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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 25 septembre 2003




Á 1105
V         Le président (L'hon. Andy Scott (Fredericton, Lib.))
V         L'hon. Martin Cauchon (ministre de la Justice et procureur général du Canada)

Á 1110

Á 1115

Á 1120
V         Le président
V         M. Vic Toews (Provencher, Alliance canadienne)

Á 1125
V         Le président
V         M. Martin Cauchon
V         Le président

Á 1130
V         M. Vic Toews
V         Le président
V         M. Martin Cauchon
V         Le président
V         Mme Carole Morency (Avocate-conseil, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice)
V         Le président
V         M. Richard Marceau (Charlesbourg—Jacques-Cartier, BQ)
V         Le président
V         Mme Carole Morency
V         M. Richard Marceau
V         M. Martin Cauchon
V         M. Richard Marceau
V         M. Martin Cauchon
V         M. Richard Marceau

Á 1135
V         M. Martin Cauchon
V         M. Richard Marceau
V         M. Martin Cauchon
V         Le président
V         M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, PC)

Á 1140
V         M. Martin Cauchon
V         M. Inky Mark
V         M. Martin Cauchon
V         Mme Carole Morency

Á 1145
V         Le président
V         M. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD)
V         M. Martin Cauchon
V         Mme Carole Morency
V         M. Lorne Nystrom

Á 1150
V         M. Martin Cauchon
V         M. Lorne Nystrom
V         Mme Carole Morency
V         M. Lorne Nystrom
V         Le président
V         Mme Carole Morency
V         Le président
V         Mme Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.)

Á 1155
V         Le président
V         Mme Carole Morency

 1200
V         Le président
V         M. Martin Cauchon
V         Le président
V         M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Alliance canadienne)
V         M. Martin Cauchon

 1205
V         Le président
V         M. Chuck Cadman
V         Le président
V         Mme Carole Morency
V         Le président
V         M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.)
V         Le président
V         M. Martin Cauchon

 1210
V         M. Pat O'Brien
V         M. Martin Cauchon
V         M. Pat O'Brien
V         M. Martin Cauchon
V         M. Pat O'Brien
V         Le président
V         M. Richard Marceau
V         M. Martin Cauchon
V         M. Richard Marceau
V         M. Martin Cauchon

 1215
V         Le président
V         Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.)
V         M. Martin Cauchon

 1220
V         Le président
V         M. Inky Mark
V         Mme Carole Morency
V         M. Inky Mark
V         Mme Carole Morency
V         Le président
V         M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.)
V         Le président
V         Mme Carole Morency

 1225
V         Le président
V         M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne)

 1230
V         Le président
V         M. Martin Cauchon
V         Le président
V         M. Paul Harold Macklin (Northumberland, Lib.)

 1235
V         Le président
V         M. Martin Cauchon
V         Le président
V         M. Richard Marceau
V         M. Martin Cauchon
V         Le président
V         M. Christian Jobin (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, Lib.)

 1240
V         M. Martin Cauchon
V         Le président
V         M. Inky Mark
V         M. Martin Cauchon
V         Le président
V         Mme Carole Morency

 1245
V         Le président
V         Mme Hedy Fry
V         Le président

 1250
V         Le président
V         Mme Carole Morency
V         Le président
V         M. Chuck Cadman
V         Le président
V         M. Martin Cauchon

 1255
V         M. Chuck Cadman
V         Le président
V         Mme Carole Morency
V         Le président
V         M. Derek Lee
V         M. Kevin Sorenson
V         Le président
V         M. Derek Lee
V         Le président
V         Mme Carole Morency
V         Le président
V         M. Kevin Sorenson

· 1300
V         Le président
V         Mme Marlene Jennings
V         Le président
V         Mme Carole Morency
V         Le président
V         M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, Alliance canadienne)

· 1305
V         Le président
V         M. Martin Cauchon
V         Le président










CANADA

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 063 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 25 septembre 2003

[Enregistrement électronique]

Á  +(1105)  

[Traduction]

+

    Le président (L'hon. Andy Scott (Fredericton, Lib.)): Bonjour et bienvenue tout le monde.

    Je déclare ouverte la 63e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Aujourd'hui, nous accueillons l'honorable Martin Cauchon, ministre de la Justice, et des représentants de son ministère qui nous entretiendront du projet de loi C-20, Loi modifiant le Code criminel (protection des enfants et d'autres personnes vulnérables) et la Loi sur la preuve au Canada.

    Chers collègues, je suis heureux de vous revoir. L'été a certainement été intéressant. Je salue plus particulièrement mes correspondants assis à ma gauche, ainsi que tous mes collègues. Je souhaite la bienvenue au ministre Cauchon et à ses fonctionnaires qui nous aideront à amorcer nos travaux sur cette importante mesure législative.

    Monsieur Cauchon, je crois savoir que vous avez une allocution d'ouverture à faire. Je vous prierais de vous limiter autant que possible à dix minutes.

[Français]

+-

    L'hon. Martin Cauchon (ministre de la Justice et procureur général du Canada):

    Merci beaucoup, monsieur le président. Bonjour, chers collègues. Je vous remercie de m'avoir accordé le privilège de m'adresser aux membres du comité au sujet du projet de loi C-20, Loi modifiant le Code criminel (protection des enfants et d'autres personnes vulnérables) et la Loi sur la preuve au Canada.

    Avant de commencer, j'aimerais vous présenter les deux personnes qui m'accompagnent aujourd'hui et qui travaillent au ministère de la Justice, Mme Lisette Lafontaine et Mme Carole Morency. Ces deux personnes agiront comme personnes ressources lors de la période de questions. Elles ont évidemment collaboré et contribué à l'élaboration du projet de loi C-20.

    Le projet de loi C-20 est important pour plusieurs raisons. D'abord et avant tout, il a comme objectif primordial de protéger les enfants contre l'exploitation sexuelle et, de fait, contre toutes les formes de victimisation. Le gouvernement a déterminé que cette question constituait une priorité lors du discours du Trône et je souhaite qu'elle puisse rallier tous les membres du comité.

    Deuxièmement, ce projet de loi est le résultat d'une importante consultation provinciale, territoriale et publique, ainsi que d'une révision portant sur plusieurs des modifications proposées.

    Monsieur le président, le projet de loi C-20 comporte cinq éléments clés. Il vise d'abord à renforcer les dispositions sur la pornographie juvénile; offrir aux jeunes une meilleure protection contre l'exploitation sexuelle; renforcer les dispositions sur les peines infligées dans le cas des infractions commises à l'égard des enfants; faciliter le témoignage des enfants victimes et témoins ainsi que des autres personnes vulnérables; et moderniser le droit pénal en créant une nouvelle infraction de voyeurisme.

    Je vais prendre quelques instants pour décrire plus amplement chacun de ces éléments. La loi canadienne sur la pornographie juvénile est parmi les plus sévères au monde. Déjà les mesures législatives prévoient que les actes suivants constituent une infraction : produire, imprimer, publier ou posséder en vue de la publication de la pornographie juvénile; transmettre, rendre accessible, distribuer, vendre, importer ou exporter de la pornographie juvénile ou en avoir en sa possession en vue de la transmettre, de la rendre accessible, de la distribuer, de la vendre ou de l'exporter; posséder de la pornographie juvénile et accéder à de la pornographie juvénile.

    Le projet de loi C-20 propose d'aller encore plus loin. Premièrement, ce projet de loi propose d'élargir la définition de la pornographie juvénile écrite. Elle engloberait non seulement les écrits préconisant ou conseillant une activité sexuelle illicite avec les enfants, mais aussi les écrits décrivant les activités sexuelles illicites avec un enfant lorsque la description de ces activités est la caractéristique principale et qu'elle est faite à des fins sexuelles. Par cette modification, on reconnaît le danger que ce type d'écrit peut avoir sur les enfants et sur la société en décrivant les enfants comme des objets d'exploitation sexuelle.

Á  +-(1110)  

[Traduction]

    Deuxièmement, monsieur le président, le projet de loi C-20 propose de limiter les moyens de défense existants à un seul, soit celui fondé sur le bien public. Les tribunaux devront se poser deux questions : premièrement, le matériel ou l'agissement en question a-t-il pour effet de servir le bien public? Dans la négative, il n'y aurait aucune défense possible. Dans l'affirmative, le tribunal devrait alors se demander si le matériel ou l'agissement n'a pas outrepassé ce qui sert le bien public. Il serait impossible d'invoquer la défense fondée sur le bien public si l'agissement ou le matériel présentait un préjudice outrepassant ce qui sert le bien public. Ainsi, le projet de loi C-20 reconnaît que dans certains cas, par exemple, lorsqu'un agent de police ou un procureur de la Couronne a en sa possession de la pornographie juvénile aux fins d'enquête ou de poursuite dans une affaire de pédopornographie, leur permettre d'invoquer ce moyen de défense contre une accusation de possession de pornographie juvénile sert le bien public.

    Le projet de loi ajoute aussi un critère qui n'est actuellement pas inclus dans la défense fondée sur la valeur artistique. En vertu du projet de loi, tout matériel dont il a été objectivement prouvé qu'il a une valeur artistique doit être évalué en fonction d'un critère additionnel : aucune défense ne sera possible si le risque de préjudice outrepasse tout effet bénéfique qu'il pourrait avoir pour la société.

    Monsieur le président, notre gouvernement a reconnu qu'il doit faire davantage pour protéger les adolescents contre l'exploitation sexuelle de la part de ceux qui profitent de leur vulnérabilité. C'est ce que nous avons fait récemment en créant la nouvelle infraction de leurre par Internet en vue de commettre une infraction de nature sexuelle contre un adolescent. Le projet de loi C-20 propose des mesures de protection supplémentaires.

    Monsieur le président, il est vrai que certains croient que la meilleure façon de protéger les adolescents contre l'exploitation sexuelle est de relever l'âge général de consentement à l'activité sexuelle de 14 à 16 ans. Toutefois, notre gouvernement estime qu'il existe une solution meilleure, plus efficace et plus directe. Conformément à la façon dont on considère généralement les agressions sexuelles en droit pénal, le projet de loi C-20 met l'accent sur le comportement exploitant de l'auteur de l'infraction et non pas sur le consentement apparent de l'adolescent à l'activité sexuelle. On y reconnaît que l'activité sexuelle est frappée d'interdictions qui ne font pas de distinction entre le baiser et les rapports sexuels. On y reconnaît aussi que la réalité, c'est que bien des adolescents canadiens ont des relations sexuelles.

    Le projet de loi C-20 tient aussi compte du fait que relever l'âge de consentement à 16 ans ne règle pas les cas d'exploitation sexuelle d'adolescents par la prostitution ou la pornographie juvénile où l'auteur de l'infraction se trouve en situation d'autorité ou de confiance par rapport à l'adolescent ou où l'adolescent est en situation de dépendance, cas pour lesquels l'âge de consentement est déjà de 18 ans et non pas de 14 ans.

[Français]

    Monsieur le président, le projet de loi C-20 répond aux préoccupations en matière d'exploitation sexuelle des enfants, en proposant la création d'une nouvelle catégorie d'exploitation sexuelle interdite. En plus de se demander s'il existe une relation de confiance, d'autorité ou de dépendance, les tribunaux devront aussi se demander si la relation en question est fondée sur l'exploitation. Pour ce faire, ils devront examiner la nature et les circonstances de la relation, y compris la différence d'âge et le degré de contrôle ou d'influence exercé sur le jeune.

    Monsieur le président, on se préoccupe des situations mettant en cause, par exemple, une activité sexuelle entre un homme de 50 ans et une fillette de 15 ans. Le projet de loi C-20 répond à ces préoccupations et il ordonne clairement au tribunal d'examiner si cette différence d'âge est un indice que la relation est fondée sur l'exploitation. Ce projet de loi propose plusieurs modifications afin de veiller à ce que les peines infligées aux auteurs des infractions contre les enfants reflètent mieux leur gravité. Les principales mesures proposées sont les suivantes: doubler la peine maximale de prison pour exploitation sexuelle lorsque l'infraction est poursuivie par mise en accusation, en la faisant passer de cinq à 10 ans; tripler la peine maximale pour contact sexuel, incitation à des contacts sexuels et exploitation sexuelle lorsque l'infraction est poursuivie par procédure sommaire, en la faisant passer de six à 18 mois; augmenter la peine maximale pour défaut de fournir les choses nécessaires à l'existence et pour abandon d'un enfant lorsque l'infraction est poursuivie par mise en accusation, en la faisant passer de deux à cinq ans.

Á  +-(1115)  

    Monsieur le président, le projet de loi propose aussi de faire de l'exploitation d'un enfant à l'occasion de la commission de toute infraction un facteur aggravant aux fins de la détermination de la peine. Je signale cette modification parce que je sais que certaines personnes ont exprimé des inquiétudes vis-à-vis du fait que dans quelques affaires comportant des aspects d'exploitation physique ou sexuelle à l'égard des enfants, y compris dans le cadre de pornographie juvénile, l'auteur des infractions n'a pas été traité avec suffisamment de sévérité au moment de la détermination de la peine.

