernement canadien qui s'adresse à tous les Canadiens. Donc, si l'interdiction vient d'en haut, si une petite ville comme Saint-Lazare, qui compte 14 000 habitants, peut le faire respecter, je suis certain que le gouvernement fédéral canadien a les moyens de faire respecter ses lois. On fait respecter les autres loi: ça ne devrait pas être différent pour celle-ci.

[Traduction]

+-

    M. Alex Cullen: Ces produits sont homologués par le gouvernement fédéral. Si vous ne permettez pas à ces produits de se retrouver sur le marché, nous n'aurons pas à nous en occuper. C'est le point numéro un.

    Deuxièmement, les municipalités sont toutes différentes. Certaines possèdent des terrains de golf et certaines veulent accueillir des terrains de golf. Mais excusez-moi, les pesticides ont des effets sur tous les enfants de manière égale, d'un océan à l'autre. Pourquoi s'en remettre à une série de règlements disparates? Réglons la question ici et réglons-la maintenant.

+-

    La présidente: Merci, madame Scherrer.

    Nous allons passer à M. Lunney.

+-

    M. James Lunney (Nanaimo—Alberni, Alliance canadienne): Merci madame la présidente.

    Je voudrais revenir à la discussion sur l'épidémiologie et le lien avec les cancers chez les enfants. Les cancers chez les adultes ont aussi été mentionnés, comme les problèmes neurologiques, les troubles immunologiques et la dysfonction du système endocrinien. Ce sont là quelques-unes des choses dont on a fait mention ce matin, avec les effets aigus et chroniques.

    Parallèlement à cela, une étude parue récemment nous parle des effets des pesticides sur la capacité des grenouilles et des salamandres à se reproduire et des anomalies trouvées dans leurs organes reproducteurs--les testicules apparaissent dans leurs ovaires et ainsi de suite--et des effets sur leur reproduction. Ils sont peut-être liés au déclin mondial chez les amphibiens.

    Pour en revenir à cette tragédie concernant votre fils, madame Sears, savez-vous si des études ont permis d'établir un lien entre ces produits et le neuroblastome?

  +-(1220)  

+-

    Mme Meg Sears: Oui, un lien probable a été établi--qui est tout ce que l'on peut affirmer avec les preuves accumulées--avec l'exposition aux pesticides avant la conception et in utero.

    On aménageait un terrain de golf à ce moment--sans aucun scrupule si je puis ajouter--juste à côté de chez moi. On a utilisé beaucoup de pesticides. Suffisamment pour tuer les poissons de la rivière. Peut-être suffisamment pour tuer mon fils.

+-

    M. James Lunney: Pour en revenir aux études, pour le compte rendu, êtes-vous en mesure d'en citer quelques-unes que nous pourrions consulter à ce sujet?

+-

    Mme Merryl Hammond: J'ai cinq références de revues médicales et épidémiologiques approuvées par les collègues liant les tumeurs au cerveau et les cancers du cerveau aux pesticides. J'y ai fait référence dans l'exposé que j'ai présenté il y a deux ans au Comité permanent de l'environnement et du développement durable. Je serais heureuse de vous remettre une copie de cet exposé.

+-

    M. James Lunney: Merci. Cela nous serait très utile.

+-

    M. Alex Cullen: Cela nous amène à nous demander pourquoi la position avancée par le Ontario College of Family Physicians, l'Association pour la santé publique de l'Ontario et l'Association canadienne de santé publique ne suffirait pas. Lorsque ces professionnels de la santé disent d'interdire l'utilisation esthétique des pesticides, pourquoi cela ne suffirait-il pas?

+-

    M. James Lunney: Merci. C'est une question intéressante. Nous sommes habituellement ceux qui posons les questions et vous êtes supposés y répondre, mais merci pour votre observation.

    Des voix: Oh, oh!

    M. James Lunney: J'aimerais simplement vous ramener à ce que vous avez dit au sujet de la ville d'Ottawa qui a lancé un programme d'éducation publique sur les solutions de rechange et ainsi de suite. Pourriez-vous nous décrire ce programme?

+-

    M. Alex Cullen: Nous travaillons à préparer un message pour l'instant. Nos recherches vont certainement nous permettre d'aller de l'avant. Nous offrons déjà une ligne d'assistance. Le numéro est 724-4227, pour ceux d'entre vous qui habitent Ottawa et voudraient obtenir des renseignements sur les solutions sans pesticide. Nous avons en ville un certain nombre d'entreprises qui offrent des solutions sans pesticide. Le programme fournira de l'information, et nous essayons de trouver des moyens de faire passer le message.

    Il ressort qu'il y a une grande demande pour ce genre de solutions dans la communauté. Les cours ou séminaires offrant de l'information sur les solutions sans pesticide sont pleins. Il y a une grande demande. Les gens deviennent de plus en plus conscients. En fait, les gens sont en avance sur les politiciens sur cette question.

+-

    M. James Lunney: Merci.

+-

    La présidente: Madame Fry.

+-

    Mme Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.): Merci beaucoup madame la présidente.

    Vous avez présenté quelques arguments convaincants au sujet de tout le concept de l'utilisation non esthétique des pesticides. Votre argument à propos du concept du principe de prudence et de la gestion du risque est...c'est un principe clair en médecine depuis longtemps. Est-ce que les avantages surpassent les risques? Dans ce cas, concernant l'approche esthétique, vous amenez l'argument que les avantages ne surpassent certainement pas les risques. Je pense que c'est très clair, et vous avez présenté un argument assez convaincant. Cependant, je voudrais aller juste un peu plus loin avec le concept de gestion du risque.

    Je sais que certains aiment parler de la bonne science et de la science dure, mais nous savons tous que la science dure n'existe pas. Ce que nous savons aujourd'hui, demain...le DDT est un bon exemple. Nous pensons que ce que nous savons aujourd'hui est correct, mais vingt ans plus tard, nous réalisons que quelque chose nous a amené tout un lot de problèmes. Mais je pense que cela fait un lien avec ce que M. Alcock demandait.