    Comme vous le savez, ces inquiétudes ont porté surtout sur l'utilisation de la condamnation avec sursis afin de punir ces infractions. À cet égard, je sais que ce comité continue son examen des condamnations avec sursis et j'attends avec impatience le résultat.

    Le projet de loi C-20 propose d'améliorer la capacité des enfants victimes et témoins, et celles des autres victimes et témoins vulnérables de donner un récit clair, complet et exact des événements, tout en veillant à ce que les droits de l'accusé soient protégés et respectés. Il est proposé de modifier et de préciser le critère applicable pour déterminer s'il y a lieu d'autoriser l'utilisation de moyens visant à faciliter le témoignage, notamment un écran, une personne de confiance et la télévision en circuit fermé, l'exclusion du public, les interdictions de publication, l'enregistrement sur bande vidéo de la déposition de la victime et la nomination d'un avocat chargé de procéder au contre-interrogatoire du témoin au nom de l'accusé lorsque celui-ci se représente lui-même.

    Les mesures visant à faciliter le témoignage proposées dans le projet de loi C-20 se divisent essentiellement en trois catégories distinctes: d'abord, les affaires mettant en cause un enfant victime ou un enfant témoin âgé de moins de 18 ans, ou une victime ou un témoin atteint d'une déficience; ensuite, les affaires mettant en cause une victime de harcèlement criminel et finalement, les affaires mettant en cause une autre victime adulte ou un autre témoin adulte vulnérable.

    En ce qui a trait à un enfant victime ou témoin et à une victime ou témoin atteint d'une déficience, le projet de loi C-20 propose de modifier le critère applicable pour déterminer s'il y a lieu d'autoriser le recours à des moyens visant à faciliter le témoignage. Ces moyens seraient disponibles sur demande, sauf s'ils portent atteinte à la bonne administration de la justice.

[Traduction]

    Monsieur le président, lorsque le prévenu est accusé de harcèlement criminel et qu'il se représente lui-même, la Couronne pourra demander que la victime soit contre-interrogée par un avocat, ce que la Cour sera tenue d'ordonner à moins que cela nuise à la bonne administration de la justice. On reconnaît ainsi que la victime de harcèlement criminel ne devrait pas être harcelée à nouveau par l'accusé qui se représente lui-même.

    Dans les affaires mettant en cause un témoin ou une victime adulte, la Couronne pourrait demander qu'on l'autorise à utiliser les moyens destinés à faciliter le témoignage ou que le contre-interrogatoire soit fait par un avocat au nom de l'accusé qui se représente lui-même. Pour avoir droit à ces moyens destinés à faciliter le témoignage, les témoins adultes devront prouver qu'ils seraient incapables de faire un récit complet et franc en raison des circonstances de l'affaire, y compris la nature de l'infraction et la nature des relations entre le témoin et l'accusé.

    Le projet de loi C-20 modifiera aussi les dispositions actuelles sur la recevabilité des témoignages enregistrés sur bande magnétoscopique lorsque le témoin est un enfant ou que la victime ou un témoin est en mesure de communiquer mais peut avoir du mal à le faire en raison d'un handicap physique ou autre. Plus précisément, les déclarations de témoins enregistrées sur bande magnétoscopique seraient recevables dans toute instance criminelle et non pas seulement dans celles portant sur une infraction de nature sexuelle.

    Le projet de loi modernisera aussi les dispositions sur les ordonnances de non-   publication pouvant être imposées pour protéger l'identité de la victime ou d'un témoin ou pour assurer l'équité du procès. Dorénavant, ces dispositions interdiront la publication, la diffusion et la transmission de quelque façon que ce soit, y compris par Internet.

Á  +-(1120)  

[Français]

    De plus, le projet de loi C-20 propose de modifier la Loi sur la preuve au Canada, afin de supprimer l'obligation de procéder à une audition pour déterminer la capacité du témoin à déposer et de supprimer la distinction entre les témoignages sous serment ou l'affirmation solonnelle et les témoignages sans serment ou affirmation solennelle.

    Au lieu d'insister sur la capacité d'un enfant à exprimer ce que signifie pour lui le fait de prêter serment ou de promettre de dire la vérité, les modifications prévoient que le tribunal doit examiner la capacité d'un enfant témoin âgé de moins de 14 ans à comprendre et à répondre aux questions. Il incombe ensuite au juge des faits, à l'instar de toutes les autres situations, de déterminer le poids qu'il convient d'accorder à la preuve transmise par cet enfant.

    Enfin, monsieur le président, le projet de loi protégerait la vie privée des Canadiennes et des Canadiens en modernisant le droit pénal pour mieux répondre aux nouvelles façons de commettre des actes de voyeurisme. Nous proposons une nouvelle infraction ayant pour effet de criminaliser l'observation ou l'enregistrement clandestin d'une personne dans une situation permettant une attente raisonnable de protection en matière de vie privée. Toute personne qui procède à l'observation ou à l'enregistrement d'une personne dans ces circonstances, lorsque ces gestes sont posés dans un but sexuel ou lorsqu'ils constituent une violation grave du droit à la vie privée d'une personne, commettrait une infraction.

    Le projet de loi C-20 propose aussi d'interdire la publication ou la diffusion de tout enregistrement découlant des actes de voyeurisme. Le moyen de défense fondé sur le bien public peut être invoqué à l'égard de toutes les infractions de voyeurisme, et une exception visant les agents de la paix veillerait à ce que ces nouvelles infractions n'aient pas d'effets à l'égard des enquêtes autorisées dans le cadre d'un mandat judiciaire.

    Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de vous adresser la parole sur le projet de loi C-20. Comme je l'ai mentionné au début, ce projet de loi aborde plusieurs questions à l'égard desquelles le gouvernement s'est engagé à agir en toute priorité et qui sont jugées importantes par un grand nombre de Canadiennes et de Canadiens.

[Traduction]

    Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir écouté. Je serai maintenant heureux de répondre à vos questions.

+-

    Le président: Merci, monsieur Cauchon.

    Nous commençons par M. Toews, qui a sept minutes.

+-

    M. Vic Toews (Provencher, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.

    J'espère qu'il y aura aussi des réponses pendant cette période de questions. Nous sommes heureux de cette occasion qui nous est donnée d'entendre le ministre et de soulever certaines préoccupations particulières.

    À notre avis, ce projet de loi n'est qu'un premier pas bien timide du gouvernement vers une meilleure protection des enfants. Cette mesure législative est bonne à certains égards mais peu satisfaisante à bien d'autres égards. Dans le projet de loi C-20, les moyens de défense existants en matière de pornographie juvénile—la valeur artistique, le but éducatif, scientifique ou médical et le bien public—ont été essentiellement réduits à un seul moyen de défense fondé sur le bien public. Il incombera dorénavant aux juges de déterminer en quoi consiste le bien public.

    Dans ce dossier, on sait que les juges n'ont pas su protéger les enfants. La Cour suprême du Canada a déclaré que les moyens de défense contre l'accusation de possession de pornographie juvénile, y compris notamment ceux se fondant sur le bien public, doivent être interprétés de la façon la plus générale possible. Cela a permis à John Robin Sharpe de s'en tirer à bon compte lorsqu'un juge a affirmé que la pornographie juvénile qu'il possédait avait une valeur artistique.

    Et qu'avait à dire le plus haut tribunal du pays sur l'expression « bien public »? Ses déclarations ne sont rien de moins qu'alarmantes. Dans l'arrêt Sharpe, la Cour a jugé que le bien public avait été interprété comme étant « ce qui est nécessaire ou favorable [...] à l'activité scientifique, littéraire ou artistique ou à d'autres sujets d'intérêt général ». La Cour a ensuite déclaré ce qui suit :

On pourrait soutenir que la possession de matériel qui favorise l'épanouissement expressif ou psychologique ou qui renforce l'identité sexuelle d'une personne d'une façon non préjudiciable pour autrui sert le bien public. Dans certains cas, cela pourrait éliminer certaines des applications les plus problématiques du paragraphe 163.1(4). Par exemple, cela pourrait parfois empêcher...

    et j'insiste sur le mot « empêcher »

... que la disposition s'applique à des oeuvres visuelles créées et conservées en privé par une seule personne [...]

    C'était là essentiellement le cas de John Robin Sharpe.

    Dans l'affaire Robin Sharpe, M. le juge Duncan Shaw a adopté cette position pour acquitter M. Sharpe de plusieurs accusations. Or, ce projet de loi prévoit précisément ce moyen de défense qui a permis au juge Duncan Shaw d'acquitter John Robin Sharpe.

    Maître David Matas, un éminent avocat et défenseur des droits civiques ainsi qu'avocat du groupe Beyond Borders qui lutte contre la pédopornographie, affirme que le moyen de défense fondé sur le bien public ne fait qu'élargir le moyen de défense de la valeur artistique. Il ne le supprime pas, au contraire, il l'élargit. Manifestement, on a laissé dans ce projet de loi une échappatoire pour les pervers qui veulent posséder de la pornographie juvénile. On a induit les Canadiens en erreur en employant l'expression « bien public », compte tenu de la façon dont la Cour suprême du Canada a interprété ce moyen de défense. Je trouve étrange qu'on veuille inclure dans le projet de loi le problème que l'affaire Sharpe a rendu si évident et qui a semé l'inquiétude chez tant de Canadiens puisqu'il a mené à l'acquittement de John Robin Sharpe.

    Le ministre peut-il nous garantir que ce nouveau moyen de défense fondé sur le bien public ne sera pas interprété de façon si générale qu'il mènera à d'autres cas comme celui de Sharpe où les procureurs n'ont pas été en mesure de le faire condamner en raison de la façon dont le tribunal a interprété le moyen de défense fondé sur le bien public?

Á  +-(1125)  

+-

    Le président: Monsieur le ministre.

+-

    M. Martin Cauchon: Regardons d'abord l'arrêt Sharpe et les raisons pour lesquelles il a été déclaré non coupable. Ces raisons relèvent essentiellement de la définition existante de la pornographie juvénile. J'aimerais la citer, si vous me le permettez. La définition actuelle de la pornographie juvénile s'applique seulement aux écrits ou représentations qui « préconisent ou conseillent une activité sexuelle avec une personne âgée de moins de 18 ans qui constituerait une infraction à la présente loi ».

    M. Sharpe a été déclaré non coupable essentiellement en raison de cette définition de la pornographie juvénile. La définition proposée dans le projet de loi en élargirait l'application et ferait en sorte que les écrits que possédait M. Sharpe auraient été considérés comme de la pornographie juvénile.

    Deuxièmement, j'aimerais soulever une chose sur la défense fondée sur le bien public. C'est un moyen de défense qui figure déjà dans le Code criminel et qui a été mis à l'épreuve dans le passé. C'est un moyen de défense qui se compose, en quelque sorte, de deux volets. Il m'apparaît évident que si M. Sharpe subissait un nouveau procès et qu'il invoquait le bien public comme moyen de défense, il n'aurait pas gain de cause. Le premier volet porte sur ce qui sert le bien public. Le second volet porte sur ce qui outrepasse ce qui peut servir le bien public.

    Par conséquent, les documents que possédait M. Sharpe n'auraient pas satisfait à la nouvelle définition du projet de loi C-20 et n'auraient pas non plus satisfait au deuxième critère du moyen de défense fondé sur le bien public.

+-

    Le président: Merci.

    Il vous reste moins d'une minute, monsieur Toews.

Á  +-(1130)  

+-

    M. Vic Toews: Ça m'inquiète, monsieur le président, car l'arrêt Sharpe se limitait à des écrits et la Cour suprême du Canada a précisé que le moyen de défense fondé sur le bien public pourrait « empêcher que les dispositions s'appliquent »—autrement dit, que l'on puisse intenter des poursuites—« à des oeuvres visuelles et conservées en privé par une seule personne ». John Robin Sharpe a été acquitté relativement aux écrits qu'il possédait. Il semble qu'avec ces nouvelles dispositions, on puisse être acquitté relativement aux documents pornographiques écrits qui sont conservés en privé par une seule personne—comme le prétendait M. Sharpe—mais aussi relativement à des oeuvres visuelles créées et conservées par une seule personne.

    C'est ce que dit la Cour suprême du Canada. Ce sont les propos de la Cour, pas les miens. C'est ce qu'affirme la Cour suprême elle-même. Voilà pourquoi je me demande pourquoi nous adoptons une norme qui fera en sorte que les oeuvres visuelles seront exclues de l'application de la loi.

+-

    Le président: Merci, monsieur Toews.

    Monsieur le ministre.

+-

    M. Martin Cauchon: Mme Morency aimerait ajouter quelque chose.

+-

    Le président: Allez-y, madame Morency.

+-

    Mme Carole Morency (Avocate-conseil, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice): Dans l'affaire Sharpe, le matériel en question était des histoires qui avaient été écrites par M. Sharpe et qu'il avait l'intention de rendre publiques. Il essayait de les faire publier. Dans cette décision, la Cour suprême s'est penchée sur les oeuvres d'imagination qui ne sont pas montrées, rendues publiques ou données à qui que ce soit. Sauf votre respect, je crois que les propos que vous avez cités portaient sur les oeuvres d'imagination qui font l'objet d'une exemption. Le projet de loi C-20 ne modifie pas cette exemption. Toutefois, si l'artiste ou l'écrivain rend publiques les oeuvres de son imagination, que ce soit des oeuvres écrites ou des peintures, s'il les montre à quelqu'un d'autre ou les distribue, il y a infraction.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Monsieur Marceau, vous avez sept minutes.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau (Charlesbourg—Jacques-Cartier, BQ): Monsieur le ministre, je vous remercie de votre présentation. Je crois que tout le monde autour de la table veut lutter contre le fléau de la pornographie juvénile et je pense que les discussions de ce comité doivent être basées là-dessus.

    Ma première question porte sur la définition que l'on retrouve dans le projet de loi C-20 et dont vous avez fait mention. Selon vous, le projet de loi en viendrait-il, par cette définition, à criminaliser les pensées tordues et malades d'un homme ou d'une femme qui écrirait dans son journal intime des pensées relatives à la pornographie infantile? En élargissant la définition, en viendrait-on à criminaliser des pensées comme celles-là?

[Traduction]

+-

    Le président: Madame Morency.

+-

    Mme Carole Morency: Encore une fois, il s'agit d'une oeuvre d'imagination. Si ce journal intime est tenu par une personne et conservé par cette personne, jamais montré ou distribué à qui que ce soit, d'après la décision rendue par la Cour suprême dans l'affaire Sharpe, cette personne ne serait pas considérée comme possédant de la pornographie juvénile. Une exemption est prévue pour ce cas. Mais celui qui communique le contenu de ce journal intime, qui le met à la disposition d'autrui, qui le distribue ou le montre à qui veut bien le voir ne peut invoquer cette exemption. En pratique, ceux qui appliquent la loi nous disent que ce n'est généralement pas un problème dans les cas de pédopornographes. Les pédopornographes ont tendance à montrer et à distribuer le matériel pornographique qu'ils possèdent, à le mettre à la disposition de tous. Je le répète, il s'agit d'une exemption bien précise s'appliquant aux oeuvres d'imagination.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: Parlant de l'arrêt Sharpe, j'étais surpris de ne pas les retrouver...

+-

    M. Martin Cauchon: Dès qu'on partage ce genre d'écrit, l'exemption qui est prévue ne s'applique plus. Dans l'exemple que vous avez mentionné, on peut simplement se servir de la défense fondée sur la notion de bien public.

+-

    M. Richard Marceau: Si je comprends bien, il n'y a pas de problème si une personne n'écrit que pour elle-même, mais si elle montre ses écrits à quelqu'un, une accusation peut être portée, et son moyen de défense serait la notion de bien public.

+-

    M. Martin Cauchon: Il s'agit des exceptions qui ont été définies lors de l'arrêt Sharpe.

+-

    M. Richard Marceau: J'ai été surpris de ne pas les retrouver dans le projet de loi. Pourquoi ne retrouve-t-on pas directement les défenses de l'arrêt Sharpe dans le projet de loi?

Á  +-(1135)  

+-

    M. Martin Cauchon: La décision Sharpe a énuméré clairement quelles sont les exceptions; on n'a donc pas besoin de les inclure dans la législation. Les exceptions sont très bien exprimées dans l'arrêt Sharpe et elles font partie du droit canadien.

+-

    M. Richard Marceau: Le projet de loi C-20 ne modifie donc d'aucune façon les exceptions définies dans l'arrêt Sharpe.

    Vous avez dit plus tôt que la meilleure façon de régler la question du consentement à des relations sexuelles était de baisser l'âge prévu pour ce consentement, mais que vous ne pouviez pas le faire. J'aimerais mieux comprendre ce critère d'exploitation et les problèmes que cela peut provoquer, les incertitudes que cela peut créer au niveau du droit.

    Comment une personne majeure qui a une relation avec une personne mineure peut-elle être sûre qu'elle ne commet pas un crime? N'ouvre-t-on pas ainsi la porte à un parent qui n'approuve pas la relation qu'a choisie son fils ou sa fille et qui voudrait porter des accusations? Ce parent pourrait poser un geste qui ne correspond pas à ce que le législateur voulait faire, c'est-à-dire essayer d'empêcher les relations d'exploitation. N'y a-t-il pas danger d'incertitude du droit et sinon, comment peut-on mieux définir ce critère d'exploitation?

+-

    M. Martin Cauchon: Une poursuite pénale est soumise à un processus rigoureux avant de se retrouver devant les tribunaux. Les poursuites frivoles peuvent être écartées par les corps policiers ou les procureurs de la Couronne. Vous savez qu'au Québec, le procureur de la Couronne joue vraiment le rôle le plus important en matière de poursuites criminelles.

    Premièrement, l'âge de consentement est de 14 ans au Canada, mais il est de 18 ans lorsqu'on parle d'une relation qui implique un lien de confiance, d'autorité et de dépendance. Lorsqu'on parle de pornographie juvénile ou de prostitution, l'âge de consentement est de 18 ans. Il y a eu beaucoup de discussions sur cette question. Devrions-nous faire passer l'âge de consentement de 14 à 15 ou 16 ans? Cette question revient à chaque réunion fédérale-provinciale et il n'existe pas de consensus autour de la table.

    Deuxièmement, je pense que la nouvelle infraction que nous créons va offrir une plus grande protection eu égard aux groupes d'âge. Si on établit l'âge de consentement à 15 ans, par exemple, on n'offre alors une protection que jusqu'à 15 ans seulement. La nouvelle infraction que nous allons créer, qui parle d'une relation qui est basée sur l'exploitation, va protéger tous les jeunes de 14 à 18 ans.

    Comment cela va-t-il s'appliquer? Il va appartenir au tribunal de déterminer, cas par cas selon l'ensemble des circonstances, l'environnement de la relation, incluant la différence d'âge. Je pense que ceci va offrir un maximum de protection à un plus grand nombre de jeunes, et les tribunaux pourront juger cas par cas, dépendant des circonstances.

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur Mark.

+-

    M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, PC): Merci, monsieur le président.

    Je veux d'abord remercier le ministre et ses fonctionnaires d'être venus témoigner devant notre comité.

    Nous savons que les Canadiens attendent une mesure législative de ce genre depuis longtemps. Il est tout à fait honorable de protéger les enfants et d'autres personnes vulnérables du pays. Nous savons aussi que les Canadiens s'attendent à une mesure législative qui réponde aux besoins du pays. Autrement dit, si la loi dit clairement qu'il faut protéger les enfants et d'autres personnes vulnérables, c'est ce que cette loi devrait faire. Les Canadiens s'attendent à ce que les pédophiles soient emprisonnés et, dans les cas de récidive, à ce qu'ils soient surveillés. Reste à voir si ce projet de loi dont nous sommes saisis répondra aux attentes des Canadiens.

    Comme il nous faut une loi comme celle-ci de toute urgence, permettez-moi de poser deux questions.

    La première porte sur le calendrier législatif. Comme vous le savez, monsieur le ministre, ce gouvernement suspendra probablement sous peu ses travaux. Ce projet de loi a été déposé le 5 décembre 2002, c'est-à-dire il y a presque un an, et nous amorçons à peine notre étude. Qu'adviendra-t-il de ce projet de loi si la Chambre suspend ses travaux?

    Deuxièmement, certains ont déploré le fait que ce projet de loi ne prévoie pas de peines d'emprisonnement obligatoires pour les pédophiles et autres prédateurs sexuels. J'aimerais savoir pourquoi vous n'avez pas jugé bon d'inclure une telle disposition.

    Merci.

Á  +-(1140)  

+-

    M. Martin Cauchon: J'aimerais d'abord remercier le président et les membres du comité. Ce projet de loi est votre priorité absolue et c'est aussi la mienne. Je tenais sincèrement à ce que l'on passe à l'étude de ce projet de loi. Je suis heureux de constater que nous sommes sur la même longueur d'onde et que nous travaillerons à l'adoption rapide de cette mesure législative. Si nous pouvons déposer un amendement qui fera en sorte que les enfants du pays seront encore mieux protégés, nous sommes tout à fait disposés à l'envisager.

    Pour ce qui est du calendrier, votre comité est maître de ses travaux. Vous entendrez des témoins et, dès que vous aurez déposé votre rapport, le projet de loi poursuivra son chemin à la Chambre des communes. Nous espérons que la Chambre adoptera le projet de loi avant Noël.

+-

    M. Inky Mark: Si le projet de loi n'est pas adopté par la Chambre et le Sénat d'ici là, croyez-vous qu'il sera prioritaire à la prochaine session parlementaire?

+-

    M. Martin Cauchon: J'en suis absolument certain. C'est un projet de loi très important, c'est un projet de loi prioritaire. Mais je crois que nous parviendrons à le faire adopter cet automne.

+-

    Mme Carole Morency: Au sujet du fait que le projet de loi C-20 est muet sur les peines obligatoires, comme l'a signalé le ministre, le projet de loi C-20 porte sur divers aspects de la détermination de la peine. Tout d'abord, la perpétration d'une infraction contre un enfant est considérée comme un facteur aggravant, dans la détermination de la peine. Actuellement, c'était uniquement pour les infractions commises par quelqu'un contre ses propres enfants, dans les cas de violence familiale. Le changement visera toutes les infractions.

    Deuxièmement, le projet de loi C-20 propose de hausser les peines maximales pour certaines des infractions sexuelles commises contre des enfants. Le ministre a fait référence à la question de savoir si le projet de loi C-20 devait ou non porter sur le recours aux peines avec sursis, par exemple, pour ces cas. Comme l'a dit le ministre, le comité est déjà saisi de la question des peines avec sursis.

    Au sujet des peines minimales obligatoires, je sais qu'un de mes collègues du ministère de la Justice, M. David Daubney, est déjà venu vous parler de la détermination de la peine. Comme le sait le comité, le Code criminel a été modifié il y a quelques années en fonction d'une nouvelle démarche de détermination de la peine. On y trouve des principes de détermination de la peine à l'usage des tribunaux dans leur important rôle consistant à choisir une peine qui est adaptée aux circonstances de l'affaire et qui protégera la société. Divers problèmes sont associés aux peines minimales obligatoires et si le comité s'y intéresse, je peux demander à un de mes collègues de venir vous en entretenir.

    On n'en parle pas dans ce contexte-ci. Il y a toute une gamme de comportements visés par les infractions prévues dans le projet de loi C-20. Elles ne correspondent certainement pas au type de comportement traditionnellement assorti d'une peine minimale obligatoire dans le Code criminel.

Á  +-(1145)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Monsieur Nystrom, vous avez sept minutes.

+-

    M. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président. Je souhaite la bienvenue au ministre et à ses collaboratrices. En deuxième lecture, nous avons appuyé ce projet de loi. À mes yeux, il n'y a rien de plus méprisable que les pédophiles et les prédateurs d'enfants. Il faut être sévère et appliquer la loi avec fermeté, en disposant de peines lourdes, et faire tout ce qui est possible pour limiter cette abjecte pratique.

    Je veux poser au ministre deux ou trois questions sur la définition de cette nouvelle loi et sur les changements par rapport à la loi précédente. J'aimerais avoir sa définition de la portée et de la nature du bien public. Monsieur le président, je pose la question parce que la Writers' Union et des artistes canadiens ont communiqué avec moi pour manifester leur préoccupation au sujet de la disparition proposée de l'expression « valeur artistique ». Ils craignent pour l'expression artistique légitime.

    Je doute que quiconque veuille que des innocents tombent sous le coup de la loi. Nous avons besoin d'une loi sévère pour nous en prendre aux coupables : les pédophiles et les prédateurs sexuels. Mais dans les milieux artistiques, on craint que même des innocents se retrouvent dans les mailles du filet. Pourquoi a-t-on abandonné le concept de valeur artistique et quelle est la définition du bien public, pour le ministre, dans ce cadre-ci?

    Monsieur le président, je crois que les propos du ministre sont importants pour guider les tribunaux, au sujet de ce que veut dire ici le ministère de la Justice.

+-

    M. Martin Cauchon: La valeur artistique existe toujours au sens où une oeuvre d'art devra satisfaire au critère du nouveau moyen de défense fondé sur le bien public et franchir les deux étapes. Il faut toujours d'abord se demander si elle sert le bien public. Autrement dit, est-ce utile à notre société? Ensuite, il faut se demander si le préjudice causé à la société outrepasse ce qui a servi le bien public.