    Nous n'avons pas de boule de cristal. Vous avez parlé un peu du concept du principe de prudence qui devrait être intégré au préambule en quelque sorte. Je me demande si vous ne pensez pas que cette phrase, d'après le projet de loi... on dit en gros que les produits antiparasitaires présentant des risques acceptables seront utilisés seulement s'il est démontré que leur utilisation est efficace et s'il peut être établi que les conditions d’homologation peuvent prévenir toute conséquence néfaste pour la santé, en tenant compte également de l'ensemble des risques et des effets cumulatifs sur les groupes cibles, comme les enfants, les femmes enceintes, etc. Comme personne ne sait ce que dit la science dure, n'est-ce pas suffisant en préambule pour passer un peu pour un principe de prudence?

    Pour les pesticides connus, nous savons déjà que certains causent des problèmes, mais qu'arrivera-t-il si un nouveau pesticide apparaît sur le marché? Comment agissons-nous pour un nouveau pesticide quand nous ne pouvons pas deviner si certains de ces risques ont été pris en considération, comme les risques d'allergies et autres risques? Comment pouvons-nous prendre ces décisions? N'y a-t-il pas une façon de considérer cela comme le préambule dont nous avons besoin, ce genre de phrases déjà dans le projet de loi? Ne pensez-vous pas que cela soit suffisant? Et je ne parle pas de l'utilisation esthétique des pesticides.

  +-(1225)  

+-

    M. Alex Cullen: D'accord.

    C'est comme demander si 30 milles à l'heure c'est suffisamment rapide. Cela dépend du contexte. Ici, lorsque l'on parle de vie humaine, 30 milles à l'heure, ce n'est pas suffisamment rapide. Il faut placer la barre plus haut. C'est de notre santé dont il est question. Que ce soit pour l'utilisation esthétique ou toute autre utilisation, est-ce que les pesticides nuisent à notre santé?

    Vous avez la connaissance maintenant. Vous avez l'occasion d'agir maintenant, en fonction de la connaissance que vous avez. Cela ne pourra pas être parfait, mais vous devez faire un effort et placer cette barre plus haut. Quels seraient les inconvénients si on plaçait cette barre plus haut? La santé serait mieux protégée? Ce serait un inconvénient? Non, ce serait un avantage. On aurait en quelque sorte moins de fruits et de légumes sur le marché? Bien, pendant longtemps, nous avons quand même été capables de nourrir une population grandissante sans tous ces pesticides.

    Placez la barre plus haut. La nécessité étant la mère de l'invention, vous aurez par conséquent des produits qui répondront à cette norme. Mais nous avons actuellement 6 000 produits qui ne répondent pas à cette norme.

+-

    Mme Hedy Fry: Avant que vous répondiez tous, je comprends ce qu'il dit, mais je voudrais juste dire quelque chose. Vous avez utilisé des termes qui veulent dire oui, mais ce comité doit en réalité trouver le juste équilibre pour que nous puissions cultiver des fruits et des légumes non seulement pour nourrir une population grandissante, mais aussi pour devenir concurrentiels par rapport aux autres pays qui vendent des fruits et des légumes.

+-

    M. Alex Cullen: Mais pas au détriment de la santé humaine.

+-

    Mme Hedy Fry: Non, personne ne dit que ce sera au détriment de la santé humaine. Mais ce que je dis, c'est que nous connaissons déjà les effets de certains pesticides. Oui, nous utilisons le principe de prudence dans ces cas-là. Mais vous avez suggéré d'ajouter quelque chose dans le préambule. Je vous demande si vous ne croyez pas que le préambule utilisé ne mesure pas déjà le risque acceptable, le risque d'ensemble et les effets cumulés sur certaines populations cibles? Ne dit-il pas réellement ce que ce vous voulez savoir? Autrement, vous devrez répondre à la question de M. Comartin. Dites-vous que nous devrions interdire non seulement les pesticides utilisés actuellement, mais aussi les pesticides futurs qui pourraient apparaître sur le marché? Si c'est ce que vous dites, dites-le.

+-

    M. Alex Cullen: Placez la barre plus haut.

+-

    Mme Elisabeth Arnold: Je pense que la réponse à votre question est qu'il n'y a pas de mécanisme dans le corps du projet de loi pour vraiment mettre en oeuvre ce qui est proposé dans le préambule. C'est le plus gros problème.

    Comment appliquer réellement le principe de prudence? Cela doit dépasser le préambule. Oui, le préambule pourrait être plus fort, mais pour moi, l'élément clé, c'est qu'il faut s'assurer que l'on le fait réellement, avec les pesticides qui sont sur le marché et avec les pesticides à venir. Si cela pouvait être changé dans le projet de loi, je pense que nous serions en mesure d'aller de l'avant et de protéger la santé humaine.

+-

    Mme Hedy Fry: Bien. Merci.

+-

    La présidente: Merci, madame Fry.

    Monsieur Cormartin.

+-

    M. Joe Comartin: Sur ce dernier point, je jouerai à l'avocat pour une minute. La réalité, madame Fry, c'est que le préambule ne contient rien qui soit exécutoire. Les préambules ne fonctionnent pas de cette façon en droit. Ils expriment une intention, et rien de plus. Les juges ignorent les préambules lorsqu'ils interprètent les lois.

    Pour passer à un autre point, plusieurs d'entre vous ont utilisé les termes «interdiction» et «suspension», et je crois qu'un troisième terme a été utilisé, «moratoire». Je ne sais pas trop pourquoi vous utilisez ces différents termes. Sont-ils interchangeables? Voulez-vous dire la même chose, ou y a-t-il une raison pour expliquer pourquoi vous utilisez des termes différents?