    Comme je l'ai dit, la défense fondée sur le bien public n'est pas nouvelle en soi. Elle a déjà été utilisée dans le Code criminel. Je n'envisage pas de problème pour les gens des médias, par exemple, quant à l'utilisation de matériel qu'ils pourraient faire, à condition de franchir les deux étapes dont nous avons parlé. Notre meilleur exemple, c'est celui dont j'ai parlé dans mes propos liminaires, au sujet des forces policières qui ont en leur possession du matériel qui peut être considéré comme de la pédopornographie. Il faudra répondre aux critères, et je crois qu'on pourrait invoquer la défense fondée sur le bien public.

+-

    Mme Carole Morency: En outre, comme l'a dit le ministre, par exemple, dans le cas d'une oeuvre d'art qui doit franchir les deux étapes décrites par le ministre... Le comité est peut-être au courant d'un jugement ontarien rendu dans le cas d'un artiste, Eli Langer. Dans ce cas, on s'est demandé si, en vertu des dispositions actuelles du Code criminel, cette oeuvre d'art répondait aux normes communautaires de tolérance. Mais la question de fond, c'était l'examen en deux étapes.

    Les tribunaux ont estimé que l'oeuvre d'art en question servait à déplorer les agressions sexuelles d'enfants, plutôt que de les décrire à des fins sexuelles ou autres. Les tribunaux auraient certainement à considérer la jurisprudence. Ils tiendraient aussi compte de l'arrêt Sharpe de la Cour suprême, qui a interprété et appliqué la défense fondée sur le bien public.

    Mais la définition serait très claire, de même que l'examen en deux étapes, selon l'interprétation utilisée par la Cour suprême.

+-

    M. Lorne Nystrom: Puisque nous passons à quelque chose de nouveau, je vais poser une autre question au ministre. Je vais la lire pour être aussi précis que possible. Pouvez-vous nous garantir que les articles sur la pornographie juvénile comportent des garanties suffisantes pour protéger les vrais artistes? J'ai déjà parlé des artistes et vous avez donc répondu à cette partie de la question, je crois. Mais nous avons aussi reçu des représentations de scientifiques, de chercheurs et d'autres, dont le travail légitime peut exiger l'utilisation de matériel de nature sexuelle. Ainsi, un étudiant en criminologie ou en sociologie peut publier du matériel sexuellement explicite dans le cadre d'un travail de recherche ou d'un ouvrage universitaire. Le ministre peut-il nous dire si la loi comprend des garanties suffisantes pour protéger, outre les artistes, les savants et les chercheurs. C'est une question qu'on m'a posée.

Á  +-(1150)  

+-

    M. Martin Cauchon: Bien entendu, tous devraient répondre aux critères relatifs au bien public. Comme je le disais, même les membres des forces policières devront répondre à ces critères. Mais cela étant dit, si vous considérez la défense et sa structure en deux étapes, je crois qu'il y a des garanties suffisantes.

+-

    M. Lorne Nystrom: Je me demande si Mme Morency a quelque chose à ajouter.

+-

    Mme Carole Morency: Je crois que le ministre a répondu à la question. Je ne sais pas si je peux en dire davantage. Je dirai seulement que personne ne bénéficie d'une exemption globale ou d'une exclusion de l'application des dispositions sur la pornographie juvénile de l'article 163.1, qu'il s'agisse de policiers, d'artistes, d'enseignants, de professionnels de la santé ou de scientifiques. Si le matériel ou l'acte en cause est de la pornographie juvénile aux termes de l'article 163.1 et tel que proposé dans le projet de loi C-20, il s'agit automatiquement de pornographie juvénile.

    Le tribunal doit ensuite se demander si l'accusé peut invoquer une défense. On a déjà donné l'exemple des policiers. Celui des artistes, aussi. Pour les scientifiques et les enseignants, c'est aussi certainement applicable. Là encore, la Cour suprême a déjà fait une analyse. Il est clair qu'il est avantageux pour la société que des professionnels de la santé ou d'autres secteurs renseignent leurs étudiants ou leurs nouveaux membres sur certains problèmes de santé, parfois au moyen d'illustrations. C'est certainement bon pour le bien public, et l'intérêt public.

    Je ne sais pas si un type qui aurait en main ces revues médicales, sans être médecin, pourrait invoquer la même défense, pour le second critère.

+-

    M. Lorne Nystrom: Je suis certainement d'accord avec vous : personne ne doit être exclu. Il s'agit toutefois de savoir s'il y a des protections suffisantes pour ceux qui voudraient en toute légitimité explorer ce genre de choses dans un cadre scientifique ou artistique.

    J'aimerais vous poser une autre question, sur l'évolution possible de la loi. Ainsi, le bien public sera-t-il évalué à court terme ou à long terme? Comment entrevoyez-vous cette évolution? D'après ma propre expérience sur la Colline, au fil des ans, j'ai pu constater que certaines définitions ont changé, par rapport à il y a 20 ou 30 ans. Les choses évoluent. Tout récemment, nous avons étudié, par exemple, la question du mariage entre conjoints de même sexe. Le sentiment à ce sujet était bien différent il y a 20, 30 ou 40 ans, voire il y a cinq ou six ans. Notre société a évolué, sur bien des questions.

+-

    Le président: Merci, monsieur Nystrom.

    Madame Morency.

+-

    Mme Carole Morency: Pour la question précise de la pornographie juvénile, il y a bien entendu le point de départ qu'est l'arrêt Sharpe de la Cour suprême. Il y a aussi un peu de jurisprudence préalable, puisque la défense fondée sur le bien public fait partie du droit pénal canadien depuis le premier Code criminel, soit depuis 1892. Il y a donc certainement d'autres affaires qui peuvent guider les tribunaux, lorsqu'il s'agit d'évaluer le bien-fondé d'un moyen de défense fondé sur le bien public.

    Les choses sont toutefois assez claires de nos jours, pour les tribunaux. La définition est claire. Dans le projet de loi C-20, on veut élargir la définition écrite de la pornographie juvénile et les critères sont clairs, je le répète, et précisés davantage par la jurisprudence. Les tribunaux sont donc bien outillés pour interpréter la loi d'une manière conforme aux objectifs dont nous traitons aujourd'hui.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Madame Fry.

+-

    Mme Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.): Merci beaucoup.

    Merci, monsieur le ministre, d'être venu nous expliquer ce projet de loi, car je crois que la plupart d'entre nous s'y intéressent beaucoup. Comme l'a dit M. Nystrom, nous nous intéressons à la liberté d'expression, à la valeur artistique, etc., à la recherche médicale, mais nous voulons aussi nous assurer que nos enfants ne sont pas exploités. Nous nous sommes tous, je crois, interrogés sur l'arrêt Sharpe, nous nous sommes demandé s'il n'avait pas outrepassé une certaine limite, mais vous nous avez donné une très bonne explication.

    Je vous appuie dans vos efforts en vue d'accroître et d'améliorer la protection dont jouissent les adolescents. Toutefois, il y a une chose qui me préoccupe particulièrement, ce qu'on appelle généralement et, à mon avis, à tort la prostitution juvénile et qu'on devrait plutôt appeler l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales, car, quand on parle de prostitution, on laisse entendre qu'il s'agit d'un métier alors que ces enfants n'exercent pas un métier, ils sont tout simplement exploités.

    Je m'inquiète surtout de l'expression « évolution de la relation ». Vous avez dit que pour déterminer si une relation est fondée sur l'exploitation, les tribunaux tiendront compte de trois nouveaux facteurs. Le premier est celui de la différence d'âge entre la personne et l'adolescent, ce qui m'apparaît raisonnable. Le deuxième est celui de l'emprise ou de l'influence de la personne sur l'adolescent, ce qui est tout à fait raisonnable. Mais qu'entendez-vous par l'évolution de leurs relations? Entendez-vous par là le cas d'une personne qui décide de nouer des liens et d'entretenir une relation avec un adolescent afin de l'exploiter à des fins commerciales une année plus tard? J'aimerais que vous me l'expliquiez.

    Deuxièmement, à la page 5 du document qui nous a été distribué, vous parlez de « l'observation de personnes de ce groupe d'âge, leur exploitation et la communication avec elles par ordinateur ». Communiquer avec les adolescents, je comprends, mais j'étudie le dossier depuis un certain temps et je sais qu'on ne communique pas nécessairement avec les enfants qui sont exploités sexuellement à des fins commerciales, ce sont eux qui amorcent la communication. Autrement dit, ils ne se tiennent plus au coin de la rue, ils ont un ordinateur, ils ont un site Web, ils font leur propre publicité. J'aimerais savoir si ces dispositions s'appliquent à ceux qui font leur propre publicité, quelle que soit la personne qui les exploite.

    Quand j'étais secrétaire d'État à la condition féminine, j'ai participé à l'organisation d'une tribune internationale d'adolescents des Amériques ayant été exploités sexuellement; ils ont soulevé des préoccupations en ce sens. Ils ne sont plus au coin de la rue; on ne les voit plus, on ne peut plus tout simplement s'arrêter et les faire monter dans sa voiture. Les enfants prostitués s'annoncent sur Internet de façon très subtile. Ils ne s'affichent pas comme étant à vendre pour des rapports sexuels, mais ça n'empêche pas les intéressés de comprendre ce qu'on leur offre. Ce ne sont donc pas les adultes qui communiquent avec les enfants mais bien les enfants qui communiquent avec les adultes, et je me demandais si ces dispositions s'appliqueraient à ce genre de cas.

    Enfin, je m'inquiète un peu de la défense fondée sur le bien public. Un peu comme l'a dit M. Nystrom, je me souviens de l'époque où on aimait prendre des photos des bébés couchés nus sur une couverture. Cela préoccupe bien des parents car il est déjà arrivé que des entreprises de développement de photos refusent leurs services sous prétexte que les photos qu'on leur demandait de développer représentaient de l'exploitation sexuelle d'enfants. C'est un peu comme la distinction très ténue entre battre son enfant et ce qu'on considérait auparavant comme discipliner son enfant. La loi s'appliquera-t-elle à ce genre de choses et que pourrions-nous faire?

Á  +-(1155)  

+-

    Le président: Merci.

    Madame Morency.

+-

    Mme Carole Morency: Merci.

    En ce qui concerne l'approche adoptée dans le projet de loi à l'égard de la victimisation des enfants par l'exploitation sexuelle à des fins commerciales, par opposition à la prostitution, il ne fait aucun doute que le projet de loi C-20 s'attaque à ce problème. Ainsi, les dispositions proposées en matière d'exploitation sexuelle mettent l'accent sur le comportement du délinquant par opposition au consentement apparent de l'adolescent à l'exploitation sexuelle. Ces mesures sont donc tout à fait conformes à l'objectif que vous visez.

    Comme vous le savez, le projet de loi C-20 ne traite pas de l'exploitation sexuelle à des fins commerciales. Ces dernières années, plus particulièrement dans le projet de loi C-27, on a pris des mesures telles que la création d'une peine minimale obligatoire pour les proxénètes qui forcent des adolescents à se livrer au commerce du sexe.

    De plus, comme l'a mentionné le ministre, le projet de loi C-15A qui est entré en vigueur en juillet 2002 prévoit la nouvelle infraction du leurre par Internet, autrement dit, l'usage d'un ordinateur pour communiquer avec un adolescent en vue de commettre une infraction sexuelle à l'endroit de cet enfant. Le fait de leurrer un enfant à des fins sexuelles est donc une infraction et, comme vous l'avez fait remarquer, madame Fry, la communication peut se faire dans les deux sens. Le projet de loi C-15A en traite. Le projet de loi C-20 pourra s'appliquer aux cas de leurre s'inscrivant dans la nouvelle catégorie de l'exploitation sexuelle qui prévoit l'évaluation de la nature de la relation en fonction de divers facteurs.

    Cela m'amène à une question précédente sur ce qu'on entend plus particulièrement par cette troisième catégorie. La modification proposée à l'article 153 obligera les tribunaux à tenir compte de toutes les circonstances, y compris la nature de la relation; autrement dit, chaque cas sera examiné individuellement. C'est d'ailleurs ainsi que les tribunaux ont interprété l'article 153 sous sa forme actuelle. La différence d'âge est un élément critique et facile à comprendre. Pour ce qui est de l'évolution de la relation, il peut s'agir, par exemple, d'un adulte qui fait la connaissance d'un adolescent par le biais d'Internet et qui tient à le voir en personne très peu de temps après, le lendemain par exemple, ou d'un adulte qui rencontre un adolescent au centre communautaire qu'il fréquente. La cour devra examiner toutes les circonstances. Certains facteurs permettront aux tribunaux de faire la distinction entre ces relations et les fréquentations à plus long terme, par exemple, entre un adulte et une adolescente qui sont voisins. Relativement à l'emprise ou à l'influence de la personne sur l'adolescent, encore une fois, la cour pourra se pencher sur différents facteurs. Il se pourrait que l'accusé ne subvienne pas aux besoins de l'adolescent mais qu'il se serve de ses ressources financières ou autres pour exercer son influence sur l'adolescent, pour exploiter sa vulnérabilité. Ces facteurs et toutes les autres circonstances de l'affaire seront prises en compte.

  +-(1200)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Monsieur Cauchon.

+-

    M. Martin Cauchon: Le leurre par Internet ou la cyberprédation dont vous venez de parler est une préoccupation importante non seulement au Canada, mais aussi dans les autres pays du G-8, comme le prouvent les travaux des ministres de la Justice de ces pays. Au Canada, nous avons une bonne loi. Nous venons aussi de créer cette nouvelle infraction de leurre par Internet. Mais nous avons constaté que des groupes se sont mis à produire du matériel illégal dans les pays où la loi est moins stricte. Il a donc été décidé, au niveau du G-8, de resserrer la collaboration afin de dissuader ces criminels et de s'attaquer à la source du problème. Au Canada même, nous devons poursuivre la lutte, et nous avons déjà de bonnes lois. Maintenant, il faut déployer davantage d'efforts au niveau international, et des progrès ont été réalisés à ce niveau aussi. Nous devons toutefois agir plus rapidement et trouver de nouveaux outils entre les pays du G-8.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Cadman.

+-

    M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.

    Je remercie le ministre et les fonctionnaires d'être venus témoigner aujourd'hui. Je suis heureux de vous revoir.

    En ce qui a trait à l'âge requis pour consentir à des actes sexuels, monsieur le ministre, j'estime que la très grande majorité des Canadiens sont stupéfaits d'apprendre qu'il est au Canada de 14 ans. Dans certains cas, ils sont même scandalisés, car ils ne comprennent pas; souvent, ils ont du mal à le croire. Vous avez donné diverses raisons pour expliquer votre refus de relever l'âge requis. Peut-être que dans certains cas, ce relèvement est impossible, mais n'oublions pas que la plupart des démocraties occidentales ont jugé bon de fixer l'âge requis pour consentir à des actes sexuels à 16 ans et même à 18 ans, comme c'est le cas dans certains États américains. Vous dites que nous devons laisser nos tribunaux juger au cas par cas, selon la nature des relations. J'en conclus donc, comme bon nombre de Canadiens, que dans certaines situations, on estime que, en droit, il est acceptable pour un adulte d'avoir des relations sexuelles avec une personne de 14 ans. À mon avis, la plupart des Canadiens ne seraient pas d'accord. Pouvez-vous me donner un exemple d'une situation qui serait acceptable aux yeux de la loi et pourquoi? Je ne parle pas de relations entre adolescents, mais bien de relations entre adultes et enfants de 14 ans. J'aimerais savoir si certaines de ces relations devraient être acceptables aux yeux de la loi, car c'est ce que vous laissez entendre.

+-

    M. Martin Cauchon: Cette question porte sur un sujet dont nous avons longuement discuté, nous, les ministres de la Justice. Tout d'abord, si on regarde la situation à l'étranger, on constate que l'âge du consentement au Canada n'est ni parmi les plus élevés, ni parmi les moins élevés. D'ailleurs, j'ai déjà indiqué que, dans certaines circonstances, l'âge du consentement est de 18 ans.

    Cela dit, je suis sincèrement convaincu—en dépit du fait qu'il n'y a pas consensus parmi les ministres de la Justice du pays—qu'en créant une nouvelle infraction pour les relations fondées sur l'exploitation, nous offrirons une meilleure protection aux jeunes Canadiens. Je le répète, relever l'âge du consentement aurait peut-être mieux protégé les adolescents de 15 et 16 ans, mais la création d'une nouvelle infraction permettra au juge de se pencher même sur une relation entre deux personnes de 14 et 18 ans pour déterminer s'il s'agit d'une relation d'exploitation. Il est certain que la différence d'âge sera prise en compte.

    Compte tenu de notre situation, j'estime que cette nouvelle infraction offrira une bien meilleure protection à un plus grand nombre de jeunes Canadiens.

  +-(1205)  

+-

    Le président: Très rapidement, monsieur Cadman.

+-

    M. Chuck Cadman: Sauf le respect que je vous dois, monsieur le ministre, j'ai demandé un exemple de relation entre un adulte et un enfant qui serait jugée acceptable en vertu de la loi. Je ne parle pas de relations entre deux personnes de 18 et 14 ans, mais plutôt d'une relation entre deux personnes de 50 et 14 ans. Comment déterminera-t-on s'il y a exploitation? Pouvez-vous envisager des cas où, aux yeux de la loi, une relation entre une personne de 50 ans et une autre de 14 ans sera jugée acceptable? C'est de cela qu'il s'agit ici et c'est là ma question.

+-

    Le président: Madame Morency.

+-

    Mme Carole Morency: Dans le projet de loi C-20, on reconnaît que la différence d'âge peut indiquer une relation fondée sur l'exploitation, mais qu'il arrive que de telles relations existent entre deux personnes plus rapprochées en âge. On y tient donc compte des deux genres de situations.

    Le cas d'une personne de 50 ans qui entretient une relation avec une autre de 14 ou 15 ans est facile à comprendre. Mais qu'en est-il de la relation entre deux personnes de 19 et 15 ans? Je comprends que, si la différence d'âge est si petite, cela ne vous inquiète peut-être pas, mais tous n'étaient pas d'accord pour que même cela soit permis. Nous avons donc tenté, dans le projet de loi C-20, de répondre à toute une gamme de préoccupations.

    Ce que nous visons, quand un adolescent s'adonne à des activités sexuelles, c'est l'exploitation. La plupart des adolescents ont des relations sexuelles avec un partenaire à peu près du même âge—d'ailleurs, Santé Canada a rendu public il y a deux semaines un rapport sur l'activité sexuelle des adolescents—il arrive que des adolescents aient des relations sexuelles avec un partenaire de plus de deux ou trois ans leur aîné.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Monsieur O'Brien, vous avez trois minutes.

+-

    M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Monsieur le ministre, mesdames, merci d'être venus.

    C'est un projet de loi très important que nous devrions adopter dans les meilleurs délais, à mon avis. Toutefois, ce que vous avez dit au sujet du calendrier du comité n'est pas tout à fait juste. Je ne crois pas que notre comité ait encore arrêté son calendrier pour les prochaines semaines, et il nous faudra le faire sous peu.

    Pour ma part, j'estime qu'il faudrait d'abord régler un dossier qui est resté en suspens en juin, celui du mariage homosexuel dont vous vous rappelez sans doute. Je crois donc que notre comité devra d'abord décider de terminer ce rapport ou non, déterminer s'il serait utile de terminer ce rapport. D'ailleurs, j'aimerais savoir ce que vous en pensez.

    Pour ce qui est du critère de l'âge, j'abonde dans le même sens que M. Cadman. J'ignore si l'âge du consentement devrait rester 14 ans. Étant père de trois enfants qui ont plus de 14 ans et ayant enseigné à bien des adolescents ayant à peu près cet âge, je sais, comme vous, monsieur le ministre, que 14 ans n'équivaut pas toujours à 14 ans. Autrement dit, tous les adolescents de 14 ans n'ont pas la même maturité. Jusqu'à quel point devrait-on tenir compte du fait que, à 14 ans, les adolescents n'ont pas tous la même maturité intellectuelle, psychologique, sociale, etc.? A-t-on une certaine marge de manoeuvre ou 14 ans est-il l'âge magique auquel on peut consentir à tout? Si c'est le chiffre magique, on pourrait faire valoir que ce n'est pas assez vieux.

    J'ai promis à un de mes électeurs de vous poser directement ces questions et je suis heureux d'avoir l'occasion de le faire.

    A-t-on vraiment envisagé d'abaisser l'âge du consentement sexuel au Canada à 12 ans? L'âge du consentement peut-il être modifié autrement que par une loi du Parlement?

    Merci, monsieur le président.

+-

    Le président: Monsieur le ministre.

+-

    M. Martin Cauchon: Pour ce qui est de savoir si nous avons envisagé d'abaisser l'âge du consentement à 12 ans, la réponse est non. C'est aussi simple que cela. Si vous voulez changer l'âge du consentement, qu'il soit de 14 ou 18 ans selon les circonstances, il faut modifier le Code criminel dans une loi du Parlement.

    En ce qui concerne le premier point que vous avez soulevé, c'est là essentiellement le sens de l'infraction que nous avons créée. Les juges devront examiner toutes les caractéristiques de la relation. Vous avez exprimé des préoccupations. Or, le tribunal devra tenir compte de toutes les circonstances de l'affaire dont il est saisi. Il tiendra compte non seulement de la différence d'âge, mais de tous les autres éléments pertinents.

  +-(1210)  

+-

    M. Pat O'Brien: Croyez-vous comme moi, monsieur le ministre, que nous devrions terminer notre rapport sur les unions de conjoints de même sexe auquel nous travaillions en juin?

+-

    M. Martin Cauchon: C'est à votre comité d'en décider. Je ne veux pas me mêler de l'établissement de votre programme ou de votre calendrier. Vous êtes maîtres de votre emploi du temps.

+-

    M. Pat O'Brien: Mais vous nous avez demandé d'entreprendre cette étude. N'avez-vous aucune opinion sur la question de savoir si nous devrions la terminer ou non?

+-

    M. Martin Cauchon: Il y a un an, je vous ai demandé de mener des consultations exhaustives auprès des Canadiens, ce que vous avez fait. Vous avez fait de l'excellent travail. Un rapport sur ce que les Canadiens vous ont dit serait certainement utile au gouvernement.

    Cela dit, au printemps dernier, nous devions agir. Nous avons pris notre décision et elle est claire pour tous les Canadiens. Voilà.

+-

    M. Pat O'Brien: Là-dessus, je ne suis pas d'accord avec vous, mais merci de votre réponse sur le rapport, monsieur le ministre.

    Merci, monsieur le président.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Marceau, vous avez trois minutes.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: J'aimerais revenir rapidement, monsieur le président, sur les différences d'âge. Prenons un exemple concret. Monsieur x, qui a 45 ans, rencontre une jeune femme dans un bar. Cette jeune femme a 15 ans. C'est une fille, en fait, ce n'est pas une femme. Il lui offre de généreux cadeaux, etc., et se retrouve, peu de temps après, dans le même lit que cette jeune fille. À l'heure actuelle, cet homme de 45 ans ne commet aucun crime.

    Ce même homme de 45 ans, qui rencontre une jeune fille de 15 ans dans un bar, qui commence à la fréquenter et à lui offrir des cadeaux dispendieux pourrait-il, selon le projet de loi C-20, être reconnu coupable d'une infraction selon le Code criminel et passible d'une peine d'emprisonnement de 10 ans? Est-ce le genre de situation que vous essayez d'empêcher et de résoudre?

+-

    M. Martin Cauchon: Le projet de loi C-20 envoie un message clair à l'ensemble de la société canadienne. Je constate qu'il y a essentiellement un consensus autour de la table que le message que nous voulons transmettre est à l'effet que nous voulons protéger l'ensemble de nos jeunes au Canada.

    Votre question est essentiellement hypothétique et incomplète car l'infraction que nous créons, qui est celle d'une relation basée sur l'exploitation, va permettre au juge de pouvoir analyser chaque cause à son mérite en regard de l'ensemble des faits. Vous soulevez un élément, mais le juge aura devant lui bon nombre d'éléments. Chaque cas sera un cas d'espèce et il devra prendre en considération ce qu'on a mentionné à plusieurs reprises. La question de la différence d'âge est un élément important qui devra être pris en considération, mais il y a toutes sortes d'autres considérations, et le juge se fera une idée.

+-

    M. Richard Marceau: Je vais poser ma question de façon différente, plus précise et non pas hypothétique. Est-ce que le projet de loi C-20 couvre des situations qui ne sont pas couvertes actuellement par le Code criminel? Si oui, quelles sont-elles? Quel nouvel élément de droit contenu dans le projet de loi C-20 va faire en sorte que nos enfants, qui sont notre bien le plus précieux et qui sont les personnes les plus précieuses dans nos vies, seront mieux protégés qu'avant?

+-

    M. Martin Cauchon: Maintenant, le tribunal va se pencher sur la nature d'une relation. Je disais tout à l'heure que l'âge de consentement est de 18 ans lorsqu'on parle d'un lien de dépendance, de confiance, d'autorité, et c'est très clair en matière de prostitution et de pornographie juvénile, évidemment.

    Avec la nouvelle infraction, le tribunal va pouvoir se pencher sur le caractère de la relation, l'aspect d'exploitation de la relation, ce qui est vraiment une infraction nouvelle, en dehors des infractions qui existent actuellement. Encore une fois, ce qu'il est important de souligner, c'est que le tribunal devrait avoir devant lui l'ensemble de l'historique de la relation. Par exemple, il y a des craintes qui ont été soulevées par rapport à la question des gens qui pourraient venir au Canada et faire ce qu'on appelle du tourisme sexuel. Toutes ces choses-là sont des éléments qui devront être pris en considération. On parle de la nature de la relation, de la différence d'âge. Il y a un bon nombre de critères sur lesquels le tribunal va pouvoir se pencher, mais c'est vraiment une infraction nouvelle.

  +-(1215)  

[Traduction]

+-

    Le président: Merci.

    Je cède maintenant la parole à Mme Jennings pour trois minutes.