+-

    Mme Merryl Hammond: Pourrais-je répondre à cette question en premier? Je viens d'Afrique du Sud. Lorsque je suis arrivée au Canada, j'ai appris quelques notions de la culture canadienne, et il m'a semblé que «interdiction» était un terme radical. Le mot n'a pas semblé bien passer avec mes voisins, mais lorsque j'ai utilisé le mot «moratoire», j'ai reçu une meilleure écoute.

    Il y a une différence. L'idée derrière un moratoire, c'est qu'il peut toujours être réévalué. Lorsque que l'on a des preuves qu'une entreprise a mis au point un pesticide sûr, on peut lever le moratoire. On ne peut pas faire cela avec une interdiction. C'est un peu de la sémantique, mais l'idée d'un moratoire c'est que nous le mettons en place pour protéger--le principe de prudence. Par conséquent, lorsqu'un comité comme le vôtre a suffisamment de preuves pour dire que le moratoire peut être levé pour tel produit, on peut l'utiliser alors sur sa pelouse ou à l'hôtel de ville. C'est un concept plus fluide.

    L'essentiel c'est que je crois que bon nombre d'entre nous utilisons ces termes de manière interchangeable, comme «esthétique» et «non essentiel» et «à des fins esthétiques». Différentes personnes ont dit différentes choses, mais je pense que nous disons tous à peu près la même chose.

  +-(1230)  

+-

    M. Michel Gaudet: Au Québec, notre coalition vise une «interdiction».

    Des voix: Oh, oh!

+-

    M. Joe Comartin: Vous visez l'interdiction. D'accord.

    Je crois que la difficulté, dans le cas d'un moratoire ou d'une suspension, est que lorsqu'on prépare un avant-projet, si l'on utilise ce genre de terminologie et si l'on établit ce genre de système, on prévoit généralement un délai. Ce qui fait problème, à mon avis, dans le cas d'une suspension, d'une interdiction temporaire ou d'un moratoire, est qu'on ne sait pas comment choisir une durée déterminée, en raison des 6 000 ou 7 000 produits que nous avons maintenant, et Dieu sait combien d'autres pourraient s'ajouter. Je ne sais pas comment on mettrait en place un tel système.

+-

    Mme Merryl Hammond: Si vous estimez, en tant qu'avocat, qu'il est plus simple d'y aller avec une interdiction, allez-y alors avec une interdiction.

+-

    M. Joe Comartin: Merci, madame la présidente.

+-

    Le président: Merci, monsieur Comartin.

    Étant donné qu'il n'y a personne de ce côté-ci, je vais passer maintenant à M. Ménard.

[Français]

+-

    M. Réal Ménard: Quelqu'un parmi vous a dit--je pense que c'est Elisabeth--qu'on n'a pas vraiment préparé la recherche en milieu agricole sur des produits de substitution pour les pesticides existants. Est-ce que cela veut dire qu'à votre connaissance, le ministère de l'Agriculture ou le ministère des Ressources naturelles ou les grands organismes subventionnaires n'ont pas du tout, au cours des dernières années, subventionné ce type de recherche?

    Il y a des témoins qui sont venus nous dire que la petitesse du marché canadien fait en sorte qu'il y a beaucoup... Mais peut-être que vous pouvez nous donner l'heure juste là-dessus. Je vais formuler ma question très clairement. Est-ce que, à votre connaissance, il y a beaucoup de produits en attente d'homologation qui pourraient être considérés comme des produits de substitution efficaces? J'ai voulu faire en sorte que ma question ne soit pas biaisée, c'est pourquoi je l'ai formulée ainsi. J'ai vu que je vous ai fait réagir, alors peut-être que vous pouvez nous donner l'heure juste. Je n'aime pas, dans la vie, faire réagir les gens.

+-

    M. Michel Gaudet: C'est vrai qu'il n'y a pas eu de recherche, mais prenons un exemple. Au Québec, depuis 1986, il est interdit d'arroser les forêts québécoises par voie aérienne avec des produits chimiques. L'industrie s'est retournée et a trouvé des solutions de remplacement. On a créé ce dont on avait besoin. Donc, si le Québec peut le faire, je suis certain que le Canada peut le faire.

+-

    M. Réal Ménard: Ah, faites attention. Ce n'est pas toujours aussi automatique que cela. Il y a des perturbateurs endocriniens qui me font réagir.

+-

    M. Michel Gaudet: On va leur montrer, dans ce cas.

[Traduction]

+-

    Mme Elisabeth Arnold: Une partie de la difficulté réside dans le fait que lorsqu'on parle d'usage agricole, on parle d'un grand nombre de types d'exploitation agricole différents. Il est question d'exploitations locales, de petite taille comparativement aux exploitations internationales de grande taille. Or nous voyons maintenant des pratiques agricoles à grande échelle et ce que l'on pourrait appeler des pratiques agricoles industrielles mondialisées, et il est très difficile de passer très rapidement à ce genre de pratiques.

    A-t-on fait des recherches? Oui. Existe-t-il des produits biologiques? Oui. Mais à l'heure actuelle, ces produits ne représentent pas la majeure partie des produits proposés à l'échelle mondiale. Je pense donc qu'il nous faut réfléchir à cette question à la lumière de ce qui se passe au niveau international, parce que c'est de cette façon que fonctionne notre secteur agricole.

[Français]

+-

    M. Réal Ménard: Vous savez que le Comité de l'environnement y a déjà travaillé. Une annexe du Comité de l'environnement a déjà identifié ces produits-là. Pourriez-vous nous déposer une liste de produits à éliminer et de produits substituts qui pourraient éventuellement être homologués ou qui sont sur le marché? Ainsi, quand on rédigera notre rapport, on aura vraiment en tête l'ampleur de ce qu'on va interdire. Je pars du principe qu'il y a un parti pris pour qu'on interdise les pesticides.

[Traduction]

+-

    Mme Elisabeth Arnold: On ne peut vous fournir la liste aujourd'hui, mais il est possible de vous en fournir une, ça oui.