[Français]

+-

    Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Merci beaucoup pour votre présentation et pour les clarifications que vous avez apportées sur les nouvelles accusations concernant des relations sexuelles ou activités sexuelles entre un adulte et un jeune.

    J'aimerais revenir sur la question de la pornographie juvénile et sur les dispositions qu'on retrouve dans le projet de loi C-20 qui tentent de répondre aux préoccupations qui ont été soulevées par le jugement de la Cour suprême du Canada dans la Reine contre Sharpe, la question de valeur artistique, etc.

    On dit que même si on juge que le matériel en question comporte des images de pornographie juvénile, il y aurait quand même un moyen de défense, qui est le bien public. Je dois vous dire que je ne suis peut-être pas objective, vu que je suis la mère d'une jeune fille, mais cela me préoccupe, parce que je me demande si le message qu'on envoie est qu'il y a des circonstances dans lesquelles la pornographie juvénile peut être une bonne chose lorsqu'on dit qu'il y a un moyen de défense, qui est le bien public.

    J'aimerais que vous répondiez pour me rassurer, parce que j'ai quand même confiance en vous, monsieur le ministre. Je trouve que vous avez fait un excellent travail comme ministre jusqu'à maintenant, que vous avez bien géré plusieurs dossiers, alors j'aimerais que vous me rassuriez sur le message qui est envoyé au public et aux parents quand on dit qu'il peut exister un moyen de défense légitime, qui est le fait que le bien public est servi, même lorsqu'on a jugé que le matériel en question comporte de la pornographie juvénile.

+-

    M. Martin Cauchon: C'est un message clair que le projet de loi C-20 veut envoyer et que vous voulez envoyer, et je le vois de par la nature de votre question. Vous êtes mère de famille. Je suis aussi père de trois enfants et je pense qu'on a tous à coeur ici de protéger l'ensemble les enfants dans notre société.

    Quand vous regardez le projet de loi C-20, le message est clair. Regardez le premier élément, qui est la question de la pornographie juvénile, le matériel écrit. Ce qu'on est en train de faire, essentiellement, avec le projet de loi C-20, c'est d'élargir l'application de la définition de la pornographie juvénile, pour être capables d'aller englober d'autres écrits qui, aujourd'hui, n'auraient pas pu être englobés, comme par exemple dans la fameuse affaire Sharpe à laquelle je me référais tout à l'heure. C'est l'exemple classique.

    Le deuxième élément est la question du moyen de défense. Évidemment, quand on regarde la question des écrits, il y a le matériel artistique, il y a la question scientifique; toutes ces choses-là existent encore. Si le matériel est catégorisé comme étant de la pornographie juvénile, les gens vont vouloir se rabattre sur le moyen de défense qui existe et devront passer deux tests, soit le test du bien public. Le test du bien public est un test qui existe au moment où on se parle au niveau du Code criminel, qui a été interprété par les tribunaux, mais qui n'est pas du tout là pour légitimer la pornographie juvénile, pas du tout.

    Par contre, ce qu'il faut se dire, c'est que comme société, on veut s'assurer de mettre en place un outil législatif qui va être efficace et capable de résister à l'analyse des tribunaux. Le moyen de défense demeure; il a été modifié, il est, selon moi, plus sévère, mais c'est un moyen de défense qui doit demeurer, à cause évidemment des questions de la Charte canadienne des droits et libertés. Il faut aller chercher le juste équilibre, mais en ayant toujours en tête l'objectif premier, qui est d'offrir toute la protection que la société canadienne doit offrir aux enfants. Cela demeure toujours l'objectif suprême.

  +-(1220)  

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur Mark, vous avez trois minutes.

+-

    M. Inky Mark: Merci, monsieur le président.

    Le nouveau paragraphe 153(1.2) traite des facteurs à considérer. Nous avons déjà parlé de l'âge, de l'évolution de la relation et de l'emprise ou de l'influence de la personne sur l'adolescent. L'orientation sexuelle est-elle un facteur à considérer? Est-ce un facteur qui figure dans ce projet de loi?

+-

    Mme Carole Morency: Peut-être pourriez-vous préciser votre question. Je ne suis pas certaine...

+-

    M. Inky Mark: Je pose simplement une question.

+-

    Mme Carole Morency: La nature de la relation englobe tous les facteurs qui, selon le tribunal, prouvent qu'on a profité de l'adolescent et exploité sa vulnérabilité. Cette disposition énonce trois facteurs, mais cette liste n'est pas exhaustive. Le tribunal peut tenir compte d'autres facteurs, selon les circonstances. Mais en soi, il est difficile d'imaginer un cas hypothétique.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Monsieur Lee.

+-

    M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.): Merci.

    D'après les questions qui ont été posées aujourd'hui, je constate qu'on a encore du mal à faire la distinction entre le baiser lascif, les attouchements sexuels et les rapports sexuels—du moins dans le cadre des dispositions relatives aux agressions criminelles.

    J'aimerais poser la question au ministre, même si je présume que personne ne tient à faire une distinction entre ces activités, sauf dans la mesure où le Code le fait déjà. Depuis 10 ou 20 ans au moins, et avec ce projet de loi, on cible essentiellement le préjudice qui découle d'une agression ou de l'exploitation. Il est certain que le concept de l'exploitation est au coeur de la pornographie juvénile. Ai-je raison de croire que ce projet de loi ne vise pas à criminaliser les rapports sexuels ou les attouchements sexuels des adolescents d'une quinzaine d'années, et qu'il cible plutôt...? Ces activités ne sont pas comme telles mal ou préjudiciables, à moins que quelqu'un ici croie que les rapports sexuels soient de nature criminelle.

    Nous ciblons donc l'exploitation dont peuvent faire l'objet certains adolescents de 14 à 18 ans. C'est l'approche que nous avons préférée à une modification de l'âge du consentement. Nous avons mis l'accent sur le préjudice causé par l'exploitation d'un adolescent. C'est l'approche que nous avons préférée à la criminalisation du baiser lascif chez les adolescents de 17 ans, ce que nous aurions dû faire si nous avions relevé l'âge du consentement à 16 ou 18 ans, comme bon nombre l'ont suggéré. Ai-je bien compris?

+-

    Le président: Merci, monsieur Lee.

    Madame Morency.

+-

    Mme Carole Morency: Il importe d'abord de rappeler ce que le ministre a souligné, à savoir que toute activité sexuelle non consensuelle est une agression. Ça n'a rien à voir avec l'âge de consentement.

    Dans le préambule à votre question, vous avez indiqué que les interdictions prévues au droit pénal visent toute une gamme d'activités sexuelles allant des attouchements sexuels, y compris le baiser, jusqu'aux rapports sexuels. Dans les années 80, le Code criminel a fait l'objet d'un examen et d'une importante refonte et, depuis, il n'y a plus d'infractions sexuelles particulières pour la pénétration, par exemple. Cela s'inscrit dans les dispositions générales sur l'agression sexuelle.

    De plus, en 1988, on a revu les dispositions sur l'agression sexuelle contre des enfants compte tenu du fait que les enfants peuvent être victimisés et subir un préjudice tout aussi grave que l'activité sexuelle ait été bénigne ou grave.

    Les dispositions actuelles du Code criminel sont censées nous permettre de traiter de tous les éléments associés aux infractions sexuelles—les sévices, le préjudice et l'exploitation inhérents à la prostitution et à la pornographie juvéniles. Dans le projet de loi C-20, on tient compte de la vulnérabilité particulière des adolescents de 14 à 18 ans et on vise ceux qui voudraient exploiter cette vulnérabilité. Avec le projet de loi C-20, on comble cette lacune qui avait été soulevée relativement à l'âge de consentement. On n'y inclut pas l'élément des sévices car, vous l'avez souligné, cela figure déjà dans d'autres articles du Code criminel.

  +-(1225)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Je cède maintenant la parole à M. Sorenson qui sera suivi de M. Macklin.

+-

    M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne): Merci, monsieur le ministre, d'être venu témoigner.

    Au cours des 12 derniers mois, nous avons constaté que chacun d'entre nous s'attend à une certaine tolérance mais que chacun doit aussi faire preuve de tolérance. Nous savons qu'il faut faire preuve de tolérance à l'égard des personnes, mais la tolérance n'est jamais indiquée quand il s'agit de la vérité, de ce qui est bien et de ce qui est mal. Autrement dit, le mal ne doit pas être toléré. Ce qui est bien est bien même si personne n'a raison et ce qui est mal est mal même si tout le monde a tort. Par principe, nous ne devons tolérer que ce qui est bien. Nous n'avons pas besoin d'un gouvernement qui n'est disposé à adopter que les lois qui font plaisir à tous; on n'en attend pas moins de notre gouvernement. Ce qu'il nous faut, c'est un gouvernement qui est prêt à adopter les lois qui s'imposent même si certains estiment qu'il a tort de le faire. Autrement dit, nous devons faire preuve de tolérance à l'égard de ce qui doit être fait même si certains estiment qu'on a tort de faire ce qui doit être fait.

    Il y aura toujours des gens qui voudront protéger les Sharpe de ce monde, mais un gouvernement courageux saura faire ce qui doit être fait même si on exerce des pressions pour qu'il fasse le contraire.

    Vous avez dit : « Si nous pouvons déposer un amendement qui fera en sorte que les enfants seront mieux protégés, nous sommes disposés à l'envisager », mais vous avez fait suivre cette phrase du mot « mais ».

    Il faut apporter au projet de loi C-20 des amendements qui nous permettront de faire ce qui s'impose. Il faudrait d'abord modifier l'âge de consentement. Notre pays ni notre gouvernement ne devraient accepter que l'âge de consentement soit de 14 ans. Il faut relever cet âge à 16 ans.

    Dans votre témoignage, vous avez parlé de peines maximales. Vous avez dit que les peines maximales seraient plus sévères. Or, il est très rare que les tribunaux du pays imposent les peines maximales. Il nous faut donc un gouvernement qui reconnaisse certains principes absolus : nous ne tolérerons pas la pornographie juvénile; nous ne tolérerons pas l'exploitation des enfants. Relever les peines maximales ne suffit pas. Il nous faut des peines minimales qui feront savoir directement à tous les intéressés que nous ne passerons pas outre à certains principes absolus concernant les enfants du pays.

    De plus en plus, ceux qui sont pris avec de la pédopornographie en leur possession s'en tirent avec une peine avec sursis. Nous ne devrions plus tolérer que des personnes possèdent de la pédopornographie et victimisent nos enfants. Ce n'est qu'une question de temps, monsieur le ministre. Tôt ou tard, on en viendra à dire que la pédophilie et la pédopornographie relèvent du domaine de la santé. Tôt ou tard, on prétendra que la pédophilie et la pornographie sont des maladies et que ceux qui en souffrent ont besoin d'aide. Serez-vous alors prêt à les emprisonner? Non, vous continuerez de permettre les peines avec sursis pour ces délinquants.

    Nous devons dire haut et fort que notre pays n'a aucune tolérance pour la pornographie juvénile. Le projet de loi C-20 a raté la cible. Imposerez-vous des peines minimales à ceux qui exploitent les enfants? Imposerez-vous des peines minimales à ceux qui ont en leur possession de la pornographie juvénile?

  +-(1230)  

+-

    Le président: Je vous remercie, monsieur Sorenson.

    Monsieur le ministre.

+-

    M. Martin Cauchon: J'ai expliqué dans ma déclaration préliminaire que dans certains cas les peines vont doubler et dans d'autres tripler. Cela étant dit, le tribunal devra rendre une décision qui reflétera le message très clair que le gouvernement fait passer par le projet de loi C-20, à savoir qu'il n'y a aucune place au Canada—et en fait, dans le monde entier—pour ceux qui font la promotion de la pornographie juvénile. Il s'agit d'un crime dégoûtant. Notre société doit prendre tous les moyens possibles pour empêcher certaines personnes et certains groupes de personnes de s'en prendre à nos enfants.

    Que vous disiez ou que vous pensiez même que le gouvernement ne fait pas tout ce qu'il peut... je ne vois vraiment pas comment vous pouvez penser cela. Nous faisons de notre mieux pour améliorer nos lois et comme une comparaison avec les lois adoptées dans d'autres pays le montre, le Canada a adopté certaines des meilleures lois au monde pour lutter contre la pornographie juvénile à l'échelle nationale. Qui plus est, le Canada participe aussi très activement sur la scène internationale et au sein des pays du G-8 aux efforts déployés pour lutter contre la pornographie juvénile. Il n'y a aucune tolérance au Canada pour ce genre d'activités.

    Cela dit, nous devons nous assurer, monsieur le président, que l'outil dont nous nous doterons pour lutter contre ce crime protégera efficacement nos enfants et résistera aux contestations judiciaires. À mon avis, c'est exactement ce type d'outil que nous donne le projet de loi C-20.

    Dans sa conclusion, M. Sorenson a fait allusion aux peines avec sursis. Je me permets d'abord de faire remarquer que la Cour suprême du Canada a reconnu qu'il s'agissait d'outils valides dans certaines circonstances qu'elle a d'ailleurs clairement précisées. La population canadienne sait que les peines avec sursis peuvent constituer des outils valides. Se reportant à certains jugements qui ont été rendus au cours des dernières années, certains de mes collègues ont cependant dit craindre que nous ne faisions pas bon usage de ces peines.

    Monsieur le président, il s'agit d'une question tout à fait différente que votre comité examine actuellement. Nous attendons le dépôt de votre rapport sur le sujet. La question des peines avec sursis sera aussi de nouveau abordée lors d'une réunion fédérale-provinciale-territoriale qui aura lieu la semaine prochaine. Il s'agit de voir ce que nous pouvons faire pour améliorer l'utilisation de ces peines dont l'utilité a été reconnue par la Cour suprême.

+-

    Le président: Monsieur Macklin.

+-

    M. Paul Harold Macklin (Northumberland, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.

    J'aimerais aborder la question de la protection que nous devons accorder à nos enfants, lesquels ne sont pas toujours traités comme ils le devraient par notre société, sous un angle quelque peu différent. Le fait pour un enfant de témoigner devant un tribunal peut être pour lui une expérience traumatisante.

    Le projet de loi semble indiquer que nous voulons adopter une nouvelle approche en ce qui touche le témoignage des enfants. Jusqu'ici, certaines conditions devaient être respectées pour que l'enfant puisse témoigner devant un tribunal. Il fallait d'abord établir si l'enfant comprenait la nature du serment ou de la déclaration qu'il devait faire et deuxièmement s'il pouvait communiquer des éléments de preuve au tribunal. Je vois que le projet de loi cherche à faire en sorte de créer des conditions qui permettent à l'enfant qui témoigne devant le tribunal de se sentir à l'aise et de présenter les éléments de preuve de façon adéquate. Cette approche me semble tout à fait essentielle étant donné qu'il ne peut y avoir de condamnation que si les éléments de preuve sont présentés adéquatement au tribunal

    Du point de vue des principes, comment expliquez-vous le fait que les conditions régissant les témoignages des enfants ont changé? Pourriez-vous nous expliquer les changements proposés à cet égard dans le projet de loi ainsi que l'approche que nous comptons adopter en ce qui touche ces témoignages?

  +-(1235)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Macklin.

+-

    M. Martin Cauchon: Comme vient de le dire M. Macklin, il y a des conditions dans la loi actuelle. Le projet de loi C-20 les abolit. Ainsi, essentiellement, le procureur de la Couronne devra présenter la demande et le juge devra trancher. Évidemment, même s'il n'y a aucune condition, le juge interrogera et tiendra compte de l'administration de la justice. S'il n'est pas dans l'intérêt de l'administration de la justice d'accorder des moyens pour faciliter le témoignage, le juge ne les accordera pas. Vous avez raison de dire que nous avons éliminé les conditions et qu'il suffira d'une demande pour avoir accès à une aide. Dans le cas de ceux de plus de 18 ans, le juge devra décider si le témoin, sans aide, donnera un récit complet et franc des faits. La situation est différente dans le cas de ceux de plus de 18 ans. Dans l'optique de la bonne administration de la justice, le juge devra décider si, à la lumière de toutes les circonstances, le témoin, sans aide, pourra donner un récit complet et franc des faits.

+-

    Le président: Merci, monsieur Macklin, monsieur le ministre.

    Monsieur Marceau suivi de M. Jobin.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: J'aimerais faire un commentaire et poser une question.

    D'abord, je suis toujours surpris d'entendre dire, par les membres d'une même formation politique, qu'on veut à la fois augmenter l'âge du consentement sexuel et abaisser l'âge de la responsabilité criminelle à 12, voire à 10 ans. J'ai toujours trouvé ce point de vue assez particulier.

    Voici maintenant ma question. La facilitation du témoignage des enfants, en tant que témoins ou victimes, soulève évidemment toute la question du droit d'un accusé à une défense pleine et entière. Or, comment pouvez-vous nous garantir que ce droit, qui est quand même reconnu dans la Charte canadienne des droits et libertés, ne sera pas brimé de quelque façon que ce soit si on essaie de mieux protéger ces enfants, ce qui, en soi, est un objectif extrêmement louable? Pouvez-vous affirmer que l'équilibre entre ces deux droits qui s'affrontent est, dans ce projet de loi C-20, le meilleur qui soit ?

+-

    M. Martin Cauchon: C'est toujours une question d'équilibre et d'appréciation par le tribunal. De toute évidence, le projet de loi C-20 est défini et préparé avec le souci de maintenir cet équilibre. On veut s'assurer que les jeunes soient capables de témoigner de façon correcte tout en étant à l'aise devant le tribunal.

    Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, le test ultime est assez simple. Dans le cas d'un jeune, le juge devra prendre en considération l'administration de la justice. Ce que vous venez de soulever sera pris en considération par le juge.

    Un autre exemple, qui a été soulevé à plusieurs reprises, est celui du contre-interrogatoire lorsqu'un accusé se représente lui-même. Cela s'est vu par le passé. Par exemple, récemment, il y a eu un cas en Nouvelle-Écosse; les gens connaissent bien cette cause. Dans une telle situation, si l'accusé qui se représente ne peut pas procéder au contre-interrogatoire, le juge peut ordonner la présence d'un avocat qui, lui, s'en chargera. Donc, tout est mis en place pour s'assurer qu'il y ait un équilibre entre les deux parties.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Marceau, monsieur le ministre.

    Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Jobin. Nous allons fêter votre arrivée ici en vous accordant trois minutes.

[Français]

+-

    M. Christian Jobin (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, Lib.): C'est la première question que je pose en comité et j'ai l'honneur de la poser au ministre Cauchon.

    D'abord, monsieur le ministre, je tiens à vous remercier pour le bon travail que vous accomplissez à l'égard du projet de loi C-20 sur la protection des enfants et d'autres personnes vulnérables. Ma question est d'ordre plutôt général, mais je pense néanmoins qu'elle concerne le sujet dont on traite aujourd'hui; il s'agit de l'accès à l'Internet et de la profusion des sites pornographiques qui prévalent actuellement. Savez-vous que si vous tapez www.porno ou www.xxx, 83 millions de sites, auxquels nos enfants peuvent avoir accès très facilement, vont apparaître?

    Je pense que de plus en plus, nos enfants ont accès à de l'information à caractère sexuel. Vous savez sans doute qu'à Québec, un réseau de prostitution juvénile a largement fait les manchettes; or, ce qui se passe sur l'Internet présentement est tout près de nous. Par exemple, l'autre jour, mon garçon de huit ans a reçu un courriel à caractère sexuel. J'étais très surpris de voir ça sur mon site internet.

    Je ne sais pas si à l'heure actuelle, le Canada applique des mesures pour contrer ce phénomène. Au pays, la quantité de sites à caractère sexuel a augmenté de 1 882 p. 100, et nos jeunes ont accès à ces sites rapidement et facilement. Je pense que ma question a un certain rapport avec le sujet d'aujourd'hui, même si elle n'est pas abordée dans le projet de loi C-20.

  +-(1240)  

+-

    M. Martin Cauchon: Monsieur le président, ici, le député fait essentiellement référence au projet de loi C-15A, dans lequel il est d'abord question de cas où les jeunes sont attirés par l'entremise de l'Internet et où on parle ensuite de pornographie juvénile, également sur l'Internet. Il est aussi question de l'accès à l'Internet en cette matière, ce qui est strictement illégal ici, au Canada. Non seulement est-ce criminel, mais dans ces cas, la cour peut ordonner que des sites soient tout simplement bannis du réseau internet.

    Je pense que dans ce domaine, nous avons au Canada une bonne législation. Néanmoins, la question que vous soulevez a des ramifications au niveau international. On s'aperçoit maintenant que de plus en plus, la pornographie juvénile provient de pays qui n'ont ni tout à fait les mêmes lois ni la même capacité au chapitre des forces de l'ordre. Ainsi, pour continuer notre combat contre la pornographie juvénile, nous devons, à mon avis, nous assurer d'une plus grande coopération à l'échelle internationale.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci.

    Nous allons maintenant passer à M. Mark pour trois minutes. Cela complétera le tour. Il me reste encore quatre noms.

+-

    M. Inky Mark: Merci, monsieur le président.

    Je voulais traiter de la question du vol de documents personnels comme des photos, qui sont ensuite distribuées sur Internet, et de la possession sans intention criminelle. Je pense que tous les parents ont pris des photos de leurs enfants nus dans la baignoire. Ce n'est pas la photo qui me préoccupe, mais le vol de la photo à des fins commerciales. Comment suis-je protégé, moi, le parent, d'une fausse accusation de vente de pornographique juvénile?

    Dans la même veine, M. Jobin a très bien présenté la chose. À cause du pourriel, nous sommes tous inondés d'informations que nous ne voulons pas avoir, comme vous le savez, et il n'est pas facile de se débarrasser de toutes ces choses qui arrivent dans votre ordinateur, car même lorsqu'on les supprime, c'est toujours en mémoire. Comment savons-nous que ce genre d'information ne va pas nous criminaliser, nous qui sommes innocents?

+-

    M. Martin Cauchon: Permettez-moi de répondre à la deuxième partie de la question. Comme je l'ai dit, nous avons de bonnes lois ici au Canada, mais en plus des lois, j'aimerais porter à l'attention des collègues autour de la table que l'an dernier, avec le gouvernement du Manitoba, nous avons créé une ligne de dénonciation, qui s'appelle Cybertip. Essentiellement, nous avons mis en place quelque chose qui a réussi aux États-Unis ces dernières années. Lorsque l'on regarde les résultats que nous avons obtenus avec Cybertip, c'est étonnant. Nous recevons beaucoup d'informations, nous avons réussi de nombreuses enquêtes et il en est question ici au Canada, mais nous coopérons aussi avec d'autres pays. J'aimerais étendre cet outil à tout le Canada, d'un océan à l'autre.

+-

    Le président: Madame Morency.

+-

    Mme Carole Morency: Merci.

    En ce qui concerne les photos que pourrait prendre un parent d'un enfant dans le bain, la décision de la Cour suprême dans l'affaire Sharpe est très claire déclarant que ce genre de photographie n'est pas assujettie aux dispositions sur la pornographie juvénile. Toutefois, dans l'exemple que vous décrivez, le parent qui cherche à profiter de la distribution ou de l'offre de telles photographies, là encore, la Cour suprême dans ses décisions et son interprétation estime que c'est visé par les dispositions actuelles. La décision de la Cour suprême dit clairement—je réponds là à une question précédente—que ce genre de photographies n'est pas visé.

  +-(1245)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Madame Fry

+-

    Mme Hedy Fry: Merci.

    Je suis toujours préoccupée par ce qu'a mentionné M. Mark. Les parents trouvent parfois mignon d'envoyer à tous leurs amis une photo de leur bébé ou de leur petit enfant couché sur une couverture. Ce que je veux savoir, c'est comment peuvent-ils être victime d'une personne malicieuse qui souhaite démontrer que le parent a de mauvaises intentions? Voilà la première partie. Je vais vous laisser nous expliquer cela.

    Je continue à me préoccuper de l'exploitation sexuelle commerciale des enfants. Nous savons à cause de toute l'information que nous avons que les jeunes s'adonnent à des activités sexuelles à un âge de plus en plus précoce pour deux raisons. Tout d'abord parce qu'ils atteignent l'âge physiologique de la puberté plus tôt et deuxièmement, parce que les jeunes semblent, pour des raisons inconnues, se développer physiquement à un âge plus jeune. Je sais comme médecin qu'il y a des jeunes de 12 et 13 ans qui deviennent sexuellement actifs. Je ne sais pas ce que nous pouvons faire de ces revues—c'est une question de liberté de la presse—qui aggravent la situation en montrant des jeunes qui posent en faisant l'amour dans de la lingerie, parce que c'est mignon. Nous savons maintenant que plus vous êtes jeune, plus les agences de mannequins vous recherchent. Il y a eu un article récemment dans le journal au sujet de jeunes de 13 ans qui s'habillent de façon très provocante. Que faire de ce genre de publicité qui n'est, à mon avis, d'aucune façon, dans l'intérêt public, mais représente le « modelling » dans des revues de mode par des jeunes de 12 ans qui s'affichent de façon très provocante, encourageant ainsi les jeunes lectrices de 12 ans à faire la même chose?

+-

    Le président: Excellente question. Le ministre va y réfléchir pendant un moment. Nous allons nous arrêter pendant cinq minutes.

  +-(1250)  

+-

    Le président: Nous reprenons nos travaux.

    Nous attendons tous la réponse du ministre à la question de Mme Fry, mais c'est Mme Morency qui va répondre.