[Français]

+-

    M. Michel Gaudet: Aux États-Unis, il y 175 biopesticides qui sont homologués; au Canada, il y en a 35.

+-

    M. Réal Ménard: C'est dû au fait que les gens du secteur privé n'ont pas été assez imaginatifs.

+-

    M. Michel Gaudet: Ou l'ARLA n'est pas assez vite; je ne sais pas.

+-

    M. Réal Ménard: Ça pourrait être une bonne question, si j'ai encore du temps.

+-

    M. Michel Gaudet: Pourquoi les produits peuvent-ils être homologués aux États-Unis, et pas au Canada? L'homologation prend beaucoup de temps. L'atrazine, qui est interdite dans plusieurs pays européens, est permise ici parce que, pour l'ARLA, ce n'est pas dangereux. Mais c'est dangereux pour les Européens. Je me pose des questions.

  +-(1235)  

+-

    M. Réal Ménard: Est-ce que j'ai le temps d'aborder la question de l'ARLA, madame la présidente, ou si mon temps est épuisé?

[Traduction]

+-

    La présidente: Vous avez le temps pour une autre remarque.

[Français]

+-

    M. Réal Ménard: Alors, justement, parlons de l'ARLA. Si demain matin vous aviez le pouvoir de modifier l'ARLA, quelle serait la première stratégie de modification que vous proposeriez pour qu'elle soit plus efficace?

[Traduction]

+-

    M. Alex Cullen: Ajoutez «tout autre utilisation de pesticides à des fins esthétiques». C'est tout.

+-

    Mme Merryl Hammond: Il veut dire, à part cela.

+-

    M. Alex Cullen: À part cela, il y a le principe de précaution.

[Français]

+-

    M. Michel Gaudet: Les recherches viennent du manufacturier. Je n'ai pas vu un manufacturier de tabac qui nous ait prouvé que ses cigarettes étaient dangereuses. C'est évident qu'une compagnie qui se présente la binette devant l'ARLA pour faire approuver un produit arrive avec une étude qui prouve que ce n'est pas dangereux.

    Encore là, ceci est une fiche signalétique d'un manufacturier, NuGro, et on y lit que l'un des ingrédients est cancérigène d'après le Centre international de Recherche sur le Cancer.

    Ce n'est même pas un pesticide; c'est un engrais. Donc, on sait qu'il y a un ingrédient cancérigène dedans, et c'est sur le marché.

+-

    M. Réal Ménard: L'ARLA est juge et partie. Mais ça, le Comité de l'environnement l'avait très bien documenté, je crois.

[Traduction]

+-

    Mme Merryl Hammond: Je dirais que la principale modification que je propose serait d'avoir un laboratoire et un groupe de scientifiques indépendants chargés d'évaluer les prétendues preuves qui sont soumises.

    Pour revenir à la remarque de M. Alcock concernant la question de savoir à qui s'adresser pour obtenir un avis scientifique, nous nous adressons, à l'heure actuelle, directement aux entreprises qui produisent le poison. Voilà à qui nous nous adressons, mais cela ne me paraît pas un choix intelligent. Adressons-nous plutôt à des chercheurs indépendants, au sein du milieu universitaire.

    Le poids de la preuve, pour utiliser cette expression, est maintenant écrasant. Des études ont été publiées dans des revues spécialisées de médecine et d'épidémiologie dont les articles font l'objet d'une révision par les pairs, une expression que j'utilise souvent. Il y a un processus en place qui écarte les études fondées sur des échantillons de petite taille ou qui ne comportent pas des données témoins adéquates, etc. L'évaluation se fait dans le cadre d'un processus scientifique.

    Il n'y a pas de processus de ce genre dans le cas des documents étudiés actuellement par l'ARLA. Il y a des produits qui arrivent à l'ARLA et qui en ressortent approuvés, et les Canadiens se disent qu'ils doivent bien être sécuritaires puisqu''ils ont été approuvés par le gouvernement du Canada. Les gens me disent: «Ils ne les autoriseraient pas, s'ils étaient dangereux». Mais lorsque je téléphone à Santé Canada pour essayer d'obtenir une réponse sensée à une question, on me renvoie à agent qui me renvoie à son tour à un autre agent, et ainsi de suite. Il y a un agent pour le pesticide A et autre pour le pesticide B. Lorsque je leur demande s'il y a sur place une infirmière ou un médecin à qui je pourrais parler, on me dit qu'il n'y a personne. Nous avons des détenteurs d'un baccalauréat, d'une maîtrise et même d'un doctorat en chimie, que Dieu les bénisse, mais il n'y a personne avec une formation en santé à Santé Canada.

    C'était tout un choc pour moi. Lorsque j'ai constaté que mon gouvernement prenait des décisions sans demander l'avis de professionnels de la santé, cela m'a vraiment donné la frousse. Lorsque j'ai insisté avec mes questions--Qu'en est-il des effets combinés? Qu'en est-il des femmes enceintes?--on m'a répondu que je posais des questions difficiles. Et comment!

+-

    M. David Fletcher: Permettez-moi de vous signaler que nous parlons de recherches scientifiques. La question doit être celle de savoir si les connaissances scientifiques qui servent de critère pour déterminer si ces produits devraient être utilisés font partie d'une recherche désintéressée qui n'est pas liée financièrement d'une manière ou d'une autre aux intérêts de l'industrie.

    J'ai fait référence précédemment à la discussion cruciale que j'ai eue avec des représentants de Chevron au sujet du produit qui porte le nom d'Orthene. Ils avaient une raison évidente de ne pas divulguer une donnée sensible concernant ce produit. Ils considéraient cette donné comme négligeable, mais à l'époque, d'autres scientifiques n'auraient peut-être pas été de cet avis.

    Il y a des intérêts financiers. En ce qui a trait à l'évaluation scientifique de ces produits, va-t-elle se faire d'une manière indépendante des gens qui vont tirer un profit de la commercialisation de ces produits? Voilà la question qui se pose, à mon avis. Après tout, les scientifiques sont humains, eux-aussi. Ils ont également leurs propres intérêts personnels. Alors, de quelle évaluation scientifique parlons-nous?

+-

    M. Alex Cullen: Il n'est pas nécessaire d'être un scientifique lorsqu'on voit un écriteau qui dit «Ne pas marcher sur le gazon», après l'épandage d'un pesticide. La loi exige qu'un écriteau de ce genre soit installé. Les profanes et les mères me disent: «Si cet écriteau est installé parce qu'il y a danger, pourquoi pulvérise-t-on ce produit à des endroits où peuvent se rendre mes enfants?» Il n'est pas nécessaire d'être un scientifique pour comprendre cela. La loi et l'ARLA disent: «Si vous épandez ce produit, vous devez placer un écriteau.» Cela devrait suffire.

  +-(1240)  

+-

    Le président: Oui, c'est assez révélateur.

    Merci, monsieur Ménard.

    Docteur Castonguay, s'il vous plaît.

[Français]

+-

    M. Jeannot Castonguay (Madawaska--Restigouche, Lib.): Merci madame la présidente.

    Je suis en train de regarder le même projet de loi que vous avez sûrement feuilleté à plusieurs reprises. Je m'arrête au paragraphe 7(7), où on dit ceci:

(7) Lorsqu'il évalue les risques sanitaires et environnementaux d'un produit antiparasitaire et détermine s'ils sont acceptables, le ministre:

a) adopte une approche qui s'appuie sur une base scientifique;

b) à l'égard des risques sanitaires:

    Ensuite, on parle évidemment de seuil et on dit plus loin:

ii) ...à moins que, sur la base de données scientifiques fiables,...

    On a entendu des gens nous parler de la science. Après vous avoir écouté, je vous pose la question suivante. Est-ce que vous croyez que ça existe des données scientifiques fiables, et que seraient des données scientifiques fiables? Le spectre semble quand même assez large lorsqu'on parle de la science et que chacun nous arrive avec ses opinions. À la fin, on devra décider de ce qui est raisonnable, alors on a besoin de votre aide.

+-

    M. Michel Gaudet: Un des problèmes de la science est qu'on étudie le 2,4-D. Or, une fois que le 2,4-D est mélangé avec du dicamba et du mecoprop, qu'est-ce que ça fait? Il n'y a pas de recherches là-dessus. Le bicarbonate de soude ne fait rien; le vinaigre non plus, mais si on les mélange, il y a une réaction. C'est la même chose pour ce paquet de produits toxiques qu'on mélange dans l'environnement. Une fois qu'ils sont mélangés, qu'est-ce que ça fait? Personne ne le sait. C'est là que nous demandons le principe de précaution. Ne nous exposez à des dangers: on ne sait pas ce qui peut nous arriver. On le voit: il y a des gens malades. Ma femme ne pourrait pas venir ici: elle est malade. Empoisonnée par des pesticides, elle doit porter un masque pour sortir de la maison, et on connaît de plus en plus de gens dans qui sont dans cette situation.

    Le rapport de Santé publique du Québec que j'ai ici dans mon sac dit clairement que le nombre de gens qui deviennent hypersensibles à tous les produits chimiques suite à des empoisonnements va croissant. Il y a des données statistiques qui existent sur la ville de Halifax. C'est dans l'ANNEXE I du rapport que j'ai déposé ici. Ça met en danger la vie de milliers de personnes au Canada.

[Traduction]

+-

    M. Alex Cullen: L'Association pour la santé publique de l'Ontario et le Collège des médecins de famille de l'Ontario vous disent--nous disent à nous tous--que nous devrions interdire l'utilisation de pesticides à des fins esthétiques. Cela constitue pour moi un argument scientifique suffisant, et je croirais que cela devrait suffire pour qui que ce soit.

+-

    M. David Fletcher: Concernant le 2,4-D, soit dit en passant, le Dr Albert Nantel, du Centre de toxicologie du Québec, a réalisé, au début des années 80, une étude qui associait le 2,4-D au lymphome non hodgkinien. Je me souviens de la réaction, disons, des parties intéressées. Ceux qui avaient des intérêts et des préoccupations, comme vous dites dans le préambule du projet de loi, avaient répondu que cela n'avait rien à voir avec le 2,4-D, qui n'était pas nocif, mais que cela avait probablement quelque chose à voir avec le carburant diesel. Évidemment, on pouvait se demander alors pourquoi les chauffeurs de camions, les chauffeurs d'autobus et les gens qui utilisent du mazout comme combustible de chauffage--il s'agit toujours du même produit--ne faisaient pas partie du groupe épédémiologique étudié. Il est très clair que la réponse qui avait été donnée, et qui visait à faire échec à une solide démarche scientifique, était motivée par des considérations pécuniaires.

    Nous devons mettre en place un système dans lequel l'évaluation se fera d'une façon indépendante. Ce système doit être une barrière de sécurité, si vous voulez, entre les parties intéressées et les évaluations scientifiques qui sont effectuées. À l'heure actuelle, nous ne disposons pas d'un tel mécanisme. Dans le cadre de l'ancienne loi et du fonctionnement de l'ARLA, tout était fondé sur les données scientifiques fournies par les parties intéressées. Or dans ce projet de loi, je ne voit rien concernant la création d'une barrière de sécurité de ce genre.

[Français]

+-

    M. Jeannot Castonguay: Madame la présidente, je reviens à ma question. Évidemment, on a la version des témoins qui sont là ce matin. D'autres scientifiques nous diront, à un moment donné, que certains produits antiparasitaires sont acceptables, raisonnables. On en est encore au même point. Existe-t-il des données scientifiques fiables? À qui doit-on se fier, finalement? On va nous présenter toutes sortes de scientifiques avec des opinions différentes et... C'est pour cette raison que je vous pose la question: est-ce que ça existe vraiment, ou si ça n'existe pas?