+-

    Mme Carole Morency: Au sujet de la première question sur la photo innocente d'un bébé, il s'agit de savoir si cela tombe sous le coup de la définition prévue dans le Code criminel. S'il s'agit d'une photo dont la caractéristique dominante de l'enfant, ce sont ses organes sexuels ou la région anale et ce à des fins sexuelles, c'est visé par la définition. L'arrêt de la Cour suprême dans l'affaire Sharpe a précisé la définition. Le genre d'exemple que vous décrivez n'est clairement pas à des « fins sexuelles » mais là encore si la photo est distribuée ou utilisée en vue d'en tirer profit, il y aurait peut-être lieu d'invoquer la définition puisque c'est très clair que la photo a été distribuée à des fins sexuelles.

    En ce qui concerne l'utilisation ou la sexualisation des jeunes par les médias, c'est une question dont on discute avec tous les ministères du gouvernement fédéral. Vous savez peut-être que la sénatrice Landon Pearson préside un comité interministériel, en partenariat avec la communauté et le secteur privé, qui examine une vaste gamme de situations d'exploitation sexuelle des enfants, y compris à des fins commerciales. Il est clair que l'on doit examiner la question que vous soulevez en adoptant une approche de partenariat avec les médias, une campagne de sensibilisation, plutôt que d'adopter l'approche de la criminalisation.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Monsieur Cadman.

+-

    M. Chuck Cadman: Merci, monsieur le président.

    Monsieur le ministre, il est clair que la mise en place de lois adéquates est un élément du tableau. On peut ne pas s'entendre sur la pertinence de ces lois, mais il ne faut pas oublier qu'un des éléments les plus importants, c'est la tenue des procès. Les policiers, et surtout ceux qui travaillent dans les grands centres urbains comme Toronto ou Vancouver, nous ont fait part de leur inquiétude face à l'immense volume d'éléments de preuve qu'ils doivent dépouiller.

    En fait, tout cela se ramène à deux choses. D'abord, il faut qu'il y ait suffisamment de ressources policières pour que ces affaires se retrouvent devant les tribunaux. Il y a ensuite les règles de divulgation qui mécontentent bon nombre de policiers. En raison de ces règles, il faut que chaque photo soit traitée individuellement et, dans certains cas, il y en a des centaines de milliers sur un seul ordinateur.

    S'est-on attardé sur les ressources dont disposent les policiers de première ligne pour s'attaquer à la pornographie juvénile ou aux règles qui régissent la divulgation?

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    Le président: Monsieur le ministre.

+-

    M. Martin Cauchon: Pour ce qui est des ressources, nous convenons que plus il y aura de ressources, plus la lutte contre la pornographie juvénile sera efficace. Cela dit, mon collègue M. Wayne Easter serait mieux placé pour répondre à votre question. Il pourrait sans doute vous indiquer le nombre exact de personnes travaillant dans ce domaine et, si oui ou non, il a besoin de ressources supplémentaires.

    La deuxième question que vous avez soulevée, à savoir l'efficacité du système judiciaire, est importante. Bien évidemment, la gestion des tribunaux est une compétence provinciale mais dans certains cas, le gouvernement canadien a son mot à dire—par exemple, dans le cas du droit pénal.

    J'en profite pour vous indiquer qu'à la rencontre fédérale-provinciale-territoriale de la semaine prochaine il sera question de l'efficacité du système judiciaire dans le cas d'une série de procès. On parlera sans doute du mégaprocès, entre autres, afin de s'assurer que notre système judiciaire continue de bien fonctionner.

  +-(1255)  

+-

    M. Chuck Cadman: Eh bien, c'est vraiment la divulgation qui inquiétait les policiers.

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Cadman.

    Madame Morency.

+-

    Mme Carole Morency: Très rapidement, pour revenir à la divulgation. Les policiers examinent chacune des photos saisies pour deux raisons : premièrement, pour déterminer s'il s'agit effectivement de pornographie juvénile et, deuxièmement, pour tenter d'identifier la victime, sur la photo ou l'image, dans le but de la secourir si possible. Par conséquent, le processus d'examen des photos est important d'une part pour identifier les victimes et, d'autre part pour essayer de les protéger.

    Cela dit, nous sommes conscients des problèmes. Les règles de divulgation canadiennes, qui dictent que les policiers doivent analyser chacune des photos, ressemblent à celles qu'on retrouve dans d'autres pays, notamment en Grande-Bretagne et aux États-Unis. Je répète que le ministre a mentionné que des efforts seraient déployés, par le biais du G-8, pour simplifier le processus. C'est une question qui sous-tend la stratégie en ligne contre l'exploitation sexuelle des enfants, la base de données.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Monsieur Lee, et ensuite Mme Jennings, qui posera la dernière question.

+-

    M. Derek Lee: Je veux revenir à la question de l'âge du consentement. M. Sorenson a laissé entendre que cet âge devrait être porté à 16 ans. Je ne sais pas s'il s'en rend compte, mais cela aurait immédiatement pour effet, bien sûr, de criminaliser les baisers ou les attouchements sexuels par des adolescents de 15 ans ou entre eux. C'est ce qui arriverait si on haussait l'âge du consentement.

    Oh, oui, cela aurait exactement cet effet, monsieur Sorenson...

+-

    M. Kevin Sorenson: J'invoque le Règlement, monsieur le président...

+-

    Le président: Eh bien, c'est un débat.

+-

    M. Derek Lee: Je dis seulement que c'est une conséquence qu'aurait l'abaissement de l'âge du consentement.

    Le ministère a-t-il jamais envisagé d'exclure de la loi les rapports sexuels et de simplement hausser pour ces derniers l'âge du consentement, pour cette activité donnée? Ou serait-il même possible de le faire? Je me rends compte que cela nous éloigne du concept de l'exploitation et nous ramène à un sujet que nous avions délaissé il y a 10 à 20 ans pour des raisons de politique d'intérêt public, mais serait-ce faisable?

+-

    Le président: Madame Morency.

+-

    Mme Carole Morency: Je réitère ce que j'ai dit plus tôt. Il est bien certain que depuis les années 80 la tendance a été de ne plus se concentrer sur un très petit nombre de comportements sexuels, compte tenu des conclusions d'une étude très vaste, notamment celle du comité Badgley, qui s'était penché sur toutes les formes de victimisation sexuelle des enfants et avait reconnu que les enfants pouvaient être victimisés de bien des façons. Même s'il n'y a pas eu rapport sexuel, les répercussions sur un enfant victime d'un comportement moins grave peuvent être tout aussi néfastes. Le Code criminel tient donc compte de toute la gamme de comportements et de dommages dont l'enfant peut être victime. C'est l'orientation suivie au Canada en matière de réforme du droit pénal.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Sorenson, puis madame Jennings.

+-

    M. Kevin Sorenson: Merci, monsieur le président.

    Tout d'abord, pour être bien franc, c'est une réponse typiquement libérale et parmi les moins honorables, à mon avis, Derek. Personne n'a jamais laissé entendre que l'âge du consentement devait être abaissé à 15 ans pour que les baisers et les attouchements deviennent une infraction criminelle. Je pense que nous disons très clairement quand nous parlons de l'âge du consentement qu'il est question de l'âge voulu pour consentir à des rapports sexuels. C'est ce dont nous parlons. Nous ne parlons pas de créer une infraction criminelle dans le cas d'une personne de 18 ans, si son partenaire n'en a que 16.

    Dans notre parti, nous sommes très préoccupés par l'exploitation qu'on fait d'enfants dans des rapports sexuels, des enfants qui ont 14 ans et ont des rapports sexuels avec des adultes dans la vingtaine, la trentaine ou la quarantaine. Il est donc faux de dire que nous tentons de quelque façon de criminaliser les baisers et les attouchements de jeunes de 14 ans, comme vous le dites.

·  +-(1300)  

+-

    Le président: D'accord, nous allons laisser le mot de la fin à Mme Jennings et je vous remercie tous de votre patience.

    Madame Jennings.

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    Mme Marlene Jennings: Je vais faire quelques observations.

    Comment définit-on, s'il vous plaît, les rapports sexuels?

    Une voix : Oh, oh!

    Mme Marlene Jennings : En posant cette question, je pense à Bill Clinton, qui avait une définition différente de celle de la plupart des gens.

    Des voix : Oh, oh!

    Mme Marlene Jennings : Je pense à la question soulevée par M. Mark et Mme Fry au sujet d'un parent qui photographie un enfant nu. La photo pourrait être prise à l'heure du bain, au lit, à l'extérieur ou peu importe. Le parent va faire développer ces photos, cette photo est volée et devient du matériel pornographique. De nos jours, de plus en plus de familles transmettent des photographies par voie électronique pour les montrer à des amis et à des membres de la famille, étant donné que la plupart des foyers sont abonnés à Internet. Le Canada est le pays le plus branché au monde; nous avons l'un des plus forts taux d'abonnements à Internet. Je photographie mon enfant, au cours d'une fête d'anniversaire ou à la piscine, ou peu importe, et j'envoie ces photos à des parents et à des amis dans d'autres pays, ou ailleurs au Canada et d'une façon ou d'une autre quelqu'un s'en empare. On les retrouve alors en la possession de quelqu'un, et mon enfant, ou un des enfants qui se trouvent sur la photo avec mon enfant, est identifié et on remonte jusqu'à moi. Comment puis-je me défendre dans une telle affaire? Vraiment, comment puis-je me défendre?

    Il est clair que c'est moi qui ai pris cette photo; il est tout aussi clair que la photo s'est retrouvée dans du matériel pornographique. Nous savons déjà qu'avec la technologie... Nous avons vu que quand Oprah Winfrey pesait près de 300 livres, on a trafiqué son image en surimposant sa tête sur le corps d'une magnifique jeune femme noire. La plupart des femmes, peu importe leur couleur, auraient été ravies d'avoir un tel corps. Il était pour ainsi dire impossible de prouver que sa tête avait été surimposée, sauf que tout le monde savait bien que c'était le cas parce qu'elle pesait 200 livres de plus que le corps de la photo trafiquée.

    Des voix :Oh, oh!

    Mme Marlene Jennings : Avec la technologie d'aujourd'hui, comment pouvons-nous nous défendre dans ces situations, parce que ça peut arriver?

+-

    Le président: Merci, madame Jennings.

    Madame Morency.

+-

    Mme Carole Morency: Eh bien, à nouveau, quand une infraction est commise au Canada il faut encore prouver qu'il y a eu intention délictuelle et acte coupable. Avait-on l'intention de commettre l'acte en question, et était-ce un acte coupable?

    Les dispositions actuelles sur la pornographie juvénile visent bel et bien la pornographie juvénile virtuelle. Autrement dit, prendre le visage d'un enfant dans une photographie tout à fait innocente et le transposer sur une autre à l'aide des nouvelles technologies constituerait un acte de pornographie juvénile. Mais encore là, dans le cas du parent que vous décrivez, y avait-il intention délictuelle? Ce serait certainement débattu au tribunal.

    Je ne sais pas si vous posiez la question sérieusement, mais le Code criminel définit les rapports sexuels à l'article 4. « Pour l'application de la présente loi, les rapports sexuels sont complets s'il y a pénétration même au moindre degré et bien qu'il n'y ait pas d'émission de semence ». Il existe donc une définition.

    Des voix : Oh, oh!

+-

    Le président: Excusez-moi, monsieur le ministre, avant de terminer, je vais donner à M. Breitkreuz l'occasion de poser rapidement une question, parce qu'il n'a pas encore pu le faire.

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    M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, Alliance canadienne): Merci.

    Monsieur le ministre, je me pose des questions au sujet de vos réponses. Vous avez dit qu'il y aura maintenant une deuxième étape dans la défense pour déterminer si une mesure est dans l'intérêt public. Voici ma question : une telle mesure n'a-t-elle pas pour effet d'offrir encore davantage de motifs de défense et de créer encore plus d'échappatoires pour les criminels? N'aurait-elle pas pour effet de prolonger les poursuites et de créer davantage de problèmes pour les tribunaux? Le concept de « l'intérêt public » est très nébuleux.

    Pendant que vous réfléchissez à votre réponse, je vais vous donner un exemple. Un étudiant d'université qui rédige un article dans lequel il décrit la pornographie juvénile de façon très détaillée pourrait faire valoir que son article sert à des fins éducatives et qu'il est dans l'intérêt public. C'est une question de jugement, évidemment, et j'ai l'impression que cette deuxième étape crée en fait de nouvelles échappatoires. Est-ce le cas de cette mesure législative, et ne la rend-on pas dans les faits pire qu'elle ne l'était?

·  -(1305)  

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    Le président: Merci beaucoup.

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    M. Martin Cauchon: La question de l'intérêt public ne relève pas de la deuxième étape, mais de la première. Cela dit, la défense de l'intérêt public est déjà prévue dans le Code criminel; ce n'est rien de nouveau. Cet élément a également été interprété dans l'arrêt Sharpe.

    Il n'y a donc pas de nouvelle échappatoire. À mon avis, nous avons pu élaborer une bonne défense pour protéger nos enfants et notre pays.

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    Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre.

    Merci également aux membres du comité.

    Nous nous réunirons à nouveau mardi prochain à 11 heures.

    La séance est levée.