+-

    M. Michel Gaudet: Demandez aux scientifiques quel est l'effet synergétique des produits. Ils ne vous répondront pas: ils ne le savent pas. Ils n'ont pas d'études là-dessus.

+-

    M. Jeannot Castonguay: S'ils font des études, est-ce qu'on pourra dire que oui, il existe des données scientifiques fiables? Est-ce que ça existe?

[Traduction]

+-

    M. Alex Cullen: Avons-nous besoin de preuves tangibles lorsque des gens sensibles à des facteurs environnementaux peuvent nous montrer de quoi il s'agit? Il y a des gens qui viennent nous voir et nous disent que lorsqu'on pulvérise du pesticide près de chez eux, ils font de l'asthme, ont l'impression d'étouffer et toussent.

    Voulez-vous suivre l'exemple d'Halifax? Le règlement adopté par cette ville dit clairement qu'aucun pesticide ne doit être utilisé à proximité d'enfants--et c'est sur cela qu'elle porte, cette législation: la protection des enfants--qu'aucun pesticide ne doit être utilisé à proximité des écoles, ni à proximité des garderies, ni à une distance inférieure à 200 mètres d'une personne souffrant d'une sensibilité reconnue à des facteurs environnementaux. Quelle est donc la situation à Halifax? Près de 70 p. 100 de la ville est exempte de pesticides. Et qu'a dit le médecin hygiéniste à propos d'Halifax? Il a dit de ne pas procéder de cette façon et d'interdire carrément l'utilisation de pesticides.

    Alors, je ne sais pas ce qu'il vous faut pour vous convaincre, parce que les faits sont là, et le risque pour la santé existe. Et pourtant, vous voulez des données scientifiques qui prouvent le risque pour la santé? Voyons donc! N'est-ce pas dans le sens inverse qu'il faut procéder?

  +-(1245)  

+-

    M. David Fletcher: À propos, puis-je faire une remarque? J'ai acheté des billets de la 6/49, et il me faut seulement combien de chiffres pour gagner? Avec 49 chiffres, j'ignore quel est le nombre de possibilités, mais si on prend un chiffre comme 5 000 ou 6 000 produits qui peuvent tous avoir un effet combiné, les uns avec les autres, pour produire une quelconque synergie ayant un impact sur la santé humaine, je crois qu'il n'y a pas d'ordinateur qui mettrait moins de mille ans pour déterminer quels sont tous les effets nocifs potentiels de ces synergies.

    Il faut bouger, et selon la Coalition verte, l'utilisation de pesticides à des fins esthétiques est l'aspect par lequel il faut commencer. Mais pour les gens, au Canada comme ailleurs dans le monde, le but ultime doit être l'élimination totale et absolue de tous les pesticides, quel qu'en soit l'usage.

    Nous devons être pragmatiques. Nos exploitants agricoles travaillent aujourd'hui comme métayers pour les multinationales et ne peuvent se prendre en main, eux et leur famille, pour se détacher de ces sociétés. Les gens qui veulent se détacher doivent le faire sans l'aide du gouvernement fédéral et sans l'aide du gouvernement provincial, et pourtant, il y en a qui le font quand même, et ils le font pour des raisons de santé.

    Alors, que devons-nous penser de cette situation? Nous ne pouvons dire que ceci pourrait être bien ou que cela pourrait être mauvais. C'est un paradigme erroné, et c'est celui qui est en place depuis la Deuxième Guerre mondiale. Il nous faut modifier le paradigme, mais c'est tout un travail. Mais commençons par l'utilisation de pesticides à des fins esthétiques. C'est dans ce secteur que l'on trouve 75 p. 100 de notre population, c'est-à-dire dans les centres urbains où l'on observe actuellement les principaux effets, à part ceux qui ont trait aux aliments.

+-

    Mme Meg Sears: Il est impossible que les scientifiques puissent vous dire que ces produits sont sécuritaires. Je suis venue ici aujourd'hui pour vous dire que le roi est nu. Le milieu scientifique n'est pas équipé pour donner une réponse. Une armée de scientifiques ne serait en mesure de répondre, pas même en ayant accès au meilleur matériel au monde. Mais cela ne veut pas dire que nous ne voulons pas de la science

    Pour pouvoir accroître nos connaissances, il ne faut pas qu'il y ait de secrets. Il ne faut pas qu'il y ait des situations comme celle où l'ARLA a attendu dix ans avant de divulguer l'existence de rapports sur le bois traité sous pression. Il ne faut pas qu'il y ait cette manie du secret. L'industrie fournit ses renseignements à l'ARLA, mais les meilleurs scientifiques du Canada n'y ont même pas accès. Nous devons nous débarrasser de cette culture du secret.

    Les scientifiques ne peuvent évoluer en vase clos, et ils ont besoin de bons renseignements. Ils n'ont pas particulièrement besoin de renseignements émanant uniquement de personnes qui tirent un profit de ces données. Le milieu scientifique doit être indépendant. Au Canada, il n'y a pas cette indépendance. J'ai eu le privilège de travailler au Conseil national de recherches pour effectuer mes expériences de doctorat, et j'ai vécue les toutes dernières années de l'âge d'or du Conseil national de recherches. Maintenant, tous les milieux scientifiques canadiens sont vendus. Tant que les Canadiens ne refuserons pas cette situation en disant: nous voulons de l'indépendance...

    Nous avons des gens brillants dans notre pays, mais il faut leur fournir les renseignements. Il faut qu'il y ait un accès à l'information, non seulement pour les scientifiques, mais pour toute la population canadienne; comme ça, lorsqu'on reçoit un coup de téléphone pour une étude épidémiologique, on ne pourra pas simplement hausser les épaules et dire que l'on n'a jamais été exposé à des pesticides. On ne sait même pas ce qu'est un pesticide. Même l'étiquette du produit ne le dit pas, de sorte qu'on ne peut savoir ce qu'il y a dedans. Nous devons nous débarrasser d'abord de la culture du secret, avant de pouvoir faire appel à la science.

+-

    La présidente: Merci, Dr Castonguay

    Madame Scherrer, s'il vous plaît.

[Français]

+-

    Mme Hélène Scherrer: Merci beaucoup.

    Après vous avoir tous entendus, je reviens un peu avec une question existentielle. Puisque vous semblez tous absolument convaincus qu'il y a une relation de cause à effet, que les produits antiparasitaires ont un effet absolument négatif ou un impact sur la santé des gens, ma question est la suivante. Pourquoi, si vous êtes absolument convaincus, demandez-vous un amendement uniquement pour un lieu géographique, à savoir en milieu urbain, sûrement, ou encore pour un usage spécifique? Est-ce que, à ce moment-là, les gens qui demeurent ailleurs sont des citoyens de deuxième ordre et n'ont pas besoin d'être protégés? N'êtes-vous pas en train, en tout cas dans mon esprit, d'émettre un certain doute? Vous ramollissez un peu votre argument lorsque vous dites demander un amendement pour le milieu urbain et pour un certain type d'usage uniquement. Pour le reste, finalement, ça n'a pas tellement d'effet.

    Pourquoi ne le demandez-vous pas sur des produits spécifiques pour lesquels on a effectivement démontré...? Pourquoi ne pas demander une interdiction sur ces produits, peu importe où et peu importe l'usage? Pourquoi le demander uniquement pour des usages esthétiques et non essentiels? On ne définira jamais ce qu'est un usage non essentiel, car autant pour le cultivateur ce sera une question de survie financière ou même une question de santé... Si vous me dites que cela n'entrera pas en ligne de compte, ce n'est pas vrai. Pour bien des gens, cela entre en ligne de compte.

    Pourquoi alors, arrivez-vous avec un amendement que vous rétrécissez un peu en le limitant au milieu urbain, à certaines surfaces dans un lieu géographique, à certains usages? Si vous êtes absolument convaincus que l'effet est absolument nocif, je trouve que vous émettez un peu un doute sur ce que vous demandez, de toute façon.

  +-(1250)  

[Traduction]

+-

    M. David Fletcher: Il y va de l'avenir du circuit alimentaire. Comme je vous l'ai déjà dit, certains de nos producteurs d'aliments ne disposent d'aucune alternative. Ils sont pris dans un système. Ils n'utilisent pas les produits antiparasitaires à des fins non essentielles. Pour le moment--et jusqu'à ce que les priorités soient modifiées--nous sommes forcés de produire nos aliments de cette façon, malheureusement.

    Quant à la gestion du risque, les gens ne peuvent s'adonner à quelque type que ce soit de gestion du risque étant donné que les produits qui entrent dans certains aliments ne sont pas assujettis au système d'étiquetage pour ces aliments. Plus précisément, si l'on achète des choses au supermarché, nous ne pouvons d'aucune façon les éviter. Nous ne pouvons pas non plus nous livrer de nous-mêmes à la gestion du risque.

+-

    Mme Elisabeth Arnold: J'aimerais seulement dire qu'en ce qui me concerne, je ne suis pas convaincue que l'utilisation des produits antiparasitaires soit sûre. Je ne suis pas une chercheuse mais je me suis penchée sur la question pendant les sept dernières années et demi et c'est ce que je pense.

    Je ne crois pas qu'on puisse prétendre que le fait de ne pas être en mesure de résoudre d'un coup tous les problèmes des pesticides nous empêche d'entreprendre de régler ceux qui peuvent l'être.

+-

    M. Alex Cullen: Exactement

+-

    Mme Elisabeth Arnold: Je crois que nous discutons du projet de loi C-53 et il nous faut commencer quelque part. Nous ne pouvons pas prétendre que nous ne ferons rien jusqu'à ce qu'on trouve la solution parfaite à toutes les applications possibles des produits antiparasitaires. Lorsqu'on sait qu'il existe d'autres solutions efficaces que nos collectivités accueilleraient très bien, agissons.

    Pour revenir à la question de M. Castonguay, si vous voulez corriger le projet de loi, en ce qui concerne la clause 7 qui stipule que le ministre «doit employer une approche scientifique», il vous faudrait dire plutôt que le ministre doit adopter le principe de précaution.

+-

    M. Alex Cullen: Exactement.

+-

    M. David Fletcher: Absolument.

+-

    Mme Elisabeth Arnold: Remaniez le texte. Au lieu de placer la phrase dans le préambule, inscrivez-la à la clause 7 du projet de loi, modifiant ainsi l'obligation du ministre. Cela nous permettrait d'avancer très rapidement.

+-

    Mme Meg Sears: La décision qui est en train d'être prise a deux facettes. La première est celle du risque, qui se fonde sur la science et de laquelle nous disons actuellement qu'elle devrait être adoptée avec prudence compte tenu des limites réelles de la science. La deuxième est celle de l'avantage, lequel ne se fonde pas sur la science. L'avantage constitue une politique du gouvernement du Canada.

    Il vous revient à vous, politiciens, de fixer le seuil auquel l'usage des produits antiparasitaires par les citoyens peut se justifier. Vous devez décider si la présence de pissenlits cause une nuisance suffisante pour justifier l'usage de produits parasitaires, ou s'il faut une certaine quantité de poux ou de rats porteurs de puces et de peste bubonique. Vous devez décider du seuil auquel nous utiliserons ce type d'arme. Ça, c'est une politique.

+-

    Le président: Merci Mme Scherrer

    Mme Fry, vous serez la dernière intervenante.

+-

    Mme Hedy Fry: Madame Arnold, à bien y penser, vous avez été très claire. Vous ayant entendue, aurais-je raison de conclure que, compte tenu du fait que la science n'est pas parfaite, qu'on ne peut pas avoir recours à une boule de cristal et que nous ignorons l'avenir, vous croyez fermement qu'il faudrait instaurer l'étiquetage en l'occurence ainsi qu'une évaluation, une étude indépendante permanente et une méthode de surveillance? Si c'est le cas, si c'est bien ce que vous proposez, je voudrais que vous élaboriez.

    Deuxièmement, la semaine dernière, un autre groupe a soulevé une question découlant de l'éventuelle mise en place de la surveillance. Celle de savoir comment cette surveillance ferait son chemin jusqu'aux prestateurs de soins et ceux qui soignent les patients, ceux qui exhibent une combinaison de symptômes et qui sont exposés à certaines choses s'ils ne savent pas quels sont les produits définis par certains mécanismes de surveillance. Avez-vous trouvé un moyen de le faire?

  -(1255)  

+-

    Mme Elisabeth Arnold: En réponse à la première partie de votre question, le réponse est oui, je le crois sincèrement. Je pensent que tous ceux qui sont ici présents sont d'avis que tous les ingrédients actifs et inactifs doivent faire l'objet d'une information complète et que ces ingrédients doivent être évalués de façon associative plutôt que sur une base individuelle.

    Peut-être que quelqu'un d'autre voudrait répondre à la question. Peut-être Meg Sears le voudrait bien.

+-

    Mme Merryl Hammond: Je crois que cela a été clairement énoncé. Depuis au moins 10 ans, nous demandons, entre autres, l'instauration d'un système national de surveillance.

+-

    Mme Hedy Fry: Quelle forme devrait-il prendre?

+-

    Mme Merryl Hammond: Au moins celle d'un registre comprenant tous ceux qui sont exposés aux produits antiparasitaires de façon à y enregistrer ceux qui se rendent en clinique suite à l'apparition des symptômes habituels--saignements de nez, signes avant coureurs de grippe, vertiges et toutes ces choses dont les gens se plaignent. Après peut-être deux, trois ou quatre ans, on aura obtenu une image plus claire.

    Entre temps, nous vous prions de ne pas reporter l'interdiction. Elle devrait porter sur les dérives et toutes les autres choses auxquelles nous sommes exposés. Mais lentement, nous constituerons une base de données. Elle n'existe pas. Nous ignorons tout des maladies qu'ils entraînent chez les adultes ou chez les enfants, que Dieu les bénisse. Nous ne le savons pas parce que nous n'avons pas conservé les renseignements.

    Et que Dieu bénisse les écoles de médecine. Lorsque j'ai tenté de pénétrer McGill pour y prononcer des conférences à propos de ce que j'avais appris, la porte m'a été fermée. Qui finance les conférences médicales? Qui fournit les ordinateurs qui doivent servir à continuer...? Pas moi. Je ne pourrais pas instruire les médecins sur les preuves que votre greffier vous fera parvenir. On se heurte à un mur.

+-

    La présidente: Merci beaucoup, Mme Fry.

    Au nom du comité, je voudrais vous remercier tous d'être venus. Vous réalisez que vous partagez tous le même point de vue mais nous avons entendu d'autres groupes d'experts qui nous ont donné un son de cloche diamétralement opposé, si vous voyez ce que je veux dire. Mais nous tiendrons très certainement compte de vos efforts lors de notre examen. Merci beaucoup.

    Je m'adresse aux membres du comité, pourrais-je tenir un vote d'essai? Il ne semble pas que nous puissions obtenir des témoins le lundi dans la journée. Le greffier a essayé. Je me demande, si avec votre permission, je pourrais lui demander de les inviter à participer à une table ronde le lundi soir peut-être? Accepteriez-vous de siéger le lundi soir?

    Si nous ne le faisons pas, nous serons encore en train d'entendre des témoins durant la semaine qui suit la pause. Si nous pouvons inviter deux autres groupes d'experts lundi soir, nous devrions terminer nos audiences avant la pause. Après celle-ci, nous pourrons entreprendre l'examen clause par clause. Je vous demande donc la permission d'autoriser le greffier à organiser deux tables rondes pour lundi soir, l'une de 18 heures à 19 h 30 et l'autre de 19 h 45 à 21 h 15. Nous pourrions entendre de douze à quatorze témoins.

+-

    Une voix: Pardon, à quelle heure cela aurait lieu?

+-

    La présidente: Nous ne le savons pas précisément, mais je propose au greffier quelque chose comme 18 heures à 19 h 30 pour une table ronde et 19 h 45 à 21 h 15 pour un autre groupe.

[Français]

+-

    M. Réal Ménard: Le lundi soir, les députés ne sont pas très présents ici. Ce n'est pas une bonne idée de faire cela un lundi soir: les députés ne sont pas ici.

[Traduction]

+-

    La présidente: C'est pour cela que je vous demande si vous pouvez siéger à la fin de la journée de lundi. Je sais que vous vous occupez de votre circonscription le lundi mais peut-être que vous pourriez quand même le faire en prenant un vol aux environs de 17 heures.

[Français]

+-

    M. Réal Ménard: Le mardi, ce serait bien. Pourquoi faut-il agir ainsi?

[Traduction]

+-

    La présidente: Vous ne le pourrez pas? Bon, on se réunit mardi de toute façon, en réalité on se réunit presque toute la semaine.

+-

    M. Réal Ménard: Non. Pourquoi y a-t-il urgence et pourquoi devons-nous agir rapidement? Je crois que beaucoup de gens veulent exprimer leur avis sur cette question.

+-

    La présidente: Nous essayons d'accommoder tout le monde qui a demandé à être entendu. Nous avons prévu au programme tous ceux qui ont demandé à comparaître.

    M. Réal Ménard: Rien ne nous oblige à entreprendre rapidement l'examen clause par clause.

-

    La présidente: Parlons-en après la réunion. Je veux permettre aux autres de s'en aller. Ils veulent partir.

    La séance est levée.